Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante représente un groupe de collèges et était en période de négociation collective avec l’employeur – la plaignante a allégué qu’au cours des négociations, un représentant de l’employeur, qui était également le directeur de l’un des collèges, le Collège militaire royal, a déclaré qu’il ne se conformerait plus aux ententes locales entre l’employeur et la plaignante – la plaignante a déposé une plainte alléguant une violation de la disposition du gel prévu par la loi et une négociation de mauvaise foi – la Commission a conclu que la plainte était prématurée – il n’y avait aucun élément de preuve selon lequel l’un des membres s’est vu réellement refuser un droit ou un avantage – les déclarations n’équivalaient pas à une violation de l’obligation de négocier de bonne foi – la plainte n’était pas fondée.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20190417
  • Dossier:  561-02-767
  • Référence:  2019 CRTESPF 45

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

ASSOCIATION DES PROFESSEURS DES COLLÈGES MILITAIRES CANADIENS

plaignante

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Défense nationale)

défendeur

Répertorié
Association des professeurs des collèges militaires canadiens c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)


Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique


Devant:
Bryan R. Gray, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour la plaignante:
Christopher Perri, avocat
Pour le défendeur :
Caroline Engmann, avocate
Affaire entendue à Kingston (Ontario),
du 9 au 11 août et le 5 septembre 2017.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Résumé

1         L’Association des professeurs des collèges militaires du Canada (l’« Association » ou la « plaignante ») et le Conseil du Trésor (le « défendeur ») étaient en période de négociation collective à la suite de l’expiration de leur convention collective en juin 2014. La plaignante est aussi partie à une série d’ententes locales ou de protocole d’entente (PE) en vigueur au Collège militaire royal du Canada (le « CMR »), à Kingston, en Ontario.

2         La plaignante a allégué que le demandeur avait refusé, pendant la période de négociation collective, de respecter les PE et qu’il avait modifié sa position de négociation par rapport à ceux-ci. Selon elle, le défendeur a enfreint son obligation de se conformer à la disposition de gel prévu par la loi, qui interdit de modifier des conditions d’emploi en vigueur au début de la convention collective jusqu’à la mise en place d’une nouvelle convention. Elle allègue aussi que les gestes posés par le défendeur équivalent à une violation de son obligation de négocier de bonne foi.

3         La Commission a maintes fois fait valoir qu’il était approprié de déposer une plainte sur la violation de la disposition de gel prévu par la loi lorsque la condition d’emploi alléguée est réellement modifiée, et pas à l’annonce d’un avis d’intention de la modifier. Selon les éléments de preuve présentés, l’Association ne s’est vu refuser aucun droit ou avantage, de façon collective ou individuelle, pour les membres de sa faculté. On m’a présenté des témoignages contradictoires et des éléments de preuve documentaires alléguant que l’employeur avait exprimé que les avantages découlant des PE seraient refusés. Je conclus que ces communications étaient, dans le pire des cas, des déclarations d’intention ou des positions de négociation seulement. De plus, ces déclarations n’équivalaient ni à une proposition, ni à une position rigide, ni à une violation de l’obligation de négocier de bonne foi.

4         Pour les motifs présentés ci-dessous, je conclus que la plainte est non fondée.

II. Contexte

5         La plaignante est l’agent négociateur accrédité pour représenter les employés du groupe Enseignement universitaire (« UT ») au CMR ainsi que des UT de divers autres collèges au Canada. La plaignante et le défendeur sont parties à la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’Association des professeurs des collèges militaires du Canada, qui est arrivée à échéance le 30 juin 2014 (la « convention collective ». L’avis de négocier a été donné le 28 février 2014.

6         La plainte a été déposée le 21 septembre 2015. Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale, et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP) et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique par, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») et la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral.

7         Les parties ont commencé à négocier collectivement en octobre 2014. À l’audience de la plainte, en août 2017, les parties ont indiqué que la dernière séance de négociation avait eu lieu en août 2015 et qu’elles n’avaient pas conclu de convention collective.

8         Jean-Marc Noël, le président de l’Association, a présenté des éléments de preuve relativement à l’historique des négociations entre les parties avant la ronde de négociation actuelle. Il a indiqué dans son témoignage qu’il avait joué un rôle actif à la table de négociation dans le cadre de la négociation de la convention collective en 2007, dans laquelle une série de PE entre l’Association et le CMR ont été conclus. À la question de savoir quel était l’objectif des PE, il a indiqué qu’il s’agissait d’ententes entre l’Association et la direction locale du CMR qui précisaient et définissaient les modalités de la convention collective. Il a ajouté qu’ils appuyaient la mise en œuvre de ces modalités.

9         À la question de savoir si les PE étaient liés à la convention collective, M. Noël a répondu qu’il y avait un lien puisque, selon lui, il n’y aurait pas de convention collective sans PE. Il a reconnu que, selon le Conseil du Trésor, les PE ne faisaient pas partie de la convention collective; il a ajouté que c’était correct. Il a cependant ajouté que les parties devaient aborder les PE à la table de négociation pour ajouter de la crédibilité à la convention collective. Selon lui, les PE sont exécutoires; autrement, il n’aurait pas perdu son temps à les gérer.

10        M. Noël a expliqué que ces PE avaient été renouvelés au terme de la conclusion des rondes de négociation collective de 2011. Il a indiqué dans son témoignage que la négociation de 2011 avait été menée de façon accélérée et que les parties avaient convenu que tout ce qui n’avait pas été présenté officiellement aux fins de négociation, y compris les PE, allait être considéré comme renouvelé sans modification. Il a indiqué dans son témoignage qu’une fois que lorsque la négociation des éléments présentés à la table a pris fin, il a demandé à la négociatrice du Conseil du Trésor, Josée Lefebvre, et au directeur du CMR à l’époque, Joel Sekolski, si les PE allaient être renouvelés automatiquement, ce à quoi ils ont acquiescé.

11        M. Noël a présenté son témoignage. Les éléments de preuve suivants, tirés d’une lettre datée du 20 novembre 2015 signée par  M. Noël et concernant l’ensemble des PE, ont été présentés à l’audience.

  • Protocole no 1 : Évaluation annuelle des UT dans les trois années précédant un départ à la retraite prévu (1er juillet 2007);
  • Protocole no 2 : Lettre sur la formation linguistique (27 juin 2008);
  • Protocole no 3 : Lettre sur les quotas pour les cotes de rendement (27 juin 2008);
  • Protocole no 4 : Lettre sur l’article 13.08 de la convention collective (le travail d’un membre de la faculté pour une association de la faculté représente une forme de service à la communauté universitaire qui sera pris en considération dans l’attribution de tâches d’enseignement et des tâches administratives) (27 juin 2008)
  • Protocole no 5 : Lettre sur les cotes de rendement attribuées (27 juin 2008);
  • Protocole no 6 : Politique sur les congés des UT (29 janvier 2007);
  • Protocole no 7 : Indemnité pour perfectionnement professionnel (12 mai 2008) et report (12 décembre 2005);
  • Protocole no 8 : Négociation pour la convention collective du groupe Enseignement universitaire (UT) liée à la Directive sur le réaménagement des effectifs (25 avril 2008) (les deux parties ont indiqué que, selon elles, ce PE est maintenant désuet et qu’il n’a force exécutoire];
  • Protocole no 9 : Tâches prévues – Groupe UT (certains types de travail ne doivent pas être prévus les 23 et 24 décembre de chaque année) (6 décembre 2005);
  • Protocole no 10 : Congé de deuil (expliquant l’administration de la clause 20.04(a) de la convention collective) (12 décembre 2005).

12        Selon la plainte initiale, les trois PE suivants étaient en litige :

  1. « Évaluation annuelle des UT dans les trois années précédant un départ à la retraite prévu », daté du 1er juillet 2017 (« Protocole sur l’évaluation de la retraite »)
  2. « Formation linguistique », daté du 27 juin 2008;
  3. « Explication de la répartition des augmentations salariales doubles et triples », daté du 27 juin 2008.

13        Plus particulièrement, la plaignante établit sa position comme suit à l’annexe « B » jointe au formulaire de plainte :

[Traduction]

[…]

7. L’APCMC est d’avis que l’employeur a enfreint l’article 107 de la LRTFP de la façon suivante :

  1. En ne respectant pas les conditions d’emploi établies dans le protocole d’entente (« PE ») renouvelé pendant la ronde de négociation collective; et, en particulier,
  2. En refusant au Dr Michael Hurley, membre de l’APCMC, l’accès aux avantages indiqués dans le PE daté du 1er juillet 2007, intitulé « Évaluation annuelle des UT dans les trois années précédant un départ à la retraite prévu ».

