Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté un grief contre son licenciement en raison des dommages que sa conduite hors du travail a causés à la réputation de l’employeur et à l’un de ses programmes de sensibilisation, en plus des répercussions négatives subies par les personnes présentant un risque qui ont fait l’autodéclaration volontaire de leur revenu – l’agent négociateur a tenté de retirer le grief de l’arbitrage avant l’audience – les parties ont été averties que, selon la directive de la Commission, l’affaire se poursuivrait sans l’agent négociateur, puisque le grief ne portait pas sur l’interprétation de la convention collective et, par conséquent, ne nécessitait pas l’approbation de l’agent négociateur pour procéder à l’arbitrage – le fonctionnaire s’estimant lésé aurait pu poursuivre le grief par lui-même – l’agent négociateur n’a fourni aucune preuve à la Commission qu’il a agi à titre d’agent du fonctionnaire s’estimant lésé ou qu’il a agi en son nom ou avec son consentement en ce qui concerne le retrait du grief – le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas comparu à l’audience – l’employeur a présenté une requête en rejet du grief au motif de l’abandon – la requête de l’employeur a été rejetée parce que le fonctionnaire avait été représenté jusqu’à la veille de l’audience et l’on ne pouvait dire qu’il avait abandonné son grief – la Commission était convaincue que l’employeur avait un motif raisonnable de mettre fin à l’emploi du fonctionnaire s’estimant lésé et que ce licenciement n’était pas excessif dans les circonstances, étant donné son manque de reconnaissance de sa responsabilité et l’absence de remords – si des facteurs atténuants auraient pu excuser ou expliquer son comportement, aucune preuve de ces facteurs n’a été présentée devant la Commission.

Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20190605
  • Dossier:  566-34-12741
  • Référence:  2019 CRTESPF 57

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

ARMAND MATTE

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Matte c. Agence du revenu du Canada


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même
Pour l'employeur:
Caroline Engmann, avocate
Affaire entendue à Windsor (Ontario)
le 30 avril 2019.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1         Armand Matte, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a déposé un grief contre son licenciement par l’Agence du revenu du Canada (l’ARC ou l’« employeur ») le 18 août 2015.

2         Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

II. Résumé de la preuve

3         Le fonctionnaire a été licencié en raison des dommages que sa conduite hors du travail a causés à la réputation de l’ARC et à la réputation de l’un de ses programmes de sensibilisation (le Programme communautaire des bénévoles en matière d’impôt (PCBMI)), et en raison des répercussions négatives sur l’autodéclaration volontaire du revenu par les personnes présentant un risque dans la région de Windsor (Ontario).

4         Le fonctionnaire était un employé de l’ARC qui faisait du bénévolat avec le PCBMI, qui était un programme de bénévoles communautaires que l’ARC formait spécialement à la préparation des déclarations de revenus. Les bénévoles offraient leurs services à des cliniques mises sur pied par un coordonnateur dans la communauté pour les personnes bénéficiant de prestations sociales en fonction du revenu déclaré dans leurs déclarations. Si un membre de cette communauté ne déclarait pas son revenu, il ou elle se voyait refuser l’accès aux prestations, ou elles étaient réduites.

5         Le fonctionnaire travaillait comme bénévole avec le PCBMI depuis de nombreuses années. Selon l’employeur, il avait connaissance de ses obligations envers l’ARC et le programme. Il a divulgué sa participation au programme conformément aux lignes directrices sur le « Conflit d’intérêts » qui exigeaient qu’il rende compte annuellement de toute activité à laquelle il participait qui pouvait poser un conflit ou qui posait effectivement un conflit avec ses fonctions à titre d’employé de l’ARC. Il lui a été clairement expliqué en réponse à cette autodéclaration qu’à aucun moment il ne devait se représenter comme un employé de l’ARC lorsqu’il participait à ce programme.

6         En mai 2014, le fonctionnaire a participé à une clinique du PCMBI au Centre Street Help pour les sans-abri (le « centre ») à Windsor, qui est dirigé par Christine Furlonger. Elle a témoigné au sujet des événements ayant trait à la clinique, ainsi que de la suite des événements.

7         Mme Furlonger a décrit dans son témoignage à titre de contexte les circonstances dans lesquelles se retrouvent les personnes qui demandent de l’aide au centre. La majorité des clients du centre vivent de leurs prestations d’aide sociale ou d’invalidité et travaillent à économiser assez pour couvrir le coût du loyer du premier et du dernier mois, soit environ 300 $. Il est essentiel qu’ils aient un domicile pour avoir le droit à la partie résidentielle des prestations d’aide sociale, y compris certaines prestations provinciales.

8         Pour avoir accès à l’aide financière dont ils ont besoin, les clients doivent produire leurs déclarations de revenus. S’ils ne le font pas, ils ne sont plus admissibles aux prestations d’aide sociale. S’ils ne produisent pas leurs déclarations de revenus chaque année, on leur coupe immédiatement toutes leurs prestations. Ils n’ont plus de revenu, et d’autres prestations, telles que la partie qui a trait aux médicaments de prescription du Régime d’assurance-maladie de l’Ontario, sont également coupées. Cela pourrait présenter un danger pour la vie, comme c’était le cas pour l’une des personnes qui s’est présentée à la clinique tenue au centre en mai 2014. Les pensions des aînés sont réduites s’ils ne produisent pas leurs déclarations de revenus. Essentiellement, selon Mme Furlonger, il est critique que les déclarations soient produites à temps.

