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Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

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  • Date:  20190411
  • Dossier:  585-02-39309
  • Référence:  2019 CRTESPF 41

Devant la présidente de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


AFFAIRE CONCERNANT
LA LOI SUR LES RELATIONS DE TRAVAIL DANS LE SECTEUR PUBLIC FÉDÉRAL
et un différend entre
l’Association des pilotes fédéraux du Canada, l’agent négociateur,
et le Conseil du Trésor, l’employeur,
relativement à l’unité de négociation de la Navigation aérienne

Répertorié
Association des pilotes fédéraux du Canada c. Conseil du Trésor


MANDAT DU CONSEIL D’ARBITRAGE


DESTINATAIRES:
Ian Mackenzie, président du conseil d’arbitrage;
Phillip Hunt et Anthony Boettger, membres du conseil d’arbitrage
Devant:
Catherine Ebbs, présidente de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour l'agent négociateur :
Jennifer Duff, avocate
Pour l'employeur:
Daniel Cyr, Conseil du Trésor
Décision rendue sur la base d’arguments écrits,
datés du 30 octobre, des 9, 21 et 30 novembre, du 12 décembre 2018
et du 4 janvier 2019.
(Traduction de la CRTESPF)

MANDAT

Demandes devant la présidente

1         Le 30 octobre 2018, l’Association des pilotes fédéraux du Canada (APFC ou l’« agent négociateur ») a demandé l’arbitrage en ce qui concerne l’unité de négociation du groupe Navigation aérienne (AO). Le groupe AO est composé de tous les employés du Conseil du Trésor du Canada (l’« employeur ») du groupe AO décrit dans la Gazette du Canada, partie I, du 27 mars 1999 et dans le certificat délivré par l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique le 18 janvier 2001.

2         L’APFC a aussi fourni la liste des conditions d’emploi qu’elle souhaitait renvoyer à l’arbitrage. Elle est jointe à la présente à titre d’annexe 1.

3         Le 9 novembre 2018, l’employeur a fourni ses propositions en ce qui concerne les conditions d’emploi précisées dans la demande d’arbitrage de l’APFC ainsi qu’une liste de conditions d’emploi supplémentaires qu’il souhaitait renvoyer à l’arbitrage. Les propositions et la liste des conditions supplémentaires de l’employeur sont jointes à la présente à titre d’annexe 2.

4         L’employeur a aussi soulevé un certain nombre d’objections à la compétence.

5         Le 21 novembre 2018, l’APFC a fourni ses propositions en ce qui concerne la liste de conditions d’emploi supplémentaires de l’employeur. Ses propositions sont jointes à la présente à titre d’annexe 3.

6         Le 30 novembre 2018, l’APFC a déposé une réponse aux objections à la compétence de l’employeur. Elle est jointe à la présente à titre d’annexe 4.

7         Le même jour, l’employeur a fait parvenir un courriel à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») pour lui demander la possibilité de présenter des arguments détaillés en ce qui concerne ses objections.

8         Le 5 décembre 2018, la Commission a ordonné à l’employeur de fournir des détails au sujet de ses objections à la compétence. Elle a ensuite ordonné à l’APFC de répondre à ces arguments.

9         L’employeur a fourni les détails de ses objections le 12 décembre 2018, qui sont joints à la présente à titre d’annexe 5.

10        Le 4 janvier 2019, l’APFC a répondu aux précisions de l’employeur. La réponse de l’APFC est jointe à la présente à titre d’annexe 6. Dans la réponse, au paragraphe 10, elle informe que dans le but de réduire les questions en suspens entre les parties, elle ne donnera pas suite à ses propositions aux clauses 10.02, 16.05, 16.06, 20.XX (la deuxième clause 20.XX de l’annexe 1) et 24.12 et à l’article 29. Par conséquent, elle est réputée avoir retiré ces propositions.

11        Le 22 janvier 2019, j’ai informé les parties que je rendrais une décision sur les objections à la compétence en fonction des arguments écrits.