8. L’APCMC est d’avis que l’employeur a également manqué à son obligation prévue à l’article 106 de la [Loi sur les relations de travail dans la fonction publique] de négocier de bonne foi et de déployer tous les efforts raisonnables pour conclure une convention collective lorsqu’il déclaré unilatéralement, pendant la dernière séance de négociation, que tous les PE en vigueur ne seraient pas renouvelés et qu’aucun autre PE ne serait conclu.

[…]

14        La plainte a par la suite été élargie afin d’inclure tous les PE conclus entre les parties.

A. Le PE sur l’évaluation de la retraite et le grief du Dr Hurley

15        Comme il est indiqué ci-dessus, les parties étaient en plein processus de négociation collective. Elles avaient échangé des propositions et avaient tenu trois séances de négociation de novembre 2014 à février 2015. Il n’a pas été question des PE lors de ces séances.

16        Dans son témoignage, M. Noël a indiqué avoir été au fait d’un problème concernant les PE après la troisième séance, lorsque le professeur Hurley, un membre de l’unité de négociation UT au CMR, a mentionné à Harry Kowal, le directeur du CMR, qu’il songeait signifier son départ à la retraite.

17        Aux fins de mise en contexte, M. Noël a décrit à l’audience comment il avait négocié le PE sur l’évaluation de la retraite en 2007. Dans son témoignage, il a dit que ce protocole d’entente était motivé par le fait que le rendement moyen des membres de la faculté baissait au cours des trois années avant leur départ à la retraite parce qu’ils ont moins d’énergie, qu’ils participent à un moins grand nombre d’activités volontaires et qu’ils sont réticents à accepter des tâches nouvelles ou inhabituelles. En vertu de ce PE, si un membre de la faculté a signé les formulaires établissant une date de départ à la retraite dans les trois prochaines années, on lui garantit une cote de rendement supérieure et, par conséquent, une double augmentation salariale pour ses trois dernières années de travail. Cette cote est garantie tant que son travail d’enseignement et de recherche demeure d’une qualité satisfaisante, à tout le moins.

18        Dans son grief alléguant le refus de ses avantages liés à son départ à la retraite, conformément au PE mentionné précédemment, le Dr Hurley a indiqué ce qui suit :

[Traduction]

[…]

À la réunion du 27 avril, le Dr Kowal a affirmé qu’il ne se conformerait pas à la pratique passée et ne prendrait pas en considération le régime de retraite échelonné sur trois ans qui a été avalisé par ses prédécesseurs au CMR, dérogeant ainsi à la pratique établie et aux conditions d’emploi documentées du Collège, qui sont actuellement en vigueur.

[…]

19        Dans son témoignage, M. Noël a indiqué avoir reçu une lettre datée du 16 juin 2015, du vice-président à l’enseignement du Collège, dans laquelle figurait la réponse au premier palier de la procédure de règlement des griefs relativement au grief présenté par le Dr Hurley sur son départ à la retraite. Dans cette réponse, on indique que [traduction] « le grief est fondé sur une déclaration verbale que le directeur aurait faite à l’occasion d’une réunion informelle le 27 avril 2015 ». La politique du Conseil du Trésor était ensuite citée, comme suit :

[Traduction]

[…]

Les conditions d’emploi sont établies dans la Politique sur les conditions d’emploi du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (référence C). En vertu du paragraphe 3.2 de cette politique, « Les conditions d’emploi visant les personnes nommées à l’administration publique centrale sont énoncées dans les conventions collectives applicables et d’autres lois, et elles sont complétées par d’autres instruments de politique connexes ». En conséquence, l’employeur n’a pas enfreint l’article 107 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (référence D) puisque les dispositions qui font l’objet de ce grief figurent dans une note de service locale plutôt que dans les documents susmentionnés.

[…]

20        La mesure corrective demandée dans le grief était la suivante : [traduction] « […] que le directeur respecte la convention collective conclue de l’APCMC et la LRTFP en maintenant la pratique passée et en se conformant aux conditions d’emploi énoncées dans le PE signé le 1er juillet 2007 [protocole d’entente], ainsi qu’aux politiques et documents connexes ».

21        Je n’ai pas entendu de preuves directes de la part du Dr Hurley puisqu’il n’a pas présenté de témoignage; seul son formulaire de grief a été présenté à l’audience. Même si le règlement de la plainte en l’espèce ne dépend pas de l’issue du grief sur le départ à la retraite du Dr Hurley, je souligne que son grief a été rejeté en arbitrage devant la Commission (Hurley c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2018 CRTESPF 35). Bien que la Commission ait déclaré que le PE en vigueur au 7 juillet 2007 constituait une pratique antérieure, qui est intégrée à la convention collective de 2011 en vertu de l’article 8, elle a rejeté le grief au motif que la condition préalable au droit à la double augmentation n’avait pas été respectée (voir les paragraphes 521 et 522).

22        Étant donné le contexte de ce grief Hurley, lors de la séance de négociation suivante prévue en août 2015, M. Noël a soulevé la question du PE dans une discussion en marge de la négociation avec la négociatrice du Conseil du Trésor, Mme Lefebvre. Le 5 août, il a exprimé à Mme Lefebvre ses préoccupations que le CMR avait pris la position que les PE n’étaient pas contraignants et exécutoires. Dans son témoignage, il a dit que Mme Lefebvre lui avait répondu que le Conseil du Trésor avait demandé une opinion juridique afin de déterminer si les PE constituaient des conditions d’emploi.

B. La déclaration du directeur du CMR, M. Kowal, à la table de négociation collective

23        Après sa courte conversation avec Mme Lefebvre, M. Noël est retourné à la table de négociation. M. Kowal était présent à la table. En plus d’être le directeur du CMR, il était également un des représentants de négociation du défendeur. M. Noël a indiqué dans son témoignage que M. Kowal s’était adressé aux équipes de négociation pour leur souligner que, afin de donner des chances de succès aux parties, il ne considèrerait pas les PE comme des conditions d’emploi, que ceux-ci ne seraient pas renouvelés et qu’aucun nouveau PE ne serait conclu.

24        Dans son témoignage, M. Noël a affirmé avoir été [traduction] « très contrarié » d’entendre le directeur dire que le CMR ne reconnaissait pas les PE comme des conditions d’emploi. Il a répondu aux équipes de négociation qu’il était extrêmement déçu de cette déclaration puisque, selon l’Association, les PE étaient le seul moyen de régler des problèmes au niveau local. Il a ajouté qu’il a ensuite dit au groupe qu’à la lumière de la déclaration de l’employeur, l’agent négociateur devrait réexaminer l’ensemble de ses propositions; il a ensuite quitté la table de négociation avec son équipe. M. Noël a indiqué que les parties n’étaient pas retournées à la table de négociation depuis cette séance du 5 août 2015.

C. Échange de positions

25        Comme il a été mentionné, le 21 septembre 2015, l’agent négociateur a déposé la présente plainte. Dans sa réplique du 30 octobre 2015, le défendeur a exposé sa position sur les trois PE qui, au départ, ont été identifiés comme ayant été enfreints. Le défendeur a accepté de maintenir les conditions du PE sur la retraite jusqu’à la signature d’une nouvelle convention collective. Le défendeur a nié que la lettre sur la formation linguistique était un PE et a affirmé qu’elle [traduction] « […] ne [donnait] pas lieu à une obligation juridique visée par l’article 107 de la LRTFP ». Enfin, il a mentionné que la lettre d’explication sur la répartition des avantages en double et en triple n’était en fait qu’une lettre faisant état de la compréhension au moment de la pratique relative au quota des cotes de rendement. Il ne s’agissait pas d’une pratique dont l’application a été maintenue telle qu’il est expliqué dans la lettre. En guise de conclusion, le défendeur a affirmé que les dispositions de la lettre ne constituaient pas des conditions protégées par l’article 107 de la LRTFP.