9         Le centre n’a personne qui a l’expérience de la préparation et la production des déclarations de revenus. Lorsque la coordonnatrice du PCMBI a initialement abordé Mme Furlonger concernant la tenue d’une clinique au centre, elle était réticente parce qu’elle avait entendu parler de personnes qui avaient utilisé le service et qui avaient des problèmes, elle ne souhaitait donc pas présenter ce service à ses clients. Ensuite, la coordonnatrice, qui sera nommée « Mel » dans la présente décision, l’a rassurée que des employés de l’ARC mèneraient la clinique, Mme Furlonger a convenu de l’organiser les 2 et 3 mai 2014. C’était après le 30 avril, date habituelle pour la production des déclarations de revenus, mais la date avait été prolongée cette année-là. Mel et le fonctionnaire, tous deux employés de l’ARC, devaient diriger la clinique.

10        Le fonctionnaire a communiqué avec Mme Furlonger avant les dates prévues pour la clinique et a demandé s’il serait possible de la reporter au 10 mai, qui était bien après l’échéance prolongée de production des déclarations de revenus. Mme Furlonger n’était pas d’accord, mais on l’a rassurée qu’étant donné que le fonctionnaire et Mel travaillaient pour l’ARC, le fait de produire tardivement les déclarations de revenus qui ont été remplies à la clinique ne poserait pas de problème. Il veillerait à ce qu’elles soient inscrites comme si elles avaient été produites à temps.

11        Le 10 mai 2014, le fonctionnaire, Mel, et deux autres bénévoles sont allés au centre pour la clinique. On leur a fourni un espace de travail et un accès au réseau Wi-Fi du centre. Mme Furlonger et son époux ont fait leurs déclarations de revenus en premier afin de dissiper toute méfiance que les clients du centre auraient pu avoir à l’égard du PCBMI. Elle n’était pas en mesure de dire combien de personnes les ont suivis, puisque la préparation des déclarations d’impôt était une question privée.

12        Vers la fin de la journée, le fonctionnaire est allé voir Mme Furlonger et lui a indiqué que les préparateurs des déclarations d’impôts du PCBMI ne pouvaient pas se connecter à l’ARC. Il pensait que peut-être le système électronique de production des déclarations de revenus (le système) bloquait l’adresse du protocole Internet (IP) du centre. Il lui a indiqué qu’il devait prendre trois dossiers avec lui et qu’il les produirait à son lieu de travail. Elle n’a pas compris pourquoi il avait fait face à des problèmes d’Internet, étant donné que personne n’en avait eu ce jour-là. Dans tous les cas, il a apporté les trois dossiers avec lui, qui étaient ceux de Mme Furlonger, de son époux, et d’un client. Mme Furlonger ne se rappelait pas si le fonctionnaire avait dit qu’il rendrait les documents une fois qu’il avait terminé les déclarations de revenus.

13        En juillet 2014, l’époux de Mme Furlonger a été avisé que ses prestations du Régime de pensions du Canada et ses prestations de la Sécurité de la vieillesse avaient été réduites au montant de base parce qu’il n’avait pas produit sa déclaration de revenus. Il a appelé l’ARC et l’a informé que le fonctionnaire avait produit sa déclaration de revenus pour lui. L’ARC a répondu qu’il n’a rien reçu.

14        Mme Furlonger a tenté de contacter le fonctionnaire pour savoir ce qui s’était passé avec les déclarations de revenus qu’il était censé avoir produites. Elle n’y est pas parvenue. Elle a essayé de le contacter à son lieu de travail, et son époux a laissé une lettre pour lui au bureau de l’ARC à Windsor. L’ARC n’a pas souhaité collaborer avec Mme Furlonger dans ses tentatives de communiquer avec le fonctionnaire.

15        L’un des bénévoles au centre pour les sans-abri connaissait le fonctionnaire et Mel via Facebook. Par conséquent, Mme Furlonger a communiqué avec les deux ainsi. Mel a répondu; le fonctionnaire ne l’a pas fait. Mel a donné à Mme Furlonger le numéro de téléphone cellulaire du fonctionnaire, que l’époux de Mme Furlonger a appelé à plusieurs reprises, sans obtenir de réponse. Mel a également essayé de demander au fonctionnaire de communiquer avec Mme Furlonger (pièce 1, onglets 1 à 4).

16        Mel a indiqué à Mme Furlonger que le fonctionnaire avait été responsable de la clinique; elle l’avait simplement organisée. Elle ne savait rien de l’emplacement des documents qui ont été emportés de la clinique. Finalement, le fonctionnaire a répondu aux messages sur Facebook (pièce 1, onglet 5). Dans cet échange, Mme Furlonger exigeait qu’il lui indique l’emplacement de leurs renseignements confidentiels. Elle a déclaré qu’il s’était présenté comme un employé de l’ARC, et que pour cette raison, elle lui avait confié ces renseignements. S’il n’était pas un employé de l’ARC, elle a indiqué qu’elle communiquerait avec la Gendarmerie royale du Canada.

17        Sa réponse était qu’elle ne devrait pas le menacer. Il a nié avoir les documents des déclarations en sa possession. Il lui a indiqué qu’un autre bénévole, qu’il ne pouvait identifier, les avait, et lui a conseillé de communiquer avec l’ARC pour avoir des copies, pour l’aider à produire sa déclaration de revenus. Il a également nié ne lui avoir jamais dit qu’il travaillait pour l’ARC.

