Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a déposé un grief alléguant qu’elle avait été rétrogradée de manière déraisonnable et sans motif à la suite de son transfert d’un poste LA-2A à un poste EC 07 en raison de l’omission de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation à son égard durant un processus de pré-qualification dans le cadre du Recrutement accéléré des Autochtones pour le programme Cours et affectations de perfectionnement (CAP) de la Commission de la fonction publique (CFP) – en ce qui concerne l’objection de l’employeur à la compétence de la Commission en l’espèce, la Commission a conclu que, pour déterminer si elle avait compétence en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »), elle doit examiner le contexte de la situation dans laquelle la rétrogradation alléguée s’est produite – la Commission a d’abord conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée était en affectation pendant sa participation au programme CAP et qu’elle avait accompli des fonctions de CA, tout en conservant ses conditions d’emploi de LA-2A – par conséquent, elle n’avait pas renoncé à son droit à un poste classifié LA-2A à la fin du programme CAP – pour ce qui est de la rétrogradation, la Commission a conclu que la situation de la fonctionnaire s’estimant lésée correspondait exactement à la signification de rétrogradation décrite dans la Loi et la jurisprudence, puisqu’il y avait eu une importante perte de salaire, des responsabilités réduites et aucune utilisation de ses compétences et de son expérience qu’elle avait acquises avec succès dans le cadre du programme CAP – par conséquent, la Commission a décidé qu’elle avait compétence et que la fonctionnaire s’estimant lésée avait été rétrogradée – de plus, elle a conclu que l’employeur avait exercé une discrimination à l’encontre de la fonctionnaire s’estimant lésée, car elle souffrait d’une déficience protégée par la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6; LCDP), elle souffrait de l’incidence négative liée à l’emploi découlant de sa rétrogradation, et sa déficience était un facteur dans l’incidence défavorable puisqu’elle avait un impact sur son rendement dans le cadre du processus de pré-qualification – l’employeur a omis de prendre des mesures d’adaptation raisonnables à son égard et d’expliquer pourquoi il ne pouvait pas la réévaluer en prenant des mesures d’adaptation appropriées – la Commission a ordonné que la fonctionnaire s’estimant lésée soit réintégrée au groupe et au niveau LA-2A avec pleine compensation pour tous les revenus et avantages perdus, y compris les intérêts – l’employeur est aussi tenu de lui verser la somme de 20 000 $ en dommages en vertu de l’alinéa 53(2)e) et la somme de 20 000 $ à titre d’indemnité spéciale en vertu du paragraphe 53(3) de la LCDP.

Grief accueilli.

Contenu de la décision

Date : 20190621

Dossier : 566-02-9019

Référence : 2019 CRTESPF 59

Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Entre

Robin Hare

fonctionnaire s’estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR

(Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien)

employeur

Répertorié

Hare c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : Chantal Homier-Nehmé, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée :  Morgan Rowe, avocate

Pour l’employeur :  Richard Fader, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),

du 15 au 18 février et les 19 et 20 septembre 2016 et les 6, 7 et 9 février 2017.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉcision (Traduction de la crtespf)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1]  Robin Hare, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), s’identifie comme membre de la Première Nation de Fishing Lake. Elle a soutenu avoir été rétrogradée sans motif valable lorsqu’elle a été mutée du poste classifié LA-2A au poste classifié EC-07 en raison de l’omission du Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (« AINC » ou l’« employeur ») de prendre des mesures d’adaptation à son égard durant un processus de pré-qualification dans le cadre du Recrutement accéléré des Autochtones pour le programme Cours et affectations de perfectionnement (CAP) de la Commission de la fonction publique (CFP). À titre de réparation, elle demande d’être nommée à un poste EX-01 avec compensation financière à compter de sa nomination au poste EC-07, en vigueur le 1er mars 2011, des dommages‑intérêts pour la violation de ses droits de la personne et des dommages‑intérêts généraux pour le traitement scandaleux que lui a réservé l’employeur.

[2]  L’employeur s’est opposé à la compétence de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »). Il a soutenu que la fonctionnaire avait été mutée conformément aux modalités précises de sa participation au programme CAP, qu’elle a accepté le 1er février 2001. Elle n’était pas visée par une convention collective durant le programme CAP. Par conséquent, la Commission n’a pas compétence sur son allégation selon laquelle elle a fait l’objet de discrimination en vertu de la clause normalisée de non-discrimination. En outre, la fonctionnaire n’a pas établi qu’elle souffrait d’une déficience à l’époque pertinente du processus de pré-qualification. Le fait que l’employeur ait tenté de prendre des mesures d’adaptation à son égard n’est pas une preuve de déficience.

[3]  Le 9 octobre 2013, la fonctionnaire a avisé la Commission canadienne des droits de la personne qu’elle contestait la mesure de l’employeur au motif qu’elle était discriminatoire. Le 12 novembre 2013, la Commission l’a informée qu’elle n’avait pas l’intention de présenter des arguments.

[4]  La fonctionnaire a demandé une ordonnance de mise sous scellés visant son dossier médical et tous ses rapports médicaux. L’employeur ne s’y est pas opposé.

[5]  Dans Pajic c. Opérations des enquêtes statistiques, 2012 CRTFP 70, l’arbitre de grief devait se pencher sur une demande semblable de mise sous scellés d’éléments de preuve. Il a résumé ainsi les principes applicables aux paragraphes 9 et 10 :

[9] Dans le même ordre d’idées, les parties ont également demandé que soient mis sous scellés certains éléments de preuve contenant de l’information protégée par la Loi sur la statistique. Pour trancher cette question, je dois suivre les paramètres qui sont devenus le critère connu sous le nom de « Dagenais/Mentuck ». Selon la règle, les audiences des cours et des tribunaux quasi judiciaires sont publiques, de même que les documents au dossier, comme les pièces. Toutefois, une cour ou un tribunal quasi judiciaire peuvent imposer des restrictions concernant l’accès à leurs audiences ou à leurs dossiers dans certaines circonstances, s’il est établi que le besoin de protéger un autre droit important a préséance sur le principe de transparence judiciaire. Dans Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41, la Cour suprême du Canada a reformulé le critère Dagenais/Mentuck :

[…]

1. lorsqu’elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter ce risque, et

2. lorsque ses effets bénéfiques, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

[…]

[10] Dans Vancouver Sun (Re), 2004 CSC 43, la Cour suprême du Canada a statué que le critère Dagenais/Mentuck s’appliquait à toutes les décisions discrétionnaires qui limitent le droit à l’information pendant les procédures judiciaires. Plus récemment, la Cour suprême du Canada a confirmé dans Société RadioCanada c. La Reine, 2011 CSC 3 (paragraphe 13), que « [l]a grille d’analyse établie dans les arrêts Dagenais et Mentuck s’applique à toutes les décisions discrétionnaires touchant la publicité des débats ». De plus, comme je n’ai entendu dans la présente affaire aucun argument appuyant l’intérêt du public à l’égard de la transparence des débats, je dois considérer cet intérêt sans argument : R. c. Mentuck, 2001 CSC 76 (paragraphe 38) et Vancouver Sun (Re) (paragraphe 48).

[6]  Pour trancher cette question, je dois suivre les paramètres qui sont devenus le critère connu sous le nom de « Dagenais/Mentuck ». Selon la règle, les audiences des cours et des tribunaux quasi judiciaires sont publiques, de même que les documents au dossier, comme les pièces. Toutefois, une cour ou un tribunal quasi judiciaire peut imposer des restrictions concernant l’accès à ses audiences ou à ses dossiers dans certaines circonstances, s’il est établi que le besoin de protéger un autre droit important a préséance sur le principe de transparence judiciaire. Dans Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41, la Cour suprême du Canada a reformulé ce critère comme suit :

[…]

a) elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter ce risque;

b) ses effets bénéfiques, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

[…]

[7]  Dans Vancouver Sun (Re), 2004 CSC 43, la Cour suprême du Canada a statué que le critère Dagenais/Mentuck s’appliquait à toutes les décisions discrétionnaires qui limitent le droit à l’information pendant les procédures judiciaires. Dans Société Radio-Canada c. La Reine, 2011 CSC 3, au paragraphe 13, elle a confirmé que « [l]a grille d’analyse établie dans les arrêts Dagenais et Mentuck s’applique à toutes les décisions discrétionnaires touchant la publicité des débats ».

[8]  De plus, comme je n’ai entendu dans la présente affaire aucun argument appuyant l’intérêt du public à l’égard de la transparence des débats, je dois considérer cet intérêt sans argument : voir R. c. Mentuck, 2001 CSC 76 (paragraphe 38) et Vancouver Sun (Re) (paragraphe 48).

[9]  Par conséquent, je conclus que la mise sous scellés du dossier médical de la fonctionnaire et de tous les rapports médicaux connexes est nécessaire pour écarter un risque sérieux d’atteinte à son droit à la vie privée et pour que l’effet bénéfique de l’ordonnance sur l’efficacité de l’administration de la justice l’emporte sur ses effets préjudiciables sur le droit à la liberté d’expression, y compris l’intérêt public pour des procédures judiciaires ouvertes et accessibles. En outre, l’absence de mise sous scellés ne bénéficierait aucunement au bien-fondé de la présente décision. Par conséquent, j’ordonne la mise sous scellés du dossier médical de la fonctionnaire et des rapports médicaux connexes.

II. Contexte

[10]  La fonctionnaire est titulaire d’un baccalauréat spécialisé en art de l’université de Regina et d’un baccalauréat en droit de l’Université d’Ottawa. En 1993, elle a fait un stage au ministère du Procureur général et a été admise au barreau en 1994. Elle a travaillé à l’Indian Friendship Centre de Toronto sur des questions autochtones. À l’automne 1996, elle a accepté un poste classifié LA-01 à durée déterminée auprès du ministère de la Justice, qui souhaitait attirer des membres de la collectivité autochtone. Peu de temps après, elle a posé sa candidature à un poste classifié LA-2A à durée indéterminée et y a été nommée; elle fournissait alors des conseils sur les questions concernant les négociations des revendications territoriales pour Affaires indiennes et du Nord Canada (AINC), le nom de ce ministère à l’époque.

[11]  L’employeur a appelé Dal Hines, directeur, CAP, à la CFP en 2001. Il a expliqué que le programme faisait partie de « La Relève », une initiative du gouvernement fédéral visant à accroître la visibilité des groupes visés par l’équité dans les postes de direction. Pour la première fois, la fonction publique fédérale souhaitait créer des possibilités à l’intention des employés autochtones pour qu’ils parviennent au niveau de direction. Le programme CAP a été annoncé à l’interne et à l’externe. Plus de 1100 personnes ont postulé, et 200 ont été présélectionnées. Tous les ministères ont été invités à participer. Ceux qui ont décidé de le faire ont été consultés au sujet des postes qu’ils créeraient. Le ministère de la Justice n’a pas participé. Il n’a pas créé de poste « CA » du programme CAP.

[12]  Le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (SCT) était responsable de l’initiative et la CFP la gérait. L’École de la fonction publique du Canada (EFPC) était responsable de la formation linguistique des participants. Le SCT établissait les politiques et la CFP gérait le programme. Les ministères participants accueillaient les candidats et leur offraient des affectations leur permettant d’acquérir de l’expérience de gestion pour qu’ils se préqualifient par la suite à un poste EX-01.

[13]  Entre autres responsabilités, la CFP devait établir les normes de compétence pour l’entrée, les promotions et le répertoire de pré-qualification EX-01. Elle devait aussi élaborer des outils et des lignes directrices pour repérer, évaluer et sélectionner les participants au programme; leur donner de l’avancement en cours de formation; et les préqualifier au niveau EX-01 une fois la formation terminée. Le programme était un effort de collaboration entre le SCT, la CFP, l’EFPC et les ministères d’accueil. Aucune entité unique n’avait l’entière responsabilité des participants.

[14]  La fonctionnaire a discuté du programme avec ses collègues et son réseau de personnes-ressources autochtones. Elle croyait qu’il s’agissait d’une étape positive vers l’accroissement de la présence autochtone au niveau de direction. Il a été présenté comme une possibilité très prestigieuse d’acquérir de l’expérience de gestion, c’est‑à‑dire en budgétisation, en ressources humaines et formation linguistique en français, éléments qui étaient essentiels pour obtenir un poste de direction.

[15]  Elle était intéressée par le programme pour son avancement professionnel. Toutefois, elle n’a jamais voulu abandonner ses compétences juridiques. Elle se considérait comme ayant réussi et elle s’inquiétait d’entrer dans le programme alors qu’elle était classifiée à un niveau plus élevé que le poste annoncé.

[16]  Il était nécessaire de démontrer l’ascendance autochtone, et une lettre de présentation ainsi qu’un curriculum vitae devaient être fournis pour démontrer l’expérience et les compétences. La CFP a sélectionné 23 à 26 personnes seulement, lesquelles présentaient une probabilité élevée de réussite. Il s’agissait d’un processus promotionnel à grande échelle pour le gouvernement. Il a été célébré, et les participants retenus étaient considérés comme l’élite. Une activité de carrière et de jumelage s’est tenue au cours de laquelle les ministères ont abordé les participants retenus.

[17]  Elle savait qu’AINC y participerait. Georges Bédard, l’un de ses clients au ministère de la Justice, lui a dit qu’il lui confierait des travaux stratégiques en matière de politique portant sur les traités autochtones. Elle était très intéressée parce qu’elle avait travaillé avec lui auparavant en sa qualité de LA-2A et qu’elle avait beaucoup d’expérience juridique dans ce domaine.

[18]  Elle a appris pour la première fois à l’automne 2010 qu’elle ne pourrait pas revenir à son poste LA-2A. Elle était très mécontente et bouleversée. Elle voulait acquérir de l’expérience en gestion, y compris en ressources humaines et en finance, et obtenir un statut bilingue, ce qui lui aurait donné la possibilité de postuler à un poste de gestion classifié LA‑2B à JUS. Elle considérait le programme CAP comme une initiative d’avancement gouvernementale visant spécifiquement les Autochtones. Elle n’a jamais pensé qu’il représentait un risque de régression dans sa carrière. À son avis, il était conçu pour l’avancement. Elle n’a jamais accepté d’abandonner son poste classifié LA-2A pour participer au programme CAP.

[19]  Après avoir terminé avec succès le programme CAP, la fonctionnaire a participé à un processus de pré-qualification à Environnement Canada pour le poste EX-01 qu’elle a occupé avec succès pendant plus d’une année. Le 3 décembre 2010, elle a appris qu’elle avait échoué à la question portant sur les connaissances de l’entrevue. Selon elle, si elle avait bénéficié de mesures d’adaptation appropriées, elle aurait été nommée au poste. La seule offre qui lui a été faite consistait à la rétrograder d’un poste classifié LA-2A à un poste classifié EC-07, ce qui était extrêmement stressant.

[20]  Elle avait l’impression d’avoir été laissée pour compte et que le programme CAP l’avait laissée tomber. Elle avait travaillé fort pour devenir avocate, en particulier en sa qualité d’Autochtone dans un groupe qui était déjà sous-représenté. Le 11 mars 2011, elle a présenté son grief, faisant valoir qu’elle avait été rétrogradée de façon déraisonnable et sans motif valable.

[21]  Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et les titres de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la LRTFP pour qu’ils deviennent, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »). Il convient de noter que, dans la présente décision, la « Commission » renvoie à la commission actuelle et à tous ses prédécesseurs.

III. Objection concernant la compétence de la Commission

[22]  La fonctionnaire a renvoyé son grief à l’arbitrage en vertu du sous‑alinéa 209(1)c)(i) de la Loi pour rétrogradation aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11; LGFP) « [...] pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite [...] » (voir le sous‑alinéa 209(1)c)(i)). Elle a soutenu que la rétrogradation n’était pas motivée, contrairement à ce que prévoit le paragraphe 12(3) de la LGFP.

[23]  L’employeur a reconnu que la rétrogradation alléguée n’était pas motivée. Par conséquent, la Commission n’a pas compétence. Il a soutenu qu’elle n’avait pas compétence en vertu de l’article 209 de la Loi pour évaluer le processus de sélection d’Environnement Canada ou pour se prononcer sur la fin de la participation de la fonctionnaire au programme CAP. Elle a été mutée en vertu de l’article 51 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13, LEFP), ce qui était une condition de sa participation au programme CAP. La compétence ne peut pas être acquise au moyen d’une évaluation factuelle indiquant que ce qui s’est produit ressemble à une rétrogradation au sens général. Au soutien de sa position, l’employeur a invoqué Peters c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2007 CRTFP 7, au paragraphe 264.

[24]  En outre, il n’existe aucune preuve substantielle selon laquelle l’administrateur général a rétrogradé la fonctionnaire en vertu de l’alinéa 12(1)d) ou e) de la LGFP. Par conséquent, la Commission n’a pas compétence en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi. Pour avoir compétence, la Commission doit conclure qu’une rétrogradation non disciplinaire déguisée s’est produite et avoir la preuve de l’exercice d’un pouvoir délégué en vertu de l’alinéa 12(1)d) ou e) de la LGFP. La fonctionnaire a été mutée et elle aurait dû présenter un grief en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(iii) de la Loi parce qu’elle a été mutée sans consentement alors que le consentement est requis ou elle aurait dû déposer une plainte en vertu de l’article 77 selon la LEFP à l’égard du processus de dotation visant le processus de pré-qualification.

[25]  Le grief n’est pas fondé et la Commission n’a pas compétence pour l’entendre en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la LRTFP. Comme l’indique ainsi Chamberlain c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2013 CRTFP 115, au paragraphe 122 : « Lorsqu’un employé dépose un grief qui comprend des allégations fondées sur les droits de la personne, mais qu’il le fait dans un contexte factuel qui n’est pas visé par le paragr. 209(1), la LRTFP ne confère pas compétence à l’arbitre de grief pour qu’il instruise le grief ». Une possibilité perdue alléguée découlant du processus de sélection n’est pas liée à l’allégation selon laquelle le sous-ministre d’AINC a rétrogradé la fonctionnaire à un poste classifié à un niveau inférieur à EX en vertu de l’alinéa 12(1)d) ou e) de la LGFP. Une possibilité perdue, même si c’était le cas, n’établirait pas que le sous-ministre a effectué une rétrogradation déguisée en vertu de la LGFP.

[26]  L’employeur a soutenu que l’article 77 de la LEFP représente un cadre complet pour aborder le processus de nomination interne, y compris les allégations de discrimination en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6; LCDP). Il ne s’agit pas d’une procédure de réparation différente; il s’agit également de la seule procédure de réparation administrative disponible pour contester l’absence alléguée de mesure d’adaptation durant le processus de sélection. L’article 208 de la LRTFP indique clairement que lorsqu’il existe une autre possibilité de réparation, la fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel. Pour ces motifs, la Commission n’a pas compétence.

[27]  La fonctionnaire a soutenu que la Commission avait compétence sur les rétrogradations disciplinaires et non disciplinaires, comme l’indiquent les alinéas 209(1)b) et c) de la Loi. Si je conclus qu’elle a été rétrogradée, il serait approprié que la Commission exerce sa compétence relativement au grief parce qu’il y a eu rétrogradation « [...] pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite [...] », en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(i).

[28]  Selon la fonctionnaire, [traduction] « il est bien reconnu en droit que l’étiquette que l’employeur accorde à sa mesure ne détermine pas sa nature ». Comme la Cour suprême du Canada l’a conclu dans Doré c. Canada, [1987] 2 RCS 503, à la page 510, les arbitres de grief doivent aller au-delà de l’intention de l’employeur ou de sa qualification d’une mesure pour déterminer les faits qui sont réellement survenus.

[29]  Je ne souscris pas à la position de l’employeur selon laquelle le seul recours de la fonctionnaire était la présentation d’un grief à l’égard de sa mutation ou une plainte en matière de dotation en vertu de l’article 77 de la LEFP. Ce genre de plainte nécessite une nomination interne dans la zone de recours. Aucune nomination n’a été faite en vertu du processus de pré-qualification à l’égard de laquelle la fonctionnaire aurait pu déposer une plainte. Les documents que l’employeur a mentionnés portaient sur sa plainte en matière de dotation devant le Tribunal de la dotation de la fonction publique (TDFP), et les lettres de son avocate ne sont pas pertinentes à la détermination de la question de savoir si la Commission a compétence.

[30]  Je suis d’accord avec la fonctionnaire pour dire qu’il est bien reconnu en droit que la qualification par l’employeur de sa mesure ne détermine pas en soi la question de savoir s’il l’a réellement rétrogradée. La jurisprudence de la Commission, que la Cour d’appel fédérale a confirmée dans Bergey c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 30; Canada (Procureur général) c. Heyser, 2017 CAF 113; et Canada (Procureur général) c. Féthière, 2017 CAF 66, a conclu que lorsqu’elle interprète l’article 209 de la Loi, il revient à la Commission de déterminer, selon les faits qui se sont produits, si un licenciement non disciplinaire était motivé. La même analyse contextuelle s’applique aux affaires concernant des rétrogradations alléguées en vertu de l’article 209.

[31]  Dans les cas de révocation de la cote de fiabilité, la Cour d’appel fédérale a déclaré que selon les faits pertinents ayant mené à la révocation et les politiques pertinentes adoptées par le SCT en sa qualité d’employeur, la Commission doit déterminer si la révocation était motivée, ce qui signifie qu’il faut examiner la question de savoir si la révocation était justifiée par des motifs légitimes et valables (voir Heyser, au paragraphe 76).

[32]  La même approche a été appliquée dans des affaires concernant l’interprétation du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi en ce qui concerne la rétrogradation ou le licenciement d’un employé de l’administration publique centrale en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la LGFP dont le rendement est insuffisant ou en vertu de l’alinéa 12(1)e) pour une raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite.

[33]  La CRTFP et la Cour fédérale ont adopté cette approche contextuelle dans Canada (Procureur général) c. Frazee, 2007 CF 1176, au paragraphe 23; et Robitaille c. Administrateur général (ministère des Transports), 2010 CRTFP 70, au paragraphe 226 (décision confirmée sur ce point dans 2001 CF 1218, aux paragraphes 34 et 35). Dans les deux cas, la CRTFP a conclu qu’elle devait examiner ce que l’employeur a réellement fait objectivement et non ce qu’il aurait pu avoir l’intention de faire ou ce qu’elle a compris qu’il faisait en droit lorsqu’elle examine la question de savoir si un employé a été rétrogradé, peu importe la qualification privilégiée par l’employeur de sa mesure.

[34]  Par conséquent, pour déterminer si la Commission a compétence en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi, je dois examiner le contexte de la situation dans laquelle la rétrogradation alléguée s’est produite. Si je conclus que la fonctionnaire a été rétrogradée, je dois alors déterminer si cette rétrogradation a été faite pour des raisons légitimes.

IV. Quel était le statut de la fonctionnaire dans le programme CAP?

[35]  Avant de déterminer si la fonctionnaire a été rétrogradée, je dois établir son statut dans le programme CAP.

A. Modalités du programme CAP

[36]  M. Hines a déclaré que ses souvenirs des événements en question remontent à 15 ans et qu’ils peuvent ne pas être parfaits. Au moment des événements pertinents, il était le directeur du programme CAP à la CFP. Il était chargé de recruter et d’affecter des participants au programme CAP. Il était responsable de trois ou quatre programmes au total.

[37]  En contre-interrogatoire, M. Hines a reconnu le SCT établi toutes les conditions d’emploi, y compris le salaire, des participants au programme CAP. Les participants acceptés au programme CAP de l’extérieur de la fonction publique qui n’avaient pas occupé un poste classifié devaient être nommés à un poste à durée indéterminée dans le groupe CA. Lorsqu’ils terminaient le programme CAP, ils étaient mutés à un poste EX moins 1 ou EX moins 2, selon le niveau qu’ils avaient atteint pendant le programme. En contre-interrogatoire, M. Hines a reconnu qu’une mutation devait être au même niveau pour être considéré comme un déploiement.