Objections à la compétence

12        L’employeur s’est opposé à l’égard d’un certain nombre de propositions au motif qu’on ne pouvait les renvoyer devant un conseil d’arbitrage en vertu de plusieurs dispositions indiquées aux articles 7 et 150 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTSPF) qui se lisent comme suit :

7 La présente loi n’a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l’autorité du Conseil du Trésor ou d’un organisme distinct quant à l’organisation de tout secteur de l’administration publique fédérale à l’égard duquel il représente Sa Majesté du chef du Canada à titre d’employeur, à l’attribution des fonctions aux postes et aux personnes employées dans un tel secteur et à la classification de ces postes et personnes.

[…]

150 (1) La décision arbitrale qui régit une unité de négociation qui n’est pas définie à l’article 238.14 ne peut pas avoir pour effet direct ou indirect de modifier, de supprimer ou d’établir une condition d’emploi :

  1. soit de manière à nécessiter ou entraîner l’adoption ou la modification d’une loi fédérale, exception faite des lois affectant les crédits nécessaires à son application;
  2. soit qui a été ou pourrait être établie sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, la Loi sur la pension de la fonction publique ou la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État;
  3. soit qui porte sur des normes, procédures ou méthodes régissant la nomination, l’évaluation, l’avancement, la mutation, le renvoi en cours de stage ou la mise en disponibilité des fonctionnaires;
  4. soit, dans le cas d’un organisme distinct, qui porte sur le licenciement, sauf le licenciement imposé pour manquement à la discipline ou inconduite;
  5. soit de manière que cela aurait une incidence sur l’organisation de la fonction publique, l’attribution de fonctions aux postes et aux personnes employées au sein de celle-ci et leur classification.

          (2) Sont exclues du champ de la décision arbitrale les conditions d’emploi n’ayant pas fait l’objet de négociations entre les parties avant que ne soit demandé l’arbitrage.

13        Dans les motifs détaillés du présent mandat, j’analyse chaque objection à la compétence en ordre numérique, à l’exception de l’article 47 et de l’annexe C proposés, que j’aborde à la fin. L’employeur a formulé des arguments au sujet de ses objections aux propositions que l’APFC a depuis retirées. Comme elles ont été retirées, je me pencherai uniquement sur les objections portant sur les propositions non réglées. Les propositions sont indiquées en caractères gras ou barrés, le cas échéant.

Nouvelles clauses 10.03 et 10.04 proposées

14        Les nouvelles clauses proposées se lisent comme suit :

10.03 L’employé doit avoir le droit de se conduire conformément au Code de valeurs et d’éthique du secteur public, sans aucune crainte de représailles ou de discipline.

10.04 L’employé doit avoir le droit d’effectuer ses tâches conformément à la législation, aux politiques et directives applicables de manière neutre et impartiale.

15        L’employeur s’oppose, faisant valoir qu’elles sont visées par les exceptions indiquées à l’article 7 et aux alinéas 150(1)c) et e). En particulier, il soutient que les employés considéreraient que ces clauses limitent sa capacité à les évaluer (alinéa 150(1)c)) si à leur avis, ils se comportent et exercent leurs fonctions d’une manière conforme à leur interprétation du Code de valeurs et d’éthique du secteur public (le « Code ») et la loi, les règlements, les politiques et les directives applicables.

16        L’employeur prétend également que ces propositions sont [traduction] « clairement » incompatibles avec sa prérogative prévue à l’alinéa 150(1)e) et à l’article 7 d’attribuer des fonctions aux personnes employées au sein de la fonction publique. Il prédit que les employés et l’agent négociateur présenteront des griefs afin de contester, de remettre en question ou de refuser les attributions de travail qui sont incompatibles selon eux avec le Code, la loi ou d’autres sources. L’employeur fait remarquer que l’alinéa 150(1)e) renvoie à l’effet direct ou indirect de l’attribution de fonctions et il soutient que cela signifie que la disposition devrait faire l’objet d’une interprétation large (voir Association des juristes du ministère de la Justice c. Conseil du Trésor, 2009 CRTFP 20, au paragraphe 28; « AJMJ »).

