Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’employeur a imposé au fonctionnaire s’estimant lésé une suspension de 10 jours pour avoir connecté un routeur sans fil à son réseau informatique – le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté un grief contre la suspension – la Commission a conclu que l’employeur n’a pas établi que le fonctionnaire s’estimant lésé avait actionné le routeur – en outre, la Commission a conclu que les cinq minutes au cours desquelles le routeur était connecté au réseau représentaient un risque faible pour les données de l’employeur et un risque très minime de piratage – la Commission a conclu que la mesure disciplinaire n’était pas justifiée et était excessive – elle a ordonné à l’employeur de rembourser 10 jours de salaire au fonctionnaire s’estimant lésé, avec intérêts.

Grief accueilli.


L’employeur a imposé au fonctionnaire s’estimant lésé une suspension de 20 jours pour avoir faussement consigné sa présence au travail et pour avoir demandé un congé auquel il n’avait pas le droit – le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté un grief contre la suspension – la Commission a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé ne s’était pas absenté du travail sans l’avoir consigné – elle a également conclu que l’employeur n’a pas établi que le fonctionnaire s’estimant lésé se sentait suffisamment bien pour être présent au travail au cours des 17 heures pour lesquelles il avait demandé un congé de maladie et a fait remarquer que le fait d’avoir quitté son domicile à trois reprises pour de courtes durées pendant ces 17 heures ne signifiait pas qu’il était en mesure d’effectuer son travail – toutefois, la Commission a conclu que, bien que le fonctionnaire s’estimant lésé ait pris 3,5 heures de congé pour un rendez-vous chez le médecin ou le dentiste pour accompagner un membre de sa famille au lieu d’utiliser un congé pour obligations familiales, il n’y avait pas de preuve qu’il ne s’agissait pas d’une erreur honnête, puisque 14 heures de crédits de congé pour obligations familiales lui étaient encore disponibles (il les aurait perdues à la fin de l’année, trois mois plus tard) – la Commission a ordonné à l’employeur de rembourser 20 jours de salaire au fonctionnaire s’estimant lésé, avec intérêts.

Grief accueilli.


L’employeur a révoqué la cote de fiabilité du fonctionnaire s’estimant lésé et, par conséquent, a mis fin à son emploi – le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté un grief contre son licenciement – la procédure a été entamée avant que l’employeur n’ait été désigné en vertu du paragraphe 209(3) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi ») pour l’application de l’alinéa 209(1)d) – l’employeur a contesté la compétence de la Commission, alléguant que le licenciement a eu lieu pour des motifs administratifs – la Commission a conclu que les conditions nécessaires pour révoquer la cote de fiabilité n’étaient pas présentes à l’époque pertinente et que le licenciement constituait un subterfuge, une ruse ou un camouflage – elle a également conclu que le licenciement constituait une mesure disciplinaire déguisée sur laquelle elle avait compétence – elle a examiné Canada (Procureur général) c. Heyser, 2017 CAF 113, et Canada (Procureur général) c. Bétournay, 2018 CAF 230, pour trancher sur la façon de déterminer si le licenciement du fonctionnaire s’estimant lésé était pour un motif valable – la Commission a préféré Heyser puisque cette affaire-là respecte l’état actuel de l’arbitrage de griefs au Canada, les conditions de l’emploi de la convention collective du fonctionnaire s’estimant lésé, et les objectifs énoncés dans le préambule à la Loi – la Commission a conclu que le licenciement n’était pas justifié – elle a ordonné la réintégration du fonctionnaire s’estimant lésé sans perte de salaire et avec intérêts, et sans perte d’avantages sociaux.

Grief accueilli.

Contenu de la décision


MOTIFS DE DÉCISION

I. Introduction

[1] Sukhbir Jassar, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), était un analyste de soutien de l’infrastructure de la technologie de l’information (TI) (classifié CS-01). Il travaillait au centre fiscal de Surrey, à la Direction générale de l’informatique, région du Pacifique, de l’Agence du revenu du Canada (ARC, l’« Agence » ou l’« employeur ») jusqu’à ce qu’il soit congédié le 27 septembre 2013.

[2] Le 16 mai 2013, le fonctionnaire a contesté une suspension de 10 jours qui lui avait été imposée le 29 avril 2013, à purger du 1er au 14 mai 2013. La lettre de suspension se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

J’ai conclu que le 11 janvier 2013, vous avez installé, connecté et allumé un routeur sans fil au réseau de l’ARC. Ce routeur Internet est demeuré connecté pendant environ 30 minutes. Ce faisant, vous avez compromis l’intégrité du réseau en permettant des connexions externes, une violation de la Politique sur la sécurité de l’environnement informatique. Conformément à la Politique sur la discipline de l’ARC, j’ai conclu que cela représente une « activité inacceptable liée aux réseaux électroniques de l’ARC compromettant leur sécurité ».

[…]

Ainsi, afin de vous faire comprendre la gravité de vos actions, vous êtes par la présente suspendu sans rémunération pour une période de dix (10) jours […]

[…]

[3] Le 6 septembre 2013, le fonctionnaire a contesté une suspension de vingt (20) jours qui lui avait été imposée le 1er août 2013, à purger du 2 au 30 août 2013. La lettre de suspension se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

J’ai conclu que vous avez falsifié votre registre de présence le 17 août 2012, le 17 octobre 2012, le 13 novembre 2012, le 10 décembre 2012 et le 4 janvier 2013. Vous avez fourni de faux renseignements pour obtenir des congés de maladie et des congés pour rendez-vous ou examen médical ou dentaire, alors que vous trouviez en fait à la cour. Vos actions constituent des violations du Code de déontologie et de conduite et de la Politique sur le contrôle des fraudes internes de l’Agence du revenu du Canada (ARC).

J’ai également conclu que vous étiez absent du travail sans autorisation parce que vous avez quitté le lieu de travail afin de vous présenter à la cour alors que vous étiez en fonction et ce, sans permission, le 19 septembre 2012 et le 27 novembre 2012. Vous n’avez pas respecté la procédure établie pour l’approbation des congés, comme l’exige l’article 14 de la convention collective de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) et comme l’indique le Code de déontologie et de conduite de l’ARC.

[…]

Afin de vous faire comprendre la gravité de vos actions, vous êtes par la présente suspendu sans rémunération pour une période de vingt (20) jours […]

[…]

[4] Le 9 octobre 2013, le fonctionnaire a contesté la révocation de sa cote de fiabilité ainsi que son licenciement. La lettre de révocation et de licenciement en date du 27 septembre 2013 se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

La confiance qu’ont les employés et les entreprises en l’Agence du revenu du Canada (ARC) constitue la pierre angulaire du régime fiscal du Canada qui est fondé sur l’observation volontaire et l’autocotisation. Par conséquent, les employés de l’ARC sont tenus à un niveau élevé de confiance. […]

Une lettre et des documents ont été envoyés le 21 mai 2013 pour vous informer qu’Allan Dorff, directeur régional, Direction générale de l’informatique, avait été mis au courant des renseignements défavorables contre vous, en particulier en ce qui concerne la crainte qu’une autre personne cause des lésions personnelles ou n’endommage une propriété, selon le paragraphe 810(1) du Code criminel, des accusations criminelles liées à un pseudonyme qui vous concerne, la violation de la Directive sur la surveillance de l’utilisation du réseau électronique de l’ARC, la violation de la Politique sur la sécurité de l’environnement informatique de l’ARC, une accusation criminelle de désobéissance à une ordonnance du tribunal et d’entrave d’un agent de la paix, ou de résistance à ce dernier, en contravention du Code de déontologie et de conduite et de la Politique sur le contrôle des fraudes internes de l’ARC en ce qui concerne la demande de congés frauduleux et l’omission de signaler les accusations à la direction, ce qui est contraire au Code de déontologie et de conduite de l’ARC. En juillet 2013, vous avez participé à une entrevue préventive dans le cadre de la révision justifiée de votre cote de fiabilité avec l’Agence du revenu du Canada.

J’ai examiné tous les renseignements pertinents […] et j’ai conclu qu’à la lumière des renseignements défavorables vous ne devriez plus avoir accès aux biens et aux renseignements de l’ARC puisque vous n’êtes plus réputé fiable et digne de confiance. Cette décision est fondée sur le fait que la direction de l’ARC ne croit plus que vous êtes un employé de confiance. Cette confiance s’est érodée par des comportements qui ne représentent pas les valeurs essentielles de l’Agence ni l’intégrité d’un employé de l’ARC. Vous avez constamment démontré qu’on ne pouvait pas vous faire confiance et vous avez maintes fois contrevenu aux politiques et aux directives de l’ARC. Vous n’avez pas modifié votre comportement ni assumé la responsabilité de vos actions. Je dois donc révoquer votre cote de fiabilité, applicable immédiatement, conformément à la Politique sur les enquêtes de sécurité sur le personnel décrite au chapitre 10 du Volume de sécurité du Manuel des finances et de l’administration. […]

Comme l’indique la Politique sur les enquêtes de sécurité sur le personnel de l’Agence et conformément à votre plus récente lettre d’offre en date du 9 mai 2001, l’exigence de maintenir la cote de fiabilité requise est une condition d’emploi, et le défaut de maintenir cette cote de fiabilité peut affecter le maintien de votre emploi.

Par conséquent, je vous informe par la présente qu’à compter du 27 septembre 2013, votre emploi avec l’Agence est terminé pour des motifs autres que des infractions de discipline ou d’inconduite conformément aux pouvoirs qui me sont conférés par l’alinéa 51(1)g) de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada.

[…]

 

[5] Le fonctionnaire a renvoyé ses griefs à l’arbitrage le 27 février 2015.

[6] L’audition de ces demandes a été reportée deux fois à la demande de l’employeur. Les parties n’étaient pas disponibles pour une audience reportée avant le 16 mai 2017.

[7] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et les titres de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, c. 40, art. 365) et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) pour qu’ils deviennent, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.

