Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée et son époux sont tous les deux employés à titre d’agents correctionnels travaillant par quarts – la fonctionnaire s’estimant lésée est la principale pourvoyeuse de soins de ses deux jeunes enfants – après la naissance de son premier enfant, elle a commencé à échanger ses quarts de nuit pour des quarts de jour – lorsque son deuxième enfant a atteint l’âge de trois ans, l’employeur a déclaré que les employés ne pouvaient plus échanger tous leurs quarts de nuit et travailler seulement des quarts de jour – la fonctionnaire s’estimant lésée a allégué que cette politique contrevenait à la convention collective, dans la mesure où il y avait discrimination au motif de la situation familiale – la Commission a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas déployé des efforts raisonnables pour s’acquitter de ses obligations en matière de garde d’enfants – elle n’avait pas envisagé des options raisonnables de manière significative, comme la possibilité d’accepter le poste de jour offert par l’employeur – la fonctionnaire s’estimant lésée n’a présenté aucune preuve expliquant pourquoi son époux ne pouvait pas aider en modifiant son horaire de travail – la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas établi une preuve prima facie de discrimination – par conséquent, il n’y avait pas eu violation de la convention collective.

Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20190315
  • Dossier:  566-02-10075
  • Référence:  2019 CRTESPF 36

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

RUBY HAVARD

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Havard c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Andrea Tait, Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (UCCO-SACC-CSN)
Pour l'employeur:
Rebecca Sewell, avocate
Affaire entendue à Abbotsford (Colombie-Britannique)
du 17 au 19 juillet 2018.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1         Ruby Havard, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), a allégué qu’elle a été victime de discrimination de la part de l’employeur, le Service correctionnel du Canada (SCC), au regard de la situation familiale. Elle a allégué que l’employeur lui a refusé la possibilité d’échanger ses quarts de nuit pour des quarts de jour, ce qui lui aurait permis d’être chez elle le soir pour prendre soin de ses enfants. Cette discrimination était en violation de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6; LCDP) et de la convention collective entre le Conseil du Trésor et le Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (l’« agent négociateur »), qui est venue à échéance le 31 mai 2014 (la « convention collective »). Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 8 octobre 2014.

2         Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365; LCRTEFP) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP) qui remplace l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique et l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique (TDFP). Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTFP) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la LRTFP, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

3         Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP, de la LCRTEFP et de la LRTFP pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.

II. Résumé de la preuve

A. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

4         La fonctionnaire est employée à titre d’agente correctionnelle (classée CX-01) à l’Établissement de Matsqui à Abbotsford, en Colombie-Britannique. Elle est mariée à un autre agent correctionnel, qui y travaille également. Ils ont deux enfants, qui à l’époque du grief étaient âgés de 3 et 5 ans. Elle était leur principale pourvoyeuse de soins.

5         En 2014, l’employeur a signalé à la fonctionnaire qu’elle n’était plus autorisée à échanger tous ses quarts de nuit et de ne travailler que les quarts de jour. Elle a demandé officiellement la prise de mesures d’adaptation en raison de sa situation familiale, plus précisément ses besoins de services de garde et son désir de trouver un équilibre entre son travail et sa vie à l’extérieur du travail (l’équilibre travail-vie personnelle) qui lui permettrait de voir son mari afin qu’ils puissent passer plus de temps ensemble en famille. L’employeur aurait pu approuver sa demande sans frais et sans aucune contrainte excessive.

6         La fonctionnaire a cherché de nombreuses solutions de rechange à l’échange de ses quarts de travail en ce qui concerne le service de garde pour ses enfants et a informé l’employeur de l’échec de ses tentatives. En fin de compte, l’employeur a rejeté sa demande, ce qui l’a laissée dans la situation difficile de devoir régler ses problèmes de garde d’enfants tout en s’acquittant de ses obligations professionnelles. N’ayant plus d’autre solution, elle a utilisé ses crédits de congé pour prendre le temps de s’occuper de ses enfants lorsqu’elle ne pouvait pas trouver d’autres services de garde.

7         La fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’elle travaillait des quarts de 12,75 heures sous la forme de 2 quarts de jour suivis de 2 quarts de nuit. Elle avait ensuite 5 jours de congé. À partir de la naissance de son premier enfant en 2009, elle a échangé ses quarts de nuit pour des quarts de jour de sorte que l’horaire qu’elle travaillait, malgré ce qui était sur papier, était de 4 quarts de jour suivis de 5 jours de congé. Cela a continué après la naissance de son deuxième enfant en 2011 et jusqu’au printemps de 2014.

8         Au printemps de 2014, le directeur adjoint des opérations, Mark Bussey, a envoyé un courriel à tous les agents correctionnels de l’établissement (pièce 2, onglet 14), les avisant que les échanges permanents de quarts de travail ne seraient plus permis. Les échanges de quarts de travail devaient être gérés au cas par cas par le gestionnaire correctionnel des horaires et du déploiement, qui les approuverait s’ils étaient appropriés et conformes à la politique de l’employeur.

9         Cela a suscité de grandes préoccupations chez la fonctionnaire. Elle ne pouvait pas travailler des quarts de nuit. Son enfant aîné avait des terreurs nocturnes et avait souffert de convulsions fébriles. Elle avait peur de laisser ses enfants avec sa mère, qui souffrait d’une déficience, car elle n’était pas persuadée que sa mère répondrait la nuit si ses enfants appelaient à cause des médicaments qu’elle prenait.

10        L’époux de la fonctionnaire avait également des quarts de travail à titre d’agent correctionnel. Elle a communiqué avec le syndicat pour obtenir de l’aide et avec la gestionnaire correctionnelle des horaires et du déploiement, Andrea Duval, au sujet des options qui lui étaient disponibles. Mme Duval lui a dit que ce n’était pas sa décision et que la fonctionnaire devait parler à M. Bussey. Le 27 février 2014, la fonctionnaire lui a envoyé par courriel sa demande officielle de mesures d’adaptation (pièce 2, onglet 5).

11        M. Bussey a proposé que la fonctionnaire passe à ce qui était connu sous le nom de poste de 250 jours, ce qui signifierait qu’elle ne travaillerait plus de quarts de 12,75 heures, mais de 7 h à 15 h, du lundi au vendredi. Elle habitait à Surrey, une communauté à environ 50 km d’Abbotsford. Pour se rendre au travail à l’heure, elle a indiqué dans son témoignage qu’elle aurait dû quitter sa maison à 6 h, et qu’il était difficile de trouver des services de garde à ce moment-là de la journée.

12        Travailler des quarts de 7,5 heures signifiait également qu’elle travaillerait 80 à 90 jours de plus par année. Elle pouvait prévoir qu’elle passerait des semaines sans voir son mari, en raison de son horaire à lui. Cela signifiait qu’elle n’aurait pas d’équilibre travail-vie personnelle. Elle ne serait pas en mesure de déposer et d’aller chercher ses enfants ou de participer à aucune des activités pour les enfants d’âge préscolaire.

13        Lorsque la fonctionnaire a expliqué cela à M. Bussey, il a répondu que la mesure d’adaptation proposée était le poste de 250 jours, qui répondait à son besoin de travailler le jour. Il a ajouté que le simple fait qu’elle souhaite quelque chose ne signifiait pas qu’elle en avait besoin. Elle avait besoin d’un quart de jour, et c’est ce que l’employeur lui proposait. Elle a reçu la réponse de l’employeur le 27 mars 2014 (pièce 2, onglet 6).

14        Le poste de 250 jours ne convenait pas à la fonctionnaire ni à sa famille. Elle a communiqué avec sa famille et ses amis pour obtenir de l’aide avec ses quarts de nuit. Elle a contacté des garderies pour voir s’il y en avait qui pourraient accepter qu’elle dépose ses enfants tôt le matin. S’il y en avait une qui acceptait les enfants à 6 h, la fonctionnaire devrait partir de chez elle au plus tard à 5 h 45 pour être au travail à temps pour le début de son quart de travail. Elle n’a pas été en mesure de trouver quelqu’un qui prenne ses enfants aussi tôt. Elle ne pouvait pas se fier à sa mère, et sa belle-mère et ses amis avaient des emplois.

15        Au départ, les échanges de quarts de travail de la fonctionnaire en mai et en juin n’ont pas été approuvés (pièce 2, onglet 7). Son époux a présenté des renseignements supplémentaires à l’appui de sa demande de mesure d’adaptation le 4 avril (pièce 2, onglet 8). Par conséquent, M. Bussey lui a accordé une prolongation jusqu’à la fin d’août 2014 (pièce 2, onglet 9). Dans le cas où, à la fin du mois d’août, elle aurait toujours besoin d’une mesure d’adaptation sous forme de quarts de jour seulement, le résultat aurait été le poste de 250 jours.

16        La fonctionnaire a accepté la prolongation, mais n’était toujours pas d’accord que le poste de 250 jours répondait à ses besoins, et elle en a informé l’employeur de vive voix et par écrit. Elle a parlé à Mme Duval de l’incidence de cela sur sa famille et on lui a indiqué qu’elle [traduction] « a choisi d’avoir des enfants ». Lorsqu’elle a de nouveau parlé à M. Bussey, il lui a dit qu’on lui offrait une mesure d’adaptation par l’intermédiaire du poste de 250 jours. Si elle n’était pas satisfaite, elle pouvait présenter un grief.

17        Les réponses de la direction ont mis la fonctionnaire en colère. La direction ne se souciait aucunement de son équilibre travail-vie personnelle. L’employeur n’a proposé aucune solution de rechange à la mesure d’adaptation du poste  de 250 jours.