[38]  Carey Agnew a témoigné pour le compte de la fonctionnaire et a déclaré que cela était conforme à sa compréhension du programme CAP. En tant que candidate externe, elle a été nommée à un poste classifié CA-01 avec la possibilité d’avancement à un poste classifié CA-02. Selon sa compréhension, si elle avait quitté le programme, elle aurait été mutée à un poste équivalent au poste classifié CA-01. Les candidats internes non retenus retournaient à leur poste d’attache. Les candidats externes non retenus étaient mutés à des postes équivalents au poste classifié CA-01 ou CA-02.

[39]  Mme Agnew a expliqué que lorsque les candidats terminaient le programme, le ministère d’accueil utilisait un processus de pré-qualification pour les évaluer et les nommer, sans processus de sélection, à des postes classifiés EX-01. Le programme était conçu pour durer quatre ans, une année étant consacrée à la formation linguistique. Mme Agnew a pris un congé de maternité en mai 2002, en novembre 2004 et en juillet 2007. Lorsqu’elle a terminé le programme CAP en août 2008, elle a été nommée à un poste classifié EC-08 à Santé Canada, ce qui était l’équivalent d’un poste classifié EX-01.

[40]  Mme Agnew n’a jamais pensé qu’elle obtiendrait un poste qu’elle ne voulait pas occuper. L’objectif du programme était l’avancement professionnel et la représentation accrue des Autochtones dans les postes de direction. Elle se rappelait que le programme CAP considérait comme un atout les participants qui détenaient des diplômes en droit. Elle a obtenu son diplôme en droit à l’Université de Toronto et a travaillé dans le secteur privé, elle considérait donc le programme CAP comme un avantage lui permettant de perfectionner ses compétences au niveau de direction. Elle souscrivait aux valeurs de la fonction publique et adhérait à l’idée d’un équilibre travail-vie privée plus réaliste. Le programme avait pour but ultime de permettre aux participants d’occuper un poste de direction. Le programme CAP a été annoncé comme présentant des avantages, mais aucun risque.

[41]  M. Hines n’avait pas de relation organisationnelle avec la fonctionnaire. Il savait qu’au moment de poser sa candidature au programme CAP, elle occupait un poste classifié LA-2A auprès du ministère de la Justice au sein des Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (AADNC), comme on appelait ce ministère à l’époque, et qu’il y avait une entente selon laquelle elle conserverait son salaire et ses conditions d’emploi lorsqu’elle participerait au programme CAP. Sa situation était inhabituelle parce que son poste d’attache avait un niveau de rémunération et de classification plus élevé que le poste du programme CAP.

[42]  En tant que directeur du programme CAP, il avait le pouvoir d’accepter la fonctionnaire au programme selon la politique relative au « Programme de rémunération d’affectation spéciale » (PRAS), qui lui permettait de conserver sa désignation, accompagnée d’une protection salariale. Selon lui, le SCT ne lui avait confié que ce pouvoir. Le PRAS applicable à l’époque donnait aux administrateurs généraux une marge de manœuvre, dans le système de rémunération de la fonction publique, quant au recrutement, à l’affectation et à la rémunération des employés.

[43]  Le PRAS indiquait que les candidats aux affectations en vertu du PRAS se verraient remettre une offre écrite d’affectation indiquant la nature, l’endroit, la durée et les conditions; les mesures à prendre pour régulariser leur situation d’emploi au terme de l’affectation; et le ministère chargé de la mise en œuvre de ces mesures. Toutes les conditions et tous les avantages prévus par une convention collective ou un précis des conditions d’emploi applicable au groupe et au niveau de titularisation de l’employé continuent de s’appliquer à l’employé en affectation dans le cadre du PRAS.

[44]  Selon la compréhension de la fonctionnaire, le PRAS était la confirmation qu’elle participait au programme CAP en tant que LA-2A et qu’elle conservait les conditions d’emploi et les obligations connexes. Elle comprenait qu’elle était toujours obligée de conserver son statut auprès du Barreau du Haut-Canada, de produire son rapport annuel, de perfectionner sa formation juridique et de demeurer en règle. Elle n’a pas cessé d’être avocate.

[45]  En contre-interrogatoire, M. Hines a reconnu que la politique du programme CAP, qui s’appliquait à l’époque, indiquait à la page 4 que les conditions d’emploi du groupe CA étaient celles énoncées dans Conditions d’emploi (Politique), Annexe A – « Règlement régissant les conditions d’emploi dans la fonction publique » et dans la convention collective du groupe PA.

[46]  Toutefois, la lettre envoyée à la fonctionnaire le 1er février 2001, comportant l’objet [traduction] « Programme Cours et affectations de perfectionnement – CA-01 – 11319 200004CA-01 – bilingue non impératif CBC/CBC – Affaires indiennes et du Nord Canada, RCN » précisait que durant la période pertinente, elle conserverait son statut de LA-2A à durée indéterminée et que toutes les conditions d’emploi connexes continueraient de s’appliquer.

[47]  En contre-interrogatoire, M. Hines a reconnu que si les conditions d’emploi applicables au groupe LA changeaient, ces conditions continueraient donc de s’appliquer à elle pendant la durée du programme.

[48]  La fonctionnaire a confirmé que le contenu de la lettre d’offre représentait exactement ce dont elle avait discuté avec Kim Brandt, sa conseillère en apprentissage de la CFP alors qu’elle participait au programme CAP, soit que l’ensemble des conditions de son poste LA-2A continuerait de s’appliquer et qu’elle conserverait son statut de LA‑2A à durée indéterminée pendant sa participation au programme CAP.

[49]  Après la fin de sa participation, si elle n’était pas admissible à un poste EX-01, la lettre d’offre indiquait qu’en tant que titulaire d’un poste CA, elle acceptait d’être mutée à un poste pour lequel elle était qualifiée au niveau EX moins 1 ou Ex moins 2, selon le niveau qu’elle avait atteint dans le programme. En contre-interrogatoire, M. Hines a déclaré qu’il s’agissait d’une page normalisée et que tous les participants au programme CAP la recevaient.

[50]  Comme la fonctionnaire est entrée dans le programme au niveau LA-2A et qu’elle avait conservé l’ensemble de ses conditions d’emploi, y compris son statut de LA-2A à durée indéterminée, et compte tenu du fait qu’elle n’avait pas été nommée depuis l’extérieur de la fonction publique, elle comprenait qu’elle n’était pas liée par les mêmes conditions que ceux qui entraient dans le programme au niveau CA.

[51]  La fonctionnaire a déclaré qu’elle ne pouvait pas être liée par les conditions d’emploi des LA-2A en même temps qu’elle était liée par celles applicables aux CA. Elle n’a pas tenu compte de la deuxième page de la lettre d’offre parce qu’elle n’avait aucun sens. Il était tout à fait illogique qu’elle conserve son statut à durée indéterminée avec toutes les conditions d’emploi, tout en étant assujettie aux dispositions relatives à un CA. Elle n’était pas un CA.

[52]  La lettre d’offre indiquait que la compétence linguistique obligatoire dans la deuxième langue officielle devait être obtenue dans les deux ans suivant la nomination au programme CAP. Si elle n’obtenait pas la compétence requise, elle ne pouvait pas demeurer dans le programme CAP. Lorsqu’elle a accepté l’offre, elle a accepté d’être mutée à un autre poste pour lequel elle était qualifiée.

[53]  La lettre d’offre l’informait que Mme Brandt serait sa conseillère en apprentissage de la CFP pendant sa participation au programme CAP. En la signant, elle a accepté l’offre le 1er février 2001 et a été nommée à un poste de conseillère principale en matière de politiques à AINC.

[54]  Selon M. Hines, à ce moment, elle n’était plus une employée du ministère de la Justice. Lorsqu’elle a accepté l’offre, elle est devenue une employée d’AINC assujettie à la LEFP. La lettre signée a été envoyée à AINC et à Jocelyne MacDonald, directrice associée, Services ministériels et Programmes spéciaux, ministère de la Justice, qui ont tous accepté les modalités qu’elle contenait.

[55]  La fonctionnaire a déclaré qu’avant d’accepter le poste du programme CAP, elle avait exprimé ses préoccupations à Mme Brandt. Elle ne voulait pas perdre ce qu’elle avait déjà accompli, soit son poste classifié LA-2A. Elle a discuté de la rémunération, des avantages, du type de travail qu’elle accomplirait et de sa formation. Elle a demandé si elle pouvait postuler à un poste de direction et conserver sa classification LA-2A. Mme Brandt a dit à la fonctionnaire qu’elle devrait en discuter avec M. Hines, le directeur du programme CAP.

[56]  Après avoir consulté M. Hines, Mme Brandt a informé la fonctionnaire qu’il était possible de la conserver. Elle conserverait non seulement son salaire, mais également sa classification et ses avantages. Elle a précisé à Mme Brandt qu’elle ne voulait pas régresser professionnellement. Cet échange a eu lieu à l’automne 2000.

[57]  M. Hines a déclaré que les conseillers en apprentissage du programme CAP n’avaient aucun pouvoir de nomination en vertu de la LEFP; ils n’avaient pas non plus de pouvoir financier. Leur rôle consistait à créer un plan d’apprentissage pour les participants au programme CAP et à les aider à combler leurs besoins. Seuls les ministères avaient le pouvoir délégué de la CFP de procéder à des nominations. M. Hines ne se rappelait pas les détails de la lettre d’offre de la fonctionnaire ou une promesse selon laquelle si elle quittait le programme, elle reprendrait son ancienne classification LA-2A.

[58]  La fonctionnaire s’est remémoré les choses différemment. Elle se rappelait être assise à son bureau lorsque M. Hines lui a téléphoné pour lui confirmer que si elle faisait l’objet d’une évaluation positive, elle pourrait participer au programme CAP au niveau de son poste d’attache. Le ministère d’accueil pouvait choisir un poste EX-01 au groupe et au niveau LA-2A. Elle l’a informé qu’il était important pour elle d’en avoir une confirmation écrite. Il lui a dit que son objectif lorsqu’elle aurait terminé le programme CAP était de reprendre son poste classifié LA-2A avec une expérience de direction et qu’elle pourrait obtenir un poste classifié LA-2B. Elle espérait que l’expérience qu’elle acquerrait dans le programme CAP lui permettrait d’obtenir plus rapidement ce poste. Les modalités en vertu desquelles elle a accepté de participer au programme CAP étaient importantes pour elles, ce qu’elle a souligné auprès de M. Hines et de la CFP.

[59]  M. Hines a expliqué que l’objectif du programme CAP était de faire en sorte que tous les participants parviennent au niveau EX. Le PRAS protégeait le statut à durée indéterminée de la fonctionnaire en tant que LA-2A et lui donnait la possibilité d’être mutée à un poste classifié LA-2A si le ministère de la Justice en avait un disponible. Son statut était déjà protégé et aucun problème ne surviendrait si un poste existait. En contre-interrogatoire, il a reconnu que le PRAS était davantage qu’une protection salariale. Il protégeait les modalités de son emploi et couvrait ses frais d’adhésion au Barreau du Haut-Canada.

[60]  M. Hines ne se rappelait aucune conversation avec la fonctionnaire sur ce qui arriverait si les choses ne fonctionnaient pas. Il n’y avait aucune garantie quant à l’issue du programme. Il s’est rappelé qu’un certain nombre de participants retenus ont été nommés à des postes classifiés EX-01 et que d’autres sont demeurés au niveau CA. Même si la CFP avait souhaité offrir une forme de garantie, ce n’était pas possible. Un protocole d’entente quelconque aurait été nécessaire entre le ministère de la Justice et AINC, en tant que ministère participant. Toutefois, comme le ministère de la Justice n’était pas un ministère participant, rien ne pouvait être conclu. S’il y avait eu une telle entente, on l’aurait mise par écrit.

[61]  En contre-interrogatoire, M. Hines a déclaré qu’il ne se rappelait pas que la fonctionnaire lui avait directement exprimé des préoccupations sur la possibilité qu’elle reprenne son poste classifié LA-2A. La seule préoccupation dont il était au courant était qu’elle s’était inscrite au programme à un niveau très élevé, ce qui était la raison pour laquelle il avait pris les mesures en question pour protéger son salaire. Lors du réinterrogatoire, il a indiqué que si son objectif était de reprendre son poste classifié LA-2A au ministère de la Justice ou d’avoir la possibilité de le reprendre, un protocole d’entente tripartite aurait été nécessaire entre la fonctionnaire, AINC, en tant qu’organisation marraine, et le ministère de la Justice, qui aurait été responsable de son retour.

[62]  L’employeur a appelé Carole Proulx à témoigner. Au moment des événements pertinents, elle était l’agente de liaison du programme CAP, responsable de la formation linguistique, de la promotion du programme et du processus de nomination en général. Elle n’avait pas le pouvoir délégué de faire des nominations ou des offres aux personnes nommées. Elle a compris que l’entente entre AINC, la CFP et la fonctionnaire signifiait que cette dernière était une employée d’AINC. Selon elle, le poste de conseillère principale en matière de politiques auquel la fonctionnaire avait été nommée dans le cadre du programme CAP, à la Politique des revendications territoriales globales, Section des revendications globales, était un poste à durée indéterminée et la fonctionnaire avait été nommée en vertu de la LEFP.

[63]  Mme Proulx ne se rappelait pas le courriel que la fonctionnaire lui a envoyé le 3 avril 2002, au sujet d’une entente avec le ministère de la Justice selon laquelle son poste d’attache serait conservé et qu’elle serait mutée au programme CAP à AINC, comme le ministère s’appelait à l’époque, en tant que ministère d’accueil.

[64]  Le courriel résumait la compréhension de la fonctionnaire à l’époque selon laquelle son salaire serait protégé par le PRAS au groupe et au niveau LA-2A et que son poste classifié LA-2A serait conservé pour qu’elle ait l’option de retourner au ministère de la Justice en tant que LA‑2A si elle le souhaitait pour trouver éventuellement des possibilités de postes classifiés LA-2B. Mme Proulx ne se rappelait pas le courriel ou la demande de la fonctionnaire pour qu’il n’y ait pas d’entente concernant le transfert de son dossier du personnel du ministère de la Justice à AINC. Si la fonctionnaire et le ministère de la Justice avaient conclu une entente, Mme Proulx n’était pas au courant.

[65]  La fonctionnaire a déclaré qu’elle n’avait jamais reçu de réponse de Mme Proulx ou de quiconque à la CFP pour corriger sa compréhension. La fonctionnaire se rappelait que pendant la période qu’elle a passée au programme CAP, elle a continuellement dû communiquer avec le ministère d’accueil pour lui rappeler ses conditions d’emploi et le remboursement de ses cotisations au Barreau.

[66]  Selon Mme Proulx, la CFP n’avait pas le pouvoir d’ordonner au ministère de la Justice de réintégrer la fonctionnaire à son poste d’attache. Lorsqu’elle a été acceptée au programme CAP, elle a renoncé à son poste d’attache. Si une telle entente avait été conclue, elle l’aurait été par écrit entre le ministère de la Justice et AINC. Elle ne se rappelait pas le document intitulé [traduction] « Justification du Programme de rémunération d’affectation spéciale – Prolongation au‑delà de trois ans », la période du 12 février 2001 au 8 février 2005 et la demande de prolongation du 9 février 2005 au 31 mars 2007, qui prévoyait que la fonctionnaire reprendrait son poste d’attache lorsqu’elle aurait terminé le programme CAP (« Le document de prolongation du PRAS »; pièce E-11). Mme Proulx a fait remarquer que le document n’était pas signé ni daté. Elle ne reconnaissait pas les noms qui y figuraient. La seule chose qu’elle comprenait était que le salaire de la fonctionnaire et ses conditions d’emploi au groupe et au niveau LA-2A étaient protégés pour la durée de sa participation au programme CAP. Elle ne savait pas comment ce document avait été inclus dans le dossier du personnel de la fonctionnaire.

[67]  En contre-interrogatoire, elle a reconnu que la justification de la demande de prolongation du PRAS au-delà de trois ans indiquait non seulement que la fonctionnaire conservait son statut de LA-2A à durée indéterminée et que toutes les conditions d’emploi se poursuivraient jusqu’à ce qu’elle ait terminé le programme, mais également qu’elle serait mutée au ministère de la Justice lorsqu’elle l’aurait terminé. Lors du réinterrogatoire, Mme Proulx a dit que si c’était le cas, elle l’aurait soumis à l’attention de la direction d’AINC et elle aurait demandé au ministère de la Justice de payer la formation linguistique de la fonctionnaire.

[68]  En contre-interrogatoire, Mme Proulx a déclaré qu’elle n’était au courant d’aucune discussion entre Louise Trépanier, directrice générale, Section des revendications globales, AINC, en 2001 et le ministère de la Justice. Elle a reconnu qu’elle n’avait pas participé aux discussions portant sur les préoccupations de la fonctionnaire. Elle n’était pas au courant des discussions ou d’une entente spéciale entre le ministère de la Justice et AINC. Si une entente avait été conclue, elle aurait été mentionnée dans la lettre d’offre. Elle n’a pas participé aux négociations ou à la conclusion du PRAS pour la fonctionnaire.

[69]  Dans un courriel envoyé par Mme Proulx à Mme Trépanier, le 1er mars 2002, il est manifeste que la confusion régnait quant aux responsabilités financières entre AINC, en tant que ministère d’accueil de la première affectation de la fonctionnaire, et le ministère de la Justice. Mme Trépanier croyait à tort que AINC rembourserait au ministère de la Justice le salaire de la fonctionnaire et qu’il serait responsable de toutes les autres dépenses liées au travail.

[70]  L’employeur a appelé Cindy Shipton-Mitchell, avocate générale principale, Finances, Services juridiques, ministère de la Justice. Elle était l’avocate générale pour la Section des revendications globales de 1999 à 2003. Elle était la gestionnaire de la fonctionnaire et était responsable de ses évaluations de rendement. Elle a déclaré qu’elle ne se souvenait pas d’un arrangement spécial ou de conversations avec la CFP au sujet du fait que la fonctionnaire garderait son poste pendant qu’elle occuperait un poste de CA dans le cadre du programme CAP. Elle n’a pas participé aux discussions sur la participation de la fonctionnaire au programme CAP. Pour que la fonctionnaire bénéficie d’un tel arrangement, il aurait fallu qu’il y ait un détachement, lequel aurait été confirmé par écrit. Le document ministériel de PeopleSoft (pièce E-37) indique que le poste de la fonctionnaire, numéro 1899, au ministère de la Justice, a pris fin en raison d’une [traduction] « mutation de sortie » le 24 avril 2014. Comme le démontrera plus loin la preuve, la fonctionnaire a déclaré qu’elle en a eu connaissance pour la première fois en novembre 2010.

[71]  L’employeur a appelé Carole Langevin, conseillère en ressourcement des cadres à la Direction des services au groupe de la direction, AINC, en 2010. Selon elle, cette question a été soulevée auprès de la fonctionnaire bien avant novembre 2010.

[72]  En contre-interrogatoire, Mme Langevin n’a pas pu expliquer comment la Directive sur l’administration des programmes de perfectionnement en leadership du SCT et les dispositions relatives à la « protection salariale » qu’elle contient (pièce E‑14) pouvaient s’appliquer à la fonctionnaire lorsqu’elle a été acceptée dans le cadre du programme CAP en vertu du PRAS, lequel indiquait que les modalités de son poste d’attache LA-2A continueraient de s’appliquer pendant qu’elle était inscrite au programme CAP. Mme Langevin a dit qu’elle ne pouvait pas répondre à cette question parce qu’elle n’a pas participé à l’époque à l’acceptation de la fonctionnaire au programme en 2001.

[73]  La fonctionnaire a appelé Mme Kim Brant comme témoin. À titre de conseillère en apprentissage, son rôle consistait à élaborer et à mettre en œuvre le programme CAP. Avant d’accepter son poste de conseillère en apprentissage, elle a travaillé sur l’aspect intégration du programme CAP, a élaboré l’examen et l’exercice « in-basket » avec le Centre de psychologie du personnel (CPP) et elle a placé et formé les candidats retenus. Elle était la présidente des comités d’évaluation et a participé au processus décisionnel pour déterminer les postes auxquels les candidats seraient associés. Elle était au courant de la situation de la fonctionnaire qui, selon ses souvenirs, était unique puisqu’elle s’était inscrite au programme CAP en tant que LA-2A. Elle voulait éviter de pénaliser et d’exclure les candidats qui étaient classifiés à des niveaux supérieurs, comme les scientifiques ou les psychologues. Le programme n’a jamais eu pour but de pénaliser les candidats. La CFP a procédé à des nominations à des postes à partir d’une liste de candidats admissibles.

[74]  Mme Brant s’est rappelé que Thomas Paul, sous-ministre, AINC, était responsable de l’intégration des participants au programme CAP à AINC (pièce E-03). Au bout du compte, la CFP faisait très peu de choses. M. Paul a eu une discussion avec le ministère de la Justice. La CFP a envoyé la lettre d’offre à la fonctionnaire, laquelle devait être approuvée par le ministère de la Justice. Comme elle ne pouvait pas être nommée à un poste à un taux de rémunération plus bas, la seule solution était le PRAS au groupe et au niveau LA-2A.

[75]  Selon l’expérience en matière de ressources humaines de Mme Brant, chaque fois qu’un employé accepte un poste à un niveau moindre, cela représente une rétrogradation. Une différence salariale de 4 % représente une rétrogradation. Le numéro de poste mentionné dans le PRAS représente le poste de la fonctionnaire au ministère de la Justice, il s’agit d’un numéro de poste du ministère de la Justice (pièce E-03). Mme Brant a déclaré qu’elle n’avait joué aucun autre rôle dans la lettre d’offre. Elle était simplement responsable des fonctions quotidiennes. Elle présentait les éléments, qui pouvaient être approuvés puis mis en œuvre. Elle a accepté que la fonctionnaire soit nommée à un poste à AINC. À ce moment, seul le ministère de la Justice pouvait nommer des avocats.

[76]  Mme Brant n’était pas d’accord avec M. Hines pour dire que la fonctionnaire avait été nommée à un poste classifié CA-01 et qu’elle bénéficiait simplement de la protection salariale à son niveau LA-2A. Elle n’était pas non plus d’accord pour dire qu’en tant que directeur, il n’avait pas le pouvoir de nommer des candidats aux ministères et que son seul pouvoir consistait à créer un PRAS. Il envoyait les lettres de nomination au nom des ministères. Elle comprenait que la fonctionnaire avait été nommée à un poste classifié LA-2A, ce qui est la raison pour laquelle elle avait le même numéro de poste que celui qu’elle occupait au ministère de la Justice. Ce ministère ne souhaitait pas la nommer à un poste du programme CAP parce qu’il n’y participait pas. AINC a accepté la fonctionnaire au même niveau, selon la compréhension que le ministère de la Justice la reprendrait lorsqu’elle aurait terminé le programme CAP. Normalement, lorsqu’ils participent au programme, les candidats retournent à leur poste d’attache, sauf s’il en est décidé autrement. Il s’agissait d’une préoccupation pour AINC, parce qu’il ne pouvait pas nommer de candidats à un poste LA.

B. Argumentation de la fonctionnaire s’estimant lésée

[77]  La fonctionnaire a soutenu qu’elle avait été incitée à accepter la lettre d’offre pour participer au programme CAP par une fausse déclaration sur les conditions d’emploi qui y étaient mentionnées. La CFP a pris des mesures pour s’assurer que ses conditions d’emploi prescrites par la convention collective du groupe LA continueraient de s’appliquer à elle pendant la durée de sa participation au programme CAP, ce qui a été fait grâce à un PRAS.

[78]  Le programme CAP a été annoncé comme présentant des avantages, mais aucun risque. Elle n’a jamais été informée qu’il y avait un risque qu’elle puisse en ressortir à un niveau inférieur, sauf si elle négociait une entente. S’il s’agissait d’une possibilité réelle, personne n’en a jamais discuté avec elle. Elle n’a pas non plus été informée qu’elle devait renoncer à son poste classifié LA-2A.