[8] Pour faciliter la lecture de cette décision, le terme « Commission » sera employé pour faire référence à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral. De plus, le sigle « LRTSPF » sera employé pour faire référence à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ou à la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, selon les circonstances.

[9] Pour les motifs qui suivent, je conclus que les suspensions de 10 jours et de 20 jours étaient injustifiées et représentaient une mesure disciplinaire excessive. En conséquence, les griefs qui les visent sont accueillis.

[10] Je conclus également que les conditions requises pour révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire n’existaient pas au moment de rendre la décision de révocation, que cette décision était une mesure disciplinaire déguisée et que la cessation d’emploi consécutive constituait une invocation factice de l’alinéa 51(1)g) de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (L.C. 1999, ch. 17; LARC) (licenciement pour des motifs autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite), un subterfuge ou un camouflage. Subsidiairement, je conclus que la révocation disciplinaire de sa cote de fiabilité, qui a entraîné son licenciement, ne reposait pas sur un motif valable.

II. Contexte

[11] En juillet 2011, la Division des affaires internes et du contrôle de la fraude (« Affaires internes »), Direction de la sécurité et des affaires internes (la « Direction de la sécurité »), Direction générale des finances de l’administration, à l’Agence, a appris que des accusations criminelles pouvaient avoir été portées contre le fonctionnaire. Des documents judiciaires en ligne ont révélé qu’en 2004, des accusations auraient été portées contre lui pour crainte qu’une autre personne cause des lésions personnelles ou n’endommage une propriété, en vertu du paragraphe 810(1) du Code criminel (L.R.C. (1985), ch. C-46). De plus, les Affaires internes ont été informées que des documents judiciaires en ligne indiquaient un autre nom comme pseudonyme du fonctionnaire. Les Affaires internes ont noté qu’une autre recherche d’accusations pour ce pseudonyme a révélé que d’autres accusations avaient été déposées en 2003, pour harcèlement criminel et crainte qu’une autre personne cause des lésions personnelles ou n’endommage une propriété.

[12] Entre juillet 2011 et avril 2013, les Affaires internes ont recueilli des renseignements au sujet du fonctionnaire. Elle a ensuite produit un rapport le 8 avril 2013, indiquant que les renseignements recueillis durant l’enquête permettaient de conclure que pendant des années, il avait contrevenu à une directive de l’Agence, à deux de ses politiques et à son « Code de déontologie et de conduite ».

[13] Durant l’enquête et jusqu’à son licenciement, le fonctionnaire a répété qu’aucune accusation n’avait été déposée contre lui en 2004. À ce moment, dans le contexte de la séparation, lui-même et son ancienne conjointe étaient au beau milieu d’un litige sur la garde d’enfants et l’accès, ils avaient été obligés de signer un engagement de ne pas troubler l’ordre public. Le fonctionnaire a répété qu’il n’avait pas de pseudonyme, qu’il n’avait été jamais condamné pour une infraction, qu’il était désolé si, sans le savoir, il avait contrevenu aux directives ou aux politiques de l’Agence. Il a déclaré qu’il n’avait pas contrevenu à son Code de déontologie et de conduite.

[14] Le 21 août 2013, l’Agence a rempli un « Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité » qui a conclu que bien que le fonctionnaire ne soit visé par aucune condamnation criminelle, il avait été accusé d’infractions dans le passé et n’avait démontré des remords que trop tard et que la confiance de la direction à son égard était brisée. Le rapport indiquait que [traduction] « […] il […] a démontré des remords seulement maintenant, durant son entrevue préventive. Ce facteur seul a une incidence négative sur la réputation de l’Agence et, à l’avenir, elle ne peut pas expliquer pourquoi une telle personne serait toujours à son emploi ». Ainsi, l’employeur a conclu que le risque pour la sécurité qu’il représentait était inacceptable et elle a recommandé que sa cote de fiabilité soit révoquée.

[15] Le 27 septembre 2013, le fonctionnaire a appris par écrit les résultats de l’enquête. Il a aussi été informé que sa cote de fiabilité était révoquée immédiatement et que son emploi auprès de l’Agence prenait fin.

III. Questions préliminaires

A. Respect du délai pour le grief sur la suspension de 10 jours

[16] À l’origine, l’employeur s’est opposé à la compétence de la Commission d’entendre le grief sur la suspension de 10 jours puisqu’il considérait que le grief était hors délai. Il soutenait que le grief avait été présenté tardivement au troisième et au quatrième paliers de la procédure de règlement des griefs.

[17] À l’audience, il a été mentionné que la décision de deuxième palier de l’employeur relativement au grief avait été envoyée à une adresse du fonctionnaire, mais qu’il était déménagé depuis.

[18] Au bout du compte, l’employeur a retiré son objection. Par conséquent, il est inutile que la Commission rende une décision à son égard.

B. Demande d’appel de nouveaux témoins

[19] Une conférence préparatoire a été tenue avant l’audience. Cette dernière a commencé le 16 mai 2017 et a nécessité 18 jours sur plusieurs séances. Durant la conférence, chaque partie a été invitée à présenter sa liste des témoins. À la conférence, l’employeur avait prévu appeler 10 témoins et le fonctionnaire un seul, lui-même.

[20] Juste avant le début de la troisième semaine d’audience, en novembre 2017, l’employeur a demandé la permission d’appeler un autre témoin et a demandé que ce témoin soit autorisé à témoigner par vidéoconférence. J’ai accepté ses demandes. Le témoin a témoigné par vidéoconférence d’Ottawa, en Ontario, en novembre 2017. À l’époque, l’audience se tenait à Vancouver, en Colombie-Britannique.

[21] Lorsque ce témoin a fini de témoigner, l’employeur a confirmé qu’il avait terminé de présenter sa preuve. Nous en étions à la troisième semaine d’audience et, à ce moment, la Commission avait entendu les 11 témoins de l’employeur.

[22] En novembre 2017, avant que le fonctionnaire commence à présenter sa preuve, les parties avaient accepté de participer à une séance de médiation que j’ai facilitée. La séance ne s’est pas avérée concluante et il a été entendu que l’audience se poursuivrait jusqu’à ce que la preuve soit terminée. Comme la preuve de l’employeur était terminée et qu’il ne restait que le témoignage du fonctionnaire, il a été convenu que trois jours seraient suffisants pour lui permettre de présenter sa preuve puisqu’il était la seule personne à témoigner au soutien de sa position. Les arguments devaient aussi être présentés durant ces trois jours.

[23] Le matin où l’audience a repris en avril 2018, l’employeur a présenté une demande de dernière minute à la Commission. Il a demandé que la Commission entende un douzième témoin, un employé de Services partagés Canada responsable de la prestation de services informatiques à l’Agence. Le témoin potentiel n’avait pas de connaissances directes des faits de la présente affaire, mais il serait invité, s’il y était autorisé, à présenter une preuve technique pour commenter une liasse de documents (pièce E-22) que l’employeur avait déposée et qui indiquait en détail que le réseau de l’Agence avait saisi le signal d’un routeur sans fil (de marque D-Link) le 11 janvier 2013. Le témoignage supplémentaire avait pour but d’établir que le routeur était celui utilisé, comme on le verra, dans l’installation de l’employeur appelé « salle Sunset » à cette même date. L’employeur a soutenu que ce témoignage permettrait seulement de clarifier une formalité.

[24] Le fonctionnaire n’avait été avisé qu’au milieu de la journée la veille de l’intention de l’employeur d’appeler un nouveau témoin. Il s’est fortement opposé à la demande parce que 1) plus de quatre mois s’étaient écoulés depuis la conclusion de la troisième semaine d’audience, au cours de laquelle s’est conclue la preuve de l’employeur; 2) au cours des quatre derniers mois, l’employeur n’avait pas daigné l’informer de son intention d’appeler un nouveau témoin; 3) l’employeur s’était donné la peine de demander une assignation à comparaître à la Commission pour ce nouveau témoin sept jours avant la reprise de l’audience en avril 2018, mais il ne l’avait pas avisé; 4) et si la Commission accueillait la demande, il est probable qu’il devrait demander un ajournement pour présenter une preuve technique afin de répondre à ce témoignage de dernière minute.

[25] Le fonctionnaire a fait remarquer que la Commission doit décourager tout mépris de l’équité procédurale pendant ses processus d’arbitrage. Il a soutenu qu’il était aberrant de tenter de présenter une preuve technique ou d’expert sans aviser l’autre partie ou, pour ainsi dire, de lui tendre un piège. Il a ajouté qu’au cours des quelques heures qui ont suivi la réception de l’avis, il n’a pas pu retenir les services d’un expert pour l’aider à mieux comprendre la preuve technique et à contre-interroger le témoin, au besoin. Il a demandé à la Commission de protéger les parties qui comparaissent devant elle contre les pratiques inéquitables et déplacées de l’autre partie.

[26] Au soutien de sa position, le fonctionnaire a invoqué deux décisions d’arbitrage, Beaulne c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 10, et Barr et Flannery c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2006 CRTFP 85. Dans Beaulne, l’arbitre de grief a noté que le fait de permettre à une partie de présenter une preuve d’expert qui n’avait pas été communiquée à l’autre partie six jours avant l’audience irait à l’encontre de l’équité procédurale. L’arbitre de grief a donc refusé d’entendre le témoignage.

[27] Dans Barr et Flannery, l’arbitre de grief a rejeté la preuve d’expert que le défendeur souhaitait présenter. L’arbitre de grief n’a pas pu l’admettre puisque le témoin qui devait la présenter ne possédait pas l’indépendance nécessaire pour témoigner à titre d’expert. Le témoin était une employée d’un organisme relevant du défendeur. Le fonctionnaire en l’espèce a soutenu que le témoin supplémentaire, qui était un employé de Services partagés Canada, n’avait pas non plus l’indépendance nécessaire pour présenter une preuve technique à la demande de l’Agence.

