Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a présenté une plainte à l’encontre de la décision de sa gestionnaire de réduire son horaire de travail après qu’il ait annoncé son intention de devenir délégué syndical – le plaignant se plaignait aussi que sa gestionnaire l’avait menacé d’une plainte de harcèlement à l’égard de l’exercice de ses fonctions de délégué syndical – la Commission a conclu que le paragraphe 191(3) de la Loi renversait le fardeau de la preuve et qu’il incombait au défendeur d’établir que la plainte n’était pas fondée – la Commission a conclu que le défendeur ne s’est pas déchargé de ce fardeau à l’égard de la réduction de l’horaire de travail du plaignant – la Commission a ordonné au défendeur de payer au plaignant la rémunération à laquelle il aurait eu droit, n’eût été de la réduction de son horaire de travail – la Commission a aussi ordonné au défendeur de payer au plaignant des dommages au titre de préjudice psychologique.


Plainte accueillie.

Contenu de la décision

Date:  20190708

Dossier:  561-02-00808

Référence:  2019 CRTESPF 68

Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

ENTRE

Marc-André Choinière Lapointe

plaignant

et

SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

défendeur

Répertorié

Choinière Lapointe c. Service correctionnel du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant :  Nathalie Daigle, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Valérie Charette, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour le défendeur :  Andréanne Laurin, avocate

Affaire entendue à Sherbrooke (Québec),

les 28 et 29 août et les 17 et 18 octobre 2018.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Introduction

[1]  Marc-André Choinière Lapointe (le « plaignant ») a déposé le 28 juillet 2016 une plainte de pratique déloyale de travail. Dans cette plainte, il allègue qu’Andrée Ménard, sa gestionnaire à l’Établissement de Cowansville (l’« Établissement ») du Service correctionnel Canada (le « Service »), a fait à son égard des distinctions illicites en matière de conditions d’emploi, entre autres en réduisant son horaire de travail parce qu’il était un représentant d’une organisation syndicale, et en le menaçant par la suite de déposer une plainte de harcèlement contre lui parce qu’il exerçait les fonctions de délégué syndical.

[2]  Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

[3]  Pour les raisons qui suivent, j’accueille la plainte. Je conclus que les éléments de preuve sont insuffisants pour démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le Service n’a pas fait, à l’égard du plaignant, de distinctions illicites en matière de conditions d’emploi parce que ce dernier était un représentant d’une organisation syndicale.

II. Questions préliminaires

A. Identification du défendeur

[4]  Le dossier devant moi n’identifie pas clairement si la plainte vise Mme Ménard ou le Service.

[5]  Je constate que les faits reprochés dans la plainte relèvent de l’autorité que Mme Ménard détenait à titre de gestionnaire au Service. Je remarque aussi que les mesures de réparations recherchées par le plaignant ne sont pas du ressort de Mme Ménard, à titre personnel, mais relèvent plutôt des attributions de son employeur.

[6]  Je note aussi que le Service s’est clairement senti directement visé par la plainte, qu’il y a pris fait et cause à titre de défendeur et qu’il n’a traité Mme Ménard que comme un témoin tout au long de la procédure devant moi.

[7]  Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que le Service est le défendeur dans l’affaire devant moi.

B. Fardeau de la preuve

[8]  Essentiellement, le plaignant allègue que, en réduisant son horaire travail, le Service a contrevenu au sous-alinéa 186(2)a)(i) de la Loi, qui lui interdisait de faire à l’égard du plaignant des distinctions illicites en matière de conditions d’emploi parce que ce dernier était un représentant de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« Institut »).

[9]  À l’époque où la plainte a été présentée, l’article 185 et le sous-alinéa 186(2)a)(i) de la Loi étaient libellés comme suit :

185 Dans la présente section, pratiques déloyales s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

186 (2) Il est interdit à l’employeur, à la personne qui agit pour le compte de celui-ci et au titulaire d’un poste de direction ou de confiance, que ce dernier agisse ou non pour le compte de l’employeur :

a) de refuser d’employer ou de continuer à employer une personne donnée, ou encore de la suspendre, de la mettre en disponibilité, ou de faire à son égard des distinctions illicites en matière d’emploi, de salaire ou d’autres conditions d’emploi, de l’intimider, de la menacer ou de prendre d’autres mesures disciplinaires à son égard pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

(i) elle adhère à une organisation syndicale ou en est un dirigeant ou représentant — ou se propose de le faire ou de le devenir, ou incite une autre personne à le faire ou à le devenir —, ou contribue à la formation, la promotion ou l’administration d’une telle organisation,

[Le passage en caractère gras l’est dans l’original]

[10]  En tout temps depuis les faits qui ont donnés lieu à la plainte, le paragraphe 191(3) de la Loi prévoyait ce qui suit :

191(3) La présentation par écrit, au titre du paragraphe 190(1), de toute plainte faisant état d’une contravention, par l’employeur ou la personne agissant pour son compte, du paragraphe 186(2), constitue une preuve de la contravention; il incombe dès lors à la partie qui nie celle-ci de prouver le contraire.

[11]  Le Service m’a renvoyée à Laplante c. Conseil du Trésor (Industrie Canada et le Centre de recherches sur les communications), 2007 CRTFP 95, aux paragraphes 84 et 88, afin d’appuyer son argument voulant que le plaignant n’ait pas démontré que sa plainte vise une pratique déloyale de travail et que le renversement du fardeau de la preuve ne peut donc être engagé. Le paragraphe 88 de cette décision se lit comme suit :

[88]  En conclusion, la plaignante doit remplir une première condition pour que la disposition relative au renversement de la charge de la preuve puisse être appliquée. Avant que l’on puisse demander à l’employeur de prouver qu’il n’a pas contrevenu aux interdictions, la plaignante doit se fonder sur une des circonstances prévues au paragraphe 186(2) de la nouvelle Loi. Sans une preuve à cet égard, la plainte est irrecevable et le renversement de la charge de la preuve ne peut s’effectuer. Dans le présent dossier, Mme Laplante n’a pas démontré que sa plainte satisfait aux circonstances d’une plainte de pratiques déloyales.

[12]  Je note cependant que, bien que le paragraphe 88 de Laplante puisse donner l’impression que le plaignant soit assujetti à un fardeau initial de preuve, cette impression se dissipe lorsque le paragraphe 88 est lu à la lumière de l’ensemble des motifs donnés par la Commission. Le paragraphe 85 indique que « […] les allégations doivent nécessairement préciser ces éléments pour que le renversement de la charge de la preuve puisse recevoir application ». De plus, le paragraphe 87 spécifie que « […] le renversement de la charge de la preuve ne peut s’effectuer […] seulement lorsque le plaignant allègue que l’employeur a contrevenu aux interdictions du paragraphe - […] dans les circonstances énoncées aux paragraphes a), b) ou c) […] ». Je retiens donc de Laplante que le renversement du fardeau de la preuve survient lorsque les allégations d’une plainte visent clairement la contravention de l’une des interdictions prévues au paragraphe 186(2) de la Loi.

[13]  Le Service a aussi porté à mon attention les décisions Gray et Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 11, au paragraphe 79, et Quadrini c. Agence du revenu du Canada et Hillier, 2008 CRTFP 37, aux paragraphes 20 à 33. Le paragraphe 79 de Gray se lit comme suit :

[79]  Selon la jurisprudence de la Commission, un plaignant doit présenter une cause défendable [« arguable case » dans la version originale anglaise] de violation du paragraphe 186(2) de la Loi avant que l’inversion du fardeau de la preuve n’entre en vigueur; voir Quadrini, Manella et Hager et al. Comme la Commission l’a indiqué au paragraphe 32 de Quadrini : « […] la question essentielle à trancher est la suivante : si l’on tient pour acquis que tous les faits allégués dans la plainte sont vrais, y a-t-il une preuve soutenable [« arguable case » dans la version originale anglaise] que les défendeurs ont violé les sous-alinéas 186(2)a)(iii) ou (iv) de la nouvelle Loi? »

[14]  Je note que, bien que la version française du paragraphe 79 de Gray — contrairement à sa version originale anglaise — puisse laisser entendre que le plaignant ait un fardeau initial de preuve, il appert clairement du paragraphe 93 de la même décision qu’il incombait à la défenderesse de prouver que la plainte n’était pas fondée. De plus, je note que, dans Quadrini, la Commission, se prononçant dans une demande de rejet de la plainte (sans audience) pour défaut de compétence, a indiqué que, en prenant pour avérées les allégations à l’appui d’une plainte, ces allégations doivent révéler l’existence d’un argument défendable voulant qu’une pratique déloyale de travail ait eu lieu.

[15]  Selon le Service, le plaignant n’a pas offert un argument défendable à savoir que le Service ait contrevenu à l’interdiction énoncée au sous-alinéa 186(2)a)(i) de la Loi.

[16]  Le plaignant, quant à lui, a porté à mon attention Quadrini, aux paragraphes 25, 28, 45 et 47. Le paragraphe 25 se lit comme suit :

[25]  L’inversion du fardeau de la preuve à laquelle fait référence le paragraphe 191(3) de la nouvelle Loi est inhabituelle dans ce cadre législatif et constitue clairement une exception par rapport au fait que, normalement, dans les affaires devant la CRTFP, c’est à la partie qui allègue une violation qu’incombe la charge de la preuve. Cette disposition indique manifestement que, selon le législateur, les actions relevant du paragraphe 186(2) se produiraient dans des circonstances exceptionnelles nécessitant une approche différente relativement au fardeau de la preuve, afin d’établir des règles du jeu équitables pour les deux parties.

[17]  Le paragraphe 28 de Quadrini, à son tour, précise ce qui suit :

[28]  D’après une interprétation stricte du paragraphe 191(3) de la nouvelle Loi ou du paragraphe 98(4) du Code, la CRTFP ou le Conseil canadien des relations industrielles (le « CCRI »), selon le cas, doit considérer l’existence d’une plainte écrite selon laquelle un employeur ou une personne agissant pour son compte n’a pas observé l’une des interdictions prévues par la loi visées aux paragraphes en question comme une preuve [« as proof » dans la version originale anglaise] qu’une faute a été commise. Il incombe alors à la partie adverse de prouver que ce ne fut pas le cas.

[18]  La Commission notait aussi au paragraphe 45 de cette décision qu’« [i]l est encore et toujours essentiel, pour assurer l’intégrité des régimes des relations de travail […] que les personnes aient la possibilité d’exercer les droits qui leur ont été accordés par ces lois sans avoir à craindre des représailles […] ». La Commission concluait alors au paragraphe 47 que « […] le concept de représailles constitue le contexte fondamental dans lequel une plainte de pratique déloyale de travail de ce genre doit être examinée […] ».

[19]  Le plaignant a aussi porté à mon attention les paragraphes 37, 38 et 41 de Hager c. Opération des enquêtes statistiques et le ministre responsable de Statistique Canada, 2009 CRTFP 80 (« Hager (2009) »). Le paragraphe 41 précise qu’un argument défendable voulant qu’une pratique déloyale de travail ait eu lieu peut exister, bien qu’il ne s’appuie pas sur la meilleure interprétation des faits ou même sur une bonne interprétation de ces faits. Ce qui importe c’est qu’il y ait un argument défendable voulant que la décision du défendeur soit liée aux activités syndicales du plaignant. Je note cependant que, tout comme dans Quadrini, la Commission devait trancher une demande de rejet de la plainte, sans audience, pour défaut de compétence.

[20]  Le plaignant a donc soutenu que les allégations à l’appui de sa plainte révèlent l’existence d’un argument défendable voulant qu’une pratique déloyale de travail ait eu lieu, ce qui fait en sorte que le paragraphe 191(3) de la Loi renverse le fardeau de la preuve et exige que le Service prouve qu’il n’a pas contrevenu à l’interdiction énoncée au sous-alinéa 186(2)a)(i) de la Loi.

[21]  La question essentielle à trancher ici est donc la suivante : les allégations à l’appui de la plainte visent-elle des contraventions de l’interdiction énoncée au sous‑alinéa 186(2)a)(i) de la Loi? Je conclus que oui. La plainte écrite allègue de façon claire de quelle façon Mme Ménard aurait fait des distinctions illicites en matière d’emploi à l’égard du plaignant. Les allégations à l’appui de la plainte précisent que Mme Ménard a réduit l’horaire de travail du plaignant au motif qu’il était délégué syndical à l’époque en question et l’a par la suite menacé de déposer une plainte de harcèlement contre lui au motif qu’il exerçait les fonctions de délégué syndical. Ces allégations visent clairement des contraventions de l’interdiction énoncée au sous-alinéa 186(2)a)(i) de la Loi. En conséquence, le paragraphe 191(3) de la Loi crée une présomption réfutable voulant que la plainte soit fondée, ce qui impute au Service le fardeau de prouver qu’il n’a pas contrevenu à l’interdiction énoncée au sous-alinéa 186(2)a)(i) de la Loi.

III. Contexte

[22]  Lors du dépôt de la plainte, certains infirmiers aux Services de santé de l’Établissement occupaient des postes à temps plein à durée indéterminée. D’autres occupaient des postes à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminée. Certains avaient d’abord occupé des postes à temps partiel à durée déterminée.

[23]  Les infirmiers aux Services de santé de l’Établissement qui occupaient des postes à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminée avaient la garantie d’un horaire de travail comptant au moins 18,75 heures par semaine. Tout dépendant des exigences opérationnelles, leurs horaires de travail pouvaient être majorés pour des durées déterminées.

[24]  À l’époque du litige devant moi, tous les infirmiers aux Services de santé de l’Établissement qui occupaient des postes à temps partiel (18,75 heures/semaine) avaient un horaire de travail à durée déterminée de 37,50 heures par semaine.

IV. Résumé de la preuve

[25]  Comme je l’ai indiqué auparavant dans cette décision, le paragraphe 191(3) de la Loi crée une présomption réfutable voulant que la plainte soit fondée. Il incombe donc au Service de prouver qu’il n’a pas fait à l’égard du plaignant des distinctions illicites en matière de conditions d’emploi, entre autres en réduisant son horaire de travail, parce que ce dernier était un représentant d’une organisation syndicale et en le menaçant par la suite de déposer une plainte de harcèlement contre lui parce qu’il exerçait les fonctions de délégué syndical.

[26]  Deux personnes ont témoigné au nom du Service : Andrée Ménard, qui occupait au moment du dépôt de la plainte le poste de chef, Services de santé à l’Établissement, et Christine Perreault, qui occupait au moment du dépôt de la plainte le poste de directrice, Services de santé, région du Québec pour le Service.

[27]  Au cours de l’audience, le plaignant a témoigné pour présenter sa version des faits. Il a également convoqué deux témoins : Julie Perkins, infirmière à l’Établissement, et Richard Doyle, infirmier à l’Établissement Joliette pour femmes. M. Doyle fait également partie de l’équipe de consultation patronale-syndicale nationale en tant que représentant de l’Institut pour la Région du Québec du Service.

[28]  Mme Ménard, qui ne travaille plus pour le Service, a témoigné pour le Service. Elle a expliqué qu’elle était chef, Services de santé à l’Établissement de 2000 à 2018. Entre novembre 2013 et mars 2016, toutefois, elle a occupé de façon intérimaire le poste de directrice, Services de santé, région du Québec pour le Service. Elle a pris sa retraite de la fonction publique en août 2018. Elle a précisé que Benoit Henry, infirmier, a assuré l’intérim pendant son absence de son poste de chef, Services de santé à l’Établissement.

[29]  À la mi-mars 2016, lorsque Mme Ménard est revenue à l’Établissement, le plaignant a demandé à la rencontrer pour lui annoncer son intention de devenir délégué syndical. Mme Ménard a dit qu’elle savait que le plaignant allait lui annoncer cela pendant cette rencontre. Elle avait eu vent de l’intention du plaignant de devenir délégué syndical.

[30]  La rencontre a donc eu lieu et le plaignant, M. Henry et elle étaient présents. Elle a dit avoir démontré de la surprise à la suite de l’annonce du plaignant car un autre infirmier était déjà délégué syndical dans l’équipe des 11 infirmiers. Elle trouvait cela bizarre qu’il y ait deux délégués syndicaux pour une équipe de 11 personnes. Elle a ajouté qu’au cours des 20 dernières années, il n’y avait eu aucun délégué syndical dans l’équipe, et que là il y en aurait 2.