18        La demande de la fonctionnaire concernait une mesure d’adaptation temporaire jusqu’en 2016, lorsque ses enfants seraient tous les deux à l’école. Puisqu’elle a refusé la proposition du poste de 250 jours, elle est restée sur sa rotation régulière et espérait que son gestionnaire permettrait l’échange des quarts de travail. Quand cela s’est avéré impossible, elle a pris congé de son quart de travail et a utilisé ses congés accumulés. Les jours où elle devait travailler ses quarts de nuit, son neveu restait avec ses enfants si son époux travaillait également. Leurs horaires se chevauchaient deux fois dans un cycle, une fois pour un quart de nuit et une fois pour un quart de jour.

19        Si la fonctionnaire avait accepté le poste de 250 jours, les horaires du couple ne se seraient chevauchés que sur les quarts de jour de son époux. Par contre, si elle avait gardé le quart de 12,75 heures par jour, ils n’auraient eu besoin de services de garde d’enfants qu’une fois tous les 9 jours et ensuite auraient eu 4 jours de congé ensemble. Avec le poste de 250 jours, le maximum de temps de congé que le couple aurait eu ensemble aurait été de 2 jours, le cas échéant.

20        Il y avait une conséquence financière pour la fonctionnaire en raison des quarts de nuit qu’elle devait travailler. Elle payait son neveu environ 350 $ par mois pour prendre soin de ses enfants. Elle le payait en espèces et n’avait pas obtenu de reçus de lui. Lorsque le commissaire lui a demandé si elle a effectivement payé son neveu, elle a admis qu’elle ne l’a pas fait; elle ne l’a jamais payé.

21        La fonctionnaire est demeurée sur sa rotation. Pour une raison inexpliquée, en 2016, la situation a changé et elle était de nouveau autorisée à échanger ses quarts de travail. Elle a indiqué dans son témoignage qu’elle n’avait pas travaillé un quart de nuit dans les 18 mois avant la tenue de l’audience.

22        Au cours du contre-interrogatoire, on a passé en revue ses horaires personnels avec la fonctionnaire (pièce 2, onglet 13). Dans le cadre de cet exercice, on a identifié des échanges de quarts de travail les jours où l’époux de la fonctionnaire avait un jour de repos, des échanges de quarts de travail de jour pour un jour de repos lorsque son époux était en congé un vendredi et avait un jour de repos un samedi, des échanges de quarts de travail pour un jour de repos lorsque son époux avait un jour de repos, et d’autres échanges de quarts de travail qui n’étaient pas conformes au motif annoncé pour lequel la fonctionnaire souhaitait ces échanges de quarts de travail, c’est-à-dire pour fournir des services de garde pour ses enfants. D’autres échanges de quart de travail ont été effectués pour lui permettre de travailler le même jour que son époux. Il est également devenu évident que les échanges des quarts de travail étaient permis même après août 2014.

23        L’exercice s’est poursuivi pour examiner l’utilisation des congés de la fonctionnaire. Il s’est avéré qu’elle les utilisait plus souvent pour prendre son jour de congé lorsque son époux avait une journée de repos que pour faire en sorte que son horaire fonctionne mieux. En fait, les seuls jours de congé qu’elle a pris après le courriel de M. Bussey étaient pour des jours où son époux avait un jour de repos.

24        Au cours du contre-interrogatoire, la fonctionnaire a admis que le poste de 250 jours n’était pas la seule mesure d’adaptation que l’employeur lui a proposée. Il lui a également proposé de la mettre sur un horaire de travail à l’opposé de celui de son époux. Elle a indiqué dans son témoignage qu’elle a refusé parce que cela ne convenait pas à son équilibre travail-vie personnelle. Elle a également nié que l’employeur ne lui ait jamais proposé de lui permettre de commencer son poste de 250 jours à 8 h au lieu de 7 h, en l’affectant à l’entrée du service. Elle a également admis qu’à aucun moment ni elle ni son époux n’ont pensé à demander une modification de son quart de travail pour s’adapter aux besoins de services de garde de la famille. Elle a admis que l’employeur a proposé de modifier la rotation du quart de travail de son époux pour aider avec les problèmes de services de garde du couple, mais elle a rejeté immédiatement cette offre, sans le consulter.

25        Selon la fonctionnaire, si elle devait accepter le poste de 250 jours, elle ne serait plus admissible aux primes de fin de semaine ou de jours fériés. Elle perdrait ses heures de remplacement. Elle aurait congé les fins de semaine et les jours fériés, et ce serait tout. Aucune prime n’est rattachée au poste de 250 jours, alors que le quart de nuit fournit une prime de quart.

26        La fonctionnaire n’était pas en mesure de donner à l’employeur une raison convaincante que son heure de début de travail constituait un obstacle pour l’obtention de services de garderie. On lui a demandé à l’audience pourquoi, si son neveu restait avec les enfants la nuit, il ne pouvait les amener à la garderie; elle n’a pas répondu. On lui a demandé pourquoi, si son heure de début régulière était 7 h pour le quart de jour de 12 heures, qu’elle travaillait ainsi que son époux, et pour lesquels la garderie ne posait pas de problème, cela poserait problème si elle devait travailler un quart de jour de 8 heures. Elle n’a fourni aucune réponse convaincante. Enfin, lorsqu’on lui a demandé si le fait de commencer à 8 heures aurait réglé ses problèmes de garderie, elle a simplement nié que cette option n’ait jamais été proposée. Lorsqu’on lui a demandé ce qui aurait réglé sa situation, sa réponse était de pouvoir continuer à faire ce qu’elle faisait avant que l’employeur ne modifie les règles concernant les échanges des quarts de travail.

27        Amarjot (Rick) Ghuman a témoigné au nom de la fonctionnaire. Il est membre du comité dirigeant du syndicat local depuis 2010, est membre du comité conjoint sur les horaires de travail, et s’occupe des mesures d’adaptation des agents correctionnels (AC) depuis le début de 2014. Les demandes de prise de mesures d’adaptation les plus difficiles sont celles au motif de la situation familiale. L’employeur fournit rarement une justification pour avoir refusé la demande d’un AC pour ce motif. Lorsqu’il convient d’en accorder une, il lui impose des conditions.

28        M. Ghuman a indiqué dans son témoignage que le comité conjoint sur les horaires de travail se réunit lorsqu’il faut créer de nouveaux horaires. L’horaire proposé est présenté aux membres du syndicat pour vote, et s’ils l’approuvent, il est présenté au niveau régional puis au niveau national aux fins d’approbation.

29        À un moment donné entre 2013 et 2015, M. Bussey a demandé la création d’un quart de jour de 12 heures. M. Ghuman lui a dit que cela ne pouvait fonctionner de cette façon; si un quart de jour de 12 heures était créé, il faudrait alors créer un quart de nuit de 12 heures pour lui faire miroir. Si un AC ne devait travailler que des quarts de nuit, il ou elle n’aurait aucune interaction significative avec les détenus. La proposition de M. Bussey n’a jamais été présentée aux membres du syndicat.

30        Au moment du grief, l’établissement était en sureffectif. L’horaire avait 108 lignes et le personnel comptait 121 AC. Les niveaux de dotation sont demeurés excédentaires jusqu’au début de 2017, selon M. Ghuman.

31        À l’appui de la demande de la fonctionnaire d’échanger tous ses quarts de nuit en bloc, M. Ghuman a envoyé un courriel au commissaire du SCC. Sa justification était que le Bulletin des relations de travail, qui accompagne le Bulletin de gestion des Ressources humaines #2013-03 (le « bulletin »), indique à la page 2 que les échanges en bloc des quarts de travail peuvent faire partie d’un plan de prise de mesures d’adaptation (pièce 2, onglet 20, page 2). La clause 21.03 de la convention collective établit les règles pour les échanges des quarts de travail. Cette convention a la priorité sur un bulletin des Ressources humaines. Les échanges de quarts de travail n’ont jamais cessé à l’établissement.

32        Lorsque la fonctionnaire a demandé la prise de mesures d’adaptation, des agents supplémentaires étaient disponibles qui auraient pu prendre ses quarts de travail; pourtant, l’employeur n’a pas permis les échanges. On lui a donné deux options : les quarts de travail de nuit, ou de prendre le poste de 250 jours. Il n’y avait aucune raison pour que l’échange des quarts en bloc prenne fin, selon l’avis de M. Ghuman. La clause 21.03 ne mentionne pas l’échange des quarts de travail en bloc; il mentionne seulement que les échanges des quarts de travail nécessitent l’approbation de l’employeur.

33        Avec le changement de l’équipe de direction au fil des ans depuis la décision de mettre fin aux échanges en bloc des quarts de travail, les choses sont redevenues normales et le courriel de M. Bussey n’est plus respecté, selon le témoignage de M. Ghuman.

B. Pour l’employeur

34        M. Bussey a indiqué dans son témoignage qu’en tant que directeur adjoint des opérations à l’établissement, il est responsable, entre autres choses, de l’établissement des horaires des AC. En tant que dirigeant du département, il est membre du comité des mesures d’adaptation.

35        Entre 2014 et 2016, les AC à l’établissement travaillaient l’un des horaires suivants : un poste de 250 jours, 12,75 heures sur 2 jours et 2 nuits avec ensuite 5 jours de repos, ou un horaire de 9 heures appelé [traduction] « de côté ». Tous les horaires étaient recommandés pour approbation aux différents niveaux par le Comité sur les horaires de travail de l’établissement, qui était un comité conjoint patronal-syndical. Ils étaient élaborés à partir de l’horaire-maître, qui à l’établissement avait 97 lignes. L’appendice K de la convention collective établit les lignes directrices pour l’établissement des horaires. Une partie ne peut pas unilatéralement créer un nouvel horaire. La modification d’un horaire exige le consentement de l’autre partie.

