Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les employés travaillaient pour le Centre de contrôle de la lamproie de mer –
la clause 25.08 (« Heures de travail ») de leur convention collective prévoyait une indemnité en cas de modification de leur horaire de travail sans avoir obtenu le préavis minimum de sept jours – l’Appendice I de leur convention collective (« Protocole d’accord concernant les employé-e-s du groupe soutien technologique et scientifique du bureau de lutte contre la lamproie marine ») excluait expressément l’application de la clause 25.08 – la Commission a estimé qu’ils n’avaient pas droit à une prime pour modification de leur horaire de travail sans préavis minimum de sept jours.

Griefs rejetés.


Les employés travaillaient pour le Centre de contrôle de la lamproie de mer –
la pratique locale consistait à leur payer des heures supplémentaires pour le travail effectué un samedi ou un dimanche – l’Appendice I de leur convention collective (« Protocole d’accord concernant les employé-e-s du groupe soutien technologique et scientifique du bureau de lutte contre la lamproie marine ») prévoyait plutôt un congé compensatoire – l’employeur a averti les employés qu’il mettrait fin à la pratique locale et appliquerait l’Appendice I – la Commission a conclu que l’Appendice I n’était pas ambiguë, puisqu’elle ne considérait pas les samedis et les dimanches comme des jours de repos – la pratique antérieure ne pouvait pas aider à en interpréter son sens.

Griefs rejetés.

Contenu de la décision

Date : 20190812

Dossiers : 569‑02‑199 et

56602‑8860 à 8866

Référence : 2019 CRTESPF 81

Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Entre

Jerome Keen et Shawn Robertson

fonctionnaires s’estimant lésés

et

Alliance de la Fonction publique du Canada

agent négociateur

et

Conseil du trésor

(ministère des Pêches et des Océans)

employeur

Répertorié

Keen c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans)

Affaire concernant des griefs individuels et un grief de principe renvoyés à l’arbitrage

Devant : James Knopp, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour l’agent négociateur :  Kim Patenaude, avocate

Pour l’employeur :  Amita Chandra, avocate

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),

du 17 au 19 juin 2019.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION (Traduction de la crtespf)

I. Introduction et contexte

[1]  La lamproie marine est très désagréable. Elle est une espèce envahissante et est un poisson parasite originaire du nord et de l’ouest de l’océan atlantique. Toutefois, depuis les années 1830, elle s’est rendue, par l’intermédiaire du canal Welland, à tous les cinq Grands Lacs. Elle se fixe sur le côté d’un poisson et s’alimente sur le sang et les liquides organiques de l’hôte jusqu’à ce que l’hôte décède, souvent en raison d’une infection. La lamproie marine a un appétit vorace. Si elle n’est pas maîtrisée, la lamproie marine peut dévaster les ressources de pêches récréatives et commerciales.

[2]  La Commission des pêcheries des Grands Lacs coordonne le contrôle de la lamproie marine dans les Grands Lacs. Le travail est exécuté conjointement par le United States Fish and Wildlife Service et le ministère des Pêches et des Océans (MPO).

[3]  Les biologistes de terrain tendent des pièges et des obstacles dans les nombreux affluents qui alimentent les Grands Lacs afin d’empêcher les lamproies marines de remonter en amont. Des produits chimiques spécialisés, soit des anti‑lamproies, sont administrés, lesquels attaquent les larves de lamproie, mais qui ne présentent aucun danger pour les autres créatures aquatiques. Une fois que le traitement a été mis en œuvre, les biologistes de terrain et les techniciens doivent demeurer au site pendant au moins 24 heures afin d’assurer son application sécuritaire et efficace.

[4]  Jerome Keen et Shawn Robertson, les fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires »), sont des biologistes de terrain. Plus particulièrement, ils sont des techniciens en sciences aquatiques et leurs postes sont classés aux groupe et niveau EG‑04. Ils font partie de l’unité Soutien technologique et scientifique du Centre de contrôle de la lamproie de mer du MPO. En raison de la nature de leur mandat de travail, leurs conditions de travail sont plutôt uniques.

[5]  Leur horaire au cours des mois hivernaux est de 9 h à 17 h, du lundi au vendredi, et ils sont en congé les fins de semaine. Ces mois sont consacrés à la planification et à la préparation de la saison de travail sur le terrain, ce qui couvre habituellement environ du 1er avril au 31 octobre. L’efficacité sur le terrain dépend d’une planification minutieuse. Un plan, selon lequel plusieurs équipes seront envoyées à divers endroits dans l’État de New York, au Michigan et en Ontario, au besoin, en vue de contrôler l’infestation de lamproies, est élaboré en fonction de données météorologiques et de recherche, ainsi que de données tirées du travail sur le terrain des années antérieures.

[6]  Une brève mention de certains des noms informels des équipes offrira une certaine indication de la diversité des travaux qu’elles exécutent. Les équipes de traitement, des obstacles, de l’évaluation des adultes, de l’évaluation des larves, et de l’évaluation environnementale exécutent toutes des travaux à différents endroits et périodes tout au long de la saison de travail sur le terrain.

[7]  Les facteurs qui influencent le déploiement de l’équipe comprennent les conditions météorologiques (surtout la température puisque l’anti‑lamproies est moins efficace à des températures de moins de 5 degrés Celsius), la facilité d’accès aux sites de traitement, l’intensité du courant et la distance géographique de Sault Ste. Marie (soit l’administration centrale de ces activités). Il faut habituellement deux jours de déplacement (sens unique) pour se rendre aux sites sur le terrain les plus éloignés, situés dans le nord de l’État de New York.

[8]  Il est évident qu’autant qu’on souhaite établir un horaire précis et complet visant toute la saison de travail sur le terrain, les conditions peuvent changer en un clin d’œil et une souplesse est nécessaire. Un horaire provisoire est établi à la fin de février ou au début du mois de mars aux fins d’examen par la direction et les employés. Les préoccupations sont habituellement mineures et les changements nécessaires sont examinés, consentis par les deux parties et mis en œuvre avant que le plan final ne soit présenté au mois de mars.