[28] L’employeur a répondu qu’il a informé le fonctionnaire de son intention d’appeler un témoin avant l’audience par courtoisie et qu’il n’était pas tenu de le faire parce que le témoin n’était pas un expert au sens strict du terme.

[29] À l’audience, j’ai rejeté la demande de l’employeur de présenter ce témoignage. Comme dans Beaulne, j’ai conclu que la nouvelle preuve technique ne serait pas acceptée parce que l’employeur n’avait pas fourni un avis approprié au fonctionnaire de son intention de la présenter, ce qui revenait à un mépris complet de l’équité procédurale. J’ai également fait remarquer qu’un préjudice important serait causé au fonctionnaire si la semaine d’audience d’avril 2018 devait être ajournée. Je note qu’un ajournement aurait très vraisemblablement été requis pour permettre au fonctionnaire de trouver une personne ayant une expertise technique en réseaux informatiques pour offrir une contre-expertise à ce nouveau témoignage. Et à ce moment, en avril 2018, quatre ans et demi s’étaient déjà écoulés depuis son licenciement.

[30] Toutefois, j’ai suggéré aux parties de prendre un moment pour discuter de la question. J’ai suggéré à l’employeur de profiter de l’occasion pour décrire au fonctionnaire la nature technique de la preuve qu’il souhaitait déposer. Il avait mentionné que la preuve technique qu’il souhaitait présenter n’était pas très compliquée. J’ai ajouté que si le fonctionnaire ne s’opposait pas à sa présentation, je permettrais au nouveau témoin de l’employeur de témoigner.

[31] Les parties ont pris un moment. Lorsqu’elles sont revenues dans la salle d’audience, elles m’ont informée qu’elles ne s’étaient pas entendues sur la question. Le témoin de l’employeur n’a pas témoigné. Ainsi, l’employeur m’a demandé de documenter ce point dans la présente décision pour permettre à l’Agence d’en demander le contrôle judiciaire.

C. Demande de présentation d’une contre-preuve

[32] Lorsque le fonctionnaire a fini de témoigner en avril 2018, l’employeur a demandé la permission de présenter une contre-preuve. Il a demandé d’appeler le témoin de Services partagés Canada dont le témoignage avait été refusé deux jours plus tôt. Il a expliqué que s’il y avait des doutes quant à l’origine du routeur saisi par le réseau de l’Agence le 11 janvier 2013, le témoignage de cette personne était alors nécessaire.

[33] Toutefois, le fonctionnaire a confirmé qu’il ne contestait pas que le routeur mentionné dans la présente décision avait été lié au réseau de l’Agence. Il est établi que le réseau de l’Agence a saisi les signaux du routeur en question. Ce qu’on ignore est la période pendant laquelle il a été connecté. Dans les circonstances, l’employeur a reconnu que le témoignage du témoin supplémentaire n’était pas nécessaire.

D. Revendication d’un privilège en ce qui concerne l’avis sur les ressources humaines à la direction

[34] À l’audience, l’employeur s’est opposé à l’admissibilité de documents comportant des avis en matière de ressources humaines à la direction, faisant valoir qu’ils contenaient des communications privilégiées entre un conseiller en relations de travail et un client.

[35] En droit, certains privilèges sont des privilèges de principe (par ex. le secret professionnel de l’avocat), alors que d’autres sont établis selon les circonstances de chaque cas conformément à ce qui est appelé le critère Wigmore (Zhang c. Conseil du Trésor (Bureau du Conseil privé), 2010 CRTFP 46). Un privilège de principe visant les communications relatives aux relations de travail, comparable au secret professionnel de l’avocat, n’existe pas.

[36] Toutefois, ces communications peuvent toujours être considérées comme privilégiées si les quatre conditions du critère Wigmore sont réunies. Deux de ces conditions sont 1) que les communications sont transmises confidentiellement avec l’assurance qu’elles ne seraient pas divulguées, 2) que le caractère confidentiel est un élément essentiel au maintien complet et satisfaisant des rapports entre les parties.

[37] En ce qui concerne ces conditions, un signe de privilège est que l’élément de la confidentialité a été préservé. En l’espèce, le fonctionnaire a obtenu les documents en question à la suite d’une demande d’accès à l’information. Ainsi, l’élément du caractère confidentiel n’a pas été préservé. Par conséquent, j’ai rejeté l’objection et accepté les documents, étant donné leur pertinence.

E. Objection à la compétence en ce qui concerne la révocation de la cote de fiabilité et le licenciement

[38] La révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire est survenue le 27 septembre 2013. Son emploi a été résilié le même jour, supposément pour des motifs autres que disciplinaires. La lettre à cette date qui lui a été remise comportait le passage suivant :

[Traduction]

[…]

[…] Je dois donc révoquer votre cote de fiabilité, applicable immédiatement, conformément à la Politique sur les enquêtes de sécurité sur le personnel décrite au chapitre 10 du Volume de sécurité du Manuel des finances et de l’administration. […]

Comme l’indique la Politique sur les enquêtes de sécurité sur le personnel de l’Agence et conformément à votre plus récente lettre d’offre en date du 9 mai 2001, l’exigence de maintenir la cote de fiabilité requise est une condition d’emploi, et le défaut de maintenir cette cote de fiabilité peut affecter le maintien de votre emploi.

Par conséquent, je vous informe par la présente qu’à compter du 27 septembre 2013, votre emploi avec l’Agence est terminé pour des motifs autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite conformément au pouvoir qui me sont conférés par l’alinéa 51(1)g) de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada.

[…]

 

[39] L’alinéa 51(1)g) de la LARC (cessation d’un emploi pour des motifs autres que des manquements à la discipline ou une inconduite) indique ce qui suit :

51 (1) L’Agence peut, dans l’exercice de ses attributions en matière de gestion des ressources humaines :

[…]

g) prévoir, pour des motifs autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur et préciser dans quelles circonstances, de quelle manière, par qui et en vertu de quels pouvoirs ces mesures peuvent être appliquées, modifiées ou annulées, en tout ou en partie.

 

[40] La décision de mettre fin à l’emploi du fonctionnaire aurait été prise parce que l’employeur avait des préoccupations légitimes quant au risque qu’il représentait à son égard.

[41] Le 9 octobre 2013, le fonctionnaire a déposé des griefs contre la révocation de sa cote de fiabilité et son licenciement. Les griefs étaient rédigés ainsi :

[Traduction]

[Grief sur la révocation de la cote de fiabilité :]

L’employeur m’a envoyé une lettre en date du 27 septembre 2013 (que j’ai reçue le 2 octobre 2013) pour m’aviser de sa décision de révoquer ma cote de fiabilité. La décision de l’employeur est une mesure disciplinaire déguisée et ne respectait pas l’équité procédurale. Je présente donc un grief.

[Grief de licenciement :]

L’employeur m’a envoyé une lettre en date du 27 septembre 2013 (que j’ai reçue le 2 octobre 2013) pour m’aviser de sa décision de mettre fin à mon emploi « pour des motifs autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite ». La décision de l’employeur de mettre fin à mon emploi est une mesure disciplinaire déguisée. Je présente donc un grief.

 

[42] Les griefs ont été renvoyés à l’arbitrage le 27 février 2015 en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTSPF (mesure disciplinaire entraînant le licenciement). À titre de mesure corrective, le fonctionnaire demande à être réintégré sans perte de rémunération ou d’avantages et que toutes les références à la mesure prise par l’employeur pour mettre fin à son emploi soient expurgées de ses registres d’employé. Il demandait précisément la réparation suivante en ce qui concerne ses dossiers :

[Traduction]

[Grief sur la révocation de la cote de fiabilité :]

Que l’employeur annule sa décision et rétablisse ma cote de fiabilité.

[…]

[Grief de licenciement :]

Que je sois rétabli à mon poste d’analyse de soutien de l’infrastructure de la TI;

Que je reçoive tout le salaire et tous les avantages perdus en raison de la mesure prise par l’employeur;

Que tous les renvois à la mesure prise par l’employeur pour mettre fin à mon emploi soient expurgés;

que je bénéficie d’une réparation intégrale.

[…]

 

[43] L’employeur soutient qu’il avait des préoccupations légitimes quant au risque que le fonctionnaire représentait à son égard, ce qui a entraîné la décision de révocation. Selon lui, il a mis fin à son emploi puisque le fonctionnaire ne respectait plus les conditions minimales de ce dernier. Il est donc d’avis que je n’ai pas compétence sur son licenciement puisque ce dernier découlait de la révocation de sa cote de fiabilité, laquelle n’était pas disciplinaire, selon lui.

[44] À l’audience, l’employeur a concédé qu’il ne faisait plus de doute, après l’arrêt Canada (Procureur général) c. Heyser, 2017 CAF 113, de la Cour d’appel fédérale, que la Commission a compétence pour examiner un licenciement causé par la révocation de la cote de fiabilité (Bétournay c. Agence du revenu du Canada, 2017 CRTESPF 37, au paragraphe 61).

[45] Dans Heyser, au paragraphe 75, la Cour d’appel fédérale a conclu que la Commission avait compétence en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTSPF (mesure disciplinaire entraînant le licenciement) et c) (à l’administration publique centrale, licenciement pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline) relativement à un licenciement à l’administration publique centrale, qu’il découle d’une mesure disciplinaire, d’un rendement insuffisant ou de toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite.

[46] Toutefois, l’alinéa 209(1)c) de la LRTSPF (à l’administration publique centrale, licenciement pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline) vise uniquement l’administration publique centrale qui, selon le paragraphe 2(1) de la LRTSPF, ne comprend pas les organismes distincts énumérés à l’annexe V de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11; LGFP). L’employeur est un organisme distinct figurant à l’annexe V de la LGFP, et la cessation d’emploi du fonctionnaire aurait été faite en vertu de l’alinéa 51(1)g) de la LARC (licenciement pour des motifs autres qu’un manquement à la discipline).

