Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le syndicat a présenté un grief de principe lié à deux clauses de la convention collective qui traitent de l’acquisition de crédits de congé annuel et de congé de maladie – les employés qui touchaient au moins 80 heures de rémunération au cours d’un mois acquéraient des crédits – la pratique de l’employeur était d’exclure les heures supplémentaires du calcul des 80 heures – le syndicat a soutenu que les heures supplémentaires devraient être incluses dans ce calcul – la Commission a mentionné que les clauses ne précisaient pas de manière explicite si les heures supplémentaires doivent être incluses dans le calcul d’heures, mais que d’autres dispositions de la convention collective indiquaient clairement que les heures supplémentaires n’étaient pas incluses dans le calcul d’heures prévu pour l’acquisition des crédits par les employés à temps partiel – vu que l’intention des parties, telle qu’elle est exprimée ailleurs dans la convention collective, était que les employés à temps plein et à temps partiel soient traités de façon similaire en ce qui a trait aux avantages sociaux, sauf indication contraire, la Commission a estimé que, dans le même ordre d’idées, les parties n’avaient pas l’intention que les heures supplémentaires soient incluses dans le calcul d’heures prévu pour l’acquisition des crédits de congé pour les employés à temps plein – cette interprétation a été renforcée par la pratique passée des parties depuis au moins 2005 – par ailleurs, il est bien établi qu’un avantage qui comporte un coût financier pour l’employeur doit avoir été clairement et expressément stipulé dans la convention collective – le syndicat n’a pas convaincu la Commission que c’était le cas en l’espèce – par conséquent, la Commission a conclu que les heures supplémentaires étaient exclues du calcul des heures qui servent à déterminer les droits au congé annuel et de maladie en vertu de la convention collective.

Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20190527
  • Dossier:  569-02-163
  • Référence:  2019 CRTESPF 56

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

UNION OF CANADIAN CORRECTIONAL OFFICERS – SYNDICAT DES AGENTS CORRECTIONNELS DU CANADA – CSN

agent négociateur

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)


Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Steven B. Katkin, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour l'agent négociateur:
Olivier Rousseau, Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN
Pour l'employeur:
Zorica Guzina, avocate
Affaire entendue à Montréal (Québec),
les 24 et 25 octobre 2016.

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief de principe renvoyé à l'arbitrage

1          Le 28 août 2014, le Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des Agents correctionnels du Canada – CSN (le « syndicat ») a présenté un grief de principe qui se lit comme suit :

Je conteste que l’employeur exclue le temps travaillé rémunéré à un taux supérieur au tarif normal du décompte des heures qui servent à déterminer les droits prévus aux clauses 29.02, 31.01 a) et b), et à l’article 35 de la convention collective.

2         La convention collective applicable est celle conclue entre le syndicat et le Conseil du Trésor (l’« employeur ») pour le groupe Services correctionnels qui a expiré le 31 mai 2014 (la « convention collective »). Les droits prévus aux clauses 29.02 et 31.01 de la convention collective touchent l’acquisition des crédits de congé annuel et de congé de maladie. L’article 35 traite des employés à temps partiel, incluant leurs acquisitions de crédits de congé annuel et de congé de maladie.

3         L’acquisition de crédits de congé en vertu des clauses 29.02 et 31.01 de la convention collective est fondée sur les heures dont un employé travaille par mois. Plus précisément, l’employé qui touche au moins 80 heures de rémunération au cours d’un mois acquiert des crédits. La pratique de l’employeur est d’exclure les heures supplémentaires du calcul des 80 heures. Le syndicat soutient que les heures supplémentaires devraient être incluses dans ce calcul.

4         Le 7 novembre 2014, le syndicat a renvoyé le grief à l’arbitrage.

5         Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

6         Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et les titres de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi»).

7         Pour les motifs qui suivent, je conclus que les heures supplémentaires sont exclues du calcul des heures qui servent à déterminer l’acquisition des crédits de congé annuel et de congé de maladie prévus aux clauses 29.02 et 31.01, ainsi qu’à l’article 35 de la convention collective.

