Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a allégué que l’intimé avait abusé de ses pouvoirs dans le choix d’un processus de nomination annoncé à l’interne et dans l’application du mérite – la Commission a conclu qu’un observateur bien renseigné pourrait considérer les actions de l’intimé comme étant motivées par des besoins organisationnels et qu’il n’y avait aucun parti pris impliqué dans le choix du processus – les incidents révélés, lesquels supposaient une implication de mauvaise volonté à l’égard du plaignant à son lieu de travail, se sont passés de manière séparée et pris ensemble ne sont pas suffisants pour étayer une allégation de mauvaise foi et de partialité – plus important encore, ils étaient complètement séparés sur le plan organisationnel du processus de nomination en question dans la présente plainte – le Règlement sur l’emploi dans la fonction publique exonère précisément les nominations par intérim des articles de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique qui traitent des priorités – la Commission n’a pas conclu que des erreurs avaient eu lieu, en se fondant sur la preuve qu’elle avait devant elle – aucune preuve n’a été produite montrant du favoritisme personnel.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20190507
  • Dossier:  EMP-2018-11698
  • Référence:  2019 CRTESPF 51

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

JASON LYSAK

plaignant

et

COMMISSAIRE DE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié
Lysak c. Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada


Affaire concernant une plainte d’abus de pouvoirs déposée en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique


Devant:
Bryan R. Gray, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le plaignant:
Satinder Bains, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour l'intimé:
Joel Stelpstra, avocat
Pour la Commission de la fonction publique:
Claude Zaor, arguments écrits
Affaire entendue à Winnipeg (Manitoba),
les 10 et 11 avril 2019.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Résumé

1         Jason Lysak (le « plaignant ») travaillait à titre de technicien en mécanique au garage de poste de la Gendarmerie royale du Canada (GRC et intimé) à Winnipeg (Manitoba), lorsqu’un processus de nomination annoncé à l’interne a été mené dans le but de pourvoir deux postes en administration des affaires/comptabilité à Edmonton (Alberta). La zone de sélection se limitait aux fonctionnaires de la fonction publique du Canada occupant un poste ou résidant à Edmonton (Alberta) et dans un rayon de 40 km, donc il n’a pas envoyé sa candidature puisqu’il se situait à l’extérieur de la zone de sélection. Peu de temps après, il a appris qu’un commis du garage de poste de Winnipeg avait été nommé par intérim à l’un des postes à Edmonton par l’entremise d’un processus de nomination interne non annoncé.

2         Le plaignant était sur une liste de priorités pour nomination lorsque la nomination par intérim a été effectuée. Il a eu l’impression qu’on l’avait privé injustement de l’occasion de poser sa candidature pour le poste, de sorte qu’il a déposé sa plainte alléguant qu’une partialité, entre autres, est survenue des conflits de longue date dans son lieu de travail.

3         Malgré la preuve indiquant une certaine acrimonie entre le personnel au garage de poste de Winnipeg, la preuve n’indiquait rien d’incorrect dans la façon dont la nomination a été effectuée, que ce soit dans le choix d’un processus de nomination interne non annoncé ou dans l’évaluation éventuelle du candidat. Par conséquent, et pour les motifs énoncés dans la présente décision, je rejette la plainte.

II. Faits

4         Le plaignant a obtenu son diplôme de la 12e année et a ensuite obtenu son diplôme en mécanique. Il a travaillé dans ce métier chez un concessionnaire automobile pendant approximativement 15 ans avant de se joindre à la GRC à titre de mécanicien (d’abord classé GLVAG-08 et plus tard GLVAG-10). Il a travaillé pendant près de 14 années à s’occuper des réparations mécaniques et techniques et des améliorations des biens immobiliers et motorisés de la GRC. Il a déclaré lors de son témoignage que pendant ses 14 années au garage de poste, il a eu une opportunité de servir pendant trois semaines à titre de gestionnaire intérimaire.