[9]  En ce qui concerne les équipes, l’horaire d’hiver du lundi au vendredi de 9 h à 17 h est chamboulé lorsque les travaux sur le terrain commencent en avril. Jusqu’à 19 ou 20 jours de travail consécutifs sont prévus afin de permettre les déplacements, la mise sur pied, la construction ou l’entretien et peut‑être le traitement et le contrôle. Cette période est suivie d’une période de jusqu’à 8 à 10 jours de repos, selon les circonstances. La durée de ces périodes varie fréquemment en raison de conditions météorologiques imprévisibles. Les périodes sont souvent prolongées, par exemple, afin d’achever une session de travail dans un endroit éloigné afin d’éviter d’avoir à y retourner plus tard. La souplesse constitue une caractéristique importante du travail sur le terrain.

[10]  Les exigences de ce milieu de travail unique sont indiquées dans un appendice de la convention collective. À l’audience, la question à trancher concernait l’interprétation de l’appendice I de la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour le groupe Services techniques qui est venue à échéance le 21 juin 2014 (la « convention collective ») dans la mesure où il se rapporte à la rémunération des employés qui travaillent sur le terrain pendant la saison de travail sur le terrain.

[11]  Ces griefs concernent les heures supplémentaires, conformément à l’exposé conjoint des faits qui suit.

II. Exposé conjoint des faits

[12]  Au début de l’audience, les parties ont présenté conjointement un exposé conjoint des faits (ECF) comptant 15 onglets de documents auxquels il renvoie.

[13]  L’ECF est rédigé en partie comme suit :

[Traduction]

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

1. Les présents griefs visent tous les employés de l’unité de négociation Soutien technologique et scientifique au Centre de contrôle de la lamproie de mer (« CCLM ») du ministère des Pêches et des Océans (« MPO »). L’Alliance de la Fonction publique du Canada (« AFPC ») est l’agent négociateur agréé de cette unité au sein du groupe Services techniques du Conseil du Trésor.

2. Les employés du groupe Soutien technologique et scientifique au CCLM sont des techniciens en sciences aquatiques qui exécutent leur travail à l’extérieur de leur administration centrale pendant la « saison de travail sur le terrain ».

3. La saison de travail sur le terrain est habituellement du 1er avril au 31 octobre.

4. Le 9 mai 1973, un premier protocole d’accord (« PA ») entre l’employeur et l’AFPC a été négocié en vue de renoncer à certaines clauses de la convention collective dans la mesure où elles s’appliquent à l’établissement des horaires et au déplacement des employés de l’unité de négociation Soutien technologique et scientifique au CCLM.

5. Un deuxième PA a été signé le 29 juillet 1975. Le libellé de ce PA a été constamment renouvelé par les parties au cours des négociations collectives et inclus à la convention collective en tant qu’appendice L jusqu’au 26 mars 1999.

6. En 1999, à la suite de discussions au niveau local entre la direction et le syndicat, les parties sont parvenues à une entente de déposer des révisions proposées au PA aux fins d’examen dans le cadre des négociations collectives.

7. Une nouvelle convention collective a été signée par les parties le 30 mars 2000. Cette convention collective comprenait un PA modifié qui est devenu l’appendice I.

8. Le PA a été modifié encore en 2013.

APPLICATION ANTÉRIEURE DU PA

9. Avant les modifications négociées en mars 2000, les employés qui travaillaient sur le terrain et qui étaient assujettis à l’appendice L travaillaient pendant un certain nombre de jours civils consécutifs, en accumulant leurs jours de repos qui étaient pris à la fin de leur travail sur le terrain. Par exemple, ils travaillaient pendant dix‑neuf (19) jours consécutifs dont le dernier jour était un vendredi. Ils avaient ensuite les six (6) prochains jours de congé, qui comprenait leur samedi et dimanche réguliers, ainsi que quatre (4) jours de repos accumulés pendant leur travail sur le terrain. Ils étaient rémunérés selon la prime de fin de semaine, conformément à la clause 27.02 de la CC pour les quatre (4) jours de fin de semaine qu’ils ont travaillé pendant qu’ils étaient sur le terrain.

10. Pendant la saison de travail sur le terrain de 2000, à la suite de la modification apportée au PA : les employés qui travaillaient sur le terrain pouvaient acquérir des heures supplémentaires pour les travaux exécutés un samedi au taux de 1,5 et un dimanche au taux de 2,0. Ils demandaient ensuite un congé compensateur à leur taux normal. Les autres heures supplémentaires accumulées pendant qu’ils étaient sur le terrain pouvaient être versées en espèces ou utilisées en tant que congé. Par exemple, un employé qui travaille selon l’horaire décrit ci‑dessus, soit dix‑neuf (19) jours consécutifs qui se termine un vendredi, aurait samedi et dimanche de jours de repos normaux et demanderait du lundi au jeudi en congé (30 heures) à l’aide de son congé compensateur acquis pendant sa période sur le terrain. Il leur resterait un congé compensateur de 22,5 heures à verser en espèces ou à prendre en tant que congé compensateur supplémentaire.

11. Par souci d’équité, les employés de la Commission des pêcheries des Grands Lacs (« CPGL ») qui travaillaient au CCLM en vertu d’un contrat se sont fait dire par la direction du CCLM qu’ils seraient rémunérés d’une manière semblable à la manière dont les employés du MPO sont rémunérés pour les heures travaillées pendant la fin de semaine durant la période sur le terrain.

12. Le 16 février 2011, Mme Michelle Wheatley, directrice générale, Secteur des Sciences – Région du Centre et de l’Arctique, Pêches et Océans Canada, Institut des eaux douces, a informé les employés du groupe Soutien technologique et scientifique au CCLM que l’employeur mettrait en œuvre une précision de l’appendice I. Elle a indiqué qu’à compter de la saison de travail sur le terrain de 2011, les employés assujettis à l’appendice I seraient considérés comme des employés qui travaillent par poste pendant la durée de la saison de travail sur le terrain. Elle les a informés qu’ils auraient droit aux primes de travail par poste en vertu des clauses 27.01 et 27.02, mais qu’ils n’auraient pas droit à la rémunération d’heures supplémentaires pour les heures normales de travail les samedis et/ou les dimanches s’ils sont considérés comme des jours de travail prévus à leur horaire des postes normal.

13. Pendant la saison sur le terrain de 2011, environ 95 griefs ont été déposés par 18 fonctionnaires s’estimant lésés distincts relativement à la mise en œuvre de cette précision.