II. Résumé de la preuve

8         Il convient de reproduire les clauses principales de la convention collective en question dans les deux langues officielles :

Acquisition des crédits de congé annuel

29.02 L’employé-e qui a touché au moins quatre-vingt [sic] (80) heures de rémunération au cours d’un mois civil d’une année de congé acquiert des crédits de congé annuel aux taux suivants, à condition qu’il n’ait pas acquis de crédits dans une autre unité de négociation pendant le même mois […]

[…]

CONGÉ DE MALADIE PAYÉ

Crédits

31.01

a. L’employé-e acquiert des crédits de congé de maladie à raison de dix (10) heures pour chaque mois civil pendant lequel il touche la rémunération d’au moins quatre-vingt [sic] (80) heures.

b. L’employé-e qui travaille par poste acquiert des crédits additionnels de congé de maladie à raison de un virgule trois trois (1,33) heures pour chaque mois civil pendant lequel il ou elle travaille des postes et touche la rémunération d’au moins quatre-vingt [sic] (80) heures. De tels crédits ne peuvent être reportés à la nouvelle année financière et sont accessibles seulement si l’employé-e a déjà utilisé cent-vingt (120) heures de congé de maladie durant l’exercice en cours.

Accumulation of Vacation Leave Credits

29.02 An employee who has earned at least eighty (80) hours’ full pay during any calendar month of a vacation year shall earn vacation leave credits at the following rates provided the employee has not earned credits in another bargaining unit with respect to the same month . . .

. . .

SICK LEAVE WITH PAY

Credits

31.01

a. An employee shall earn sick leave credits at the rate of ten (10) hours for each calendar month for which the employee receives pay for at least eighty (80) hours.

b. A shift worker shall earn additional sick leave credits at the rate of one decimal three three (1.33) hours for each calendar month during which he or she works shifts and he or she receives pay for at least eighty (80) hours. Such credits shall not be carried over in the next fiscal year and are available only if the employee has already used one hundred and twenty (120) hours of sick leave credits during the current fiscal year.

9         Le syndicat n’a pas déposé de preuve principale. En contre-preuve, le syndicat a fait témoigner Marc Montpetit, agent correctionnel dont le poste est classifié CX-02. Il a fait part de son horaire pour le mois de juillet 2017.

10        L’employeur a cité John Kearney, directeur des Relations de travail du Service correctionnel du Canada (SCC). L’employeur m’a fait part que M. Kearney ne témoignerait pas concernant la négociation de la convention collective, mais, plutôt, ferait référence à la pratique passée afin d’établir l’interprétation des clauses en question. Toutefois, l’employeur n’avancerait pas d’argument fondé sur la préclusion.

11        M. Kearney travaille pour le SCC depuis 2004 et occupe son poste actuel depuis 2013. Les tâches de M. Kearney, en plus de comprendre un appui à la négociation collective, incluent la gestion de systèmes lorsque les clauses de la convention collective font référence à des systèmes. M. Kearney s’est rendu compte pour la première fois de la question actuelle en 2005. Il a expliqué que le Système des horaires de travail et du déploiement (SHD) du SCC gère les horaires de tous les agents correctionnels dans les établissements du pays et surveille l’utilisation des congés annuels et des congés de maladie. Les crédits de congés annuels et de congés de maladie sont téléchargés au SHD à partir du Système de gestion des ressources humaines (SGRH) du SCC.

12        Les deux systèmes ont des règles configurées aux congés acquis et pour gérer leur utilisation. Lorsqu’un crédit de congé annuel est acquis, il apparaît dans la banque de l’employé dans le SGRH et dans le SHD. Au fur et à mesure que l’employé utilise ses congés, ceux-ci sont enregistrés dans le SHD avec des mises à jour parallèles dans le SGRH. Les deux systèmes contrôlent l’octroi de crédits et l’utilisation des congés en fonction des règles de la convention collective. Antérieurement au système actuel connu sous le nom de Phénix, les conseillers en rémunération administraient les crédits de congé et en suivaient l’utilisation. Le système Phénix effectue maintenant l’exercice de vérification des crédits et de l’utilisation appropriée.