17        Je conclus que les arguments de l’employeur quant au fait que les employés et leur agent de négociation pourraient interpréter ces dispositions comme limitant sa capacité à les évaluer et à leur attribuer des fonctions sont hautement spéculatives. Comme l’APFC le fait remarquer à juste titre, lorsqu’elles sont examinées ensemble, ces propositions ne font que protéger les obligations éthiques, juridiques et professionnelles actuelles des pilotes. La décision AJMJ portait sur une disposition qui était libellée de façon semblable après qu’une référence empêchant l’employeur de faire une « évaluation négative » d’un employé qui avait soulevé des préoccupations relatives au code de conduite professionnelle avait été retirée. Dans ce cas, la proposition modifiée avait été acceptée et incluse dans le mandat.

18        Pour ces motifs, je conclus que les nouvelles clauses 10.03 et 10.04 proposées peuvent être incluses dans le mandat.

Nouvelle clause 10.05 proposée

19        La nouvelle clause proposée se lit comme suit :

10.05 L’employé ne peut pas être obligé d’accomplir un travail qui n’est pas entièrement en conformité avec le Règlement de l’aviation canadien qui serait applicable à un opérateur aérien commercial.

20        L’employeur soutient que cette proposition est [traduction] « clairement » incompatible avec les « prérogatives inviolables » du gouvernement prévu à l’article 7 d’attribuer des fonctions aux employés, comme l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique l’a fait remarquer dans Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral est c. Conseil du Trésor, 2005 CRTFP 42. La clause propose d’adapter les fonctions ou le travail que l’employeur peut attribuer et elle assujettit l’attribution des fonctions au règlement applicable aux exploitants commerciaux.

21        L’APFC soutient que cette disposition ne limite pas la capacité de l’employeur à organiser l’effectif ou à attribuer les fonctions. Selon elle, l’employeur n’a pas démontré que les dispositions proposées auraient un effet quelconque sur son pouvoir d’attribuer des fonctions. L’employeur semble se réserver à lui-même le droit d’attribuer à ses employés des fonctions qui pourraient contrevenir au Règlement en toute impunité.

22        Je ne souscris pas à la position de l’APFC. À mon avis, il est évident que la clause 10.05 proposée permettrait aux employés et à l’agent négociateur de refuser du travail qui n’est pas, selon eux, conforme aux exigences réglementaires. Comme l’employeur le soutient à juste titre, l’alinéa 150(1)e) renvoie à l’effet direct ou indirect de l’attribution de fonctions, ce qui signifie que la disposition devrait faire l’objet d’une interprétation large (voir AJMJ au paragraphe 28). Toute disposition qui aurait pour effet de permettre aux employés de décider par eux-mêmes du travail à accomplir, comme dans la clause 10.05 proposée, aurait une incidence indirecte, voire directe, sur le pouvoir de l’employeur d’attribuer des fonctions à ses employés, comme le prévoit l’alinéa 150(1)e).

23        Par conséquent, cette proposition n’est pas incluse dans le mandat.

Nouvelle clause 19.03 proposée

24        La nouvelle clause proposée se lit comme suit :

19.03 Aux fins des paragraphes 19.01 et 19.02, le gestionnaire doit fournir une autorisation par écrit à l’employé pour du travail en heures supplémentaires avant de lui assigner du travail et tous les calculs des heures supplémentaires sont fondés sur chaque période de quinze (15) minutes demi-heure (1/2) complétées de travail.