[31]  Lors de son témoignage, Mme Ménard a été informée que le plaignant démontrerait, preuve à l’appui, qu’en 2016, aucun autre infirmier de l’équipe n’était délégué syndical. Plutôt, le plaignant était le premier infirmier de l’équipe à avoir obtenu sa désignation de délégué syndical et un autre infirmier de l’équipe a reçu sa désignation un an plus tard. En réponse à cet énoncé, Mme Ménard a dit qu’elle croyait que l’autre infirmier était le premier à avoir été désigné délégué syndical, que c’est ce que quelqu’un lui avait dit.

[32]  Lors de cette rencontre à la mi-mars 2016, Mme Ménard se souvient avoir offert au plaignant l’occasion de devenir son adjoint s’il était à la recherche d’un défi. Mme Ménard a expliqué qu’elle l’avait sollicité, car elle reconnaissait en lui des qualités de meneur - qualités qui constituent un atout pour une équipe de travail, a-t-elle ajouté, lorsqu’elles sont appliquées dans un contexte positif de concertation et de coopération. Mme Ménard a déclaré, au sujet du plaignant, qu’elle l’aimait beaucoup et qu’elle avait voulu lui apporter de l’aide pour favoriser la progression de sa carrière.

[33]  Mme Ménard a affirmé que le fait d’avoir discuté avec le plaignant de ses motivations à devenir délégué syndical et de lui avoir offert l’occasion de devenir son adjoint ne constituait pas une intervention dans l’administration de l’Institut. Elle n’a jamais dit au plaignant qu’elle ne voulait pas qu’il devienne délégué syndical. Elle connait très bien le bien-fondé des activités syndicales.

[34]  Mme Ménard a expliqué que, déjà en 2014, avant de quitter temporairement son poste à l’Établissement, des indicateurs de ressourcement avaient été adoptés par le Service et les budgets régionaux étaient dorénavant alloués en fonction de la population carcérale. Ceci avait fait l’objet de discussions au comité de gestion des ressources humaines de la région du Québec du Service. Toutefois, les horaires de travail à durée déterminée du personnel infirmier de l’Établissement n’avaient pas été réduits à ce moment. Ce n’est que plus tard, en 2016, que les horaires de travail à durée déterminée ont dû être réduits.

[35]  Mme Ménard a expliqué qu’en mars 2016, elle est revenue dans son poste à l’Établissement. Or, le budget des Services de santé à l’Établissement avait été réduit et elle s’est vue obligée de s’assurer qu’elle utiliserait ses ressources de façon optimale. Elle n’avait pas le choix de couper des heures de travail aux Services de santé.

[36]  Mme Ménard a expliqué qu’elle avait d’abord réduit les horaires de travail à durée déterminée de deux infirmières occupant des postes à temps partiel à durée déterminée. Elle a expliqué qu’elle avait ensuite utilisé le critère de l’ancienneté pour réduire l’horaire de travail à durée déterminée du plaignant le 18 mai 2016. Parmi les quatre infirmiers aux Services de santé de l’établissement qui occupaient des postes à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminée, c’était lui qui avait le moins d’ancienneté : il avait été embauché le dernier. Elle a précisé que les trois autres infirmiers avaient tous plus d’ancienneté que lui et étaient très performants au travail.

[37]  Mme Ménard a affirmé que, le 17 mai 2016, elle a ainsi annoncé au plaignant qu’elle réduisait son horaire de travail à durée déterminée de 37,5 à 22,5 heures par semaine. Elle a confirmé qu’elle avait profité de cette rencontre pour déclarer au plaignant qu’elle n’appréciait pas son comportement. Selon elle, elle a dit au plaignant : « Tu es le moins ancien et ton attitude au travail ne reflète pas les valeurs de mon équipe. »

[38]  À l’audience, Mme Ménard a expliqué qu’elle considérait que le plaignant était arrogant, méprisant et paresseux. Elle a dit que, pendant les trois ans où elle avait occupé le poste de directrice, Services de santé, région du Québec pour le Service, elle avait entendu parler de lui. Elle a dit, toutefois, qu’elle ne voulait pas divulguer l’identité des personnes qui lui avaient rapporté des choses à son sujet. Cependant, elle a indiqué qu’au cours d’une fête de Noël où elle avait croisé le plaignant, elle en avait profité pour lui dire en privé que des individus rapportaient à son sujet qu’il avait une attitude arrogante envers les détenus.

[39]  Mme Ménard a mentionné que les comportements d’incivilité sont inacceptables au bureau. Elle a expliqué qu’en 2016, d’ailleurs, elle est intervenue auprès de plusieurs infirmiers des Services de santé à l’Établissement afin de leur faire part de ceci. Elle a expliqué que ce climat est celui dans lequel elle a décidé d’appliquer le critère de l’ancienneté pour réduire les horaires de travail à durée déterminée en mai 2016. Or, a-t-elle ajouté, après avoir réduit l’horaire de travail à durée déterminée du plaignant, des problèmes de relation de travail entre le plaignant et elle‑même sont survenus.

[40]  Mme Ménard a fait valoir que ses paroles au cours de sa rencontre du 17 mai 2016 avec le plaignant ne démontrent pas qu’elle éprouvait de l’animosité envers lui parce qu’il exerçait des fonctions syndicales, même si, elle le concède, ses paroles étaient maladroites. Elle a fait valoir que sa décision de réduire l’horaire de travail à durée déterminée du plaignant était une décision légitime de gestion.

[41]  Mme Ménard a ajouté qu’elle avait été témoin un matin à son arrivée à l’Établissement d’une situation où le plaignant jasait calmement vers 8 h 15 avec un autre infirmier, aussi délégué syndical. À cette heure, il y avait beaucoup à faire et elle leur avait dit : « Il n’est que 8 h 15 et vous êtes déjà assis à jaser! » Or, le plaignant lui avait répondu : « Prends le temps d’arriver! ». Elle avait trouvé cela méchant et arrogant. En plus, ce comportement démontrait, selon elle, de la paresse. Elle a affirmé avoir souvent subi l’arrogance du plaignant.

[42]  Mme Ménard a précisé que, peu après l’embauche du plaignant, elle lui avait déjà fait remarquer à une occasion qu’elle n’avait pas compris le ton cinglant qu’il avait employé. Le plaignant l’avait remercié de lui en faire la remarque et il s’était engagé à faire attention à son intonation.

[43]  Lors de leur rencontre du 17 mai 2016, Mme Ménard a aussi dit au plaignant qu’elle n’appréciait pas son comportement parce qu’elle devait considérer certains déficits au niveau de son rendement. Elle a reconnu que ces déficits n’avaient pas encore fait l’objet de rencontres, toutefois.

[44]  Plus tard, dans l’entente de rendement qu’elle a préparée à l’égard du plaignant pour l’exercice 2016-2017, Mme Ménard a précisé ses attentes. Elle a ajouté ceci comme attente en juin 2016 :

[…]

Gestionnaire ou superviseur : Suite à des informations reçues de divers intervenants et certaines observations de sa gestionnaire en début d’année, nous avons signalé à Marc-André certains points d’améliorer dans son attitude au travail et on a établi clairement nos attentes avec lui.

Nous sommes très satisfaits des améliorations observées et des feedback positifs reçus à son égard. Marc-André a clairement offert une meilleure collaboration et communication à l’équipe et les partenaires par la suite. Il a offert son aide régulièrement à ses collègues et est resté respectueux dans tout les échanges dont j’ai moi-même été témoin.

Par contre, nous avons observé qu’il est encore difficile pour lui de communiquer directement avec sa gestionnaire pour obtenir des précisions ou faire des demandes. Il passe par un tiers pour les obtenir

(ex. procédure locale pauses-repas, demande de CA).

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[45]  Mme Ménard a précisé qu’en juin 2016, le plaignant l’ignorait et n’inscrivait plus « bonjour » dans ses courriels. Puisqu’elle trouvait son comportement inacceptable, elle a exigé de le rencontrer le 21 juin 2016. Le plaignant s’est présenté accompagné d’un témoin. Mme Ménard a précisé au plaignant qu’il était très méprisant à son égard, qu’elle considérait que son attitude blessante à son égard était possiblement du harcèlement et elle leur a montré la Politique sur la prévention et la résolution du harcèlement. Elle a demandé que le plaignant cesse de la traiter ainsi sinon elle déposerait une plainte contre lui.

[46]  Mme Ménard a précisé qu’à la suite de la rencontre du 21 juin 2016, le plaignant a cessé de l’ignorer, qu’il a commencé à la saluer et qu’il utilisait un ton adéquat. Tout s’est bien déroulé jusqu’à l’incident du 14 juillet 2016.

[47]  Mme Ménard a admis qu’elle était stressée le 14 juillet 2016 puisqu’elle était sur le point de quitter son bureau lorsque le plaignant lui a annoncé qu’il quittait son poste pour faire l’inspection d’un incident. Comme le plaignant ne lui avait fourni aucun détail concernant l’urgence de faire l’inspection, elle n’a pas apprécié qu’il l’informe qu’il quittait son poste et qu’il laissait un autre infirmier dépourvu d’aide. Elle a ajouté qu’il s’agissait d’un autre exemple de malice de la part du plaignant - de son attitude malicieuse - et que « cela démontre comment il fait les choses ». Elle a précisé qu’il lui avait annoncé « de façon frivole, nonchalante, avec désinvolture » qu’il devait faire une inspection de santé et sécurité au travail. C’était tout. Selon elle, s’il n’avait pas eu d’intention malicieuse, il lui aurait demandé la permission de faire l’inspection et aurait précisé que ce ne serait pas long. Dans un tel cas, elle aurait collaboré. Toutefois, étant donné la situation, elle a fortement réagi en lui disant qu’il ne pouvait pas abandonner son poste et l’autre infirmier puisqu’il était en devoir.

[48]  Selon Mme Ménard, ce type de comportement adopté par le plaignant le 14 juillet 2016 (entretenir des rapports malsains et faire preuve de malice) expose l’insécurité des gestionnaires et détériore davantage les relations de travail. Or, à son retour de réunion, Mme Ménard a pris le temps de s’excuser auprès du plaignant, en présence de trois autres infirmiers. Elle a reconnu que ses propos au plaignant, à savoir qu’il devait avant tout remplir ses fonctions d’infirmier, avaient pu le mettre en conflit de loyauté par rapport à l’autre tâche qui lui avait été assignée.

[49]  Mme Ménard a aussi précisé avoir aussitôt informé son superviseur de l’incident du 14 juillet 2016, puisqu’elle savait, instinctivement, que le plaignant demanderait une réparation. Or, elle a ajouté que cette tension entre le plaignant et elle n’était pas une preuve de son hostilité envers l’Institut ou ses représentants. L’inspection de santé et sécurité au travail n’était pas liée au rôle de délégué syndical du plaignant. De plus, la réaction de Mme Ménard n’était pas liée au fait qu’une inspection de santé et sécurité au travail devait être effectuée, seulement au fait que le plaignant agissait avec une intention malicieuse à son égard.

[50]  Mme Ménard a précisé que, le 13 janvier 2017, elle a demandé de renouveler les horaires de travail à durée déterminée des 4 infirmiers détenant un poste à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminée. Toutefois, le 8 février 2017, elle a reçu une réponse négative à sa demande. Elle devait encore diminuer le nombre d’heures de travail. Elle a donc coupé les 3,75 heures qui restaient à l’horaire de travail à durée déterminée du plaignant et elle a coupé 11,25 heures à Mme Perkins, qui avait été embauchée un mois avant le plaignant. Plus tard, Mme Ménard a aussi dû retrancher des heures à un infirmier embauché avant Mme Perkins.

[51]  Mme Ménard a ajouté qu’en 1987 ou 1988, elle a aussi été déléguée syndicale pour l’Institut pendant cinq ans. Elle a aimé cette expérience. Elle a dit avoir eu le privilège de se joindre à un très beau groupe de personnes. Tous ont aussi bien cheminés. Elle a le sentiment que cette expérience lui permet d’être une meilleure gestionnaire puisqu’elle comprend maintenant les intérêts des deux parties. De plus, selon elle, son ancienne implication auprès de l’Institut démontre qu’elle n’a pas de sentiment antisyndical. De même, elle a ajouté avoir libéré le plaignant pour lui permettre de participer aux rencontres patronale-syndicales et régionales du Service.

[52]  Mme Ménard a aussi mentionné que l’horaire de travail à durée déterminée du plaignant a été majoré de 11,25 heures par semaine du 1er janvier au 18 février 2018 à cause des besoins organisationnels. Il a diminué de 11,25 heures par semaine par la suite. Mme Ménard avait un vague souvenir, également, qu’à une occasion, le plaignant avait décliné une offre d’heures supplémentaires puisqu’il réservait cette période pour des études.

[53]  Enfin, Mme Ménard a noté que, lors de l’audience devant moi, le plaignant occupait de façon intérimaire le poste de chef, Services de santé à l’Établissement. Elle a convenu qu’il ne s’agissait pas d’un travail facile, et qu’il avait accepté d’occuper ces fonctions dans un contexte où personne ne voulait le faire.

[54]  Mme Perreault, quant à elle, a précisé qu’elle travaille au Service depuis 1986. Elle est psychologue accréditée et était, au moment de l’audience, conseillère spéciale, Services de santé, pour la région du Québec du Service. Du 2 avril 2012 au 10 juin 2018, elle était directrice, Services de santé, pour la région du Québec du Service. Elle a expliqué qu’il y a cinq directeurs régionaux des Services de santé au Service, un pour chaque région du pays.

[55]  Mme Perreault a énoncé certains des pouvoirs qui lui étaient délégués de 2012 à 2018 et elle a expliqué qu’il existe trois paliers décisionnels au sein des Services de santé pour la région du Québec du Service. Les infirmiers, qui offrent des soins de première ligne, se rapportent aux chefs des Services de santé des divers établissements, qui, eux, se rapportent au gestionnaire des Services cliniques pour la région du Québec du Service. Ce dernier, quant à lui, se rapporte à la directrice de Services de santé pour la région du Québec du Service.

[56]  Mme Perreault a expliqué que, lorsqu’elle occupait le poste de directrice, Services de santé, pour la région du Québec du Service, elle était responsable et imputable de la gestion de son budget et de l’atteinte de ses objectifs.

[57]  Mme Perreault a donné un aperçu du nombre d’équivalents temps plein (un équivalent temps plein équivaut à 37,5 heures/semaine) qui était alloué aux Services de santé de l’Établissement en fonction des indicateurs de ressourcement adoptés par le Service. En bref, en 2015-2016, étant donné la population carcérale de 657 détenus à l’Établissement, les Services de santé à l’Établissement avaient droit à 13 équivalents temps plein.

[58]  En 2016-2017, étant donné que la population carcérale de l’Établissement était réduite à 531 détenus, les Services de santé à l’Établissement auraient normalement eu droit à 11 équivalents temps plein. Puisque les infirmiers des Services de santé de l’Établissement partageaient 11,8 équivalents temps plein au début de cette année financière, Mme Ménard aurait dû réduire ce nombre à 11. Toutefois, elle a obtenu 11,4 équivalents temps plein, et ce nombre était lié aux besoins organisationnels légitimes de l’Établissement. Plus précisément, il était nécessaire de prendre des dispositions à l’égard de la nouvelle pharmacie régionale, de mettre en œuvre un système de dossiers électroniques et de gérer les problèmes de paye causés par le système Phénix. C’est dans ce contexte que Mme Ménard a décidé de réduire l’horaire de travail à durée déterminée du plaignant de 15 heures par semaine, soit l’équivalent de 0,4 équivalent temps plein.

[59]  En 2017-2018, étant donné que la population carcérale de l’Établissement était réduite à 488 détenus, les Services de santé à l’Établissement avaient droit à 10 équivalents temps plein. Donc, ils devaient passer de 11,4 équivalents temps plein à 10. Mme Ménard a donc réduit l’horaire de travail à durée déterminée du plaignant au nombre d’heures garanties par son poste à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminée et lui a retranché 3,75 heures par semaine, ou 0,1 équivalent temps plein. Elle a aussi retranché 11,25 heures, ou 0,3 équivalent temps plein, à Mme Perkins, qui avait été embauchée un mois avant le plaignant. Enfin, Mme Ménard a transféré Mme Brien à l’équipe de santé mentale de l’Établissement (un équivalent temps plein), puisqu’elle travaillait à temps plein et avait plus d’ancienneté que le plaignant et Mme Perkins, pour rencontrer son objectif de 10 équivalents temps plein aux Services de santé de l’Établissement.