36        La description de travail du poste CX-01 (pièce 3, onglet 11) exige que les AC aient connaissance de tous les postes dans un établissement, ce qui est acquis par une rotation de tous les AC sur tous les quarts de travail. La rotation des postes est un élément essentiel des compétences des AC; ils doivent être suffisamment souples pour assumer n’importe quel rôle à tout moment.

37        Un certain nombre d’avantages reviennent aux AC qui travaillent des quarts variables. Les primes de quart s’appliquent aux heures travaillées en dehors de 7 h à 15 h ou de 8 h à 16 h. Les AC qui travaillent des quarts reçoivent 93 heures de remplacement par année, pour compenser les jours fériés manqués. Ils doivent être utilisés en tant que congé ou encaissés, à la discrétion de l’AC. Les postes de travail de jour des AC ont des congés tous les jours fériés, avec rémunération.

38        Les échanges de quarts de travail sont autorisés aux termes de la clause 21.05 avec un préavis suffisant, l’approbation de l’employeur, et aussi longtemps que l’échange n’entraîne pas des coûts supplémentaires pour l’employeur. Ils ne peuvent pas être ouverts; ils ne peuvent pas dépasser la durée de l’horaire en cours et doivent se conformer au bulletin (pièce 2, onglet 20). Ils visent à fournir aux membres du personnel l’occasion de répondre à leurs besoins à court terme et ne visent pas à créer un horaire nouveau ou personnalisé. Il serait rare que M. Bussey soit impliqué dans une demande d’échange de quarts de travail; son rôle étant de surveiller la conformité aux politiques de l’employeur.

39        Les demandes de mesures d’adaptation sous forme de changement de quart de travail passent par le comité du personnel de l’établissement si elles sont destinées à être à long terme. Lorsqu’il en reçoit une, M. Bussey rencontre le gestionnaire correctionnel des horaires et du déploiement pour examiner les options. Le gestionnaire correctionnel discute ensuite de ces options avec l’AC. Une fois que les options sont déterminées, elles sont présentées devant ce comité pour approbation.

40        Au moment d’élaborer les options, M. Bussey et le gestionnaire correctionnel des horaires et du déploiement examinent la nature de la demande, les limites des AC, le cas échéant, la durée de la mesure d’adaptation (temporaire ou permanente), combien d’autres personnes dans l’établissement font déjà l’objet de mesures d’adaptation, et les postes disponibles en dehors des rangs des AC qui répondent aux besoins du fonctionnaire en question. S’il n’est pas possible de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de l’AC au sein de l’établissement, M. Bussey cherchera à l’extérieur de l’établissement, mais au sein du SCC.

41        Le rôle du fonctionnaire au moment de demander une mesure d’adaptation est d’être pleinement engagé, d’explorer toutes les options, être souple, et collaborer avec le processus de la prise des mesures d’adaptation. Les besoins de l’employé peuvent être identifiés dans les notes du médecin ou par l’intermédiaire du syndicat. L’employeur doit établir un équilibre entre les besoins de l’employé et ceux de l’établissement.

42        M. Bussey a indiqué dans son témoignage que son courriel (pièce 2, onglet 14) n’a pas éliminé les échanges de quarts de travail. Son intention était de les rendre conformes à la façon dont ils étaient destinés à être utilisés. Après un examen périodique, le gestionnaire correctionnel des horaires et du déploiement a porté à son attention la quantité de travail en cause avec la façon dont les échanges de quarts de travail étaient utilisés. Des centaines d’échanges de quarts de travail avaient lieu par mois; tous étaient traités par le bureau du gestionnaire correctionnel. Afin de gérer la charge de travail découlant de la gestion des échanges de quarts de travail aux termes de la politique qui avait été publiée six mois plus tôt, M. Bussey a envoyé le courriel. Environ un mois plus tard, la fonctionnaire a soulevé sa question avec lui.

43        La fonctionnaire a envoyé un courriel à M. Bussey pour demander une mesure d’adaptation. Elle faisait partie des AC qui se servaient des échanges des quarts de travail pour gérer leurs horaires personnels. Elle avait un partenaire avec qui elle échangeait ses quarts de travail pour travailler 12,75 heures le jour seulement; le partenaire ne travaillait que des quarts de nuit de 12,75 heures. Les deux se livraient à cette pratique depuis un certain temps avant que M. Bussey ne reçoive sa demande de mesures d’adaptation. Elle souhaitait poursuivre cet arrangement pendant encore 2,5 ans, bien que les échanges de quarts de travail n’étaient destinés qu’à une utilisation à court terme. Elle continuait d’échanger ses quarts de travail pendant que M. Bussey cherchait des options de mesures d’adaptation.

44        Selon M. Bussey, tous les AC travaillent 2 087 heures par année, quel que soit leur quart de travail. Si elle travaillerait le poste de 250 jours, la fonctionnaire serait dans le lieu de travail plus souvent, mais ne travaillerait pas un plus grand nombre d’heures. Elle travaillerait des quarts de travail plus courts. Il n’y aurait pas de sanction pécuniaire. Elle serait rémunérée pour ses jours fériés, mais ne serait pas tenue de travailler ces jours-là.

45        À titre de mesure d’adaptation convenable, la fonctionnaire a proposé que l’employeur crée un nouveau quart pour elle, ce qui n’était pas possible sans le consentement du syndicat. Par conséquent, M. Bussey a dû examiner d’autres options. Les lettres de la fonctionnaire (celle qu’elle a rédigée et celle rédigée par son époux qu’elle a présentées) faisaient des déclarations, mais ne fournissaient aucune preuve à l’appui de ses affirmations que rien d’autre que les échanges de quarts de travail ne lui permettraient de respecter ses obligations familiales.

46        Le comité du personnel de l’établissement a examiné la demande de mesures d’adaptation de la fonctionnaire. Il a conclu que la seule mesure d’adaptation qui répondrait à son besoin manifeste de ne travailler que les quarts de jour était le poste de 250 jours. Ce fait a été déterminé suivant la réponse à la question sur la façon de répondre à ses besoins au sein de la structure horaire existante, sachant que les échanges de quarts de travail à durée indéterminée ne seraient pas approuvés. Le poste de 250 jours répondait à ses besoins fondamentaux.

47        L’employeur a bien exploré l’option de créer un quart de jour de 12,75 heures pour des mesures d’adaptation de nature religieuses. Il aurait été question d’un horaire de 6 lignes pendant les jours et 6 lignes pour les nuits. Le président du syndicat local à l’époque et M. Ghuman ont refusé de l’envisager en raison de l’incidence qu’elle aurait eue sur les autres agents, selon M. Bussey.

48        Permettre des échanges de quarts de travail indéfiniment n’assure pas l’employeur que les AC qui y prennent part seront exposés à tous les postes et à toutes les routines, en particulier les AC qui ne travaillent strictement que des quarts de nuit. Si la fonctionnaire devait travailler le poste de 250 jours, l’employeur pourrait miser sur cette assurance et répondre à ce besoin opérationnel. L’employeur a tenu compte de ses préoccupations concernant le début du quart de jour à 7 h, et lui a proposé de travailler de 8 h à 16 h au lieu de 7 h à 15 h, pour répondre à ses besoins en matière de garderie.

49        Dans les discussions avec la fonctionnaire et son époux, M. Bussey a indiqué dans son témoignage qu’il a déterminé que l’une de leurs principales préoccupations était qu’elle n’aurait plus le droit aux heures de remplacement et à la souplesse des congés offerts par ces heures.

50        M. Bussey ne pouvait pas comprendre pourquoi la fonctionnaire ne pouvait pas commencer un poste de 250 jours à 7 h alors que tous les quarts de 12 heures qu’elle travaillait commençaient à ce moment-là. Lorsqu’il lui a posé cette question, elle n’a pas répondu. Il y avait des postes de 250 jours qui n’exigeaient pas qu’elle commence à 7 h, tels que l’escorte des détenus ou l’entrée de service. Bien qu’il ne lui ait pas proposé la possibilité de commencer à 8 h, la sous-directrice lui a indiqué qu’elle l’avait fait au cours de la procédure de règlement des griefs.

51        Après avoir reçu la lettre de l’époux de la fonctionnaire (pièce 2, onglet 8), M. Bussey a de nouveau examiné les options disponibles pour répondre à ses besoins. Il a augmenté la souplesse de son approche et a modifié la mesure d’adaptation. Elle a été autorisée à continuer d’échanger ses quarts de travail de nuit jusqu’à la fin d’août 2014, pour lui donner le temps d’explorer des options de garderie ou de mettre au point de nouveaux arguments. Après cela, si elle avait toujours besoin de la mesure d’adaptation, l’employeur était prêt à lui proposer un poste de 250 jours, qui répondait aux besoins cernés dans sa demande. Tout cela a été confirmé dans un courriel qui lui était adressé le 7 avril 2014 (pièce 2, onglet 9).

52        Les prochaines nouvelles que M. Bussey a eue de la fonctionnaire étaient sous la forme du présent grief. Après qu’il n’eut pas eu d’autres nouvelles de sa part jusqu’en septembre 2014, il a jugé que l’affaire était close; soit elle avait trouvé une solution à ses besoins de garde, soit elle avait accepté le poste de 250 jours.