26        Le 30 octobre 3015, M. Kowal a également envoyé une lettre à la plaignante (la « lettre Kowal »), qui mentionnait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La présente fait suite à votre demande de renseignements présentée par courriel le 28 mai 2015 et à notre discussion du 5 août 2015 puisque je n’étais pas prêt à ce moment à vous fournir la position de l’employeur sur les protocoles et les lettres d’entente (LE) sur diverses questions liées au groupe Enseignement universitaire (UT) […]

[…]

Je vous remercie de les avoir portés à mon attention et je vous demande pardon pour le délai de réponse; on m’a également mentionné qu’il y avait d’autres documents de ce genre et je voulais profiter de l’occasion pour les examiner et les comprendre tous […]

[…]

27        Ensuite, dix documents, ainsi que la position de l’employeur pour chaque document, sont présentés dans la lettre Kowal. Voici les documents énumérés :

  1. Évaluation annuelle des UT pour les trois années précédant un départ à la retraite prévu (1er juillet 2007);
  2. Lettre sur la formation linguistique (27 juin 2008);
  3. Lettre sur les quotas pour les cotes de rendement (27 juin 2008);
  4. Lettre concernant la clause 13.08 de la convention collective (le travail d’un membre de la faculté pour une association de la faculté représente une forme de service à la communauté universitaire qui sera pris en considération dans l’attribution de tâches d’enseignement et des tâches administratives)(27 juin 2008);
  5. Lettre sur les cotes de rendement attribuées (27 juin 2008);
  6. Politique sur les congés des UT (29 janvier 2007);
  7. Indemnité pour perfectionnement professionnel (12 mai 2008) et report (12 décembre 2005);
  8. Négociation pour la convention collective du groupe Enseignement universitaire (UT) liée à la Directive sur le réaménagement des effectifs (25 avril 2008);
  9. Tâches prévues – Groupe UT (certaines ne doivent pas être prévues les 23 et 24 décembre de chaque année) (6 décembre 2005);
  10. Congé de deuil (expliquant l’administration de la clause 20.04(a) de la convention collective).

28        La lettre Kowal citait chaque PE ainsi que la position du défendeur sur la question de savoir s’il croyait que le PE constituait une condition d’emploi contraignante. Selon la lettre Kowal, les points 2, 3, 6 et 8 n’étaient pas considérés comme des conditions d’emploi et n’avaient donc pas force exécutoire à l’égard du défendeur. La lettre indiquait ensuite ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La présente constitue un avis officiel selon lequel les protocoles et les LE susmentionné et désignés protégés en vertu de l’article 107 de la LRTFP seront maintenus jusqu’à la signature d’une nouvelle convention collective, après quoi ils prendront fin. Par conséquent, vous pourriez profiter de l’occasion pendant la ronde de négociation en cours pour proposer des modifications à la convention collective qui se rapportent aux éléments abordés dans les documents susmentionnés.

[…]

29        La lettre Kowal se termine par la remarque suivante : [traduction] « Sachez que toute note ou tout PE qui n’est pas énuméré ci-dessus, mais qui peut exister, et dont j’ignore l’existence à l’heure actuelle sera réputé être non-exécutoire ».

30        La plaignante a répondu à la lettre Kowal. Elle a soutenu que la lettre constituait une autre violation continue des articles 106 et 107 de la Loi et qu’elle équivalait à ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] un changement aux conditions d’emploi allant à l’encontre de la disposition sur le gel prévu par la LRTFP. Qui plus est, en attendant à cette étape actuelle aussi avancée des négociations pour exposer sa position sur les protocoles et les lettres d’entente, l’employeur a manqué à son obligation de négocier de bonne foi et à déployer tous les efforts raisonnables pour conclure une convention collective.

[…]

31        La plaignante s’est aussi opposée à la position selon laquelle tout autre PE non-énuméré dans la lettre Kowal serait réputé être non-exécutoire. Elle a fait valoir que [traduction] « […] l’employeur doit indiquer clairement toutes les conditions d’emploi qu’il entend modifier en plus de donner un avis adéquat d’une telle intention, dans un délai suffisant avant la négociation […] ».

32        À l’audience, la plaignante et le défendeur ont présenté des témoins afin de confirmer ce que M. Kowal avait dit à la séance de négociation du 5 août. Les témoignages à ce sujet étaient incohérents.

33        Selon les témoignages présentés par l’Association, M. Kowal aurait exprimé son intention de renier tous les PE en date de ce jour et de ne plus conclure de PE à l’avenir.

34        Les témoignages des témoins cités par le défendeur donnaient un point de vue différent. Selon ceux-ci, M. Kowal n’aurait pas souligné son intention de renier tous les PE en date de ce jour; il aurait plutôt indiqué qu’il n’était pas au courant de ce qu’il en adviendrait, parce qu’il attendait une opinion juridique sur cette question et qu’il croyait que l’Association devrait songer à présenter une proposition afin d’ajouter le contenu des PE à la table de négociation à des fins d’inclusion dans la convention collective.

35        Lorsqu’il a été interrogé sur les commentaires qu’il avait formulés pendant la séance de négociation en question, M. Kowal a dit que M. Noël lui avait posé des questions sur le statut des PE, vu les problèmes allégués découlant du grief lié au départ à la retraite du Dr Hurley, puisque l’APCMC avait indiqué qu’elle se retirerait de la table de négociation si les PE n’étaient pas confirmés.

36        Dans son témoignage, M. Kowal a indiqué qu’il avait répondu à M. Noël et qu’il lui avait dit qu’il avait demandé une opinion juridique après avoir appris qu’il pouvait y avoir jusqu’à 10 PE. En ce qui concerne l’état des PE et la possibilité d’en signer de nouveaux, il a répondu [traduction] « Je ne sais pas ce que je ne sais pas ». Il a aussi indiqué dans son témoignage qu’il avait demandé ce qui suit au groupe de négociation [traduction] « pourquoi ne pas adopter l’approche selon laquelle il n’y aura plus de PE et aucun nouveau PE ». Lorsqu’on lui a demandé de préciser cette déclaration, M. Kowal a témoigné qu’il avait répondu « Je ne sais pas ce que je ne sais pas » puisqu’il attendait de recevoir une opinion juridique.

III. Questions

37        Voici les deux questions à trancher :

  1. Y a-t-il des éléments de preuve selon lesquels le défendeur a enfreint l’article 107 en omettant de respecter une condition d’emploi?
  2. L’employeur a-t-il manqué à l’obligation de négocier de bonne foi prévue à l’article 106?

38        La plainte est présentée en vertu des alinéas 190(1)b) et c) de la Loi, qui prévoit ce qui suit :

190 (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

b) l’employeur ou l’agent négociateur a contrevenu à l’article 106 (obligation de négocier de bonne foi);

c) l’employeur, l’agent négociateur ou le fonctionnaire a contrevenu à l’article 107 (obligation de respecter les conditions d’emploi);

39        Les articles 106 et 107 de la Loi prévoient ce qui suit :

106 Une fois l’avis de négociation collective donné, l’agent négociateur et l’employeur doivent sans retard et, en tout état de cause, dans les vingt jours qui suivent ou dans le délai éventuellement convenu par les parties :

a) se rencontrer et entamer des négociations collectives de bonne foi ou charger leurs représentants autorisés de le faire en leur nom;

b) faire tout effort raisonnable pour conclure une convention collective.

107 Une fois l’avis de négocier collectivement donné, sauf entente à l’effet contraire entre les parties aux négociations et sous réserve du paragraphe 125(1), les parties, y compris les fonctionnaires de l’unité de négociation, sont tenues de respecter chaque condition d’emploi qui peut figurer dans une convention collective et qui est encore en vigueur au moment où l’avis de négocier a été donné, et ce, jusqu’à la conclusion d’une convention collective comportant cette condition ou :

a) dans le cas où le mode de règlement des différends est l’arbitrage, jusqu’à ce que la décision arbitrale soit rendue;

b) dans le cas où le mode de règlement des différends est le renvoi à la conciliation, jusqu’à ce qu’une grève puisse être déclarée ou autorisée, le cas échéant, sans qu’il y ait contravention au paragraphe 194(1).

A. Y a-t-il des éléments de preuve que le défendeur a enfreint l’article 107 en omettant de respecter une condition d’emploi?

40        Le grief Hurley a été présenté à titre de contexte pertinent en ce qui concerne la question des PE soulevée par M. Noël. L’avocat de la plaignante a soutenu que je n’avais pas à tirer de conclusion sur la question de la retraite du Dr Hurley pour accueillir la plainte. Par conséquent, je ne tire aucune conclusion sur la question du grief lié au départ à la retraite.