5         Le plaignant a déclaré lors de son témoignage que l’une de choses qui a mené à sa plainte était ce qui s’est passé lorsqu’il était en congé non payé pendant 14 mois. Il a expliqué que quelques jours avant qu’il retourne au travail, il a reçu un avis écrit selon lequel son poste avait été « rempli » et qu’il n’avait plus de poste où il pouvait revenir. Il a plutôt été placé sur une liste de priorités aux fins de considération pour d’autres postes qui pouvaient devenir disponibles au sein de la fonction publique.

6         J’ai entendu le témoignage, et vu les courriels de l’un des collègues du plaignant qui ont été déposés en preuve. L’avocat de l’intimé s’est opposé à ces questions et à la déposition des courriels en tant que pièces. Il a suggéré que le fait qu’on ait affecté quelqu’un au poste du plaignant fait l’objet d’un grief, et que ce n’était pas pertinent à la nomination qui fait l’objet de sa plainte.

7         Afin d’offrir au plaignant toutes les possibilités raisonnables de présenter ses arguments, j’ai accueilli les questions et les réponses que son représentant lui a posées, mais je n’ai pas accueilli les courriels du collègue. Les courriels en question étaient préjudiciables aux arguments de l’intimé. Il aurait fallu que l’auteur de ces courriels soit présent pour témoigner et pour permettre à l’avocat de l’intimé de le contre-interroger.

8         Étant donné que le collègue n’a pas témoigné, je ne pouvais pas me fier simplement aux courriels comme preuve fiable pour établir la véracité de leur contenu.

9         Après avoir fourni ces explications au plaignant, j’ai suspendu l’audience pour permettre à son représentant d’essayer de communiquer avec l’auteur des courriels étant donné qu’on m’avait dit qu’on s’attendait à ce qu’il comparaisse comme témoin. Après la pause, le collègue n’était toujours pas disponible pour témoigner, donc l’audience s’est poursuivie. Pour les motifs déjà soulignés, je ne peux accorder de poids aux courriels du collègue.

10        J’ai rejeté les objections de l’intimé à de nombreuses questions qui ont été posées au plaignant lors de son interrogatoire principal. J’ai par la suite écouté son témoignage selon lequel il avait beaucoup aimé son travail. Au fil des ans, il avait aidé de nombreux collègues à déposer un grief par rapport à un salaire rétroactif. Il a déclaré lors de son témoignage que plus tard, il a demandé un long congé non payé, que son gestionnaire a refusé à l’origine. Il a précisé qu’il était au courant de son droit prévu à la convention collective et qu’il avait confronté son gestionnaire sur la question de ce refus. Il a réussi. Il a déclaré lors de son témoignage que plus tard, il a senti qu’il avait subi des répercussions de la part de la direction pour avoir exercé son droit prévu à la convention collective.

11        Quand le plaignant a été contre-interrogé au sujet des qualifications nécessaires pour le poste de commis du parc automobile pour lequel on lui aurait injustement refusé l’occasion de postuler, il a déclaré qu’il n’avait pas vu les qualifications essentielles au poste. Quand on lui a posé une question au sujet de son expérience à diriger une entreprise ou un budget de bureau, il a témoigné qu’il avait exécuté ces tâches jusqu’à un certain point à son poste chez le concessionnaire automobile.

12        En ce qui concerne son travail avec la GRC, le plaignant a déclaré lors de son témoignage que les véhicules qu’il a réparés faisaient partie d’un horaire de budget de cycle de vie et de remplacement, avec lesquels il avait travaillé. Il devait surveiller leur kilométrage et les placer sur une liste de remplacement.

13        Quand on lui a demandé s’il avait de l’expérience en gestion financière, le plaignant n’a pas fourni de réponse claire. Aucune des parties ne lui a demandé s’il avait des études ou une formation en comptabilité, en établissement de budgets, ou en administration des affaires et en gestion du parc automobile.