53        Il y a une perception dans l’établissement selon laquelle les mesures d’adaptation au motif de la situation familiale sont plus difficiles à obtenir de l’employeur. Les deux parties doivent prendre part à la recherche de la solution. Dans cette situation, la fonctionnaire n’était pas disposée à envisager une autre solution que l’échange des quarts de travail. Elle devait démontrer qu’elle avait épuisé toutes les options avant de demander une mesure d’adaptation. Toute mesure d’adaptation qui lui était proposée ne correspondrait pas nécessairement à ce qu’elle avait demandé, à condition qu’elle réponde aux besoins déterminés.

54        M. Bussey est conscient de son obligation en tant que gestionnaire aux termes des Lignes directrices du SCC sur les Mesures d’adaptation en milieu de travail (pièce 2, onglet 21). Il est également conscient que chaque cas doit être évalué en fonction de son mérite et peut exiger des changements aux horaires de travail pour répondre aux besoins de la personne qui demande la mesure d’adaptation. Les échanges en bloc ont peut-être été utilisés par certains établissements dans le passé pour gérer les mesures d’adaptation (pièce 2, onglet 17, page 2). Il incombe à l’employeur de démontrer la contrainte excessive.

55        Selon M. Bussey, la fonctionnaire n’a pas fourni suffisamment de renseignements nécessaires de l’ampleur et de l’étendue pour que l’employeur prenne une décision éclairée. Il a eu deux réunions avec elle et une avec son époux. La seule solution qu’ils étaient d’accord d’envisager était d’échanger ses quarts de travail sur sa rotation actuelle.

56        Lorsqu’on lui a proposé le poste de 250 jours, l’heure du début à 7 heures est devenue le problème que M. Bussey ne pouvait pas comprendre, puisque tous les quarts de travail de 12 heures commençaient à 7 h. Étant donné que certains quarts de 12 heures de la fonctionnaire tombaient sur les fins de semaine, M. Bussey a proposé d’harmoniser l’horaire du couple, afin de permettre les arrangements en matière de garde. La fonctionnaire a refusé cette option, sans aucune considération.

57        Theresa MacNeill a affirmé dans son témoignage qu’elle était la sous-directrice de l’établissement au moment du présent grief. Lorsqu’elle a présidé l’audience du grief, elle était la directrice par intérim. Dans son rôle de sous-directrice, elle présidait les réunions auxquelles toutes les demandes de mesures d’adaptation étaient examinées et discutées.

58        La demande de la fonctionnaire a été présentée au comité en mars ou avril 2014. Le principal problème avec sa demande était que bien qu’elle ait demandé des mesures d’adaptation au motif de la situation familiale, elle demandait en réalité d’être exemptée de l’interdiction d’échanger les quarts de travail et d’être autorisée à échanger tous ses quarts de nuit, pour 18 mois. Le comité qui a examiné la demande était composé de cadres intermédiaires et supérieurs à l’établissement. Il a examiné si la demande pouvait être gérée dans le cadre des règles existantes concernant l’établissement des horaires et si elle pouvait être gérée pour 18 mois. Le comité a demandé des renseignements supplémentaires, que son époux a fournis.

59        Il semblait que la principale préoccupation de la fonctionnaire en ce qui concerne le poste de 250 jours était les heures d’ouverture des garderies et non l’heure du début du quart de travail. Les renseignements qu’elle et son époux ont fournis n’étaient toujours pas assez précis; Mme MacNeill cherchait plus de détails. Elle a de nouveau posé la question sur l’heure de début du poste de 250 jours à la réunion du grief au deuxième palier. Elle a également proposé d’autres moyens de régler les préoccupations de la fonctionnaire avec les heures d’ouverture des garderies, telles que la compensation des quarts de travail de l’époux de la fonctionnaire de sorte qu’ils ne commencent pas et ne se terminent pas en même temps. La fonctionnaire a indiqué que ce n’était pas faisable non plus, bien qu’elle soit demeurée axée sur le fait qu’elle ne pourrait pas commencer un poste de 250 jours à 7 h.

60        Mme MacNeill a indiqué dans son témoignage que la fonctionnaire n’était d’accord avec aucune des options qu’on lui proposait et qui, selon l’employeur, répondaient à ses besoins. La seule mesure d’adaptation qu’elle acceptait était le droit d’échanger tous ses quarts de nuit de 12,75 heures. En d’autres mots, elle souhaitait continuer à faire ce qu’elle faisait déjà. Parc ontre, cela ne tenait pas compte des besoins de l’employeur ni du fait qu’elle n’exécuterait pas tout l’éventail des horaires de travail ni toute la gamme des fonctions des AC. Cela aurait également signifié que d’autres agents auraient dû récolter des tâches supplémentaires lors de quarts de travail que la fonctionnaire aurait dû travailler.

61        Selon le bulletin (pièce 3, onglet 8), les échanges de quarts de travail ne sont pas destinés à être permanents ni un moyen de répondre aux besoins d’un employé à long terme. La demande de la fonctionnaire n’était pas pour un arrangement temporaire. On lui a donné une fenêtre de quatre mois au cours desquels elle pouvait continuer à échanger ses quarts de travail de sorte qu’elle puisse trouver d’autres arrangements de services de garde avant que l’option du poste de 250 jours ne devienne la solution de l’employeur.

62        Le bulletin est clair concernant le fait que les échanges de quarts de travail ne devaient pas servir à créer de nouveaux horaires de quarts de travail, ce qui était essentiellement la proposition de la fonctionnaire. La création de nouveaux horaires de quarts de travail exige une consultation avec le syndicat à l’échelle locale, régionale et nationale, avant de pouvoir les mettre en œuvre. Lorsque l’employeur a tenté de le faire pour créer un horaire pour des mesures d’adaptation pour des raisons religieuses, le syndicat local a refusé de l’envisager.

63        Mme MacNeill a confirmé aux représentants syndicaux de la fonctionnaire que l’employeur était disposé à lui proposer le poste de 250 jours (pièce 2, onglet 19). Le président du syndicat a répondu, alléguant que l’employeur créait des postes de jour pour répondre aux besoins des travailleurs, ce qui n’était pas le cas. Les postes envisagés pour la fonctionnaire étaient tous préexistants et entièrement financés.

64        La fonctionnaire n’était pas en mesure d’exprimer ou d’expliquer la raison pour laquelle un poste de 250 jours ne répondait pas à ses besoins, même lorsqu’on lui a proposé un poste de jour commençant à 8 h si le fait de commencer le travail à 7 h s’avérait difficile. Elle et son époux ont refusé toute offre de le mettre sur une nouvelle configuration de rotation. Tout ce qui l’intéressait était de continuer à échanger ses quarts de travail comme elle le faisait avant que le bulletin mettant fin à ces échanges n’ait été publié. Sa principale priorité était de maintenir son horaire actuel au moyen de l’échange des quarts de travail.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

65        La fonctionnaire a cherché à respecter ses obligations de prendre soin de ses enfants et à maintenir son équilibre travail-vie personnelle. Pour ce faire, les deux parents avaient besoin d’être présents, particulièrement puisqu’il s’agissait de plus d’un enfant. La demande de la fonctionnaire était possible sans qu’il en coûte à l’employeur, qui a établi qu’il n’y avait pas de contrainte excessive. Elle a cherché de nombreuses solutions de rechange et a tenu son employeur au courant de ses efforts. D’autre part, l’employeur n’a fait aucun effort réel pour répondre à ses besoins. La proposition qu’il lui a faite ne répondait pas à ses besoins.

66        La fonctionnaire a proposé une solution raisonnable pour répondre à ses besoins en matière de garde d’enfants que l’employeur n’a pas prise en considération avant de la refuser. Cela l’a placée dans une situation difficile. Elle pouvait répondre à ses obligations de garde d’enfants, ou elle pouvait être présente au travail, au besoin. Elle n’avait aucun autre choix que d’utiliser des crédits de congé pour prendre le temps de s’occuper de ses enfants à ces occasions où il était difficile, voire impossible, d’assurer la garde des enfants.

67        L’article 37 de la convention collective stipule clairement qu’il n’y aura aucune discrimination du fait de la situation familiale.

68        Au début de 2014, l’employeur a avisé les AC qu’ils n’étaient plus autorisés à échanger leurs quarts de travail en bloc. La fonctionnaire a demandé à être autorisée à continuer de le faire jusqu’à l’automne de 2016, lorsque ses deux enfants seraient d’âge scolaire. L’employeur a refusé, faisant ainsi preuve de discrimination à son endroit, contrairement à l’article 37 de la convention collective, et manquant à son obligation de prendre des mesures d’adaptation.

69        La LCDP prévoit la protection contre la discrimination en ce qui concerne la liberté de choisir d’avoir des enfants. L’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour respecter cette liberté de choix est très vaste. L’employeur avait l’obligation de travailler avec la fonctionnaire pour créer une solution fonctionnelle qui équilibre ses obligations parentales avec ses occasions d’emploi, sauf contrainte excessive (voir Johnstone c. l’Agence des services frontaliers du Canada, 2010 TDCP 20, aux paragraphes 231 à 233).