13        Selon M. Kearney, l’application par l’employeur des règles concernant les congés annuels et les congés de maladie est conforme à l’approche adoptée dans le secteur public fédéral ainsi que dans la convention collective, soit un seuil d’heures normales. Les heures supplémentaires n’ont jamais été comptabilisées dans le SHD ni dans le SGRH pour créditer les congés annuels ou les congés de maladie. La règle pour acquérir un congé en vertu du système de rémunération antérieur et maintenant sous Phénix a continué d’être selon le tarif normal.

14        Lorsqu’il a été interrogé quant à l’impact sur le système Phénix si l’interprétation du syndicat était acceptée, M. Kearney a déclaré que les règles du système devraient être modifiées pour tenir compte des heures supplémentaires. Cela nécessiterait un nouveau système de codage ou une modification du codage dans le SGRH, le SHD et Phénix, ce qui nécessiterait trois à six mois pour développer le codage et l’aligner.

15        En contre-interrogatoire, le syndicat a présenté certaines situations hypothétiques à M. Kearney concernant le traitement d’autres clauses de la convention collective, incluant les congés sans solde et la modification des quarts de travail, afin de démontrer certaines conséquences potentielles si les heures supplémentaires n’étaient pas incluses dans le calcul d’heures prévu pour l’acquisition des crédits de congé annuel ou de congé de maladie.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le syndicat

16        Le syndicat fait valoir qu’il n’y a pas d’interprétation commune entre les parties et qu’il n’acquiesce pas la pratique de l’employeur. Toute heure travaillée devrait être incluse dans le calcul des 80 heures.

17        Le syndicat soutient que le texte laisse place à interprétation. Il fait valoir que la bonne interprétation est celle selon les clauses 29.02 et 31.01 de la convention collective telles que rédigées. Selon lui, le mot « rémunération » doit toujours inclure les heures supplémentaires à moins que les parties ne les excluent, car le mot « rémunération » est un mot à sens général. Il ajoute qu’il n’y a pas qu’une seule définition de rémunération dans la convention collective. Dans la version anglaise de la convention collective, il y a une certaine logique entre pay et compensation, tandis que dans la version française de la convention collective, le mot « rémunération » est utilisé à toutes les sauces. Cela dit, même les termes pay et compensation dans la version anglaise ne sont pas toujours utilisés de manière spécifique ou cohérente.

18        Bien que la convention collective ne précise pas que la Loi d’interprétation (L.R.C (1985), ch. I-21) s’y applique, elle y réfère à la clause 2.02. Selon le syndicat, l’article 15(2)b) de la Loi d’interprétation lui permet d’utiliser son interprétation de la convention collective. Cet article prévoit que les dispositions définitoires ou interprétatives d’un texte s’appliquent, sauf indication contraire, aux autres textes portant sur un domaine identique. À cet égard, la décision Finlay c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 59 indique au paragraphe 123 que « [l]e Lexique des termes et des définitions du Secrétariat du Conseil du Trésor définit « rémunération » comme étant le traitement et les indemnités. Les indemnités comprennent les primes de poste et le paiement des heures supplémentaires ».

B. Pour l’employeur

19        Selon l’employeur, il est présumé que les parties sont d’accord avec ce qui est écrit dans la convention collective. L’article 21 de la convention collective ne précise pas que les heures supplémentaires sont incluses dans le calcul des crédits pour les congés annuels ou les congés de maladie. De même, la pratique d’exclure les heures supplémentaires du calcul des congés annuels et des congés de maladie n’a pas changé depuis que le texte se trouve dans l’article 21.

20        L’employeur a indiqué qu’il n’y avait eu aucun grief sur ce point depuis au moins 2005, alors que M. Kearney a été mis au courant de la question, ce qui veut dire que les parties ont accepté l’application par l’employeur des clauses de la convention collective en question. La pratique de l’employeur va dans le même sens que les clauses et l’économie de la convention collective comme un tout. La durée de la pratique sans contestation indique l’acquiescement du syndicat. Selon l’employeur, il serait injuste de changer la pratique, et à l’appui de cet argument, il m’a renvoyé à Bakery & Confectionery Workers, Local 264 v. Canada Bread Co. Ltd (1965), 15 L.A.C. 385 et Steel Co. of Canada Ltd. v. United Steelworkers, Local 3749 (1975), 8 L.A.C. (2e) 312.