18        Selon le témoignage de Mme Furlonger, les actes du fonctionnaire à la clinique du PCBMI le 10 mai 2014 ont eu de graves répercussions sur un client du centre. Lorsque le fonctionnaire n’a pas produit la déclaration de revenus du client, on lui a coupé ses prestations d’aide sociale. Il a perdu son appartement et n’avait plus le droit aux médicaments qui le gardaient en vie dont il avait besoin parce qu’il n’était plus admissible à cette partie de la couverture du Régine d’assurance-maladie de l’Ontario étant donné qu’il n’a pas produit sa déclaration de revenus.

19        Lorsque Mme Furlonger et son époux n’ont pas pu obtenir de réponse satisfaisante de la part du fonctionnaire ni aucune aide de la part de l’ARC pour régler leur situation ni celle du client du centre, ils sont allés voir leur député pour demander de l’aide, dont le bureau a communiqué avec l’ARC et a réglé la situation; les déclarations de revenus pour les trois personnes ont été produites.

20        En avril 2015, les trois personnes touchées ont reçu des lettres personnelles de l’ARC liées à leur plainte contre le fonctionnaire et Mel et les événements à la clinique du PCBMI le 10 mai 2014. La lettre a confirmé que le fonctionnaire avait bien les documents des déclarations de revenus qu’il avait nié avoir. L’ARC leur a proposé une protection de crédit d’Equifax Canada pour six ans sans frais pour eux, et, à titre de mesure supplémentaire pour protéger leurs renseignements, l’ARC a placé des mesures de confidentialité approfondie sur leurs comptes de contribuable. Leurs documents personnels de contribuable leur ont été rendus, et l’ARC s’est excusé pour les inconvénients qu’ils ont eus à cause de l’incident.

21        Le bulletin de Noël du centre pour 2014 a publié un commentaire sur l’incident sous le titre « How Bureaucracy Creates Homelessness », rédigé par l’époux de Mme Furlonger.

22        Patrick Mineault, qui était le directeur de la stratégie et des services à la Direction générale des affaires publiques de l’ARC, en 2014, a indiqué dans son témoignage qu’il était responsable de la région où le fonctionnaire était employé à l’ARC. La première fois qu’il a entendu parler du fonctionnaire était lorsqu’il a reçu la divulgation confidentielle du fonctionnaire aux termes des dispositions du conflit d’intérêts du Code de déontologie et de conduite de l’ARC (« Code de déontologie »), où le fonctionnaire a divulgué qu’il participait au PCMBI.

23        M. Mineault a posé des questions sur la participation du fonctionnaire au programme, qui vise à rendre la conformité volontaire avec la Loi de l’impôt sur le revenu accessible à tous les Canadiens, quel que soit leur niveau d’alphabétisation. Il s’agit d’un programme de l’ARC, mais l’ARC ne le mène pas. Les membres de son personnel offrent une orientation et une formation aux bénévoles qui tiennent les cliniques. L’ARC fournit également le logiciel que les bénévoles utilisent pour remplir les déclarations de revenus.

24        M. Mineault a approuvé la participation du fonctionnaire, mais l’a averti que les règles concernant le conflit d’intérêts étaient applicables et qu’il ne devait en aucun cas et à aucun moment se représenter à titre d’employé de l’ARC lorsqu’il participait au programme. Il devait plutôt s’identifier comme un bénévole. Selon M. Mineault, cela était fait pour limiter la responsabilité de l’ARC au sein du programme étant donné qu’il ne peut produire la déclaration de revenus d’un contribuable dans un système se fondant sur la conformité volontaire. Il ne fait que produire l’avis de cotisation.

25        M. Mineault a indiqué dans son témoignage que le fonctionnaire était employé à titre de gestionnaire Web dans le programme d’Internet de l’ARC. Il comptait parmi quelque 100 employés disséminés partout dans le pays, fonctionnant dans un espace de travail virtuel et travaillant à la codification de tâches pour la publication sur Internet. Il relevait virtuellement d’un chef d’équipe à Ottawa (Ontario) et d’un gestionnaire à Moncton (Nouveau-Brunswick).

26        M. Mineault a reçu un courriel par l’intermédiaire de la section des Plaintes liées au service du bureau de Brian Masse, député pour la région de Windsor. La plainte avait trait aux trois contribuables qui ont nommé le fonctionnaire et ont prétendu que, bien qu’il ait pris leurs documents de déclaration de revenus en promettant de produire leurs déclarations de revenus dans le cadre du PCBMI, il ne l’avait pas fait. M. Mineault a renvoyé la plainte à la Division des affaires internes et du contrôle de la fraude de l’ARC à des fins d’enquête.

27        Geoffrey Broadfoot a mené l’enquête. Il a indiqué dans son témoignage qu’il a commencé par se renseigner sur le PCBMI. Il a discuté avec la coordonnatrice du programme à l’ARC, qui lui a expliqué que pour qu’une clinique fonctionne en vertu du PCBMI, elle devait d’abord être inscrite avec l’ARC, et il fallait arranger les choses d’une façon à ce que l’ARC en ait connaissance. Dans le cas de la clinique du 10 mai 2014, l’ARC n’en avait aucune trace. L’ARC avait connaissance que le fonctionnaire et Mel étaient des bénévoles dans le programme, mais l’ARC ne reconnaissait aucune clinique tenue au centre à cette date à des fins du PCBMI.