70        En l’espèce, l’employeur a bien accordé du temps à la fonctionnaire, jusqu’en août 2014, pour trouver une solution. Il est reconnu qu’il lui a proposé un poste de 250 jours commençant à 7 h. Le problème avec cette offre était qu’elle n’avait pas accès à des services de garde si tôt le matin, cinq jours par semaine. Elle a fourni à l’employeur une liste des garderies dans sa région et leurs heures d’ouverture. Elle a expliqué l’incidence que le refus de l’échange des quarts de travail par l’employeur avait sur sa famille. Pourtant, la seule offre était le poste de 250 jours, ce qui n’était pas suffisant, selon le paragraphe 233 de Johnstone.

71        La fonctionnaire s’est acquittée de ses obligations de travailler avec l’employeur dans le cadre du processus de prise de mesures d’adaptation en envisageant les options qu’il a proposées. Il ne s’est pas réuni avec elle pour discuter de sa décision de lui attribuer le poste de 250 jours. Il n’était pas flexible. Il a insisté sur sa solution, et rien d’autre. Il ne s’agissait pas d’un véritable processus de mesures d’adaptation. L’employeur a refusé de travailler avec elle pour trouver une solution qui fonctionne pour les deux parties. La solution de la fonctionnaire a été prouvée en ce sens qu’elle fonctionnait depuis des années, jusqu’à ce que la décision arbitraire de l’employeur prise un jour au hasard ait eu des répercussions importantes sur ses arrangements de garde d’enfants.

72        L’employeur a des procédures pour le processus de mesures d’adaptation, dont M. Bussey ne s’est pas servi. À titre de décideur, il était responsable de veiller à ce que toutes les mesures aient été suivies. Il ne comprenait pas pourquoi la fonctionnaire ne voulait pas travailler le poste de 250 jours; elle lui a expliqué dans la deuxième demande que sur son horaire actuel, elle n’avait besoin que de 2,5 jours de garderie par semaine, par conséquent, elle avait pris des dispositions dans ce sens, et rien de plus. Sa mère avait des problèmes de santé, c’est pourquoi il lui était difficile de fournir des services de garde d’enfants à long terme. L’employeur devait travailler plus à trouver une solution pour répondre aux besoins de la fonctionnaire et non proposer une solution qui signifiait plus de jours au travail, ce qui augmentait le besoin de services de garde.

73        Le simple fait d’offrir une prolongation de la période au cours de laquelle les échanges de quarts de travail étaient autorisés de sorte que la fonctionnaire puisse régler ses problèmes de garde d’enfants n’était pas une mesure d’adaptation raisonnable (voir Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Seeley, 2014 CAF 111, aux paragraphes 58 et 59). Le processus décisionnel doit être examiné, ainsi que la décision définitive, pour déterminer si l’employeur a respecté son obligation de prendre des mesures d’adaptation (voir Whyte c. la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2010 TCDP 22). En l’espèce, l’employeur n’a donné aucune justification à la fonctionnaire quant à la raison pour laquelle elle ne serait plus en mesure d’échanger ses quarts de travail en bloc. Sa politique autorisait les mesures d’adaptation temporaires au moyen d’échanges de quarts de travail.

74        La fonctionnaire a expliqué la raison pour laquelle elle avait besoin de mesures d’adaptation jusqu’en septembre 2016. C’était le moment où ses enfants seraient tous les deux à l’école. M. Ghuman a indiqué dans son témoignage qu’il était plus facile d’accorder des mesures d’adaptation pour des raisons autres que la situation familiale, selon l’expérience des autres. Pour une raison ou pour une autre, les mesures d’adaptation au motif de la situation familiale étaient assujetties à un examen plus approfondi. L’employeur considérait manifestement le fait d’avoir des enfants comme un choix personnel, qui amenait des changements au mode de vie de la fonctionnaire auxquels elle devait s’adapter, et non l’employeur. On lui a indiqué de déposer un grief si elle n’était pas satisfaite de la mesure d’adaptation qui était proposée.

75        Le critère pour établir la preuve prima facie de discrimination en milieu de travail fondée sur le motif illicite de la situation familiale a été énoncé comme suit dans Canada (Procureur général) c. Johnstone, 2014 CAF 110, au paragraphe 93 (« Johnstone (CAF) ») :

[93] […] la personne qui soutient être victime de discrimination doit démontrer (i) qu’elle assume l’entretien et la surveillance d’un enfant; (ii) que l’obligation en cause relative à la garde des enfants fait jouer sa responsabilité légale envers cet enfant et qu’il ne s’agit pas simplement d’un choix personnel; (iii) que la personne en question a déployé les efforts raisonnables pour s’acquitter de ses obligations en matière de garde d’enfants en explorant des solutions de rechange raisonnables et qu’aucune de ces solutions n’est raisonnablement réalisable; et (iv) que les règles attaquées régissant le milieu de travail entravent d’une manière plus que négligeable ou insignifiante sa capacité de s’acquitter de ses obligations liées à la garde des enfants.

[…]

76        Il est incontestable que la fonctionnaire avait deux jeunes enfants à sa charge et qu’elle avait une obligation légale d’assurer leur bien-être, ce qui répond aux deux premiers critères. Quant au troisième, elle a fait des efforts raisonnables pour répondre à ses obligations de garde d’enfants lorsqu’il est devenu évident que sa demande ne serait pas approuvée. Elle a demandé des renseignements concernant les garderies, particulièrement en ce qui concerne leurs heures d’ouverture.

77        La réponse de l’employeur était qu’elle ne lui a pas fourni de renseignements suffisants, voire aucun renseignement sur la disponibilité des places en garderie. Cependant, il n’y a aucune preuve qu’il a demandé des renseignements concernant les places disponibles en garderie. Quelle différence cela aurait-il faite s’il y avait eu des places disponibles à une garderie, si celle-ci n’ouvrait pas assez tôt pour que la fonctionnaire se rende au travail?

78        Le troisième critère oblige la fonctionnaire à démontrer qu’elle a déployé des efforts raisonnables pour s’acquitter de ses obligations relatives à la garde des enfants en explorant des solutions de rechange raisonnables et qu’aucune de ces solutions n’était raisonnablement réalisable (voir Johnstone (CAF), au paragraphe 96). Elle doit démontrer que ni elle ni son mari ne pouvaient s’acquitter de leurs obligations relatives à la garde des enfants tout en continuant de travailler. Son époux travaillait le même quart de travail de 12 heures qu’elle, au même établissement. Il ne pouvait pas fournir les services de garde.

79        La mère de la fonctionnaire offrait de l’aide, mais sa déficience l’empêchait de les aider au cours de la nuit. La fonctionnaire échangeait ses quarts de nuit de façon à pouvoir s’occuper des enfants la nuit, après la naissance de son premier enfant. Elle a combiné son horaire avec celui d’un collègue; elle travaillait tous les quarts de jour, tandis que le collègue travaillait tous les quarts de nuit. Lorsqu’on compare l’horaire de la fonctionnaire à celui de son époux, il pourrait sembler que les échanges de quarts de travail n’étaient pas faits à des fins de garde d’enfants. Même s’ils n’étaient pas directement liés à la garde des enfants, ils y avaient peut-être un lien fortuit. Elle aurait peut-être pu passer du temps libre ces jours-là avec son époux et ses enfants.

80        La situation dont la Commission est saisie est semblable à celle dans l’affaire Richards c. la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2010 TCDP 24. Dans cette affaire, l’employeur n’a fait aucun effort pour comprendre la situation de l’employée. Il a ignoré ses lettres et a décidé de traiter son cas comme un problème de garde d’enfants. Sans discuter avec l’employée, il a jugé qu’il savait ce qui était mieux pour elle, et ce dont elle avait besoin. Selon le Tribunal canadien des droits de la personne, ce comportement était inconsidéré (au paragraphe 27).

81        M. Bussey n’a pas suivi la politique de l’employeur. Il avait une meilleure connaissance des besoins de la fonctionnaire qu’elle-même, sans lui parler. Sa conduite était inconsidérée. Sa persistance en insistant sur le poste de 250 jours, malgré le fait qu’on lui ait dit constamment qu’il ne répondait pas à ses besoins et la raison pour laquelle il n’y répondait pas, était irresponsable. Il ne lui a jamais expliqué la raison pour laquelle soudain elle ne pouvait plus effectuer les échanges en bloc de quarts de travail. Puis, tout à coup, à la fin de l’année 2016, elle pouvait de nouveau les effectuer. L’employeur l’a appliquée de façon arbitraire pour la période pendant laquelle elle a demandé une mesure d’adaptation. Sa politique reconnaissait que les échanges en bloc de quarts de travail étaient une possibilité pour répondre aux besoins de mesures d’adaptation.

82        Si elle travaillait le poste de 250 jours, la fonctionnaire aurait besoin de services de garde supplémentaires. Lorsqu’elle travaillait sa rotation de 12,75 heures de jour-jour puis nuit-nuit, elle avait besoin de services de garde pendant 2,5 jours, tous les 9 jours. Ne travailler que la journée signifiait qu’elle avait besoin de services de garde 5 jours sur 7. Son défi était de trouver une garderie uniforme pour les deux prochaines années, en particulier une garderie qui ouvrait ses portes assez tôt pour qu’elle se rende au travail.

83        Le bulletin ne fait pas partie de la convention collective, qui est claire au sujet des exigences pour un échange de quarts de travail. Ces exigences sont qu’il faut un préavis, l’employeur doit l’accepter, et il ne doit pas y avoir de frais supplémentaires pour l’employeur. La seule façon pour que l’employeur n’accepte pas les échanges était de les rendre impossibles. La modification de l’application de la convention collective a eu un effet néfaste sur la capacité de la fonctionnaire de fournir la garde d’enfants. On lui a refusé le droit d’échanger les quarts de travail entre août 2014 et septembre 2016. L’employeur a suggéré de modifier le quart de travail de son époux, mais cela aurait tout de même causé des problèmes de déplacement et de services de garde.