21        L’employeur a fait valoir qu’il ne faut pas présumer qu’il est tenu compte des heures supplémentaires dans le calcul des congés annuels ou de maladie, puisque cela accorderait un avantage qui n’est pas prévu dans la convention collective. L’article 21 de la convention collective prévoit déjà une compensation pour les heures supplémentaires, soit en argent ou un congé compensatoire payé. L’employeur a avancé que cela démontre que les parties ont pris la peine de préciser la méthode selon laquelle les heures supplémentaires seront indemnisées. Si l’intention des parties était que les heures supplémentaires soient incluses dans la rémunération afin d’atteindre le seuil de 80 heures, elles l’auraient inséré dans la convention collective. Si les heures supplémentaires travaillées étaient comptabilisées pour ces fins, cela ajouterait un autre congé aux employés, ce qui donnerait lieu à un paiement non prévu à la convention collective. Cela constituerait donc une modification à la convention collective, ce qui est interdit par l’article 229 de la Loi.

IV. Motifs

22        Premièrement, je remarque que le libellé du grief déclare que l’employeur « […] exclue le temps travaillé rémunéré à un taux supérieur au tarif normal […] » du calcul des heures qui servent à déterminer les droits aux congés annuels et de maladie. Pourtant, la preuve et les arguments des parties ont porté principalement sur la question de l’exclusion des heures supplémentaires de ce calcul, ce qui cadre avec la réponse de l’employeur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs du 4 novembre 2015 comme suit :

[Traduction]

[…]

À mon avis, l’inclusion des heures supplémentaires dans le calcul des droits de congé de maladie et de congé annuel nécessiterait des modifications à la convention collective, qui ne peuvent être réalisées qu’à la table des négociations.

[…]

23        Deuxièmement, la preuve a aussi montré qu’il y avait du temps travaillé rémunéré à un taux supérieur au tarif normal qui est inclus dans le calcul des heures qui servent à déterminer les droits aux congés annuels et de maladie (voir par exemple la clause 21.03d) de la convention collective). Ainsi, je comprends la véritable question en litige comme étant celle de savoir si les heures supplémentaires devraient être incluses dans le calcul des heures qui servent à déterminer les droits prévus aux clauses 29.02, 31.01 et à l’article 35 de la convention collective.

24        À cet égard, tel qu’il est mentionné aux paragraphes 23 et 24 de Beese c. Conseil du Trésor (Commission canadienne des grains), 2012 CRTFP 99, selon les principes contemporains d’interprétation, les termes d’une convention collective doivent être lus en tenant compte de l’ensemble du contexte de la convention, en les inscrivant dans leur contexte global et en leur attribuant leur acceptation et leur sens courant, en harmonie avec l’économie générale et l’objet de la convention et de l’intention des parties.

25        Tel qu’il est indiqué plus tôt dans cette décision, l’acquisition de crédits de congé en vertu des clauses 29.02 et 31.01 de la convention collective est fondée sur les heures pour lesquelles l’employé « touche la rémunération ».

26        L’article 2 de la convention collective, intitulé « Interprétation et définitions », n’inclut pas une définition de « rémunération ». Dans la version anglaise des clauses 29.02 et 31.01, les termes full pay ou pay sont utilisés, mais ces termes ne sont pas définis non plus.

27        Comme l’a fait valoir le syndicat, le sens courant du terme « rémunération » peut inclure « […] le traitement et les indemnités » selon sa définition dans le Lexique des termes et des définitions du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (décembre 2004), ainsi que « [t]oute forme de salaire, de gratification ou d’avantage assuré, directement ou indirectement, par l’employeur […] » tel que défini par la Loi sur la rémunération du secteur public, (L.C. 1991, ch. 30), à l’article 2(1). De même, dans Finlay, l’arbitre de grief a indiqué que « [l]es indemnités comprennent les primes de poste et le paiement des heures supplémentaires ». Cependant, je note que le contexte de ces commentaires dans Finlay concernait une question de redressement pour un fonctionnaire s’estimant lésé qui avait présenté un grief contestant sa mutation et, entre autres, le refus de l’employeur de lui rembourser les quarts de travail supplémentaire manqués alors qu’il était suspendu avec solde pendant une enquête disciplinaire. Cette décision n’inclut pas une interprétation exhaustive de la convention collective et ne vise pas les clauses 29.02 et 31.01 de la convention collective. Par conséquent, cette décision ne m’aide pas à trancher cette affaire.