28        M. Broadfoot a ensuite discuté avec Mme Furlonger, qui a répété l’histoire telle qu’elle avait essentiellement été racontée au bureau de M. Masse, selon son témoignage fourni à M. Broadfoot. Ce dernier a communiqué avec la section de la technologie de l’information de l’ARC pour déterminer si l’adresse IP du centre avait été bloquée de façon à ne pas accéder au système de l’ARC, et on lui a indiqué que n’importe qui pouvait y avoir accès. Les registres d’accès ont été examinés pour les 10 et 11 mai 2014, et aucune tentative n’avait été faite pour accéder au système de l’ARC à partir de l’adresse IP du centre.

29        Avec ces renseignements, M. Broadfoot a rencontré le fonctionnaire, Mel, et les deux bénévoles. Mel a confirmé qu’elle avait abordé Mme Furlonger et avait proposé de mettre en œuvre la clinique du PCBMI. Elle a indiqué à Mme Furlonger qu’elle et le fonctionnaire travaillaient pour l’ARC. Pour ces motifs, Mme Furlonger a convenu d’organiser la clinique. Les dates ont été modifiées en raison de la disponibilité du fonctionnaire, et la clinique a finalement eu lieu le 10 mai 2014.

30        Le jour où la clinique a eu lieu, les bénévoles n’étaient pas en mesure de se connecter afin de produire les déclarations de revenus. Par conséquent, la clinique a été fermée, et les bénévoles ont été renvoyés chez eux, selon les renseignements recueillis de Mel. Elle a nié avoir recueilli des renseignements liés aux impôts, mais a informé M. Broadfoot que le fonctionnaire a recueilli des feuillets d’impôt et des reçus de Mme Furlonger, de son époux et d’un client du centre. Selon Mel, elle ne savait pas ce que le fonctionnaire a fait des documents liés aux impôts une fois qu’il a quitté la clinique.

31        Pour sa part, le fonctionnaire a admis qu’il a participé à la clinique ce jour-là et qu’il n’était pas en mesure d’ouvrir une session dans le système. Il a nié avoir emporté des documents, bien qu’il se soit rappelé que le couple qui dirigeait le centre a fourni une enveloppe de documents à l’un des bénévoles d’Unifor. Il a indiqué à M. Broadfoot que lorsqu’il a entendu qu’aucune déclaration de revenus n’a été produite, il a communiqué avec Unifor pour essayer de retrouver le bénévole.

32        Il s’est organisé pour rencontrer le bénévole à un café de Tim Hortons, par l’entremise de sa personne-ressource d’Unifor, pour recueillir les documents. Lorsqu’on lui a demandé plus de détails, le fonctionnaire ne pouvait se souvenir du nom de sa personne-ressource à Unifor, ni de la personne qu’il devait rencontrer, ni du moment prévu de la rencontre, ni de l’emplacement du Tim Hortons. Lorsqu’on lui a demandé comment il savait qui il fallait aborder, le fonctionnaire a indiqué à M. Broadfoot qu’il a abordé une personne avec une enveloppe. Il l’a reçue et ne l’a pas ouverte jusqu’à son retour chez lui, où il a trouvé qu’elle ne contenait que des formulaires vierges du PCBMI. Il a ensuite prétendument rappelé Unifor et on lui a indiqué que les documents des déclarations de revenus avaient été déchiquetés.

33        Après avoir discuté avec les bénévoles qui étaient présents à la clinique, M. Broadfoot a de nouveau rencontré le fonctionnaire, lui a indiqué qu’il ne croyait pas qu’il disait la vérité, et lui a offert l’occasion de tirer les choses au clair. Le fonctionnaire a refusé.

34        Selon le témoignage de M. Broadfoot, le fonctionnaire l’a rappelé 20 minutes plus tard et a dit qu’il pensait que les documents en question étaient dans un carton dans son sous-sol et qu’il y jetterait un coup d’œil. Puis il a expliqué à M. Broadfoot que sa vie était fort agitée. Il traversait une période de divorce, il avait placé les documents du PCBMI dans un carton et il les chercherait. Il a parlé de son divorce, des exigences d’avoir un enfant ayant des besoins spéciaux, du fait d’être submergé, et enfin d’avoir simplement tout mis dans des cartons et les avoir posés dans son sous-sol.

35        Quatre heures plus tard, le fonctionnaire a contacté M. Broadfoot pour lui dire qu’il avait les documents. Selon le témoignage de M. Broadfoot, le fonctionnaire a déclaré n’avoir aucune idée de la façon dont ils ont fini dans un carton dans son sous-sol, même si auparavant, il avait dit qu’il les avait mis dans un carton. M. Broadfoot a indiqué dans son témoignage qu’il avait demandé au fonctionnaire de les lui envoyer par courrier, ce qu’il a fait.

36        M. Broadfoot a conclu que la politique du PCBMI est claire sur la façon de traiter les documents donnés aux bénévoles et sur tout renseignement personnel ou confidentiel qu’un bénévole peut recevoir au moment de préparer une déclaration de revenus. Tous ces documents doivent être gardés de façon sécuritaire, ce que le fonctionnaire n’a pas fait. Il a également trompé l’employeur et les contribuables à plusieurs reprises lorsqu’il a nié avoir les documents, sachant tout au long qu’il les avait. Il n’a pas avisé la coordonnatrice du PCBMI qu’il avait les documents lorsqu’il a appris qu’on les cherchait. De manière générale, le fonctionnaire n’a pas collaboré avec l’enquêteur, a fait de fausses déclarations, et a enfreint la politique de l’ARC sur les enquêtes.