[79]  Peu importe la question de savoir si c’était intentionnel, elle a soutenu qu’elle ne pouvait pas être liée par la clause dans la lettre d’offre qui indiquait qu’en tant que titulaire d’un poste CA, elle acceptait [traduction] « d’être mutée à un poste pour lequel [elle était qualifiée] au niveau EX moins 1 ou EX moins 2, selon le niveau qu’elle avait atteint alors qu’elle participait au programme ». Il est fondamental en droit des contrats de ne pas obliger une personne à respecter un contrat lorsqu’une exception a précisément été négociée, puisque c’est contradictoire. La lettre d’offre doit être interprétée dans le contexte où elle a été négociée dans sa globalité.

[80]  Au soutien de sa position, elle a invoqué les conclusions de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans Zippy Print Enterprises Ltd. v. Pawliuk, 1994 CanLII 1756, aux paragraphes 41 et 42. La Cour a conclu qu’une partie ne peut pas formuler une déclaration intentionnelle conçue pour convaincre une autre partie de conclure un contrat type puis, en invoquant la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque, s’en remettre au fait qu’il s’agit d’un contrat écrit pour se soustraire à la responsabilité découlant du fait que la déclaration n’était pas vraie.

[81]  Dans ces circonstances, la déclaration orale sera considérée comme un élément essentiel des relations entre les parties, au motif que le contrat écrit ne devait pas représenter l’entente globale ou, subsidiairement, au motif que la déclaration orale, lorsque la personne qui l’a reçue et qui a conclu le contrat a agi en conséquence, est devenue un contrat distinct duquel la responsabilité peut découler.

[82]  Lorsqu’elle a interprété la lettre d’offre et établi son statut dans le cadre du programme CAP, la fonctionnaire a soutenu que la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque et la jurisprudence étaient claires. La règle n’exclut pas la preuve dans le contexte dans lequel les parties en sont venues à une entente. Dans l’interprétation de la lettre d’offre, la Commission doit examiner les circonstances et le contexte dans lesquels elle a été acceptée. La Commission doit être ouverte à la possibilité qu’une personne a été amenée à conclure un contrat en fonction d’une fausse déclaration. En cours de route, les personnes qui ont pris part au programme CAP sont allées et venues. Une personne a failli à la tâche et n’a pas fait de suivi auprès du ministère de la Justice pour obtenir sa signature (pièce E-11). Aucun fondement juridique ne permet de muter la fonctionnaire à un poste classifié à un niveau inférieur.

[83]  Dans The Law of Contracts, 6e édition, de S.M. Waddams, à la page 249, l’auteur indique que même une déclaration innocente quant à l’effet ou au contenu d’un document ou d’un comportement qui [traduction] « donne une fausse impression » est un fondement suffisant pour justifier une réparation.

[84]  Dans Mendelssohn v. Normand Ltd., [1970] 1 QB 177 (CA), une décision de 1970 de la Cour d’appel d’Angleterre, la Cour a conclu ce qui suit aux pages 183 et 184 :

[Traduction]

[…]

Il existe de nombreux cas dans les ouvrages où une personne a formulé une promesse ou une affirmation, sur laquelle l’autre partie s’appuie pour conclure le contrat. Dans tous ces cas, la personne ne peut pas répudier son affirmation en renvoyant à une condition imprimée [...] et elle ne peut pas revenir sur sa promesse en invoquant une clause écrite [...]. La raison en est que la promesse orale ou l’affirmation a une influence décisive sur la transaction – c’est l’élément même qui incite l’autre partie à conclure le contrat – et il serait très injuste de permettre à la personne qui l’a formulée de la répudier. La condition imprimée est rejetée, car elle contredit la promesse orale ou l’affirmation.

[…]

[85]  Si la fonctionnaire en avait été informée, elle n’aurait pas participé au programme, qui était annoncé comme une possibilité de faire avancer sa carrière et d’accroître la présence des Autochtones au niveau de la direction.

C. Argumentation de l’employeur

[86]  Aucun arrangement spécial n’a été conclu en ce qui concerne le poste d’attache de la fonctionnaire. Même s’il y en avait eu un, la Commission n’aurait pas compétence. Toute suggestion selon laquelle un arrangement spécial a été conclu est injuste. Ce ne sont pas toutes les personnes qui connaissent du succès dans ces programmes. La lettre d’offre découlait de l’exercice de la délégation de pouvoir, à l’égard duquel il n’existe pas de compétence pour rendre une décision. La fonctionnaire n’était pas inexpérimentée. Si elle comprenait qu’elle conserverait son poste d’attache, elle aurait dû insister pour que cette condition soit consignée par écrit.

[87]  Selon la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque, une entente parallèle ne sera pas appliquée si des parties averties sont en cause. La fonctionnaire n’a pas déclaré qu’une personne précise au ministère de la Justice lui a promis qu’elle pourrait reprendre son poste d’attache lorsqu’elle aurait terminé le programme CAP. La seule preuve invoquée pour démontrer l’existence d’une entente parallèle est une note de paie non signée (pièce E‑11). Rien dans la preuve n’indiquait l’exercice d’un pouvoir délégué pour appuyer l’existence d’une telle entente. Au soutien de sa position, l’employeur a invoqué Panagopoulos c. Canada, [1990] A.C.F. no 234 (QL); et Kravchenko-Roy c. Canada (Procureur général), 2007 CF 1114.

[88]  La LEFP prévoit des formalités à suivre en ce qui concerne les lettres d’offre. L’employeur a invoqué Fode c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2010 CRTFP 105; et Association professionnelle des agents du service extérieur c. Conseil du trésor (Affaires étrangères et du Commerce international), 2001 CRTFP 132, pour soutenir que ces affaires portent sur des promesses, qu’elles ne sont pas ponctuelles, qu’il y a des formalités à suivre selon la LEFP et que seul le contenu de la lettre d’offre sera validé.

[89]  Dans le cas de la fonctionnaire, le pouvoir délégué de Mme Grant ne l’habilitait pas à faire de telles promesses. Elle n’a participé à aucun arrangement spécial. Elle n’a pas vu la lettre d’offre et n’a pas joué de rôle dans sa rédaction. M. Hines et Mme Proulx ont tous les deux déclaré que la lettre était une indication claire selon laquelle la fonctionnaire passait d’un poste à un autre dans une organisation différente. Lorsqu’elle l’a signée, elle est devenue une employée d’AINC.

[90]  Le courriel envoyé à la fonctionnaire par Michael Cavanagh, directeur de l’EFPC, ne devrait se voir accorder aucun poids. Il n’avait pas de pouvoir et n’a pas pris part aux discussions portant sur la lettre d’offre. Le courriel est extrêmement préjudiciable. La fonctionnaire aurait pu demander à la Commission d’ordonner au Centre des pensions de transmettre ses coordonnées pour qu’elle puisse l’appeler comme témoin.

D. Conclusion

[91]  Je ne souscris pas à la qualification de la preuve par l’employeur. Je conclus que la lettre d’offre et le PRAS s’écartaient en fait de la politique du programme CAP. Même s’il est manifeste que la lettre précisait que la fonctionnaire pouvait être nommée à un poste classifié EX moins 1 ou à un poste classifié EX moins 2 selon le niveau qu’elle avait atteint dans le programme CAP, le PRAS offrait plus que la protection salariale. Il protégeait ses conditions d’emploi en tant que LA-2A, mais ne mentionnait rien sur les mesures à prendre pour régulariser son statut d’emploi après la fin du programme CAP, ni sur le ministère responsable de la mise en œuvre de ces mesures.

[92]  Je suis d’accord avec la fonctionnaire. Une personne à la CFP a failli à la tâche et n’a pas fait de suivi sur les déclarations qui lui ont été faites. Je conclus que le document de prolongation du PRAS (pièce E-11), qui indiquait que la fonctionnaire reprendrait son poste d’attache après avoir terminé le programme CAP, atteste que ces déclarations ont été faites.

[93]  Le nom complet du PRAS est « Programme de rémunération d’affectation spéciale », qui est une autre indication claire que la fonctionnaire était en affectation. Le ministère de la Justice a reçu une copie conforme de toute la correspondance et il a accepté toutes les conditions puisque la fonctionnaire était une de ses employées. En outre, il régnait de la confusion quant aux responsabilités du ministère de la Justice et d’AINC en tant que ministère d’accueil de la première affectation de la fonctionnaire. La communication continue entre les deux ministères était à tout le moins une indication que la fonctionnaire avait toujours des liens avec le ministère de la Justice. Selon cette preuve, je ne suis pas convaincue qu’elle a sciemment renoncé à son poste classifié LA-2A. Si c’était le cas, cela aurait dû lui être communiqué clairement.

[94]  La lettre d’offre ne contient aucune information précise à cet égard. Toute la documentation renvoie aux affectations dans le programme CAP. Le nom complet du programme CAP est programme Cours et affectations de perfectionnement. La preuve établit clairement que la fonctionnaire a accepté une affectation en tant que conseillère principale en matière de politiques à AINC tout en conservant ses conditions d’emploi de LA-2A. La CFP et AINC savaient qu’elle n’avait jamais eu l’intention de renoncer à son poste classifié LA-2A. Elle a précisé à la CFP que sa participation au programme CAP était conditionnelle à la conservation de son poste d’attache. J’admets son témoignage sur ce point. Même si M. Hines et Mme Proulx ne pouvaient pas se rappeler des discussions en ce qui concerne le retour de la fonctionnaire à son poste d’attache classifié LA‑2A, ils n’ont pas non plus nié que ces discussions ont pu avoir eu lieu. En outre, le témoignage de la fonctionnaire est conforme à la preuve documentaire indiquée ci‑dessous.

[95]  Le courriel envoyé à Mme Proulx en avril 2002, qui résume la compréhension de la fonctionnaire selon laquelle son salaire serait protégé par le PRAS au groupe et au niveau LA-2A et que son poste classifié LA-2A sera conservé, démontre clairement qu’elle a été amenée à croire d’une façon ou d’une autre qu’il lui serait possible de reprendre son poste d’attache à la fin du programme CAP. Ce point de vue est aussi appuyé par l’échange de courriels entre Mme Proulx et Mme Trépanier, le 1er mars 2002, et par la confusion quant aux responsabilités financières du ministère de la Justice et d’AINC, en tant que ministère d’accueil de la première affectation de la fonctionnaire. Le document de prolongation du PRAS (pièce E-11), qui indiquait que la fonctionnaire pourrait reprendre son poste d’attache après avoir terminé le programme CAP, indique que le ministère de la Justice et AINC ont discuté de son retour au poste classifié LA-2A lorsqu’elle aurait terminé le programme CAP.

[96]  Même si cette possibilité n’a jamais pris forme parce que le document n’a jamais été signé, il représente, à tout le moins, une confirmation de la compréhension de la fonctionnaire qu’elle pourrait reprendre son poste d’attache après avoir terminé le programme CAP. La CFP devait administrer le programme CAP et nommer ses participants. Elle devait aussi s’assurer qu’AINC et le ministère de la Justice signent le document de provocation du PRAS. Si le ministère de la Justice refusait de signer l’entente, la CFP aurait dû en informer la fonctionnaire.

[97]  Je trouve également convaincant le témoignage de Mme Brant selon lequel AINC a accepté la fonctionnaire au même niveau, selon la compréhension que le ministère de la Justice la reprendrait lorsqu’elle aurait terminé le programme CAP et que normalement, les titulaires participant à un PRAS reprennent leur poste d’attache, sauf s’il en est décidé autrement.

[98]  Dans le contexte de l’ensemble de la preuve, le témoignage de Mme Brant est le plus crédible parce qu’il est conforme à celui de M. Cavanagh (qui est décrit plus loin dans la présente décision) et le document de prolongation du PRAS, qui prévoyait que la fonctionnaire reprendrait son poste d’attache après avoir terminé le programme CAP (pièce E-11). Mme Brant a confirmé que la fonctionnaire ne pouvait pas être acceptée dans le programme à un niveau inférieur parce qu’une différence de 4 % dans le salaire est considérée comme une rétrogradation. Il s’agissait de la raison d’être du PRAS.

[99]  Tout au long de la participation de la fonctionnaire au programme CAP, à aucun moment la CFP ou AINC ne l’a informée qu’elle ne pourrait pas reprendre son poste classifié LA-2A. Comme on le verra plus loin dans la preuve, M. Cavanagh, l’ancien directeur du programme CAP à la CFP, l’a confirmé dans un courriel qu’il lui a envoyé en février 2011. Dans une certaine mesure, M. Hines l’a aussi confirmé, en particulier lorsqu’il a déclaré que le PRAS avait pour but de protéger le statut à durée indéterminée de la fonctionnaire en tant que LA-2A, avec une possibilité qu’elle soit mutée à un poste classifié LA-2A si le ministère de la Justice en avait un disponible; son statut aurait déjà été protégé et il n’y aurait pas eu de problème si un poste avait existé.

[100]  Comme on le verra plus loin dans la preuve, la fonctionnaire a eu de nombreux contacts avec la CFP sur cette question. Toutefois, ce n’est qu’en novembre 2010 qu’elle a appris qu’elle ne pourrait pas revenir à son poste d’attache. AINC n’était pas au courant de son statut. Mme Langevin a dû se renseigner à de nombreuses reprises pour répondre à ses questions.

[101]  En outre, Mme Langevin n’a pas pu expliquer comment la Directive sur l’administration des programmes de perfectionnement en leadership et ses dispositions relatives à la protection salariale (pièce E-14) pouvaient s’appliquer à la fonctionnaire lorsqu’elle a été acceptée dans le programme CAP moyennant la mise en place d’un PRAS qui indiquait que les modalités de son poste d’attache classifié LA-2A continueraient de s’appliquer alors qu’elle était inscrite au programme CAP. Mme Langevin a dit qu’elle n’avait pas répondu à cette question parce qu’elle n’avait pas participé à l’époque à l’acceptation de la fonctionnaire au programme en 2001.

[102]  Pour ces raisons, je conclus que la fonctionnaire était en affectation pendant sa participation au programme CAP. Tout au long de sa participation, elle a accompli des fonctions de CA tout en conservant ses conditions d’emploi de LA-2A, ce qui est conforme au témoignage de M. Hines selon lequel ses conditions d’emploi étaient prescrites par la convention collective du groupe LA et qu’elles continueraient de s’appliquer à elle pendant la durée de sa participation au programme CAP. Tout changement à la convention collective du groupe LA s’appliquerait à elle.

[103]  De plus, ses cotisations au Barreau étaient constamment remboursées. Tout avocat en exercice doit les payer pour être en règle. Je conclus que, pendant toute la période pertinente, elle n’a pas cessé d’être avocate et qu’elle n’a pas sciemment renoncé à son poste d’attache classifié LA-2A. Cela est appuyé par la « Notification de candidature retenue » qu’AINC a publiée et qui indiquait qu’elle était nommée au poste classifié EC-07 en février 2011, depuis son poste antérieur classifié LA-2A (pièce G-50). À la lumière de l’ensemble de la preuve, il serait déraisonnable pour moi de l’obliger à respecter le libellé de la lettre d’offre.

V. Analyse

A. La fonctionnaire s’estimant lésée a-t-elle été rétrogradée?

[104]  Le sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi indique qu’une rétrogradation est une mesure prise par l’employeur en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la LGFP pour rendement insuffisant ou en vertu de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite.

[105]  L’article 12 de la LGFP indique ce qui suit en ce qui concerne la rétrogradation :

Pouvoirs des administrateurs généraux de l’administration publique centrale

12 (1) Sous réserve des alinéas 11.1(1)f) et g), chaque administrateur général peut, à l’égard du secteur de l’administration publique centrale dont il est responsable :

[…]

d) prévoir le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur de toute personne employée dans la fonction publique dans les cas où il est d’avis que son rendement est insuffisant;

e) prévoir, pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur d’une personne employée dans la fonction publique [...].

[…]

[106]  Il est bien établi que l’examen de la question de savoir si une rétrogradation est survenue est un exercice factuel qui porte sur les circonstances précises d’un grief afin de déterminer si les faits en litige respectent la définition législative de « rétrogradation » prévue aux alinéas 12(1)d) et e) de la LGFP. Cette approche a été adoptée dans Peters, au paragraphe 264, ainsi :

[264] […] Un arbitre doit interpréter le fait que l’alinéa 92(1)b) renvoie à l’alinéa 11(2)g) de la LGFP comme une indication contraignante que l’intention du Parlement était que le concept de la rétrogradation soit lié, aux fins d’établissement de la compétence d’un arbitre, à l’exercice du pouvoir en vertu de l’alinéa 11(2)g) de la LGFP. Dans la mesure où la jurisprudence interprétant l’exercice du pouvoir accordé en vertu de l’alinéa 11(2)g) de la LGFP a défini ce que constitue une rétrogradation, un arbitre doit appliquer la loi en conséquence.

[107]  Même si Peters a été rendue en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P.35) et la LGFP applicable à l’époque, l’article 209 de la Loi et l’article 12 de la LGFP, portant sur la rétrogradation, sont essentiellement demeurés inchangés.

[108]  Dans ce cadre, je dois déterminer si une rétrogradation est survenue, peu importe la qualification par l’employeur de ses actions.

B. Affectations au programme CAP

1. Première affectation au programme CAP

[109]  Après une activité de carrière et de jumelage qui s’est tenue les 11 et 12 janvier 2001, la fonctionnaire a reçu une offre pour une affectation de conseillère principale en matière de politiques à la Section des revendications et du gouvernement indien, à AINC (voir la pièce G-7), du 12 février 2001 au 12 février 2002. Elle a fini par être prolongée jusqu’au 12 mars 2002, pour coïncider avec la formation linguistique de la fonctionnaire.

2. Deuxième affectation au programme CAP

[110]  Après avoir terminé une formation linguistique et être revenue d’un congé de maternité, de 2006 à 2008, la fonctionnaire a cherché une deuxième affectation. Elle a demandé au sous-ministre délégué intérimaire des Affaires autochtones de l’époque si elle acceptait d’avoir une relation de mentorat et de vérifier s’il y avait des affectations possibles pour elle. Elle a dit qu’elle parlerait avec le directeur général de la fonctionnaire au sujet d’une affectation possible. Étant donné les difficultés antérieures de la fonctionnaire avec la formation linguistique, cette dernière a dit qu’elle aimerait revenir à son poste classifié LA-2A. Même si elle était heureuse d’être parvenue à un niveau de cadre supérieur, elle estimait que l’expérience avait été difficile. Elle était malheureuse et voulait retourner à son poste d’attache classifié LA-2A.

[111]  La fonctionnaire a communiqué avec Line Bernard, directrice de la Politique stratégique, AINC, parce qu’elle savait qu’elle avait une relation de client avec le programme de pensionnats indiens au ministère de la Justice. Elle s’est renseignée sur la possibilité de reprendre son poste classifié LA-2A tout en continuant de chercher une deuxième affectation dans le cadre du programme CAP.

[112]  Le 16 janvier 2008, la fonctionnaire a été en contact avec Deborah Friedman, directrice intérimaire au ministère de la Justice. Mme Friedman était responsable des programmes de pensionnats indiens. Elle a informé Mme Friedman qu’elle avait atteint un niveau CBC en français à la fin de juillet 2007, et qu’elle voulait quitter le programme CAP et reprendre son poste d’attache classifié LA-2A (pièce G-14).

[113]  Mme Friedman l’a mise en contact avec Al Broughton, avocat principal, ministère de la Justice, pour discuter du poste classifié LA-2A des Pensionnats indiens. M. Broughton a mentionné qu’il y aurait une quantité importante d’heures supplémentaires et de longues heures, étant donné le profil de ce dossier précis. Pour des raisons personnelles, la fonctionnaire a conclu qu’elle n’avait pas la capacité à ce moment-là d’accepter ce poste. Elle a donc continué de chercher une autre affectation dans le cadre du programme CAP.

[114]  Du 26 mai 2008 au 26 mai 2009, la fonctionnaire a entrepris sa deuxième affectation dans le cadre du programme CAP auprès de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC). Elle devait élaborer des contrats, des normes de service et des mesures de rendement à TPSGC. Elle comprenait que le niveau PL avait remplacé la classification CA dans le programme CAP. Le niveau PL-05 avait remplacé le niveau CA-01. Elle n’a jamais reçu de documentation ou de lettre officielle l’informant de ce changement. Elle n’a reçu qu’une copie du plan ou de l’examen d’affectation du programme CAP (pièce G-15).

[115]  Michael Cameron, conseiller en cours et affectations de perfectionnement au programme CAP, a évalué les compétences et l’expérience de la fonctionnaire. Il a conclu qu’elle possédait les compétences d’un cadre classifié PL-06, l’équivalent de l’ancien CA‑02. Avant de participer à un processus de nomination EX au programme CAP, tous les participants devaient être évalués à des fins fonctionnelles. Elle n’a jamais reçu de lettre d’offre pour le poste classifié PL-06 de sa part. Même si elle avait été évaluée, elle l’a informé qu’elle n’accepterait pas un poste classifié PL-06 et qu’elle avait accepté d’être évaluée par ce comité uniquement pour démontrer qu’elle possédait toutes les compétences requises pour accéder au groupe de la direction. Elle n’a reçu aucune autre réponse de sa part.

[116]  En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a reconnu que bien qu’elle l’ait eu à l’esprit, elle n’est jamais officiellement passée à un poste classifié PL-06, elle a signé une entente entre Environnement Canada et AINC le 4 juin 2009, acceptant sa troisième affectation dans le cadre du programme CAP en tant que directrice intérimaire, Affaires autochtones et intervenants, poste à la Section des affaires intergouvernementales et des relations avec les intervenants (pièce E-16). L’entente contenait des renseignements détaillés en ce qui concerne ses conditions d’emploi dans le cadre de l’affectation. Toutefois, elle a continué d’être visée par les conditions d’emploi du poste classifié LA-2A dans le cadre du PRAS.

[117]  L’employeur a appelé Line Lamothe pour témoigner. Elle a commencé à travailler pour AINC en 2007, comme directrice à la Direction des services au groupe de la direction. Elle était responsable de la planification des ressources humaines et de tous les secteurs concernant les cadres, y compris le programme CAP. Elle relevait du directeur général des ressources humaines qui, à son tour, relevait du sous-ministre. Elle était responsable du programme CAP en 2007, mais elle n’a jamais rencontré la fonctionnaire. À ce moment, elle savait que la fonctionnaire suivait toujours une formation linguistique et que son trouble d’apprentissage faisait l’objet de mesures d’adaptation.

[118]  Mme Lamothe s’est rappelé que les postes du programme CAP avaient subi un exercice de classification et qu’ils étaient passés du groupe CA au groupe PL. En contre‑interrogatoire, elle a reconnu que la fonctionnaire n’avait pas participé au comité de promotion pour le poste classifié PL-06. Lors du réinterrogatoire, elle a déclaré que l’objet du programme CAP était de toujours aller de l’avant et que si la fonctionnaire n’avait pas signé l’offre du poste de promotion classifié PL-06 dans le cadre du programme CAP, cela aurait constitué alors un motif de résiliation de sa participation au programme.

[119]  Le 22 septembre 2009, Mme Lamothe a reçu une directive du SCT selon laquelle le programme CAP serait éliminé progressivement d’ici décembre 2011 et que la Directive sur l’administration des programmes de perfectionnement en leadership continuerait de s’appliquer. Cela signifiait que la transition des employés à l’extérieur du programme devait être terminée au plus tard à cette date, conformément au plan de transition des ministères d’accueil. Le SCT a indiqué qu’il n’y aurait pas d’autre recrutement ou intégration de nouveaux venus au programme CAP et que le financement central ne serait plus disponible pour les participants au programme CAP. En outre, le SCTC a recommandé que la dernière affectation des participants actuels soit un placement au début de cette affectation.

3. Troisième affectation au programme CAP

[120]  En juin 2009, la fonctionnaire a commencé sa troisième affectation dans le cadre du programme CAP. À ce moment, AINC et Environnement Canada ont signé une entente qui prévoyait les détails de son affectation à Environnement Canada. L’entente indiquait qu’elle commencerait le 4 juin 2009, et ce, pendant 12 mois, accompagnée d’une option de prolongation, sous réserve de l’accord mutuel de toutes les parties. Elle devait être chargée des fonctions de directrice intérimaire des Affaires autochtones et relations avec les intervenants auprès d’Environnement Canada. Elle devait relever de Daniel Wolfish, directeur général intérimaire.