14        Le plaignant a longuement témoigné au sujet du fait que la direction ne lui a fourni aucun appui pour l’aider à trouver un nouveau poste alors qu’il était sur la liste de priorités. Au cours du contre-interrogatoire, il a avoué qu’en fait, les fonctionnaires gouvernementaux avaient communiqué avec lui plus d’une fois au sujet de questions liées à sa recherche d’un nouveau poste.

15        Le plaignant a cité Neil Bogen, un collègue, comme témoin. M. Bogen a déclaré lors de son témoignage qu’un collègue lui avait dit au travail qu’à une date inconnue, une personne inconnue avait dit au collègue que la direction n’attribuerait jamais au plaignant la position de commis du parc automobile. L’avocat de l’intimé s’est opposé à la question qui a suscité ce témoignage.

16        Ici encore, afin de permettre au plaignant toute possibilité raisonnable de présenter ses arguments, j’ai accueilli la question et la réponse, mais pour les mêmes motifs que j’ai déjà expliqués concernant le refus d’admettre les courriels d’un collège, je ne peux accepter ce témoignage. Il est hautement préjudiciable. Je le considère au niveau du commérage. Sans savoir qui l’a fait, et sans pouvoir interroger la personne à l’audience pour lui permettre de donner sa version des événements sous serment, ce qui m’aurait permis d’évaluer sa crédibilité, je ne peux accorder de poids selon ce témoignage et je l’ignore complètement.

17        M. Bogen a également déclaré lors de son témoignage qu’il a assisté à une réunion du personnel avec des membres de la direction des bureaux administratifs régionaux et qu’un gestionnaire, qu’il a nommé, a qualifié le plaignant [traduction] d’« infâme M. Lysak ».

18        Le plaignant a cité un autre collègue, Richard Klassen, qui est le chef d’équipe des techniciens en mécanique du garage et a apprécié travailler 29 ans avec la GRC. Il a partagé l’opinion selon laquelle le milieu de travail est un environnement hostile, qui a commencé après l’arrivée d’un nouveau gestionnaire en 2014.

19        M. Klassen a partagé un exemple de ce qui selon lui était un parti pris évident contre le plaignant. Il a expliqué que les travailleurs au garage de poste avaient un tableau blanc sur lequel un numéro de compte à rebours qui était mis à jour quotidiennement était écrit. Il faisait le suivi du nombre de jours avant que le plaignant revienne de son congé non payé. Il a témoigné que lorsque le plaignant a appris qu’il ne retournerait pas au travail, leur gestionnaire a effacé le compte à rebours du tableau blanc.

20        M. Klassen a également expliqué que le plaignant avait visité le garage un matin avec des beignes pour l’équipe. Le gestionnaire était en congé, mais dans les minutes suivant l’arrivée du plaignant, le gestionnaire est arrivé au garage. Il était agité et a dit que le plaignant n’aurait pas dû être là.

III. Questions

1. Une partialité a-t-elle entaché le choix du processus de nomination pour pourvoir au poste vacant d’analyste du parc automobile par intérim par un processus non annoncé ?

21        Tous les trois témoins cités par le plaignant, y compris lui-même, ont témoigné au sujet de ce qu’ils ont vu en ce qui concerne les postes qui ont été pourvus par des gens qui connaissaient le gestionnaire responsable de l’embauche ou qui ont été simplement pourvus d’une manière qui ne leur donne pas la possibilité de soumettre leur candidature. Le plaignant a mentionné de nombreuses nominations qui l’auraient intéressé, mais pour lesquelles il n’a pas été invité à poser sa candidature, malgré le fait qu’il ait été sur la liste de priorités.

22        Bien que lors de la dernière analyse, l’intimé n’ait pas eu besoin de présenter de preuve, étant donné que le fardeau incombait au plaignant de prouver ses allégations, l’intimé a cité un témoin, Stephanie Benson, qui a exposé les motifs de sa décision d’avoir choisi un processus non annoncé et d’avoir ensuite fait une offre à l’éventuelle personne nommée de Winnipeg pour le poste à Edmonton.