[47] D’un autre côté, l’alinéa 209(1)d) de la LRTSPF (à un organisme distinct désigné, licenciement pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline) qui vise les organismes distincts énumérés à l’annexe V de la LGFP, s’applique-t-il en l’espèce? Il se lit comme suit :

209 (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire qui n’est pas un membre, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

[…]

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

 

[48] Pour sa part, le paragraphe 209(3) se lit comme suit :

209 (3) Le gouverneur en conseil peut par décret désigner, pour l’application de l’alinéa (1)d), tout organisme distinct.

 

[49] Je répondrai que ce n’est pas le cas, parce que lorsque le fonctionnaire a présenté des griefs contre la révocation de sa cote de fiabilité et sa cessation d’emploi le 9 octobre 2013 et lorsqu’il a les a renvoyés à l’arbitrage le 27 février 2015, l’Agence n’avait pas encore été désignée par un décret en vertu du paragraphe 209(3) de la LRTSPF pour l’application de l’alinéa 209(1)d) de la LRTSPF. Elle a été désignée ainsi plus tard, le 28 mai 2015 (dans DORS/2015-118).

[50] Ainsi, au moment où les griefs contre la révocation de sa cote de fiabilité et sa cessation d’emploi ont été renvoyés à l’arbitrage, le seul recours à la disposition du fonctionnaire en vertu de la LRTSPF était celui prévu par l’alinéa 209(1)b) (mesure disciplinaire entraînant le licenciement). La question visée par l’alinéa 209(1)b) est celle de savoir si la décision de révoquer sa cote de fiabilité était une mesure disciplinaire qui a entraîné le licenciement.

[51] L’Agence soutient que la révocation était une mesure administrative et non une mesure disciplinaire. Elle a allégué qu’elle a révoqué la cote de fiabilité du fonctionnaire parce qu’elle ne pouvait plus lui faire confiance. Selon l’employeur, cette analyse se distinguait du processus disciplinaire.

[52] En d’autres termes, l’employeur soutient que la Commission n’a pas compétence pour entendre cette affaire parce qu’en raison de la révocation de sa cote de fiabilité, le fonctionnaire ne satisfait plus aux conditions de son emploi. Selon l’employeur, si je suis convaincue qu’il ne satisfait plus à ces conditions, je dois conclure que l’employeur avait un motif valable de le licencier en vertu de l’alinéa 51(1)g) de la LARC (licenciement pour des motifs autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite).

[53] Ainsi, selon l’employeur, la révocation de la cote de fiabilité d’un employé est une décision administrative et il n’appartient pas à un arbitre de grief de se pencher sur le bien-fondé d’une telle décision, à moins que l’on conclue qu’il s’agisse d’une mesure disciplinaire déguisée.

[54] Selon l’employeur, ce n’est que si sa décision de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire était une mesure disciplinaire entraînant le licenciement que sa nature constituerait une question appropriée pouvant être renvoyée à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTSPF (mesure disciplinaire entraînant le licenciement).

[55] Le fonctionnaire soutient que sa cote de fiabilité a été révoquée au motif qu’il avait mis en péril la réputation de l’Agence. Toutefois, mettre en péril cette réputation constitue un motif d’imposition d’une mesure disciplinaire en vertu du Code de déontologie et de conduite de l’Agence. Selon lui, la révocation et son licenciement étaient des mesures disciplinaires déguisées.

[56] Le fonctionnaire soutient aussi que peu importe la question de savoir si les préoccupations de l’employeur étaient véritablement liées à sa fiabilité en tant qu’employé et donc à son droit de détenir une cote de fiabilité, la principale préoccupation de l’employeur a toujours porté sur des questions d’ordre disciplinaire. Tous les motifs qu’il a invoqués pour révoquer sa cote de fiabilité étaient fondés sur des questions pour lesquelles il avait déjà fait l’objet d’une mesure disciplinaire ou pour lesquelles il aurait pu en faire l’objet en vertu de la « Politique sur la discipline » de l’Agence.

[57] Par conséquent, le fonctionnaire est d’avis qu’il a le droit de faire examiner les motifs de son licenciement selon la norme du motif valable : voir Bergey c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 30, aux paragraphes 77 à 81 et 83. La révocation de sa cote de fiabilité et sa cessation d’emploi qui a suivi pour ce motif étaient des mesures disciplinaires déguisées et injustes (voir Heyser c. Administrateur général (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2015 CRTEFP 70 (confirmée dans 2017 CAF 113); et Féthière c. Administrateur général (Gendarmerie royale du Canada), 2016 CRTEFP 16 (confirmée dans 2017 CAF 66).

[58] Les parties ont convenu de passer à l’examen des éléments de preuve sur le fond et que l’objection de l’employeur serait abordée de façon plus complète dans l’argumentation.

[59] Je vais donc examiner l’ensemble de la preuve pour établir s’il est plus que probable que la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire était une mesure disciplinaire entraînant le licenciement.

IV. Questions en litige

[60] La Commission doit trancher les trois questions suivantes :

- L’employeur avait-il un motif valable pour imposer une mesure disciplinaire en ce qui concerne l’incident relatif au routeur? Dans l’affirmative, la suspension de 10 jours était-elle excessive? Dans l’affirmative, quelle sanction aurait été appropriée dans les circonstances?

 

- L’employeur avait-il un motif valable pour imposer une mesure disciplinaire en ce qui concerne l’utilisation des congés par le fonctionnaire et ses inscriptions de présence? Dans l’affirmative, la suspension de 20 jours était-elle excessive? Dans l’affirmative, quelle sanction aurait été appropriée dans les circonstances?

 

- La révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire était-elle une mesure disciplinaire entraînant le licenciement? Dans l’affirmative, l’employeur avait-il un motif valable pour imposer une mesure disciplinaire en ce qui concerne les événements liés à la révocation et à la lettre de licenciement? Dans l’affirmative, la révocation de sa cote de fiabilité, qui a entraîné son licenciement, était-elle excessive? Dans l’affirmative, quelle sanction aurait été appropriée dans les circonstances?

 

V. Preuve et conclusions de faits

A. Incident du courriel déplacé ayant mené à une suspension d’un jour

1. Preuve

[61] Avant le licenciement du fonctionnaire, Isha Singh, analyste aux enquêtes, Affaires internes à l’Agence, a fait enquête sur un événement le concernant qui a eu lieu le 21 décembre 2012.

[62] Mme Singh et Filomena Accettura qui, de 2011 à 2013 était la directrice adjointe, Zone 3, Direction générale de l’informatique, Direction des services informatiques pour les clients, Services de soutien de la TI sur place du Pacifique, à l’Agence, ont témoigné au nom de l’employeur sur cette question. Le fonctionnaire a témoigné pour son propre compte.

[63] Le 21 décembre 2012, le fonctionnaire a envoyé un courriel à partir de l’ordinateur d’un collègue à un autre collègue parce que l’ordinateur du premier collègue était déverrouillé. Il pensait que ce serait une manière amusante d’apprendre une leçon à son collègue. Cela se voulait une blague. L’objet du courriel était le suivant : [traduction] « Que fais-tu la fin de semaine qui vient? ». Il indiquait ce qui suit : [traduction] « J’ai la maison pour moi si tu veux venir. »

[64] Mme Accettura et Allan Dorff, directeur régional, Direction générale de l’informatique, Direction des services informatiques pour les clients, Services de soutien de la TI sur place du Pacifique, à l’Agence (en 2012 et en 2013), ont entendu parler de cet incident et M. Dorff a demandé à Mme Accettura de lancer une enquête à ce sujet. Lorsqu’elle a rencontré le fonctionnaire, ce dernier lui a expliqué qu’il s’agissait d’une plaisanterie.

[65] Mme Accettura a demandé à Mathew George, chef d’équipe au Centre fiscal de Surrey, Direction générale de l’informatique, région du Pacifique, qui était responsable de l’unité où le fonctionnaire travaillait, de rédiger des notes de conversation qu’il avait eue au sujet de l’incident avec le fonctionnaire et le collègue à partir de l’ordinateur duquel le courriel avait été envoyé.

[66] Dans son courriel qu’il lui a fait parvenir le 8 janvier 2013, M. George a mentionné que le fonctionnaire avait dit que ce n’était qu’une blague, qu’il avait tenté d’être drôle et qu’il n’avait pas d’intention malveillante. Le collègue dont l’ordinateur a servi pour envoyer le courriel avait dit que même si l’envoi du courriel était déplacé, il n’avait pas l’intention d’aller au-delà de M. George, puisqu’il voulait simplement que ce dernier parle au fonctionnaire et qu’il lui explique que ce qu’il avait fait était déplacé.

[67] Le 9 janvier 2013, M. Dorff a informé Mme Singh de ce qu’il a appelé [traduction] « un incident concernant [le fonctionnaire] qui s’est servi de postes de travail d’autres employés pour envoyer des courriels à partir de leurs ordinateurs […] ». Mme Singh a aussi noté que [traduction] « [M. Dorff] cherchait aussi un avis sur ce qu’il fallait faire du [fonctionnaire] puisque son récit était plutôt inégal […] ».

[68] Dans un courriel daté du 11 janvier 2013, Mme Accettura a informé Paul Cultum, conseiller en relations de travail, Ressources humaines, région du Pacifique de l’Agence qu’elle avait consulté M. George. Il lui a dit que l’envoi de courriels déplacés des ordinateurs de collègues s’était produit auparavant au bureau. En particulier, il a dit que cela s’était produit de nombreuses fois et qu’en fait, il l’avait lui‑même fait une fois [traduction] « […] parce que c’était la culture de la TI. Nous aimons nous jouer des tours et relever les erreurs des autres et, si vous laissez votre ordinateur déverrouillé, c’est de bonne guerre ».

[69] Toutefois, Mme Accettura a dit qu’en vertu de la formation sur le harcèlement de l’Agence, on s’attendait à ce que l’envoi de courriels déplacés depuis les ordinateurs de collègues ne se produise plus.