[60]  Mme Perreault a précisé que le nombre d’heures garanties par un poste à durée indéterminée ne peut être réduit. Par contre, les horaires de travail à durée déterminée ne sont pas garantis. Quand les besoins opérationnels augmentent, les horaires de travail à durée déterminée sont majorés. Par contre, quand les besoins opérationnels diminuent, les horaires de travail à durée déterminée sont réduits. À l’Établissement, il revenait à Mme Ménard de décider comment répartir les heures de travail pour respecter les ressources allouées aux Services de santé de l’Établissement.

[61]  Mme Perreault a déclaré que la décision visant la réduction de l’horaire de travail à durée déterminée du plaignant était uniquement basée sur les besoins organisationnels et le budget alloué aux Services de santé de l’Établissement. Toutefois, Mme Perreault a précisé qu’elle n’avait aucune raison de douter de la véracité des descriptions que le plaignant a préparées à l’égard des incidents entre lui et Mme Ménard.

[62]  Mme Perreault a mentionné qu’il existe différentes façons de couper des heures de travail dans une organisation. Une façon est d’appliquer la règle de l’ancienneté. L’horaire de travail à durée déterminée des employés qui ont le moins d’ancienneté est réduit. Selon Mme Perreault, c’est la règle la plus objective possible, aussi longtemps que cette règle est connue et appliquée de la même façon à tous les employés.

[63]  Dans le cas de la réduction de l’horaire de travail à durée déterminée du plaignant, Mme Perreault a précisé que Mme Ménard avait identifié les dates d’entrée en fonction des quatre infirmiers aux Services de santé de l’établissement qui occupaient des postes à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminée. En appliquant la méthode de la première entrée en fonction à durée déterminée aux infirmiers détenant des postes à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminée, le plaignant était le dernier entré en fonction. Selon Mme Perreault, c’était la méthode annoncée et appliquée à l’Établissement.

[64]  Mme Perreault a confirmé qu’une autre façon de couper des heures de travail est de réduire également l’horaire de travail à durée déterminée de chaque employé, peu importe son ancienneté. C’est la méthode qui a été choisie à l’Établissement Joliette pour femmes.

[65]  En général, toutefois, la méthode de l’ancienneté l’emporte, selon Mme Perreault, dans les neuf établissements de la région du Québec du Service. Ce qui importe, de toute façon, c’est que la méthode soit communiquée aux employés et appliquée à tous.

[66]  Mme Perreault a aussi donné un troisième exemple de situation où il est permis de couper des heures de travail. Si quelqu’un remplaçait le titulaire d’un poste et que ce titulaire revenait dans son poste, l’horaire de travail à durée déterminée serait réduit.

[67]  De plus, Mme Perreault a ajouté que Mme Ménard avait l’habitude de défendre farouchement les intérêts du personnel sous sa responsabilité. C’est donc à contrecœur qu’elle a retranché des heures de travail aux infirmiers des Services de santé de l’Établissement.

[68]  Mme Perreault a aussi précisé que ses propres échanges avec l’Institut étaient positifs, qu’elle avait toujours établi une bonne collaboration avec les délégués syndicaux. Au sujet du plaignant, elle a ajouté qu’elle avait constaté une évolution positive dans son approche et que c’était beau à voir. Il avait pris de l’assurance et s’exprimait désormais avec aisance, en étant plus préparé.

[69]  Mme Perreault a été questionnée au sujet de l’énoncé suivant, qui est inclus dans la décision qu’elle a rendue au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs individuels, à l’égard du grief que le plaignant a présenté pour contester la réduction de son horaire de travail à durée déterminée le 16 juin 2016 :

[…]

[…] Dans un contexte régulier et dans celui de réduction des besoins de l’organisation, le rendement peut être utilisé comme base de décision pour une réduction d’heures. Cependant, il ne peut l’être que si les autres mesures correctives (rencontres en ce sens documentée [sic] au dossier de l’employé, resserrement des objectifs de l’entente de rendement, plan d’action) n’ont pas entraîné les effets attendus.

[…]

[70]  Mme Perreault a confirmé toujours être de l’avis qu’une décision de réduire un horaire de travail peut être prise si l’aide offerte à un employé n’a pas porté fruits. Toutefois, a-t-elle ajouté, il s’agit d’une dernière mesure, quand toutes les autres alternatives mentionnées n’ont pas fonctionnées. Ici, elle a reconnu que, si le plaignant avait un problème de rendement, le Service n’avait pas encore commencé à le gérer.

[71]  Enfin, Mme Perreault a reconnu que la réduction des horaires de travail des infirmiers selon la méthode de l’ancienneté n’était pas la méthode documentée de l’Établissement. À sa connaissance, le gestionnaire des Services cliniques de la région du Québec du Service avait discuté de la réduction des horaires de travail avec les différents chefs des Services de santé se rapportant à lui, mais elle n’était pas certaine que cela soit reflété dans des procès-verbaux de réunion. Elle a reconnu qu’aucune politique du Service ne mentionne cette règle de l’ancienneté, et a confirmé avoir bien cherché l’origine de cette règle, mais elle a indiqué ne rien avoir trouvé.

[72]  Il appert que Mme St-Julien, une infirmière aux Services de santé de l’Établissement avec plus d’ancienneté que Mme Perkins, ait été la première à voir une réduction de son horaire de travail à durée déterminée, pendant l’exercice 2015‑2016. Les documents du Service indiquent que les infirmiers Brien et Downer ont été embauchés pendant l’exercice 2009‑2010. Mme Perkins a été embauché en décembre 2010 et le plaignant, en janvier 2011.

[73]  En contre-interrogatoire, on a demandé à Mme Perreault pourquoi l’horaire de travail à durée déterminée de Mme St-Julien, qui avait plus d’ancienneté que Mme Perkins et le plaignant, avait été réduit le 7 mars 2016, alors que ceux de Mme Perkins et du plaignant demeuraient inchangés à cette date. Mme Perreault ne savait pas pourquoi. Elle a estimé que c’était peut-être à la demande de cette infirmière.

[74]  Mme Perreault a confirmé que, pour le calcul de l’ancienneté, la date d’embauche d’un employé au Service n’est pas modifiée par un changement d’institution.

[75]  Enfin, Mme Perreault a confirmé être au courant que c’est le 17 mai 2016 que Mme Ménard a annoncé au plaignant la réduction de son horaire de travail à durée déterminée, parce que ce dernier avait déposé un grief individuel à cet égard. Mme Perreault a été questionnée au sujet de l’allégation du plaignant voulant que Mme Ménard n’ait pas soulevé la règle de l’ancienneté lorsqu’elle l’a informé qu’elle réduisait son horaire de travail. Selon le plaignant, Mme Ménard lui a plutôt dit qu’elle avait la discrétion de réduire les horaires de travail des quatre infirmiers également mais qu’elle choisissait spécifiquement de ne pas le faire. Selon le plaignant, Mme Ménard choisissait plutôt de réduire uniquement son horaire de travail à cause de son arrogance, de son intimidation, de sa paresse et de son inconscience, de même que parce que les autres infirmiers travaillaient sans rien dire.

[76]  Mme Perreault a dit ne pas pouvoir expliquer les paroles que Mme Ménard a adressées au plaignant le 17 mai 2016. Toutefois, Mme Perreault a ajouté qu’elle n’avait aucune raison de douter du compte-rendu fait par le plaignant de cette rencontre. Elle comprend que les propos de Mme Ménard étaient maladroits. Plus précisément, il était maladroit de mentionner le rendement au cours de cette rencontre, étant donné que les questions de rendement devraient être abordées pendant la période d’évaluation du rendement.

[77]  De toute façon, Mme Perreault a insisté que, peu importe les propos tenus par Mme Ménard pendant cette rencontre, cela n’avait pas empêché le plaignant de remplir son rôle de délégué syndical. Il est malheureux que son horaire de travail à durée déterminée ait été réduit, mais cela n’a pas fait obstacle à son travail de délégué syndical. Plus particulièrement, le plaignant a été en mesure de s’acquitter de ses tâches de délégué syndical malgré la réduction de son horaire de travail, donc la réduction de son horaire n’a pas causé problème.

[78]  Le plaignant, quant à lui, a expliqué qu’il est infirmier à l’Établissement depuis le 24 janvier 2011. Lors de son entrée en fonction, il occupait un poste à temps partiel (30 heures/semaine) d’une durée déterminée.

[79]  Depuis le 14 octobre 2011, il occupe un poste à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminée à l’Établissement. À la même époque, il a obtenu une première majoration de son horaire de travail de 11,25 heures par semaine pour une durée déterminée. Il a par la suite obtenu plusieurs autres majorations de son horaire de travail pour des durées déterminées. De 2013 à 2016, le personnel infirmier des Services de santé de l’Établissement était composé de 4 infirmiers qui occupaient des postes à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminée et dont les horaires de travail étaient majorés pour des durées déterminées.

[80]  Le plaignant a expliqué que, de 2011 à 2018, il s’est rapporté à deux gestionnaires, soit Mme Ménard de 2011 à 2013 et de la mi-mars 2016 à 2018, et Benoit Henry, de façon intérimaire, de 2013 à mars 2016. Il a ajouté qu’il s’entendait très bien avec M. Henry et très bien avec Mme Ménard jusqu’à la mi-mars 2016. Les évaluations du rendement que Mme Ménard et M. Henry lui ont remises sont toutes positives pendant ces périodes.

[81]  Au début de mars 2016, le plaignant a informé M. Henry de son intention de s’impliquer à titre de délégué syndical pour l’Institut. Il souhaitait s’impliquer sans aversion contre son employeur, le climat étant sain au travail. Selon le plaignant, M. Henry a bien reçu cette nouvelle et n’était pas réfractaire au fait qu’il s’implique dans le syndicat.

[82]  Le plaignant a expliqué qu’à la mi-mars 2016, Mme Ménard est revenue à l’Établissement. Il a expliqué qu’avant de partir en vacances à la mi-mars pour deux semaines, il a demandé à rencontrer Mme Ménard. Une rencontre a eu lieu vers 14 h dans son bureau et M. Henry était présent. Selon le plaignant, Mme Ménard était tendue et l’a informé qu’elle était au courant de son intention de devenir délégué syndical. Elle lui en a demandé la raison. Le plaignant a jouté que Mme Ménard ne semblait pas comprendre son souhait de s’impliquer dans le syndicat. Elle l’a invité à occuper les fonctions d’assistant-chef, Services de santé si cela l’intéressait et s’il était à la recherche de nouveaux défis. Le plaignant a affirmé s’être senti mal à l’aise puisque M. Henry occupait ces fonctions.

[83]  Le plaignant se souvient aussi qu’au cours de cette rencontre, Mme Ménard l’a informé qu’elle-même avait déjà été déléguée syndicale pour l’Institut parce que sa gestionnaire à l’époque n’agissait pas bien avec ses employés. Puis, la rencontre entre le plaignant et sa gestionnaire s’est terminée abruptement.

[84]  Le plaignant est revenu de vacances le 5 avril 2016. Il a commencé sa formation de délégué syndical sept jours plus tard.

[85]  L’Institut a nommé le plaignant délégué syndical le 28 avril 2016.

[86]  Le plaignant a déclaré lors de son témoignage que le matin du 17 mai 2016, Mme Ménard a sondé le personnel infirmier de l’Établissement par courriel afin d’identifier un quart de travail à couper en raison de contraintes budgétaires. Son courriel se lisait comme suit :

[…]

Comme vous le savez, je dois revoir mes effectifs NU de Cowansville pour me rapprocher de mes indicateurs de ressourcement qui nous sont octroyés par la région.

Pour le moment, je dois donc retrancher un demi [équivalent temps plein] à partir du prochain horaire de travail. Ce qui veut dire que je vais devoir couper une période de 4 heures sur l’un des quarts de douze heures.

J’ai déjà ma propre idée mais comme toujours, je préfère vous consulter pour avoir vos commentaires, préférences, opinions avant de prendre mes actions.

Notre choix d’équipe doit avant tout être réaliste et efficient en fonction du travail que nous avons à accomplir (soins cliniques, promo, mouvements, suivis, etc.), et ensuite, on espère aussi que les gens seront le plus satisfait possible de leurs conditions de travail malgré cette contrainte opérationnelle.

Pour ces raisons, je vous demande de « voter » (bouton en haut à gauche) d’ici à demain (mercredi 13 heures). […]

[…]

[Les passages en caractères gras le sont dans l’original]

[87]  Les parties s’entendent sur le fait que ce courriel ne visait pas à identifier un employé qui serait ciblé par une réduction de son horaire de travail à durée déterminée. Il visait à identifier le quart de travail ayant le moins d’impact sur les obligations de routines de soins.

[88]  Le même jour, le 17 mai 2016, une réunion quotidienne a eu lieu à 13 h. Lors de cette réunion, le plaignant a demandé à Mme Ménard si le fait de couper 2 jours/semaine était « la seule mesure qu’elle mettait en place ». Selon le plaignant, Mme Ménard a répondu que « c’est des choses qui se disent en privé ». Le plaignant posait la question puisqu’il était délégué syndical et que l’Institut n’avait pas été avisé de cette nouvelle démarche.

[89]  Toujours le 17 mai 2016, Mme Ménard a demandé à voir le plaignant en privé à 14 h. Selon le plaignant, elle lui a annoncé, en utilisant « […] un ton accusateur et déterminé […] », que les heures de travail devant être coupées dans son équipe seraient toutes retranchées de son horaire de travail à durée déterminée. Elle réduisait ainsi son horaire de travail de 37,5 à 22,5 heures par semaine. La rencontre a duré environ 45 minutes. Selon le plaignant, Mme Ménard lui a dit que son choix s’était arrêté sur lui pour des raisons bien spécifiques : le fait qu’il soit arrogant, intimidant, paresseux et inconscient et du fait que les autres infirmiers aux Services de santé à l’Établissement travaillaient sans rien dire.

[90]  Le plaignant s’est rappelé avoir répondu à Mme Ménard qu’en lui coupant près de la moitié de son horaire de travail à durée déterminée, cela aurait un impact énorme dans sa vie. Il a insisté sur le fait qu’il avait toujours reçu de la rétroaction positive de sa part et de celle de M. Henry sur la qualité de son travail. Le plaignant ne comprenait donc pas le fondement de la décision de Mme Ménard. Il a aussi dit à Mme Ménard qu’il avait la forte sensation qu’elle n’aimait pas qu’il soit devenu délégué syndical. À l’audience il a ajouté que le fait d’être revendicateur ne voulait pas nécessairement dire qu’il était arrogant et intimidateur.

[91]  Selon le plaignant, Mme Ménard a affirmé lors de cette rencontre qu’elle aurait pu retrancher le même nombre d’heures aux quatre infirmiers mais elle a ajouté ce qui suit : « regarde les autres […] ils ne disent pas un mot et ils travaillent et c’est ce que je veux voir ». Elle a aussi ajouté qu’il était « un élément négatif pour le groupe » et qu’elle devait « garder les meilleurs et [qu’il] n’en fai[t] pas partie ».

[92]  Au sujet de sa présumée arrogance, le plaignant a ajouté que Mme Ménard prétendait que des tiers lui avait dit qu’il était arrogant envers les détenus et les autres membres du personnel. Selon lui, elle prétendait qu’il était intimidant puisqu’il s’adressait à elle avec des « yeux et un non-verbal intimidants ». Le plaignant est grand et son regard peut être perçant. Selon Mme Ménard, des employés se plaignaient à son sujet, mais elle a refusé de lui dire de qui il s’agissait puisque, selon elle, ces derniers pouvaient subir des représailles de sa part.

[93]  Selon le plaignant, Mme Ménard a précisé qu’il était paresseux parce qu’un matin elle était entrée au travail et il était assis, elle lui en avait fait le reproche et il avait répondu ce qui suit : « Prend le temps d’arriver. » Aussi, elle avait remarqué qu’il ne s’était pas offert pour examiner un détenu à un certain moment.