37        Tout cela a mené M. Broadfoot à conclure que le fonctionnaire s’était conduit d’une manière qui a porté atteinte à la réputation de l’ARC. Son Code de déontologie exigeait qu’il se comporte à tout moment d’une façon qui maintienne son intégrité et sa réputation. Selon l’avis de M. Broadfoot, la conduite du fonctionnaire était malhonnête. Il ne s’est pas conformé aux politiques du PCBMI, a compromis les principes du programme, et a mis en danger la réputation de l’ARC. Lorsqu’il n’était pas au travail, le fonctionnaire ne s’est pas comporté d’une façon à maintenir l’intégrité de l’ARC et sa réputation, et il n’a pas collaboré avec le processus d’enquête interne, contrairement aux politiques de l’ARC.

38        Une fois que M. Mineault a reçu le rapport de M. Broadfoot, il a consulté son conseiller en relations de travail. À son avis, les répercussions des faits de l’affaire étaient énormes pour tous ceux qui étaient en cause. Le fonctionnaire n’a pas collaboré avec l’enquêteur et a tenté de dissimuler ses actes, ce qui a entraîné la perte de leurs prestations sociales pour d’autres personnes. M. Mineault a indiqué dans son témoignage qu’il a disséqué le rapport conjointement avec les Relations de travail afin de déterminer la mesure disciplinaire appropriée.

39        M. Mineault s’est assuré que le fonctionnaire a reçu une copie du rapport de M. Broadfoot. Une audience disciplinaire a été tenue lors de laquelle on a discuté de ce rapport. M. Mineault n’y a pas assisté; en revanche, le gestionnaire du fonctionnaire de Moncton y a assisté, avec un représentant des Relations de travail. Le gestionnaire a signalé à M. Mineault que le rapport avait fait l’objet de discussion lors de l’audience disciplinaire et que le fonctionnaire n’a fait preuve d’aucun remords, a contesté le rapport, et apparemment n’a rien admis bien qu’il ait fini par produire les documents des déclarations de revenus, qu’il a nié n’avoir jamais eus.

40        Selon M. Mineault, il doit être en mesure d’avoir confiance que ses employés travailleront dans l’intérêt des Canadiens et de l’employeur. Cela, ajouté aux faits que le fonctionnaire a travaillé hors site sans supervision directe, qu’il a menti à plusieurs reprises au cours des événements qui ont mené à l’audience disciplinaire, qu’il était conscient des conséquences de ne pas produire une déclaration de revenus puisqu’il avait débuté sa carrière à l’ARC dans le secteur du recouvrement, et, surtout, qu’il n’a fait preuve d’aucun remords et ne s’est excusé d’aucune façon pour ses actes ni auprès des citoyens ni de l’employeur, ont mené M. Mineault à conclure qu’il serait impossible de travailler avec le fonctionnaire à l’avenir. Le lien de confiance avait été brisé, et ne pouvait être rétabli.

41        M. Mineault avait le pouvoir de mettre fin à l’emploi du fonctionnaire, bien que les relations de travail aient recommandé une sanction beaucoup moins sévère. Il a décidé de mettre fin à l’emploi du fonctionnaire parce que le fonctionnaire avait fabriqué une histoire et avait menti à tous à plusieurs reprises, même lorsqu’on l’a confronté avec la vérité. Ce fait a créé une situation où M. Mineault ne faisait aucune confiance au fonctionnaire. Au motif des actes et du comportement du fonctionnaire au cours de l’enquête, et étant donné que le système des impôts ne fonctionne qu’à condition que la réputation de l’ARC soit maintenue, il n’était pas défendable que l’emploi du fonctionnaire se poursuive. Un employé qui ment de façon répétée et qui ne produit pas une déclaration de revenus agit totalement à l’encontre de la réputation de l’ARC.

42        M. Mineault a bien tenu compte des années de service du fonctionnaire ainsi que de ses antécédents disciplinaires. Il a également examiné le Code de déontologie, qui exige que les employés de l’ARC fassent preuve de respect, d’intégrité, de coopération et de professionnalisme. Il a examiné le manque de confiance et le refus des allégations face à de nombreuses personnes qui racontaient la même histoire. Il a examiné le manque de volonté du fonctionnaire de modifier son comportement et son manque de remords. Lors de l’audience disciplinaire, le fonctionnaire a bien mentionné son divorce, mais M. Mineault n’était pas au courant de l’existence d’un problème de santé. Selon le témoignage de M. Mineault, il n’y avait aucun lien direct entre le manque de remords du fonctionnaire et des problèmes de santé étant donné qu’autrement, on lui en aurait fait part.

43        Il était manifeste que le fonctionnaire avait été averti que s’il participait au PCBMI à titre de bénévole, il n’y était pas à titre d’employé de l’ARC. Il a nié avoir dit qu’il était un employé de l’ARC, pourtant, il était manifeste à tous ceux qui étaient en cause que les personnes à la clinique étaient au courant qu’il l’était. La seule raison pour laquelle la clinique a été tenue au centre était parce qu’elle comprenait des employés de l’ARC. La conduite du fonctionnaire en dehors du travail a eu une incidence directe sur l’employeur et sur sa réputation.