[70] Le 21 janvier 2013, Mme Accettura a informé Mme Singh qu’elle avait révoqué le droit d’accès du fonctionnaire au réseau en raison de l’incident relatif aux courriels.

[71] Mme Accettura a rédigé un rapport d’enquête le 15 février 2013. Elle a conclu que le 21 décembre 2012, le fonctionnaire avait contrevenu aux « Lignes directrices de la politique sur le réseau électronique » de l’Agence. Elle n’a pas conclu qu’il avait contrevenu à la politique sur le harcèlement de l’Agence.

[72] Le fonctionnaire a assisté à une audience disciplinaire le 26 février 2013 au sujet de cet incident. De plus, le 8 avril 2013, et en ce qui concerne cette question, les Affaires internes ont conclu qu’il avait contrevenu à la « Directive sur l’utilisation des systèmes informatiques ». Leur rapport se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Infractions à la sécurité

Le 21 décembre 2012, [un] analyste de soutien de l’infrastructure de la TI a reçu un courriel [d’un collègue], dont l’objet était le suivant : « Que fais-tu la fin de semaine qui vient? » suivi de « J’ai la maison pour moi si tu veux venir. » [L’analyste de soutien de l’infrastructure de la TI] a informé la direction que M. Jassar avait envoyé le courriel depuis le bureau [du collègue]. Lorsque la direction a rencontré M. Jassar, il a dit que c’était une farce et qu’il l’avait fait pour donner [au collègue] une leçon parce qu’il avait laissé son ordinateur déverrouillé. De plus, lorsque la direction a rencontré [le collègue] pour discuter de l’incident, ce dernier a indiqué que M. Jassar l’avait fait à une autre occasion, mais qu’il ne l’avait pas signalé.

[…]

Conclusion

Les renseignements recueillis durant l’enquête ont permis de conclure que l’utilisation du compte de courriel [du collègue] par M. Jassar afin d’envoyer [à l’analyste de soutien de l’infrastructure de la TI] un courriel, en utilisant le compte de réseau d’un autre utilisateur, était une violation de la Directive sur la surveillance de l’utilisation du réseau électronique.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[73] Mme Accettura a ensuite envoyé une lettre de suspension d’un jour au fonctionnaire le 29 avril 2013, à purger le 30 avril 2013, dans laquelle elle déclarait qu’il avait contrevenu à la « Directive sur la surveillance de l’utilisation du réseau électronique ». Encore une fois, elle n’a pas soutenu qu’il avait contrevenu à la politique sur le harcèlement de l’Agence. La lettre de suspension d’un jour, datée du 29 avril 2013, indiquait que [traduction] « […] s’il y avait d’autres actes d’inconduite, vous serez passible de mesures disciplinaires plus sévères pouvant aller jusqu’à votre licenciement de l’ARC ».

[74] Le fonctionnaire n’a pas contesté la suspension d’un jour. Toutefois, sa cote de fiabilité a été révoquée en partie parce que l’employeur soutenait qu’il avait contrevenu à cette directive et à son Code de déontologie et de conduite.

2. Conclusions de fait

[75] Le fonctionnaire a assumé la responsabilité de son action d’envoyer un courriel de plaisanterie en utilisant l’ordinateur d’un collègue.

[76] La preuve indique que l’envoi de courriels depuis les ordinateurs de collègues faisait partie de la culture de la TI, que le chef d’équipe du fonctionnaire l’avait fait lui‑même et que les autres employés du secteur de travail du fonctionnaire aimaient [traduction] « […] jouer des tours et relever les erreurs des autres et, si vous laissez votre ordinateur déverrouillé, c’est de bonne guerre ». Même si l’employeur a fourni une formation sur le harcèlement et qu’il s’attendait à ce que ces plaisanteries cessent, des incidents semblables survenaient parfois, apparemment tolérés par le chef d’équipe.

[77] Je remarque que l’employeur n’a présenté aucune preuve et fourni aucune explication sur la raison pour laquelle le contenu du courriel en question pouvait constituer du harcèlement. Par conséquent, je conclus que toute allégation portant sur le contenu potentiellement harcelant du courriel n’a aucun fondement. La seule question qui demeure en ce qui concerne le courriel vise le fait que le fonctionnaire l’a envoyé depuis le poste d’un collègue, peu importe son contenu.

B. L’incident du routeur qui a mené à la suspension de 10 jours

1. Preuve

[78] Les personnes suivantes ont témoigné pour l’employeur au sujet de l’incident concernant le routeur : Mme Singh; Gerry Schreiber, chef d’équipe, Centre fiscal de Surrey; Eugene Kruper, analyste principal de soutien de l’infrastructure de la TI au Centre fiscal de Surrey, Direction générale de l’informatique, région du Pacifique, à l’Agence; Mme Accettura; Kenneth Robinson, spécialiste technique principal, Centre protection TI, portefeuille financier de l’ARC, Services partagés Canada.

[79] Marc Butler, qui, en 2013 était le directeur général, Direction des services informatiques aux clients, Direction générale de l’informatique, à l’Agence; M. Dorff; et Jason Hugh, qui était alors directeur adjoint intérimaire, Services de sécurité, région du Pacifique, à l’Agence, ont aussi témoigné pour l’employeur au sujet du risque que l’incidence du routeur avait causé à l’Agence.

[80] Le fonctionnaire a témoigné pour son propre compte.

[81] M. Schreiber a déclaré lors de son témoignage que le 11 janvier 2013, il devait faire installer des ordinateurs portatifs pour former ses nouveaux employés. Comme il savait que le commutateur de réseau qui était nécessaire pour connecter les ordinateurs portatifs n’était pas disponible dans sa division, il a obtenu un appareil semblable auprès du bureau régional de l’Agence où un proche travaillait. Toutefois, il ne s’agissait pas d’un commutateur, mais d’un routeur sans fil. M. Kruper l’a plus tard décrit comme un [traduction] « routeur sans fil grand public ».

[82] Le routeur devait être installé dans la salle Sunset au centre de Surrey de l’Agence, où travaillait le fonctionnaire. La demande d’aide lui a été transmise pour qu’il y donne suite.

[83] Vers 14 h, le 11 janvier 2013, M. Schreiber a rencontré le fonctionnaire dans la salle Sunset, il lui a donné le routeur et il lui a demandé d’installer quatre ordinateurs portatifs.

[84] Plus tard, M. Schreiber a écrit dans une note demandée par Mme Accettura que lorsque le fonctionnaire a sorti le routeur de la boîte, il l’a examiné et a dit à M. Schreiber qu’il ne croyait pas que cela allait fonctionner. Il a tenté d’installer les ordinateurs portatifs et il a connecté des câbles. Il a ensuite donné un ordinateur portatif à M. Schreiber pour qu’il s’y connecte, ce que ce dernier n’a pas pu faire. Le fonctionnaire est ensuite parti. Il est allé demander à M. Kruper s’il y avait un autre commutateur de réseau qu’il pouvait utiliser plutôt que le routeur fourni par M. Schreiber. M. Schreiber a indiqué ce qui suit dans sa note destinée à Mme Accettura datée du 15 janvier 2013 :

[Traduction]

[…]

Vendredi après-midi, vers 14 h, j’ai rencontré un technicien dans la salle Sunset et je lui ai donné la boîte de la région. Sukh a pris le routeur, il l’a examiné et il a dit qu’il ne croyait pas que cela allait fonctionner. Il a continué d’installer les ordinateurs portatifs ainsi que des câbles, il m’en a donné un pour que je m’y connecte, puis il est allé voir Gene. Je n’ai pas participé à l’installation, en dehors du fait que je lui ai remis le routeur et que je me suis connecté à un ordinateur portatif. Je ne pouvais pas dire ce qui était connecté et ce qui ne l’était pas.

Sukh a dit que ce n’était pas la bonne chose, alors je ne crois pas qu’il l’a utilisé puisqu’il est allé voir une personne pour savoir s’il pouvait utiliser autre chose à la place.

 

[85] À l’audience, le fonctionnaire a expliqué que lorsqu’il a ouvert la boîte que M. Schreiber lui avait donnée, il a dit à ce dernier qu’il avait besoin d’un commutateur et non d’un routeur. Il a dit à M. Schreiber que cela ne fonctionnerait pas. Toutefois, M. Schreiber croyait que le routeur pouvait être utilisé parce que ses collègues du centre‑ville l’utilisaient. Le fonctionnaire lui a montré que ce n’était pas le bon appareil pour ce qu’il devait faire. Alors qu’il lui parlait, il a commencé à préparer l’installation, mais il a expliqué à M. Schreiber qu’il n’était pas possible d’utiliser le routeur, alors il n’a pas terminé la tâche. Il ne se souvient pas d’avoir allumé le routeur. Lorsque M. Schreiber a compris que le routeur n’était pas utilisable sous cette forme, le fonctionnaire a quitté la salle Sunset pour trouver de l’aide, qu’il a obtenue de M. Kruper.

[86] Le fonctionnaire se rappelle aussi que d’autres câbles se trouvaient dans la salle Sunset pour les quatre ordinateurs portatifs. Il ne croit pas que M. Schreiber a touché quelque chose lorsqu’il s’est absenté.

[87] Comme on le verra plus loin dans la présente décision, le routeur a été allumé et a été connecté au réseau de l’Agence pendant quelques minutes.

[88] Lorsque le fonctionnaire a informé M. Kruper qu’on lui avait fourni un routeur, ce dernier savait que ce n’était pas le bon appareil à utiliser. Lui-même et le fonctionnaire se sont alors rendus dans la salle Sunset. M. Kruper a dit qu’il a déconnecté deux câbles, mais qu’il ne se rappelait pas lesquels. Il a dit qu’il a confisqué le routeur puisqu’il considérait qu’il s’agissait d’un [traduction] « incident de sécurité ». Il n’a pas pu dire s’il était connecté à une source d’alimentation au moment où il l’a retiré.