[94]  Le plaignant a ajouté que la rencontre s’est terminée vers 14 h 45, quand Mme Ménard lui a reproché son inconscience. Elle lui a dit : « tu pourrais bien intimider ta conjointe à la maison et ne pas t’en rendre compte ». Le plaignant a mis fin à l’entretien.

[95]  La rencontre a bouleversé le plaignant. Il recevait toujours des commentaires positifs de la part de ses gestionnaires. Il s’est senti humilié et a ressenti un profond sentiment d’échec. Il en a parlé à un autre délégué syndical, M. Doyle, qui lui a suggéré de commencer à prendre des notes de ses échanges avec Mme Ménard.

[96]  Le plaignant a donc noté son échange au cours de la journée avec sa gestionnaire et a envoyé ses notes à sa représentante. Ses notes comprenaient entre autres ce qui suit :

[…]

Cette annonce m’a surprit au plus haut point. Jamais je n’aurais cru que Andrée pouvait aller si loin dans ses actes et insinuations, je ne la connaissait pas sous cet angle. Comme mentionné plus haut j’ai, je crois avoir toujours été en bon terme avec elle. Je réalise que peut être le fait que je soit représentant syndical l’a affecté beaucoup plus que je ne l’ai cru initialement. Initialement lorsque je lui ai annoncé mon intention de devenir délégué elle m’a demandé mes motivations car elle ne comprenait pas.

Je peux t’assurer que suite à la formation que vous m’avez donné, j’ai eu une attention particulière à mon attitude afin de respecter la notion de modèle qui est tout le contraire que de sombrer dans l’arrogance.

Je te joint mes 2 derniers rapports de gestions de rendement soit 2014 et 2015 les seuls disponible dans le système. Tu pourras constater que JAMAIS il a été questions de toutes les insinuations que je me suis fait servir aujourd’hui.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[97]  Lors de son témoignage à l’audience, le plaignant a insisté sur le fait qu’il ne lui était jamais arrivé de fournir un rendement inadéquat ou d’avoir un comportement déplacé ou peu éthique. Il est travaillant et s’il lui est arrivé à une occasion de ne pas offrir ses services pour un examen médical, c’est parce qu’il était occupé avec une autre tâche.

[98]  Le plaignant a présenté en preuve ses rapports d’évaluation du rendement pour les années 2010-2011, 2011-2012, 2014-2015, 2015-2016 et 2016-2017. Mme Ménard était la surveillante immédiate du plaignant pour les rapports de 2010‑2011, 2011‑2012 et de 2016-2017.

[99]  Les rapports d’évaluation du rendement préparés par Mme Ménard sont positifs. Elle notait en 2011-2012 ce qui suit : « […] [c]’est un infirmier ouvert à la critique et qui reconnait ses torts s’il en est (absence au travail par omission) […] » et « […] [b]ref, Marc-André nous donne un très bon rendement au travail et nous espérons pouvoir augmenter les heures de son poste dès que possible ».

[100]  Le plaignant a reçu une lettre de Mme Perreault datée du 18 mai 2016. Dans cette lettre, le plaignant était informé que son horaire de travail passerait de 37,5 à 22,5 heures par semaine du 16 juin 2016 au 31 mars 2017. L’horaire de travail du plaignant n’avait jamais été réduit auparavant.

[101]  Le plaignant a précisé lors de son témoignage à l’audience et a écrit dans sa plainte qu’une de ses collègues lui avait aussi rapporté qu’une autre infirmière qui avait l’intention de s’impliquer dans le syndicat il y a quelques années s’était fait « tasser par Andrée à cause de ça ». Il a écrit dans sa plainte ce qui suit :

[…]

[…] [L’autre infirmière] avait ouvertement exprimée [sic] son intention de devenir déléguée syndicale au cours d’une réunion quotidienne. Par la suite, les trois nouveaux se sont fait attribuer un poste et [l’autre infirmière] n’aurait rien eu. Elle a par la suite donné sa démission quelque temps après cet incident.

[…]

[102]  Le plaignant a décrit comment s’est déroulée une autre rencontre entre lui et Mme Ménard le 21 juin 2016. Ce matin-là, Mme Ménard avait demandé à le rencontrer. Le plaignant s’est présenté à la rencontre accompagné d’un témoin, le délégué d’un autre syndicat. Il a expliqué qu’aucun délégué de l’Institut n’était présent à l’Établissement, alors le délégué de l’autre syndicat avait accepté de l’accompagner. Selon le plaignant, Mme Ménard a démontré du mécontentement à son arrivée puisqu’il était accompagné d’un témoin.

[103]  Le plaignant a expliqué que Mme Ménard désirait le rencontrer ce jour-là pour lui faire part qu’elle était de l’avis qu’il ne la saluait plus depuis le 17 mai 2016, qu’il l’ignorait et qu’il n’inscrivait plus le mot « bonjour » dans ses courriels. Elle lui a alors dit : « ça ressemble beaucoup à du harcèlement ce que tu fais ». Elle a fait référence à un document qui portait possiblement sur le harcèlement. Elle lui a reproché de lui avoir écrit pour faire une demande pour un congé et elle a demandé qu’il change son comportement.

[104]  Selon le plaignant, il a répondu à Mme Ménard que ses allégations n’étaient pas vraies. Il a reconnu ne pas l’avoir saluée le lendemain de leur rencontre du 17 mai 2016, pendant laquelle elle l’avait informé qu’elle réduisait son horaire de travail à durée déterminée, puisque cette rencontre l’avait profondément humilié et blessé et qu’il n’avait pas beaucoup dormi ce soir-là. Depuis leur rencontre du 17 mai 2016, le plaignant et Mme Ménard n’avaient passé qu’une dizaine d’heures sur le même plancher, donc le plaignant ne voyait pas d’où venait l’indignation de Mme Ménard. Le plaignant a affirmé ne rien avoir ajouté pendant la rencontre du 21 juin 2016, puisqu’il était choqué et ne voulait pas envenimer la situation et qu’il craignait que Mme Ménard dépose une plainte de harcèlement contre lui.

[105]  Le plaignant a tenu à préciser que les courriels qu’il écrivait à Mme Ménard contenaient le mot bonjour et il a présenté ses courriels en preuve à l’audience. La seule exception était lorsqu’il lui transférait un courriel reçu d’un tiers. Il a précisé cependant que sa relation avec Mme Ménard ne pouvait plus être la même puisqu’elle l’avait traité injustement. De plus, il craignait constamment qu’elle dépose une plainte de harcèlement contre lui.

[106]  Le plaignant et Mme Ménard ont ensuite eu une brève rencontre de gestion du rendement le 30 juin 2016. Mme Ménard a mentionné qu’elle s’attendait à ce qu’il continue d’agir professionnellement avec elle et ses collègues. Le plaignant a répondu qu’il était entièrement d’accord. À l’examen de mi-exercice 2016‑2017, Mme Ménard a modifié l’ordre des objectifs de travail du plaignant. Elle a mis en premier l’objectif suivant : « Avoir une attitude professionnelle et de collaboration en tout temps avec la clientèle, ses collègues et sa superviseure. » Ce document a été signé plus tard, soit le 10 novembre 2016 par Mme Ménard et le 15 novembre par le plaignant.

[107]  Le 14 juillet 2016, le plaignant a présenté un grief individuel afin de contester la décision à Mme Ménard de réduire de 15 heures par semaine son horaire de travail à durée déterminée. Il précisait dans son grief qu’il était le seul infirmier à voir réduire son horaire de travail, « […] alors que [s]on [horaire de travail à durée déterminée] avait été renouvelé jusqu’au 31 mars 2017, et ce, en date du 11 février 2016 ». Ce grief a été présenté à Mme Ménard en main propre vers 14 h.

[108]  Dans les minutes qui ont suivies la présentation du grief à Mme Ménard le 14 juillet 2016, un autre incident est survenu. Le plaignant était le seul membre présent du comité de santé et sécurité au travail représentant les employés à l’Établissement. Vers 14 h 15, il a reçu un appel de la directrice intérimaire de l’Établissement concernant un dégât d’eau qui avait provoqué une coupure majeure de courant affectant l’ensemble du pénitencier.

[109]  Une quinzaine de minutes plus tard, vers 14 h 30, le plaignant a reçu un autre appel de la directrice intérimaire. Elle lui demandait de faire une inspection du lieu touché par le dégât d’eau accompagné de son collègue représentant l’employeur. Selon la directrice intérimaire, il s’agissait d’une situation urgente puisque les détenus étaient confinés dans leurs cellules à cause de la panne électrique. C’était la bâtisse de l’entrée principale qui devait être inspectée. La directrice intérimaire a informé le plaignant que son collègue représentant l’employeur communiquerait avec lui sous peu pour qu’ils fassent ensemble cette inspection.

[110]  Peu après, vers 14 h 50, le plaignant a informé sa gestionnaire qu’il se rendait sur les lieux de l’incident afin de faire une inspection. Selon le plaignant, Mme Ménard est sortie de ses gonds. Très agitée et très fâchée, elle lui a répondu en criant devant trois autres infirmiers : « Si tu penses criss [sic] que tu vas aller faire des inspections, tu fais partie des services essentiels, et tu n’iras pas là, tu comprends? Services essentiels! » Le plaignant n’avait jamais entendu Mme Ménard crier auparavant.

[111]  Le plaignant a été décontenancé par la colère de sa gestionnaire. Il a affirmé qu’au même moment, son collègue représentant l’employeur lui a téléphoné pour l’informer qu’il était prêt à faire l’inspection. Le plaignant lui a alors répondu que sa gestionnaire refusait de le laisser faire l’inspection.

[112]  À peine plus tard, Mme Ménard a reçu un appel téléphonique. Le plaignant a affirmé qu’après avoir reçu cet appel, Mme Ménard lui a dit qu’elle avait mal compris, que puisqu’il ne s’agissait que d’une inspection qui prendrait une dizaine de minutes, il pouvait y aller.

[113]  Puis, vers 15 h 15, à son retour d’une réunion, Mme Ménard a convoqué une rencontre avec les quatre infirmiers présents, incluant le fonctionnaire, et s’est excusée pour sa réaction colérique. Le plaignant, malgré tout, s’est senti décontenancé par les réactions de sa gestionnaire.

[114]  Le 26 septembre 2016, Mme Perreault a rendu la décision au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs individuels à l’égard du grief que le plaignant a présenté pour contester la réduction de son horaire de travail à durée déterminée le 16 juin 2016. Mme Perreault a rejeté le grief et informé le plaignant que la gestion avait suivi la règle de l’ancienneté pour décider comment réduire les horaires de travail des infirmiers des Services de santé de l’Établissement. Ce qui suit était précisé dans la décision :

[…]

Nous avons analysé la situation des quatre employés à temps partiel à Cowansville. Nous avons identifié leur date d’arrivée en fonction et les dates d’augmentation d’heures de travail. En appliquant la méthode de la plus récente entrée en fonction à durée déterminée (et ensuite indéterminée sans interruption) et la plus récente augmentation d’heures rattachées à cette entrée en fonction à durée déterminée, la réduction d’heures s’appliquait à vous.

[…]

[115]  C’était la première fois que le plaignant était informé que cette règle de l’ancienneté (jamais appliquée auparavant à l’Établissement) avait supposément été utilisée pour réduire son horaire de travail.

[116]  Le plaignant a plus tard reçu une lettre de Mme Perreault datée du 14 février 2017. Mme Perreault informait le plaignant qu’à compter du 1er avril 2017, son horaire de travail serait réduit au minimum garanti pour son poste à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminé. Le 20 février 2017, le plaignant a aussi reçu un courriel de Mme Ménard l’informant de la même chose. L’horaire de travail du plaignant passait donc de 22,5 à 18,75 heures par semaine. Son horaire de travail demeura à 18,75 heures par semaine jusqu’au 31 décembre 2017.

[117]  Le 28 septembre 2017, le plaignant a rencontré Mme Ménard pour discuter de la distribution équitable des heures de travail. Il demandait également à Mme Ménard si elle allait émettre de nouveaux horaires de travail à durée déterminée pour distribuer les heures de travail de la prochaine période. À cette époque, les horaires de travail à durée déterminée de trois des quatre infirmiers avaient été modifiés. Le plaignant avait été le premier touché par les coupures d’horaire, Mme Perkins avait été la deuxième et M. Downer avait aussi été touché. Mme Brien avait été transférée dans l’équipe de santé mentale de l’Établissement en 2017-2018, donc son horaire de travail à durée déterminée n’avait pas été touché.

[118]  Selon les notes du plaignant, Mme Ménard lui aurait dit le 28 septembre 2017 qu’elle émettrait de nouveaux horaires de travail à durée déterminée. Mme Ménard a, par la suite, émis de nouveaux horaires de travail à durée déterminée à Mme Perkins et à M. Downer. Mme Ménard a réparti également les heures de travail disponibles entre Mme Perkins et M. Downer. Chacun d’eux a reçu 18,75 heures par semaine de plus que le minimum garanti par leurs postes à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminée. Or, le plaignant a expliqué qu’ils étaient trois infirmiers, à ce moment, qui occupaient des postes à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminée. Mme Ménard aurait donc pu offrir à chacun de ces trois infirmiers 12,50 heures de travail en sus du minimum qui leur était garanti. Cependant le plaignant n’a reçu aucune de ces heures. Selon lui, il s’agissait encore de représailles contre lui.

[119]  Le plaignant a par la suite reçu une lettre du gestionnaire des Services cliniques pour la région du Québec du Service datée du 19 janvier 2018. Le plaignant était informé dans cette lettre que son horaire de travail serait de 30 heures par semaine pour la période du 1er janvier au 18 février 2018.

[120]  Du 19 février au 30 mars 2018, le plaignant a travaillé 18,75 heures par semaine.

[121]  Le plaignant a par la suite reçu une lettre du gestionnaire des Services cliniques pour la région du Québec du Service datée du 19 mars 2018. Le plaignant était informé dans cette lettre que son horaire de travail serait de 18,75 heures par semaine pour la période du 1er avril au 31 mai 2018.

[122]  Le plaignant a de nouveau reçu une lettre du gestionnaire des Services cliniques pour la région du Québec du Service datée du 27 avril 2018. Le plaignant était informé dans cette lettre que son horaire de travail serait de 18,75 heures par semaine pour la période du 1er juin au 30 septembre 2018.

[123]  Cependant, le 14 juin 2018, le plaignant a reçu une lettre du gestionnaire, par intérim, des Services cliniques pour la région du Québec du Service. Le plaignant était informé que son horaire de travail était majoré à 37,5 heures par semaine pour la période du 14 juin au 30 septembre 2018. À cette époque, Mme Ménard avait quitté son travail et le plaignant avait accepté d’occuper son poste de chef, Services de santé à l’Établissement de façon intérimaire.

[124]  Le plaignant a ajouté qu’il avait dénoncé les représailles dont il était victime du mieux qu’il pouvait, soit par le biais de cette plainte et d’un grief. Toutefois, il ne s’est pas senti écouté par la gestion. Il se souvient que Mme Perreault lui avait dit n’avoir qu’une seule question avant de rendre sa décision de deuxième palier de la procédure de règlement des griefs individuels. Elle lui avait demandé si Mme Ménard lui avait dit qu’elle ne voulait pas qu’il devienne délégué syndical. Il a précisé qu’il lui a répondu non. Toutefois, il a expliqué à Mme Perreault que Mme Ménard n’était pas sur place au moment de sa décision de devenir délégué syndical, que les représailles étaient venues par la suite.

[125]  Le plaignant a dit avoir insisté auprès de Mme Perreault que c’est au retour de Mme Ménard à l’Établissement dans son poste de chef, Services de santé, qu’elle lui a fait subir des représailles. Il a ajouté qu’en tant que délégué syndical, son rôle était d’aider ceux qui avaient des problèmes, et son rôle plus actif semblait fortement déranger Mme Ménard. Notons que le grief déposé par le plaignant était en attente d’une décision finale au moment de l’audience devant moi.

[126]  En somme, le plaignant a affirmé qu’il s’était senti beaucoup diminué sur le plan personnel et professionnel par le comportement de Mme Ménard. De plus, son revenu a diminué environ de moitié.

