Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant, un membre d’un élément de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « défenderesse »), a déposé une plainte interne après que son droit de se présenter à l’élection à la direction de la section locale de l’élément lui avait été prétendument refusé – un comité d’enquête a rédigé un rapport recommandant une mesure disciplinaire sous forme d’un retrait des représentants en question de la direction de la section locale – les représentants ont déposé un appel en vertu des dispositions du Règlement de la défenderesse, à la suite duquel un tribunal d’appel a été mis sur pied, qui a finalement rendu une décision annulant les conclusions du comité d’enquête – le plaignant a déposé une plainte auprès de la Commission – il a contesté le mécanisme de gouvernance interne de la défenderesse, en vertu duquel il n’a pas été invité à participer au processus d’appel – il n’a pas non plus reçu de copie de la décision du tribunal d’appel – la Commission a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour entendre l’appel, étant donné que ce dernier portait sur les affaires internes de la défenderesse, et que le plaignant n’avait pas fait l’objet de mesures disciplinaires et ne s’était pas vu imposer une sanction quelconque d’une manière discriminatoire de façon à déclencher l’alinéa 188c) de la LRTSPF.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

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  • Date:  20190318
  • Dossier:  561-02-899
  • Référence:  2019 CRTESPF 38

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

JERRY NOLET

plaignant

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défenderesse

Répertorié
Nolet c. Alliance de la Fonction publique du Canada


Affaire concernant la compétence de la Commission pour examiner une plainte déposée en vertu de l’alinéa 188c) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral


Devant:
James Knopp, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le plaignant:
Claude Gagnon, avocat
Pour la défenderesse:
Nina Ziolkowski, Alliance de la Fonction publique du Canada
Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 8 février 2019.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

Demande devant la Commission

1         Le 25 janvier 2018, Jerry Nolet (le « plaignant ») a déposé une plainte en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « LRTSPF »). Dans la correspondance ultérieure avec les parties, la nature de la plainte a été qualifiée plus précisément comme relevant de l’alinéa 188c) de la LRTSPF.

2         Pour les motifs énoncés ci-après, la plainte est rejetée pour absence de compétence.

Contexte

3         Le plaignant est membre du Syndicat des travailleurs de la santé et de l’environnement (STSE), un élément de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’ « AFPC » ou la « défenderesse »).

4         Cette affaire a commencé avec une plainte interne déposée par le plaignant en vertu des Statuts et règlements de l’AFPC (la « plainte interne ») contre six représentants élus à la direction de la section locale 70008. Dans cette plainte, il a allégué que son droit de se présenter à l’élection à la direction de la section locale lui avait été injustement refusé.

5         Le 20 janvier 2017, le coprésident du STSE a reçu la plainte interne et a ensuite mis sur pied un comité d’enquête. L’enquête a suivi son cours. Un rapport d’enquête a été publié en juin 2017 recommandant des mesures disciplinaires sous forme d’un retrait des six représentants en question de la direction de la section locale.

6         Les six représentants ont ensuite déposé un appel en vertu des dispositions du Règlement 19 de l’AFPC, intitulé « Règlement régissant la discipline des membres ». Un tribunal d’appel a été mis sur pied, et l’appel a été entendu conformément aux Statuts et règlements de l’AFPC. Le 3 novembre 2017, le tribunal d’appel a rendu sa décision, annulant les conclusions du comité d’enquête en raison de lacunes dans le processus d’enquête.

7         Les procédures de l’appel et la décision sont demeurées confidentielles. Seules les parties à l’appel, à savoir, l’AFPC et les six représentants, ont assisté à l’audience et reçu la décision.

8         Le plaignant n’a pas été informé des procédures d’appel et n’a pas reçu de copie de la décision parce qu’il n’était pas une partie à l’appel.

Résumé de l’argumentation

9         Au départ, le plaignant a déposé sa plainte en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la LRTSPF. La défenderesse a présenté plusieurs observations sur la pertinence de cette disposition. Selon la position de la défenderesse, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») n’avait pas compétence.

10        Dans le but d’aider les parties avec leur argumentation, j’ai émis une lettre de décision le 10 janvier 2019, qui est libellée comme suit :

[Traduction]

Le 10 mai 2018, la Commission a statué que l’affaire serait soumise à une audience sur la question de la compétence uniquement.

Depuis que j’ai été affecté à ce dossier le 3 janvier 2019, j’ai eu l’occasion d’examiner l’ensemble des documents fournis à ce jour par les parties en ce qui concerne la compétence. Je suis convaincu que je suis en mesure de procéder à cette audience par voie d’observations écrites seulement. Je n’ai pas besoin d’entendre le témoignage de témoins afin de rendre une décision déterminante sur la question de la compétence.