[89] M. Kruper a déclaré qu’après avoir discuté de la question avec ses collègues (dans son courriel du 14 janvier 2013 envoyé à Mme Accettura, il a écrit qu’il avait eu une conversation avec un autre collègue, Jeff Staniland et avec M. George), il est allé voir Mme Accettura pour signaler l’incident et lui dire que ça [traduction] « [lui] a fait une peur bleue »; il était alors 14 h 30. M. Kruper et Mme Accettura se sont alors rendus dans la salle Sunset, mais n’y ont pas trouvé le fonctionnaire et M. Schreiber. Mme Accettura est alors retournée à son bureau et a demandé à voir le fonctionnaire.

[90] À l’audience, M. Kruper a expliqué que l’Agence utilisait des routeurs sans fil dans certains cas lorsque l’accès à Internet était fourni aux visiteurs, comme aux représentants du vérificateur général, mais qu’ils n’étaient pas utilisés pour se connecter au réseau de l’Agence.

[91] M. Kruper est ensuite retourné au bureau de TI. Il a admis qu’il savait que M. Schreiber n’avait pas été en mesure d’utiliser les ordinateurs portatifs pour se connecter au réseau, mais il a expliqué que lorsqu’il est retourné à son poste de travail, il a pris l’initiative, avec son téléphone intelligent, d’allumer le routeur sans se connecter physiquement au réseau et qu’il a utilisé son téléphone afin de vérifier si le routeur était protégé par un mot de passe Wi-Fi.

[92] Je remarque que dans le courriel qu’il a plus tard envoyé à Mme Accettura, il a écrit qu’elle lui avait demandé de connecter le routeur à un système autonome pour vérifier s’il avait été connecté au réseau local (RL) de l’Agence. Toutefois, à l’audience, tout juste avant que Mme Accettura témoigne, il a admis avoir menti. Il l’a fait de sa propre initiative. Il a reconnu qu’elle ne lui avait jamais demandé de le faire.

[93] Après avoir utilisé son téléphone pour vérifier si le routeur était protégé par un mot de passe Wi-Fi, M. Kruper a demandé à Mme Accettura de venir le voir. Il voulait lui dire qu’il n’était pas protégé par un mot de passe.

[94] M. Kruper a expliqué que le fonctionnaire et M. Schreiber sont alors entrés dans le bureau de TI. Lorsqu’elle les a rejoints, Mme Accettura a demandé au fonctionnaire s’il avait allumé le routeur. Il a répondu qu’il ne l’avait pas fait. Il a déclaré que sans un commutateur, il ne savait pas comment il pouvait installer les ordinateurs portatifs, puisque le routeur n’était pas le bon appareil à utiliser pour faire ce travail. C’était la raison pour laquelle il était allé voir M. Kruper. À ce moment, Mme Accettura a indiqué qu’elle ne rédigerait pas de rapport d’incident de sécurité.

[95] M. Kruper a reconnu que lorsque le fonctionnaire l’a abordé dans la salle d’ordinateurs, le fonctionnaire a dit qu’il cherchait un commutateur parce que M. Schreiber avait apporté le routeur et qu’il savait qu’il ne pouvait pas l’utiliser pour connecter les ordinateurs portatifs.

[96] En contre-interrogatoire, M. Kruper a admis qu’il ne se trouvait pas dans la salle Sunset lorsque le routeur a été allumé et qu’il ne savait pas qui s’y trouvait à ce moment. Il ne savait pas à quel moment de la journée le fonctionnaire était venu lui parler, en dehors du fait que c’était en après-midi.

[97] Après que Mme Accettura a décidé de ne pas rédiger de rapport d’incident de sécurité, M. Kruper a pris une autre initiative. Il s’est connecté au serveur de l’Agence et a demandé les journaux de serveur du « dynamic host configuration protocol » (DHCP) pour vérifier s’il y était indiqué que le routeur avait communiqué avec le réseau de l’Agence; il voulait examiner les baux. [Traduction] « L’enregistrement du journal du serveur DHCP du résumé instantané 91B pris le 11 janvier 2013 » (l’« enregistrement du journal pris le 11 janvier 2013 ») indiquait qu’à un certain moment, le routeur avait communiqué avec le réseau. Son numéro d’identification unique figurait dans les journaux et il a reçu un bail d’adresse de protocole Internet (IP) qui a expiré le « 2013-01-19, 14 h 10 min 1 s ».

[98] Ainsi, M. Kruper est retourné voir Mme Accettura pour lui communiquer ses conclusions de l’enregistrement du journal pris le 11 janvier 2013.

[99] Mme Accettura a examiné les journaux de serveur, puis a décidé de rédiger un rapport d’incident de sécurité. Elle y a joint les renseignements supplémentaires fournis par M. Kruper (l’enregistrement de journal pris le 11 janvier 2013 et les spécifications du routeur qu’il avait confisqué). Dans le rapport, elle a écrit que le fonctionnaire avait connecté le routeur au réseau de l’Agence.

[100] À l’audience, Mme Accettura a été interrogée sur la question de savoir si elle avait demandé à M. Kruper de connecter son téléphone intelligent personnel au routeur pour vérifier s’il était muni de mesures de protection. Lorsqu’elle a répondu, elle a soutenu qu’elle l’avait fait. Elle ne savait pas que juste avant qu’elle témoigne, en contre‑interrogatoire, il avait admis qu’il l’avait fait de sa propre initiative, avant de lui demander de venir au bureau de TI le jour de l’incident. Elle n’était pas au courant de ce développement à l’audience et a soutenu qu’il l’avait fait à sa demande à elle. En contre‑interrogatoire, elle a aussi admis qu’avant de témoigner (et contrairement à mon ordonnance quant à l’exclusion des témoins), elle avait eu des conversations avec d’autres témoins au sujet de l’incident relatif au routeur.

[101] En tout état de cause, même si Mme Accettura avait dit au fonctionnaire qu’elle ne rédigerait pas de rapport d’incident de sécurité, elle en a rédigé un parce que M. Kruper lui avait montré ses conclusions découlant de l’enregistrement du journal pris le 11 janvier 2013. À l’audience, elle a insisté pour dire que le routeur avait été complètement connecté au réseau de l’Agence, ce qui contrevenait à la Politique en matière de sécurité de cette dernière. Elle a ajouté qu’il avait été connecté au réseau probablement pendant environ une demi-heure au total. Elle a aussi précisé que puisque M. Kruper n’avait pas confirmé la version des événements du fonctionnaire, elle n’a accordé aucun poids à ce qu’avait dit ce dernier.

[102] À l’audience, Mme Accettura a aussi reconnu ne pas savoir avec certitude qui du fonctionnaire ou de M. Schreiber (après que le fonctionnaire fut parti pour aller trouver M. Kruper) avait allumé le routeur. M. Kruper a aussi confirmé qu’il ne savait pas si le cordon d’alimentation du routeur était connecté à la prise de courant lorsqu’il est entré dans la pièce. Toutefois, Mme Accettura a déduit que le fonctionnaire devait avoir allumé l’appareil et établi la connectivité au réseau, étant donné son souhait d’aider M. Schreiber. C’est la raison pour laquelle elle était convaincue qu’il s’agissait d’un important incident de sécurité pour lequel il devait faire l’objet d’une mesure disciplinaire. Elle lui a plus tard imposé une suspension de 10 jours, à purger du 1er au 14 mai 2013.

[103] Une partie du rapport d’incident de sécurité de Mme Accettura, rédigé le 11 janvier 2013, indique ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Le 9 janvier 2013, Jeff Staniland, un employé de TI gérant cette affaire initialement, avait fait des recherches et conclu qu’un commutateur était requis avant que la TI puisse donner suite à cette demande, puisque le commutateur précisément utilisé sur place pour accroître les ports de données du réseau était déjà utilisé. Chantel, notre cliente, l’avait appris la même journée. Le lendemain, Chantel a mis à jour le cas pour que seuls quatre ordinateurs portatifs puissent être connectés dans la salle Sunset et a dit qu’elle obtiendrait un commutateur du bureau au centre-ville du SC, puisqu’Alicia Schreiber devait en envoyer un. Comme Jeff n’arriverait pas avant 9 h le 11 janvier, il a demandé à ce que Sukh s’occupe du cas le matin parce qu’il commençait à 7 h et qu’il pouvait recevoir le commutateur et aider à terminer le ticket. Malheureusement, il n’a pas reçu un commutateur, mais un routeur sans fil.

À 14 h 30 le 11 janvier 2013, lorsque Gene Kruper m’a apporté l’appareil, il a dit qu’il avait été allumé et complètement connecté par ses câbles principaux à nos ports de données de réseau dans la salle Sunset. Lorsque je lui ai demandé quelle avait été sa participation, il a dit que Sukh avait des problèmes pour configurer l’appareil afin que les ordinateurs portatifs que Gerry voulait connecter puissent communiquer au moyen du routeur. Sukh a demandé à Gene d’examiner l’installation pour l’aider. Lorsque Gene est arrivé dans la salle Sunset et qu’il a vu ce qui avait été connecté, il a immédiatement débranché l’appareil et l’a emporté à l’étage. Gene a reconnu qu’il ne pouvait rien connecter au réseau directement au moyen d’un routeur et que c’était une violation de la Politique en matière de sécurité et qu’il en a avisé Sukh.

Lorsque j’ai demandé à Gene s’il pouvait dire avec certitude qu’il était connecté, il a produit un rapport (voir la pièce jointe dans un courriel distinct) qui indique au moyen du journal de serveur que l’adresse IP de ce routeur a été enregistrée comme communiquant avec notre RL. Lorsque Gene a vérifié le routeur en mode autonome (non connecté à un réseau), il a pu se connecter à son service sans fil en utilisant son téléphone cellulaire personnel, ce qui signifie qu’il n’y avait aucune mesure de protection sur ce routeur et qu’il était en diffusion libre. Il a immédiatement déconnecté l’appareil et l’a remis dans sa boîte.