25        L’employeur fait valoir que cette disposition porterait atteinte à sa prérogative prévue à l’article 7 et à l’alinéa 150(1)e) d’attribuer des fonctions à ses employés. Il soutient que le fait de forcer la direction à fournir une autorisation par écrit des heures supplémentaires limite sa capacité à attribuer du travail et à gérer efficacement son effectif. De plus, dans certaines circonstances, il peut s’avérer difficile, voire impossible, pour la direction de fournir une autorisation par écrit préalable concernant les heures supplémentaires. La disposition proposée porterait atteinte au droit de la direction d’attribuer des fonctions et, théoriquement, les employés l’utiliseraient pour contester l’attribution de fonctions en temps supplémentaires et, potentiellement, refuser de s’y conformer.

26        L’APFC soutient que rien dans la disposition n’usurperait ou ne limiterait par ailleurs la capacité de la direction à attribuer du travail ou à gérer son effectif. Elle ne ferait qu’entraîner une obligation administrative de fournir une documentation de sa décision d’attribuer des heures supplémentaires. Pour répondre à la préoccupation de l’employeur en ce qui concerne sa capacité à fournir l’autorisation par écrit avant d’attribuer du travail, l’APFC se contenterait d’ajouter une phrase à la clause proposée reconnaissant que lorsque ce n’est pas possible de fournir la documentation à l’avance, cette dernière est fournie à la première occasion.

27        L’APFC fait aussi remarquer dans ses arguments que l’employeur n’a soulevé aucune objection quant au calcul de la rémunération des heures supplémentaires.

28        Je conclus que la partie de la nouvelle clause 19.03 proposée en ce qui concerne l’autorisation par écrit préalable des heures supplémentaires limiterait et compromettrait certainement la prérogative de l’employeur d’attribuer des fonctions à ses employés. À ce titre, cette partie de la clause proposée aurait l’effet envisagé à l’alinéa 150(1)e) et ne peut donc être incluse dans le mandat.

29        Le reste de la nouvelle clause proposée n’est pas visée par cette objection, et l’employeur n’a soulevé aucune autre objection à son égard.

30        Par conséquent, la phrase « le gestionnaire doit fournir une autorisation par écrit à l’employé pour du travail en heures supplémentaires avant de lui assigner du travail et » est supprimée de la proposition, qui sera maintenant rédigée comme suit et sera incluse dans le mandat :

[Traduction]

19.03 Aux fins des paragraphes 19.01 et 19.02, les calculs des heures supplémentaires sont fondés sur chaque période de quinze (15) minutes demi-heure (1/2) complète de travail.

Nouvelle clause 49.07 proposée

31        Cette nouvelle clause proposée se lit comme suit :

49.07 Tout avis de sanction disciplinaire, incluant les lettres d’attente, qui aurait pu être porté au dossier personnel d’un employé seront détruits deux (2) ans après la date à laquelle la sanction a été prise si aucune autre sanction disciplinaire n’a été prise pendant cette période.

32        L’employeur soutient que cette nouvelle clause proposée devrait être exclue du mandat puisqu’elle [traduction] « est reliée de façon significative ou substantielle » aux évaluations, ce qui est contraire à l’alinéa 150(1)c) (voir AJMJ, aux paragraphes 28 et 45). Il soutient que les lettres d’attente ne sont pas des mesures disciplinaires comme le prévoit l’article 49 de la convention collective, mais qu’il s’agit d’un outil qu’il utilise habituellement au besoin pour établir des attentes en matière de rendement par rapport auxquelles les employés seront par la suite évalués. Par conséquent, ces lettres font partie du processus régissant l’évaluation des employés.

33        L’APFC n’est pas de cet avis. Elle fait valoir que les lettres d’attente ont souvent un ton disciplinaire, même lorsqu’elles indiquent qu’elles n’ont pas cet objectif. Comme l’employeur l’a sous-entendu dans ses arguments, elles ont habituellement pour objet de corriger un mauvais rendement ou un comportement non souhaité, ce qui suppose qu’une mesure disciplinaire est requise pour parvenir à cette correction. Des exemples sont souvent fournis par les lettres d’attente pour décrire le comportement fautif d’un employé, comme un incident précis de mauvais rendement ou une infraction à une règle, à une politique ou à une norme. De plus, des conséquences accompagnent normalement toute omission future de respecter les normes prescrites.