14. Les deux parties ont convenu de renvoyer un nombre limité de griefs à l’arbitrage. Les griefs et les réponses de l’employeur sont joints comme suit :

15. Le 30 septembre 2015, l’AFPC a déposé un grief de principe alléguant une violation des clauses 25.10 et 28.01b) de la convention collective des Services techniques.

QUESTIONS EN LITIGE

16. Les parties ne s’entendent pas quant à l’interprétation de l’appendice I dans la mesure où il a trait à la question de rémunération des employés qui travaillent sur le terrain pendant la saison de travail sur le terrain.

III. Griefs devant la Commission

[14]  Les contestations de M. Keen et de M. Robertson sont représentatives des préoccupations d’un certain nombre de fonctionnaires s’estimant lésés. Les griefs de M. Keen et de M. Robertson, ainsi qu’un grief de principe découlant de l’interprétation du même appendice de la convention collective, ont été présentés en tant que cas types.

[15]  Le texte de l’appendice en litige à l’audience est modifié légèrement en vertu de chacune des conventions collectives. L’appendice L représente les versions antérieures et l’appendice I représente les versions ultérieures de cet appendice.

A. Griefs de M. Keen

[16]  M. Keen a déposé quatre griefs, dont les dossiers 566‑02‑8860, 8861, 8862 et 8863, respectivement. Chacun des griefs concerne le refus d’un paiement d’heures supplémentaires en 2011 visant les samedis ou les dimanches suivants :

  1. dossier 8860 : les 16 et 30 avril et les 23 et 24 juillet;
  2. dossier 8861 : les 1er, 28 et 29 mai;
  3. dossier 8862 : les 4, 5, 25 et 26 juin;
  4. dossier 8863 : les 23 et 24 juillet.

[17]  M. Keen n’a pas témoigné. Les parties se sont entendues pour dire que le témoignage de M. Robertson portait sur les mêmes questions que M. Keen a soulevées dans ses griefs.

B. Griefs de M. Robertson

[18]  M. Robertson a déposé trois griefs, dont les dossiers 566‑02‑8864, 8865 et 8866. Chacun des griefs concerne le refus d’un paiement d’heures supplémentaires en 2011 visant les jours suivants :

  1. dossier 8864 : le mercredi 11 mai, puisque le préavis de sept jours n’a pas été donné avant une modification apportée à l’horaire;
  2. dossier 8865 : le dimanche 1er mai et le samedi et dimanche 28 et 29 mai;
  3. dossier 8866 : le samedi et le dimanche, les 16 et 17 avril et le samedi 30 avril.

C. Grief de principe

[19]  Le 30 septembre 2015, l’Alliance de la Fonction publique du Canada a déposé un grief de principe, dont le dossier 569‑02‑199, dans lequel elle soutient que [traduction] « [l]e ministère des Pêches et des Océans a violé la convention collective applicable aux Services techniques (qui est venue à échéance le 21 juin 2014) lorsqu’il a omis d’appliquer correctement les clauses 25.10 et 28.01b) ». La mesure corrective demandée était tripartite, comme suit :

  1. que la Commission déclare que l’employeur a contrevenu à la convention collective;
  2. que la Commission ordonne à l’employeur d’appliquer correctement la convention collective;
  3. toutes les autres réparations qui sont équitables et raisonnables dans les circonstances.

[20]  La clause 25.10 de la convention collective a trait au préavis de changement à l’horaire de travail des travailleurs par poste. Elle se lit comme suit :

25.10 Préavis de changement à l’horaire de travail des travailleurs par poste

Si le préavis de modification de l’horaire des postes donné à un employé‑e est de moins de sept (7) jours, l’employé‑e touche une prime de salaire calculée au tarif et demi (1 1/2) pour le travail effectué pendant le premier poste modifié. Les postes effectués par la suite, selon le nouvel horaire, sont rémunérés au tarif normal. Cet employé‑e conserve ses jours de repos prévus à l’horaire qui suivent la modification ou, s’il ou elle a travaillé pendant ces jours‑là, il ou elle est rémunéré en conformité avec les dispositions de la présente convention portant sur les heures supplémentaires.

[21]  La clause 28.01 a trait aux heures supplémentaires et se lit comme suit :

ARTICLE 28

HEURES SUPPLÉMENTAIRES

28.01 Chaque période de quinze (15) minutes de travail supplémentaire est rémunérée aux tarifs suivants :

a. tarif et demi (1 1/2), sous réserve des dispositions de l’alinéa 28.01b);

b. tarif double (2) pour chaque heure supplémentaire effectuée en sus de quinze (15) heures au cours d’une période donnée de vingt-quatre (24) heures ou en sus de sept virgule cinq (7,5) heures pendant son premier (1er) jour de repos, et pour toutes les heures effectuées pendant le deuxième (2e) jour de repos ou le jour de repos subséquent. L’expression « deuxième (2e) jour de repos ou jour de repos subséquent » désigne le deuxième (2e) jour ou le jour subséquent d’une série ininterrompue de jours de repos civils consécutifs et accolés.

[22]  Le 11 juillet 2016, Carl Trottier, sous‑ministre adjoint associé, Rémunération et relations de travail, a répondu, en partie, comme suit à ce grief :

[Traduction]

[…]

À la suite d’un examen minutieux de tous les renseignements pertinents, je conclus qu’il n’y a aucune raison d’intervenir relativement à l’interprétation de la clause 25.10 (Préavis de changement à l’horaire de travail des travailleurs par poste). Selon la position adoptée par l’employeur, une modification légère des heures de travail un jour particulier ou le fait d’apporter une légère modification temporaire ne constitue pas une modification de l’horaire au sens de la clause 25.10.

En ce qui concerne l’application de l’article 28 (Heures supplémentaires), je conclus que l’employeur a commis une erreur dans son interprétation antérieure de la clause 28.01b). Plus particulièrement, il a commis une erreur lorsqu’il a interprété l’expression « d’une période donnée de vingt-quatre (24) heures » pour désigner un « jour » qui désigne « la période de vingt-quatre (24) heures qui débute à 0 h 01. »

À la suite d’un examen approfondi, un droit au tarif double (2) pour les heures supplémentaires d’un employé qui ne travaille pas en vertu des dispositions de l’appendice I ou de la clause 25.14h) de la convention collective doit être calculé en fonction de la condition selon laquelle les heures supplémentaires travaillées en sus de quinze (15) heures au cours de la période de vingt-quatre (24) heures commençant lorsque l’employé a commencé à travailler au cours de la même période de vingt-quatre (24) heures.