44        Le fonctionnaire n’a pas comparu à l’audience, et aucune personne qui le représente n’y a comparu. Toutefois, des arguments faits en son nom par son représentant de l’agent négociateur au cours de la procédure de règlement des griefs ont été déposés en preuve dans le cadre des pièces de l’employeur. Dans l’argument présenté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, le résumé des faits consiste en quelques trois paragraphes minimes, notamment avec le commentaire que [traduction] « [i]l est allégué que le fonctionnaire a emmené des dossiers de clients avec lui, mais n’a jamais produit leurs déclarations de revenus; par conséquent, certains de ces clients se sont vu couper leurs prestations. Ces prestations ont été rétablies en fin de compte » (pièce 1, onglet 24).

45        L’analyse du grief dans le même document est tout aussi brève, et comprend les deux paragraphes suivants :

[Traduction]

Le fonctionnaire soutient que les allégations contre lui ne sont pas vraies. Le fonctionnaire déclare qu’il n’a jamais divulgué lui-même qu’il était un employé de l’ARC aux clients du PCBMI, mais que l’un des autres bénévoles l’a fait. Ce fait est confirmé dans le rapport de la DAICF.

Le syndicat soutient que le fonctionnaire traversait également une période difficile à l’époque où les événements allégués ont eu lieu, y compris un divorce et le fait d’être victime de plusieurs problèmes de santé.

L’Alliance de la fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») qui représentait le fonctionnaire à l’époque a demandé la réinsertion du fonctionnaire.

III. Résumé de l’argumentation

46        L’employeur a soutenu qu’au moment d’évaluer le caractère approprié de la sanction disciplinaire, un arbitre qui conclut que la sanction se situe dans une fourchette raisonnable pour l’infraction et qu’elle n’est pas inappropriée de façon outrageuse devrait la laisser (voir Cooper c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 119; et Ranu c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 89). La détermination d’une sanction disciplinaire appropriée est un art et non une science. L’inconduite n’est pas toujours évidente à déterminer.

47        En l’espèce, une évaluation de la crédibilité est difficile étant donné que la Commission n’a entendu que l’employeur, mais il faut tempérer ce fait par les témoignages des personnes touchées. Le seul moment où la crédibilité pose problème, c’est en ce qui concerne la question de savoir si le fonctionnaire a pris les documents des contribuables, et il est manifeste qu’il l’a fait, puisqu’il les a produits d’un carton dans son sous-sol.

48        La deuxième question à poser est de savoir s’il était connu qu’il était un employé de l’ARC bénévole à la clinique des impôts, mais selon le témoignage de Mme Furlonger, la seule raison pour laquelle elle a convenu de tenir la clinique au centre était qu’elle savait qu’elle serait établie par les employés de l’ARC. Même si le fonctionnaire ne représentait pas son employeur, il savait ou aurait dû savoir que Mme Furlonger croyait comprendre qu’il représentait l’ARC, et il n’a rien fait pour la désabuser de cette idée. En fait, lorsqu’il a reporté la clinique au 10 mai 2014, il lui a indiqué que la production des déclarations de revenus plus tard ne poserait pas de problèmes parce qu’il était un employé de l’ARC, et qu’il pouvait s’assurer qu’elles seraient inscrites comme ayant été produites à temps.

49        L’employeur respectait le cadre pour imposer la mesure disciplinaire, tel qu’énoncé dans Wm.Scott & Company Ltd. v. Canadian Food and Allied Workers Union, Local P-162, [1977] 1 C.L.R.B.R. 1 (QL). Il a établi que le fonctionnaire a commis une inconduite digne d’une mesure disciplinaire et que la sanction imposée n’était pas excessive dans les circonstances. Il était un employé de l’ARC de longue date et un bénévole de longue date qui connaissait ou aurait dû connaître les attentes de l’ARC lorsqu’il a commencé à participer aux occasions de sensibilisation de la collectivité. Ses actes ont mis en danger la réputation de l’ARC, dont la preuve est l’article dans le bulletin de la communauté rédigé par l’époux de Mme Furlonger. Les répercussions financières des actes du fonctionnaire pour les membres d’une collectivité vulnérable étaient graves; des prestations ont été perdues, y compris l’accès au logement et à des médicaments nécessaires pour rester en vie.

50        Le fonctionnaire n’a avoué que lorsqu’il a été confronté avec tous les renseignements et la documentation que l’employeur avait recueillis. Même à ce moment-là, il n’a pas accepté la responsabilité ni exprimé des remords. Il a prétendu traverser une période d’événements difficiles, mais n’a fourni aucune preuve de ces événements à l’employeur ni aucun certificat médical, comme on pourrait s’y attendre dans ce type de situation. Ses interactions avec Mme Furlonger sur Facebook n’étaient pas celles d’une personne sous pression, mais plutôt de quelqu’un qui essaie de se couvrir parce qu’il savait qu’il ne devait pas se présenter en tant qu’employé de l’ARC.

51        Plutôt que de porter le problème à l’attention de l’employeur à la première occasion, il a choisi de l’ignorer jusqu’à ce que Mme Furlonger et les autres citoyens qui avaient eu affaire au fonctionnaire n’aient demandé l’intervention de leur député. Il n’a pas agi avec l’intégrité exigée d’un employé de l’ARC. Sans les mesures proactives de l’employeur pour aider les contribuables, la confiance de Mme Furlonger à l’égard du système d’imposition aurait subi un dommage permanent. Ce qui aurait dû être un problème interne de l’ARC a été acheminé au niveau d’un député.