[121]  Elle était responsable de 13 employés, des nouveaux venus, des évaluations de rendement et d’un budget concernant les Affaires autochtones et relations avec les intervenants. En raison de son expérience en ce qui concerne le droit autochtone et de son expérience approfondie des dossiers autochtones, elle a été considérée comme la meilleure candidate. Elle devait être rémunérée à son salaire actuel de LA-2A conformément à son PRAS alors qu’elle serait affectée au poste classifié EX-01, ce qui était compatible avec les modalités et l’administration du salaire du groupe Programmes de perfectionnement en leadership.

[122]  AINC devait continuer de lui verser son salaire de LA-2A et lui fournir des avantages. Toute augmentation de salaire à laquelle elle avait droit devait être payée en vertu de la Directive sur l’administration des programmes de perfectionnement en leadership – Programme de stagiaires en gestion et Programme Cours et affectations de perfectionnement. Conformément aux affectations antérieures, elle prévoyait le régime de recouvrement de salaire entre AINC et Environnement Canada, le ministère d’accueil, ainsi que les objectifs et les attentes à son égard pendant l’affectation. La fonctionnaire, le ministère d’accueil et AINC, en tant que ministère responsable, ont tous signé l’entente. Le poste n’avait pas de titulaire permanent.

[123]  Le 3 juin 2010, Environnement Canada et AINC ont accepté de prolonger l’affectation de la fonctionnaire du 4 juin 2010 au 3 décembre 2010, ou jusqu’à ce qu’elle échoue le processus de pré-qualification ou qu’elle soit nommée à un poste à Environnement Canada. L’entente de prolongation prévoyait qu’elle continuerait d’être payée conformément au PRAS alors qu’elle serait affectée à un poste classifié EX-01, ce qui était compatible avec les modalités et l’administration du salaire du groupe Programmes de perfectionnement en leadership. Comme elle respectait les exigences linguistiques, elle continuerait de recevoir la prime au bilinguisme. Le salaire de LA-2A de la fonctionnaire continuerait d’être versé par AINC et recouvré auprès d’Environnement Canada au moyen d’une facture trimestrielle. À la page 9 de son évaluation du rendement, il était indiqué qu’elle possédait toutes les compétences requises pour accéder au groupe EX‑01 (pièce G-17).

[124]  Mme Langevin a expliqué que pour passer de son poste classifié LA-2A dans le programme CAP à un poste classifié EX-01, la fonctionnaire devait participer à un processus de nomination et recevoir une offre. La fonctionnaire avait des préoccupations quant au fait de quitter son poste classifié LA-2A Il s’agissait d’une décision importante, puisqu’elle avait été formée comme avocate. Elle comprenait qu’il s’agissait un poste à l’extérieur du groupe Droit, qui était rémunéré presque à un salaire de LA-2A et que l’avancement professionnel était possible au niveau EX-02. Elle a décidé de communiquer avec Colleen Barrie, qui avait remplacé Mme Proulx comme agente de liaison du programme CAP à la CFP. La fonctionnaire voulait obtenir son dossier du ministère de la Justice. Elle avait des questions au sujet de la rémunération et des avantages et voulait être pleinement informée avant de participer à un processus de nomination EX-01. Toutefois, personne au ministère de la Justice n’était disponible pour l’aider.

[125]  En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a déclaré que la rencontre du 3 mars 2010, avec Mme Barrie et Ginette Danis d’AINC, consistait à discuter de toutes les conséquences de l’abandon de la catégorie LA-2A pour la catégorie EX. En particulier, elle a eu lieu dans le but de discuter de la rémunération, des obligations mutuelles et des avantages du fait de quitter le programme CAP et d’entrer dans la catégorie EX. On lui a simplement dit qu’elle ne pouvait pas revenir au ministère de la Justice à ce moment-ci en raison d’un modèle de réduction des effectifs du groupe Droit (pièce G-18). Conformément au témoignage de Mme Shipton-Mitchell, le poste d’attache classifié LA-2A de la fonctionnaire existait toujours à ce moment et il n’a été aboli qu’en 2014 (pièce E-37).

[126]  Mme Langevin a reconnu que le 27 avril 2010, elle avait l’intention de nommer la fonctionnaire au poste intérimaire EX-01 qu’elle occupait à l’époque à Environnement Canada (pièce G-20). Mme Langevin a informé son directeur général, Okenge Morisho, et la fonctionnaire qu’un processus de pré-qualification et une évaluation Simulations pour la sélection des EX (SELEX) avec la CFP seraient mis sur pied. La fonctionnaire a appris qu’elle serait nommée au poste si elle choisissait de l’accepter après la fin de l’évaluation. Mme Langevin ne se rappelait pas à quel moment l’affectation de la fonctionnaire dans le cadre du programme CAP prenait fin; elle a été prolongée pour terminer le processus de pré-qualification.

[127]  Le ministère de la Justice a informé la fonctionnaire par écrit ce que son salaire au niveau LA-2A avait atteint le niveau de rémunération maximal en mai 2004. Dans un courriel daté du 14 septembre 2010, Mme Langevin l’a informée du nom de la personne-ressource au ministère de la Justice. Elle a indiqué qu’AINC et Environnement Canada participeraient au processus de pré-qualification. La fonctionnaire a demandé qu’on lui confirme le sujet de la question portant sur les connaissances.

[128]  Dans un courriel daté du 20 septembre 2010, Mme Langevin a répondu à la demande de rencontre de la fonctionnaire en ce qui concerne ses formulaires d’attestation de sécurité. Dans le courriel, la fonctionnaire a indiqué qu’il était obligatoire pour un LA-2A d’avoir une attestation de sécurité de niveau Secret et que cette attestation n’aurait jamais dû être revue à la baisse lorsqu’elle occupait un poste classifié LA-2A dans ce cadre du programme CAP. Mme Langevin a dit qu’elle était allée plus loin que la normale pour aider la fonctionnaire au sujet de ces questions et qu’elle avait accompli la majorité du travail préparatoire pour cette dernière.

C. Fin du programme CAP et processus de préqualification

[129]  Mme Lamothe a expliqué qu’Environnement Canada avait demandé le soutien et l’orientation d’AINC pour créer un répertoire de pré-qualification pour un poste classifié EX-01. Environnement Canada voulait nommer la fonctionnaire au poste qu’elle occupait de façon intérimaire depuis un an et demi à ce moment-là. Le répertoire de pré-qualification n’était pas une garantie qu’elle obtiendrait un poste classifié EX-01. La seule garantie qu’elle avait à la fin du programme était un poste EX moins 1 ou un poste EX moins 2. Selon Mme Lamothe, si la fonctionnaire était préqualifiée pour un répertoire EX-01, elle aurait pu être nommée à un poste sans un processus de nomination officiel.

[130]  Le 1er octobre 2010, la fonctionnaire a communiqué avec Carolyn Haskins du ministère de la Justice au sujet de son dossier et de sa situation actuelle. Le 9 novembre 2010, Mme Haskins a confirmé que si la fonctionnaire acceptait un poste classifié EX-01, rien de l’empêcherait de postuler à des postes du groupe LA à l’avenir. Mme Haskins a expliqué que l’obtention d’un poste du groupe EX démontrerait que la fonctionnaire a réussi le programme CAP et confirmerait ses progrès.

[131]  La fonctionnaire a examiné son dossier. Tout était en ordre à l’exception de l’entente relative au PRAS qui aurait dû être revue tous les trois ans. Elle ne s’en préoccupait pas parce qu’elle recevait toujours son salaire de LA-2A et que ces cotisations au Barreau étaient payées. Le document de prolongation du PRAS non signé indiquait que lorsqu’elle [traduction] « [...] aura terminé les exigences prévues par le programme CAP [...] elle sera mutée au [ministère de la Justice] » (pièce E-11). Dans son dossier de RH se trouvait aussi une note de service à l’intention du sous-ministre datée du 26 avril 2010, indiquant qu’un processus de pré-qualification était en cours avec Environnement Canada et qu’elle serait nommée dès qu’il serait terminé.

[132]  Mme Langevin a indiqué que le document de prolongation du PRAS (pièce E-11) n’aurait pas dû se trouver dans le dossier du personnel de la fonctionnaire parce qu’il n’a jamais été signé. Marielle Doyon, directrice générale et prédécesseure de Mme Lamothe, ne l’a pas signé. Elle ne savait pas qui aurait dû le signer si Mme Doyon n’avait pas voulu le faire. En contre-interrogatoire, Mme Langevin a indiqué que, selon la politique relative au PRAS, un PRAS dans le cadre du programme CAP devait être renouvelé tous les trois ans.

[133]  Mme Langevin s’est rappelé que le 9 novembre 2010, elle a eu de nombreuses discussions avec Mme Haskins du ministère de la Justice au sujet de la fonctionnaire. Mme Haskins n’avait pas de poste au ministère de la Justice que la fonctionnaire pouvait reprendre. Elles étaient en contact pour obtenir des précisions pour la fonctionnaire.

[134]  Le 15 novembre 2010, pour la première fois, Mme Langevin a informé la fonctionnaire qu’elle n’était plus une employée du ministère de la Justice, mais une employée d’AINC (pièce G-25). La fonctionnaire était sous le choc et confuse parce que l’entente relative au PRAS et sa lettre d’offre mentionnaient qu’elle avait conservé les conditions d’emploi de son poste d’attache classifié LA-2A. Sa conversation antérieure avec Mme Langevin ne portait que sur l’obtention de renseignements au sujet de son dossier au ministère de la Justice et non sur le fait qu’elle n’était plus une employée du ministère de la Justice.

[135]  En contre-interrogatoire, Mme Langevin n’était pas d’accord. Elle a dit que de nombreuses conversations ont eu lieu au sujet du poste classifié LA-2A de la fonctionnaire et que le 15 novembre 2010, ce n’était pas la première fois que la fonctionnaire apprenait qu’elle n’était plus une employée du ministère de la Justice.

[136]  Le courriel de Mme Langevin (pièce G-25) indiquait aussi qu’Environnement Canada envisageait de faciliter sa nomination à un poste EX-01 et qu’il ne voulait pas la perdre. Toutefois, pour être préqualifiée, la fonctionnaire devait se soumettre à une entrevue. Le courriel mentionnait aussi qu’en même temps, AINC travaillait à sa mutation à un poste de niveau EX moins 1. Elle a ajouté que selon la Directive sur l’administration des programmes de perfectionnement en leadership, la fonctionnaire conserverait sa protection salariale pendant un maximum de deux ans, ce qui était extrêmement stressant pour elle.

[137]  Dans le courriel, Mme Langevin a indiqué que la fonctionnaire était à l’étape finale du programme CAP et qu’elle devrait reprendre son poste d’attache à AINC. Mme Langevin a expliqué que le programme CAP durait quatre ans et que la fonctionnaire y avait participé plus longtemps. Après 36 mois d’affectation, elle était prête à quitter le programme. Mme Langevin a expliqué que pour régulariser son départ du programme, la fonctionnaire devait passer une entrevue dans le cadre d’un processus de pré-qualification pour un poste EX. Si elle ne réussissait pas le processus de pré-qualification, on lui offrirait alors un poste EX moins 1 ou un poste EX moins 2.

[138]  En contre-interrogatoire, Mme Langevin a expliqué que le processus de pré-qualification ne visait pas un poste précis. Il s’agissait d’une entrevue de pré-qualification pour établir si un candidat possédait toutes les compétences requises pour accéder au groupe de la direction. N’importe quel ministère pouvait recruter des candidats depuis un répertoire de pré-qualification.

[139]  Dans le cadre du programme CAP, pour être admissible en tant que candidat possédant toutes les compétences requises pour accéder au cours de la direction, les candidats devaient participer à un processus de SELEX, qui était régi par la CFP, et à un répertoire de pré-qualification. Lorsqu’un candidat se qualifiait pour les deux, les ministères pouvaient décider d’effectuer d’autres examens portant sur les connaissances à leur sujet. Dans le cas de la fonctionnaire, Environnement Canada était intéressé par ses services, c’est la raison pour laquelle la question portant sur les connaissances était générale. Selon l’énoncé des critères de mérite (ECM), la question avait pour but d’évaluer les connaissances des questions gouvernementales actuelles (pièce E-25). Le processus de pré-qualification a été lancé parce que le programme CAP devait prendre fin en 2011 et que la situation de la fonctionnaire devait être régularisée à l’extérieur de ce dernier.

[140]  Le 25 novembre 2010, Mme Langevin a demandé une copie de la lettre que M. Paul avait envoyée à la fonctionnaire au sujet de la lettre du PRAS dans laquelle, selon elle, on convenait qu’elle pourrait reprendre son poste au ministère de la Justice. Mme Langevin ne se rappelle pas avoir obtenu une copie de la lettre (pièce G-28).

[141]  Avant le processus de pré-qualification, la fonctionnaire a participé à une évaluation de SELEX avec le CPP de la CFP (pièce G-33). Il s’agissait d’une évaluation indépendante de la CFP en préparation au processus de pré-qualification à Environnement Canada. Il s’agit d’un test normalisé qui établit la probabilité qu’un candidat possède les compétences d’un EX-01. Même s’il ne s’agissait pas d’une exigence pour terminer le programme CAP, Mme Langevin a reconnu que la fonctionnaire avait eu un bon rendement. On a conclu qu’elle réussirait probablement (pièce G-33, page 4).

[142]  En novembre 2010, Peter Marella, directeur, Solutions immobilières, à TPSGC et un EX-02, a donné une référence très positive pour la fonctionnaire dans le contexte du processus de pré-qualification (pièce G-35). Il était son directeur à sa deuxième affectation. Selon lui, elle était bien partie pour obtenir toutes les compétences d’un EX‑01.

[143]  M. Morisho, directeur général, Affaires intergouvernementales et relations avec les intervenants, supervisait la fonctionnaire dans le cadre de sa troisième affectation, à Environnement Canada. Son évaluation de rendement du 1er avril 2010 au 28 février 2011, indiquait qu’elle avait acquis toutes les compétences en leadership (pièce G-57). M. Morisho considérait qu’elle convenait au poste d’EX-01 qu’elle occupait de façon intérimaire. L’évaluation de rendement indiquait qu’elle [traduction] « [...] était prête pour une nomination au niveau EX-01 » (pièce G-36, page 9).

[144]  Mme Langevin s’est rappelé que la fonctionnaire s’était informée au sujet de la question sur les connaissances. La fonctionnaire voulait savoir à l’avance si la question porterait sur le ministère plus particulièrement ou sur le gouvernement du Canada dans son ensemble. Elle reconnaissait que la fonctionnaire avait besoin d’une confirmation pour mieux se préparer. En contre-interrogatoire, la fonctionnaire ne se rappelait pas exactement ce que Mme Langevin lui avait dit, mais elle se rappelait que c’était le contraire de ce qu’on lui avait dit au départ. Lors du réinterrogatoire, la fonctionnaire a déclaré que Mme Langevin lui avait dit que la question sur les connaissances viserait le gouvernement du Canada dans son ensemble et qu’elle devrait mentionner des éléments comme le discours du Trône et le processus parlementaire.

[145]  Avant le processus de pré-qualification, la fonctionnaire a demandé à bénéficier des mêmes mesures d’adaptation qui avaient été prises à son égard pour son examen en langue française. Comme l’indique la lettre du 5 mars 2007, la Dre Paula Moncion, une psychologue clinicienne autorisée, a fourni une mise à jour de son évaluation de mai 2005 (pièce G-32). Elle a examiné l’évaluation de l’apprentissage antérieur de la fonctionnaire et ses progrès depuis sa formation en langue française. Elle a mentionné le trouble d’apprentissage de la fonctionnaire et son anxiété connexe et elle a recommandé que l’examen oral en français ne dure pas plus de 40 minutes, accompagné d’une pause au milieu de l’entrevue. Elle a déclaré que la fonctionnaire avait besoin de plus de temps de pause. Elle a aussi recommandé que toutes les questions soient présentées en format visuel et audio et que la fonctionnaire bénéficie d’un temps de pause et de préparation avant de répondre. Mme Langevin savait que ce document existait, mais elle ne l’avait jamais vu.

[146]  Mme Langevin a reconnu qu’elle était responsable de tous les aspects du processus de préqualification d’AINC, en tant que ministère d’accueil. La fonctionnaire a bénéficié des mesures d’adaptation demandées et plus parce que personne ne voulait avoir de problèmes avec elle. Par l’entremise de son supérieur immédiat, Mme Langevin a été informée verbalement que la fonctionnaire avait besoin de mesures d’adaptation, y compris le fait de voir les questions à l’avance et de bénéficier de plus de temps pour se préparer.

[147]  En contre-interrogatoire, Mme Langevin a reconnu qu’elle devait s’assurer que les besoins en matière d’adaptation de la fonctionnaire soient respectés. Elle a aussi déclaré qu’elle ne connaissait pas le rapport d’évaluation du langage psychologique de la fonctionnaire parce qu’il avait été produit avant qu’elle commence à travailler pour AINC. Elle ne savait pas que la fonctionnaire avait besoin d’un endroit tranquille pour travailler et faire les examens afin de réduire les distractions (pièce E-12). Elle n’était pas au courant que les renseignements devaient être présentés à la fonctionnaire en formats visuel et auditif. On ne l’a pas non plus informée que la préparation de la fonctionnaire ne pouvait pas être interrompue (pièce G-53).

[148]  En particulier, la fonctionnaire a demandé le double du temps de préparation dans une pièce individuelle sans interruption et la possibilité de prendre des pauses au besoin. Si elle avait besoin d’une pause, elle en informait le conseiller, qui arrêtait alors le chronomètre. De plus, les caractères étaient en caractères plus gros, et elle pouvait avoir du papier et un stylo. Mme Langevin a reconnu qu’AINC et Environnement Canada avaient accepté ces mesures d’adaptation avant le processus de pré-qualification.

[149]  Le 30 novembre 2010, la fonctionnaire a été installée dans une salle individuelle et a été informée du déroulement du processus. Elle a obtenu le double du temps de préparation et elle a été autorisée à prendre des pauses chaque fois qu’elle en avait besoin. Mme Langevin, qui supervisait le processus, a informé la fonctionnaire qu’elle serait à proximité si elle avait besoin de quelque chose.

[150]  La fonctionnaire a commencé à écrire ses réponses. Elle a lu la question portant sur les connaissances et a été surprise de constater que, selon ses mots, elle [traduction] « était formulée d’une façon qui n’était pas habituelle aux questions de pré-qualification portant sur les connaissances ». Elle était inquiète parce qu’elle n’avait pas reçu la précision à la question qu’elle avait demandée. Elle est allée chercher Mme Langevin. Au début, elle n’a pas pu la trouver. Il lui a fallu quelques minutes pour trouver Mme Langevin dans la salle de photocopieuses.

[151]  La fonctionnaire a informé Mme Langevin qu’elle était mécontente du fait que cette dernière lui avait donné des renseignements opposés pour la question fondée sur les connaissances et qu’elle n’avait pas précisé le ministère. La fonctionnaire lui a demandé de le préciser. Elle a vu que Mme Langevin le savait, mais qu’elle a refusé de répondre. Mme Langevin lui a dit de répondre à la question de la manière qu’elle souhaitait. Elle a dit à Mme Langevin qu’elle considérait qu’il s’agissait d’une interruption. Elle a tenté de répondre aux questions du mieux qu’elle le pouvait. Mme Langevin n’a pas abordé l’intervention en lui donnant plus de temps comme cela avait été convenu au départ. En contre-interrogatoire, elle ne se rappelait pas si Mme Langevin avait refusé de lui donner plus de temps pour compenser l’interruption.

[152]  Mme Langevin n’était pas d’accord avec la fonctionnaire. Elle s’est rappelé avoir informé la fonctionnaire et M. Morisho que la question portant sur les connaissances viserait Environnement Canada parce que la fonctionnaire y avait posé sa candidature pour un poste. Elle s’est rappelé avoir eu des discussions plus tôt avec la fonctionnaire à ce sujet et l’avoir informée par écrit que la question portant sur les connaissances viserait Environnement Canada. Mme Langevin s’est rappelé l’interruption concernant la question sur les connaissances. Elle a dit à la fonctionnaire que la question porterait sur Environnement Canada. Elle ne se rappelait pas de la demande de la fonctionnaire en ce qui concerne la compensation du temps perdu pour s’informer au sujet de la question portant sur les connaissances. La fonctionnaire n’a pas demandé plus de temps.

[153]  À l’entrevue, la fonctionnaire a informé le comité d’évaluation de l’irrégularité dans le temps de préparation et de l’interruption. Elle avait répondu à cinq ou six des questions du mieux qu’elle le pouvait. La question portant sur les connaissances n’était pas claire pour elle. M. Billingsley, directeur général, Élaboration et coordination des politiques, AINC, lui a dit de répondre du mieux qu’elle le pouvait, en joignant la jurisprudence à l’appui. En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a dit qu’elle avait répondu à la question selon son expérience à Environnement Canada, sans précisément renvoyer au ministère.

[154]  L’employeur a appelé George Enei. Au moment du processus de pré-qualification, il était le directeur général, Sciences et évaluation des risques, à Environnement Canada et il faisait partie du comité d’évaluation, avec Perry Billingsley et Jane Dyer, directrice générale, Direction de la politique en matière de durabilité. Avant le processus de pré-qualification, il n’avait jamais rencontré la fonctionnaire. Il se rappelait qu’il s’agissait d’un processus d’AADNC et que la fonctionnaire avait obtenu le double du temps de préparation. Il ne savait pas qu’elle avait une déficience. Il ne se rappelait aucun élément inhabituel au sujet de l’entrevue. Dans la mesure où les candidats fournissaient les principes de base dans leurs réponses, ils réussissaient l’entrevue.

[155]  M. Enei s’est souvenu que la dernière question était une question générale en matière de politiques. La réponse de la fonctionnaire était étrange et ne tenait pas compte de la réalité de ce qui arrivait à Environnement Canada. Le [traduction] « Livret d’entrevue de préqualification à l’intention des membres du comité concernant les programmes de perfectionnement en leadership Cours et affectations de perfectionnement » et [traduction] « Livret d’évaluation de l’entrevue » ont été déposés en preuve (pièces E-30 et G-37). Le livret d’évaluation indiquait que la fonctionnaire avait réussi toutes les questions au niveau d’entrée EX et au-dessus du niveau d’entrée EX, à l’exception de la question portant sur les connaissances.

[156]  La question portant sur les connaissances indiquait ce qui suit : [traduction] « Quels sont les principaux enjeux auxquels fait actuellement face notre ministère? » La fonctionnaire a été invitée à discuter de l’un des enjeux plus en profondeur et de donner les mesures qu’elle mettrait en place pour aider le ministère à l’aborder.

[157]  Selon M. Enei, sa réponse faisait tellement fausse route qu’il n’a pas pu la noter. Elle était confuse quant aux priorités et n’a pas pu les indiquer. Elle a discuté du recrutement et de la rétention dans le milieu scientifique, ce qui n’était pas un enjeu pour Environnement Canada à ce moment. Il a expliqué que les questions étaient délibérément générales pour permettre aux candidats de faire un lien avec une affectation ou une expérience antérieure. La question avait pour but de déterminer la capacité d’un candidat à traduire, à analyser et à synthétiser les politiques relativement aux priorités actuelles du ministère. Il savait qu’il ne pouvait pas la noter parce que s’il lui donnait une mauvaise note, elle ne réussirait pas le concours.

[158]  En contre-interrogatoire, M. Enei a déclaré avoir reconnu qu’à la fin de l’entrevue, la fonctionnaire [traduction] « était en panne d’énergie ». À mesure que l’entrevue progressait, ses réponses n’étaient plus aussi approfondies et diversifiées que ses réponses précédentes. Il ne se souvenait pas si elle avait demandé des précisions sur la question portant sur les connaissances ou si l’enjeu du recrutement et de la rétention avait été soulevé comme un enjeu entre AINC et Environnement Canada. Il n’avait pas participé à l’élaboration des outils d’évaluation.