28        De plus, comme l’a fait valoir le syndicat, il n’y a pas qu’une seule définition de rémunération dans la convention collective. Le mot « rémunération » est utilisé à toutes les sauces et il y a place à interprétation. Donc, bien que le syndicat plaide que la bonne interprétation est celle selon les clauses 29.02 et 31.01 de la convention collective telles que rédigées, le texte de ces clauses n’aide pas à déterminer si les heures supplémentaires sont incluses ou exclues des heures qui servent à déterminer les congés. Dans ces circonstances, pour trancher la question en litige, il est essentiel d’avoir recours à l’ensemble de la convention collective.

29        À cet égard, bien que l’article 2 de la convention collective ne définisse pas le terme « rémunération », l’Annexe « B », qui traite du réaménagement des effectifs, le définit comme suit : « Sens identique à celui de l’expression « taux de rémunération » employé dans la présente convention. » Il n’y a pas de définition de « taux de rémunération » comme telle dans la convention collective, mais l’article 2 définit comme suit les termes « taux de rémunération journalier », « taux de rémunération horaire », « tarif normal » et « taux de rémunération hebdomadaire » :

« taux de rémunération journalier » désigne le taux de rémunération hebdomadaire d’un-e employé-e divisé par cinq (5) (daily rate of pay);

« taux de rémunération horaire » désigne le taux de rémunération hebdomadaire de l’employé-e à temps plein divisé par quarante (40) (hourly rate of pay);

« tarif normal » désigne le taux de rémunération horaire de l’employé-e (straight-time rate);

« taux de rémunération hebdomadaire » désigne le taux de rémunération annuel de l’employé-e divisé par cinquante-deux virgule cent soixante-seize (52,176) (weekly rate of pay);

daily rate of pay” means an employee’s weekly rate of pay divided by five (5) (taux de rémunération journalier);

hourly rate of pay” means a full-time employee’s weekly rate of pay divided by forty (40) (taux de rémunération);

straight-time rate” means the employee’s hourly rate of pay (tarif normal);

weekly rate of pay” means an employee’s annual rate of pay divided by fifty-two point one seventy- six (52.176) (taux de rémunération hebdomadaire).

30        Qui plus est, l’Annexe « A » de la convention collective, intitulée « Taux de rémunération annuels » (Annual Rates of Pay) établit les taux de rémunération annuels auxquels fait référence la définition de « taux de rémunération hebdomadaire ».

31        La corrélation entre ces différentes définitions de taux de rémunération et leur lien avec le « tarif normal » m’indique que l’utilisation du terme « rémunération » dans la convention collective ne comprend pas toujours les heures supplémentaires ou la rémunération pour ces heures, comme l’a fait valoir le syndicat. En effet, dans les clauses 21.12, 21.13 et 21.14 de la convention collective, on traite la rémunération pour le travail supplémentaire séparément des autres taux de rémunération cités plus tôt dans cette décision :

21.12 Rémunération du travail supplémentaire

L’employé-e a droit à une rémunération à tarif et trois-quarts (1 3/4) sous réserve du paragraphe 21.13 pour chaque heure supplémentaire de travail supplémentaire exécutée par lui.

21.13 L’employé-e recevra une indemnité pour chaque période complète de quinze (15) minutes de travail qu’il exécute en temps supplémentaire.

21.14 Rémunération en argent ou sous forme de congé compensatoire payé

a. Les heures supplémentaires donnent droit à une rémunération en argent sauf dans les cas où, à la demande de l’employé-e et avec l’approbation de l’Employeur, ces heures supplémentaires peuvent être compensées au moyen d’une période équivalente de congé payé

21.12 Overtime Compensation

An employee is entitled to time and three-quarters (1 3/4) compensation for each hour of overtime worked by the employee.

21.13 An employee is entitled to overtime compensation for each completed fifteen (15) minute period of overtime worked by him or her.