À la lumière de ce qui précède et dans la mesure décrite dans la présente, le grief est accueilli en partie. En ce qui concerne les mesures correctrices demandées, une interprétation révisée de l’application de la clause 28.01b) sera publiée.

[…]

[23]  Il a été convenu dès le début que les éléments de preuve déposés à l’audience auraient trait à la fois au grief de principe et aux sept griefs individuels.

IV. Résumé de la preuve

[24]  M. Robertson a témoigné au sujet des conditions de travail sur le terrain et de la manière dont le travail les fins de semaine était rémunéré avant et après qu’ils ont été désignés des employés qui travaillent par poste. Son témoignage reflétait largement les circonstances décrites dans l’ECF.

[25]  Apparemment, tout au long des saisons de travail sur le terrain de 1998 et de 1999, il existait un niveau croissant de mécontentement parmi les techniciens en sciences aquatiques parce qu’ils étaient rémunérés de manière différente par rapport aux autres employés du gouvernement fédéral, qui étaient des membres de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) et qui travaillaient parallèlement avec eux, mais selon les conditions d’une autre convention collective.

[26]  M. Robertson a témoigné au sujet du fait que les employés représentés par l’IPFPC travaillaient plusieurs jours consécutifs, suivis par des jours de repos consécutifs. Lorsque les jours de travail comprenaient un samedi et un dimanche, ils étaient rémunérés pour des heures supplémentaires le samedi et le dimanche. Les fonctionnaires exécutaient leur travail sur le terrain conjointement avec eux les samedis et les dimanches, mais ils ne touchaient aucune rémunération d’heures supplémentaires pour ces jours. Des discussions ont été tenues au niveau local en 1998 et en 1999 entre la direction et les représentants des techniciens en sciences aquatiques au sujet de cette divergence.

[27]  Une note de service a été déposée en preuve, intitulée [traduction] « Résumé de la discussion de la réunion du 21 mai 1999 entre les unités de négociation des employés et des représentants syndicaux des groupes Soutien technologique et scientifique (EG) et Manœuvres et gens de métier (GL) et l’équipe de direction du Centre de contrôle de la lamproie de mer » (la « note de service »). Elle se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Attendu que dans le passé un programme d’horaire de travail comprenait un nombre précis de jours de travail civils consécutifs (habituellement ne dépassant pas 20 jours consécutifs) sur le terrain, suivi par un nombre précis de jours de repos (jusqu’à 8 jours de repos) dont le travail pendant la fin de semaine n’était pas rémunéré selon le taux des heures supplémentaires, les représentants des unités de négociation et l’équipe de direction ont proposé les modifications suivantes :

1. Un horaire de travail ne dépasse pas une combinaison de vingt (20) jours de travail consécutifs et huit (8) jours de repos.

2. Le travail exécuté le samedi sera rémunéré au taux de une fois et demie le taux horaire pour toutes les heures travaillées (à l’exclusion de la pause‑repas). Il y aura au moins huit (8) heures de travail pour les membres du groupe GL et sept heures et demie (7½) pour les membres du groupe EG.

3. Le travail exécuté le dimanche sera rémunéré au taux de une fois et demie le taux horaire pour toutes les heures travaillées (à l’exclusion de la pause‑repas). Il y aura au moins huit (8) heures de travail pour les membres du groupe GL et sept heures et demie (7½) pour les membres du groupe EG.

4. Aucune prime de travail par poste ou de fin de semaine ne s’appliquera.

5. Dès le retour d’une période de travail sur le terrain précisé, les membres des unités de négociation des groupes Manœuvres et gens de métier et Soutien technologique et scientifique auront droit à des jours de repos équivalents au nombre de jours travaillés la fin de semaine.*

6. Le reste des heures accumulées pour le travail exécuté la fin de semaine sera réputé être des heures supplémentaires et seront rémunérées selon l’article contractuel approprié portant sur la rémunération des heures supplémentaires.

[…]

* Les jours de repos consécutifs doivent être pris pendant la semaine de travail normale.

[…]

[28]  Les discussions ont donné lieu à un courriel en date du 26 septembre 2000 provenant de Larry Schleen, gestionnaire par intérim du secteur, à l’intention des employés touchés par les modifications. Le courriel se lit en partie comme suit :

[Traduction]

Comme la plupart des gens le savent, une modification a été apportée à la rémunération des employés à temps plein du MPO pour les fins de semaine travaillées sur le terrain en raison du PA révisé joint à leur nouveau contrat. Les groupes EG et GL ont maintenant tous les deux droit à une rémunération des heures supplémentaires pour les samedis et les dimanches. Essentiellement, les EG et les GL sont rémunérés aux taux de 1,5 fois pour chaque heure travaillée le samedi et de 2 fois pour chaque heure travaillée le dimanche. La clause énonce qu’un jour de congé doit être pris pour chaque jour de la fin de semaine travaillé immédiatement après chaque période de travail sur le terrain précisée, dont le reste des heures supplémentaires (0,5 jour pour chaque samedi et un jour pour chaque dimanche) seront rémunérées en espèces ou prises en tant que congé à une date ultérieure.

[…]

[29]  M. Robertson a témoigné au sujet de la continuation de cette pratique au cours de plus d’une décennie.

[30]  Paul Sullivan a bénéficié de cette pratique lorsqu’il a travaillé sur le terrain selon les mêmes conditions que M. Robertson. Ensuite, en 2004, M. Sullivan a été promu au niveau de la gestion et sa situation de travail a changé. Au cours des prochaines années, il a surveillé les coûts de cette pratique et les a parfois résumés aux fins d’analyse et d’examen par la haute direction.

[31]  M. Sullivan a témoigné en disant qu’à sa connaissance, le Conseil du Trésor n’était pas au courant de cette pratique avant qu’il ne la porte à son attention, moment auquel des discussions sincères ont été entamées en vue de la modifier.