23        Mme Benson (d’abord classifiée AS-04 et ensuite AS-06) est la gestionnaire supérieure du parc automobile, basée à Edmonton, qui a supervisé le travail des analystes du parc automobile AS-02 et de trois garages de poste régionaux de l’Ouest canadien, y compris celui à Winnipeg. Elle a déclaré lors de son témoignage que ses analystes du parc automobile AS-02 subalternes directs et elle-même sont des spécialistes en gestion des finances responsables de la gestion des budgets et du flux de trésorerie, de l’achat de véhicules et d’autres biens immobilités motorisés, et de l’exécution d’analyses des coûts du cycle de vie, ainsi que de l’administration des partenaires contractuels. Le budget total qu’ils gèrent est de 32 millions de dollars. Elle a également décrit les fonctions des analystes comme conseillant la haute direction sur des questions de lignes directrices sur la gestion financière, sur le statut des budgets de la direction générale, et sur les calculs du cycle de vie pour l’équipement qu’ils gèrent.

24        Mme Benson a déclaré lors de son témoignage qu’à la fin de 2017, sa division s’est retrouvée avec un seul des cinq membres du personnel au travail. Les quatre autres membres étaient partis en détachement ou en congé ou avaient quitté pour d’autres postes. Elle a expliqué que la période la plus occupée de l’année approchait à grands pas, durant laquelle tous les achats de véhicules et d’équipement connexe finaux de fin d’exercice doivent être traités et des prévisions budgétaires exactes et de flux de trésorerie doivent être effectuées, pour assurer que toutes les tâches soient achevées selon le budget. Elle a déclaré lors de son témoignage que le bureau ne pouvait pas fonctionner avec un seul des cinq membres du personnel.

25        Elle a déclaré lors de son témoignage que deux postes AS-02 avaient été affichés qui acceptaient la candidature des employés dans un rayon de 40 km d’Edmonton. Le plaignant et ses collègues ont dit qu’ils n’ont pas posé leur candidature puisqu’ils se situaient à l’extérieur de la zone de sélection. Elle a dit qu’au moment où ces deux nominations ont été effectuées, peu de temps après avoir été affectée, l’une des personnes nommées l’a informée de façon abrupte qu’elle partirait très bientôt en congé de maternité, pour une période d’au moins un an.

26        Mme Benson a déclaré lors de son témoignage que ces propos l’ont laissée dans une position très difficile et que pour assurer l’intégrité opérationnelle et pour faire en sorte que les tâches du bureau soient effectuées avant la fin de l’exercice, elle a estimé qu’elle n’avait d’autre choix que de mener un processus de nomination non annoncé. Elle a offert le poste à quelqu’un qui l’a refusé. Elle a ensuite communiqué avec l’éventuelle personne nommée à Winnipeg.

27        Quand on lui a posé des questions au sujet de sa recherche à pourvoir le poste, Mme Benson a déclaré lors de son témoignage qu’elle avait cherché des personnes admissibles qui avaient précisé être disponibles pour travailler à Edmonton. Elle a décidé qu’avec seulement deux des sept postes d’analyste de parc automobile pourvus dans sa division, il n’y aurait pas de capacité pour une formation en cours d’emploi. Cela l’a conduite à considérer l’éventuelle personne nommée de Winnipeg.

28        Elle a déclaré lors de son témoignage qu’elle avait eu une communication chaque mois avec la personne nommée pour discuter strictement de questions liées au travail, dans le cours normal de leurs fonctions, et qu’elle n’avait pas eu de communication avec elle à l’extérieur de ces fonctions. Elle a ajouté que l’éventuelle personne nommée avait de l’expérience dans les fonctions d’analyste par son emploi comme commis et quelques fois, par son rôle au poste d’analyste pendant quatre mois, et qu’on lui avait parfois offert et attribué du travail supplémentaire pour aider avec les fonctions d’analyste. Mme Benson a dit qu’elle était sûre que la personne nommée n’aurait pas besoin de formation, mais pouvait immédiatement travailler dès son arrivée à Edmonton.