41        Dans un autre argument sur cet aspect de la plainte, l’avocat de la plaignante a indiqué que la lettre de M. Kowal, datée du 30 octobre 2015, suffisait en soi pour accueillir la plainte sur la violation du gel prévu par la loi, puisqu’elle énumérait clairement trois PE et que le défendeur avait clairement indiqué qu’il ne les respecterait plus. L’avocat s’est également appuyé sur le témoignage des témoins de l’Association, qui ont indiqué que M. Kowal avait affirmé, pendant la séance de négociation en août, que les PE ne seraient plus reconnus. L’avocat m’a suggéré de tirer des conclusions défavorables sur la crédibilité du témoin, vu les aspects intéressés du témoignage de M. Kowal, selon lui.

42        À l’appui de l’observation voulant que la lettre et la déclaration de  négociation constituaient des violations, l’avocat de la plaignante a ensuite présenté des observations détaillées à savoir qu’il faudrait conclure que chacun des trois PE que le défendeur a contestés constituent des conditions d’emploi. Par conséquent, il a fait valoir que le défendeur était tenu de s’y conformer dès le début de la négociation collective.

43        Je souligne, et il s’agit d’un élément important, qu’aucune de ces observations ne renvoie à des éléments de preuve qui m’ont été présentés établissant qu’un avantage a bel et bien été refusé à un membre de l’Association ou à l’Association dans son ensemble. La plaignante soutient plutôt que les déclarations qui auraient été faites pendant la négociation, ainsi que dans la lettre mentionnée plus tôt, équivalent à la concrétisation de la position du défendeur sur les PE respectifs et que je devrais conclure que l’article 107 sur le gel prévu par la loi a été violé.

44        La plaignante s’appuie sur une décision de la Commission dans laquelle cette dernière a conclu que même lorsque certains aspects d’un grief sont anticipatifs ou prospectifs, [traduction], « l’affaire ne sera pas considérée comme prématurée si un réel différend entre les parties a pris forme et s’il existe des éléments de certitude quant à la mise en œuvre de la politique ».

45        Un différend prend forme quand des actions de l’employeur donnent à penser qu’il y a violation de la convention collective. Il peut s’agir d’une déclaration d’intention active de la part de l’employeur concernant la mise en œuvre d’une politique (voir Barr c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2006 CRTFP 85, aux paragraphes 126 et 127, citant, dans le cas de l’horaire des postes, Leger et al. c. le Conseil du Trésor (Transport Canada), dossiers 166-02-18740 et 18616 (1989)).

46        Barr examine la discrimination alléguée découlant des normes relatives à la condition physique en fonction de l’âge et du sexe pour les pompiers, qui avaient été créées récemment. L’arbitre de grief dans Barr disposait d’éléments de preuve selon lesquels des pompiers s’étaient blessés ou étaient décédés des suites de problèmes cardiaques ou d’hypertension par le passé lorsqu’ils avaient tenté de respecter les normes sur la condition physique (voir les paragraphes 10 à 13). Au moment de déterminer s’il pouvait accueillir l’argument lié aux droits de la personne, l’arbitre de grief a souligné la pratique du « obéir maintenant et contester plus tard », une pratique normalisée selon laquelle les pompiers dans l’affaire dont il était saisi devaient subir les tests de condition physique et présenter un grief par la suite. L’arbitre de grief a toutefois accepté sa compétence pour entendre la plainte liée aux droits de la personne en raison de la publication des nouvelles normes de condition physique, en concluant qu’il était dans l’intérêt supérieur des deux parties d’accepter d’être saisi de l’affaire avant qu’un pompier ne soit soumis à ce qui pourrait être jugé plus tard comme des normes d’évaluation de la condition physique discriminatoires interdites en vertu de la loi (voir les paragraphes 132 et 133).

47        Dans Association canadienne des employés professionnels c. Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (Services publics et Approvisionnements Canada), 2016 CRTEFP 68, l’arbitre de grief Homier-Némé a conclu que la décision unilatérale de ne plus permettre aux traducteurs parlementaires de modifier leur horaire de travail pendant la période d’intersession, tout en bénéficiant du supplément de rémunération, allait à l’encontre du gel prévu à l’article 107 de la Loi. L’arbitre de grief a conclu que le fait de ne pas inclure une pratique dans une clause de la convention collective n’était pas pertinent, puisque le facteur déterminant consiste à déterminer si une condition d’emploi était en vigueur au début de la négociation et si celle-ci pourrait faire partie d’une convention collective. Elle a également conclu que la Loi et la jurisprudence pertinente prévoient la protection de la relation entre l’employeur et les employés dans la poursuite des activités normales, même si celle-ci va à l’encontre de la convention collective. Elle a aussi fait remarquer l’interprétation très générale de ce qui constitue une condition d’emploi et renvoie à cet égard à la décision de la Cour d’appel fédérale dans R. c. C.A.T.C.A.,[1982] 2 C.F. 80, qui a jugé qu’une condition d’emploi pouvait prendre la forme d’une entente ou de l’exercice unilatéral du pouvoir de gestion après consultation et que les dispositions sur le gel prévu par la loi protégeaient aussi les conditions susceptibles d’être incluses dans une convention collective (au paragraphe 72).

48        L’avocate du défendeur fait valoir que les éléments de preuve qui m’ont été présentés à l’audience ne démontrent pas qu’un avantage a été refusé à l’un des membres de l’Association ou à l’Association dans son ensemble; elle fait aussi valoir que les gestes qu’il a posés pendant les événements qui m’ont été présentés étaient en tout temps légitimes, conformément aux droits de la direction accordés en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques.

49        En particulier, l’avocate mentionne que la condition d’emploi alléguée liée au versement d’une somme d’argent précise pour suivre une formation linguistique dans le PE no 2, qui remonte à 2008, ne renvoyait qu’à l’allocation budgétaire de cette année et que le CMR n’a aucun contrôle sur les affectations budgétaires. L’avocate a aussi indiqué que les membres de la faculté ont effectivement le droit de s’inscrire à une formation linguistique, mais que ce droit est issu d’une directive du Conseil national mixte et de la Loi sur les langues officielles.

50        Je suis d’accord avec l’observation du défendeur selon laquelle une affectation budgétaire n’est pas une condition d’emploi et ne fait pas partie d’une convention collective à juste titre. Plus important encore, les éléments de preuve qui m’ont été présentés n’établissent pas que des membres de la faculté se sont vu refuser une formation linguistique. Je conclus donc que la plaignante n’a pas prouvé l’allégation.

51        L’avocate du défendeur a répondu aux allégations selon lesquelles M. Kowal avait indiqué qu’il ne respecterait pas le PE no 3 sur les quotas pour les cotes de rendement. Il a indiqué que, nonobstant les déclarations de M. Kowal, la preuve démontrait que, en réalité, les cotes de rendement étaient attribuées de façon à se conformer le plus possible aux quotas qui étaient supposément en place aux termes du PE afin qu’aucun membre de la faculté ne se voie refuser sa cote de rendement et son augmentation salariale connexe (étant donné le nombre d’employés déjà aux échelons les plus élevés, il était impossible d’atteindre le pourcentage ciblé).

52        L’avocat de la plaignante a soutenu que le défendeur ne devrait pas avoir le droit de soutenir que le PE était impossible à exécuter au motif que le quota précis ne pouvait être accordé étant donné que la plupart des membres de la faculté se trouvaient déjà aux échelons supérieurs de l’augmentation salariale. L’avocat de la plaignante n’a pas soutenu que l’on avait refusé d’accorder à l’un des membres de la faculté sa cote de rendement ou son augmentation appropriée; il a plutôt fait valoir que le PE demeurait valide et en vigueur au moment de la négociation collective, puisqu’il était mentionné dans le PE que l’attribution de cotes de rendement et d’augmentations salariales dépendait du quota disponible.

53        Vu les éléments de preuve et les arguments avancés, je conclus qu’aucun avantage n’a été refusé.

54        Enfin, je souligne que l’avocate du défendeur a soutenu que le PE no 6 régissant la limite des congés pouvant être reportés n’était plus en vigueur puisqu’aucune des parties ne le respectait. En effet, les membres de la faculté possédaient beaucoup de congés accumulés qui dépassaient largement la limite prévue dans la PE et la direction n’avait pas demandé au personnel d’utiliser les congés accumulés et aucun de ces congés n’avait été éliminé des droits des employés.