52        Étant donné l’opinion du public concernant l’ARC, il est important que les attaques contre sa réputation soient prises au sérieux. Il ne faut pas permettre que la conduite d’un employé de l’ARC à la fois au travail et en dehors du travail mette en danger la réputation de l’ARC. Lorsqu’il s’agit de conduite en dehors du milieu de travail, le traitement de la question commande une dose de bon sens et de discernement, et non de la réduire à une question de preuve empirique (voir Tobin c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 254, au paragraphe 62).

53        L’arrêt faisant autorité dans le domaine de la conduite en dehors du milieu de travail est Millhaven Fibres Ltd v. Oil, Chemical & Atomic Workers Int’l Union, Local 9-670 (Mattis Grievance), [1967] O.L.A.A. No. 4 (QL), qui établit le critère qui détermine dans quel cas l’employeur peut considérer la conduite en dehors du milieu de travail d’un employé comme justifiant la prise de mesures disciplinaires. Cette affaire établit une série de cinq facteurs à prendre en considération. L’employeur n’est pas tenu de les établir tous. Il suffit d’établir simplement un lien entre le comportement contesté et le milieu de travail (voir Unifor, Local 892 v. Mosaic Potash Esterhazy Limited Partnership, 2018 SKQB 68).

54        Même l’ARC peut souffrir si ses programmes visant à aider les Canadiens subissent des répercussions négatives. Ses autres programmes peuvent en souffrir. L’observation volontaire des programmes d’impôts peut en souffrir.

IV. Motifs

55        Avant de traiter du bien-fondé de ce grief (pièce 1, onglet 23), je réglerai d’abord une question de procédure liée à la tentative de l’agent négociateur de le retirer de l’arbitrage avant l’audience. Il n’a pas été déposé en vertu de la convention collective; il n’a pas non plus été renvoyé à la Commission en utilisant la Formule 20, qui est utilisée pour renvoyer des griefs liés à l’interprétation d’une disposition d’une convention collective.

56        Le 25 avril 2019, l’avocat du fonctionnaire à ce moment-là a communiqué avec la Commission, pour demander un report sine die de l’audience prévue du 30 avril au 3 mai 2019, au motif que l’agent négociateur n’était pas en mesure de confirmer que le fonctionnaire pouvait assister à l’audience, malgré ses nombreuses tentatives. Par l’entremise de son avocat, l’employeur s’est opposé à cette demande, que la Commission a alors rejetée étant donné que l’audience avait été prévue depuis le 30 novembre 2018, un délai plus que suffisant pour l’agent négociateur de communiquer avec le fonctionnaire ou d’aviser l’employeur et la Commission s’il n’a pas été en mesure de le faire.

57        Le lendemain, le 26 avril 2019, l’agent négociateur a envoyé par télécopieur un avis à la Commission, l’informant qu’il retirait le grief et demandant l’annulation de l’audience. Malgré l’avis, les parties ont été averties que, selon la directive de la Commission, l’affaire se poursuivrait sans l’agent négociateur, puisque le grief n’avait pas été déposé aux termes de l’alinéa 209(1)a) de la Loi et, par conséquent, ne nécessitait pas l’approbation de l’agent négociateur pour procéder à l’arbitrage conformément au paragraphe 209(2).

58        En termes simples, le fonctionnaire aurait pu poursuivre le grief par lui-même. L’agent négociateur n’a fourni aucune preuve à la Commission qu’il a agi à titre d’agent du fonctionnaire ou qu’il a agi en son nom ou avec son consentement en ce qui concerne le retrait du grief. La Commission ne pouvait pas considérer la lettre de l’agent négociateur du 26 avril 2019 comme un avis de retrait approprié, et elle ne l’a pas considéré comme tel.

59        Un grief déposé aux termes d’une convention collective ne peut être renvoyé à l’arbitrage devant la Commission sans l’autorisation de l’agent négociateur. Le grief concerne l’agent négociateur et non le fonctionnaire, sauf si le grief ne nécessite pas le soutien de l’agent négociateur. Ce grief ne vise pas l’interprétation de la convention collective, par conséquent, il pouvait être entendu sans l’autorisation de l’agent négociateur aux termes de l’article 209 de la Loi, telle qu’elle était énoncée en 2015, comme suit :

Renvoi d’un grief à l’arbitrage

209 (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

  1. soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;
  2. soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;
  3. soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :
    1. la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite
    2. la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire;
  4. soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

Application de l’alinéa (1)a)

(2) Pour que le fonctionnaire puisse renvoyer à l’arbitrage un grief individuel du type visé à l’alinéa (1)a), il faut que son agent négociateur accepte de le représenter dans la procédure d’arbitrage.

[Je souligne.]

60        Étant donné qu’il s’agit d’un grief aux termes de l’alinéa 209(1)b) de la Loi, le paragraphe 209(2) ne s’applique pas, et l’agent négociateur n’avait pas le pouvoir de retirer le grief sans le consentement du fonctionnaire, dont la preuve était absente en l’espèce (voir Godbout c. Conseil du Trésor (Bureau de la coordonnatrice de la condition féminine), 2016 CRTEFP 5; et Owens c. Administrateur général (ministère des Pêches et des Océans), 2018 CRTESPF 56).

61        L’audience s’est poursuivie à la date et à l’endroit indiqué dans l’avis d’audience, qui, selon la correspondance reçue de l’agent négociateur, avait été envoyé au fonctionnaire à la dernière adresse connue qu’il avait pour lui.