29        Mme Benson a déclaré lors de son témoignage que la personne nommée possédait les qualifications essentielles par son expérience à tenir un système de suivi budgétaire, ce qui est nécessaire d’après elle pour assurer que le flux de trésorerie avec les contracteurs soit géré et que tout l’équipement nécessaire soit acheté et livré avant la fin de l’année, pour satisfaire aux exigences opérationnelles et budgétaires. Elle a ajouté que si elle n’avait pas pourvu d’urgence le poste vacant d’analyste AS-02 comme elle l’a fait, la division serait devenue caduque en ce qui concerne le budget, et les commandes pour de nouveaux véhicules policiers et pour de l’équipement connexe n’auraient pas été comblées.

30        Dans son argument relatif à cette allégation, le plaignant a souligné qu’il avait soutenu les nombreuses occasions de mauvais traitement qu’il a reçu de la part de son gestionnaire et le fait que l’intimé a négligé son statut prioritaire.

31        En réponse, l’avocat de l’intimé a cité la récente décision rendue par l’arbitre de grief Daigle dans Green c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2018 CRTESPF 69, comme suit :

[…]

[87]    Après avoir examiné les témoignages et les documents soumis par les parties, je conclus que rien dans la preuve n’indique que le comité d’évaluation a fait preuve de partialité. Par conséquent, je dois déterminer si la preuve suffit pour appuyer l’allégation de la plaignante relative à la crainte raisonnable de partialité

[88]    Dans Denny, le TDFP a renvoyé à Committee for Justice and Liberty c. Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, qui indique les critères relatifs à une crainte raisonnable de partialité ainsi à la page 394 :

[…] [L]a crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. […] [C]e critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question […] de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, M. Crowe, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

[89]    Dans Denny, le TDFP a appliqué les critères relatifs à une crainte raisonnable de partialité dans le cadre d’une plainte de dotation. Dans le contexte de la dotation, le TDFP a mentionné que le critère pourrait être formulé ainsi : un observateur relativement bien renseigné qui étudierait le processus percevrait-il raisonnablement la partialité chez une ou plusieurs des personnes participant à l’évaluation de la plaignante?

[90]    De même, dans Drozdowski c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux Canada), 2016 CRTEFP 33 (CanLII), les critères ont été énoncés ainsi :

[…]

Compte tenu de l’historique de la terminologie, je crois que le critère peut être reformulé comme suit : si un observateur relativement bien renseigné peut raisonnablement percevoir la partialité chez une ou plusieurs des personnes responsables de l’évaluation, la Commission peut conclure à l’existence d’un abus de pouvoir.

[…]

32        Après avoir soigneusement examiné toute la preuve, je conclus qu’un observateur bien renseigné pourrait seulement considérer les actions de l’intimé comme étant motivées par des besoins organisationnels et qu’il n’y avait aucun parti pris impliqué dans le choix du processus. Les incidents révélés en lien avec cette supposée implication de mauvaise volonté à l’égard du plaignant à son lieu de travail se sont passés de manière séparée, et cumulativement, ne sont pas suffisants pour étayer une allégation de mauvaise foi et de partialité, et plus important encore, ils étaient complètement séparés sur le plan organisationnel du processus de nomination en question dans la présente plainte.