84        La décision unilatérale de l’employeur de faire appliquer le bulletin a privé la fonctionnaire de la capacité de répondre à ses besoins liés aux services de garde. Au moment de l’audience, elle était toujours en mesure d’effectuer les échanges en bloc de quarts de travail, ce qui démontre de façon manifeste le caractère arbitraire de la décision de l’employeur en 2014. À la suite de ses actions arbitraires, elle a été laissée aux prises avec des problèmes de garde d’enfants de dernière minute, étant donné qu’elle ne pouvait plus planifier.

85        L’employeur a soutenu qu’il a proposé à la fonctionnaire l’option de commencer le travail à 8 h, mais il n’y a aucune preuve qu’il l’a fait, autre que le témoignage de Mme MacNeill. Même s’il l’a fait, cela ne s’est produit qu’au moment où le grief a été renvoyé hors de l’établissement au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Ni la fonctionnaire ni ses représentants syndicaux ne se souviennent que cela n’a jamais été proposé. Ce n’est mentionné dans aucune correspondance. Si cette option avait été proposée, la fonctionnaire l’aurait acceptée, puisqu’elle était claire dans sa correspondance au sujet des heures d’ouverture des garderies qu’elle ne pouvait pas commencer le travail avant 8 h.

86        La fonctionnaire a remis en question si l’employeur n’a jamais sérieusement envisagé créer un nouvel horaire pour des mesures d’adaptation pour des raisons familiales ou religieuses et suivre le processus énoncé à l’Appendice K de la convention collective. Ce processus est très engagé et, à son avis, il est peu probable que l’employeur aurait été intéressé à l’entreprendre.

87        La préoccupation de la fonctionnaire au sujet de la perte de ses heures de remplacement est légitime. Ce sont des heures accumulées qu’elle peut utiliser à sa discrétion pour un congé, ou elles peuvent être payées. Elles lui ont donné ses jours de congé supplémentaires et l’ont aidée à s’absenter de son milieu de travail. L’argument de la prime de poste n’a pas de pertinence étant donné qu’elle n’aurait pas travaillé le quart de travail pour lequel elle aurait été pertinente.

88        Les échanges de quarts de travail en bloc fonctionnaient pour la fonctionnaire et l’employeur. Elle a trouvé quelqu’un avec qui effectuer cet échange. Tout ce que l’employeur avait à faire, c’était d’approuver l’échange. Elle a trouvé son remplacement sans frais supplémentaires pour l’employeur. Quelle contrainte y avait-il pour l’employeur à approuver un échange de quarts de travail? Sa seule obligation n’aurait pas changé si la situation avait été officialisée en tant que mesure d’adaptation.

89        Une fois qu’une preuve prima facie de discrimination a été établie par un fonctionnaire s’estimant lésé, il incombe à l’employeur de démontrer qu’une norme discriminatoire à première vue est une expérience professionnelle justifiée et que le fonctionnaire a fait l’objet de mesures d’adaptation au point de la contrainte excessive (voir Patterson c. Canada Agence du revenu, 2011 CF 1398, au paragraphe 48). Il incombe à l’employeur de prouver que le fonctionnaire a fait l’objet de mesures d’adaptation au point d’une contrainte excessive (voir British Columbia (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3).

90        L’employeur a adopté une politique qui, à son avis, était légitime, permettant l’échange en bloc de quarts de travail à titre exceptionnel aux fins de mesures d’adaptation temporaires. De toute évidence, ce que demandait la fonctionnaire ne constituait pas une contrainte excessive et n’était pas impossible. L’employeur a rejeté sa proposition, qui était simple, ne comportait aucun coût, et était déjà utilisée. La décision unilatérale de l’employeur d’appliquer le bulletin de la façon dont il l’a fait a donné lieu à de la discrimination, mais ironiquement, la solution était comprise dans le bulletin.

91        La fonctionnaire demande, à titre de mesure corrective, des dommages-intérêts pour discrimination et des dommages-intérêts réels, moraux et exemplaires. Elle demande le remboursement de tout congé qu’elle aurait utilisé entre août 2014 et septembre 2016 pour couvrir les quarts de nuit, le montant de 350 $ pour les frais de garde des enfants par mois pour la même période, s’élevant à un total de 8 400 $, ainsi que 8 000 $ en dommages-intérêts aux termes de l’alinéa 53(2)e) de la LCDP pour l’application délibérée et inconsidérée de la politique de l’employeur lorsqu’il a permis l’échange des quarts de travail à titre de mesure d’adaptation et pour le refus d’envisager la proposition de la fonctionnaire en tant que solution possible à sa demande de mesures d’adaptation.

B. Pour l’employeur

92        La fonctionnaire n’a pas établi de preuve prima facie de discrimination fondée sur le motif illicite de la situation familiale. Elle a indiqué une préférence à travailler seulement un quart de jour de 12 heures, qu’elle parvenait à obtenir au moyen d’échanges de quarts de travail. C’était une question de préférence personnelle et non pas une question de ses obligations en matière de garde d’enfants.

93        Le critère de Johnstone au paragraphe 93 de la décision de la Cour d’appel fédérale exige que le fonctionnaire s’estimant lésé réponde à quatre critères pour établir une preuve prima facie de discrimination en milieu de travail fondée sur le motif illicite de la situation familiale en raison d’obligations liées à la garde des enfants. L’employeur ne conteste pas le fait qu’elle satisfait aux deux premiers critères.

94        L’espèce porte sur le troisième critère, qui est la question de savoir si la fonctionnaire a déployé des efforts raisonnables pour s’acquitter de ses obligations relatives à la garde des enfants en explorant des solutions de rechange raisonnables. Elle était tenue de démontrer que ni elle ni son époux ne pouvaient respecter leurs obligations exécutoires liées à la garde d’enfants tout en continuant de travailler et qu’ils n’avaient pas accès à des services de garde d’enfants disponibles ou à des mesures de substitution, pour répondre aux besoins de leur travail.

95        Essentiellement, la fonctionnaire devait démontrer qu’elle et son époux étaient aux prises avec un véritable problème en ce qui concerne la garde d’enfants (voir Johnstone (CAF), au paragraphe 96). Elle n’a fourni aucune preuve à propos de la capacité de son époux de répondre à leurs obligations conjointes de garde d’enfants. Le paragraphe 88 de Johnstone (CAF) exige l’évaluation des mesures prises par les deux parents pour s’acquitter de leurs obligations parentales. Le seul élément de preuve que la fonctionnaire a fourni était qu’un horaire différent pour son époux ou un poste de 250 jours avec une heure de début flexible ne fonctionnerait pas.

96        Ce n’est pas suffisant pour établir qu’elle a déployé des efforts raisonnables pour s’acquitter de ses obligations relatives à la garde des enfants en explorant des solutions de rechange raisonnables et qu’aucune de ces solutions n’était raisonnablement réalisable, telle qu’il est déterminé dans le troisième critère. Chacun des quatre facteurs énoncés dans Johnstone (CAF) agit comme point de départ pour le suivant, ce qui signifie que, lors d’une allégation de discrimination fondée sur la situation familiale, la fonctionnaire doit satisfaire à chacun des facteurs, en commençant par le premier. Si, au cours de l’analyse, elle n’en satisfait pas un, elle ne peut établir une preuve prima facie de discrimination (voir Fleming c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2016 CRTEFP 96, au paragraphe 121).

97        La fonctionnaire n’a pas le droit à une mesure d’adaptation sans condition dans le milieu de travail en raison de l’application de l’employeur de la politique sur l’échange des quarts de travail. Le droit à une mesure d’adaptation aurait pu être applicable seulement si elle avait pu établir une preuve prima facie de discrimination (voir Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4, au paragraphe 11).

98        N’ayant pas réussi à établir cette preuve, la fonctionnaire n’a pas le droit à la mesure d’adaptation qu’elle demande. Même si elle avait le droit à une mesure d’adaptation, la position de l’employeur est qu’on lui a en fait proposé une mesure d’adaptation convenable, qu’elle a refusée. Elle n’a pas établi que l’employeur ne s’est pas acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation.

99        En outre, la fonctionnaire a le droit de demander des mesures d’adaptation seulement en ce qui concerne les obligations exécutoires ou juridiques liées à sa situation familiale, qui ne comportent pas l’équilibre travail-vie personnelle (voir Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 CSC 61; Flatt c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 250; et Johnstone (CAF)).Toutes ces décisions exigent que la fonctionnaire possède une caractéristique protégée en vertu de la LCDP, qu’elle prouve qu’elle a subi des répercussions négatives à la suite des mesures prises par l’employeur, et qu’il y a un lien entre la caractéristique protégée et ces répercussions.

100        Le nœud de la présente affaire est la question de savoir si la fonctionnaire a subi une répercussion négative à la suite de la situation familiale, qui ne comprend pas son désir de maintenir l’équilibre travail-vie personnelle. Les faits de l’espèce sont presque diamétralement opposés à ceux de Johnstone (CAF). On a proposé à la fonctionnaire un poste statique du lundi au vendredi, lorsque les garderies auraient été facilement disponibles. Elle a soutenu que le point litigieux était son heure de début, mais elle n’a fourni aucune preuve d’avoir sollicité les garderies pour leur disponibilité. Ses efforts n’ont pas atteint le niveau d’efforts [traduction] « significatifs », exigés aux termes des motifs dans Johnstone (CAF).