[32]  Mme Michelle Wheatley est la directrice générale, Secteur des Sciences – Région du Centre et de l’Arctique, MPO. Elle n’a pas témoigné, mais selon M. Sullivan, elle a participé à l’examen des modifications proposées à l’appendice I en ce qui concerne le travail les fins de semaine pendant la saison de travail sur le terrain.

[33]  Mme Wheatley a envoyé le courriel suivant le 16 février 2011 afin d’informer au sujet des modifications. Le courriel se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Les employés du BLLM [bureau de lutte contre la lamproie marine] qui travaillent pendant la saison de travail sur le terrain ont des horaires de travail qui ressemblent aux horaires de travail par poste, puisqu’ils sont de nature variable et rotative. Afin de mieux tenir compte de cette réalité opérationnelle, les employés du BLLM visés par l’appendice I seront dorénavant considérés comme des travailleurs qui travaillent par poste pendant la saison de travail sur le terrain. Les travailleurs par poste ont droit à une prime de rémunération de travail par poste, conformément aux clauses 27.01 et 27.02. Les travailleurs par poste n’ont pas droit à une rémunération des heures supplémentaires pour leurs heures normales de travail les samedis et/ou les dimanches si ces jours sont considérés comme des jours de travail dans le cadre de leur horaire de travail normal.

[…]

[34]  En ce qui concerne le grief au dossier 8864, M. Robertson a témoigné au sujet d’une modification à l’horaire qui a été apportée pendant qu’il était sur le terrain. Le nombre de jours de travail consécutifs a été réduit et son équipe a dû retourner à Sault Ste. Marie plutôt que de demeurer sur le terrain pendant le nombre de jours de travail prévus. Un préavis de moins de sept jours avait été donné.

[35]  Les circonstances relatives au grief de M. Robertson n’ont pas été abordées dans les témoignages, mais elles ont été fournies dans une lettre du 9 août 2011, qui a été rédigée par M. Sullivan à l’intention de M. Robertson. Elle se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Comme vous le savez, pendant la saison de travail sur le terrain, vous êtes assujettis à l’appendice I de la convention collective des Services techniques. À l’origine, il était prévu que vous travailliez sur le terrain du 26 avril 2011 au 13 mai 2011. En raison des conditions météorologiques, vous avez été informé le 4 mai 2011 que vous retourneriez à l’administration centrale à Sault Ste. Marie le 5 mai 2011. Vous avez également été informé que vos jours de repos et vos congés compensateurs ne seraient plus prévus du 14 au 19 mai 2011 et qu’ils seraient modifiés du 7 au 10 mai 2011. En conséquence, vous deviez vous présenter au travail le 11 mai 2011.

[…]

V. Résumé de l’argumentation concernant le grief au dossier 566‑02‑8864 et le premier aspect du grief de principe

[36]  Les fonctionnaires ont fait une distinction entre l’horaire quotidien et le programme d’horaire de travail. L’appendice I ne prévoit que la prolongation de l’horaire, comme suit :

[…]

[…] Si la direction locale estime que les nécessités du service exigent une prolongation de ces vingt (20) jours civils de travail [jusqu’à concurrence de sept (7) jours civils], de manière à éviter un autre voyage sur le terrain, le personnel effectue le nombre de jours supplémentaires requis, les jours de repos et les congés compensateurs étant accordés au prorata.

[…]

[37]  Rien dans l’appendice I ne prévoit la réduction de l’horaire, uniquement sa prolongation. L’avocate des fonctionnaires a donc soutenu que M. Robertson aurait dû avoir eu droit au préavis de modification de sept jours ou à la rémunération appropriée si ce préavis n’est pas donné.

[38]  L’employeur a soutenu qu’il n’existe aucune distinction entre l’horaire quotidien et le programme d’horaire de travail en ce qui concerne les modifications de l’horaire, mais, quoi qu’il en soit, les dispositions de l’appendice I s’appliquent lorsque les travailleurs sont sur le terrain. L’appendice I a pour but de permettre à la direction de faire une utilisation optimale du temps sur le terrain. Si, pour de diverses raisons, l’horaire doit être modifié, l’appendice I permet à la direction d’apporter cette modification sans être tenue de donner un préavis de sept jours. Faire autrement serait irresponsable sur le plan fiscal.

A. Décision et motifs

[39]  L’article 25 de la convention collective, auquel les fonctionnaires étaient assujettis en mai 2011, porte sur les heures de travail. La clause 25.08 vise particulièrement le préavis, comme suit :

25.08 Si le préavis de modification de l’horaire des postes donné à un employé‑e est de moins de sept (7) jours, l’employé‑e touche une prime de salaire calculée au tarif et demi (1 1/2) pour le travail effectué pendant le premier poste modifié. […]

[40]  Je suis d’accord avec l’employeur. Lorsqu’il s’agit de modifier un horaire des postes, il n’y a aucune différence entre un horaire quotidien et le programme d’horaire de travail. Certes, l’appendice I prévoit la prolongation de l’horaire et non sa réduction, mais je conclus que cela importe peu. Une modification est une modification.

[41]  Toutefois, cette distinction constitue un point théorique en raison de l’appendice I. La première phrase de l’appendice I indique clairement que l’article 25 ne s’applique simplement pas lorsque le travail est exécuté à l’extérieur de l’administration centrale à Sault Ste. Marie, sur le terrain. Le grief de M. Robertson au dossier 566‑02‑8864 est rejeté pour ce motif.

[42]  Par conséquent, je conclus également que l’employeur a bien interprété la clause 25.10 de la convention collective. Le premier aspect du grief de principe est rejeté.

VI. Résumé de l’argumentation des parties en ce qui concerne les autres griefs et le deuxième aspect du grief de principe

[43]  Ces griefs portent tous sur la pratique de demander la rémunération des heures supplémentaires au taux de une fois et demie pour avoir travaillé un samedi et au tarif double pour avoir travaillé un dimanche sur le terrain.

A. Arguments des fonctionnaires s’estimant lésés

[44]  Les fonctionnaires ont présenté trois arguments à l’appui de l’accueil de ces griefs. En premier lieu, le libellé de la convention collective à l’appendice I favorise les fonctionnaires en ce que le texte des versions ultérieures renvoie à un congé compensateur, ce qui est habituellement obtenu en accumulant des heures supplémentaires travaillées les samedis et les dimanches pendant la saison de travail sur le terrain. Le libellé dans les versions subséquentes de la convention collective est conforme avec les propositions discutées en 1999 et en 2000, lorsque la rémunération du travail exécuté les samedis et les dimanches pendant la saison de travail sur le terrain, était examinée.