62        À l’heure fixée pour le début de l’audience, le fonctionnaire n’a pas comparu, ni aucune personne qui le représente. L’audience a été retardée d’une heure pour s’assurer que personne n’allait comparaître. Lorsque personne n’a comparu, l’avocate de l’employeur a déposé une requête en rejet du grief au motif de l’abandon. La requête de l’employeur a été rejetée parce que le fonctionnaire avait été représenté jusqu’à la veille de l’audience et on ne pouvait dire qu’il a abandonné son grief. L’audience a suivi son cours en son absence, après le retard. La présente décision est fondée sur les éléments de preuve présentés par l’employeur et ce qui se trouve au dossier de la Commission.

63        Selon les témoignages des témoins et la preuve documentaire qui m’a été fournie, j’ai conclu que le fonctionnaire n’a pas indiqué à Mme Furlonger qu’il travaillait pour l’ARC lorsque la clinique a été organisée initialement pour le centre; ces renseignements lui provenaient de Mel. Toutefois, à mon avis, la source de ces renseignements n’est pas essentielle pour conclure que le fonctionnaire a enfreint le Code de déontologie de l’ARC. Par sa représentation de lui-même à titre d’employé de l’ARC lorsqu’il a fait valoir que le report de la clinique ne posait pas de problème, et lorsqu’il a emporté les documents liés aux impôts et a rassuré Mme Furlonger qu’il produirait les déclarations de revenus depuis le travail, il lui a communiqué son lien avec l’ARC. Par ce lien et ses actes et sa tromperie, il a porté atteinte à la réputation de l’ARC et a mis le PCBMI en danger.

64        Le fonctionnaire a reporté la clinique du PCBMI au-delà de la date limite de production des déclarations de revenus, et a rassuré Mme Furlonger que cela ne poserait pas de problème étant donné qu’il travaillait pour l’ARC. Il a emporté les documents en question, n’a pas produit les déclarations de revenus comme il l’avait promis, a menti au sujet de sa possession des documents, et a tenté d’impliquer un employé inconnu d’Unifor et de rendre cette personne responsable des documents, qu’il savait qu’il possédait. Ce n’est qu’au moment où il a n’avait aucune autre issue qu’il a reconnu qu’il avait pris les documents et qu’il les avait conservés de façon inappropriée, contrairement à la politique du PCBMI. Pourtant, même face à tous ces faits, il a refusé toute responsabilité.

65        Le fonctionnaire savait ou aurait dû savoir que les personnes qui assistaient à la clinique le considéraient surtout et avant tout comme un employé de l’ARC. Il n’a rien fait pour dissiper cette impression autre que de dire après coup qu’il n’a jamais dit à personne qu’il travaillait pour l’ARC. Pourquoi l’a-t-il répété? La réponse évidente était qu’il était conscient des conséquences de violer l’avertissement concernant le conflit d’intérêts que M. Mineault lui avait donné lorsqu’il a déclaré sa participation au PCBMI.

66        Comme pour bien d’autres questions dans ce processus, il semble que le fonctionnaire s’est perdu dans les détails et a manqué l’essentiel, qui était les répercussions de ses actes et de son comportement sur son employeur et sur la collectivité; il avait été là pour servir dans le cadre du PCBMI. Si les membres d’une collectivité à risques ont peur d’accepter l’aide du PCBMI par crainte de perdre leurs prestations en raison de sa réputation et en raison de l’incidence du commentaire publié dans des articles tels que celui dans le bulletin du centre, ses actes étaient donc désastreux. Il s’est peut-être conformé à la lettre de l’avertissement de M. Mineault concernant le conflit d’intérêts, mais il ne s’est pas conformé à son esprit. La conduite du fonctionnaire hors du milieu de travail était liée de façon inviolable à l’ARC. En permettant cela, il a contrevenu au Code de déontologie.

67        Le témoignage de M. Mineault a clairement établi la raison pour laquelle il ne peut plus faire confiance au fonctionnaire. Je suis convaincue que l’employeur avait des motifs raisonnables de mettre fin à l’emploi du fonctionnaire et que ce licenciement n’était pas excessif dans les circonstances étant donné le manque de reconnaisse de sa responsabilité et l’absence de remords. S’il y avait des facteurs atténuants qui auraient pu excuser ou expliquer son comportement, je n’ai été saisie d’aucune preuve de ces facteurs.

68        J’ai indiqué ce qui suit dans Walker c. Administrateur général (ministère de l’Environnement et du Changement climatique), 2018 CRTESPF 78, aux paragraphes 630 et 631 :

[630] […] La décision Cooper c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 119, est souvent citée pour appuyer l’argument selon lequel l’arbitre de grief ne devrait pas modifier une sanction disciplinaire, à moins qu’elle soit déraisonnable ou erronée (voir le paragraphe 13 de cette affaire). D’autres décisions indiquent que la sanction devrait être annulée uniquement si elle est excessive (voir Iammarrone c. Agence de revenu du Canada, 2016 CRTEFP 20; Rahim). Dans d’autres décisions encore, des arbitres de grief ont conclu que les sanctions ne devraient pas être annulées si elles étaient justifiées (McNulty c. Agence du revenu du Canada, 2016 CRTEFP 105).

[631] Essentiellement, à mon avis, ces affaires défendent toutes le même principe, soit que toute mesure disciplinaire imposée par l’employeur contre un employé doit être justifiée dans les circonstances, doit tenir compte de tous les facteurs aggravants et atténuants et doit être raisonnable. Une sanction raisonnable n’est pas excessive[…]

69        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

70        Le grief est rejeté.

Le 5 juin 2019.

Traduction de la CRTESPF.

Margaret T.A. Shannon,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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