[127]  Enfin, le plaignant a tenu à préciser qu’il effectuait ses tâches de délégué syndical pendant son temps libre, à l’exception d’une permission qu’il a obtenue pour participer à une consultation régionale.

[128]  M. Doyle est infirmier à l’Établissement Joliette pour femmes et délégué syndical pour l’Institut. Il a commencé à travailler au Service en 2008. Il a précisé qu’il est le représentant de l’Institut pour la région du Québec du Service sur l’équipe de consultation patronale-syndicale nationale.

[129]  M. Doyle a déclaré que son horaire de travail avait été réduit en 2014. Toutefois, il a expliqué que, contrairement au plaignant, il n’avait pas été le seul à ce moment qui avait été touché par les coupures. Comme le plaignant, depuis 2010 ou 2011, il occupe un poste à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminée. Il a par la suite travaillé 37,5 heures par semaine en raison d’une majoration de son horaire de travail jusqu’en avril 2014. En avril 2014, son horaire de travail a été réduit à 30 heures par semaine. Il a donc travaillé 30 heures par semaine jusqu’en février 2016. Par la suite, son horaire de travail a été majoré à 37,5 heures par semaine.

[130]  M. Doyle, dans son rôle de représentant de l’Institut pour la région du Québec du Service sur l’équipe de consultation patronale-syndicale nationale, a assisté à une rencontre bilatérale, le 10 avril 2014, où il a été dit que des indicateurs de ressourcement avaient été adoptés par le Service. Une corrélation était alors faite entre la population carcérale d’un établissement et le nombre de postes d’infirmiers permis pour cet établissement. Ce qui suit avait été noté dans le compte rendu de la réunion :

[…]

5. L’application progressive des indicateurs de ressourcement nationaux a pour effet que certains contrats à durée déterminée ne sont pas renouvelé ou son prolongé à la baisse. l’[Institut] se demande si une stratégie est prévue de la part des services de santé régionaux afin d’informer ces employés à contrat déterminé qu’ils pourraient se voir perdre des heures de travail, voir même leur emploi au [Service]. La [directrice régionale des Services de santé, Christine Perreault] dit que c’est du cas par cas, un employé à contrat déterminé qui remplace une personne malade et que cette personne malade reviendrait au travail, il serait difficile de justifier le fait de prolonger le contrat.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[131]  M. Doyle a précisé qu’il était l’un des trois infirmiers à l’Établissement Joliette pour femmes qui occupaient des postes à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminée et qui bénéficiaient d’horaires de travail majorés (37,5 heures/semaine) à durée déterminée. Or, en 2014, à cause des contraintes budgétaires qui sont survenues, il y a eu des réductions d’heures de travail. Les horaires de travail des infirmiers occupant des postes à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminée ont été réduits, mais le gestionnaire a décidé de retrancher le même nombre d’heures aux infirmiers de l’Établissement Joliette pour femmes. Dans les faits, puisqu’un des trois infirmiers avait obtenu un détachement auprès de l’Établissement Drummond, le nombre d’heures à réduire aux deux autres infirmiers de l’Établissement Joliette pour femmes a été séparé en deux.

[132]  M. Doyle a ajouté qu’il n’avait jamais entendu parler du principe ou de la règle de l’ancienneté dans le contexte de réduction d’heures de travail. Il a précisé qu’il est beaucoup plus équitable de retrancher le même nombre d’heures à tous les infirmiers bénéficiant d’une majoration d’heures de travail par le biais d’un horaire de travail majoré (37,5 heures/semaine) à durée déterminée. Cette mesure permet à ces employés de continuer de subvenir aux besoins de leurs familles.

[133]  Mme Perkins, quant à elle, est infirmière à l’Établissement. Elle a commencé à travailler au Service en décembre 2010, un mois avant le plaignant. Lors de son embauche, elle occupait un poste d’une durée déterminée et travaillait 30 heures par semaine. Elle est, comme les autres infirmiers, maintenant titulaire d’un poste à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminée, qui est majoré par un horaire de travail à durée déterminée. En ce moment, son horaire de travail est majoré à 37,5 heures par semaine. Elle travaille donc à temps plein.

[134]  Mme Perkins a précisé que Mme Ménard avait demandé à lui parler en février 2017. Cette dernière l’avait alors avisée, avec regret, qu’elle devait réduire son horaire de travail à durée déterminée. Selon Mme Perkins, Mme Ménard a précisé qu’elle aurait préféré ne pas réduire l’horaire de travail de Mme Perkins de 11,25 heures par semaine à ce moment-là, mais que, puisque Mme Ménard avait énoncé en réponse à la plainte du plaignant, que les coupures étaient faites selon le principe de l’ancienneté, elle n’avait maintenant pas le choix de réduire l’horaire de travail de Mme Perkins de toutes les heures à couper, puisque c’était elle parmi les infirmiers de l’Établissement qui avait le moins d’ancienneté après le plaignant.

[135]  Mme Perkins a donc reçu une lettre datée du 14 février 2017, dans laquelle elle était informée que son horaire de travail à durée déterminée était réduit de 37,5 à 26,25 heures par semaine du 1er avril 2017 au 31 mai 2017 et qu’à compter 1er juin 2017, son horaire de travail serait réduit au minimum garanti pour son poste à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminée à moins d’avis contraire.

[136]  Le plaignant a démontré qu’il a été le premier infirmier aux Services de santé de l’Établissement à être nommé délégué syndical. Il a reçu sa nomination le 28 avril 2016 et celle-ci était valide jusqu’au 31 décembre 2018. Un autre infirmier aux Services de santé de l’Établissement a été désigné délégué syndical le 1er avril 2017.

[137]  Le plaignant a précisé que c’est en raison du fait que son horaire de travail à durée déterminée a été réduit et que Mme Ménard le menaçait de déposer une plainte de harcèlement contre lui que l’autre infirmier aux Services de santé de l’Établissement est devenu délégué syndical. Ce dernier a accepté de devenir délégué syndical pour aider le plaignant qui n’osait plus intervenir dans les dossiers impliquant Mme Ménard par crainte de représailles. Chacun des deux délégués se sont acquittés de la moitié de la charge totale de travail lié à la représentation syndicale, mais le plaignant n’est plus intervenu dans les dossiers impliquant Mme Ménard.

V. Représentations des parties

A. Position du Service

[138]  Le Service a reconnu que, si les allégations à l’appui de la plainte visent une contravention de l’interdiction énoncée à l’alinéa 186(2)a) de la Loi, le paragraphe 191(3) lui enjoint de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’horaire de travail du plaignant n’a pas été réduit parce que ce dernier était un représentant de l’Institut. Le Service doit alors prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la décision contestée a été prise dans l’exercice raisonnable de son pouvoir de gestion.

[139]  Le Service a soutenu que le plaignant considère les actions de Mme Ménard, en particulier à la mi-mars, le 17 mai, en juin et le 14 juillet 2016, comme étant des représailles exercées contre lui en raison de son engagement auprès de l’Institut. Cependant, selon le Service, le plaignant omet de s’appuyer sur des faits concrets qui expliquent les agissements du Service.

[140]  Le Service a fait valoir que la décision de réduire l’horaire de travail du plaignant n’était aucunement liée à son engagement syndical. Le Service a maintenu que la décision de réduire l’horaire de travail du plaignant n’a jamais été fondée sur le fait qu’il soit devenu délégué syndical. Mme Ménard n’a jamais tenté de dissuader le plaignant de devenir délégué syndical ou de s’ingérer dans les affaires de l’Institut.

[141]  Le Service a souligné que Mme Ménard avait affirmé que sa décision de couper des heures de travail au plaignant résultait d’un exercice raisonnable de ses droits en tant que gestionnaire. Elle a ajouté que sa décision était uniquement fondée sur le fait qu’en fonction des nouveaux indicateurs de ressourcement adoptés par le Service, elle devait couper 15 heures de travail par semaine aux Services de santé de l’Établissement. Mme Ménard a précisé avoir appliqué la règle de l’ancienneté et, puisque c’est le plaignant qui avait le moins d’ancienneté, elle a réduit de 15 heures par semaine l’horaire de travail à durée déterminée du plaignant à compter du 16 juin 2016.

[142]  Mme Perreault, de même, a déclaré que la décision de réduire l’horaire de travail à durée déterminée du plaignant était uniquement basée sur les besoins organisationnels et le budget alloué aux Services de santé de l’Établissement. Il s’agissait d’un calcul mathématique logique, selon la règle de l’ancienneté, sans plus.

[143]  Selon le Service, la gestion avait le droit de réduire l’horaire de travail du plaignant. Les articles 11.1 et 11.2 de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F‑11) donnent à la gestion le droit de déterminer les effectifs nécessaires à la fonction publique et d’assurer leur répartition et leur bonne utilisation. La gestion a décidé de réduire l’horaire de travail du plaignant et s’est appuyée sur le fait qu’il était l’employé ayant le moins d’ancienneté parmi ceux qui détenaient un horaire de travail à durée indéterminée aux Services de santé de l’Établissement. Selon le Service, cette mesure ne transgresse pas les interdictions de pratiques déloyales de travail. Elle ne constitue pas non plus de l’ingérence dans les activités syndicales ou même de l’intimidation de la part de la gestion.

[144]  Plus particulièrement, le Service a fait valoir que trois conditions sont requises pour appuyer la conclusion d’une contravention de l’interdiction énoncée au sous-alinéa 186(2)a)(i) de la Loi : 1) que le plaignant ait adhéré ou soit un représentant de l’Institut; 2) que Mme Ménard a fait à l’égard du plaignant des distinctions illicites en matière de conditions d’emploi; 3) que ces distinctions illicites sont pour le motif que le plaignant ait adhéré à une organisation syndicale ou est un représentant de l’Institut. Le Service a fait valoir que ces trois conditions ne sont pas présentes.

[145]  Premièrement, le Service a dit ne pas contester le fait que le plaignant était délégué syndical au moment de la réduction de son horaire de travail.

[146]  Deuxièmement, le Service a fait valoir que Mme Ménard n’avait pas commis un acte interdit au sous-alinéa 186(2)a)(i) de la Loi. Le Service a soutenu que Mme Ménard n’avait pas fait à l’égard du plaignant des distinctions illicites en matière d’emploi ou de conditions d’emploi. Elle ne l’a pas intimidé, menacé et n’a pas pris d’autres mesures disciplinaires à son égard. L’horaire de travail du plaignant a été réduit à la suite des nouveaux indicateurs de ressourcement adoptés par le Service. De plus, son horaire de travail n’a pas été réduit sous 18,75 heures par semaine, c’est‑à‑dire le minimum garanti par son poste à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminée.

[147]  Troisièmement, le Service a ajouté que Mme Ménard n’avait pas l’intention de faire preuve de distinction illicite envers le plaignant en raison de son appartenance à l’Institut ou de ses activités syndicales.

[148]  Plus particulièrement, le Service a soumis qu’aucune preuve n’établit que c’était à cause d’un sentiment antisyndical que Mme Ménard a coupé l’horaire de travail du plaignant. Le Service m’a renvoyée à Hager c. Opérations des enquêtes statistiques (Statistique Canada), 2011 CRTFP 79 (« Hager (2011) ») aux paragraphes 75, 112, 113, 118 et 137. Le Service prétend que cette décision mentionne que « […] pour établir l’existence d’une pratique déloyale de travail, il faut démontrer l’intention de l’employeur de faire preuve de distinction illicite en raison de l’appartenance à l’agent négociateur ou des activités syndicales […] » et que « […] [l]a jurisprudence étaye la thèse qu’on ne peut pas conclure à un sentiment antisyndical lorsque les mesures prises par la direction découlent de l’exercice raisonnable de ses droits ». Je note toutefois que ces mentions ne sont pas tirées des motifs offerts par la Commission, mais sont plutôt tirées du résumé que la Commission a fait de l’argumentation présentée par le défendeur dans les circonstances.

[149]  Le Service a fait valoir que tant Mme Ménard que Mme Perreault ont affirmé que c’est en fonction des besoins organisationnels légitimes qui ont variés à l’Établissement qu’elles ont réduit l’horaire de travail du plaignant.

[150]  Le Service a maintenu qu’après avoir analysé la situation des quatre infirmiers occupant des postes à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminée aux Services de santé de l’Établissement, la gestion a identifié leurs dates d’arrivée au Service. En appliquant la méthode de la date de nomination à durée déterminée, suivie d’une nomination à durée indéterminée sans interruption, et la plus récente majoration d’horaire de travail à durée déterminée, la réduction d’heures s’appliquait au plaignant.

[151]  Le Service a aussi porté à mon attention Hager (2011), au paragraphe 124. Il y est mentionné que le gestionnaire dans cette affaire « […] en est peut-être venu à avoir une opinion négative […] » d’une représentante syndicale. Toutefois, selon la Commission, « […] la preuve ne m’amène pas plus loin […] », puisqu’elle « […] n’établit pas nécessairement [que le gestionnaire] a développé un sentiment antisyndical ou qu’il a agi en raison d’un tel sentiment […] ». Le Service a fait valoir que c’est la même chose en l’espèce. Il a ajouté que Mme Ménard avait reconnu que sa façon d’annoncer au plaignant qu’elle réduisait son horaire de travail était peut-être maladroite puisqu’elle avait tenu des propos démontrant l’opinion négative qu’elle avait de lui, mais il ne s’agissait pas d’un sentiment antisyndical.

[152]  Le Service a aussi fait valoir que, dans les évaluations du rendement passées du plaignant, on mentionnait que le plaignant s’adressait habituellement de manière directe aux autres et que cela pouvait être perçu comme problématique par certains. Mme Ménard lui en avait déjà fait part et, dans son évaluation du rendement de 2011-2012, elle avait noté ce qui suit : « […] [c]est un infirmier ouvert à la critique et qui reconnait ses torts s’il en est […] ». De même, dans son évaluation du rendement de 2015-2016, ce qui suit avait été noté par M. Henry :

[…]

[…] Il est une personne directe, parfois cela pourrais surprendre certains de ses pairs cependant, les discussions sont faites dans le respect avec des explications sur ses motivations. Il communique son désaccord et appuie sa pensée avec des éléments qui permettre de comprendre son point de vue. Bonne esprit d’équipe, offre son aide et collabore aux nouvelles exigences de son employeur.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[153]  Le Service a ajouté que les commentaires que ses gestionnaires ont fait à l’égard du plaignant dans ses évaluations du rendement n’appuient pas une conclusion que Mme Ménard a développé un sentiment antisyndical ou qu’elle a agi en raison d’un tel sentiment lorsqu’elle a réduit l’horaire de travail du plaignant. Le Service a fait valoir que la situation est très semblable à celle dans Hager (2011), où la Commission a noté ce qui suit au paragraphe 131 :

[131]  Est-ce que le fait d’admettre que la preuve révèle certaines incohérences opérationnelles dans la décision du défendeur me permet d’affirmer que les raisons invoquées pour retirer Mme Henry de l’équipe principale du Nord étaient un prétexte? Tout compte fait, je ne crois pas. Le défendeur a décidé de procéder à la rotation après la saison des enquêtes d’hiver et, peut-être pas de façon fortuite, à la fin de l’exercice. Le choix du moment n’a peut‑être pas été tout à fait idéal pour chacun des intervieweurs, mais la preuve décrivant la décision comme étant artificielle ou sans fondement opérationnel n’est pas solide. […]

[154]  Selon le Service, la décision de réduire l’horaire de travail du plaignant était objective et fondée sur la règle de l’ancienneté. D’ailleurs, Mme Ménard a fait appel au plaignant pour la distribution d’heures de travail supplémentaires, tout en respectant la procédure adoptée à ce sujet.

[155]  Le Service a ajouté qu’en appliquant la règle de l’ancienneté, non seulement l’horaire de travail du plaignant a été coupé en 2016-2017, mais celui de Mme Perkins a aussi été coupé en 2017-2018.