34        L’APFC soutient que le paragraphe 150(1) n’écarte pas la compétence d’un conseil d’arbitrage d’entendre et de trancher des propositions en matière de négociation collective liées à une mesure disciplinaire. Comme les employeurs utilisent souvent des lettres d’attente dans le cadre d’un processus disciplinaire progressif, elles sont assujetties à bon droit à la procédure de règlement des griefs et devraient être supprimées du dossier personnel d’un employé après une période de deux ans.

35        L’argument de l’APFC ne me convainc pas. Les lettres d’attente sont clairement une façon permettant à l’employeur d’évaluer un employé par rapport à des normes établies. Bien que les employés qui reçoivent des lettres d’attente aient probablement des problèmes de rendement ou de comportement, ce n’est pas du tout certain ni même probable que ces problèmes nécessiteront l’imposition de mesures disciplinaires. En d’autres termes, on ne peut pas supposer que les mesures disciplinaires sont un élément nécessaire de la correction de problèmes de rendement ou de comportement.

36        Je suis donc convaincue que les lettres d’attente, mentionnées dans la proposition, concernent essentiellement les normes, les procédures et le processus régissant l’évaluation des employés et qu’elles ne peuvent pas être incluses dans le mandat, en vertu de l’alinéa 150(1)c).

37        Par conséquent, cette proposition n’est pas incluse dans le mandat.

Proposition d’un nouvel article 47 et d’une nouvelle annexe C

38        Par souci de concision, je ne reproduirai pas le texte intégral des dispositions proposées. On peut les consulter dans les propositions de l’APFC qui sont jointes au présent mandat à titre d’annexe 3.

39        L’employeur a résumé ces dispositions dans ses arguments, que j’ai paraphrasées de la façon suivante. Les propositions définissent les exigences qu’il doit respecter pour attribuer une certaine quantité d’heures de travail aux employés à bord de divers types d’aéronef et de simulateur de vol, ainsi qu’une formation, dans le cadre des programmes de maintien de la compétence professionnelle en aviation (MCPA) visant à permettre aux employés de conserver leur MCPA (licence de pilote). L’APFC propose d’élargir l’article 47 et d’ajouter une nouvelle annexe C pour inclure le processus et le contenu des nouveaux programmes de MCPA proposés, y compris les détails de la façon dont la compétence professionnelle des inspecteurs de l’aviation civile et des pilotes d’essai d’urgence serait maintenue.

40        L’employeur soutient que ces propositions seraient contraires à l’alinéa 150(1)e) et à l’article 7 et qu’elles porteraient atteinte à ses prérogatives de gestion. Selon lui, la proposition de l’APFC à la clause 47.17 est également incompatible avec l’alinéa 150(1)c).

41        L’employeur soutient que ces dispositions proposées auraient un effet considérable sur son pouvoir discrétionnaire d’attribuer certaines fonctions de vol à ses employés, ce qui porterait atteinte à ses droits d’attribuer des fonctions aux personnes employées au sein de la fonction publique, contrairement à l’alinéa 150(1)e) et à l’article 7.

42        Par exemple, la clause 47.04 proposée obligerait l’employeur à « fournir les ressources et le temps nécessaire pour que les employés puissent compléter leur PMCPA assigné », ce qui à son avis aurait une incidence sur l’attribution des fonctions aux personnes employées au sein de la fonction publique. La proposition indique aussi les critères en vue de l’attribution des programmes de MCPA (clause 47.05), une exigence selon laquelle les programmes de MCPA sont approuvés par l’employeur et l’agent négociateur (clause 47.06), les éléments minimaux d’un programme de MCPA (clause 47.08) et une exigence selon laquelle les fonctions de vol sont attribuées pour une durée minimale (60 heures par année, par employé) et d’une certaine manière (dans un aéronef ou un simulateur) (clauses 47.10 à 47.13).