[159]  Quelques jours plus tard, vers le 3 décembre 2010, Mme Langevin a informé la fonctionnaire qu’elle avait échoué. Elle était ébranlée et bouleversée. Elle était surprise parce qu’elle avait rempli les fonctions du poste pendant un an et demi et qu’elle avait eu un bon rendement. Elle a dit à Mme Langevin qu’elle était déçue, mais qu’elle pouvait toujours reprendre son poste d’attache classifié LA-2A. Elle était en larmes dans son bureau d’Environnement Canada. Elle a demandé à Mme Langevin de lui envoyer ses résultats du processus de pré-qualification (pièce G-37).

[160]  Les résultats du processus de pré-qualification démontraient qu’elle avait réussi certaines questions et qu’à certaines d’entre elles, elle avait dépassé les attentes, sauf pour la question portant sur les connaissances, que le comité d’évaluation n’a pas pu noter. La fonctionnaire croyait que le manque de compréhension par le comité d’évaluation de ses besoins d’adaptation a fait en sorte qu’elle n’a pas réussi l’entrevue. Elle avait occupé le poste classifié EX-01 de façon intérimaire pendant un an et demi, avait obtenu la prime de rendement et répondu à toutes les exigences. Elle pensait qu’il était très injuste qu’elle ait échoué. En contre-interrogatoire, elle a dit que l’absence d’ECM, le manque de clarté de la question portant sur les connaissances et l’interruption démontraient l’absence de mesures d’adaptation.

[161]  Une téléconférence a eu lieu entre Mme Langevin et Corinne Boudreault, directrice générale, Ressources humaines, Environnement Canada, pour trouver des options afin de corriger la situation. La fonctionnaire a fait parvenir un courriel à Mme Langevin et à M. Billingsley, demandant qu’elle soit réévaluée avec les mesures d’adaptation appropriées, que la question soit éliminée, qu’elle soit abordée dans un examen distinct visant Environnement Canada ou qu’une question générale la remplace qui porterait sur le gouvernement du Canada. Elle avait l’impression que M. Billingsley s’efforçait de corriger la situation pour qu’elle puisse être nommée au poste. Si l’employeur n’était pas en mesure de régler la situation et de la nommer à un poste classifié EX‑01, la solution de rechange était qu’elle serait placée dans un poste classifié EC-07. C’était une période très stressante pour elle.

[162]  La fonctionnaire a pris des mesures pour fixer une rencontre avec Mme Haskins et Mme Langevin afin de retourner dans un poste classifié LA-2A dans l’éventualité où rien ne pouvait être fait en ce qui concerne le processus de pré-qualification. Elle a demandé l’aide de l’Association des juristes de justice (AJJ), l’agent négociateur de tous les avocats du ministère de la Justice. Malheureusement, il n’y avait pas de poste au ministère de la Justice. Mme Haskins lui a remis une liste de ministères qui, au 16 novembre 2010, avaient des postes au groupe LA (pièce G-38).

[163]  Mme Langevin a déclaré qu’AINC pourrait lui offrir un poste classifié EC-08. La fonctionnaire pensait que c’était inacceptable. Elle avait l’expérience d’une EX-01. De plus, même si le poste classifié EC-08 était tout juste inférieur à un poste classifié EX-01, il était considérablement inférieur à son poste d’attache classifié LA-2A dans le cadre du programme CAP. La fonctionnaire pensait que les postes classifiés EC-07 et EC-08 étaient des rétrogradations parce qu’ils n’étaient pas conformes à l’entente qu’elle avait demandée et obtenue avant de s’inscrire au programme CAP.

[164]  Si elle avait su que c’est ce qui arriverait, elle n’aurait jamais participé au programme CAP. À son avis, il s’agissait d’une réduction considérable de classification, de fonction et de rémunération. Compte tenu de toute l’expérience qu’elle avait obtenue dans le cadre du programme CAP, de ses évaluations du rendement positives et du fait qu’elle avait obtenu des résultats d’évaluation de langue seconde CBC en français, elle en était choquée puisqu’elle avait quitté le programme à un niveau inférieur à celui qu’elle avait occupé dans le cadre du programme. Elle avait été encouragée à s’inscrire au programme; il n’y avait pas de risque.

[165]  Le 28 janvier 2011, Mme Langevin a répondu à la demande de la fonctionnaire d’être réévaluée au moyen d’une mesure d’adaptation appropriée (pièce G-40). Elle a dit que, malheureusement, une réévaluation de la question portant sur les connaissances de l’entrevue de pré-qualification ne pouvait pas être permise, compte tenu des valeurs de dotation. Elle a indiqué qu’elle n’avait jamais entendu parler d’une personne, ayant échoué à une entrevue, qui a fait l’objet d’une réévaluation. Elle a déclaré que la question portant sur les connaissances devait viser Environnement Canada parce que la fonctionnaire y occupait un poste. Elle était surprise de la réaction de la fonctionnaire parce qu’elles en avaient discuté en profondeur. Mme Langevin a indiqué que la fonctionnaire lui avait dit que même si elle avait un rhume et que son père était malade elle voulait faire l’entrevue.

[166]  En contre-interrogatoire, Mme Langevin a reconnu qu’elle ne savait pas si des mesures avaient été prises pour répondre au courriel du 9 février 2011, envoyé par la fonctionnaire à M. Billingsley, au sujet sa demande d’être réévaluée sur l’élément de connaissances de l’examen de pré-qualification qui contenait ses questions sur son poste d’attache (pièce G-42). Mme Langevin a insisté sur le fait que la fonctionnaire savait que la question portant sur les connaissances visait Environnement Canada. Elle n’a pas pu indiquer dans quel courriel la fonctionnaire a été informée que c’était le cas. Elle n’était pas d’accord avec la fonctionnaire pour dire qu’elle ne lui avait jamais fourni de directives verbales selon lesquelles la question portant sur les connaissances visait Environnement Canada et que le coordonnateur du processus de préqualification du programme CAP d’AINC lui avait dit qu’il s’agissait d’une question portant sur les connaissances conçues pour vérifier si un candidat au répertoire EX possédait toutes les compétences requises pour accéder au groupe de la direction (pièce G-41).

[167]  Mme Langevin a indiqué que, dans le cadre du processus, plusieurs autres outils avaient été utilisés pour évaluer les compétences de la fonctionnaire. Le processus SELEX, les affectations dans le cadre du programme CAP et les vérifications des références structurées ont été examinés. Elle a dit que la fonctionnaire avait refusé un coaching de Richard Chénier, qui était coach professionnel à Environnement Canada, pour la préparer au processus de pré-qualification. Elle a dit que l’entrevue de pré-qualification n’était pas une exigence officielle du programme CAP selon la Directive sur l’administration des programmes de perfectionnement en leadership. Le processus de pré-qualification est une possibilité qui permet aux organisations de respecter leurs besoins en planification des ressources humaines et d’appliquer leurs plans de relève pour doter les postes EX. Une personne qui a terminé le programme CAP et qui a réussi un processus de pré-qualification peut être nommée à un poste de niveau EX-01. Il n’y avait pas de garantie.

[168]  La fonctionnaire n’était pas d’accord avec Mme Langevin quant au contenu de sa réponse. Selon elle, une grande partie des renseignements que Mme Langevin lui avait transmis était systématiquement et extrêmement inexacte. Mme Langevin a reconnu que la fonctionnaire avait bien rencontré M. Chénier (pièce G-26). Pourtant, elle a accusé la fonctionnaire d’avoir refusé de le rencontrer (pièce G-40). C’est la raison pour laquelle la fonctionnaire a mis par écrit toutes ces inexactitudes (pièce G-41). À l’époque, elle a paniqué et a décidé de faire parvenir une copie conforme à toutes les personnes concernées par sa participation au programme CAP.

[169]  La fonctionnaire croyait qu’il était injuste que ce soit Mme Langevin qui ait répondu à sa demande de mesures d’adaptation, et non le comité d’évaluation. À son avis, il s’agissait d’un conflit d’intérêts de la part de Mme Langevin. Non seulement elle était responsable de l’administration du test, mais elle décidait également si la fonctionnaire devait être réévaluée en bénéficiant des mesures d’adaptation appropriées. Le 10 février 2011, elle l’a décrit dans un courriel à M. Billingsley. À ce moment, AINC avait demandé son curriculum vitae et ses diplômes pour qu’il puisse la nommer à un poste EC.

[170]  Elle n’a pas eu un mauvais rendement dans le cadre de son affectation au poste classifié EX-01 à Environnement Canada, elle ne comprenait donc pas pourquoi AINC voulait la nommer à un poste de niveau inférieur (pièce G-43). Elle se sentait dépréciée par le fait qu’elle occupait un poste de directrice intérimaire classifié EX-01 à Environnement Canada mais qu’AINC, son ministère d’accueil dans le cadre du programme CAP, demandait son curriculum vitae et une copie de ces diplômes pour la nommer à un poste de niveau inférieur.

[171]  La fonctionnaire croyait que la direction aurait dû répondre à sa demande et que M. Billingsley n’avait pas exercé ses pouvoirs. Elle n’était pas d’accord pour dire que durant l’entrevue, elle avait dit à Mme Langevin qu’elle était malade, mais qu’elle pouvait s’en sortir. Elle a demandé que la CFP participe à la réévaluation et au processus de prise de mesures d’adaptation.

[172]  Selon l’évaluation de son ancien directeur et le fait que son rendement dans ce poste avait été supérieur à la moyenne, elle connaissait Environnement Canada. Si elle avait su que la question porterait sur Environnement Canada, elle aurait réussi le processus de pré-qualification. Si elle avait bénéficié de mesures d’adaptation appropriées, elle aurait été nommée à un poste EX-01.

D. Lettre d’offre pour le poste de conseillère principale en matière de politiques classifié EC‑07

[173]  La fonctionnaire a terminé le programme le 10 février 2011, au moment où elle a reçu une offre pour le poste de conseillère principale en matière de politiques classifié EC-07 au secteur du gouvernement autochtone et des traités. La seule offre qui lui a été faite consistait à la rétrograder d’un poste classifié LA-2A à un poste classifié EC-07. C’était extrêmement stressant pour elle et elle croyait que c’était injuste.

[174]  La lettre d’offre indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Selon le paragraphe 10.8(5) – protection salariale de la Directive sur l’administration des programmes de perfectionnement en leadership, [...] Le salaire de [la fonctionnaire] [...] sera protégée au groupe et niveau LA-2A pour un maximum de 24 mois (du 1er mars 2011 au 28 février 2013) ou jusqu’à ce [qu’elle accepte] un autre poste.

[…]

[175]  M. Billingsley l’a signée. La fonctionnaire a dit qu’elle l’avait acceptée sous protêt.

[176]  Selon Mme Lamothe, il ne s’agissait pas d’une rétrogradation, mais d’une nomination en vertu de la LEFP. La justification de la fin de la participation de la fonctionnaire au programme CAP était la directive du SCT selon laquelle le programme allait être éliminé progressivement d’ici décembre 2011. En novembre 2010, la fonctionnaire avait respecté toutes les exigences pour terminer le programme CAP.

[177]  En contre-interrogatoire, Mme Lamothe a déclaré qu’elle avait appliqué la politique révisée en vigueur au moment où la fonctionnaire avait terminé le programme et non celle en vigueur lorsque la fonctionnaire avait été acceptée pour la première fois dans le cadre du programme. Comme la fonctionnaire n’avait pas réussi le processus de pré-qualification et respecté toutes les exigences du programme, le sous-ministre a décidé de mettre fin à sa participation au programme CAP et de la nommer à un poste de conseillère principale en matière de politiques, poste classifié EC-07. Mme Lamothe n’était pas d’accord que la fonctionnaire n’avait pas bénéficié de mesures d’adaptation durant le processus de pré-qualification.

[178]  La fonctionnaire était stupéfaite. Même si elle n’avait pas accepté le poste classifié EC-08 que Mme Langevin lui avait offert au départ, la nomination a été faite à un niveau inférieur. On demandait tout de même des réponses à ses demandes de mesures d’adaptation, mais cela a confirmé qu’une décision avait déjà été prise. Le poste classifié EC-07 était dans le même groupe qu’elle avait aidé M. Bédard à créer 11 ans plus tôt, durant sa première affectation. Elle a vu cela comme une régression considérable. Elle était stressée, et cela avait un effet sur sa santé.

[179]  Le 14 février 2011, elle a écrit à Mme Langevin pour l’informer que la lettre d’offre n’était pas conforme à ce qui avait fait l’objet de discussions à la rencontre de janvier à laquelle avaient assisté des représentants des ressources humaines, des relations de travail, du ministère de la Justice et de l’AJJ. Les ressources humaines et les relations de travail ont conclu qu’ils lui offriraient un poste classifié EC-08 avec une protection salariale de deux ans au niveau LA-2A. Mme Langevin a dit que c’était une erreur et que cela dépendait de la question de savoir si AINC avait un poste disponible.

[180]  Mme Langevin a aussi déclaré qu’elle ne pouvait pas être nommée à un poste classifié EC‑08 parce qu’il équivalait à un poste classifié EX-01, pour lequel elle ne s’était pas qualifiée, selon le processus de pré-qualification. La fonctionnaire n’était pas d’accord pour dire qu’un poste classifié EC-08 équivalait à un poste classifié EX-01; même s’ils avaient une échelle salariale semblable, la gamme des fonctions était différente. Elle considérait l’offre comme une rétrogradation non fondée sur le mérite et incompatible avec les objectifs du programme CAP et les conditions qu’elle avait acceptées lorsqu’elle a participé au programme CAP. Les fonctions d’un EC-07 étaient considérablement différentes et réduites par rapport à son poste d’attache classifié LA-2A, y compris son affectation intérimaire au programme CAP. Son salaire de LA-2A était de 118995 $, comparativement à 103707 $ pour un EC-07.

[181]  Le 16 février 2011, la fonctionnaire a écrit à M. Cavanagh, en sa qualité d’ancien directeur dans le cadre du programme CAP (pièce G-45). Elle savait qu’il était au courant de son arrangement unique et de sa participation au programme CAP. L’employeur s’est opposé à l’admissibilité de ce document, déclarant qu’il était hautement préjudiciable et qu’il ne démontrait pas la véracité de son contenu. Par conséquent, on ne devrait pas s’y fier. J’ai admis le document et informé les parties que j’entendrais leurs arguments sur le poids à accorder, le cas échéant, au document (pièce G-46).

[182]  Selon la fonctionnaire, la description par M. Cavanagh de sa participation au programme CAP cernait totalement sa compréhension personnelle; à savoir, qu’elle conservait son poste d’attache classifié LA-2A pendant sa participation au programme CAP pour qu’elle puisse profiter du perfectionnement, en tant qu’Autochtone, et obtenir une formation linguistique au niveau CBC ainsi que des compétences financières et de gestion de personnes pour qu’elle puisse avoir le choix de retourner au ministère de la Justice à la fin.

[183]  Dans son courriel, M. Cavanagh expliquait qu’à l’époque, la CFP et AINC voulaient que la fonctionnaire participe au programme CAP, comme les autres participants nommés aux postes CA-01 et CA-02, tout en conservant son statut à durée indéterminée pendant toute la période, au moyen d’un PRAS, puis retourne à un poste LA ou assume un poste de direction à la fin. Pour cette raison, cela a été indiqué dans une lettre spéciale qui lui a été envoyée, indiquant la protection de son statut à durée indéterminée LA-2A qui devait être conservé à la fin du programme CAP. Comme on l’a vu, ce document est la preuve que la fonctionnaire a compris qu’elle conservait son poste d’attache alors qu’elle participait au programme CAP.

[184]  La fonctionnaire a engagé une avocate privée et a fait plusieurs propositions pour régler la question. La dernière lettre, datée du 4 mars 2011, et envoyée à l’avocat d’AINC, est restée sans réponse. Au bout du compte, la fonctionnaire a accepté de signer, sous protêt, la lettre d’offre du 10 février 2011 (pièce E-20) pour le poste de conseillère principale en matière de politiques classifié EC-07. Elle a demandé une prolongation de son affectation au programme CAP pour qu’elle puisse tenter de trouver un autre emploi à son niveau, mais AINC a refusé. Mme Langevin a déclaré que l’affectation de la fonctionnaire ne pouvait pas être prolongée parce qu’elle avait respecté toutes les exigences du programme CAP. Sa seule option était d’accepter le poste, sinon elle n’aurait plus de poste. La notification de candidature retenue d’AINC indiquait qu’elle avait été nommée à ce poste depuis son poste antérieur classifié LA-2A (pièce G-50).

[185]  En contre-interrogatoire, Mme Langevin a reconnu que le programme CAP devait être terminé au plus tard en décembre 2011 et que les résultats du processus de pré-qualification avaient été reçus en décembre 2010.

[186]  La Directive sur l’administration des programmes de perfectionnement en leadership – Programme de stagiaires en gestion et Programme Cours et affectations de perfectionnement indique les circonstances précises dans lesquelles les participants terminent le programme. Elle prévoit également des mesures transitoires pour les participants qui sont entrés au programme avant 2006 et indique que les participants ont le droit de participer au programme pendant quatre ans.

[187]  Lors du réinterrogatoire, Mme Langevin a expliqué que le programme CAP a pris fin en 2009, mais que le SCT a accordé deux ans aux ministères d’accueil, soit jusqu’en décembre 2011, pour permettre aux candidats de terminer le programme. Je remarque que la fonctionnaire a passé 45 mois au programme CAP (pièce E-15). Les conditions de sa dernière affectation prévoyaient que cette dernière pourrait être prolongée, sur l’accord mutuel des parties. Sans autre explication, Mme Langevin a exprimé son désaccord et a déclaré qu’il n’y avait pas suffisamment de temps pour prolonger cette affectation.

[188]  La fonctionnaire espérait que M. Billingsley, en tant que son directeur à AINC, prendrait des mesures pour régler le problème quant au processus de pré-qualification, afin de trouver une solution. Des options étaient possibles, comme lui faire repasser un test sur la dernière question ou même simplement examiner son rendement dans le cadre de son poste intérimaire EX-01 à Environnement Canada et pour lequel elle avait reçu une évaluation du rendement positive afin de déterminer si elle possédait toutes les compétences requises pour accéder au groupe de la direction ou si elle devait retourner à son poste classifié LA-2A au ministère de la Justice.

[189]  Sa dernière journée a été très bouleversante parce qu’elle devait aborder son départ prochain et qu’elle devait nommer une autre personne de son équipe pour la remplacer. Elle a commencé à occuper son nouveau poste classifié EC-07 le lendemain. La fonctionnaire a expliqué qu’il s’agissait d’une période stressante pour elle. Elle n’a reçu aucune réponse à ses questions portant sur le processus de pré-qualification. C’était humiliant tant sur le plan personnel que professionnel d’occuper un poste de niveau inférieur au ministère, AINC, où elle avait commencé à travailler comme avocate plusieurs années auparavant. Elle a pris des vacances puis un congé de maladie.

[190]  À sa première journée, elle a été accueillie par sa directrice, qu’elle avait embauchée plusieurs années auparavant. La directrice comprenait la situation difficile et lui a donné une période de transition. Elle est demeurée professionnelle et a suivi ses directives. Le poste d’analyste principale classifié EC-07 ne se comparait pas à ses fonctions de LA-2A. Elle ne donnait aucun avis juridique. Elle n’avait aucune obligation en ce qui concerne les obligations de confidentialité, aucun budget et aucun employé. Elle était seule à un bureau ouvert, exerçant des fonctions en matière de politiques. Elle a bénéficié d’une protection salariale pendant deux ans jusqu’en mars 2013, mais AINC n’a pas payé ses cotisations professionnelles et il n’y avait aucune option de rémunération au rendement, qu’elle recevait constamment depuis sa première embauche en tant que LA‑01.

E. Argumentation de la fonctionnaire s’estimant lésée

[191]  L’employeur a reconnu que la rétrogradation n’était pas motivée. Par conséquent, si je conclus que la fonctionnaire a été rétrogradée, il s’agit d’un acte qui va à l’encontre de la LGFP. Elle a été mutée de son poste classifiéLA-2A à son poste actuel en raison de l’omission par l’employeur de prendre des mesures d’adaptation à son égard pendant le processus de pré-qualification.

[192]  La preuve respecte pleinement la définition de « rétrogradation ». Au soutien de sa position, la fonctionnaire m’a renvoyé à Peters, au paragraphe 265 :

[265] Comme l’a confirmé l’arbitre dans l’affaire Browne, citée plus haut par l’employeur, une rétrogradation au sens de la LRTFP et de la LGFP à laquelle elle renvoie survient lorsqu’à la fois la classification et la rémunération d’un employé changent. Un employé est rétrogradé lorsqu’il est muté ou affecté à « […] un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur […] ». Par conséquent, pour qu’il y ait rétrogradation, il doit y avoir eu une nomination antérieure à un niveau de classification supérieur, où le titulaire a droit à une rémunération de niveau plus élevé.

[193]  En l’espèce, la fonctionnaire occupait un poste classifié LA-2A lorsqu’elle a été nommée à son poste actuel classifié EC-07. La notification de candidature retenue d’AINC indiquait qu’elle était nommée au poste classifié EC-07 depuis son poste antérieur classifié LA-2A (pièce G-50). Dans ce poste, elle gagnait environ 15000 $ de moins par année que lorsqu’elle occupait son poste d’attache classifié LA-2A. Elle a aussi perdu la rémunération au rendement, qui représentait environ 5500 $ par année.

[194]  La jurisprudence du secteur privé et de la Commission est cohérente quant à la définition de rétrogradation, qui comprend une perte de salaire, une perte de possibilités, une mutation à un travail moins intéressant et le risque de perdre des compétences spécialisées. Au soutien de sa position, la fonctionnaire a invoqué Robitaille; Prince Foods Inc. v. U.F.C.W., Local 175 (2004), 131 L.A.C. (4th) 418; et Good Humour-Breyers, Simcoe v. U.F.C.W. (2004), 126 L.A.C. (4th) 423.

[195]  Dans son poste classifié LA-2A, la fonctionnaire était responsable de dossiers juridiques et collaborait étroitement avec les clients pour monter les dossiers. Elle encadrait aussi des étudiants en stage. Dans le poste classifié EC-07, elle n’était pas responsable d’employés, elle n’encadrait personne et elle travaillait souvent seule, accomplissant des recherches en matière de politiques. Ses compétences d’avocate n’étaient pas utilisées. Lorsqu’elle a été initialement mutée à un poste dans une équipe qu’elle avait aidé à mettre sur pied dans le cadre de sa première affectation au programme CAP, elle ne s’est vu attribuer aucun travail. Elle s’est sentie dévalorisée.

[196]  Il est manifeste que ce qui est arrivé était une rétrogradation déguisée en mutation. Le principal argument de l’employeur est qu’il ne s’agissait pas d’une rétrogradation parce que la fonctionnaire avait accepté d’être mutée à un poste de niveau EX moins 1 ou de niveau EX moins 2. Elle était déjà à un niveau élevé lorsqu’elle s’est inscrite au programme et elle a pris des mesures pour s’assurer que son poste soit protégé. Si elle avait su qu’il y avait un risque qu’elle ressorte du programme à un niveau inférieur, elle n’y aurait pas participé.

[197]  La mutation du poste classifié LA-2A n’en était pas une. M. Hines a clairement déclaré que la mutation se fait au même niveau. Les participants qui ont atteint le niveau CA-01 ont été mutés au niveau EX moins 2 et ceux qui ont atteint le niveau CA-02 ont été mutés au niveau EX moins 1. Cette disposition ne s’appliquait pas à elle parce qu’elle a conservé ses conditions d’emploi prescrites par la convention collective du groupe LA.

F. Argumentation de l’employeur

[198]  La fonctionnaire avait le fardeau d’établir qu’il y a eu une rétrogradation motivée. Elle n’a pas présenté d’argument fondé sur la préclusion. Rien n’indique qu’il y a eu une rétrogradation motivée. Il ne suffit pas qu’elle ait été mutée à un poste à une échelle salariale inférieure. Il n’y a pas eu de mauvais rendement ni de mesures disciplinaires. Le grief devrait être rejeté pour ce motif seul. Comme il l’a déclaré, l’employeur soutenait que la Commission n’avait pas compétence parce que rien dans la preuve n’indique l’exercice d’une délégation de pouvoir en vertu de l’alinéa 12(1)d) ou e) de la LGFP.