55        À cet égard, l’avocat de la plaignante a soutenu que la direction avait l’obligation d’assurer l’application des conditions d’emploi et que le non-respect de la limite ne permettait pas de juger que le PE n’était plus en vigueur. L’avocat n’a présenté aucun élément de preuve selon lequel on aurait refusé à un membre de la faculté un congé ou réduit son nombre de congés reportés.

56        L’avocate du défendeur a fait valoir que puisqu’aucun élément de preuve n’a été présenté établissant qu’un avantage aurait été refusé, je devrais conclure que les dispositions sur le gel prévu par l’article 107 de la loi n’ont pas été violées. Elle m’a renvoyé au paragraphe 69 de Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2013 CRTFP 46 (« AFPC 1 »), où la Commission a conclu ce qui suit :

[69]    Je trouve convaincant l’argument selon lequel l’événement déclencheur de la plainte a eu lieu à la date à laquelle les conditions d’emploi gelées ont cessé d’être respectées. Il ne peut y avoir contravention à la [Loi sur les relations de travail dans la fonction publique] avant que les conditions d’emploi ne soient modifiées.

57        Plus récemment, la Commission a cité AFPC 1 avec approbation dans Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2017 CRTESPF 11, confirmée dans 2019 CAF 41 (« AFPC 2 ») et Alliance de la fonction publique du Canada c. Agence du revenu du Canada, 2017 CRTESPF 169, confirmée dans 2019 CAF 41 (« AFPC 3 »), qui indiquaient toutes deux qu’il ne pouvait y avoir violation de la Loi avant la modification des conditions d’emploi et que l’événement déclencheur est la date de mise en œuvre de la nouvelle politique (voir AFPC 2, au paragraphe 37, et AFPC 3, au paragraphe 10). Ces affaires de 2017 soulignent aussi la même conclusion de la Commission dans CSN c. Conseil du Trésor, 2016 CRTEFP 47.

58        En conclusion en ce qui concerne l’allégation de violation de l’article 107 sur le gel prévu par la loi, j’ai écouté des témoignages oraux, examiné des éléments de preuve documentaire et étudié attentivement des arguments bien préparés citant la jurisprudence sur ce qui constitue une condition d’emploi et si les divers PE en litige en l’espèce étaient contraignants pour le défendeur.

59        Après un examen minutieux de l’ensemble de la preuve, des arguments et de la jurisprudence, j’accepte l’observation du défendeur sur cette question, soit que la preuve ne me permet pas de conclure que le défendeur a omis de respecter l’une des conditions d’emploi en litige ou l’ensemble de ces conditions. Les déclarations de M. Kowal et la lettre qu’il a envoyée n’équivalent pas en soi à des violations des dispositions sur le gel prévu par la loi – ils ne sont pas en soi un événement déclencheur, comme il est indiqué ci-dessus. Qui plus est, la plaignante n’a présenté aucun autre élément de preuve établissant que l’on avait effectivement refusé à l’un de ses membres un avantage prévu par les PE.

60        Je conclus que l’agent négociateur ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait, soit de présenter des éléments de preuve clairs et convaincants qui me permettraient de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeur a commis des gestes équivalant à une omission à respecter des conditions d’emploi, ce qui aurait constitué une violation du gel prévu par la loi.

B. L’employeur a-t-il manqué à l’obligation de négocier de bonne foi prévue à l’article 106?

61        L’Association a fait valoir que les déclarations, tant verbales qu’écrites, de l’employeur, soulignant que les PE ne seraient plus respectés et qu’aucun autre PE ne serait conclu à l’avenir, indiquent une intention de ne pas chercher à conclure une nouvelle convention collective. L’Association a également soutenu que l’employeur, en faisant de telles déclarations à une étape bien avancée du processus de négociation collective, minait l’effort de négociation de l’Association, puisqu’elle serait tenue de recommencer sa préparation relative à la consultation de ses membres et d’envisager de nouvelles propositions de négociation.

62        L’Association soutient que les PE (hormis celui qui, comme elle l’a reconnu à l’audience, est maintenant expiré et n’a plus force exécutoire) sont des conditions d’emploi et que si un avis explicite n’est pas présenté dès le début de la négociation qu’une partie souhaite présenter de nouvelles propositions de négociation, les conditions seront contraignantes pour la durée de la convention collective suivante.

63        L’Association a présenté des éléments de preuve sur lesquels elle s’est appuyée pour faire valoir que le processus de négociation collective était bien avancé lorsqu’elle a appris la position de l’employeur au sujet des PE.

64        Le défendeur a soutenu que l’Association avait été informée, dans l’avis de négociation, que des modifications avaient été proposées relativement à l’objet de l’un des PE et qu’elle avait eu connaissance de préoccupations découlant d’un autre PE, comme en témoigne le grief Hurley sur le départ à la retraite. Le défendeur a également souligné que l’avis de négocier des parties réservait expressément à chacune de ces parties le droit de présenter de nouvelles propositions.

65        L’employeur a également soutenu que la négociation se trouvait à mi-chemin, tout au plus, et que l’Association avait été invitée à présenter de nouvelles propositions si elle souhaitait que des éléments des PE soient aussi pris en considération dans la négociation collective en tant que nouveau libellé possible dans la convention collective.

66        Le 28 février 2014, l’employeur a transmis un avis de négocier à l’Association, comme l’exige l’article 105 de la Loi, lançant ainsi la négociation collective. M. Noël a indiqué dans son témoignage que les parties avaient convenu d’une série de quatre séances de négociation, comme suit :

  • Du 3 au 5 novembre 2014 — M. Noël a indiqué dans son témoignage que l’employeur avait d’abord présenté une liste de propositions et de justifications à l’appui. L’Association a présenté et expliqué sa proposition le deuxième jour. Il a indiqué que l’employeur était [traduction] « obsédé par l’article 19 - congé de maladie ». Il a ajouté que rien n’avait été convenu lors de la première séance.
  • Du 10 au 12 décembre 2014 — M. Noël a indiqué dans son témoignage que l’employeur demeurait préoccupé par les congés de maladie et qu’il a également été question de la charge de travail à la table de négociation.
  • Du 10 au 12 février 2015 — les dispositions sur les congés ont été négociées.

67        M. Noël a indiqué dans son témoignage qu’il n’avait aucunement été question des PE pendant ces trois premières séances de négociation. Il a aussi indiqué que 11 propositions avaient été conclues pendant ces trois premières séances, dont neuf de l’employeur.

68        M. Noël a expliqué que les problèmes avaient fait leur apparition à la séance de négociation suivante, prévue en août 2015. Il a témoigné que dans le cadre d’une réunion en marge de la négociation avec Mme Lefebvre, la question du PE sur le départ à la retraite avait été soulevée en raison du professeur Hurley et de son intérêt à donner son avis de départ à la retraite. M. Noël a témoigné que, avant la conversation du mois d’août, il avait déjà exprimé ses préoccupations à Mme Lefebvre concernant la position du CMR selon laquelle les PE n’étaient pas contraignants et exécutoires.

69        Il a indiqué dans son témoignage que cette question avait été soulevée à la suite du départ à la retraite envisagé du professeur Hurley et de son grief connexe, daté du 1er juin 2015, à ce sujet. M. Noël a décrit comment il avait négocié un PE sur le départ à la retraite en 2007, qui prévoyait que les membres de la faculté qui souhaitent prendre leur retraite devaient en informer le Collège trois ans avant.

70        Dans son grief, le Dr Hurley a indiqué ce qui suit :

[Traduction]

[…]

À la réunion du 27 avril, le Dr Kowal a affirmé qu’il ne se conformerait pas à la pratique passée et ne prendrait pas en considération le régime de retraite échelonné sur trois ans qui a été avalisé par ses prédécesseurs au CMRC, dérogeant ainsi à la pratique établie et aux conditions d’emploi documentées du Collège, qui sont actuellement en vigueur.

[…]

71        En guise de mesure corrective, on demandait, dans le grief, que [traduction] « […] le directeur respecte la convention collective conclue avec l’APCMC et la LRTFP en maintenant la pratique passée et en se conformant aux conditions d’emploi énoncées dans le PE signé le 1er juillet 2007, ainsi qu’aux politiques et documents connexes ».