Je souhaite aider les parties à limiter leurs arguments sur la compétence en rendant les conclusions de fait préliminaires qui suivent. Je conclus que [le plaignant] a déposé sa plainte en vertu de l’alinéa 190(1)g), qui précise qu’une Commission doit examiner toute plainte de pratique déloyale au sens de l’article 185. L’article 185, par souci de clarté, définit une pratique déloyale comme étant tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) ou (2), les articles 187 ou 188, ou le paragraphe 189(1). Je suis d’accord avec la défenderesse que les paragraphes 186, 187 et 189 ne s’appliquent pas aux circonstances en l’espèce.

Je suis également d’accord avec l’observation de la défenderesse que [le plaignant], en remplissant les paragraphes 6 et 7 de la formule 16 (la formule de plainte), a pris s’est positionné directement en alléguant une violation de l’alinéa 188b) ou c) de la Loi.

Je conclus que l’alinéa 188b) ne s’applique pas aux circonstances en l’espèce. [Le plaignant] n’a pas été expulsé ou suspendu de l’adhésion à l’organisation syndicale.

Je renvoie les parties à Raymond Strike c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 22, au paragraphe 23 : « La formulation générale de l’alinéa 188c) de la LRTFP implique que le législateur a laissé le soin à la Commission d’interpréter ce qui constitue l’imposition d’une mesure disciplinaire discriminatoire et que celle-ci doit évaluer chaque cas à partir des faits qui lui sont propres ».

Les observations les plus récentes des parties ont clairement indiqué que le fondement de la plainte [du plaignant] se limite uniquement aux dispositions de l’alinéa 188c), qui précise ce qui suit : « Il est interdit à l’organisation syndicale […] de prendre des mesures disciplinaires contre un fonctionnaire ou de lui imposer une sanction quelconque en appliquant d’une manière discriminatoire les normes de discipline de l’organisation syndicale ».

Je souhaite donc recevoir des observations écrites officielles des parties, qui doivent limiter leurs arguments strictement aux dispositions de l’alinéa 188c). Je prends note du renvoi, par les deux parties, à Nelson Hunter c. Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN, 2017 CRTESPF 4, et Irene J. Bremsak c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 103, qui donnent toutes les deux un aperçu utile en ce qui concerne l’interprétation de l’alinéa 188c).

Ayant maintenant assez bien défini les questions, j’estime qu’une date limite rigoureuse pour la présentation des arguments écrits est justifiée. Par conséquent, j’ordonne aux parties de fournir, au plus tard à la fermeture des bureaux le vendredi 8 février 2019, leurs observations écrites concernant la question de la compétence de la Commission pour entendre le grief [du plaignant].

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

11        Les observations écrites ont été reçues à l’intérieur des délais.

12        Le plaignant soutient que la Commission a compétence pour entendre les affaires de discipline interne. À ce sujet, il a cité trois décisions différentes dans Veillette c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, comme suit : 2009 CRTFP 58, 2009 CRTFP 64 et 2009 CRTFP 174 (les « décisions Veillette »).

13        La défenderesse soutient que la Commission n’a pas compétence. L’alinéa 188c) de la LRTSPF ne s’applique pas au fondement de la plainte, qui relève des affaires internes de l’AFPC. De plus, l’AFPC n’a pas pris de mesures disciplinaires contre le plaignant et ne lui a pas imposé de sanction quelconque, ce qui doit être déclenché pour que l’alinéa 188c) de la LRTSPF s’applique.

14        Pour les motifs qui suivent, je suis d’accord avec la défenderesse. La Commission n’a pas la compétence nécessaire pour entendre la présente affaire.

Motifs

15        L’objet de l’alinéa 188c) de la LRTSPF est très clairement indiqué dans Bremsak c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 103 (« Bremsak »), dont les paragraphes pertinents sont libellés comme suit :

[61] Je souscris également à une autre décision rendue sous le régime du Code, dans laquelle le CCRT observe que l’existence de l’article 185 du Code ne signifie pas que le CCRT est le dernier recours en appel contre les décisions internes de l’agent négociateur (James Carbin c. Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aéroastronautique (1984)59 di 109). J’estime que ces observations s’appliquent aussi à l’article 188 de la [LRTSPF]. Cela signifie que, pour l’application de l’alinéa 188c), la Commission doit veiller à ce que les normes de discipline ne soient pas appliquées d’une manière discriminatoire par l’agent négociateur. Dans le cas de l’alinéa 188e), le rôle de la Commission est double. Dans un premier temps, la Commission doit s’assurer que l’agent négociateur ne fait pas de distinctions illicites à l’égard d’une personne en matière d’adhésion à une organisation syndicale. Elle doit ensuite veiller à ce que l’agent négociateur n’use pas de menaces ou de coercition à l’égard d’une personne ou ne lui impose pas de sanction, pécuniaire « ou autre », au motif qu’elle a présenté une demande ou déposé une plainte en vertu de la partie 1 de la [LRTSPF] ou déposé un grief en vertu de la partie 2.