101        Il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve démontrant qu’à la fois la fonctionnaire et son époux n’étaient pas en mesure de s’acquitter de leurs obligations liées à la garde d’enfants ou que les propositions de l’employeur étaient déraisonnables. Ce qui est certain, c’est qu’ils étaient capables d’assurer la garderie 2,5 jours par semaine, que leur quartier était surpeuplé, que les garderies ouvraient à 7 h, que la fonctionnaire avait un déplacement de 45 minutes à une heure, et qu’elle utilisait les échanges de quarts de travail pour gérer ses obligations en matière de service de garde. La seule preuve présentée était les deux lettres de demande présentées à l’employeur, qui ne répondent pas au critère énoncé dans Johnstone (CAF).

102        L’employeur a accordé la demande de prise de mesures d’adaptation de la fonctionnaire lorsqu’il lui a permis de continuer à effectuer les échanges de quarts de travail pour quatre mois, pour lui laisser le temps de trouver d’autres arrangements de garde d’enfants. Il ne s’agissait pas d’une reconnaissance par l’employeur qu’elle eût établi une preuve prima facie de discrimination ou qu’il avait une obligation de prendre des mesures d’adaptation (voir Flatt, au paragraphe 99). Il a proposé une solution de rechange raisonnable à la demande de la fonctionnaire d’être autorisée à continuer d’utiliser les échanges de quarts de travail.

103        Mme McNeill était un témoin raisonnable et digne de foi. Elle était claire et précise qu’elle a proposé à la fonctionnaire de commencer le travail à 8 h au cours de la réunion de grief qu’elle a présidée. Le fait que la fonctionnaire et son représentant syndical ont témoigné qu’ils ne se souvenaient pas qu’elle l’ait fait ne signifie pas que cela ne s’est pas produit. Mme McNeill a affirmé dans son témoignage qu’elle ne l’a pas inclus dans la lettre de réponse au grief parce que la fonctionnaire l’avait rejeté catégoriquement et sans même l’envisager.

104        De même, le simple fait que la proposition de commencer le travail à 8 h n’était pas dans le courriel de réponse de M. Bussey à la demande de prise de mesures d’adaptation (pièce 2, onglet 9) ne signifie pas qu’elle n’a pas été soulevée. Selon Mme McNeill, elle a été proposée en réponse à la deuxième demande de prise de mesures d’adaptation (pièce 2, onglet 8). Lorsque l’employeur a indiqué que la mesure d’adaptation proposée répondait à tous les besoins de la fonctionnaire, sachant que l’heure de début à 7 h posait un problème, il faisait sans doute allusion au poste de 250 jours avec un début à 8 h, autrement, cela n’aurait eu aucun sens.

105        La fonctionnaire a rejeté catégoriquement la possibilité de travailler des quarts alternatifs avec son époux; elle a indiqué que cela ne leur donnerait pas assez de temps ensemble. Elle n’a fourni aucune preuve au sujet de la disponibilité d’une garderie ni aucune explication des raisons pour lesquelles un poste de 250 jours ne fonctionnerait pas si elle commençait le travail à 8 h. Son allégation qu’elle a utilisé les échanges de quart de travail pour répondre à ses obligations en matière de garde d’enfants est contredite lorsque son horaire est comparé côte à côte avec celui de son époux. Elle se servait principalement des échanges de quarts de travail pour avoir congé les jours où il avait congé. Elle n’a fourni aucune explication quant à la façon dont ils géraient leurs obligations en matière de services de garde lorsque ses quarts de jour tombaient du lundi au vendredi. Elle demeurait sur ses quarts de jour prévus, se présentait au travail à 7 h, et gérait ses obligations en matière de services de garde.

106        Le poste de 250 jours n’imposait aucune sanction pécuniaire. Les heures de remplacement vont de pair avec le travail par quarts, tout comme les primes de poste. Si la fonctionnaire ne travaille pas les quarts de travail auxquels ils se rattachent, elle n’y a pas le droit. Les quarts de travail sont considérés comme un aspect désavantageux lorsqu’on envisage des mesures d’adaptation pour des raisons familiales; les quarts de jour sont préférables, aux fins d’obtenir des services de garde (voir Johnstone c. Canada, 2007 CF 36, au paragraphe 33). Il n’y a aucune preuve d’une répercussion négative du travail de ses quarts de nuit sur la fonctionnaire. En août 2014, elle a travaillé un quart de nuit. Il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer des répercussions négatives d’avoir travaillé ce seul quart de travail. L’utilisation des échanges de quarts de travail et des congés pour avoir congé les jours où son époux ne travaillait pas n’appuie pas son allégation qu’elle était obligée d’utiliser ces méthodes pour s’assurer qu’elle s’acquittait de ses obligations en matière de garde d’enfants. Son témoignage qu’elle payait son neveu 350 $ par mois pour garder ses enfants la nuit alors qu’elle travaillait un quart de nuit par mois n’est tout simplement pas crédible.

107        La preuve d’un effet préjudiciable est essentielle pour établir une preuve prima facie de discrimination (voir Canada (Procureur général) c. Bodnar, 2017 CAF 171, au paragraphe 26). L’obligation juridique de la fonctionnaire doit avoir été compromise par les actes de l’employeur (voir Chênevert c. Conseil du Trésor (ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire), 2015 CRTEFP 52, au paragraphe 143). La Commission ne peut examiner la réponse de l’employeur avant de trancher si une preuve prima facie de discrimination a été établie (voir Bassett c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTEFP 60, au paragraphe 56).

108        L’employeur a démontré la contrainte excessive que lui causerait le fait d’autoriser à la fonctionnaire de continuer d’échanger ses quarts de travail de nuit indéfiniment. Il a démontré la charge de travail accrue que ce fait impose au gestionnaire correctionnel des horaires et du déploiement, qui doit gérer ce type de demandes et assurer une bonne couverture dans l’ensemble de l’établissement. Il a également été démontré que pour répondre à la demande de la fonctionnaire, un nouvel horaire aurait dû être créé, ce qui était hors de la portée de l’employeur, puisque cela ne pouvait se faire sans l’appui du syndicat. On a donné à la fonctionnaire une fenêtre de quatre mois au cours desquels elle pouvait présenter de nouveaux renseignements à l’appui de sa demande, ce qu’elle a refusé de faire.

109        Aux termes des articles 7 et 11.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. 1985, ch. F-11), l’employeur a le pouvoir de mettre en œuvre des règles et des politiques. L’employeur l’a fait en ce qui concerne les échanges de quarts de travail à l’établissement. Les règles ne visaient pas la fonctionnaire personnellement. Elles étaient nécessaires pour gérer efficacement et doter l’établissement ainsi que pour gérer la charge de travail du gestionnaire correctionnel des horaires et du déploiement.

IV. Motifs

110        La fonctionnaire a allégué qu’elle a été victime de discrimination de la part de l’employeur du fait de sa situation familiale, contrairement à la clause 37.01 de la convention collective, qui stipule qu’il n’y aura aucune discrimination exercée ou appliquée à l’égard d’un-e employé-e du fait de sa situation familiale, entre autres motifs, comme suit :

ARTICLE 37

ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION

37.01 Il n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un-e employé-e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, son adhésion au Syndicat ou son activité dans celle-ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle il a été gracié.

[…]

111        L’article 7 de la LCDP, qui a été intégré à la clause 37.01 de la convention collective, stipule que le fait de défavoriser un employé en cours d’emploi pour des motifs de distinction illicite constitue un acte discriminatoire (voir Taticek c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2015 CRTEFP 12 au paragraphe 102). Afin d’établir qu’un employeur a fait preuve de discrimination, le fonctionnaire doit d’abord établir une preuve prima facie de l’existence de discrimination qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier une conclusion en faveur du fonctionnaire s’estimant lésé en l’absence de réplique de la part de l’employeur (voir Taticek, au paragraphe 103).

112        Afin d’établir une preuve prima facie de l’existence de discrimination, il incombait à la fonctionnaire de démontrer qu’elle a satisfait à l’un des motifs de distinction illicite, en l’occurrence, la situation familiale, qu’elle a subi un effet préjudiciable relativement à son emploi, et que sa situation familiale était un facteur dans cet effet préjudiciable (voir McLaughlin c. Agence du revenu du Canada, 2015 CRTEFP 83, aux paragraphes 153 et 154, et Chênevert, au paragraphe 137).

113        Il est bien établi en droit de dire que, pour démontrer qu’un employeur a fait preuve de discrimination, le fonctionnaire doit d’abord établir une preuve prima facie de l’existence de discrimination.

114        Un employeur qui doit répondre à une preuve prima facie de discrimination peut éviter une conclusion défavorable en présentant des éléments de preuve démontrant que ses agissements n’étaient pas discriminatoires ou en invoquant un moyen de défense prévu par la loi qui justifie la discrimination (voir A.B. c. Eazy Express Inc., 2014 TCDP 35, au paragraphe 13).

115        Afin d’établir une preuve prima facie de discrimination fondée sur la situation familiale, un fonctionnaire doit démontrer qu’il assume l’entretien et la surveillance d’un membre de la famille, que les obligations familiales en cause fait jouer sa responsabilité légale envers cette personne (par opposition à un choix personnel), que l’employé a déployé des efforts raisonnables pour s’acquitter de ses obligations familiales en explorant des solutions de rechange raisonnables qui se sont avérées ne pas être raisonnablement réalisables, et que les règles attaquées régissant le milieu de travail entravent d’une manière plus que négligeable ou insignifiante sa capacité de s’acquitter de ses obligations (voir Johnstone (CAF), au paragraphe 93, et Flatt, au paragraphe 177).