43        La clause 47.15 proposée de l’APFC imposerait également des exigences à l’employeur pour qu’il attribue à un nombre minimal d’employés (cinq par aéronefs) des fonctions précises (disponibilité pour des opérations de vol). La clause 47.16 proposée obligerait l’employeur à attribuer un programme de MCPA différent à certains employés qui ne respectent pas les exigences en matière d’aptitude physique et mentale. Enfin, la clause 47.19 proposée élargirait davantage toutes les dispositions proposées à l’article 47 pour reclassifier les employés qui ne sont plus membres de l’unité de négociation AO ou représentés par l’APFC pour qu’ils puissent continuer à être admissibles à des processus de dotation éventuels dans le groupe AO.

44        L’employeur soutient que dans son ensemble, la proposition de l’APFC concernant l’article 47, complétée par la proposition concernant l’annexe C, qui décrit les détails des programmes de MCPA de l’APCF proposés, obligerait l’employeur à attribuer certaines fonctions d’une certaine manière et pour une certaine durée à des personnes employées au sein de la fonction publique. Il fait également remarquer que le fait d’accorder un temps de service en vol à certains employés, dans un aéronef ou un simulateur, nécessiterait l’attribution de fonctions à d’autres employés pour l’exploitation d’aéronefs ou de simulateurs ministériels.

45        De plus, l’employeur soutient qu’on pourrait s’attendre à ce que les employés et l’APFC s’appuient sur ces dispositions proposées de la convention collective pour exiger que certaines fonctions soient attribuées à certains employés et pour contester, remettre en question ou refuser les attributions de travail. Les employés et l’agent négociateur pourraient également présenter des griefs portant sur l’attribution de fonctions par l’employeur et pourraient même demander à ce que ce type de grief soit renvoyé à l’arbitrage devant la Commission, en vertu de la partie II de la LRTSPF.

46        Pour cette raison, l’employeur soutient que la proposition de l’APFC porte clairement atteinte à son pouvoir de déterminer l’organisation de l’administration publique fédérale et d’attribuer des fonctions aux postes, un pouvoir qui lui est réservé par l’article 7. L’inclusion d’une telle proposition dans une décision arbitrale serait contraire à l’alinéa 150(1)e).

47        L’employeur indique également que la clause 47.17 proposée de l’APFC porte sur les lacunes éventuelles des employés et concerne les normes, les procédures ou les processus régissant l’évaluation des employés. La clause prévoit que si les employés ne réussissent pas un programme de formation, ils sont renvoyés à un comité mixte composé de représentants de l’employeur et de l’APFC, qui examine les circonstances de chaque cas pour parvenir à un consensus et déterminer un plan d’action approprié. L’employeur soutient que cela aurait un effet sur sa capacité à renvoyer un employé en cours de stage en raison de l’exigence d’un consensus entre l’employeur et l’agent négociateur sur un plan d’action approprié, ce qui est incompatible avec l’alinéa 150(1)c).

48        L’APFC n’est pas d’accord avec l’employeur et soutient que les dispositions proposées sont compatibles avec l’article 7 et l’alinéa 150(1)e). Elles n’imposent aucune restriction à la capacité de l’employeur d’organiser l’effectif. Ses prérogatives à cet égard sont intactes. L’APFC soutient que l’employeur n’a pas démontré comment les propositions portent atteinte à ses pouvoirs exclusifs d’organiser la fonction publique ou de mener des processus de nomination, d’évaluation, de promotion et de classification.

49        Les membres de l’APFC sont tous des pilotes expérimentés qui doivent mettre à jour leurs connaissances et maintenir leur compétence professionnelle pour s’acquitter de leurs obligations d’emploi et respecter les normes de qualification pour le groupe AO.