[45]  Les fonctionnaires ont soutenu que les conventions antérieures peuvent être utilisées pour interpréter les raisons d’une modification du libellé. Dans les versions antérieures à la pratique de rémunérer les heures supplémentaires pour le travail une fin de semaine, l’expression « congé compensateur » est absent. La présence de cette expression dans les versions de la convention collective après l’adoption de la pratique de rémunérer les heures supplémentaires travaillées les samedis et les dimanches pendant la saison de travail sur le terrain indique l’intention de rémunérer les employés de cette façon, même si le libellé n’est pas explicite.

[46]  Le deuxième argument présenté par les fonctionnaires, si le libellé de l’appendice I est jugé être ambigu, concerne la pratique antérieure de la direction. Au 16 février 2011, lorsque les fonctionnaires étaient considérés officiellement comme des travailleurs sur le terrain et n’ayant donc pas droit à la rémunération des heures supplémentaires de leurs heures normales travaillées les samedis et les dimanches lorsqu’ils étaient sur le terrain, la direction rémunérait ce travail en fin de semaine de cette façon depuis le 26 septembre 2000, soit une période de plus de 10 ans.

[47]  Les fonctionnaires m’ont renvoyé à Canada (Procureur Général) c. Lamothe, 2008 CF 411, aux fins de l’explication de la théorie de la pratique antérieure. Au paragraphe 40, la Cour fédérale a déclaré ce qui suit :

[40] La doctrine qui traite de la question des pratiques passées lesquelles peuvent contredire les clauses spécifiques d’une convention collective, doivent respecter des conditions exigeantes. La preuve doit démontrer une pratique échelonnée sur plusieurs années et doit respecter les conditions suivantes :

a) Être répétée sur plusieurs années;

b) Être acceptée par toutes les parties impliquées;

c) Être absente d’ambiguïté ou de controverse.

[48]  Les fonctionnaires ont soutenu que les témoignages de M. Robertson et de M. Sullivan satisfont à ces exigences.

[49]  Les éléments de preuve de la pratique antérieure peuvent être admis en vue d’établir la préclusion, soit le troisième argument présenté par les fonctionnaires. Ils ont fait référence encore une fois à Lamothe aux fins de la définition de la préclusion, comme suit au paragraphe 42 :

[42] La théorie de la préclusion ou fin non recevoir (estoppel), nous vient du droit coutumier anglais; elle a été décrite comme il suit :

[Traduction]

Selon ma compréhension, le principe veut que lorsqu’une partie, par sa parole ou sa conduite, fait à l’autre partie une promesse ou lui a donné une assurance dans le but d’influer sur les relations légales entre elles et en fonction de laquelle l’autre partie devait agir, alors, une fois que l’autre partie s’est fiée à sa parole et a agi en conséquence, on ne peut par la suite permettre à la partie qui a fait la promesse ou donné l’assurance de revenir à sa relation légale antérieure comme si elle n’avait pas fait cette promesse ou donné cette assurance […]

Combe v. Combe, [1951] 2 K.B. 215 (juge Denning)

[50]  Le paragraphe suivant de Lamothe ajoute que « [l]a preuve de pratiques passées peut être admise pour établir la préclusion dans le contexte des conventions collectives régissant les relations de travail (Brown and Beatty p.72) ».

[51]  Les fonctionnaires ont soutenu que les quatre critères de la préclusion ont été satisfaits. À l’aide du courriel du 26 septembre 2000 de M. Schleen, la direction a fait une observation claire et non équivoque au sujet de la rémunération des heures supplémentaires pour les fins de semaine. Les fonctionnaires avaient clairement l’intention de se fier à cette observation, ce qu’ils ont fait pendant plus de 10 ans, et qu’ils ont subi un préjudice évident lorsque cette rémunération a cessé d’être versée.

[52]  Les fonctionnaires ont conclu qu’étant donné le poids de ces arguments et de ces éléments de preuve, ces griefs devraient être accueillis.

B. Arguments de l’employeur

[53]  L’employeur a accepté que la question est l’interprétation de l’appendice I, mais il a fait valoir que le libellé ne comporte aucune ambiguïté. La simple présence de l’expression « congé compensateur » ne signifie pas automatiquement l’autorisation de la rémunération des heures supplémentaires pour avoir travaillé des samedis et des dimanches prévus à l’horaire. En fait, l’appendice I ne fait aucun renvoi explicite à cette pratique et, le 16 février 2011, une note de service a été envoyée en vue de clarifier les modalités de l’appendice I en vue de mettre fin à son application erronée. L’employeur a soutenu que le travail sur le terrain est en fait un travail par poste et les employés n’ont aucun droit à la rémunération au moyen d’heures supplémentaires pour un travail exécuté des jours de travail prévu simplement parce que ces jours se trouvent à être un samedi ou un dimanche.

[54]  L’employeur a soutenu d’abord que la décision d’appliquer correctement les dispositions de l’appendice I relève de la portée légitime des droits de la direction. Son avocate a renvoyé à une partie de la décision de la Cour fédérale dans Hodgson c. Canada (Procureur général), 2006 CF 428, au par. 26, qui renvoie au par. 11(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C., 1985, ch. F‑11) en partie comme suit :

[…]

(2)  Sous réserve des seules dispositions de tout texte législatif concernant les pouvoirs et fonctions d’un employeur distinct, le Conseil du Trésor peut, dans l’exercice de ses attributions en matière de gestion du personnel, notamment de relations entre employeur et employés dans la fonction publique :

a) déterminer les effectifs nécessaires à la fonction publique et assurer leur répartition et leur bonne utilisation;

[…]

d) déterminer et réglementer les traitements auxquels ont droit les personnes employées dans la fonction publique, leurs horaires et leurs congés, ainsi que les questions connexes; […]

[…]

[55]  L’employeur a soutenu qu’il n’est pas nécessaire d’examiner la pratique antérieure, puisque le libellé de l’appendice I n’est pas ambigu. En ce qui concerne la préclusion, rien dans la preuve ne suggère que le Conseil du Trésor était même au courant de la pratique de payer des heures supplémentaires aux travailleurs sur le terrain qui travaillent les samedis et les dimanches sur le terrain. La théorie de la préclusion ne s’applique pas. Les éléments substantifs de la note de service et du courriel du 26 septembre 2000 de M. Schleen tiennent simplement compte de discussions qui ont été tenues au niveau local. Rien dans la preuve n’indique que le Conseil du Trésor y a participé.