[62] Ces dispositions soulèvent des questions particulières sous le régime de la [LRTSPF]; une chose est sûre, elles n’autorisent pas la Commission à se faire l’arbitre final de tous les conflits internes entre des membres de l’agent négociateur. Par exemple, la Commission ne peut pas décider de la portée des délits pour lesquels un syndicat peut prendre des mesures disciplinaires à l’égard de ses membres ou leur refuser l’adhésion (Fred J. Solly; citée dans Beaudet-Fortin c. Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (1997) 105 di 98, au paragraphe 86). Autrement dit, la Commission n’a pas le droit de se prononcer sur la légitimité d’une politique ou d’une règle interne ou d’un article des statuts de l’agent négociateur, sauf dans des cas très particuliers, en l’occurrence lorsque la politique, la règle ou l’article des statuts est discriminatoire en soi ou que son application a des effets discriminatoires. […].

[…]

[73] Il est évident que le législateur a voulu que la Commission intervienne dans les cas où l’agent négociateur applique les normes de discipline d’une manière discriminatoire. J’admets également que cela comporte un aspect procédural qui fait en sorte que des processus disciplinaires peuvent être appliqués d’une manière discriminatoire. Je n’arrive toutefois pas à trouver dans l’article 188 quelque libellé qui autoriserait la Commission à intervenir dans les conflits portant sur l’interprétation et l’application de statuts (ou politiques) internes de l’agent négociateur qui n’ont pas été appliqués d’une manière discriminatoire. De même, je ne trouve rien qui autorise la Commission à déterminer si une disposition des statuts comporte des lacunes ou s’il faudrait en créer une pour combler un manque dans un secteur particulier. […]

[…]

[77]  Cela dit, il ne s’agit pas de déterminer ici si l’interprétation ou l’application d’une disposition des statuts ou d’une politique est généralement erronée ou si la disposition des statuts ou la politique est en soi erronée. Je dois plutôt déterminer si les éléments de preuve dont je dispose étayent les divers aspects de l’alinéa 188c) de la [LRTSPF] […].

16        Je suis d’accord avec l’argument suivant de la défenderesse : [traduction] « […] [L]e rôle de la Commission n’est pas de faire des commentaires sur la question de savoir si elle est d’accord ou non avec le Règlement 19 ou l’interprétation par l’AFPC de ce règlement, sauf dans des circonstances très particulières (lorsqu’un employé fait l’objet de mesures disciplinaires ou se voit imposer une sanction quelconque d’une manière discriminatoire) […] ».

17         Le plaignant a cité les trois décisions Veillette à l’appui de son argument selon lequel j’ai compétence. Je peux les distinguer de l’actuel ensemble des faits au simple motif que toutes les trois découlent d’une procédure de mesure disciplinaire imposée à M. Veillette par son agent négociateur à la suite d’une altercation dans le bar d’un hôtel qui a entraîné des vêtements déchirés et une côte fracturée. La mesure disciplinaire, à savoir une suspension de deux ans, a déclenché à juste titre l’application de l’alinéa 188c) de la LRTSPF.

18        En l’espèce, l’AFPC n’a pris aucune mesure disciplinaire contre le plaignant et ne lui a imposé aucune sanction quelconque. Sa plainte concerne plutôt un aspect du processus disciplinaire de l’AFPC, au niveau de l’appel [je souligne].

19        Sa plainte énonce clairement sa nature. Pour paraphraser, puisque la plainte est très longue, le plaignant conteste la façon dont le processus d’appel de l’AFPC est mené. Il n’a pas été invité à participer au processus d’appel parce qu’il n’était pas une partie à l’appel. Pour la même raison, il n’a pas reçu de copie de la décision du tribunal d’appel. Il soutient que le [traduction] « processus secret », comme il l’a appelé, est une violation de la justice naturelle.

20        Je ne doute pas que le plaignant portait un vif intérêt aux procédures d’appel, étant donné qu’elles concernaient l’appel d’une décision disciplinaire rendue sur une plainte qu’il a déposée. Toutefois, sa participation à l’enquête, qui constituait le motif de la décision qui a fait l’objet d’un appel, ne fait pas automatiquement de lui une partie à l’appel.

21        En résumé, le plaignant a contesté un aspect du mécanisme de gouvernance interne de l’AFPC, sur lequel je n’ai pas compétence. L’alinéa 188c) de la LRTSPF n’a pas été déclenché dans les circonstances de la plainte dont je suis saisi.

22        Pour tous les motifs susmentionnés, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

23        La plainte est rejetée pour absence de compétence.

Le 18 mars 2019.

Traduction de la CRTESPF

James Knopp,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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