72        M. Noël a ensuite décrit comment, lorsque l’employeur a déclaré dans sa réponse à la question sur le départ à la retraite du professeur Hurley qu’il jugeait que les PE n’étaient pas contraignants ou exécutoires, il avait soulevé la question auprès de Mme Lefebvre. Selon son témoignage, elle lui a répondu que le Conseil du Trésor avait demandé une opinion juridique afin de déterminer si les PE constituaient des conditions d’emploi.

73        Dans son témoignage, M. Noël a dit qu’à son retour à la table de négociation, le même jour où a eu lieu cette courte conversation avec Mme Lefebvre, M. Kowal s’était adressé aux équipes de négociation et avait affirmé que, pour donner des chances de succès à l’Association, il souhaitait les informer qu’il ne considérait pas les PE comme des conditions d’emploi. M. Noël a également indiqué dans son témoignage que M. Kowal avait indiqué que les PE n’étaient pas considérés comme des conditions d’emploi, qu’ils ne seraient pas renouvelés et qu’aucun nouveau PE ne serait conclu.

74        M. Noël a témoigné avoir été [traduction] « très contrarié » d’entendre le directeur du Collège dire que l’employeur ne reconnaissait pas les PE comme des conditions d’emploi. Il a répondu aux équipes de négociation qu’il était très déçu de cette déclaration puisque l’Association percevait les PE comme l’unique façon de régler des problèmes au niveau local. Il a ajouté qu’il a ensuite dit au groupe qu’à la lumière de la déclaration de l’employeur, l’agent négociateur devrait réexaminer l’ensemble de ses propositions; il a ensuite quitté la table de négociation avec son équipe. M. Noël a indiqué que les parties n’étaient jamais retournées à la table de négociation.

75        M. Noël a témoigné que l’employeur n’avait pas indiqué, après le 5 août 2015, qu’il renouvellerait les PE, que ce soit en tant que documents autonomes ou comme faisant partie de la convention collective.

76        M. Noël a aussi indiqué dans son témoignage que le Conseil du Trésor [traduction] « insistait » pour que les conventions collectives soient uniformisées à l’échelle du pays. Il a exprimé l’opinion selon laquelle cette uniformisation mettait en péril la capacité de l’Association de répondre à des questions locales pertinentes pour ses membres. Il a mentionné que les PE peuvent répondre à ce type de préoccupations qui ne relèvent pas du mandat de négociation du Conseil du Trésor. Il a ajouté que le Conseil du Trésor est présent à la table en tant qu’observateur des négociations sur les PE, mais qu’il n’en est pas une partie puisque ce sont des ententes conclues à l’échelle locale entre l’Association et le directeur du Collège. M. Noël s’est dit d’avis qu’il ne pouvait pas envisager une convention collective sans PE puisque la quasi-totalité des collèges au Canada en possède.

77        M. Noël a expliqué que les PE sont gérés à la table de négociation à des fins de crédibilité. Il ne perdrait pas son temps à en discuter s’ils n’étaient pas exécutoires. Il a aussi mentionné que le fondement des PE n’était pas négocié comme faisant partie de la convention collective puisque, selon sa compréhension, le Conseil du Trésor n’avait pas le mandat pour le permettre, ce qui rendait cette idée impossible. M. Noël a ensuite témoigné que, à son avis, les PE étaient l’unique outil disponible pour régler des questions  au niveau local.

78        Dans la discussion sur l’historique de la négociation des PE, M. Noël a témoigné qu’il était à la table de négociation en 2007 et que l’employeur avait présenté une proposition avant la négociation dans le but d’éliminer les indemnités de départ pour les démissions. Il a ajouté qu’il n’avait jamais vu l’employeur présenter une nouvelle proposition à mi-chemin de la négociation collective; il a cependant reconnu que les propositions écrites des deux parties utilisées pour la ronde de négociation actuelle indiquaient [traduction] « L’Association se réserve le droit de présenter d’autres propositions […] et des contre-propositions à la table […] » (p. 4 de 94 de la proposition de l’Association datée du 22 octobre 2014). M. Noël a ajouté que, selon lui, ce droit de présenter d’autres propositions se limitait aux articles de la convention déjà identifiés.

79        M. Noël a ajouté que, en réalité, l’employeur s’engage maintenant à honorer le PE sur le départ à la retraite jusqu’à la signature d’une nouvelle convention collective, ce qui cause toujours un immense problème pour l’Association puisqu’elle devra donc examiner de nouveau ses propositions de négociation et solliciter de nouveau ses membres pour obtenir leurs commentaires puisqu’il faudra intégrer la perte de valeur attribuable à l’échéance de ce PE à de nouvelles propositions de convention collective pour s’assurer que les membres ne perdent pas cet avantage ou qu’ils soient indemnisés pour la même valeur dans une autre partie de la convention collective.

80        M. Noël a décrit comment, selon l’Association, chacun des autres PE demeure en vigueur et leur grande importance pour la faculté, hormis le PE no 8, qui, comme il l’a admis, n’avait qu’une application temporelle limitée qui est désormais passée. Pour chacun de ces protocoles, son équipe de négociation devrait travailler d’arrache-pied à préparer des propositions à présenter aux fins de négociation dans les séances de négociation, le cas échéant.

81        M. Noël a reconnu en contre-interrogatoire que le PE est un outil qui permet d’acheminer une question importante pour la faculté dans la convention collective. Il a également confirmé que les parties avaient en réalité réussi à négocier une indemnité de perfectionnement professionnel qui avait fait l’objet d’un PE précédent daté du 12 mai 2018 dans une nouvelle clause de la convention collective lors de la négociation de 2011. Il a ajouté dans son ré-interrogatoire que, même si ce PE avait effectivement été intégré à la convention collective, il l’avait été dans le cadre de la proposition présentée au début de la négociation.

82        Mme Barbara Falk, une conseillère juridique de l’APCMC, a témoigné qu’elle n’arrivait pas à se souvenir des mots exacts prononcés par M. Kowal lors de la séance de négociation du mois d’août; elle avait toutefois l’impression claire qu’à ce moment, l’employeur n’honorerait plus aucun des PE et qu’aucun autre nouveau PE ne serait pris en considération à l’avenir. Mme Falk a jouté que, selon sa compréhension, les PE n’étaient plus en vigueur à compter de ce moment-là.

83        Mme Falk a aussi ajouté qu’après avoir reçu la lettre de M. Kowal datée du 30 octobre 2015, l’agent négociateur croyait qu’il devrait refaire tous ses travaux préparatoires afin de sonder ses membres pour obtenir leurs commentaires et évaluer de nouveau les options de négociation et recourir à un conseiller juridique pour éclairer de nouvelles positions de négociation, s’il songeait à présenter des propositions à intégrer à la convention collective pour tous les aspects des PE ou certains d’entre eux.

84        En contre-interrogatoire, Mme Falk a indiqué qu’elle ignorait que l’Association avait approché le Conseil du Trésor afin de lui demander s’il était possible de négocier l’objet des PE aux fins d’inclusion dans la convention collective.

85        L’employeur a cité Mme Lefebvre à témoigner. Elle était la négociatrice principale pour le gouvernement du Canada par l’intermédiaire du Conseil du Trésor, et pour le ministère client dans le processus de négociation collective. Dans son témoignage, elle a affirmé qu’elle avait été assignée à travailler sur les négociations entre les parties en 2006 et que la ronde dont il est question en l’espèce était sa troisième.

86        Mme Lefebvre a indiqué dans son témoignage que le Conseil du Trésor n’avait établi aucune politique sur les ententes locales ou les PE puisqu’ils ne relèvent pas de la convention collective. Elle a indiqué ignorer l’existence des PE en 2006, lorsqu’elle s’est jointe à l’équipe de négociation de l’employeur; elle a toutefois appris que le directeur du CMR à cette époque travaillait à l’élaboration des PE lui-même. Elle a indiqué qu’il n’avait aucunement été question des PE dans les préparatifs en vue de la négociation collective. À la question de savoir si elle avait déjà acquiescé à une demande du syndicat de renouveler les PE, elle a répondu ne jamais l’avoir fait.

87        Mme Lefebvre a témoigné qu’en 2011, les parties avaient convenu de tenir une ronde de négociation accélérée qui se limitait à une liste restreinte d’éléments. Au terme de la négociation, M. Noël avait demandé ce qui suit : [traduction] « qu’en est-il des PE? », ce à quoi elle a répondu qu’ils ne faisaient pas partie de la convention collective et qu’elle ne formulerait aucun commentaire à leur égard. Toutefois, elle a dit que le directeur à cette époque, M. Sokolsky, avait répondu à M. Noël qu’il accepterait de renouveler tous les PE. Mme Lefebvre a ajouté qu’elle ignorait si la question avait de nouveau été abordée par la suite.