[156]  Le Service a aussi fait valoir que, même si la règle de l’ancienneté n’avait jamais été appliquée auparavant à l’Établissement, le plaignant n’a pas prouvé que la raison pour laquelle cette règle lui avait été appliquée était que Mme Ménard était motivée par un sentiment antisyndical. Le Service a ajouté que, dans Gray, au paragraphe 92, la Commission est arrivée à une conclusion semblable :

[92]  M. Gray est parvenu à établir que la politique en question n’avait pas été appliquée auparavant à ses congés pour activités syndicales, mais il n’a présenté aucune preuve de la raison pour laquelle cette politique était maintenant appliquée ni de preuve que son application était motivée par un sentiment antisyndical, ce qu’il aurait dû faire pour appuyer sa plainte adéquatement. En effet, la preuve présentée par la défenderesse, qui n’a pas été contestée par M. Gray, a révélé que les problèmes cernés dans ce cas ont été révélés lorsqu’un agent du CSCR a travaillé sur son dossier de paye. La raison du changement était purement circonstancielle et administrative.

[157]  Je note que, dans Gray, la défenderesse avait présenté une preuve, non contredite, qui réfutait la présomption légale voulant que la plainte soit fondée.

[158]  En ce qui concerne l’incident survenu le 14 juillet 2016, le Service a soutenu que cet incident concernait une inspection de santé et de sécurité au travail et que l’incident n’est pas en lien avec le travail de délégué syndical du plaignant. Le Service a ajouté qu’il n’était pas nécessaire d’être un délégué syndical pour être un membre du Comité de santé et de sécurité au travail. Mme Ménard a admis qu’elle était stressée ce jour-là et qu’elle était sur le point de quitter son bureau lorsque le plaignant lui a annoncé qu’il quittait son poste pour faire l’inspection. Comme le plaignant ne lui avait fourni aucun détail concernant l’urgence de faire l’inspection, elle n’a pas apprécié qu’il l’informe qu’il quittait son poste et laissait l’autre infirmier dépourvu d’aide. Or, cette tension entre le plaignant et Mme Ménard n’était pas une preuve d’hostilité envers l’Institut ou ses représentants.

[159]  Le Service a porté à mon attention Hughes c. ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, 2012 CRTFP 2, aux paragraphes 418 et 419. Le Service a fait valoir que, tout comme pour les gestionnaires concernés dans Hughes, Mme Ménard s’est aussi impliquée auprès de l’Institut pendant sa longue carrière dans la fonction publique. Cela démontre qu’elle n’a pas de sentiment antisyndical.

[160]  Le Service a donc soutenu qu’il avait démontré que seuls des besoins opérationnels avaient motivé la décision de réduire l’horaire de travail du plaignant et qu’il ne s’agissait pas d’un faux prétexte. Le Service reconnaît qu’une réduction d’horaire de travail est difficile pour un employé; cependant, le poste à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminée du plaignant ne lui garantissait qu’un horaire de travail comptant au moins 18,75 heures par semaine. Lorsque Mme Ménard a eu à couper des heures de travail aux Services de santé de l’Établissement afin de satisfaire à la cible fixée par le Service, c’est dans l’exercice de sa discrétion qu’elle a décidé de réduire l’horaire de travail du plaignant, puisqu’il était l’infirmier comptant le moins d’ancienneté parmi les quatre infirmiers aux Services de santé de l’Établissement qui occupaient des postes à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminée. Mme Ménard avait le droit d’adopter la méthode de son choix pour effectuer les coupures en question, à condition qu’elle soit raisonnable. L’employeur soutient que la règle de l’ancienneté est raisonnable.

[161]  Le Service a ainsi maintenu s’être acquitté du fardeau de preuve que le paragraphe 191(3) de la Loi lui imposait.

B. Position du plaignant

[162]  Le plaignant a maintenu que Mme Ménard avait exercé des représailles contre lui, à la suite de la manifestation de son intérêt à devenir délégué syndical et, par la suite, parce qu’il est devenu délégué syndical le 28 avril 2016. D’abord, il a maintenu que la preuve démontre qu’il n’existait aucune tension entre lui et Mme Ménard avant qu’il ne devienne délégué syndical. Toutefois, il est évident que des tensions sont apparues dès qu’il a formulé le souhait de devenir délégué syndical.

[163]  Le plaignant se fonde sur les réactions et les agissements de Mme Ménard qui, selon lui, constituent une contravention de l’interdiction énoncée au sous-alinéa 186(2)a)(i) de la Loi. Il a fait valoir que les faits démontrent que Mme Ménard a été contrariée par le fait qu’il est devenu délégué syndical et elle s’en est prise à lui. Il soutient que l’adoption de la règle de l’ancienneté a servi de faux prétexte pour justifier (à tort) la réduction de son horaire de travail. Selon lui, le Service ne s’est pas déchargé du fardeau de preuve qui était le sien de prouver l’absence de représailles contre lui.

[164]  À la mi-mars 2016, le plaignant a rencontré sa gestionnaire, Mme Ménard, et ils ont discuté de l’intention du plaignant de devenir délégué syndical et des raisons de son intérêt. Par la suite, le plaignant a été nommé délégué syndical le 28 avril 2016.

[165]  Le plaignant a fait valoir que l’affirmation de Mme Ménard qu’elle ne voyait pas la nécessité qu’il devienne délégué syndical puisqu’il y avait déjà un délégué syndical représentant les 11 infirmiers à l’Établissement à l’époque en question est inexacte. La preuve démontre clairement qu’un autre infirmier à l’Établissement, l’autre délégué syndical, n’est devenu délégué syndical qu’en avril 2017, soit un an après le plaignant.

[166]  Le plaignant a maintenu que la décision de Mme Ménard du 17 mai 2016 de réduire de 15 heures par semaine son horaire de travail et les actions de Mme Ménard qui ont suivies étaient des représailles exercées contre lui parce qu’il a manifesté son intérêt à devenir délégué syndical, et qu’il l’est devenu en avril 2016. Le plaignant est de l’avis que plusieurs faits appuient son affirmation, dont les suivants : 1) Mme Ménard a eu une réaction négative lorsqu’il lui a annoncé son intention de devenir délégué syndical; 2) Mme Ménard lui a dit qu’elle ne comprenait pas ses motivations; 3) Mme Ménard a tenté de le dissuader de poursuivre son objectif et lui a demandé s’il était plutôt intéressé à occuper les fonctions d’assistant-chef, Services de santé à l’Établissement; 4) le plaignant est le seul des quatre infirmiers occupant un poste à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminée aux Services de santé de l’Établissement dont l’horaire de travail a été réduit par Mme Ménard à l’époque en question; 5) Mme Ménard a dit au plaignant qu’elle réduisait son horaire de travail parce qu’il faisait de l’intimidation, qu’il était paresseux, arrogant et inconscient, mais elle n’a pas pu donner d’exemple concret de ceci; 6) Mme Ménard l’a invité à faire comme les autres infirmiers, plus précisément, à ne rien dire et à travailler; 7) Mme Ménard a laissé entendre au plaignant que s’il travaillait sans rien dire elle pourrait majorer son horaire de travail; 8) Mme Ménard l’a menacé de déposer une plainte de harcèlement contre lui s’il continuait d’exercer les fonctions de délégué syndical.

[167]  Selon le plaignant, n’eut été ces représailles, les horaires de travail de tous les infirmiers aux Services de santé de l’Établissement qui occupaient des postes à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminée auraient été réduits de façon égale, comme cela s’est fait dans d’autres établissements. Il ajoute que la règle de l’ancienneté n’avait jamais été appliquée auparavant à l’Établissement. De même, tel que l’a affirmé M. Doyle, qui jouait un rôle au sein de l’équipe de consultation patronale-syndicale nationale du Service, cette règle n’était pas commune ou connue dans les établissements de la région du Québec du Service.

[168]  Le plaignant a soutenu que l’événement du 14 juillet 2016 démontre aussi que Mme Ménard ressentait une colère contre lui à cause de ses interventions et de ses revendications.

[169]  Pour appuyer sa position voulant que les gestes de Mme Ménard posés à son égard soient la preuve des représailles exercées contre lui à cause de son implication en tant que délégué syndical, le plaignant m’a renvoyée à Stonehouse c. Canada (Conseil du Trésor), dossier de la C.R.T.F.P. 161‑02‑137 (119770524) aux paragraphes 42 à 44, 46, 47, 49 et 55. Dans cette affaire, la Commission mentionnait que « [l]a question essentielle […] est de déterminer si le fait de refuser la nomination d’un employé à un poste de chef de section à cause, entre autres, du temps consacré à ses obligations syndicales, constitue une mesure discriminatoire interdite […] » par la loi. Dans cette affaire, la Commission a conclu que « […] la conduite des défendeurs comportait une certaine part de discrimination reconnue [par ces derniers] ».

[170]  Le plaignant a fait valoir aussi que dans Hager (2011), au paragraphe 114, la Commission mentionne ce qui suit :

[114]  Les affaires de ce type font souvent appel à une preuve indirecte, à une évaluation du contexte et à une recherche des tendances sous-jacentes. Il est toujours difficile de regarder derrière les raisons invoquées dans le cadre d’une décision pour déterminer si d’autres facteurs ou influences sont réellement intervenus. Dans le scénario chargé dans lequel les plaignantes allèguent que la direction a pris des mesures de représailles contre un agent négociateur, ses membres ou ses représentants, la tâche est particulièrement ardue.

[171]  Le plaignant a de même porté à mon attention Lamarche c. Marceau, 2007 CRTFP 18, au paragraphe 50, où la Commission a noté qu’elle devait « […] déterminer si les raisons énumérées par l’employeur pour motiver son refus de considérer la candidature du plaignant sont bien fondées ou constituent un prétexte pour camoufler le véritable motif ».

[172]  Le plaignant a souligné que le Service avait affirmé, dans sa réponse du 23 septembre 2016 à la plainte, que la décision de réduire l’horaire de travail du plaignant n’était aucunement liée à son implication auprès de l’Institut. Plutôt, le Service affirmait que la réduction des horaires de travail avait été faite en appliquant la règle de l’ancienneté. Mme Ménard, quant à elle, avait dit au plaignant, le 17 mai 2016, qu’elle réduisait son horaire de travail à cause de son comportement.

[173]  Selon le plaignant, il est opportun de se poser la question à savoir si les deux raisons invoquées pour réduire son horaire de travail, soit la règle de l’ancienneté et ses problèmes de comportement, constituent en fait de faux prétextes servant à cacher un animus antisyndical de la part de Mme Ménard. La question est donc de savoir si Mme Ménard a fait subir des représailles au plaignant puisqu’il est devenu délégué syndical le 28 avril 2016.

[174]  Le plaignant a soutenu qu’il existe deux versions des propos échangés lors des rencontres du 17 mai et du 14 juillet 2016, soit celle qu’il a présentée lors de son témoignage, qui reflète les notes qu’il a prises immédiatement après les incidents, et celle présentée par Mme Ménard. Selon le plaignant, devant une telle situation, je me dois de croire la personne qui affirme une allégation (dans ce cas, le plaignant) plutôt que celle qui nie l’allégation (dans ce cas, Mme Ménard). À l’appui de cet argument, le plaignant m’a renvoyée à Lefeunteum v. Beaudoin (1897), 28 S.C.R. 89, dans laquelle le juge Taschereau faisait les commentaires suivants :

[Traduction]

[…]

Je n’ai qu’une seule autre raison à donner à l’appui de notre intervention sur une question de fait en ce qui concerne les conclusions concordantes de deux tribunaux ci-dessous. Il me semble qu’on a perdu de vue que, conformément à la règle de présomption, en général, on doit accorder davantage de crédibilité à une personne qui présente un témoignage positif qu’à une personne qui présente un témoignage négatif, magis creditor duobus testibus affirmantibus quam mille negantibus; la personne qui présente un témoignage négatif peut avoir oublié quelque chose, alors qu’il n’est pas possible de se rappeler une chose qui n’a jamais existé.

Ainsi, pour ce qui est des diverses conversations sur lesquelles une partie importante de l’affaire repose, la phrase suivante du président de la cour d’appel dans Lane v. Jackson, s’applique pleinement.

J’ai fréquemment déclaré que lorsqu’il est allégué qu’une conversation donnée a eu lieu entre deux personnes de crédibilité égale, et que l’une affirme catégoriquement qu’elle a eu lieu tandis que l’autre le nie formellement, je crois que les mots ont été prononcés et que la personne qui le nie a oublié la circonstance. Ainsi, j’accorde plein crédit aux versions des deux parties.

Dans Chowdry Deby Perad v. Chowdry Dowlut Sing, M. Baron Parke formule les commentaires suivants :

Pour estimer la valeur d’un témoignage, le témoignage d’une personne qui jure de l’existence d’une conversation donnée a plus de valeur que le témoignage de la personne qui affirme qu’elle n’a pas eu lieu, parce que le témoignage de cette dernière peut s’expliquer par la supposition que son attention n’a pas été attirée sur la conversation à ce moment.

[175]  De même, le plaignant a fait valoir que le vrai critère pour évaluer la crédibilité des témoins est de se poser la question à savoir si un témoignage est compatible [traduction] « […] avec la prépondérance des probabilités qu’une personne éclairée et douée de sens pratique peut d’emblée reconnaître comme raisonnable dans telle situation et telles circonstances […] » (Faryna v. Chorny (1951), [1952] 2 D..L.R. 354 (BCCA), aux pages 356 et 357).

[176]  Au soutien de ses arguments, le plaignant m’a également renvoyée à Lamarche c. Canada (Procureur général), 2007 CRTFP 18, au paragraphe 58. La Commission y notait ce qui suit :

[58]  […] Le fait que M. Marceau ait nommé, en d’autres occasions, des personnes ayant assumé des responsabilités syndicales à des postes de gestion ne démontre pas qu’en les circonstances spécifiques de la présente affaire sa décision ne soit pas motivée par un sentiment antisyndical envers le plaignant.

[177]  Le plaignant a fait valoir que, malgré le fait que Mme Ménard ait agit en tant que déléguée syndicale dans les années 1980, il ne s’agit pas d’une preuve que l’arrivée d’un délégué syndical dans son équipe ne la dérangeait pas. À la suite de cela, ses méthodes de gestion ont pu être remises en question, ses gestes et sa supervision ont pu être surveillés. De même, l’affirmation de Mme Ménard voulant que sa réaction lorsque le plaignant lui a annoncé qu’il envisageait devenir délégué syndical était due au fait qu’il y avait déjà un délégué syndical dans son équipe n’est pas vraie. Dans les circonstances, la réaction de Mme Ménard était motivée par autre chose, soit le fait que le plaignant pouvait remettre en question certaines méthodes de travail et certains gestes de la gestion.

[178]  De plus, le plaignant a fait valoir que les propos de Mme Ménard, le 17 mai 2018, n’étaient pas du registre d’une pratique maladroite, mais plutôt du registre de l’intimidation, de représailles et de violence en milieu de travail.

[179]  Le plaignant a précisé qu’il ne conteste pas le besoin de réduire l’horaire de travail des infirmiers à l’époque en question. Il soutient que les indicateurs de ressourcement étaient véritables, mais qu’ils n’éclairent pas sur le choix des infirmiers dont les horaires de travail devaient être réduits. Ici, tel qu’articulé par Mme Perreault dans son témoignage, ce qui importait était que la méthode choisie pour réduire les horaires de travail soit d’abord communiquée aux infirmiers et connue d’eux, et ensuite appliquée à tous.

[180]  Le plaignant a ajouté que Mme Perreault avait reconnu que l’application de la règle de l’ancienneté aux Services de santé de l’Établissement n’était pas documentée. Elle a précisé qu’elle a bien cherché mais qu’elle n’a rien trouvé. De plus, tel qu’il a été confirmé par M. Doyle, Mme Perkins et le plaignant, il ne s’agissait pas d’une règle appliquée aux Services de santé de l’Établissement par le passé. Ainsi, cette règle n’avait pas été communiquée préalablement aux infirmiers touchés et n’était pas connue d’eux. Plutôt, la règle de la répartition égale entre les employés des réductions d’heures était la règle connue et appliquée dans les établissements de la région du Québec du Service. M. Doyle a confirmé l’application de cette règle à l’Établissement Joliette pour femmes.