[199]  M. Hines a expliqué que l’objectif du programme CAP était que des candidats se qualifient à des postes EX. Il n’y avait aucune garantie qu’ils y parviennent tous. La fonctionnaire a terminé le programme CAP parce qu’elle a rempli toutes les conditions de fin du programme. La lettre d’offre qu’elle a signée et acceptée prévoyait qu’elle se verrait offrir un poste EX moins 1 ou EX moins 2 à la fin du programme. C’est la raison pour laquelle elle a été mutée du poste PL à un poste classifié EC-07. Il ne s’agissait pas d’une rétrogradation motivée.

G. Conclusion

[200]  À l’automne 2010, ni la fonctionnaire ni Mme Langevin ne savaient qu’elle ne pourrait pas revenir à son poste classifié LA-2A. Il n’était pas clair si elle y avait renoncé. Autrement, Mme Langevin n’aurait pas eu besoin de faire autant de recherches. La preuve établissait clairement que la fonctionnaire avait participé au programme CAP en tant que LA-2A. J’ai déjà conclu que la preuve appuyait ma conclusion selon laquelle la fonctionnaire n’a pas renoncé à son droit à un poste classifié LA-2A à la fin du programme CAP. Pour parvenir à cette conclusion, j’ai accordé peu de poids à la correspondance provenant de M. Cavanagh (pièce G-46). L’ensemble de la preuve appuie ma conclusion selon laquelle la fonctionnaire n’a pas renoncé à son poste classifié LA-2A. La notification de candidature retenue d’AINC l’indique clairement (pièce G-50). Comme je l’ai conclu, la fonctionnaire n’a jamais cessé d’être avocate.

[201]  L’objectif du programme était d’avoir des candidats qualifiés au niveau EX. Comme M. Hines l’a indiqué, il s’agissait d’une initiative destinée à aborder la sous‑représentation systémique des peuples autochtones au niveau de la direction. La Directive sur l’administration des programmes de perfectionnement en leadership – Programme de stagiaires en gestion et Programme Cours et affectations de perfectionnement, qui est entrée en vigueur le 2 avril 2006 et qui a remplacé la politique du programme CAP datée d’avril 2000 (pièce E-14), contenait trois objectifs, qui peuvent être résumés comme le perfectionnement, le renforcement et le maintien d’une fonction publique hautement qualifiée, compétente, bilingue et représentative pour aider à respecter les besoins actuels et futurs en leadership et les objectifs d’équité en matière d’emploi de l’administration publique centrale indiqués dans les plans de ressources humaines des organisations participantes.

[202]  À la fin du programme CAP, on s’attendait à ce que les participants soient placés dans des emplois qui appuyaient leurs objectifs de carrière. La CFP a évalué les compétences et l’expérience de la fonctionnaire. Il a été conclu qu’elle possédait les compétences d’un cadre classifié PL-06, l’équivalent de l’ancien CA-02. Rien dans la preuve ne démontre qu’elle a été nommée à un poste classifié PL-06. L’intention du ministère d’accueil consistait à la nommer au poste de directrice des affaires autochtones et des relations avec les intervenants EX-01 à Environnement Canada, un poste qu’elle a occupé de façon intérimaire pendant presque un an et demi. Selon son évaluation du rendement pour ce poste, elle a respecté toutes les compétences en leadership et elle était prête à assumer le poste, ce qui correspondait à la recommandation du SCT voulant que la dernière affectation des participants consiste en un placement dès le début de l’affectation. Malheureusement, seul un poste classifié EC-07 lui a été offert.

[203]  La fonctionnaire a déposé le [traduction] « Guide du participant de Ressources naturelles Canada – programme Cours et affectations de perfectionnement (programme CAP) » (pièce G-30). Même si sa pertinence est limitée, il démontre l’incohérence dans la façon dont les participants au programme CAP à Ressources naturelles Canada (RNC) ont été traités. À la page 6, il indique que les candidats qui ne sont pas préqualifiés au niveau EX-01 à la fin du programme seront mutés à un poste de niveau équivalent à celui qu’ils occupaient dans leur ministère d’attache. Ce résultat n’est pas conforme à l’interprétation par Mme Langevin de la politique du programme CAP. Elle a déclaré qu’elle prévoyait que si la fonctionnaire ne réussissait pas le processus de pré-qualification, on lui offrirait alors un poste EX moins 1 ou un poste EX moins 2.

[204]  Le témoignage de l’employeur sur ce point était contradictoire. M. Hines a déclaré que les participants étaient mutés au niveau qu’ils avaient atteint durant leur participation au programme CAP. Les candidats qui atteignaient le niveau CA-01 (PL-05) dans le cadre du programme CAP étaient mutés à un poste de niveau EX moins 2 et ceux qui atteignaient le niveau CA-02 (PL-06) étaient mutés à un poste de niveau EX moins 1. Le témoignage de M. Hines est conforme au guide de RNC. M. Cameron a évalué que la fonctionnaire était au niveau PL-06. Pourtant, elle s’est vu offrir un poste classifié EC-07, l’équivalent d’un poste EX moins 2. Selon Mme Langevin, la fonctionnaire ne pouvait pas être nommée à un poste classifié EC-08 parce qu’elle n’avait pas réussi le processus de pré-qualification EX-01.

[205]  Je suis d’accord avec la fonctionnaire. Aucun fondement juridique ne permet de la muter à un poste de niveau inférieur. Elle a été évaluée au niveau PL-06 du programme CAP, ce qui était un niveau supérieur au poste classifié EC-07 qui lui a été offert. M. Hines a expliqué que l’objectif du libellé [traduction] « selon le niveau qu’elle avait atteint » dans la lettre d’offre consistait à s’assurer que les participants au programme CAP étaient mutés à un niveau équivalent à celui qu’ils avaient atteint dans le cadre du programme. Il a précisément déclaré qu’un transfert devait être au même niveau pour être qualifié de mutation. Par conséquent, la fonctionnaire n’a pas été mutée conformément aux modalités du programme CAP.

[206]  La fonctionnaire a déclaré qu’au moment de sa mutation au poste classifié EC-07, elle recevait 118995 $, le taux de rémunération maximal au groupe et au niveau LA-2A. Lorsqu’elle a été mutée au poste classifié EC-07, à compter du 1er mars 2011, son salaire annuel s’est établi à 103707 $, ce qui représente une diminution de 15288 $ par année par rapport au taux de rémunération du poste classifié LA-2A. Elle a aussi perdu l’option de la rémunération au rendement à laquelle elle avait droit en tant que LA-2A.

[207]  La fonctionnaire a expliqué que la mutation au poste classifié EC-07 représentait une réduction des responsabilités et des possibilités de carrière qui dévaluait et diminuait son expérience de travail. Elle ne s’est vu accorder aucune fonction initiale et elle a été intégrée à une équipe qu’elle avait aidé le directeur général à gérer dans le cadre de sa première affectation au programme CAP. Elle n’avait aucune responsabilité financière, aucun budget, aucune exigence en matière de confidentialité et aucune obligation d’être en règle avec le Barreau ou d’utiliser ses compétences juridiques, de leadership et de gestion dont elle avait fait preuve avec succès dans le cadre du programme CAP. Elle n’avait pas un rôle de leadership et aucun employé à superviser ou à encadrer. Elle travaillait en grande partie seule, sans contact avec les clients, à effectuer des recherches en matière de politiques.

[208]  Sa situation correspond exactement à la signification de rétrogradation décrite dans la Loi et la jurisprudence. Il y a eu une importante perte de salaire, des responsabilités réduites et aucune utilisation de ses compétences et de son expérience qu’elle a acquises avec succès dans le cadre du programme CAP.

[209]  Le sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi indique qu’un employé peut renvoyer à l’arbitrage un grief lié à une rétrogradation sous le régime de l’alinéa 12(1)d) de la LGFP pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite [je mets en évidence]. Le paragraphe 12(3) de la LGFP indique qu’une rétrogradation doit être motivée [je mets en évidence].

[210]  L’employeur a reconnu qu’il n’y avait pas eu de mesures disciplinaires ou d’inconduite et qu’il n’y avait pas de mauvais rendement. C’est ce qu’il a invoqué comme principal argument pour contester la compétence de la Commission. Comme l’a déclaré le témoin de l’employeur, Mme Langevin, la fonctionnaire a été nommée à un poste classifié EC‑07 et non à un poste classifié EC‑08 parce qu’elle ne s’était pas qualifiée au processus de pré-qualification. Son témoignage était conforme à celui de Mme Lamothe, qui a déclaré que la principale raison pour laquelle la fonctionnaire a été mutée au poste classifié EC‑07 est qu’elle avait passé 36 mois au programme CAP, qu’il n’était pas possible de lui accorder une autre affectation et qu’elle n’avait pas réussi le processus de pré-qualification.

[211]  La preuve a établi que la rétrogradation avait été déclenchée par la fin de sa participation au programme CAP et son omission de réussir le processus de pré-qualification, qui est une raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite. Par conséquent, je conclus que la Commission a compétence et que la fonctionnaire a été rétrogradée au sens du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi et de l’alinéa 12(1)e) de LGFP. Je dois maintenant déterminer si son échec au processus de pré-qualification et sa rétrogradation subséquente découlaient d’un motif légitime.

VI. La rétrogradation découlait-elle d’un motif légitime?

A. La fonctionnaire a-t-elle été victime de discrimination?

[212]  La fonctionnaire a soutenu que sa rétrogradation au groupe et au niveau EC-07 était discriminatoire puisqu’elle découlait directement de l’omission de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de sa déficience durant le processus de pré-qualification à l’automne 2010.

[213]  Un arbitre de grief a les pouvoirs indiqués aux alinéas 226(2)a) et b) de la Loi, qui sont ainsi rédigés en partie [les numéros d’article ont changé depuis la version antérieure de la Loi, mais non le libellé] :

226 (2) L’arbitre de grief et la Commission peuvent, pour instruire toute affaire dont ils sont saisis :

[…]

a) interpréter et appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne, sauf les dispositions de cette loi sur le droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes, ainsi que toute autre loi fédérale relative à l’emploi, même si la loi en cause entre en conflit avec une convention collective;

b) rendre les ordonnances prévues à l’alinéa 53(2)e) ou au paragraphe 53(3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne […].

[214]  L’article 7 de la LCDP indique que constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu. L’article 3 de la LCDP indique que la déficience fait partie des motifs de distinction illicite.

[215]  Pour démontrer qu’un employeur a posé un geste discriminatoire, un fonctionnaire doit présenter une preuve suffisante jusqu’à preuve contraire qu’il y a discrimination, soit « celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l’absence de réplique de l’employeur intimé »; voir Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536.

[216]  Pour établir l’existence de discrimination prima facie, la fonctionnaire devait démontrer qu’elle possède une caractéristique protégée par la LCDP contre la discrimination, qu’elle a subi un effet préjudiciable relativement au service concerné et que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable; voir Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 CSC 61

[217]  Les considérations discriminatoires n’ont pas nécessairement à être les seules raisons pour lesquelles la rétrogradation a été faite pour qu’une allégation de discrimination soit justifiée. La discrimination n’a qu’à être un facteur dans la décision de l’employeur, voir Holden v. Canadian National Railway Co. (1990), 112 N.R. 395 (C.A.). La norme de preuve dans les causes de discrimination est la norme civile ordinaire de la prépondérance des probabilités (voir Alliance de la fonction publique du Canada c. Canada (Ministère de la Défense nationale), [1996] 3 CF 789 (C.A.) au paragraphe 33; et Canada (Procureur général) c. Montreuil, 2009 CF 60, au paragraphe 22.

[218]  L’employeur doit répondre à une preuve de discrimination prima facie pour éviter une conclusion défavorable en présentant des éléments de preuve qui démontrent que la discrimination alléguée n’a pas eu lieu ou que les gestes n’étaient pas discriminatoires. En outre, l’employeur peut invoquer un moyen de défense prévu par la loi qui justifie son acte discriminatoire; voir A.B. c. Eazy Express Inc., 2014 TCDP 35. En l’espèce, la disposition pertinente est l’article 15 de la LCDP, qui est ainsi rédigé en partie :

15 (1) Ne constituent pas des actes discriminatoires :

a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l’employeur qui démontre qu’ils découlent d’exigences professionnelles justifiées [...].

[219]  Dans Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 RCS 3, au paragraphe 54, la Cour suprême du Canada a indiqué comment déterminer si une norme imposée par un employeur constituait une exigence professionnelle justifiée. L’employeur doit démontrer ce qui suit, selon la prépondérance des probabilités :

[…]

(1) qu’il a adopté la norme dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause;

(2) qu’il a adopté la norme particulière en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail;

(3) que la norme est raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail. Pour prouver que la norme est raisonnablement nécessaire, il faut démontrer qu’il est impossible de composer avec les employés qui ont les mêmes caractéristiques que le demandeur sans que l’employeur subisse une contrainte excessive.

[220]  Dans Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie‑Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868, la Cour suprême du Canada a indiqué que l’employeur doit démontrer qu’il a pris des mesures d’adaptation jusqu’au seuil de la contrainte excessive.

[221]  Selon ce cadre, je dois examiner la question de savoir si la rétrogradation était discriminatoire.

B. Formation linguistique, trouble d’apprentissage et anxiété connexe de la fonctionnaire s’estimant lésée

[222]  En 2002, ou vers cette date, la fonctionnaire a commencé une formation linguistique à Asticou. En avril 2003, elle a pris un congé de maternité. Tous les membres du groupe étaient à un niveau différent. Elle ne comprenait pas pourquoi elle ne pouvait pas progresser aussi rapidement que d’autres, étant donné son désir d’apprendre. Elle a informé Mme Proulx, l’agente de liaison du programme CAP, de sa préoccupation. Mme Proulx lui a dit se donner du temps et d’être patiente avec elle-même. La fonctionnaire l’appelait plusieurs fois par semaine.

[223]  La fonctionnaire était frustrée du manque de réponse et a décidé de communiquer avec M. Cameron. Il relevait directement de M. Hines. Il lui a dit que ses attentes étaient trop élevées et qu’elle devait se donner du temps. Elle a refusé. Elle était certaine que quelque chose n’allait pas avec elle et qu’elle devait être évaluée. La CFP a refusé de l’évaluer, elle a donc consulté son médecin de famille.

[224]  Elle est revenue au bureau et a parlé avec sa directrice, Gail Mitchell. La fonctionnaire l’a informée qu’elle ne pouvait plus continuer. Elle a demandé à être évaluée. Mme Mitchell a parlé avec le SCT. On a décidé que la Dre Moncion évaluerait la fonctionnaire et qu’AINC paierait l’évaluation. Ensuite, la fonctionnaire a pris un autre congé de maternité d’un an. À la suite du rapport d’évaluation psychoéducative de la Dre Moncion, la fonctionnaire a appris qu’elle avait un trouble d’apprentissage.

[225]  Le 26 août 2005, la fonctionnaire a envoyé à M. Cameron une lettre détaillée au sujet de son évaluation et d’une demande de mesures d’adaptation pour une formation individuelle. AINC a demandé des précisions de la Dre Moncion, qui a répété la nécessité pour la fonctionnaire de suivre cette formation, pour maximiser ses chances de réussite. La CFP et AINC étaient au courant des besoins de la fonctionnaire en matière d’adaptation. Ils ont tous deux reçu le rapport, mais ils ont continuellement demandé des précisions et une justification des mesures d’adaptation demandées. Cela a causé du stress et de l’anxiété à la fonctionnaire, ce qui l’a amenée à prendre un congé de maladie. L’employeur a fini par accorder la mesure d’adaptation requise et elle a terminé avec succès la formation linguistique avec l’Académie Linguistique et a commencé à chercher une deuxième affectation.

[226]  En 2006, elle a entendu dire que le programme CAP serait décentralisé et que des changements seraient apportés. Toutefois, on lui a assuré qu’elle bénéficierait de droits acquis. En contre-interrogatoire, elle a reconnu qu’elle comprenait que le programme CAP prenait fin en 2011.

[227]  Mme Proulx s’est rappelé que la fonctionnaire avait commencé une formation linguistique en novembre 2005 et qu’elle avait éprouvé certaines difficultés. Elle ne progressait pas aussi rapidement qu’elle l’aurait voulu. Par conséquent, Mme Proulx a suggéré que la fonctionnaire soit évaluée par le Centre canadien de gestion et professionnel de langues secondes (l’« école »). AINC a accepté de payer pour une évaluation, afin de voir si elle avait des difficultés d’apprentissage. En novembre 2005, Mme Proulx a quitté le programme CAP et ne côtoyait plus la fonctionnaire.

[228]  En contre-interrogatoire, Mme Proulx a reconnu que la fonctionnaire avait exprimé des difficultés en 2002 et en 2005 en ce qui concerne la formation linguistique. Le rapport d’évaluation psychoéducative daté du 17 juillet 2005 et préparé par Goldstein, Moncion, Greenbaum and Associates, mandatée par AINC, a été envoyé à Mme Proulx le 9 septembre 2005. Le rapport indiquait que la fonctionnaire souffrait d’un trouble d’apprentissage en ce qui concerne l’apprentissage de nouvelles langues. En tant que mesure d’adaptation, Mme Proulx s’est rappelé que la fonctionnaire avait suivi une formation linguistique personnalisée recommandée par la Dre Moncion (pièce G-13) pour aborder les questions soulevées dans le rapport. Mme Proulx a quitté le programme CAP en février 2005.

[229]  Plusieurs mois après avoir échoué le processus de pré-qualification, le 30 septembre 2011, la fonctionnaire a vu la Dre Moncion, qui était sa psychologue clinicienne traitante, pour avoir des conseils de réadaptation professionnelle. Elle voulait postuler à un processus de sélection et faire mettre par écrit ses besoins précis, afin que des mesures d’adaptation soient prises à l’égard de son trouble d’apprentissage. Elle a postulé dans le cadre de plusieurs processus de sélection de niveau EX, mais un grand nombre de ces processus ont été abandonnés en raison du Plan d’action pour la réduction du déficit (PARD). Elle a fait l’objet d’une présélection pour certains d’entre eux, mais pas tous.

[230]  Dans sa lettre, la Dre Moncion a abordé le processus de pré-qualification EX-01 du 30 novembre 2010. Elle a noté que la période d’adaptation de la fonctionnaire pour la préparation a été interrompue pendant environ 10 minutes. Elle a dû quitter la salle de préparation pour demander des précisions auprès de l’agente des ressources humaines qui administrait l’examen. Le temps perdu ne lui a pas été redonné.

[231]  La Dre Moncion a fait remarquer que l’interruption a perturbé la préparation, la concentration et l’attention de la fonctionnaire et qu’elle a accru son anxiété, ce qui a miné son rendement. Elle a aussi indiqué qu’une question imprécise quant au cadre de référence aurait augmenté l’anxiété de la fonctionnaire. Elle a indiqué que le fait de recevoir des directives différentes avant, puis durant l’examen aurait davantage accru l’anxiété de la fonctionnaire, ce qui a nui à son rendement.

[232]  Le 16 mai 2013, à la demande de la fonctionnaire, la Dre Moncion a écrit à AINC pour réitérer ses besoins en matière d’adaptation dans les futurs processus de sélection. Elle a dit que la fonctionnaire avait un profil d’apprentissage très incohérent accompagné de capacités de raisonnement considérablement élevées atténuées par le langage, comparativement à des capacités de raisonnement visuelles spatiales non verbales, ce qui lui nuit à de nombreux égards. Elle recommande pour la fonctionnaire la présentation multisensorielle de l’information, la possibilité d’avoir un aperçu des renseignements qui sont utilisés pour formuler ses réponses, le double du temps de préparation et de présentation pour les tests, la possibilité de prendre des pauses et la réduction des distractions dans son environnement d’évaluation (pièce G-54).

[233]  Mme Langevin ne se rappelait pas avoir vu la lettre de la Dre Moncion parce qu’elle n’occupait plus son poste à ce moment. Elle n’était pas d’accord avec la fonctionnaire pour dire que l’interruption du processus de présélection avait duré 10 minutes et qu’on avait refusé de lui permettre de récupérer ce temps. Elle s’est rappelé que la fonctionnaire avait reçu plus de temps durant l’entrevue pour ajouter d’autres renseignements à ses réponses. Elle ne se rappelait pas avoir vu l’évaluation du rendement de la fonctionnaire pour la période du 1er avril 2009 au 31 mars 2010 (pièce G-53).

[234]  En contre-interrogatoire, Mme Langevin n’était pas d’accord pour dire qu’elle a quitté la salle d’examen et que la fonctionnaire l’a trouvée dans la salle de photocopieuse. Elle a dit que [traduction] « [elle n’aurait] jamais quitté la salle ». Elle ne se rappelait pas que la fonctionnaire lui a demandé de compenser l’interruption et de lui donner plus de temps. Elle ne se rappelait pas non plus avoir refusé à la fonctionnaire plus de temps pour compenser l’interruption parce que l’entrevue commençait.

C. La preuve médicale

[235]  La fonctionnaire a appelé les Dres Dollin et Moncion. La Dre Janet Dollin est le médecin de famille de la fonctionnaire depuis 1996. Elle a diagnostiqué chez la fonctionnaire un trouble dépressif majeur et un trouble d’anxiété généralisée et l’a traitée de façon continue. Ces diagnostics ont été posés avant que la Dre Dollin commence à traiter la fonctionnaire et ont été confirmés plusieurs fois, y compris par un psychologue clinicien et un psychiatre en 2005. Elle a envoyé la fonctionnaire consulter d’autres spécialistes, au besoin, y compris en 2012 pour une consultation relative à un trouble du sommeil (pièces G-59, G-60 et G-61).

[236]  La Dre Dollin a expliqué que l’anxiété et la dépression de la fonctionnaire se manifestaient par un manque de calme. Elle panique et devient anxieuse et elle manque de sommeil. Pour noter l’« Évaluation globale du fonctionnement » (EGF) de la fonctionnaire, la Dre Dollin a dit qu’elle pouvait varier entre 45 et 80. Elle a fait remarquer qu’une note de 80 indique en général qu’une personne va très bien, alors qu’une note de 45 indique qu’elle ne s’adaptait pas bien une situation.

[237]  Les symptômes de la fonctionnaire se manifestaient sous forme d’un problème de concentration. L’anxiété et la dépression ont un effet sur sa capacité à se rappeler les événements et à réfléchir clairement. La perte de sommeil entraîne de la fatigue, ce qui intensifie ses symptômes d’anxiété. Elle avait une humeur dépressive et des pensées sombres, lesquelles avaient un effet sur son estime personnelle et étaient souvent accompagnées de sentiments d’anxiété.

[238]  En contre-interrogatoire, la Dre Dollin a déclaré que les médicaments de la fonctionnaire l’aidaient et que, en 2009, en 2010 et en 2012, elle allait très bien. Lors du réinterrogatoire, elle a dit que puisqu’elle ne voyait pas la fonctionnaire durant cette période, il n’existe aucun dossier à cet égard.

[239]  La Dre Dollin a expliqué que le fait que la fonctionnaire ait terminé l’école de droit ne signifiait pas qu’elle ne souffrait pas d’une déficience ou de problèmes d’anxiété. Si son évaluation globale est de 70, la fonctionnaire fonctionne bien; lorsque son évaluation globale est de 50, elle est moins résiliente et devient plus facilement anxieuse. La fonctionnaire a vécu des traumatismes. Si elle se sent victimisée, elle chutera plus facilement (pièce G-61, pages 95 à 124).

[240]  Selon la Dre Dollin, l’échec de la fonctionnaire à la dernière question s’explique par les symptômes qu’elle a ressentis dans l’environnement d’évaluation et qui ont déclenché une crise d’anxiété. Comme elle n’a pas eu l’aide dont elle avait besoin, elle a paniqué et n’arrivait plus à se concentrer durant le reste de l’examen. Son état de santé correspond à son trouble d’anxiété généralisée et à son trouble d’apprentissage. La Dre Dollin a expliqué qu’elle n’avait pas diagnostiqué de trouble d’apprentissage chez la fonctionnaire. La Dre Moncion fait partie d’un groupe compétent de psychologues particulièrement sensibles aux personnes qui ont vécu des traumatismes. L’anxiété généralisée de la fonctionnaire nuit à sa capacité de réflexion.