88        Mme Lefebvre a indiqué dans son témoignage qu’elle avait eu des discussions et échangé des communications écrites avec l’Association afin de préparer la négociation de 2014; la question des PE n’a jamais été soulevée. Elle a indiqué qu’au moment des réunions de négociation d’août 2015, elle croyait que les parties se trouvaient environ à mi-chemin de la conclusion d’une convention.

89        Dans son témoignage, elle a dit avoir eu connaissance de la question des PE dans le contexte de la plus récente ronde de négociation au moment des séances de négociation d’août 2015 environ, en raison du dépôt du grief Hurley. C’est ce qui a mené l’Association à soulever la question de trois autres PE remontant à 2007 et de leur renouvellement. Elle a témoigné que lorsque l’Association a porté l’affaire à son attention, elle a demandé d’obtenir un avis juridique sur le statut des PE. Elle a affirmé qu’au moment de discuter de la question avec M. Kowal, ce dernier lui a dit qu’il respecterait l’avis juridique si l’on concluait que les PE étaient contraignants jusqu’à un moment spécifique.

90        Elle a ajouté qu’en réponse à une question de M. Noël, elle l’avait informé que l’avis juridique ne serait pas prêt pour les réunions de négociation d’août 2015 et qu’elle ne lui en communiquerait pas le contenu lorsqu’il le serait, mais que le directeur le ferait. Mme Lefebvre a indiqué dans son témoignage que M. Noël lui avait ensuite dit que l’Association mettrait fin aux négociations si aucune entente n’était conclue au sujet des PE.

91        Mme Lefebvre a également témoigné qu’elle a cru nécessaire d’obtenir un avis juridique sur le statut des PE uniquement parce que l’Association lui avait parlé des questions liées au grief Hurley. Elle a ajouté que, au moment de la discussion sur le grief Hurley et au début de la séance de négociation du 5 août, M. Kowal lui avait dit qu’il voulait que toutes les ententes liées à la faculté soient incluses dans la convention collective puisqu’il ne voulait rien sous forme de PE.

92        Mme Lefebvre a indiqué avoir communiqué à plusieurs reprises avec l’Association après le départ de celle-ci de la table de négociation. Dès août 2015, elle a communiqué avec eux afin de manifester le désir de reprendre les négociations. Elle a témoigné avoir dit à l’Association qu’elle pouvait soulever la question de la négociation du contenu des PE dans la convention collective si elle le souhaitait.

93        Le courriel qu’elle a envoyé à M. Noël à ce sujet le 7 décembre 2015 a été présenté en tant que preuve. Elle y indique ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Vous avez indiqué que l’APCMC refuse de reprendre la négociation jusqu’au règlement de cette plainte de pratique déloyale de travail. Même si les parties se sont réunies pour participer à quelques séances de négociation depuis l’émission de l’avis de négocier, elles n’étaient pas sur le point de conclure une entente lors de la dernière séance en août 2015 et la négociation d’un certain nombre de propositions demeure en suspens. Il est encore temps de discuter de l’objet des lettres d’entente et des pratiques en litige dans la plainte à la table de négociation et l’employeur est disposé à examiner de bonne foi les propositions que l’APCMC pourrait vouloir faire sur ces sujets. Le litige en instance n’est pas un motif valable de refus de négocier de la part de l’APCMC dans ces circonstances.

Je suis convaincue que nous pourrons reprendre la négociation au cours de la prochaine année.

[…]

[Je mets en évidence]

94        À la question de savoir quel était son pouvoir et son mandat dans la négociation collective, Mme Lefebvre a répondu que son mandat [traduction] « évolue constamment » dans une négociation. En contre-interrogatoire, elle a avoué qu’elle avait consulté au moins la moitié des pages de l’ensemble des PE en date de la négociation de 2011.

95        Toutefois, elle ignorait le rôle, selon le cas, des PE dans la mise au point définitive de la convention collective puisqu’elle n’avait joué aucun rôle dans la détermination du contenu ni participé aux discussions menant à une entente liée aux PE.

96        Mme Lefebvre a aussi témoigné en contre-interrogatoire que M. Kowal avait semblé surpris par l’existence des PE, par suite du grief Hurley. Elle a indiqué que lorsque l’affaire Hurley est survenue, il lui avait dit qu’il était préoccupé par la possibilité qu’il y ait d’autres PE dont il n’avait pas connaissance et qu’il ne voulait pas que d’autres PE soient convenus à l’avenir. Il lui a dit qu’il voulait plutôt que ces éléments convenus fassent partie de la convention collective.

97        À la question de savoir si M. Kowal lui avait dit que les PE existants ne seraient pas renouvelés, elle a répondu que c’était inexact et qu’il ne lui avait jamais dit une telle chose. Mme Lefebvre a de nouveau confirmé en contre-interrogatoire que le Conseil du Trésor ne lui avait pas confié le mandat de négocier le contenu des PE aux fins d’inclusion dans la convention collective lorsque la négociation a échoué. Elle a également confirmé que si l’Association voulait maintenir le contenu des PE dans une entente, elle n’avait d’autre option que de tenter de le négocier aux fins d’inclusion dans la convention collective.

98        Mme Lefebvre a ensuite été interrogée à savoir si, en décembre 2015, lorsqu’elle a envoyé son courriel à l’Association, comme il a été indiqué précédemment, le Conseil du Trésor lui avait donné le mandat d’inclure le contenu des PE à la convention collective. Elle a répondu qu’elle n’avait pas eu ce mandat; elle n’aurait cependant jamais cherché à obtenir un tel mandat puisque l’Association ne l’avait pas encore proposé et qu’elle ne chercherait pas à obtenir un mandat fondé sur des propositions hypothétiques ou conjecturales. À la question de savoir s’il n’était pas inhabituel de présenter des questions entièrement nouvelles à la table de négociation à mi-chemin dans la négociation, elle a répondu que ce n’était pas inhabituel et que cela avait été fait avec succès, comme elle l’avait vu dans son travail avec d’autres agents négociateurs.

99        Mme Lefebvre a été interrogée à savoir si des directives précises dans son mandat sur la négociation de [traduction] « clauses uniformes et simplifiées » l’empêcheraient de demander que son mandat soit élargi afin d’y inclure le contenu des PE du CMR ou de voir une éventuelle demande être acceptée. Elle a répondu que ces directives ne l’empêcheraient pas de demander une telle révision.

100        Pendant l’audience, on a également consacré beaucoup de temps à entendre des témoignages sur des discussions tenues à l’extérieur du lieu de travail, lors desquelles un ancien directeur du CMR avait cherché à rassembler les parties sur certaines questions, y compris le grief Hurley et possiblement, dans un contexte élargi, sur le statut et l’avenir des PE. Après avoir écouté attentivement l’ensemble de ces témoignages, je conclus qu’ils n’ont aucune valeur probante.

101        L’avocat de la plaignante soutient que l’employeur, lorsqu’il affirmé qu’il n’étudierait aucun autre PE entre les parties à la table de négociation le 5 août 2015 et de nouveau dans une lettre datée du 30 octobre 2015, après plusieurs mois de négociations, a enfreint l’obligation prévue par la loi de négocier de bonne foi, qui a commencé avec son avis de négocier daté du 28 février 2014.

102        La plaignante renvoie à l’avis de négocier et aux propositions présentées par l’employeur en tant que preuves que les PE n’étaient pas compris dans la liste des sujets de négociation déterminés par l’employeur. L’Association indique aussi que l’employeur ne peut pas révoquer unilatéralement les PE sans d’abord avoir présenté un avis adéquat d’une telle intention avant le début de la négociation collective.

103        L’avocat de la plaignante soutient que l’employeur, en omettant de déclarer une telle intention avant le début de la négociation collective, est désormais lié aux mêmes PE pour toute la durée de la prochaine convention collective.