[56]  En fait, l’employeur a fait valoir que le seul élément de preuve déposé à l’audience établit le contraire : M. Sullivan a témoigné en disant qu’il a porté cette question à l’attention de la haute direction, ce qui constitue la seule manière dont le Conseil du Trésor en a finalement pris connaissance. Certes, il ne ressort aucunement de la preuve que le Conseil du Trésor a toléré la pratique parce que dès que M. Sullivan a cerné le problème, des mesures ont été prises pour le corriger. Même la récupération des heures supplémentaires versées dans le passé avait été envisagée, mais dans l’intérêt des relations employeur‑employé, cela n’a pas été fait.

[57]  L’employeur a donc soutenu que la préclusion n’a pas été créée en l’espèce.

[58]  Pour les motifs qui précèdent, l’employeur a soutenu que ces griefs devraient être rejetés.

VII. Décision et motifs concernant les griefs des fonctionnaires (sauf celui au dossier 8864)

[59]  Je ne trouve pas que le libellé de l’appendice I est ambigu ou qu’il n’est pas clair.

[60]  Le texte de l’appendice L a changé légèrement lorsqu’il est devenu l’appendice I. La modification la plus importante est l’inclusion de l’expression « congé compensateur ». Toutefois, je ne peux être d’accord avec les fonctionnaires pour dire que l’apparition soudaine de cette expression tenait directement compte d’une décision au niveau local de commencer à rémunérer les heures supplémentaires pour le travail sur le terrain exécuté les samedis et les dimanches pendant la saison de travail sur le terrain.

[61]  Une simple lecture de l’appendice I ne révèle aucun renvoi, explicite ou autrement, au régime des heures supplémentaires auquel renvoie la note de service en détail ou de manière plus générale le courriel du 26 septembre 2000 de M. Schleen.

[62]  Je ne suis pas surpris que des discussions sincères aient été tenues en 1999 et en 2000 au niveau local quant à la manière dont les fonctionnaires pourraient être rémunérés de manière semblable aux autres qui travaillent en parallèle avec eux sur le terrain. Le travail sur le terrain est difficile et il est souvent exécuté dans des conditions très difficiles. Il s’agit d’un travail important et devrait être compensé de la manière la plus généreuse que possible.

[63]  Je ne suis pas non plus surpris que les mécanismes qui ont enfin été mis en œuvre (pour être clair, les mécanismes pour rémunérer les heures supplémentaires pour les samedis et les dimanches) n’aient pas été insérés dans la convention collective selon un libellé explicite parce qu’il semble un peu inventé; une approche spéciale à une iniquité perçue dans le milieu de travail. Une approche qui a bien fonctionné jusqu’à ce que le Conseil du Trésor en ait pris connaissance.

[64]  Il en est ainsi parce que l’approche n’est pas conforme au libellé clair de la convention collective (appendice I). On ne peut être à la fois un travailleur de jour et un travailleur par poste.

[65]  D’environ novembre à environ avril chaque année, selon la définition de quiconque, les fonctionnaires étaient des travailleurs de jours et non des travailleurs par poste. Ils menaient une vie de 9 h à 17 h avec les fins de semaine de congé. Le but de leur travail pendant les mois hivernaux était d’élaborer un plan de lutte contre les lamproies marines néfastes et omniprésentes pendant la saison de travail sur le terrain. Tout le monde des deux côtés de la table, soit la direction et les employés, est au courant de l’importance d’un horaire souple sur le terrain à la réalisation efficace de cette tâche importante. L’appendice I constitue un outil essentiel et un qui est mutuellement acceptable par la direction et les employés dans la planification et la mise en œuvre efficaces d’un programme de contrôle des lamproies marines.

[66]  En ce qui concerne les travailleurs de jour, le samedi et le dimanche constituent des jours de repos normaux. Si un travailleur de jour doit travailler un samedi ou un dimanche, la convention collective décrit explicitement la façon dont les heures supplémentaires sont rémunérées.

[67]  Les travailleurs par poste ne sont pas des travailleurs de jour. À cet égard, l’avocate de l’employeur a invoqué la décision dans Chafe c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112. Une définition utile de « travail par poste » figure comme suit au paragraphe 61 :

[61] […] le Canadian Oxford Dictionary (Toronto, 1998) définit le « travail par postes » comme étant du [traduction] « travail effectué dans des périodes souvent variables indépendantes d’une journée de travail normale, habituellement le soir (fatigué après un mois de travail par postes). » Le site Web de Sloan Work and Family Research Network du Boston College fournit les définitions suivantes du « travail par postes » :

[Traduction]

Le travail par postes renvoie à un horaire de travail dans lequel les employés travaillent à des heures autres que les heures normales de 8 h à 17 h ou à un horaire autre que la semaine de travail normale, du lundi au vendredi, aux États‑Unis (Grosswald, 2004, p. 414).

En général, le terme « travail par postes » est assez vague et comprend toute organisation des heures de travail qui diffère de la période de travail diurne traditionnelle; il est parfois synonyme d’heures de travail irrégulières ou atypiques (Costa, 2003, p. 264).

[…] la plupart des études sur le travail par postes classent le travailleur par postes comme étant toute personne qui travaille en‑dehors des heures normales de jour (c.‑à‑d. entre environ 7 h et 18 h, du lundi au vendredi). Selon ces définitions, les travailleurs par postes comprennent toutes les personnes qui travaillent des postes de soir ou de nuit, des postes par roulement, des postes fractionnés ou des horaires irréguliers ou sur appel, que ce soit la semaine ou la fin de semaine (Institut de recherche sur le travail et la santé, n.d.).

Le travail par postes est défini comme du travail en‑dehors des heures de jour, du lundi au vendredi. Ceci comprend le travail la fin de semaine et les tâches commençant beaucoup avant 7 h et se terminant après 19 h ou plus tard (Wallace, n.d.).