116        La fonctionnaire et son époux sont tous les deux employés à titre d’AC au même établissement correctionnel. À l’époque où la demande de prise de mesures d’adaptation a été présentée, leurs enfants étaient tous les deux d’âge préscolaire et avaient besoin soit des services d’une garderie, soit de services de garde à domicile pendant que leurs parents étaient au travail. Donc, conformément à Johnstone (CAF) (aux paragraphes 95 et 102), la fonctionnaire a satisfait aux deux premiers critères de la preuve prima facie.

117         Selon le témoignage de la fonctionnaire, le seul moyen de s’acquitter de ses obligations liées à la garde d’enfants était au moyen d’échanges de quarts de travail à long terme, par lesquels elle a réussi à se construire un quart de travail de jour de 12 heures qui commençait à 7 h et qui suivait une rotation de 4 jours de travail suivi de 4 jours de repos. Sa rotation réelle était 2 jours suivis de 2 nuits, comme c’était le cas de son mari. Les deux rotations étaient compensées par un jour.

118        Cependant, les éléments de preuve ont démontré que, lors d’un examen attentif des horaires des quarts de travail, qui comprenaient les quarts que la fonctionnaire a pris en tant qu’échanges de quarts et de congés, le plus souvent, elle a utilisé les échanges de quarts de travail ou les congés pour être chez elle en même temps que son époux. Cela dit, aucune garderie n’aurait dû être nécessaire, et la véritable utilisation aurait été de satisfaire son prétendu désir d’atteindre un équilibre travail-vie personnelle et de passer du temps avec son époux, ce qui n’est pas un facteur pertinent pour déterminer si la fonctionnaire peut s’acquitter de ses obligations de garde d’enfants grâce à des solutions de rechange raisonnables.

119        Pour ces motifs, je conclus que la fonctionnaire n’a pas établi une preuve prima facie de discrimination puisqu’elle n’a pas réussi à établir le troisième motif énuméré dans Johnstone (CAF), à savoir que la fonctionnaire a déployé les efforts raisonnables pour s’acquitter de ses obligations en matière de garde d’enfants en explorant des solutions de rechange raisonnables et qu’aucune de ces solutions n’est raisonnablement réalisable. La fonctionnaire a établi sa preuve selon l’hypothèse que ses besoins en matière de mesure d’adaptation ne pouvaient être satisfaits qu’au moyen de ce que je considère comme des échanges perpétuels de quarts de travail parce qu’à son avis, le fait d’effectuer ces échanges n’avait aucune répercussion du point de vue du coût pour l’employeur. Elle n’était pas prête à envisager aucune autre option de manière significative, en particulier le poste de 250 jours offert par l’employeur ou toute autre modification à l’horaire du quart de travail de son époux, qui, à mon avis, auraient tous les deux constitué des options raisonnables dans les circonstances. La fonctionnaire s’est fortement appuyée sur Johnstone au niveau du Tribunal canadien des droits de la personne et au niveau de la Cour d’appel fédérale à l’appui de son argument. La situation en l’espèce et la situation factuelle dans Johnstone sont diamétralement opposées. Je suis d’accord avec l’avocate de l’employeur que la fonctionnaire n’a fourni aucune preuve concrète qu’elle et son époux n’étaient pas en mesure de s’acquitter de leurs obligations exécutoires en matière de garde d’enfants tout en continuant à travailler et qu’un service de garde d’enfants ou tout autre arrangement disponible qui répond à leurs besoins de travail ne leur était pas raisonnablement accessible.

120        Le témoignage de la fonctionnaire concernant les paiements à son neveu pour avoir offert des services de garderie n’était pas crédible. Bien qu’elle ait indiqué dans son témoignage au départ qu’elle lui versait 350 $ par mois pour garder ses enfants lorsqu’elle travaillait le quart de nuit, elle a précisé qu’il ne restait qu’une seule nuit par mois. Lorsqu’on lui a demandé comment elle le payait, elle a prétendu l’avoir fait en espèces, mais à la suite d’autres questions, elle a admis qu’elle ne l’a en fait jamais payé. Il est choquant qu’elle ait cherché à récupérer les débours que, de son propre aveu, elle n’a jamais payés, et cela ne sert qu’à faire planer un doute supplémentaire sur la légitimité de sa revendication contre l’employeur.

121        La fonctionnaire n’était pas en mesure de donner à la Commission une raison convaincante que son heure de début de travail constituait un obstacle pour l’obtention de services de garderie. Tel qu’il a été indiqué au paragraphe 26 ci-dessus, elle n’a fourni aucune raison convaincante pour laquelle son neveu ne pouvait pas amener ses enfants à la garderie. Elle n’a fourni aucune raison convaincante pour laquelle, si le fait de commencer le travail à 7 h ne posait pas de problème pour un quart de travail de 12 heures, il devenait problématique si elle devait travailler un quart de jour de 8 heures. Enfin, lorsqu’on lui a demandé si le fait de commencer à 8 heures aurait réglé ses problèmes de garderie, elle a simplement nié qu’un tel quart de travail n’ait jamais été proposé. Lorsqu’on lui a demandé ce qui aurait réglé sa situation, sa réponse était de pouvoir continuer à faire ce qu’elle faisait avant que l’employeur ne modifie les règles concernant l’échange des quarts de travail, lui permettant en fait de créer un horaire personnalisé pour ses quarts de travail.

122        J’ai conclu que Mme McNeill était un témoin digne de foi, et je crois qu’elle a bien proposé à la fonctionnaire l’option de commencer un poste de 250 jours à 8 h à titre de moyen de répondre à ses besoins en matière de garde d’enfants. Je crois également que M. Bussey a exploré des options, y compris la création d’un nouveau poste à des fins de mesures d’adaptation, et non pas particulièrement pour la fonctionnaire. Ses options n’ont pas été couronnées de succès. Puisqu’elles ont déjà été infructueuses, il n’était pas vraisemblable qu’elles auraient été fructueuses dans cette situation, ce qui a été corroboré par le témoignage de M. Ghuman. M. Bussey a indiqué dans son témoignage que, selon sa compréhension, le véritable problème était que, si la fonctionnaire avait passé à un poste de 250 jours, elle aurait perdu son droit à des jours de congé compensatoires, et j’ai tendance à être d’accord avec lui.

123        M. Bussey a décrit le comportement de la fonctionnaire lorsqu’on lui a proposé des mesures d’adaptation possibles. Elle ne souhaitait envisager aucune autre option qu’un échange des quarts de travail.

124        Dans Johnstone (CAF), la Cour a déclaré que ce n’est que si l’employée a cherché à trouver une solution de rechange raisonnable aux arrangements en matière de soins des enfants sans succès, et qu’elle n’est toujours pas en mesure de s’acquitter de ses obligations parentales, qu’une preuve prima facie de l’existence de discrimination sera établie. De plus, Johnstone (CAF), au paragraphe 96, indique ce qui suit :

Le plaignant est par conséquent appelé à démontrer que ni lui ni son conjoint n’est en mesure de s’acquitter de ses obligations liées à la garde des enfants tout en conservant son emploi et qu’ils n’ont pas raisonnablement accès à des services de garde d’enfants ou à des mesures de substitution qui leur permettront de respecter leurs obligations professionnelles. Le plaignant doit essentiellement démontrer qu’il est aux prises avec un véritable problème en ce qui concerne la garde d’enfants.

[Je souligne]

125        C’est très précis et fondé sur les faits et doit être examiné au cas par cas. D’après les faits de l’espèce, l’employeur a démontré que d’autres arrangements étaient disponibles; simplement, ils n’intéressaient pas la fonctionnaire. Il m’a également été démontré selon des éléments de preuve clairs, logiques et convaincants que la fonctionnaire a rejeté sans y donner aucune considération toutes les mesures d’adaptation proposées, y compris toute option qui concernait son époux.

126        Par conséquent, selon mon appréciation, la fonctionnaire n’a pas réussi à établir le troisième critère d’avoir déployé les efforts raisonnables pour s’acquitter de ses obligations en matière de garde d’enfants en explorant des solutions de rechange raisonnables et qu’aucune de ces solutions n’était raisonnablement réalisable. La fonctionnaire n’a pas démontré qu’elle est aux prises avec un véritable problème de garde d’enfants.

127        La représentante de la fonctionnaire a soutenu que je dois examiner le processus de prise de décision de l’employeur dans le cadre de ma décision. Comme il a été indiqué dans Bassett, la Commission ne peut pas examiner la réponse de l’employeur avant de déterminer si une preuve prima facie de discrimination a été établie. En l’espèce, la fonctionnaire n’a pas établi une preuve prima facie de l’existence de discrimination. La fonctionnaire a rejeté les solutions de rechange raisonnables puisqu’elle ne cherchait pas à protéger ses droits, mais plutôt ses intérêts personnels pour obtenir un horaire qui n’était pas disponible autrement. Lorsqu’une preuve prima facie n’est pas établie, un examen du processus de prise de décisions de l’employeur est sans objet.

128        Les parties m’ont fourni de nombreux dossiers pour soutenir leurs arguments, dont bon nombre étaient communs aux parties concernées. Bien que j’aie lu chacun des dossiers, je n’ai renvoyé qu’à ceux qui revêtaient une importance primordiale.

129        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

130        Le grief est rejeté.

Le 15 mars 2019.

Traduction de la CRTESPF

Margaret T.A. Shannon,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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