[181]  Le plaignant a ajouté qu’en plus de ceci, la règle de l’ancienneté n’a pas été appliquée à tous. Plus précisément, Mme St-Julien, la 2e en ordre d’ancienneté en 2015 et 2016, bien qu’ayant plus d’ancienneté que Mme Perkins et le plaignant, a vu son horaire de travail à durée déterminée réduit à partir du 7 mars 2016. À ce sujet, le plaignant a noté que Mme Ménard avait précisé qu’elle avait d’abord décidé de ne pas renouveler l’horaire de travail à durée déterminée de deux infirmières, dont Mme St-Julien et Mme Laflamme. Mme St-Julien avait plus d’ancienneté que Mme Perkins et le plaignant. Cependant, l’horaire de travail à durée déterminée de Mme St-Julien n’a pas été renouvelé puisque cette dernière, ainsi que Mme Laflamme, n’occupait pas un poste à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminée à l’Établissement. Donc, contrairement à la confirmation de Mme Perreault voulant que, pour le calcul de l’ancienneté, la date d’embauche d’un employé au Service ne soit pas modifiée par un changement d’institution, cela n’a pas été honoré à l’Établissement. Ici, l’horaire de travail de Mme St-Julien, qui avait plus d’ancienneté que Mme Perkins et le plaignant au Service, n’a pas été renouvelé nonobstant sa plus grande ancienneté au Service que les autres.

[182]  Pourtant, a soutenu le plaignant, la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Institut pour l'unité de négociation du groupe Services de santé (la « convention collective ») stipulait, à l’époque, comme définition de « emploi continu » ce qui suit : « […] a le sens qu’il a dans la Directive sur les conditions d’emploi à la date de signature de la présente convention ».

[183]  Or, dans cette Directive, la définition de « emploi continu » était la suivante :

Désigne une ou plusieurs périodes de service dans la fonction publique, selon la définition de la Loi sur la pension dans la fonction publique, comportant des interruptions permises uniquement dans la mesure où; elles sont prévues dans les conditions d’emploi qui s’appliquent à la personne.

[184]  Quant à elle, la Loi sur la pension dans la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P 36) définissait la « fonction publique » comme suit :

Les divers postes dans quelque ministère ou secteur du gouvernement exécutif du Canada, ou relevant d’un tel ministère ou secteur […]

[185]  Ainsi, a soumis le plaignant, le Service dit utiliser cette règle de l’ancienneté, mais il le fait de façon aléatoire et à sa guise.

[186]  De même, a noté le plaignant, lors de la rencontre du 17 mai 2016 entre Mme Ménard et lui, cette dernière lui a confirmé qu’elle avait la discrétion de réduire de façon égale les horaires de travail des infirmiers occupant des postes à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminée et déterminée. Cependant, ce n’est pas ce qu’elle a choisi de faire. Sans faire mention de la règle de l’ancienneté, elle l’a simplement informé qu’elle exerçait sa discrétion pour réduire la totalité des heures à couper de son horaire de travail à durée déterminée. Sa colère contre lui était évidente lorsqu’elle lui a annoncé sa décision, et il est probable que ce fut à cause de ses interventions et de ses revendications à titre de délégué syndical.

[187]  Le plaignant a fait valoir qu’un autre fait démontre que Mme Ménard a exercé des représailles contre lui. Mme Perkins a affirmé que, lorsque Mme Ménard l’a informée en février 2017 qu’elle devait réduire son horaire de travail à durée déterminée, Mme Ménard lui a précisé que cela la peinait de le faire mais qu’elle n’avait pas le choix de couper un nombre important d’heures à son horaire puisqu’elle avait répondu, dans sa réponse à la plainte du plaignant, que la règle de l’ancienneté avait été utilisée pour la réduction de l’horaire de travail du plaignant. Le plaignant souligne donc que la réponse de septembre 2016 à sa plainte, où le Service mentionnait que son horaire de travail a été réduit à la suite de l’application de la règle de l’ancienneté, était un prétexte ou une excuse pour déguiser des représailles exercées contre lui le 17 mai 2016.

[188]  De plus, le plaignant a fait valoir que, s’il était vrai qu’une règle soi-disant objective et neutre avait été adoptée afin d’effectuer les réductions d’heures ciblées, Mme Ménard ne l’aurait pas attaqué et dénigré lorsqu’elle lui a annoncé qu’elle réduisait son horaire de travail à durée déterminée. Selon lui, la prise et l’exécution des décisions ne peuvent être utilisées à des fins de vengeance.

[189]  Le plaignant a également fait valoir que l’énoncé de Mme Ménard, à savoir qu’elle a choisi de réduire son horaire de travail à durée déterminée à cause de ses problèmes de rendement, ne tient pas la route, pas plus que l’énoncé du Service voulant que la règle de l’ancienneté était ici une règle objective et neutre qui a été appliquée. Le plaignant n’avait aucun problème de rendement et, si le contraire s’était avéré vrai, Mme Ménard avait l’obligation de discuter franchement de ses problèmes de rendement avec lui. Plus précisément, le processus de gestion du rendement permet à l’employeur de fournir une rétroaction à un employé qui a des problèmes de rendement. Or, il a fait remarquer que son rendement était élevé et que toutes ses évaluations du rendement le démontraient.

[190]  Mme Ménard a de plus annoncé au plaignant qu’elle réduisait son horaire de travail à durée déterminée, et pas celui des autres infirmiers, puisque les autres infirmiers étaient performants et travaillaient sans rien dire. Toutefois, selon le plaignant, la performance au travail n’aurait pas été pertinente si la règle de l’ancienneté avait été la vraie raison de la décision de réduire son horaire de travail. De même, les comportements qui lui étaient reprochés (arrogance, inconscience et intimidation) n’auraient pas été pertinents si la règle de l’ancienneté était le véritable motif derrière la décision de réduire son horaire de travail.

[191]  De même, le processus disciplinaire permet à l’employeur d’aborder les problèmes de comportement d’un employé. Or, ni ce processus ni le processus de gestion du rendement n’ont été utilisés pour aborder de présumés problèmes de comportement ou de rendement du plaignant. Le seul commentaire fait au sujet de sa conduite, à l’exception de celui de Mme Ménard en 2016-2017, se trouve dans l’évaluation du rendement du plaignant pour l’année 2015-2016. M. Henry avait noté ce qui suit :

[…]

[…] Il est une personne directe, parfois cela pourrais surprendre certains de ses pairs cependant, les discussions sont faites dans le respect avec des explications sur ses motivations. Il communique son désaccord et appuie sa pensée avec des éléments qui permettre de comprendre son point de vue. Bonne esprit d’équipe, offre son aide et collabore aux nouvelles exigences de son employeur. […]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[192]  Enfin, le plaignant a fait valoir qu’il existe plusieurs raisons de douter de la crédibilité de Mme Ménard. D’une part, elle a affirmé à l’audience beaucoup l’aimer. Or, dans sa description des évènements par la suite, elle a, à de nombreuses occasions, souligné qu’il était malicieux et qu’il entretenait des rapports malsains. Le plaignant a porté à mon attention le caractère irréconciliable du témoignage de Mme Ménard. Selon le plaignant, ce témoignage démontre qu’elle avait beaucoup d’animosité à son égard et qu’elle a faussement affirmé qu’elle l’aimait beaucoup. L’ensemble de son témoignage ne serait donc pas crédible.

VI. Analyse

A. Contravention de l’interdiction énoncée au sous-alinéa 186(2)a)(i) de la Loi

[193]  Le plaignant a allégué que l’article 185 et le sous-alinéa 186(2)a)(i) de la Loi ont été violés.

[194]  Compte tenu du paragraphe 191(2) de la Loi, ma tâche consiste à déterminer si le Service a prouvé, selon une prépondérance des probabilités, qu’il n’a pas fait à l’égard du plaignant des distinctions illicites en matière de conditions d’emploi, entre autres en réduisant son horaire de travail, au motif qu’il exerçait les fonctions de délégué syndical.

[195]  Ainsi, afin d’en arriver à la conclusion qu’il n’y a aucune violation du sous-alinéa 186(2)a)(i) de la Loi, je dois conclure que Mme Ménard n’a pas fait à l’égard du plaignant de distinctions en matière de conditions d’emploi ou que les actions de Mme Ménard n’étaient pas motivées par le fait que le plaignant était délégué syndical.

[196]  Je conclus, pour les raisons qui suivent, que les éléments de preuve sont insuffisants - lorsque réunis - pour réfuter, selon la prépondérance des probabilités, la présomption à l’effet qu’il y a eu à l’égard du plaignant des distinctions illicites en matière de conditions d’emploi parce qu’il est devenu un délégué d’une organisation syndicale le 28 avril 2016. Le fardeau de la preuve était renversé et le Service n’a pas déchargé le fardeau qui lui incombait de prouver que la plainte n’était pas fondée.

[197]  Premièrement, il n’est pas contesté que le plaignant était un délégué syndical de l’Institut depuis le 28 avril 2016. Il représentait donc, à l’époque, une organisation syndicale.

[198]  Deuxièmement, je note que l’interdiction énoncée au sous-alinéa 186(2)a)(i) de la Loi inclut les gestes suivants : refuser d’employer ou de continuer à employer une personne donnée, ou de faire à son égard des distinctions illicites en matière d’emploi, de salaire ou d’autres conditions d’emploi, de l’intimider, de la menacer ou de prendre d’autres mesures disciplinaires à son égard. En l’espèce, les gestes reprochés à Mme Ménard incluent sa décision de réduire l’horaire de travail à durée déterminée du plaignant à partir du 16 juin 2016. Réduire un horaire de travail peut représenter une distinction illicite en matière d’emploi qui est interdite par le sous‑alinéa 186(2)a)(i) si le geste est motivé par le fait, par exemple, que la personne est un délégué syndical. Le Service n’a pas contesté que la réduction de l’horaire de travail du plaignant touchait ses conditions d’emploi.

[199]  Il faut donc se poser la question, en troisième lieu, à savoir si le Service a prouvé que les actes reprochés à Mme Ménard n’étaient pas motivés par le fait que le plaignant était délégué syndical. Selon moi, le Service ne s’est pas déchargé de ce fardeau.

[200]  D’abord, la preuve démontre qu’il n’existait aucune tension entre Mme Ménard et le plaignant avant que ce dernier ne manifeste son intention de devenir délégué syndical. Toutefois, à la suite de la désignation du plaignant en tant que délégué syndical le 28 avril 2016, la relation entre Mme Ménard et lui s’est détériorée sensiblement. Il ressort des témoignages de Mme Ménard et du plaignant que le comportement et les interventions de ce dernier à partir du 28 avril 2016 ont intensifié une colère éprouvée par Mme Ménard envers lui. Puis, peu de temps après, elle a réduit considérablement son horaire de travail à durée déterminée.

[201]  Il est vrai que Mme Ménard et le plaignant ont présenté une version bien différente des propos qu’ils ont échangés à la mi-mars 2016, puis lors de la rencontre du 17 mai 2016 et lors des rencontres suivantes. Je suis d’avis, toutefois, que la version du plaignant est plus crédible que celle de Mme Ménard. Plus particulièrement, ayant considéré l’ensemble de la preuve, j’estime que les récits présentés par le plaignant, et qui sont appuyés par les témoignages de Mme Perkins et de M. Doyle, sont plus probables. Selon moi, [traduction]« […] une personne éclairée et douée de sens pratique […] » trouverait ces récits compatibles [traduction] […] avec la prépondérance des probabilités […] raisonnable dans telle situation et telles circonstances […] » (voir Faryna).

[202]  Bien que je sois d’accord avec le Service que le besoin de réduire l’horaire de travail des infirmiers aux Services de santé de l’Établissement à l’époque était légitime et raisonnablement fondé sur les besoins opérationnels du Service, j’ai trouvé certains aspects du témoignage de Mme Ménard au sujet de ses décisions, réactions et agissements, y compris sa décision de réduire uniquement l’horaire de travail duplaignant en mai 2016, plutôt douteux ou improbables.

[203]  Premièrement, Mme Ménard a affirmé que sa réaction d’étonnement et d’incompréhension à la suite de l’annonce du plaignant en mars 2016 qu’il souhaitait devenir délégué syndical était due au fait qu’elle ne voyait pas la nécessité qu’un autre délégué syndical s’ajoute à l’équipe des 11 infirmiers à l’Établissement puisqu’il y avait déjà un délégué syndical dans l’équipe à l’époque. Toutefois, cette explication est impossible. La preuve démontre clairement que l’autre infirmier aux Services de santé de l’Établissement n’a été nommé délégué syndical qu’en avril 2017, soit un an après que le plaignant ne soit devenu délégué syndical. D’ailleurs, la preuve établit que ce dernier a accepté de devenir délégué syndical à la demande du plaignant pour l’aider puisque la menace d’une plainte de harcèlement planait sur le plaignant s’il persistait dans l’exercice de ses fonctions de représentant syndical.

[204]  Deuxièmement, bien que l’allégation que le plaignant a subi des représailles parce qu’il était délégué syndical est réputée prouvée, certains faits sont assez troublants lorsque réunis et appuient cette allégation. Ce sont les éléments suivants : Mme Ménard ne comprenait pas pourquoi le plaignant était motivé à devenir délégué syndical en mars 2016 et elle a sondé son intérêt au même moment pour le rôle d’assistant-chef, Services de santé à l’Établissement s’il recherchait un défi; Mme Ménard a invoqué, le 17 mai 2016, des présumés problèmes de comportement du plaignant comme justification à sa décision de réduire son horaire de travail à durée déterminée alors que jamais elle n’avait mentionné ses problèmes de comportement auparavant; Mme Ménard a incité le plaignant, le 17 mai 2016, à faire comme les autres infirmiers aux Services de santé de l’Établissement, plus précisément à travailler sans rien dire, et elle a insinué que, s’il faisait cela, elle majorerait peut-être son horaire de travail; et Mme Ménard a invectivé le plaignant devant ses collègues le 14 juillet 2016, au moment où il devait faire une inspection de santé et sécurité au travail.

[205]  Troisièmement, la preuve tend à indiquer que Mme Ménard n’a pas invoqué la règle de l’ancienneté au moment où elle a annoncé au plaignant, le 17 mai 2016, qu’elle réduisait son horaire de travail à durée déterminée. La preuve me conduit à conclure qu’elle a plutôt fondé sa décision sur le fait qu’elle considérait les interventions que le plaignant faisait dans l’exercice de ses fonctions de représentant syndical comme des gestes d’intimidation. Elle a aussi ajouté qu’il était paresseux, arrogant et inconscient. À ce sujet, je note que, lors de son témoignage, Mme Ménard a affirmé, d’entrée de jeu, beaucoup aimer le plaignant. Par la suite, toutefois, elle a clairement exprimé qu’elle le trouvait malicieux, qu’elle trouvait sa conduite malicieuse et qu’elle était de l’avis que ses intentions et interventions étaient en tout point malicieuses. Selon moi, ces affirmations sont irréconciliables.

[206]  Je tiens à souligner que, bien que Mme Ménard était dans une situation difficile à l’époque et qu’il n’est jamais facile d’annoncer à un ou des employés qu’ils sont touchés par des compressions budgétaire, il n’en demeure pas moins que la plainte est présumée fondée et qu’il incombe au Service de prouver que la décision de Mme Ménard de réduire l’horaire de travail du plaignant à partir du 16 juin 2016 n’avaient rien à voir avec le fait qu’il était délégué syndical.

[207]  En ce qui concerne le témoignage du plaignant, je l’ai trouvé cohérent et crédible. Le témoignage a clairement établi que le plaignant tentait de remplir ses rôles d’infirmier et de délégué syndical depuis sa désignation. Son affirmation que la règle de l’ancienneté n’était ni connue ni appliquée auparavant à l’Établissement est aussi corroborée par Mme Perkins. De plus, il n’existe aucune preuve que le plaignant avait des problèmes de comportement ou de rendement.

[208]  Je souhaite préciser, toutefois, que je ne souscris pas à la revendication du plaignant voulant que, lorsqu’il existe deux versions des propos ayant été échangés à un moment donné, je doive privilégier la version de la personne qui affirme une allégation. Je privilégie plutôt l’approche que la Commission a suivie dans Gal c. Chouinard et St Amand, 2014 CRTFP 92, qui indiquait ce qui suit au paragraphe 38 :

[38]  […] Le paragraphe 191(3) de la Loi représente un renversement du fardeau de la preuve et force donc les défendeurs à nier ou à prouver le contraire des allégations de la plaignante. Si la prétention de la plaignante s’appliquait rigidement, aucun défendeur ne pourrait s’acquitter du fardeau imposé par ce paragraphe. […]

[209]  En somme, le Service n’a pas démontré que l’horaire de travail à durée déterminée du plaignant a été réduit à compter du 16 juin 2016 pour des raisons autres que son implication comme délégué syndical.  La preuve confirme plutôt que c’est précisément à cause des observations, interventions et revendications du plaignant en tant que délégué syndical que Mme Ménard n’a réduit que l’horaire de travail du plaignant à l’époque.