104        La plaignante fait valoir que l’omission du défendeur et la déclaration qu’il a faite par la suite à la table de négociation minait entièrement le travail qu’elle avait fait pour présenter des propositions de négociation à la table, ce qui lui a causé un préjudice grave. Si elle devait accéder à la demande de l’employeur d’abandonner tous les PE et de songer plutôt à négocier leur inclusion dans la convention collective, l’Association devrait donc engager des coûts considérables pour revoir l’intégralité de son projet de négociation, ce qui exigerait en retour de solliciter de nouveau ses membres pour obtenir leurs commentaires et de recourir aux services d’un conseiller juridique, entre autres.

105        La plaignante soutient aussi que les éléments de preuve provenant de M. Kowal et de Mme Lefebvre confirment la déclaration d’intention de l’employeur de ne même pas songer à conclure un autre PE à l’avenir. Cette déclaration démontre manifestement qu’il ne souhaite pas conclure une nouvelle convention collective, contrevenant ainsi à l’obligation de négocier de bonne foi prévue à l’article 106.

106        L’avocat de la plaignante m’a renvoyé à Association des employeurs maritimes c. Syndicat des débardeurs, section locale 375 du Syndicat canadien de la fonction publique, 1999 CCRI 26, où l’on a conclu ce qui suit au paragraphe 63 :

[…]

21. La capacité des parties de prendre des décisions dépend non seulement d’une discussion franche et en profondeur des points en litige, mais également de la prise de conscience que la discussion doit se limiter aux points qui ont été contestés au tout début du processus de négociation. La prise de décisions n’existe pas dans un vide. Les parties établissent des paramètres au départ lorsqu’elles s’échangent leurs propositions, ce qui crée le cadre de travail de la négociation. Une partie qui garde pour elle un point ou un certain nombre de points, puis qui tente de les présenter lorsque les négociations sont presque terminées, détruit effectivement le cadre de travail de la prise de décisions. Une partie ne peut pas rationnellement ou correctement examiner sa position dans les négociations en l’absence d’une certitude absolue que l’autre partie lui a divulgué tous les points en litige. Le dépôt d’éléments additionnels après qu’un différend a été défini doit, en l’absence d’une preuve convaincante qui le justifierait, être interprété comme un manquement à l’obligation de négocier de bonne foi.

[…]

107        Je distingue Employeurs Maritimes en raison des faits, puisque le vice-président Pinard a conclu dans cette décision que les négociations avaient procédé rapidement : les parties ont tenu 12 réunions de négociation distinctes dans les trois mois suivant la présentation de l’avis de négocier. Les parties ont affirmé qu’elles étaient parvenues à s’entendre sur le tiers des questions et qu’elles progressaient sur de nombreuses autres. Toutefois, une partie a senti que les négociations en étaient à une impasse et elle a par la suite présenté de nouvelles demandes de négociation à plusieurs reprises, soit plus de 20 nouvelles demandes. Ce n’est pas le cas en l’espèce. En réalité, en ce qui concerne la contestation relative aux propos tenus par M. Kowal lors de la séance de négociation d’août, il n’a présenté aucune nouvelle demande ni invité l’Association à prendre le contenu des PE afin de le rédiger de sorte qu’il soit intégré au contenu des clauses de la convention collective.

108        L’avocat de la plaignante a aussi souligné que la Commission s’était déjà appuyée sur Royal Oak, dans laquelle il a été conclu que le fait de présenter une proposition ou d’adopter une position rigide que l’on sait que l’autre partie n’accepterait jamais doit nécessairement constituer une violation de l’exigence de négocier de bonne foi. (Alliance de la Fonction publique du Canada c. Sénat du Canada, 2008 CRTFP 100, au paragraphe 38.)

109        La Commission a récemment affirmé relativement aux faits de cette affaire que d’autres éléments de preuve étaient nécessaires pour tirer une conclusion de négociation de mauvaise foi, comme l’adoption d’une position rigoureuse déraisonnable ou la présentation d’une contre-proposition qui outrepasse complètement les normes acceptables, dont le résultat serait l’impossibilité de conclure une convention collective (Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2016 CRTEFP 19, au paragraphe 71).

110        Dans cette décision, la Commission a mentionné les directives de la Cour suprême du Canada pour déterminer que l’obligation de négocier contient un volet subjectif et un volet objectif. La mise en place des négociations est évaluée selon une norme subjective, alors que le fait de consacrer tout effort raisonnable pour conclure une convention collective est évalué selon une norme objective. « C’est la deuxième partie de l’obligation qui empêche une partie de se dérober en prétendant qu’elle tente sincèrement de conclure une entente alors qu’objectivement ses propositions sont tellement éloignées des normes acceptées dans le secteur d’activités qu’elles doivent être tenues pour déraisonnables » (Royal Oak Mines Inc c. Canada (Conseil des relations du travail), [1996] R.C.S. 369 au paragraphe 42). La Cour suprême a aussi affirmé que la négociation collective est un principe fondamental des relations de travail au Canada et que, en règle générale, il faut laisser libre cours à ce processus (voir le paragraphe 98).

111        À titre de preuve que les PE ne seraient pas adoptés de nouveau dans leur ensemble, contrairement à ce qui s’est produit en 2011, l’avocate du défendeur a renvoyé au fait que l’Association était au courant après le litige et le grief sur le départ à la retraite du professeur Hurley, et à la proposition prévue à l’article 17.05 sur le congé annuel, le report et l’épuisement des crédits de congé annuel qui figurait dans la trousse des points à négocier envoyée à l’Association dans l’avis de négocier.

112        L’avocate du défendeur soutient aussi que les parties devraient avoir l’occasion de négocier librement et que la déclaration d’intention de ne conclure aucun PE ne constitue en rien la fin de la négociation et que l’on ne peut interpréter qu’il s’agit d’une négociation à l’horizon fuyant.

113        L’employeur suggère aussi que l’Association est libre de proposer l’inclusion d’une partie ou l’ensemble du contenu des PE dans la convention collective aux fins d’une éventuelle négociation. La déclaration du directeur selon laquelle il ne conclura aucun autre PE ressemble plus à un commentaire sur leur forme, et pas leur contenu, et à une ouverture possible de la position de négociation.

114        Le témoignage mentionné précédemment indique que l’Association s’est convaincue que tout effort pour négocier l’inclusion du contenu des PE dans la convention collective était voué à l’échec. Toutefois, Mme Lefebvre a contredit cette opinion. À la lumière du témoignage de Mme Lefebvre, je conclus, selon les faits en l’espèce, que ce litige ne relève pas du domaine de Royal Oak, où les parties avaient une proposition ou une position rigide qu’elles savaient que l’autre partie n’accepterait jamais.

115        En l’espèce, il était loisible à l’Association d’affirmer (comme elle l’a fait devant moi) que les divers PE qui l’intéressaient étaient des conditions d’emploi protégées par l’article 107 de la Loi. Contrairement à la lettre de M. Kowal datée du 30 octobre 2015, qui indique que [traduction] « La présente constitue un avis officiel selon lequel les protocoles et les LE susmentionné et désignés protégés en vertu de l’article 107 de la LRTFP seront maintenus jusqu’à la signature d’une nouvelle convention collective, après quoi ils prendront fin », (et comme l’avocate du défendeur l’a soutenu devant moi), je remarque que l’article 107 servirait à [traduction] «maintenir en vigueur » chaque condition d’emploi qui « pourrait être incluse dans une convention collective […] jusqu’à la signature d’une nouvelle convention collective visant cette condition » [je mets en évidence].

116        Vu le libellé de l’article 107 que je viens de citer, l’employeur était effectivement ouvert à proposer de négocier le contenu des divers PE si la plaignante le souhaitait, mais chacune de ces conditions d’emploi serait protégée afin de garantir l’avantage aux membres de l’Association jusqu’à la signature d’une nouvelle convention collective visant cette condition d’emploi et à moins d’une telle signature.

117        Selon la preuve qui m’est présentée, je suis porté à croire que la négociation se trouvait à mi-chemin, tout au plus, de la conclusion d’une nouvelle convention collective. La plaignante était en courant du vaste enjeu concernant la remise en question du statut des PE découlant du départ à la retraite du professeur Hurley et de l’article 17.05 de la proposition de négociation originale de l’employeur, puisque tous deux établissent clairement que l’employeur n’allait pas simplement adopter tous les PE sans les examiner, comme cela avait été le cas en 2011.

118        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance suivante :

IV. Ordonnance

119        J’ordonne le rejet de la plainte.

Le 17 avril 2019.

Traduction de la CRTESPF

Bryan R. Gray,

une formation de la Commission des
relations de travail et de l’emploi dans le
secteur public fédéral

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