On ne sait pas à ce moment-ci combien de temps le routeur a été connecté à notre réseau, mais puisque Sukh n’a tenté que récemment d’obtenir l’aide de Gene, il est possible qu’il ait fallu une demi-heure avant de le déconnecter.

J’ai demandé à Sukh en présence de Gene, lorsqu’il a commencé à configurer l’appareil s’il l’avait allumé et connecté à des câbles du réseau. Sukh a dit qu’il est allé chercher Gene pour avoir son aide afin de décider s’il pouvait connecter l’appareil et qu’il ne l’avait jamais connecté. Cela contredit ce que Gene a découvert et ce que démontre notre journal du réseau.

[…]

 

[104] Ainsi, Mme Accettura a conclu que le fonctionnaire était responsable d’un manquement à la sécurité.

[105] Le 14 janvier 2013, Mme Accettura a rempli le document « Atteinte à la protection des renseignements – Outil d’évaluation des risques ». L’incidence potentielle pour l’Agence indiquée dans l’outil en ce qui concerne le manquement relatif aux renseignements organisationnels était une [traduction] « faible incidence, qui a été décrite comme une “compromission non raisonnablement susceptible de causer des dommages” ». À l’audience, Mme Accettura a reconnu que M. Schreiber ne s’était connecté à aucun ordinateur portatif. Puis, elle a reconnu ne pas savoir si les ordinateurs portatifs étaient munis de pare-feu.

[106] Le document Atteinte à la protection des renseignements – Outil d’évaluation des risques de Mme Accettura indiquait que l’Agence savait qu’un routeur avait été connecté le 11 janvier 2013, [traduction] « […] mais non pendant combien de temps […] ». Après avoir reçu le rapport de sécurité de Mme Accettura, Mme Singh l’a transmis et indiqué que l’employeur ne savait pas si quelqu’un avait réussi à se connecter au réseau de l’Agence et qu’il était donc [traduction] « […] impossible de savoir si des renseignements avaient été compromis, le cas échéant ».

[107] Le 16 janvier 2013, Mme Singh a transmis le rapport d’incident de sécurité de Mme Accettura à Martin Forget, agent de surveillance de sécurité du réseau électronique, Affaires internes, et lui a demandé de le lire. À son tour, il a demandé à un spécialiste technique principal de Services partagés Canada de l’examiner.

[108] M. Robinson a alors tenté de mesurer la portée du risque pour l’Agence selon ce qu’on lui avait dit et ce qu’on lui avait fourni. Il a écrit ce qui suit : [traduction] « Il semble que [le routeur sans fil] était connecté au RCNet et il semble avoir été ouvert, ce qui signifie qu’une personne aurait pu s’y connecter […] ». Il a reconnu qu’une enquête supplémentaire serait nécessaire pour mieux comprendre l’exposition du réseau. Il a aussi indiqué ce qui suit : [traduction] « À propos de ce qui s’est produit, il me semble qu’il s’agissait d’une erreur plutôt que d’un acte malveillant […] »

[109] Dans la chaîne de courriel, M. Forget a ensuite posé à M. Robinson la question suivante :

[Traduction]

[…]

Tout cela étant dit, serait-il juste d’affirmer que même s’il y a eu une connexion ouverte pendant un certain temps, une personne qui se connecte à ce PA n’aurait pas eu la possibilité d’avoir accès à beaucoup de choses, le cas échéant, puisqu’elle n’aurait pas été authentifiée sur le réseau? Les ordinateurs ou les appareils compromis ne font pas partie du domaine en plus du fait qu’ils n’ont pas de justificatifs de l’ARC, etc.

[…]

 

[110] M. Robinson a répondu que le risque était minime, mais qu’il y avait tout de même une certaine vulnérabilité. M. Forget a transmis la réponse de M. Robinson à Mme Singh et a ajouté : [traduction] « Selon mon opinion personnelle, le risque était aussi très minime. »

[111] À l’audience, M. Robinson a été interrogé sur le pare-feu de l’Agence. Il a mentionné qu’il était impossible de sécuriser complètement un réseau. Les vulnérabilités sont normales, et c’est la raison pour laquelle les pare-feu sont utilisés. Ils permettent uniquement un trafic qui est considéré comme étant acceptable dans un environnement donné.

[112] M. Robinson a déclaré qu’on lui avait demandé d’évaluer ce qui était arrivé, ainsi que l’incidence. Selon sa compréhension, un appareil sans fil a été connecté au réseau de l’Agence. Il a expliqué qu’un routeur sans fil était comme une porte dissimulée. Le pare‑feu ne peut pas s’appliquer à ce type de voie de rechange.

[113] M. Robinson a été invité à expliquer ce qu’il voulait dire dans son courriel lorsqu’il a écrit : [traduction] « Il semble que le routeur sans fil était connecté au RCNet et il semble avoir été ouvert, ce qui signifie qu’une personne aurait pu s’y connecter […] ». Il a expliqué que le point d’accès acceptait des connexions sans fil d’autres appareils. Il s’agissait alors de savoir si d’autres personnes pouvaient l’avoir utilisé.

[114] M. Robinson a expliqué que pour mieux comprendre l’exposition, l’employeur devait examiner qui, à l’extérieur de l’Agence, se trouvait à moins de 500 pieds du point d’accès. Cette distance était également assujettie à des conditions, comme des murs et des plafonds étant dans la voie ou qui font interférence, etc. Il revenait à se demander si une personne ayant un appareil et qui avait l’intention de causer du tort à l’Agence avait utilisé le point d’accès ou le routeur pour accéder à son réseau. Il était d’avis que le risque était minime, mais qu’il y avait eu une exposition potentielle à un risque.

[115] Dans son témoignage, M. Robinson a également reconnu qu’il n’avait pas fait d’essai sur le routeur, y compris la portée de sa transmission. Il a reconnu que les murs de ciment empêchaient la transmission de signaux de routeurs et de transmetteurs sans fil semblables.

[116] Le fonctionnaire a expliqué que la salle Sunset se trouve au niveau inférieur de l’édifice du Centre fiscal de Surrey. Il a des murs de ciment très épais. Les murs extérieurs sont également faits de ciment et de briques. La route se trouve à environ 500 pieds de la salle. Il n’y a aucun café ou restaurant à proximité qui offre des services sans fil.

[117] À l’audience, M. Robinson a reconnu qu’il avait peu de détails au sujet de l’incident. Il a dit qu’il avait jeté un coup d’œil au rapport d’incident de sécurité de Mme Accettura. Il a fondé son évaluation sur la connexion (une porte ouverte) au réseau qui avait duré environ 30 minutes. Selon sa compréhension, une personne munie d’un appareil (comme M. Kruper avec son téléphone) aurait pu utiliser le routeur pour se connecter au réseau parce qu’il a lu dans le rapport qu’il [traduction] « n’y avait aucune mesure de protection sur le routeur ».

[118] On a demandé à M. Robinson si la situation aurait été différente si le routeur avait été protégé par un mot de passe. Il a répondu qu’un mot de passe est une mesure de protection, alors une personne munie d’un appareil qui avait l’intention de causer du tort aurait eu besoin du mot de passe du routeur pour avoir accès au réseau. Dans ce cas, il n’y aurait pas eu beaucoup de risques qu’une personne ait accès au réseau.

[119] Selon la compréhension de M. Robinson, la porte avait été laissée ouverte pendant environ 30 minutes. Il a reconnu que si l’estimation n’était pas exacte, c’est‑à‑dire que si elle avait été laissée ouverte pendant moins de 30 minutes, le risque était plus minime. En tout état de cause, il a initialement conclu que le risque pour l’Agence était minime. Il a approuvé son évaluation de l’époque selon laquelle le risque était minime et qu’il pouvait seulement dire qu’il y avait une [traduction] « exposition potentielle ».

[120] En tout état de cause, en raison de cet incident, Mme Accettura a attribué au fonctionnaire des fonctions restreintes le 5 février 2013, en attendant une enquête. Elle lui a retiré ses droits d’accès d’utilisateur privilégié. Comme il est indiqué dans une note qui lui est adressée, ses fonctions et son accès au réseau ont été limités. À partir de ce moment, il ne pouvait plus accomplir beaucoup de choses. Il a expliqué qu’il ne recevait pas beaucoup de tâches significatives; il ne pouvait plus accomplir le travail qu’il faisait auparavant, il ne pouvait pas avoir accès aux fichiers de réseau ni aider les clients à avoir accès à leurs fichiers et il ne pouvait pas installer de logiciel. Mme Accettura a reconnu qu’il ne lui restait que la gestion de l’inventaire (déplacement d’équipement) et de la lecture.

[121] De plus, le fonctionnaire a perdu son travail sur appel en soirée prévu régulièrement. Mme Accettura a confirmé qu’il ne pouvait plus l’accomplir, puisqu’elle ne lui faisait plus confiance.

[122] Le 15 février 2013, Mme Accettura a terminé son rapport d’enquête sur l’incident relatif au routeur. Elle concluait que le fonctionnaire avait contrevenu aux Lignes directrices de la politique sur le réseau électronique.

[123] Le fonctionnaire a assisté à une audience disciplinaire le 26 février 2013 au sujet de l’incident relatif au routeur.

[124] Le 8 avril 2013, les Affaires internes ont conclu que le fonctionnaire avait contrevenu à la Politique sur la sécurité de l’environnement informatique de l’Agence. Mme Singh, qui a rédigé le rapport d’enquête des Affaires internes, a reconnu qu’elle ne connaissait pas le type de problème visé par l’incident relatif au routeur. Elle a dit qu’elle a simplement invoqué la partie de la réponse initiale fournie par M. Robinson et qu’elle avait inclus le passage suivant dans le rapport :

[Traduction]

[…]

Infractions à la sécurité

[…]

Dans un incident distinct, le 11 janvier 2013, Gene Kruper, analyste principal de soutien de l’infrastructure de la TI, a informé la direction que lorsqu’il est arrivé dans une salle de conférence au Centre fiscal de Surrey pour aider M. Jassar à terminer un ticket, il a remarqué qu’un routeur sans fil était allumé et pleinement connecté au réseau. M. Kruper a dit qu’il a immédiatement démonté l’appareil et informé M. Jassar qu’il ne pouvait rien connecter au réseau directement au moyen d’un routeur puisque c’était une violation de la Politique en matière de sécurité.