[210]  J’ai pris en considération la jurisprudence qui étaye la thèse qu’on ne peut pas conclure à un sentiment antisyndical lorsque les mesures prises par la direction découlent de l’exercice raisonnable de ses droits de gestion. Toutefois, la raison invoquée par le Service dans sa réponse à la plainte de distinctions illicites en matière de conditions d’emploi – soit que toutes les heures ont été retranchées à l’horaire de travail à durée déterminée du plaignant parce qu’il était l’employé ayant le moins d’ancienneté et le dernier à qui un poste à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminée avait été octroyé – confirme, selon moi, un faux prétexte servant à cacher des distinctions faites à l’égard du plaignant parce qu’il était délégué syndical. J’en arrive à cette conclusion pour les raisons qui suivent.

[211]  Le témoignage de Mme Perreault indique sans équivoque que si la règle de l’ancienneté avait été appliquée pour réduire l’horaire de travail à durée déterminée du plaignant, l’existence de cette règle aurait été clairement communiquée préalablement aux infirmiers aux Services de santé de l’Établissement, et plus particulièrement au plaignant, à tout le moins lorsque Mme Ménard lui a annoncé qu’elle réduisait son horaire de travail. Tel que déjà mentionné, la preuve me conduit plutôt à la conclusion que Mme Ménard n’a pas invoqué la règle de l’ancienneté au moment où elle a annoncé au plaignant, le 17 mai 2016, qu’elle réduisait son horaire de travail. Elle a plutôt justifié sa décision au plaignant en invoquant qu’elle considérait ses interventions comme des gestes d’intimidation et qu’elle le trouvait paresseux, arrogant et inconscient.

[212]  À la suite de la réduction de son horaire, le plaignant a déposé sa plainte de pratique déloyale de travail contre Mme Ménard. Dans sa réponse à la plainte, le Service a alors affirmé, pour la première fois, que la réduction de son horaire de travail avait été faite en appliquant la règle de l’ancienneté.

[213]  Subséquemment, en février 2017, lorsque Mme Ménard a informé Mme Perkins qu’elle devait réduire son horaire de travail à durée déterminée, selon Mme Perkins, Mme Ménard lui a dit qu’elle n’avait pas le choix de couper toutes les heures à son horaire puisqu’elle avait répondu, dans sa réponse à la plainte du plaignant, que la règle de l’ancienneté avait été utilisée pour la réduction de l’horaire de travail du plaignant.

[214]  Or, préalablement, Mme Ménard n’avait pas tenu compte de la date d’embauche au Service de Mme St-Julien lorsqu’elle avait réduit son horaire de travail à durée déterminée à partir du 7 mars 2016. Mme St-Julien avait plus d’ancienneté que Mme Perkins et le plaignant à l’époque. Cependant, son horaire de travail n’a pas été renouvelé puisqu’elle n’occupait pas un poste à temps partiel (18,75 heures/semaine) à durée indéterminée à l’Établissement. Toutefois, Mme Perreault a confirmé que, pour le calcul de l’ancienneté, la date d’embauche d’un employé au Service ne devrait pas être modifiée par un changement d’institution.

[215]  Mmes Perkins, Ménard et Perreault, en plus du plaignant, ont aussi confirmé que la règle de l’ancienneté n’avait jamais été appliquée auparavant aux Services de santé de l’Établissement. De même, M. Doyle, qui jouait un rôle au sein de l’équipe de consultation patronale-syndicale nationale du Service, a affirmé que cette règle n’était pas commune dans les établissements du Service.

[216]  Je note que Mme Perreault a affirmé que la règle de l’ancienneté était une règle appliquée dans d’autres établissements du Service. Elle a cependant précisé qu’elle avait cherché, mais n’avait rien trouvé d’écrit au sujet de l’application de cette règle à l’Établissement.

[217]  Somme toute, le Service n’a pas établi que la réduction de l’horaire de travail du plaignant n’était pas motivée par le fait qu’il était délégué syndical. Au contraire, la preuve suggère plutôt que c’est sur le coup de la colère que Mme Ménard a décidé, en mai 2016, de réduire de l’horaire de travail du plaignant la totalité des heures devant être retranchées aux Services de santé de l’Établissement, parce qu’elle n’appréciait pas ses interventions.

[218]  Pour ces raisons, j’estime que le Service n’a pas prouvé que les actes reprochés dans la plainte n’étaient pas motivés par le fait que le plaignant était délégué syndical. Plus précisément, je conclus que le Service n’a pas démontré qu’il n’y a eu aucune contravention de l’interdiction énoncée au paragraphe 186(2) de la Loi lorsque Mme Ménard a décidé de réduire l’horaire de travail à durée déterminée du plaignant à compter du 16 juin 2016.

B. Mesures de réparation

[219]  La plainte a été présentée le 28 juillet 2016. À la lumière des arguments présentés par le plaignant, sa plainte revêt un caractère continu puisqu’il a aussi demandé réparation pour les pertes qu’il a subies du fait de la réduction subséquente de son horaire de travail, à compter du 1er avril 2017. Le Service ne s’est pas opposé à la demande de dédommagement pour la période postérieure au dépôt de la plainte. Le Service a plutôt précisé que je ne devrais pas ordonner de dédommagement pour les heures additionnelles et le temps supplémentaire effectués par le plaignant pendant cette période.

[220]  La théorie du caractère continue de la violation alléguée dans la plainte s’applique-t-elle en l’espèce? J’estime que oui, étant donné que le Service a présenté de la preuve à l’égard de la période en question et que, par son comportement à l’audience il a consenti à cette modification de la plainte.

[221]  Le tableau suivant indique donc de quelle façon l’horaire de travail à durée déterminée du plaignant a été réduit entre le 16 juin 2016 et le 14 juin 2018 :

Période

Horaire de travail à durée déterminée

16 juin 2016 au 31 mars 2017

Réduction de 37,5 heures/semaine à 22,50 heures/semaine.

1er avril au 31 décembre 2017

Réduction à 18,75 heures/semaine

1er janvier au 18 février 2018

Majoration à 30 heures/semaine

19 février au 30 mars 2018

Réduction à 18,75 heures/semaine

1er avril au 31 mai 2018

Renouvellement de 18,75 heures/semaine

1er juin au 30 septembre 2018

Renouvellement de 18,75 heures/semaine

14 juin 2018 au 30 novembre 2018

Majoration à 37,5 heures/semaine – nomination intérimaire – Chef, Services de santé

[222]  Le plaignant a décrit à l’audience l’impact de la décision de réduire son horaire de travail à durée déterminée et des gestes de Mme Ménard sur sa vie. Il a dit être un être calme et posé. Il a expliqué cependant qu’il avait trouvé très difficile de se rendre au travail à l’époque où il est devenu délégué syndical et où Mme Ménard a réduit son horaire de travail de 15 heures par semaine, puis par la suite de 3,75 heures par semaine. À ce moment-là, Mme Ménard laissait sous-entendre qu’elle pouvait déposer une plainte de harcèlement contre lui parce que, selon elle, il était intimidant. Il éprouvait donc de l’appréhension avant chaque rencontre avec elle. Il avait l’impression qu’elle n’accordait aucune valeur à son dévouement et à la qualité de son travail.

[223]  Le plaignant s’est dit très humilié d’avoir été considéré arrogant et intimidant par Mme Ménard. Il a expliqué qu’il avait toujours fait des interventions auprès de ses collègues et gestionnaires, soit à l’égard de la sécurité ou de la protection des infirmiers. Cependant, il demeurait courtois. De plus, il a dit ne pas comprendre comment Mme Ménard avait pu en arriver à le considérer paresseux ou inconscient. Pendant toutes ses années sur le marché du travail, il ne s’était jamais fait traiter de cela.

[224]  Le plaignant croit sincèrement qu’il est apprécié par ses collègues et que son travail est bien fait. Il est un instructeur RCR (Cardio-Secours) et enseigne le programme dans son milieu de travail. Il a ajouté qu’il est devenu délégué syndical pour tenter d’améliorer les accords existants avec la gestion, mais que Mme Ménard, finalement, avait simplement réduit son horaire de travail à durée déterminée pour l’écarter du chemin. Il a ajouté que, s’il avait su qu’il subirait de telles représailles de la part de Mme Ménard, il ne serait pas devenu délégué syndical. Il aurait ainsi évité à sa famille les dettes qu’il a accumulées à cause de sa perte de salaire.

[225]  Il a dit avoir passé des nuits blanches à cause de sa situation au travail et d’avoir vécu une inquiétude constante du fait que son revenu avait été coupé de presque la moitié. En fait, il s’inquiétait beaucoup pour la sécurité de ses revenus, étant donné que cela affectait toute sa famille.

[226]  Le plaignant a expliqué qu’il n’avait pas informé tous les membres de sa famille de ses difficultés au travail. Il avait honte de devoir en parler. Il craignait un nouveau cycle de représailles chaque fois qu’il devait communiquer avec Mme Ménard, et il ne voulait pas communiquer ce sentiment d’échec à sa famille. Il éprouvait ce sentiment d’échec et ressentait de la colère, du chagrin et de l’anxiété chaque fois qu’il se rendait au travail.

[227]  Le plaignant s’est cependant régulièrement confié à un membre de sa famille, qui l’a appuyé de son mieux pendant cette période difficile. Il a expliqué qu’étant donné que leur revenu familial avait considérablement réduit, le membre de sa famille a effectué plus de quarts de travail pour augmenter les revenus de la famille. Ce membre de sa famille, conscient que le plaignant essuyait déjà plusieurs revers au travail, a aussi obtenu une nouvelle carte de crédit, à son insu, qu’il a utilisé pour faire l’épicerie.

[228]  Le plaignant a déposé en preuve le sommaire des opérations sur la carte de crédit du membre de sa famille pour la période du 28 janvier 2017 au 16 février 2017. Son solde à payer était alors de 1 323,92 $. Le plaignant a expliqué qu’à cette époque, il ne travaillait plus qu’à temps partiel et que c’était une période très difficile financièrement pour sa famille. Compte tenu des contraintes financières qui ont continuées pour la famille, le solde de cette carte de crédit a augmenté au cours des mois qui ont suivis. Le plaignant a déposé en preuve le sommaire des opérations sur la carte de crédit du membre de sa famille pour la période du 22 juillet au 21 août 2018. À cette époque, le nouveau solde avait grimpé à 5 280,05 $.

[229]  De son côté, le plaignant a aussi accumulé une dette. Il a déposé en preuve un plan de financement qu’il a obtenu en janvier 2017 pour l’aider à subvenir aux besoins de sa famille. À cette époque, sa dette contractée s’élevait à 4 000 $ et le plan de financement lui a permis de rembourser des emprunts bancaires contractés antérieurement et de reporter l’échéance de sa dette.

[230]  Le plaignant a aussi déposé en preuve des états de gains pour démontrer quelles ont été les pertes salariales qu’il a encourues. Certains états de gains démontrent quel était son salaire à temps plein tandis que d’autres démontrent son salaire réduit à l’époque de la réduction de son horaire de travail à durée déterminée.

[231]  Le plaignant demande à être indemnisé pour les pertes de rémunération et d’avantages sociaux qu’il a subies et pour son préjudice moral et psychologique. Il demande aussi une déclaration que les agissements de Mme Ménard étaient contraires à la Loi et à la convention collective.

[232]  Le plaignant estime, en prenant en considération ses états de gains, que la somme qu’il a perdue à la suite des décisions de Mme Ménard est d’environ 45 000 $ sur deux ans. Il demande un dédommagement de ce montant. Il demande également une indemnisation pour les dettes que lui et sa famille ont encourues.

[233]  Le 14 juin 2018, le plaignant a été nommé de façon intérimaire au poste de chef, Services de santé de l’Établissement. Il a recommencé à travailler à temps plein.

[234]  Le Service, quant à lui, a fait valoir que, si je conclus qu’il n’a pas déchargé son fardeau de prouver qu’il n’y a eu aucune contravention à l’interdiction énoncée au sous-alinéa 186(2)a)(i) de la Loi, pour le calcul des dommages, je devrais prendre en considération les heures supplémentaires travaillées par le plaignant et le temps supplémentaire qu’il a effectué au cours de la période en litige, et ce, même si ces montants ne lui ont pas encore été payés à cause des déficiences du système de paye Phénix.

192 (1) Si elle décide que la plainte présentée au titre du paragraphe 190(1) est fondée, la Commission peut, par ordonnance, rendre à l’égard de la partie visée par la plainte toute ordonnance qu’elle estime indiquée dans les circonstances et, notamment :

[…]

b) en cas de contravention par l’employeur de l’alinéa 186(2)a), lui enjoindre :

(i) d’engager, de continuer à employer ou de reprendre à son service le fonctionnaire ou toute autre personne, selon le cas, qui a fait l’objet d’une mesure interdite par cet alinéa,

(ii) de payer à toute personne touchée par la contravention une indemnité équivalant au plus, à son avis, à la rémunération qui lui aurait été payée par l’employeur s’il n’y avait pas eu contravention,

(iii) d’annuler toute mesure disciplinaire prise et de payer au fonctionnaire touché une indemnité équivalant au plus, à son avis, à toute sanction pécuniaire ou autre imposée au fonctionnaire par l’employeur;

[…]

[236]  Je considère que la réparation appropriée consiste à payer au plaignant une indemnité équivalant à la rémunération qui lui aurait été payée s’il n’y avait pas eu contravention de l’interdiction énoncée au sous-alinéa 186(1)a)(i) de la Loi. J’invite les parties à régler entre elles le montant exact dû au plaignant à ce titre. Si elles ne parviennent pas à s’entendre, je resterai saisie de la question pendant une période de 90 jours.

[237]  Je note que la souffrance psychologique que le plaignant a vécue du fait de la contravention de l’interdiction énoncée au sous-alinéa 186(1)a)(i) de la Loi est difficile à évaluer objectivement et à quantifier en l’espèce. Cependant, cette souffrance comprend certainement un sentiment d’humiliation et d’injustice de la part du plaignant et des préoccupations à l’égard de son milieu de travail ainsi qu’à l’égard de la sécurité financière et du bien-être psychologique de sa famille. De plus, le plaignant a vécu cette souffrance pendant une longue période. Compte tenu de la preuve et de l’argumentation susmentionnée, j’estime que des dommages au montant de 5 000 $ sont raisonnables et indiqués dans les circonstances.

[238]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VII. Ordonnance

[239]  Je déclare que le Service correctionnel du Canada est le défendeur dans cette affaire.

[240]  Je déclare qu’il incombe au Service correctionnel du Canada de prouver qu’il n’a pas contrevenu à l’interdiction énoncée au sous-alinéa 186(2)a)(i) de la Loi.

[241]  Je déclare que le Service correctionnel du Canada a contrevenu à l’interdiction énoncée au sous-alinéa 186(2)a)(i) de la Loi en faisant, à l’égard du plaignant, des distinctions illicites en matière de conditions d’emploi, entre autres en réduisant son horaire de travail parce que ce dernier était un représentant d’une organisation syndicale.

[242]  La plainte est accueillie.

[243]  J’ordonne au Service correctionnel du Canada et au secrétaire du Conseil du Trésor de payer au plaignant une indemnité équivalant à la rémunération qui lui aurait été payée s’il n’y avait pas eu contravention de l’interdiction énoncée au sous-alinéa 186(2)a)(i) de la Loi.

[244]  Je demeurerai saisie pendant une période de 90 jours pour toute question liée au calcul de l’indemnité visée au paragraphe 243 de la présente décision.

[245]  J’ordonne enfin au Service correctionnel du Canada et au secrétaire du Conseil du Trésor de payer au plaignant une somme de 5 000 $ à titre de dommages pour préjudice psychologique.

Le 8 juillet 2019.

Nathalie Daigle,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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