21.14 Compensation in Cash or Leave with Pay

a. Overtime shall be compensated in cash, except that, upon request of an employee and with the approval of the Employer, overtime may be compensated in equivalent leave with pay.

32        La distinction entre la rémunération pour les heures régulières et les heures supplémentaires devient plus claire lorsqu’on examine la manière dont les heures supplémentaires sont définies et traitées dans la convention collective. L’article 2 de la convention collective définit les heures supplémentaires comme suit :

« heures supplémentaires » (overtime) désigne :

i. dans le cas d’un-e employé-e à temps plein, les heures de travail qu’il est autorisé à effectuer en sus de son horaire normal de travail;

ou

ii. dans le cas d’un-e employé-e à temps partiel, les heures de travail qu’il est autorisé à effectuer en sus de la durée normale journalière ou hebdomadaire de travail d’un-e employé-e à temps plein prévue dans la présente convention collective, mais ne comprend pas les heures effectuées un jour férié;

overtime” means (heures supplémentaires):

i. in the case of a full-time employee, authorized work in excess of the employee’s scheduled hours of work;

or

ii. in the case of a part-time employee, authorized work in excess of the normal daily or weekly hours of work of a full-time employee specified by this collective agreement but does not include time worked on a holiday;

33        Tout comme les définitions des différents taux de rémunération citées plus tôt dans cette décision, la définition d’« heures supplémentaires » fait référence à l’« horaire normal de travail » ou la « durée normale journalière ou hebdomadaire de travail ». Les heures de travail sont prévues aux clauses 21.01 et 21.02 de la convention collective. Selon la clause 21.01, lorsque l’horaire de travail est établi de manière régulière, l’employé travaille 40 heures et 5 jours par semaine, ainsi que 8 heures par jour. Pour le travail par quarts prévu à la clause 21.02, lorsque le quart d’un employé est établi suivant un horaire irrégulier ou par roulement, il doit être établi de façon à ce que l’employé travaille une moyenne de 40 heures par semaine et 8,5 heures par jour.

34        Les clauses 21.01 et 21.02 de la convention collective sont pertinentes à la question en litige étant donné leurs liens avec l’acquisition des congés annuels et de maladie pour les employés à temps partiel. La clause 35.01 de la convention collective indique qu’un employé à temps partiel désigne « […] une personne dont l’horaire normal de travail est inférieur à celui prévu à l’article 21 […] ». Par ailleurs, la clause 35.02 prévoit que les employés à temps partiel ont droit aux avantages sociaux « […] dans la même proportion qui existe entre leurs heures de travail hebdomadaires normales et les heures de travail hebdomadaires normales, des employé-e-s à temps plein, sauf indication contraire dans la présente convention ». Il me semble que cette clause indique une intention de traiter les employés à temps partiel de façon similaire aux employés à temps plein lorsqu’il s’agit d’avantages sociaux. À cet égard, il est clair, selon les clauses 35.14 et 35.15 de la convention collective, que l’acquisition des congés annuels et de maladie pour les employés à temps partiel se base sur les heures effectuées dans la « semaine de travail normale » :

Congés annuels

35.14 L’employé-e à temps partiel acquiert des crédits de congés annuels pour chaque mois au cours duquel il touche la rémunération d’au moins deux (2) fois le nombre d’heures qu’il effectue pendant sa semaine de travail normale […]

Congés de maladie

35.15 L’employé-e à temps partiel acquiert des crédits de congés de maladie à raison d’un quart (1/4) du nombre d’heures qu’il effectue pendant sa semaine de travail normale, pour chaque mois civil au cours duquel il touche la rémunération d’au moins deux (2) fois le nombre d’heures de sa semaine de travail normale.

Vacation Leave

35.14 A part-time employee shall earn vacation leave credits for each month in which the employee receives pay for at least twice (2) the number of hours in the employee’s normal work week . . .

Sick Leave

35.15 A part-time employee shall earn sick leave credits at the rate of one-quarter (1/4) of the number of hours in an employee’s normal work week for each calendar month in which the employee has received pay for at least twice (2) the number of hours in the employee’s normal work week.