[241]  Lorsqu’elle a discuté du processus de pré-qualification avec la fonctionnaire, la Dre Dollin a conclu qu’une interruption du temps de préparation, comme un résultat inattendu, une critique ou un échec ou encore une situation stressante, nuirait à la fonctionnaire au point de la rendre moins fonctionnelle. En raison de sa vulnérabilité, lorsqu’elle est dans cet état d’esprit dépressif, un changement d’heure ou un événement inattendu peut faire en sorte qu’elle ait davantage de difficultés à se concentrer. En contre‑interrogatoire, la Dre Dollin a reconnu qu’il s’agissait d’une description de ce que la fonctionnaire a rapporté de ses sentiments durant le processus de pré-qualification. En tant que médecin traitant, elle ne peut présenter que ses observations. Elle a expliqué que lorsque la fonctionnaire était anxieuse, elle n’arrivait plus à se concentrer. Elle a déclaré qu’elle ne savait pas si une personne pouvait avoir une excellente note aux quatre premières questions puis échouer la dernière question en raison de l’anxiété.

[242]  En février 2011, la fonctionnaire a expliqué à la Dre Dollin ce qui était arrivé durant le processus de pré-qualification. Elle était déprimée et craignait d’être de nouveau en dépression. Elle a pris un congé. Elle était modérément déprimée et il était très difficile de l’évaluer. La Dre Dollin a décidé de l’envoyer de nouveau consulter la Dre Moncion. La fonctionnaire se sentait inutile et dévalorisée. Elle avait un trouble du sommeil causé par sa santé mentale et de l’insomnie en raison de son anxiété relativement à ce qui était arrivé dans le lieu de travail.

[243]  La fonctionnaire a toujours suivi son traitement. Elle demande de l’aide avant que les choses empirent. Elle s’efforce toujours de maintenir une bonne santé mentale. En contre‑interrogatoire, la Dre Dollin a expliqué que si la fonctionnaire oublie de prendre ses médicaments parce qu’elle se sent bien, son humeur reprend le dessus et ses symptômes se manifestent de nouveau. Les personnes ayant une maladie chronique comme la fonctionnaire pourraient être symptomatiques et en souffrir sans le savoir.

[244]  La fonctionnaire a appelé la Dre Moncion. La CFP a retenu ses services en 2005 pour effectuer une évaluation psychoéducative des difficultés de la fonctionnaire pendant la formation linguistique en français. Dans sa pratique, elle fait habituellement ce type d’évaluation. Son nom figurait sur la liste de médecins de la CFP. Elle était membre de la Learning Disability Association d’Ottawa Carleton et elle enseignait à l’Université d’Ottawa et au Collège algonquin.

[245]  La Dre Moncion a rencontré la fonctionnaire trois fois, une fois pour une entrevue clinique et les deux autres fois pour faire passer les tests d’aptitudes et de rendement. Comme il était décrit ci-dessus, elle a produit un rapport le 17 juillet 2005, qui indiquait que la fonctionnaire avait un trouble d’apprentissage. Lorsque la Dre Moncion l’a évaluée, elle prenait des médicaments pour la dépression et son anxiété sous-jacente, qui étaient gérées par son médecin de famille.

[246]  Le rapport indiquait que la fonctionnaire devait avoir la possibilité de se familiariser avec les documents avant d’être évaluée. Il exigeait précisément que la formation soit présentée en format multisensoriel et qu’elle en obtienne des versions visuelles et auditives. La Dre Moncion a noté que la fonctionnaire pouvait se concentrer pendant des segments de 20 minutes et qu’elle avait besoin de plus de temps de préparation pour s’assurer qu’elle recevait l’information de façon appropriée, la traitait et prenait le temps d’y répondre. Elle avait besoin de plus de temps pour se préparer et réfléchir afin d’être en mesure de répondre. Le renvoi de la Dre Moncion à son anxiété connexe concernait le fait que la fonctionnaire était traitée à l’époque pour une anxiété élevée, pour laquelle elle prenait des médicaments. Elle s’est concentrée sur la formation linguistique en français de la fonctionnaire et ses capacités d’apprentissage.

[247]  À l’époque en question, la Dre Moncion a noté un écart entre les capacités linguistiques atténuées et les capacités visuelles spatiales de la fonctionnaire. Cela causait des problèmes puisque les capacités divergentes signifiaient qu’elle traitait différents types de renseignements à des rythmes différents et de différentes façons. La Dre Moncion a observé une faiblesse relative dans le domaine du décodage de pseudo‑mots et de la compréhension auditive (pièces G-64 et G-65).

[248]  À la suite de son évaluation, la Dre Moncion a recommandé des mesures d’adaptation précises pour aborder les déficiences de la fonctionnaire. Elles comprenaient la présentation multisensorielle de l’information, un lieu tranquille pour travailler et passer les examens afin de réduire les distractions et un temps allongé de pratique et d’acquisition des compétences linguistiques en français.

[249]  En 2007, la Dre Moncion a confirmé les troubles d’apprentissage de la fonctionnaire ainsi que les problèmes d’anxiété indiqués par la Dre Dollin. Selon elle, ils signifiaient que la fonctionnaire avait besoin d’une pause à mi-chemin pendant l’évaluation. La Dre Moncion a expliqué la nécessité d’un plus long temps de traitement ainsi : [traduction] « Elle devait s’assurer qu’elle absorbait cette information correctement, et qu’elle avait le temps d’y réfléchir et de formuler ses réponses oralement » (pièce G-32). Toute distraction pouvait nuire à son temps de traitement. Les recommandations de la Dre Moncion n’étaient pas inhabituelles pour une personne ayant le profil d’apprentissage de la fonctionnaire et étaient conformes aux mesures d’adaptation que la CFP pouvait offrir à l’époque. La docteure ne voyait pas la fonctionnaire dans le cadre d’une thérapie, mais seulement pour l’évaluer.

[250]  La Dre Moncion a déclaré qu’elle connaissait bien la dépression et l’anxiété de la fonctionnaire, que la Dre Dollin avait diagnostiquées et traitées. Elle a expliqué que l’incidence de l’anxiété sur le profil d’apprentissage de la fonctionnaire avait fait l’objet de discussions durant l’entrevue clinique ainsi que les rendez-vous de suivi subséquents. Par exemple, en ce qui concerne la rencontre de 2007 pour discuter des mesures d’adaptation pour les examens oraux, la Dre Moncion a déclaré que les principales questions concernaient la combinaison des problèmes d’apprentissage documentés et l’anxiété connexe, laquelle s’était intensifiée à l’époque.

[251]  Elle a rencontré la fonctionnaire en mars 2007, à la demande de la CFP qui exigeait une mise à jour de son évaluation initiale de 2005. La Dre Moncion a maintenu ses recommandations fondées sur les évaluations qu’elle avait déjà formulées, comme l’atteste sa lettre datée du 30 septembre 2011. Selon ce qu’elle a observé de la fonctionnaire et de la façon dont son anxiété interagissait avec son trouble d’apprentissage, tout stress ajouté augmenterait son anxiété, perturberait son traitement et augmenterait sa fatigue.

[252]  La Dre Moncion a soutenu que si l’anxiété de la fonctionnaire s’élevait trop, elle perturberait son rendement. Le temps perdu, l’interruption et le manque de clarté auraient contribué à l’accroissement de son anxiété. Elle pouvait avoir un bon rendement si elle avait la possibilité de faire un surapprentissage. Elle a besoin de plus de temps pour traiter et organiser ses pensées lorsqu’elle fait face à des éléments non familiers. Sinon, son rendement en souffre.

[253]  La Dre Moncion connaissait bien le rapport de la Dre Allyson G. Harrison. L’employeur l’a appelée comme témoin. Elle est une psychologue à Kingston, en Ontario. Elle a fait un doctorat en psychologie clinique à l’Université Queen’s en 1992. Son domaine d’expertise concerne les troubles d’apprentissage et les questions connexes. Elle a beaucoup écrit sur les méthodes d’enquête afin de détecter les troubles d’apprentissage, en particulier en ce qui concerne les cliniques qui ne respectent pas les lignes directrices appropriées.

[254]  Dans son rapport, la Dre Harrison a soulevé un certain nombre d’éléments que la Dre Moncion aurait pu examiner en 2005, ainsi que les normes, qui étaient très différentes en 2005. À l’époque, son évaluation portait sur les normes applicables à ce moment et relatives aux exigences de la CFP. La Dre Harrison a mentionné les pratiques qui existaient en 2011 et en 2012 et non en 2005.

[255]  La Dre Moncion ne souscrivait pas à la déclaration de la Dre Harrison selon laquelle elle avait une relation double avec la fonctionnaire. Elle n’était pas le médecin traitant de la fonctionnaire, mais plutôt une spécialiste traitante qui devait évaluer et indiquer tout problème d’apprentissage.

[256]  Dans son évaluation écrite de la fonctionnaire, la Dre Harrison a mentionné des faiblesses relatives, mais non un trouble d’apprentissage, indiquant que la Dre Moncion avait omis de consulter le document Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders – IV et 5 (« DSM IV et 5 »). La Dre Harrison a expliqué qu’en 2005, il n’y avait pas de livre de code et que les DSM IV et 5, qui avaient changé avec les années, ne s’appliquaient pas à l’époque.

[257]  La Dre Moncion a reconnu que les faiblesses relatives ne correspondaient pas à un trouble d’apprentissage, mais modifiaient le profil d’apprentissage de la fonctionnaire. Elle a reconnu que le décodage de pseudo-mots et la compréhension auditive ne représentaient pas une déficience, mais qu’ils constituaient un facteur.

[258]  Le domaine de la psychologie est changeant et fluide. Les outils et mesures ainsi que les pratiques acceptées dans le domaine des troubles d’apprentissage sont plus structurés maintenant qu’ils l’étaient en 2005. Au moment du diagnostic de 2005 de la Dre Moncion, la fonctionnaire respectait les critères d’un trouble d’apprentissage. La Dre Moncion a reconnu que 12 ans s’étaient écoulés depuis qu’elle avait été évaluée et qu’en raison des changements dans le domaine des troubles d’apprentissage, ce serait probablement une bonne idée de la réévaluer. Les détails de son profil d’apprentissage demeureraient les mêmes, puisqu’elle continuait de présenter les mêmes problèmes.

[259]  En ce qui concerne la position de la Dre Harrison selon laquelle la Dre Moncion faisait preuve de partialité et défendait les intérêts de la fonctionnaire, la Dre Moncion a reconnu qu’elle défendait ses droits, mais non dans le cadre d’une relation de traitement. Elle voulait s’assurer que la fonctionnaire participe de façon aussi égale que les autres au processus. La CFP n’a pas remis en question ses conclusions ou ses recommandations à l’époque. La norme à appliquer aujourd’hui est considérablement différente de celle qui existait de 2005 à 2010.

[260]  En contre-interrogatoire, la Dre Moncion a déclaré qu’elle ne s’était pas penchée sur l’EGF de la fonctionnaire à l’époque. Elle a accepté le diagnostic d’anxiété de la Dre Dollin.

[261]  La Dre Harrison a conclu que, selon la description du poste de la fonctionnaire, ses évaluations du rendement et les rapports médicaux de la Dre Moncion, cette dernière n’avait pas fait une évaluation appropriée. Les seules notes basses que la fonctionnaire a obtenues étaient en mathématiques et non en langues. La Dre Harrison n’était pas d’accord pour dire qu’il y avait suffisamment de renseignements pour conclure que la fonctionnaire souffrait d’un trouble d’apprentissage qui l’empêchait de bénéficier d’une participation égale.

[262]  Au moment d’établir l’existence d’un trouble d’apprentissage, l’évaluation commence par une norme convenue. La norme publiée par l’association américaine sur les normes d’apprentissage indique qu’une déficience académique est permanente. Un trouble d’apprentissage aurait une incidence sur toute la vie d’une personne; il y aurait des éléments probants d’un déficit académique et probablement de problèmes sous‑jacents.

[263]  Les critères applicables pour déterminer l’existence d’un trouble d’apprentissage existaient en 2005. Parmi les critères se trouve le fait que la déficience doit être permanente, la personne doit être née avec cette déficience et ne pas simplement la déclarer, et celle-ci doit avoir un effet sur les accomplissements académiques sous le 16e percentile. Essentiellement, il y aurait des éléments probants démontrant que la personne ne peut pas participer de façon égale à tous les aspects de la vie.

[264]  Cela n’est pas le cas de la fonctionnaire. Sa capacité est meilleure que celle de 70 % de la population. En dehors de ses problèmes en mathématiques, elle n’a pas démontré que ces autres éléments étaient présents dans d’autres aspects de sa vie. Il n’y avait pas de diagnostic de faiblesse relative. La Dre Moncion n’a pas évalué ses capacités linguistiques et ses capacités de codification phonétique. Elle n’a pas effectué de test de mémoire. Après examen des dossiers de la Dre Dollin et de l’évaluation de la Dre Moncion, rien n’appuie le fait que la fonctionnaire souffre d’une déficience linguistique.

[265]  Dans ses évaluations initiales, la Dre Moncion n’a pas examiné les problèmes situationnels possibles. Aucun suivi n’a été fait sur un événement situationnel, comme des difficultés à la maison, des problèmes conjugaux, des troubles obsessionnels compulsifs ou des troubles du sommeil. La dépression et les stress situationnels peuvent avoir un effet sur les tests sans nécessairement être des troubles d’apprentissage. La Dre Moncion n’a pas évalué l’état cognitif de la fonctionnaire ou l’incidence sur l’évaluation du trouble d’apprentissage. Aucune évaluation officielle n’a été faite de l’anxiété de la fonctionnaire. Le seul trouble d’apprentissage qui aurait pu être documenté était celui en mathématiques.

[266]  Il n’y avait aucune preuve de la capacité de traitement de la fonctionnaire appuyant les besoins multisensoriels. Rien dans la preuve n’a démontré qu’elle avait besoin de doubler le temps de traitement pour subir un test. Ses capacités de lecture rapide étaient normales et son temps de traitement était correct. Les gens qui ont habituellement besoin de plus de temps dans tous les autres aspects de leur vie ont en général le double du délai pour subir un examen. La fonctionnaire est allée à la faculté de droit sans bénéficier de mesures d’adaptation. Aucune preuve objective n’a établi qu’elle avait besoin de mesures d’adaptation.

[267]  En contre-interrogatoire, la Dre Harrison a reconnu que son évaluation était fondée uniquement sur un examen du dossier sur papier. Elle n’a jamais rencontré ou évalué la fonctionnaire. Elle n’a jamais discuté du cas de la fonctionnaire avec les Dres Dollin et Moncion. Elle a reconnu que le diagnostic de dépression et d’anxiété de la fonctionnaire pouvait nécessiter des mesures d’adaptation. Elle a reconnu que lorsqu’un médecin indique des limites fonctionnelles, il revient à l’employeur et à l’employé de déterminer les mesures d’adaptation qui sont requises et disponibles. Elle ne savait pas que la fonctionnaire faisait partie d’un programme spécial à la faculté de droit pour les personnes issues des Premières Nations et ne connaissait pas la note de la fonctionnaire à l’examen d’entrée de la faculté de droit. Elle a aussi reconnu que, dans certains cas, des gens peuvent avoir besoin de mesures d’adaptation même s’ils ne respectent pas le diagnostic et les critères officiels d’un trouble d’apprentissage. Elle a également reconnu qu’il existe de la confusion et qu’il n’y a pas de consensus dans le domaine médical en ce qui concerne les mesures d’adaptation appropriées pour les troubles d’apprentissage.

D. Argumentation de la fonctionnaire s’estimant lésée

[268]  La fonctionnaire a fourni une preuve médicale claire pour justifier le fait qu’elle a un trouble médical qui nécessitait des mesures d’adaptation et que ses troubles n’ont pas fait l’objet de mesures d’adaptation durant le processus de pré-qualification. Elle a clairement exprimé un besoin de bénéficier de mesures d’adaptation avant la date du processus. En particulier, elle-même et l’employeur ont reconnu qu’elle devrait bénéficier du double du temps de préparation dans une salle tranquille et individuelle, qu’elle devrait avoir des pauses pendant la préparation et l’entrevue et que les questions seraient écrites en gros caractères. Les parties ont convenu de ces mesures d’adaptation; il ne s’agissait pas d’une recommandation d’un médecin.

[269]  La fonctionnaire a soutenu que le témoignage de la Dre Harrison qui réfutait l’existence d’une déficience n’avait pas à être abordé. La Dre Harrison n’a pas contesté l’existence des troubles dépressifs et d’anxiété de la fonctionnaire. En contre‑interrogatoire, elle a reconnu que ces troubles pouvaient avoir une incidence sur le fonctionnement de la fonctionnaire dans le lieu de travail et nécessiter des mesures d’adaptation. Étant donné la preuve médicale quant à l’incidence de l’omission de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de la fonctionnaire durant le processus de pré-qualification pour ces troubles seulement, cela suffit pour conclure que le processus de pré-qualification a été mené de manière discriminatoire (pièce G-62, pages 2 et 15).

[270]  Subsidiairement, s’il était nécessaire de tenir compte du témoignage de la Dre Harrison, la fonctionnaire a soutenu que le témoignage des Dres Dollin et Moncion devait être privilégié. Elles avaient une connaissance directe des antécédents et des limites fonctionnelles de la fonctionnaire, alors que la Dre Harrison n’a jamais rencontré ou évalué la fonctionnaire et qu’elle s’en est remise à de nombreuses hypothèses inexactes. La Dre Harrison a également fourni un témoignage incohérent quant aux normes applicables au diagnostic de trouble d’apprentissage en 2005 et en 2010, déclarant au départ qu’elles étaient bien établies, puis reconnaissant en contre‑interrogatoire au sujet de sa première déclaration qu’il n’y avait [traduction] « aucun consensus », même en 2012.

[271]  L’analyse de la Dre Harrison témoignait d’une mauvaise compréhension de l’état du droit canadien. Elle s’est servi de normes provenant des lois américaines sur la déficience et formulé des accusations importantes au sujet de la partialité et d’erreurs éthiques lorsque des médecins traitants témoignent au nom de leurs patients, ce qui n’est tout simplement pas conforme à l’approche de ces experts devant les tribunaux et les arbitres (pièce G-67, pages 5 et 19; pièce G-62, pages 9 et 10, et pièces G-68, G-69 et G-70). Au soutien de cette position, la fonctionnaire a invoqué Westerhof v. Gee Estate, 2015 ONCA 206, aux paragraphes 76, 78, 79 et 86 (permission d’interjeter appel refusée dans [2015] C.S.C.R. no 198 (QL)); et Canada Post Corp. v. C.U.P.W., (1992) C.L.A.D. No. 47 (QL), aux paragraphes 35 à 40.

[272]  La preuve a établi que l’omission de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de la fonctionnaire a entraîné sa rétrogradation, laquelle était discriminatoire et non motivée, comme l’exige la LGFP.

E. Argumentation de l’employeur

[273]  L’employeur a soutenu qu’il n’avait pas omis de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de la fonctionnaire pendant le processus de pré-qualification. Elle a simplement échoué la question portant sur les connaissances. Même s’il lui était (et lui est toujours) loisible de postuler à d’autres processus en vertu de la LEFP, il n’était pas possible pour le comité de sélection de la faire passer puisqu’elle avait reçu la note selon laquelle le comité ne pouvait pas évaluer sa réponse à la question portant sur les connaissances.

[274]  La fonctionnaire avait le fardeau d’établir une preuve prima facie de l’existence de la discrimination, y compris l’existence d’une déficience. Elle devait démontrer qu’elle avait une déficience, qu’elle avait subi un traitement défavorable et que sa déficience constituait un facteur dans le traitement défavorable. Toute suggestion selon laquelle la tentative de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de sa déficience alléguée est la preuve de son existence ne repose sur aucun fondement. Au soutien de sa position, l’employeur a invoqué Flatt c. Conseil du Trésor (ministère de l’Industrie), 2014 CRTEFP 02, au paragraphe 99.

[275]  Une conclusion de discrimination prima facie ne devrait pas être banalisée par la diminution artificielle de l’exigence juridique permettant de formuler cette conclusion. La fonctionnaire n’a démontré aucun des trois facteurs nécessaires pour établir à première vue l’existence de discrimination fondée sur la dépression, un trouble d’anxiété et un trouble d’apprentissage. On soutient respectueusement qu’elle a omis d’établir qu’elle avait un trouble d’apprentissage autre que celui qui touchait vraisemblablement les mathématiques, ce qui n’est pas un problème en l’espèce.

[276]  La fonctionnaire n’a pas démontré qu’elle souffrait de dépression ou d’un trouble d’anxiété à l’entrevue du 30 novembre 2010. En fait, la Dre Dollin a déclaré que la dépression ou l’anxiété de la fonctionnaire [traduction] « allait et venait par cycle » (pièce G-20). Parfois, elle pouvait avoir une EGF aussi basse que 45, puis, à d’autres moments, elle s’élevait à 80. Elle est proactive et demande de l’aide avant que les choses empirent. Ses médicaments traitaient bien sa dépression et son anxiété. La Dre Dollin a ajouté qu’en 2009 et en 2010, la fonctionnaire allait [traduction] « très bien ». Comme la Dre Harrison l’a fait remarquer, les troubles dépressifs et d’anxiété sont les troubles [traduction] « qui se traitent le mieux ».

[277]  L’ensemble de la preuve médicale a démontré que la fonctionnaire allait bien à l’automne 2010. Les notes médicales de la Dre Dollin (pièce G-60, onglet 4, page 186) indiquent que la fonctionnaire avait oublié de prendre ses médicaments en décembre 2010 et qu’elle [traduction] « a commencé » à ressentir ses problèmes habituels d’humeur et de concentration, de l’anxiété et à réagir au stress au travail. Rien dans la preuve n’indiquait qu’elle souffrait de dépression ou d’anxiété lorsqu’elle a participé au processus de pré-qualification le 30 novembre 2010. En réalité, les notes de la Dre Dollin suggèrent le contraire.

[278]  Il existe deux rapports d’expert contradictoires. Celui de la Dre Harrison devrait être privilégié parce qu’elle est véritablement indépendante puisqu’elle n’a pas de relation avec la fonctionnaire et que l’ampleur de son expertise en matière de trouble d’apprentissage dépasse de loin celle de la Dre Moncion (pièce E-38).

[279]  Il est évident que la fonctionnaire n’a pas démontré qu’elle a un trouble d’apprentissage (lecture combinée des pièces G-62 et G-66). L’analyse de la Dre Harrison était fondée sur des principes de diagnostic reconnus universellement et une compréhension globale du sujet. Selon elle, l’évaluation de 2005 de la Dre Moncion n’appuyait pas les conclusions qu’elle a formulées. La seule déficience démontrée de la fonctionnaire concerne les mathématiques et non les langues. La Dre Harrison a rejeté toute suggestion de déficience relative dans le cas de la fonctionnaire puisque ses notes se situaient dans la gamme attendue, étant donné son QI.

[280]  La Dre Harrison a fait remarquer à juste titre la partialité rétrospective des lettres de défense des intérêts de la Dre Moncion de 2007 et de 2011. Étant donné son expertise approfondie en la matière, la Dre Harrison indique dans ses rapports les nombreuses et importantes lacunes dans l’analyse et les conclusions de la Dre Moncion. Par exemple, elle note que pour [traduction] « décoder », la fonctionnaire était meilleure que 66 % de la population. Par conséquent, déclarer qu’il s’agissait d’une déficience était illogique et inexact. Même dans les cas des troubles d’apprentissage réels, l’obtention du double du temps de préparation et d’examen donne un avantage injuste (pièce E-42). Elle a déclaré que l’octroi du double du temps est extrêmement rare et qu’il est réservé aux personnes ayant une [traduction] « déficience profonde ».

[281]  En contre-interrogatoire, un article corédigé par la Dre Harrison lui a été présenté. On a également suggéré que de nombreux articles qu’elle avait écrits portaient sur la détection et la gestion des fausses déclarations. Toutefois, il est important de faire remarquer qu’ils ont été acceptés pour publication dans des revues scientifiques. Cela ne fait qu’établir qu’elle est une experte en la matière en ce qui concerne les troubles d’apprentissage.