50        Les deux parties reconnaissent que la mise à jour des connaissances et le maintien de la compétence professionnelle sont essentiels pour que les pilotes puissent accomplir leurs fonctions d’emploi, comme l’indique la clause 47.01 de la convention collective actuelle. Par conséquent, l’employeur doit affecter tous les employés de Transports Canada et du Bureau de la sécurité des transports du Canada à un programme de MCPA (clause 47.02). Un tel programme est une politique préexistante, administrée conjointement par la direction et l’agent négociateur, qui permet de s’assurer que les employés maintiennent leurs compétences et leurs connaissances professionnelles et qu’ils obtiennent l’indemnité de fonctions supplémentaires prévue par les modalités de la convention collective actuelle.

51        L’APFC déclare qu’elle a été chargée d’intégrer les éléments importants du programme de MCPA dans la convention collective afin de protéger les qualifications de ses membres et de veiller à ce qu’ils soient toujours légalement qualifiés pour assumer leurs fonctions au nom de l’employeur. L’article 47 et l’annexe C proposés concernent la protection des obligations professionnelles existantes des pilotes.

52        De plus, la proposition concerne les modalités d’emploi actuelles des employés de l’unité de négociation, comme il a été conclu dans Association des pilotes fédéraux du Canada c. Ministère des Transports, 2018 CRTESPF 91, et comme l’indique l’article 47 de la convention collective actuelle. Cet article prévoit déjà qu’un programme de MCPA sera offert à tous les employés, conformément au programme établi par l’APFC et l’employeur. En particulier, la clause 47.04 exige que l’employeur affecte chaque employé à un programme de MCPA conformément aux critères et procédures établis par l’employeur et l’agent négociateur. La clause 47.05 confirme que les parties doivent consentir mutuellement à tous les changements apportés au programme.

53        L’APFC conteste les arguments de l’employeur qui suggèrent que les dispositions liées à la formation et aux qualifications professionnelles ne relèvent pas de la compétence du conseil d’arbitrage. Au contraire, les dispositions de la convention collective liées au maintien des qualifications professionnelles peuvent faire et ont fait l’objet de décisions arbitrales. Par exemple, la majeure partie de la proposition de l’Association des juristes du ministère de la Justice dont le renvoi à l’arbitrage a été jugé approprié dans AJMJ concernait le maintien de l’expertise professionnelle. L’article 20 de sa convention collective conclue avec l’employeur, qui faisait l’objet de la décision arbitrale qui a suivi datée du 23 octobre 2009, prévoit également le maintien de l’expertise professionnelle.

54        L’APFC soutient que l’employeur exprime le souhait de limiter ou de supprimer le droit des employés et des agents négociateurs de présenter des griefs au sujet de l’attribution des fonctions ou de l’exercice de ce qu’il considère être des droits de la direction. Toutefois, l’APFC fait valoir qu’en vertu de l’article 208 de la LRTSPF, un fonctionnaire a déjà le droit de présenter un grief lorsqu’il s’estime lésé par toute directive de l’employeur concernant les conditions d’emploi.

55        De plus, l’APFC soutient que la suggestion du Conseil du Trésor selon laquelle la proposition mènerait au refus d’une attribution de travail est tout aussi dépourvue de fondement. Le recours d’un employé, dans l’éventualité où il n’est pas d’accord avec une directive, consiste à obéir maintenant et à présenter un grief plus tard, les seules exceptions étant lorsqu’un employé a reçu une directive illégale ou perçoit un danger pour sa santé ou sa sécurité; voir Cavanagh c. Agence du revenu du Canada, 2015 CRTEFP 7, au paragraphe 240. À moins que la directive d’un gestionnaire ne soit illégale ou représente un danger pour la santé ou la sécurité, un employé qui refuse une attribution de travail se verra probablement imposer une mesure disciplinaire pour insubordination.

56        Enfin, l’APFC fait valoir que si la Commission conclut qu’une partie de l’article 47 et de l’annexe C proposés ne relèvent pas de la compétence du conseil d’arbitrage, elle doit séparer les parties en question et renvoyer les autres parties à l’arbitrage; voir AJMJ, au paragraphe 31. Subsidiairement, compte tenu de l’importance de la question fondamentale du programme de MCPA et du différend continu entre les parties, l’APFC soutient que si j’ai des préoccupations en ce qui concerne la compétence pour ce qui est des dispositions de l’article 47 et de l’annexe C telles qu’elles sont rédigées, je pourrais néanmoins renvoyer le libellé proposé au conseil d’arbitrage avec un mandat clair et ce dernier pourrait choisir de l’accepter ainsi qu’il est rédigé ou le remplacer par un libellé différent s’il l’estime approprié.