35        De même, selon la clause 35.16 de la convention collective, l’administration des congés annuels et des congés de maladie pour les employés à temps partiel qui n’effectuent pas le même nombre d’heures de travail chaque semaine est basée sur la « semaine de travail normale » et fait référence au « taux des heures normales » :

Administration des congés annuels et des congés de maladie

35.16

a. Aux fins de l’application des paragraphes 35.14 et 35.15, lorsque l’employé-e n’effectue pas le même nombre d’heures de travail chaque semaine, sa semaine de travail normale correspond à la moyenne hebdomadaire des heures de travail mensuelles effectuées au taux des heures normales.

Vacation and Sick Leave Administration

35.16

a. For the purposes of administration of clauses 35.14 and 35.15, where an employee does not work the same number of hours each week, the normal work week shall be the weekly average of the hours worked at the straight-time rate calculated on a monthly basis.

36        En résumé, les clauses 29.02 et 31.01 de la convention collective ne précisent pas de manière explicite si les heures supplémentaires doivent être incluses dans le calcul d’heures prévu pour l’acquisition des crédits de congé annuel ou de congé de maladie pour les employés à temps plein et laissent place à interprétation. Par ailleurs, les clauses 35.14 à 35.16 indiquent clairement que les heures supplémentaires ne sont pas incluses dans le calcul d’heures prévu pour l’acquisition des crédits de congé annuel ou de congé de maladie pour les employés à temps partiel. Vu que l’intention des parties, telle qu’elle est exprimée à la clause 35.02 de la convention collective, était que les employés à temps plein et à temps partiel soient traités de façon similaire en ce qui a trait aux avantages sociaux, sauf indication contraire, j’estime que de la même façon, les parties n’avaient pas non plus l’intention que les heures supplémentaires soient incluses dans le calcul d’heures prévu pour l’acquisition des crédits de congé pour les employés à temps plein. En tenant compte de l’ensemble de la convention collective, il n’y a rien qui m’indique une intention d’une part d’inclure les heures supplémentaires dans le calcul d’heures prévu pour l’acquisition des crédits de congé pour les employés à temps plein, et d’autre part, de l’exclure pour les employés à temps partiel. J’estime donc que les heures supplémentaires sont aussi exclues du calcul des heures qui servent à déterminer les droits prévus aux clauses 29.02 et 31.01.

37        Cette interprétation est renforcée par la pratique passée des parties de ne pas inclure les heures supplémentaires dans le calcul des congés annuels et de maladie, et ce, depuis au moins 2005. Par ailleurs, il est bien établi qu’un avantage qui comporte un coût financier pour l’employeur doit avoir été clairement et expressément stipulé dans la convention collective (voir Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 55, au par. 27). En l’espèce, le fardeau de la preuve incombe au syndicat de démontrer, selon une prépondérance des probabilités, que son interprétation doit être préférée. Il ne m’a pas convaincu que les heures supplémentaires sont clairement et expressément incluses pour les fins des clauses 29.02 et 31.01 de la convention collective.

38        Les arguments du syndicat reposaient surtout sur le texte des clauses 29.02 et 31.01 de la convention collective et le sens courant du terme « rémunération ». Cependant, tel que je l’ai déjà indiqué, ces arguments ne tiennent pas compte de l’ensemble de la convention collective, incluant le fait que le terme « rémunération » n’est pas défini à l’article 2 et est utilisé à plusieurs fins. De plus, en ce qui a trait aux situations hypothétiques mises de l’avant par le syndicat lors du contre-interrogatoire de M. Kearney et dans ses arguments, vu la clarté de l’analyse interprétative des clauses en litige tel qu’il est exprimé dans cette décision, il n’y a pas lieu d’aborder ces situations hypothétiques dont, comme l’a fait remarquer M. Kearney, certaines d’entre elles étaient plutôt rares et d’autres ne lui avaient jamais été présentées.

39        Ayant considéré les éléments de preuve et les arguments des parties, je conclus que les heures supplémentaires sont exclues du calcul des heures qui servent à déterminer les droits prévus aux clauses 29.02 et 31.01 ainsi qu’à l’article 35 de la convention collective.

40        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

41        Le grief est rejeté.

Le 27 mai 2019.

Steven B. Katkin,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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