[282]  Subsidiairement, dans la mesure où la fonctionnaire a communiqué ses limites à l’employeur dans le cadre du processus de dotation, ces dernières ont été respectées et ont fait l’objet de mesures d’adaptation. Elle n’a pas pu indiquer clairement celles qui n’ont pas fait l’objet de mesures d’adaptation dans le processus de sélection. Au bout du compte, la seule absence de mesures d’adaptation alléguée qu’elle a pu indiquer lorsqu’elle contestait cette question était celle où elle devait répondre à une [traduction] « question imprécise ». Il n’y a aucune mention du fait qu’elle a été privée de pauses de 15 minutes ou des présentations multisensorielles demandées.

[283]  Le témoignage et la preuve documentaire de la fonctionnaire indiquent qu’elle a été informée de chaque développement et qu’elle a suivi une formation importante pour se préparer au processus de pré-qualification. Il lui revenait de demander la mesure d’adaptation appropriée. Mme Langevin a déclaré qu’une demande de mesure d’adaptation a été communiquée à son équipe, mais qu’elle ne portait que sur le double du temps de préparation et l’entrevue, dont la fonctionnaire a fini par bénéficier. Aucune autre demande n’a été présentée le jour de l’entrevue.

[284]  Pour toutes ces raisons, le grief visant le processus de dotation ainsi que la mesure corrective demandée devrait être rejeté.

F. Conclusion

[285]  Pour les raisons qui suivent, je conclus que la fonctionnaire a réussi à établir à l’existence de discrimination prima facie : elle souffrait d’une déficience protégée par la LCDP, elle souffrait de l’incidence négative liée à l’emploi découlant de sa rétrogradation, et sa déficience était un facteur dans l’incidence défavorable puisqu’elle avait un impact sur son rendement dans le cadre du processus de pré-qualification. Elle a demandé des mesures d’adaptation et l’employeur a accepté de les fournir. Toutefois, il n’a pas pris des mesures d’adaptation raisonnables à son égard durant le processus de pré-qualification. Je suis convaincue, selon la preuve dont je suis saisie, que le manque de clarté de la question portant sur les connaissances et l’interruption ont exacerbé son état de santé et contribué à son échec au processus de pré-qualification. En outre, l’employeur n’a fourni aucune explication raisonnable justifiant pourquoi il ne pouvait pas la réévaluer en prenant des mesures d’adaptation appropriées. L’employeur n’a pas démontré qu’il avait pris des mesures d’adaptation à l’égard de la fonctionnaire durant le processus de pré-qualification au point d’en subir une contrainte excessive.

[286]  Les troubles d’apprentissage, la dépression et les troubles d’anxiété ont tous été reconnus à répétition comme des déficiences au sens de ce terme dans les lois portant sur les droits de la personne. Le dossier médical volumineux de la fonctionnaire établit qu’elle souffrait d’une déficience reconnue sur le plan médical qui nécessitait des mesures d’adaptation.

[287]  Le rapport d’évaluation psychoéducative daté du 17 juillet 2005, et préparé par Goldstein, Moncion, Greenbaum and Associates, indique que la fonctionnaire souffrait d’un trouble d’apprentissage et d’anxiété connexe en ce qui concerne l’apprentissage de nouvelles langues. La lettre de suivi, datée du 5 mars 2007, de la Dre Moncion, fait référence au trouble d’apprentissage documenté de la fonctionnaire et à son anxiété connexe (pièce G-32). Même s’il semble que l’employeur ait demandé des précisions, il n’a pas contesté les conclusions de la Dre Moncion; il n’a pas non plus demandé une évaluation médicale indépendante à l’époque.

[288]  Au contraire, la fonctionnaire a obtenu toutes les mesures d’adaptation demandées pour son examen oral en français, y compris le fait que l’examen ne devait pas durer plus de 40 minutes, que toutes les questions devaient être présentées en format visuel et auditif et être accompagnées d’une pause et d’un temps de préparation et qu’une pause devait être offerte à mi-chemin de l’entrevue. Je remarque également que la CFP et AINC ont choisi la Dre Moncion et lui ont demandé de faire l’évaluation.

[289]  Ce n’est qu’à l’audience que l’employeur a contesté le diagnostic de trouble d’apprentissage de la fonctionnaire. Je ne crois pas que la Dre Moncion était partiale à l’égard de la fonctionnaire ou qu’elle ait défendu ses intérêts de façon déplacée. Toutefois, je reconnais qu’elle a admis qu’il serait peut-être temps que le diagnostic de trouble d’apprentissage de la fonctionnaire soit réévalué.

[290]  Je suis d’accord avec la fonctionnaire pour dire que le témoignage de la Dre Harrison qui réfutait l’existence d’un trouble d’apprentissage ne détermine pas l’affaire dont je suis saisie. La Dre Harrison n’a pas contesté l’existence des troubles dépressifs et d’anxiété de la fonctionnaire. En contre-interrogatoire, elle a reconnu que ces troubles pouvaient avoir une incidence sur le fonctionnement de la fonctionnaire dans le lieu de travail et nécessiter des mesures d’adaptation. Étant donné la preuve médicale quant à l’incidence de l’omission de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de la fonctionnaire durant le processus de pré-qualification pour ces troubles seulement, cela suffit pour conclure que le processus de pré-qualification a été mené de manière discriminatoire (pièce G-62, pages 2 et 15).

[291]  Peu importe le débat en ce qui concerne le trouble d’apprentissage de la fonctionnaire, la preuve médicale est sans équivoque. Elle souffrait d’un trouble dépressif majeur et d’un trouble d’anxiété généralisée qui allaient et venaient par cycle. La Dre Dollin a déclaré que, parfois, la fonctionnaire pouvait avoir une EGF aussi basse que 45, puis, à d’autres moments, elle s’élevait à 80. La Dre Dollin a aussi déclaré que les personnes avec une maladie chronique, comme la fonctionnaire, pouvaient être symptomatiques sans le savoir. Les Dres Moncion et Harrington ne l’ont pas contesté. En fait, la Dre Harrington a reconnu en contre-interrogatoire que ce diagnostic pouvait avoir une incidence sur les tests.

[292]  La Dre Dollin a indiqué qu’une question imprécise quant au cadre de référence aurait augmenté l’anxiété de la fonctionnaire. Elle a indiqué que le fait de recevoir des directives différentes avant et durant l’entrevue aurait davantage accru l’anxiété de la fonctionnaire, nuisant à son rendement.

[293]  L’employeur a contesté le fait que la fonctionnaire était symptomatique durant le test et a soutenu qu’elle n’avait, en réalité, pas établi qu’elle souffrait le jour du processus de pré-qualification. Je ne suis pas d’accord avec l’employeur pour dire que la preuve médicale démontre que la fonctionnaire allait bien. Au contraire, les notes médicales de la Dre Dollin indiquent que la fonctionnaire avait oublié de prendre ses médicaments vers la période du processus de pré-qualification et qu’elle avait commencé à ressentir ses problèmes habituels d’humeur, de concentration et d’anxiété, et à réagir au stress au travail, ce qui l’a poussée à la consulter en décembre 2010.

[294]  L’employeur était tout à fait au courant de la demande de mesure d’adaptation de la fonctionnaire. Mme Langevin et Mme Lamothe ont reconnu qu’elles étaient au courant. Mme Langevin a admis qu’elle était responsable de la prise de dispositions.

[295]  Mme Langevin a aussi déclaré qu’elle n’était pas au courant des préoccupations que la Dre Moncion avait mentionnées en 2005 en ce qui concerne le fait que la fonctionnaire devait bénéficier d’un lieu tranquille pour travailler et n’avoir que des distractions minimales ou qu’elle nécessitait une présentation multisensorielle de l’information. Elle a dit qu’on ne lui avait pas présenté de document sur les besoins en mesure d’adaptation de la fonctionnaire avant le processus de pré-qualification et qu’on ne l’en avait pas non plus avisé verbalement. Toutefois, elle a reconnu qu’elle était au courant de l’entente qui visait à lui fournir le double du temps de préparation et des pauses de 15 minutes (pièce G-3).

[296]  En tant que personne responsable du processus de pré-qualification et de la demande de mesures d’adaptation, il revenait à Mme Langevin de faire un suivi des limites fonctionnelles de la fonctionnaire, qui avaient toutes été documentées. Aucun élément de preuve n’a été présenté pour expliquer pourquoi elle n’a pas pensé que c’était nécessaire. Il est bien établi en droit que lorsqu’un employeur reçoit une demande de mesures d’adaptation, il lui revient de demander des renseignements médicaux à jour indiquant en détail les limites fonctionnelles de l’employé et de fournir une mesure d’adaptation raisonnable fondée sur ces limites.

[297]  La fonctionnaire a demandé des précisions sur l’objet du processus de pré-qualification avant le jour de l’entrevue pour savoir si celle-ci porterait sur Environnement Canada ou le gouvernement du Canada dans son ensemble. Selon son témoignage, Mme Langevin l’a avisée que le processus de pré-qualification porterait sur le gouvernement du Canada dans son ensemble et que les questions sur un ministère précis indiqueraient clairement le ministère visé. Même si Mme Langevin a contesté ce témoignage, il convient de noter qu’elle-même et M. Enei n’étaient pas d’accord sur l’objet de la dernière question. Elle a déclaré qu’elle portait sur Environnement Canada, alors qu’il a déclaré qu’il s’agissait d’une question ouverte et qu’on pouvait y répondre en lien avec n’importe quelle affectation.

[298]  Selon le témoignage de la fonctionnaire, lorsqu’elle a vu la question finale, elle a été bouleversée et surprise par la référence à [traduction] « notre ministère ». Il s’agissait exactement du type de question à l’égard de laquelle elle voulait des précisions en raison de sa situation unique. Pour demander des précisions, elle a interrompu son temps de préparation pour trouver Mme Langevin, qui lui a simplement dit de répondre de la façon qu’elle jugeait appropriée. Même si elle a demandé plus de temps pour compenser l’interruption, Mme Langevin est arrivée à l’heure déterminée plus tôt pour amener la fonctionnaire devant le comité de présélection. La fonctionnaire a informé le comité de ses préoccupations. Ce dernier lui a dit de répondre de la façon qu’elle souhaitait (pièce E-30).

[299]  Je ne trouve pas que le témoignage de Mme Langevin lorsqu’elle a déclaré qu’elle n’avait pas quitté la zone réservée au test et que la fonctionnaire n’avait pas eu à la chercher était crédible. Étant donné l’ensemble des faits établis et de la preuve, je préfère les souvenirs des événements de la fonctionnaire, soit qu’une interruption est survenue et qu’elle n’a pas été correctement informée de l’objet de la question sur les connaissances.

[300]  Comme le décrit le témoignage non contredit de la Dre Dollin, une interruption du temps de préparation aurait une incidence sur la fonctionnaire au point de la rendre moins fonctionnelle. J’accepte qu’en raison de son trouble médical, l’interruption a fait en sorte qu’il a été plus difficile pour elle de se concentrer.

[301]  Même si je suis d’accord avec l’employeur pour dire que l’évaluation de la Dre Dollin était fondée sur sa description de ce que la fonctionnaire lui a rapporté et ses sentiments durant le processus de pré-qualification, je conclus que la version de la fonctionnaire est plus crédible. Le témoignage de la Dre Dollin est conforme à celui de la fonctionnaire à l’audience.

[302]  Par conséquent, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, la déficience de la fonctionnaire a accentué son anxiété et a entraîné une détérioration de sa concentration à mesure que l’entrevue avançait, ce qui a nui à sa capacité à répondre correctement à la question finale, qui portait sur les connaissances. C’est ce qui a entraîné son échec au processus de pré-qualification.

[303]  Je trouve que le mépris total de l’employeur envers la demande de la fonctionnaire afin d’être réévaluée au moyen d’une mesure d’adaptation appropriée est très troublant. M. Billingsley aurait pu et aurait dû exercer son pouvoir à cet égard. Il a plutôt complètement écarté sa demande et a laissé Mme Langevin s’en occuper.

[304]  Je trouve qu’il est préoccupant que Mme Langevin, conseillère en ressourcement des cadres pour la Direction des services au groupe de la direction à AINC en 2010, n’ait aucune connaissance de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation.

[305]  L’employeur avait le pouvoir discrétionnaire de réévaluer la fonctionnaire au moyen de mesures d’adaptation appropriées. Il aurait dû lui donner la possibilité d’être réévaluée, faire un suivi avec elle pour obtenir une liste à jour de ses limites fonctionnelles de ses médecins traitants et, en consultation avec elle-même et ses médecins, établir des mesures d’adaptation appropriées pour qu’elle puisse participer de façon égale au processus de pré-qualification. Malheureusement pour la fonctionnaire, il ne l’a pas fait.

[306]  En outre, l’employeur n’a pas fourni d’explication raisonnable à savoir pourquoi il n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de réévaluer la fonctionnaire au moyen des mesures d’adaptation appropriées.

[307]  Selon le témoignage de Mme Langevin, en réinterrogatoire, la fonctionnaire s’est vu offrir un poste classifié EC-07 parce qu’elle a terminé le programme CAP sans toutefois réussir le processus de pré-qualification. Elle a réussi toutes les affectations du programme CAP, et ses évaluations de rendement indiquaient qu’elle possédait toutes les compétences d’un EX-01. Elle a réussi le processus SELEX et il a été déterminé qu’elle obtiendrait vraisemblablement du succès. Elle n’a pas réussi le processus de préqualification parce qu’elle a échoué une question en raison des omissions de l’employeur de lui fournir des précisions sur la question portant sur les connaissances et de compenser l’interruption.

[308]  Je conclus que l’employeur n’a pas pris de mesures d’adaptation jusqu’au seuil de la contrainte excessive à l’égard de la déficience de la fonctionnaire durant le processus de pré-qualification, tout comme par la suite, lorsqu’il a omis de la réévaluer au moyen des mesures d’adaptation appropriées. L’omission de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation raisonnables à l’égard de la déficience de la fonctionnaire m’amène à conclure que l’employeur a fait preuve de discrimination, allant ainsi à l’encontre de l’article 7 de la LCDP. Par conséquent, je conclus que la fonctionnaire a fait l’objet d’une rétrogradation non motivée, contrairement à la LGFP.

VII. Réparation

A. Incidence sur la fonctionnaire

[309]  La fonctionnaire a déclaré qu’elle avait été consternée par l’omission de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation à son égard pendant le processus de pré-qualification. Elle a trouvé cette situation extrêmement bouleversante et difficile, tant sur le plan personnel que professionnel. Elle a déclaré qu’après avoir échoué le processus de pré-qualification, elle a eu besoin de prendre un congé de maladie et des vacances pendant environ un mois pour s’en remettre, avant d’assumer son rôle d’EC-07.

[310]  Elle a dit avoir été humiliée tant sur le plan personnel que professionnel lorsqu’elle a dû retourner occuper un poste à AINC et qu’elle s’est retrouvée soudainement dans un poste de niveau inférieur au ministère où elle avait commencé à travailler comme avocate plusieurs années auparavant. Elle s’est sentie dépréciée et traitée à la légère par l’omission de l’employeur d’aborder la situation après avoir échoué le processus de pré-qualification. Après plusieurs années, elle sent toujours qu’elle a un énorme retard et qu’elle a perdu tout ce pour quoi elle avait travaillé lorsqu’elle est devenue avocate.

[311]  La Dre Dollin a déclaré qu’en février 2011, la fonctionnaire était bouleversée et découragée. Elle a évalué qu’elle était modérément déprimée à l’époque, avec une crainte justifiable de régression vers ses pires périodes de dépression. Lorsqu’elle discutait de sa situation, elle devenait très anxieuse. Elle a continué d’éprouver des problèmes d’anxiété et de dépression dans le cadre de son état cyclique, qui était aggravé par ses problèmes dans le lieu de travail.

[312]  La famille de la fonctionnaire a subi d’autres conséquences financières de la baisse de salaire. Comme l’indiquent les conventions collectives EC et LA applicables, le poste classifié EC-07 était rémunéré à 107105 $ et le poste classifié LA-2A, à 122893 $. De plus, lorsqu’elle s’est inscrite au programme CAP, ses cinq meilleures années étaient déjà derrière elle. Par conséquent, l’incidence sur sa pension était considérable.

[313]  En contre-interrogatoire, elle a indiqué qu’elle avait postulé à plusieurs postes EX à l’époque, mais qu’en raison du PARD, il y avait peu de possibilités. Plusieurs ont été interrompus, alors que dans d’autres cas elle n’a pas réussi à se qualifier.

B. La position de la fonctionnaire s’estimant lésée

[314]  Comme la fonctionnaire a fait l’objet d’une rétrogradation non motivée, elle a le droit d’être indemnisée intégralement à cet égard. Elle a le droit d’être rétablie au groupe et au niveau LA-2A et de bénéficier d’une indemnisation complète du revenu et des avantages perdus, y compris les primes au rendement et les honoraires d’avocat, depuis la date de sa rétrogradation. Elle a aussi droit aux intérêts au taux des obligations d’épargne du Canada applicable à tous les montants qui lui sont dus. En outre, pour bénéficier d’une indemnisation complète, elle a droit à des dommages-intérêts pour préjudice moral et à une compensation spéciale en vertu de l’article 226 de la Loi en raison de la nature discriminatoire de la rétrogradation.

[315]  La discrimination découlant de l’omission de prendre des mesures d’adaptation a des conséquences sur la santé, le bien-être et la dignité des personnes touchées. La fonctionnaire a invoqué Stringer c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2011 CRTFP 110; et Cyr c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 35, où la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) a accordé des dommages-intérêts pour préjudice moral de 10000 $ et de 8000 $, respectivement. La CRTFP a aussi accordé une indemnité spéciale de 17500 $ dans Stringer et de 10000 $ dans Cyr pour compenser l’incidence des gestes inconsidérés de l’employeur.

[316]  Le Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP) a aussi des normes pour l’octroi de dommages-intérêts pour préjudice moral à la suite d’une discrimination dans le lieu de travail. Dans Johnstone c. l’Agence des services frontaliers du Canada, 2010 TCDP 20; et dans Richards c. Canadian National Railway, 2010 TCDP 24, le TCDP a accordé aux plaignantes une somme de 15000 $ pour préjudice moral et de 20000 $ à titre d’indemnité spéciale pour le refus de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation fondées sur la situation familiale. En plus de réintégrer le poste classifié LA-2A avec pleine indemnisation pour tout le revenu perdu, la fonctionnaire a demandé des dommages-intérêts en vertu de l’alinéa 53(2)e) et du paragraphe 53(3) de la LCDP.

C. La position de l’employeur

[317]  L’employeur a soutenu que la fonctionnaire avait demandé à être nommée à un poste classifié EX-01. Elle n’a jamais occupé un tel poste. Elle n’a jamais été rétrogradée d’un tel poste. La réparation qui découlerait d’une affaire de rétrogradation serait une nouvelle nomination au poste CA qui, étant donné que le programme CAP n’existe plus, entraînerait une situation de réaménagement des effectifs. La Commission n’est pas compétente pour nommer la fonctionnaire à un autre poste. En vertu de l’article 82 de la LEFP, il s’agit de la compétence exclusive de la CFP.

[318]  Il n’y a eu aucune rétrogradation et aucune omission de prendre des mesures d’adaptation. Pour ces raisons, le grief devrait être rejeté.

D. Conclusion

[319]  Comme je l’ai conclu, la fonctionnaire a fait l’objet d’une rétrogradation non motivée de son poste classifié LA-2A lorsqu’elle a été mutée à un poste classifié EC-07 parce que sa participation au programme CAP a pris fin et qu’elle a échoué au processus de pré-qualification d’Environnement Canada. Par conséquent, elle doit être réintégrée à son poste classifié LA-2A et obtenir une indemnisation intégrale de tous les revenus et avantages perdus. Comme son avocate le sait, la Commission n’a pas compétence pour accorder des honoraires d’avocat; elle ne peut pas non plus accorder de primes au rendement pour un travail qui n’a pas été accompli.

[320]  J’accorde à la fonctionnaire la somme de 20000 $ à titre de préjudice moral et de 20000 $ à titre d’indemnité spéciale en raison du geste délibéré et inconsidéré de l’employeur. Elle a exprimé les diverses émotions qu’elle a ressenties durant cette période très difficile, ainsi que l’humiliation et le fait qu’elle a tout perdu ce pour quoi elle avait travaillé si dur.

[321]  En tant que femme autochtone, par son dur labeur et sa persévérance, elle progressait vers une carrière accomplie comme avocate dans la fonction publique fédérale. Tout cela lui a été enlevé parce qu’elle a échoué une question dans un processus de pré-qualification en raison de l’omission de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation appropriées à son égard. Encore à ce jour, elle a l’impression qu’elle a été laissée de côté et dépréciée.

[322]  J’ai remarqué durant l’audience qu’elle a souvent eu de la difficulté à contenir sa tristesse. Ainsi, une somme de 20000 $ suffit à peine à compenser l’humiliation qu’elle a ressentie lorsqu’elle est retournée à une équipe qu’elle avait aidée à créer dans le cadre de sa première affectation au programme CAP. Malheureusement, il s’agit de la somme maximale qui peut être accordée en vertu de l’alinéa 53(2)e) de la LCDP.

[323]  L’employeur aurait aussi dû savoir que l’obligation de prendre des mesures d’adaptation nécessite une approche créative et exige que toutes les parties concernées participent au processus. Le processus de prise de mesures d’adaptation ne devrait pas être fondé sur des hypothèses ou des spéculations de l’un de ses employés ou de la direction.

[324]  Il était stupéfiant d’entendre Mme Langevin déclarer qu’elle n’avait pas vu les renseignements médicaux de la fonctionnaire ou qu’elle n’avait pas demandé de mise à jour des limites fonctionnelles de cette dernière avant d’accepter la demande de mesures d’adaptation.

[325]  De plus, je trouve scandaleux que M. Billingsley n’ait jamais répondu à la demande de la fonctionnaire pour subir un nouveau test. Il savait quel était l’enjeu pour elle, mais il a refusé d’exercer l’un de ses pouvoirs pour régler la situation. Je considère qu’il s’agit d’un comportement inconsidéré de la part de l’employeur.

[326]  Pour ces motifs, j’accorde à la fonctionnaire la somme de 20000 $ en dommage‑intérêt en vertu du paragraphe 53(3) de la LCDP.

VIII. Conclusion

[327]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance suivante :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


IX. Ordonnance

[328]  Le grief est accueilli.

[329]  Dans un délai de 90 jours, l’employeur devra réintégrer la fonctionnaire au groupe et au niveau LA-2A, avec pleine compensation pour tous les revenus et avantages perdus, y compris les frais professionnels impayés, depuis la fin de sa protection salariale, en mars 2013, jusqu’à la date de sa réintégration. En vertu de l’alinéa 226(2)c) de la Loi, comme il s’agit d’un grief portant sur une rétrogradation, j’ai le pouvoir d’accorder des intérêts. L’employeur lui versera aussi des intérêts simples sur ce montant calculé annuellement au taux établi par la Banque du Canada.

[330]  Dans un délai de 90 jours, l’employeur versera à la fonctionnaire des dommages‑intérêts de 20000 $ en vertu de l’alinéa 53(2)e) de la LCDP pour préjudice moral et de 20000 $ en vertu du paragraphe 53(3) de la LCDP pour son comportement délibéré et inconsidéré et son attitude indifférente envers elle. De plus, en vertu de l’alinéa 226(2)c) de la Loi, l’employeur lui versera des intérêts sur les deux montants, calculés annuellement au taux établi par la Banque du Canada, à compter de la date de la rétrogradation.

[331]  Le dossier médical de la fonctionnaire et ses rapports médicaux connexes seront mis sous scellés.

[332]  Je demeurerai saisie pendant une période de 120 jours de toute question pouvant découler de la mise en œuvre de la présente ordonnance.

Le 21 juin 2019.

Traduction de la CRTESPF

Chantal Homier-Nehmé,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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