2. L’intimé a-t-il omis de considérer le plaignant comme une priorité pour la nomination par intérim au poste AS-02?

33        La preuve non contestée a établi qu’au moins dès le 1er ou le 8 février, par courriel de la part du plaignant, Mme Benson a appris qu’il était sur une liste de priorités pour nomination. Elle a déclaré lors de son témoignage qu’au début janvier 2018 elle avait identifié l’éventuelle personne nommée comme son candidat de premier choix pour nomination, mais que la durée de la nomination indiquait le 12 février 2018 comme date d’entrée en vigueur, signifiant que la date de clôture de la plainte était le 23 février 2018.

34        Le plaignant a soutenu que le fait que Mme Benson était au courant de son statut sur la liste de priorités avant la date d’entrée en vigueur de la nomination par intérim a rendu le tout inapproprié, injuste, ou partial.

35        Je ne suis pas d’accord. Comme l’avocat de l’intimé l’a souligné, l’article 33 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP) permet l’exécution de nominations non annoncées, et l’article 12 du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique (DORS/2005-334) exonère précisément les nominations par intérim des articles de la LEFP qui traitent des priorités.

36        Le représentant du plaignant a soulevé un cas dans ses observations finales. Il a soutenu que similairement à ma conclusion dans Goncalves c. Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, 2017 CRTESPF 2, parmi les nombreuses erreurs dans le processus de nomination dans ce cas qui équivalaient à un abus de pouvoir, je dois également conclure que des erreurs ont eu lieu dans le présent cas et déclarer qu’un abus de pouvoir a eu lieu à la fois dans le choix du processus de nomination et dans l’application du mérite. Je distingue le présent cas dans ses faits, étant donné que contrairement à Goncalves, je n’ai pas conclu que des erreurs quelconques ont eu lieu selon la preuve dont je suis saisi dans la présente affaire.

37        L’avocat de l’intimé a précisé le fait que la Commission et son prédécesseur, le Tribunal de la dotation de la fonction publique, ont régulièrement conclu que lorsqu’une justification valable existe, un employeur doit utiliser un processus de nomination non annoncé, accompagné de la conséquence qu’aucun membre du personnel n’a ni le droit d’être nommé ni même le droit de postuler pour quelque poste que ce soit. Bien que quelqu’un, tel que le plaignant, ne considère peut-être pas un processus de nomination non annoncé comme étant équitable, la LEFP les accueille quand même, et chaque plainte d’un processus de nomination non annoncé quelconque est déterminée en fonction de son mérite. (Voir Stroz-Breton c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2013 TDFP 13, au paragraphe 44 ; Soccar c. le Commissaire de la Gendarmerie Royale du Canada, 2013 TDFP 14, au paragraphe 36 ; Jarvo c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2011 TDFP 6, au paragraphe 35 ; Vaudrin c. le sous-ministre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, 2011 TDFP 19, aux paragraphes 51-544.)

3. Le favoritisme personnel a-t-il entaché le choix du processus de nomination et le choix de la personne nommée?

38        En un mot, non. Aucune preuve n’a été produite montrant quelque favoritisme personnel. Le plaignant a soutenu que la décision de l’intimé d’offrir une nomination non annoncée à qui il l’a fait montrait un favoritisme personnel.

39        Aucune preuve ne présente de lien entre Mme Benson et la personne nommée, outre qu’elles s’étaient parfois parlé pendant la journée de travail au sujet de questions liées au travail. Par conséquent, je conclus qu’il n’y avait aucune preuve pour appuyer l’allégation de favoritisme personnel.

40        La simple allégation de favoritisme personnel recevrait plus de crédibilité qu’elle le mérite si je poursuivais en invoquant la jurisprudence de la Commission à l’appui de ma décision selon laquelle quand aucune preuve n’a été présentée, la simple allégation en soi est insuffisante pour appuyer une conclusion.

41        Il va de soi que lorsqu’une allégation n’est pas fondée sur de la preuve, elle ne peut être retenue.

42        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

43        La plainte est rejetée.

Le 7 mai 2019.

Traduction de la CRTESPF

Bryan R. Gray,

une formation de la Commission des
relations de travail et de l’emploi dans le
secteur public fédéral

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