La journée de travail normale se déroule dans une fenêtre de 8 h à 17 h. Nous considérons les travailleurs par postes comme des personnes qui travaillent à des heures atypiques. » (Root, 2004).

[68]  Les définitions ci‑dessus s’appliquent exactement aux fonctionnaires pendant la saison de travail sur le terrain lorsqu’ils exécutent un travail sur le terrain à l’extérieur de l’administration centrale à Sault Ste. Marie. Je trouve que je suis tout à fait d’accord avec Mme Wheatley quant à ce qu’elle déclare dans son courriel du 16 février 2011, soit :

[Traduction]

Les employés du BLLM [bureau de lutte contre la lamproie marine] qui travaillent pendant la saison de travail sur le terrain ont des horaires de travail qui ressemblent aux horaires de travail par poste, puisqu’ils sont de nature variable et rotative. Afin de mieux tenir compte de cette réalité opérationnelle, les employés du BLLM visés par l’appendice I seront dorénavant considérés comme des travailleurs qui travaillent par poste pendant la saison de travail sur le terrain. Les travailleurs qui travaillent par poste ont droit à une prime de rémunération de travail par poste, conformément aux clauses 27.01 et 27.02. Les travailleurs de travail par poste n’ont pas droit à une rémunération des heures supplémentaires pour leurs heures normales de travail les samedis et/ou les dimanches si ces jours sont considérés comme des jours de travail dans le cadre de leur horaire de travail normal.

[…]

[69]  En ce qui concerne les travailleurs par poste qui travaillent jusqu’à 18, 19 ou 20 jours consécutifs (ou peut‑être même plus), ces jours de travail consécutifs sont suivis par un certain nombre de jours de repos consécutifs. Il est logique et évident de déclarer qu’en ce qui concerne les travailleurs par poste, les samedis et les dimanches ne constituent plus des jours de repos normaux. Ils sont parfois des jours de repos, selon l’horaire de travail sur le terrain, mais souvent ils ne le sont pas, ils sont des jours de travail.

[70]  Les primes de poste, conformément à l’article 27 de la convention collective, s’appliquent toujours, évidemment, ainsi que les dispositions sur les heures supplémentaires pour le travail exécuté au‑delà d’un jour de travail de 7,5 heures. L’article 27 n’est pas écarté par l’appendice I.

[71]  L’appendice I ne contient aucun libellé explicite sur la rémunération des heures supplémentaires pour avoir travaillé un samedi ou un dimanche qui se trouve à faire partie d’une période de jours de travail consécutifs. Les fonctionnaires sont chanceux d’en avoir bénéficié pendant aussi longtemps et sont chanceux de ne pas être obligés de rembourser ces sommes.

[72]  Selon la présomption cruciale applicable dans l’interprétation de conventions collectives, les parties sont présumées avoir voulu vraiment dire ce qu’elles ont dit et la signification de la convention collective doit être recherchée dans ses dispositions expresses (voir Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 5e éd., au par. 4:2100, « The Object of Construction: Intention of the Parties »).

[73]  Les fonctionnaires ont fait remarquer à bon droit que l’expression « congé compensateur » apparaît uniquement dans les conventions collectives conclues à la suite des discussions (au niveau local) concernant la rémunération des heures supplémentaires pour avoir travaillé les samedis et les dimanches pendant la saison de travail sur le terrain. Toutefois, je ne peux accepter que la seule conclusion à tirer de ce choix de libellé soit une intention claire de rémunérer des heures supplémentaires pour les samedis et les dimanches travaillés pendant la saison de travail sur le terrain, lorsque ces jours font partie d’une période de jours de travail prévus à l’horaire.

[74]  Certes, l’expression « congé compensateur » s’appliquait certainement auparavant aux heures supplémentaires accumulées pour avoir travaillé un samedi ou un dimanche, mais l’expression « congé compensateur » s’applique également aux heures supplémentaires accumulées pour avoir travaillé en sus d’un jour de travail de 7,5 heures. Il ressort clairement de la preuve que ce type d’heures supplémentaires survient régulièrement pendant le travail sur le terrain et il semblerait donc logique que les rédacteurs de l’appendice I utilisent délibérément l’expression « congé compensateur ». Ils auraient su que les travailleurs sur le terrain demeurent fréquemment sur les lieux de travail pendant plus de 7,5 heures pendant un seul jour de travail. Après tout, il s’agit de la nature du travail sur le terrain. Il est logique que les rédacteurs indiquent clairement que le congé compensateur doit être utilisé à mesure qu’il est accumulé et qu’il doit être lié à la période de jours de repos consécutifs qui suit la période de jours de travail.

[75]  Puisque le libellé de l’appendice I n’est pas ambigu, il n’est pas nécessaire d’examiner une pratique antérieure ou la théorie de la préclusion. Quoi qu’il en soit, je conclus que le Conseil du Trésor n’était pas une partie aux ententes conclues en 1999 et en 2000 visant à rémunérer des heures supplémentaires pour les samedis et les dimanches travaillés pendant la saison de travail sur le terrain. La théorie de la préclusion ne s’applique pas.

[76]  Pour ces motifs, les questions soulevées dans les griefs 566‑02‑8860 à 8863, 8865 et 8866 sont rejetées. L’employeur n’a pas contrevenu à la convention collective.

VIII. Motifs concernant le deuxième aspect du grief de principe

[77]  Je conclus que le libellé de l’appendice I n’est pas ambigu. Lorsqu’ils effectuent un travail sur le terrain pendant la saison de travail sur le terrain, lorsque le jour de travail ne commence pas et ne se termine pas à l’administration centrale à Sault Ste. Marie, les dispositions de l’article 28 ne s’appliquent pas. En ce qui concerne les travailleurs par poste, pendant la saison de travail sur le terrain, les samedis et les dimanches ne sont pas considérés comme des jours de repos s’ils font partie de la période de jours de travail consécutifs. En conséquence, dans ces circonstances, la rémunération des heures supplémentaires ne vise que le travail exécuté un samedi ou un dimanche qui n’est pas visé par la convention collective. Cet aspect du grief de principe 569‑02‑199 est également rejeté.

[78]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


IX. Ordonnance

[79]  Les griefs sont rejetés.

Le 12 août 2019.

Traduction de la CRTESPF

James Knopp,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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