57        Je conclus que l’employeur a démontré que l’article 47 et l’annexe C proposés étaient contraires à l’alinéa 150(1)e) et à l’article 7. Leurs dispositions ont clairement une incidence sur l’attribution de fonctions aux personnes employées au sein de la fonction publique. Les deux parties reconnaissent que la mise à jour des connaissances et le maintien de la compétence professionnelle sont essentiels pour les pilotes, comme l’indique déjà l’article 47 de la convention collective actuelle. Toutefois, la portée de l’article proposé va bien au-delà de la simple confirmation que les employés ont le droit de maintenir et de perfectionner leur accréditation professionnelle.

58        Par exemple, les clauses 47.05 et 47.09 à 47.16 indiquent les critères détaillés sur les personnes qui seront attribuées à un programme de MCPA et les circonstances dans lesquelles cette attribution sera faite. Cela a clairement une incidence sur la prérogative de l’employeur d’attribuer des fonctions à la personne à son emploi, au sens de l’article 7 et de l’alinéa 150(1)e). L’APFC indique que la convention collective de l’Association des juristes du ministère de la Justice comprend des dispositions pour le maintien de l’expertise professionnelle, mais il n’est pas évident si cette convention contient le même niveau de détails en ce qui concerne les conditions de l’affectation des employés aux programmes de formation que les clauses proposées en l’espèce.

59        Par conséquent, je suis convaincue que l’article 47 et l’annexe C proposés contreviennent à l’alinéa 150(1)e) et à l’article 7.Compte tenu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire que je traite des autres arguments de l’employeur en ce qui concerne l’alinéa 150(1)c).

60        L’APFC a proposé que j’envisage de séparer les parties des dispositions proposées qui ne peuvent pas faire partie du mandat et que je renvoie le reste au conseil d’arbitrage. Toutefois, je conclus que les propositions sont trop inter reliées et intégrées pour être séparées. Chaque clause de l’article 47 découle d’une autre ou est liée à une autre, et en séparer une ou quelques-unes ne serait pas efficace et rendrait illogique la disposition ainsi obtenue.

61        Pour ce qui est de la suggestion que je renvoie toute la proposition au conseil d’arbitrage et que je le laisse déterminer ce qui est approprié, ce serait aller à l’encontre des dispositions du paragraphe 144(1) de la LRTSPF, qui précise qu’il revient au président de renvoyer les questions en litige au conseil d’arbitrage (voir Canada (Procureur général) c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2010 CF 578, au paragraphe 10).

62        Pour ces motifs, je conclus que le nouvel article 47 et la nouvelle annexe C proposés ne peuvent pas être inclus dans le mandat.

Conclusion

63        Par conséquent, en vertu de l’article 144, les questions en litige sur lesquelles le conseil d’arbitrage doit rendre une décision dans le présent différend sont celles indiquées dans les annexes 1, 2 et 3 ci-jointes, à l’exception des propositions retirées mentionnées au paragraphe 10 de l’annexe 6, et sous réserve des suppressions et des modifications indiquées dans mes conclusions du présent mandat.

64        Si une autre question de compétence est soulevée pendant l’audience quant à l’inclusion d’une affaire dans le présent mandat, elle doit être soumise à la présidente de la Commission puisque, conformément aux dispositions du paragraphe 144(1), la présidente est la seule personne autorisée à rendre une telle décision.

Le 11 avril 2019.

Traduction de la CRTESPF

Catherine Ebbs,

présidente de la
Commission des relations de travail et de
l’emploi dans le secteur public fédéral

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