[…]

Le Centre de protection de la technologie de l’information, Services partagés Canada, a confirmé à la Division des affaires internes et du contrôle de la fraude qu’un routeur sans fil était connecté au réseau de l’Agence du revenu du Canada et qu’il était allumé, ce qui permettait des connexions externes. Même si le risque était minime, la connexion a duré environ 30 minutes et aurait permis à une personne d’introduire un logiciel malveillant sur le réseau ou de perturber autrement les services.

La direction a demandé à M. Jassar s’il avait allumé le routeur sans fil et l’avait connecté au réseau. Il a dit qu’il n’avait jamais connecté l’appareil, contredisant les conclusions du Centre de protection de la technologie de l’information, Services partagés Canada, et la description des événements de M. Kruper, qui indiquaient que le routeur sans fil avait réellement été connecté.

[…]

Conclusion

[…]

Les renseignements recueillis pendant l’enquête ont permis de conclure qu’en connectant un routeur sans fil au réseau de l’ARC, M. Jassar contrevenait à la Politique sur la sécurité de l’environnement informatique.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[125] À l’audience, Mme Singh a reconnu qu’elle ne savait pas si une authentification était nécessaire pour se connecter au réseau de l’Agence. Elle a admis ne pas comprendre ce sujet, ce qu’est un « domaine » ou comment fonctionnent les justificatifs d’identité de l’ARC. Par exemple, elle a précisé qu’elle ne savait pas ce qu’est un processus d’authentification en ce qui concerne le réseau.

[126] Le 29 avril 2013, Mme Accettura a envoyé une lettre de suspension de 10 jours au fonctionnaire. Elle a imposé la suspension sans traitement au motif qu’il avait connecté le routeur au réseau de l’Agence pendant environ 30 minutes le 11 janvier 2013, compromettant [traduction] « […] l’intégrité du réseau en permettant des connexions externes, une violation de la Politique sur la sécurité de l’environnement informatique […] ».

[127] Mme Accettura a écrit ce qui suit dans la lettre de suspension : [traduction] « [e]n rendant ma décision, j’ai tenu compte […] de facteurs aggravants qui comprennent votre absence de remords, le fait que vous n’avez pas assumé la responsabilité alors que la prépondérance des probabilités démontre le contraire, y compris le récit de deux témoins oculaires […] ». Toutefois, à l’audience, les deux témoins en question, MM. Schreiber et Kruper, ont confirmé qu’ils n’avaient pas vu le fonctionnaire connecter le routeur. M. Schreiber a même écrit ce qui suit à Mme Accettura le 15 janvier 2013 : [traduction] « […] Je ne crois pas que [le fonctionnaire] a utilisé [le routeur] puisqu’il est allé trouver [M. Kruper] pour savoir s’il pouvait utiliser autre chose à la place. »

[128] La raison pour laquelle Mme Accettura a choisi une suspension de 10 jours parmi un éventail possible de 1 à 20 jours est que le fonctionnaire a maintenu qu’il n’avait pas connecté le routeur, ce qui serait la raison pour laquelle il a demandé l’assistance de M. Kruper. Elle ne croyait pas que le fonctionnaire n’avait pas connecté le routeur et a dit qu’il n’était pas crédible. Comme elle l’a souligné à l’audience, elle ne lui faisait plus confiance pour accomplir un travail de façon sécuritaire.

2. Conclusions de fait

[129] L’employeur soutient que la période pendant laquelle le routeur a été connecté n’est pas pertinente; c’est plutôt le fait que le routeur a réellement été connecté qui l’est. Il soutient aussi qu’il n’a pas à établir qu’une personne aurait pu se connecter à son réseau au moyen du routeur sans utiliser un nom d’utilisateur et un mot de passe. Il suffit de démontrer qu’il y avait une exposition potentielle. M. Robinson a confirmé l’exposition potentielle à un risque.

[130] L’employeur soutient également que le fait que le fonctionnaire ne pouvait pas se rappeler si le routeur était allumé est une preuve de sa malhonnêteté et permet de tirer une inférence défavorable contre lui.

[131] Le fonctionnaire soutient que les conclusions de MM. Robinson et Forget selon lesquelles la connexion du routeur créait, respectivement, un risque [traduction] « minime » et [traduction] « très minime » constituent des admissions opposables à l’employeur; voir Morrison-Knudson Co. v. British Columbia Hydro and Power Authority, [1973] B.C.J. No. 472 (QL), aux paragraphes 8 et 9; International Brotherhood of Painters and Allied Trades Glaziers, Architectural Metal Mechanics and Glassworkers Union, Local 1527 v. ABC Plastic Pak Ltd., [1991] B.C.L.R.B.D. No. 25 (QL).

[132] Je conclus que le fonctionnaire a tenté d’aider M. Schreiber de bonne foi. Il ne se souvient pas d’avoir allumé le routeur. Il n’est pas la seule personne qui aurait pu l’allumer, et l’employeur avait le fardeau de prouver qu’il l’avait fait. Toutefois, cette preuve ne m’a pas été présentée. Pourtant, l’employeur considère l’incapacité du fonctionnaire à se rappeler si le routeur était allumé comme une preuve de sa malhonnêteté. Je fais remarquer que les témoins de l’employeur ne pouvaient pas non plus se rappeler si le routeur était allumé. Ce que l’employeur considère comme un trou de mémoire de la part du fonctionnaire et qu’il associe à de la malhonnêteté est sa seule raison pour lui imposer une mesure disciplinaire. Pourtant, le fait qu’il ne se rappelle pas avoir allumé le routeur et ainsi de l’avoir connecté au réseau de l’Agence ne change rien au fait que l’employeur n’a pas été capable d’établir qu’il l’avait allumé.

[133] Dans son document Atteinte à la protection des renseignements – Outil d’évaluation des risques, Mme Accettura a conclu que l’incidence potentielle pour l’Agence en ce qui concerne le manquement relatif aux renseignements organisationnels était [traduction] « non raisonnablement susceptible de causer des dommages ».

[134] M. Forget a appuyé la conclusion de Mme Accettura. Il a dit que la probabilité qu’une personne pirate le réseau au moyen du routeur était [traduction] « très faible » puisqu’une [traduction] « personne qui se connecte à ce PA [point d’accès] n’aurait pas eu la possibilité d’avoir accès à beaucoup de choses […] ».

[135] M. Robinson a indiqué et confirmé à l’audience qu’il n’y avait eu qu’un [traduction] « risque minime » que la connexion du routeur ne permette à une [traduction] « personne d’introduire un logiciel malveillant sur le réseau ou de perturber autrement les services ».

[136] De plus, M. Robinson a confirmé qu’il a cru Mme Accettura sur parole lorsqu’elle a dit que le routeur avait été connecté au réseau de l’Agence pendant environ 30 minutes et qu’il avait une portée de 500 pieds à l’extérieur de l’édifice de l’Agence. Lorsqu’il a témoigné, il a confirmé qu’il ne pouvait pas justifier ces prétentions. La durée de la connexion alléguée n’a pas fait l’objet d’une enquête. Aucune vérification n’a été effectuée sur la portée du routeur.

[137] M. Robinson a également confirmé qu’il s’en est remis à la déclaration figurant dans le rapport d’incident de sécurité de Mme Accettura selon laquelle [traduction] « il n’y avait aucune mesure de protection sur ce routeur ». Il était d’avis que l’Agence pouvait être à risque parce qu’il croyait que le routeur n’était pas protégé par un mot de passe. Toutefois, il continuait de croire que le risque était minime. Il a reconnu qu’un mot de passe pour le routeur constituerait une mesure de protection valide pour empêcher un accès non autorisé au réseau. J’accepte l’évaluation de M. Robinson selon laquelle un risque pour le réseau de l’Agence aurait été très minime.

[138] Si je devais accepter l’allégation selon laquelle le fonctionnaire avait allumé le routeur et l’avait connecté au réseau de l’Agence, un fait que l’employeur n’a pas prouvé, la preuve fournie à l’audience n’appuie pas la prétention de l’employeur selon laquelle le routeur a été connecté au réseau pendant environ 30 minutes. Bien que Mme Accettura ait estimé qu’il aurait été connecté pendant cette période approximative avant que M. Kruper interrompe l’installation entre 14 h et 14 h 30, la période d’une demi-heure qu’elle a indiquée n’est pas une estimation raisonnable. Selon la preuve présentée, les événements suivants ont eu lieu dans cet ordre entre 14 h et 14 h 30, à quelques minutes près :

• M. Schreiber et le fonctionnaire se sont rencontrés à 14 h dans la salle Sunset.

 

• Ils ont eu une brève discussion qui a duré probablement cinq minutes, ou jusqu’à 14 h 5.

 

• Le fonctionnaire a ensuite quitté la salle pour rejoindre M. Kruper dans le bureau de TI sur un autre étage; il est probablement arrivé vers 14 h 10.

 

• L’enregistrement du journal pris le 11 janvier 2013 suggère que le bail de l’adresse IP a été envoyé pour le routeur à 14 h 10 min 1 s (pièces E-22 et E-52).

 

• Après avoir discuté de la question, le fonctionnaire et M. Kruper ont quitté le bureau de TI et sont retournés à la salle Sunset qui était à un étage inférieur. Ils sont probablement arrivés vers 14 h 15.

 

• M. Kruper a alors déconnecté et saisi le routeur, probablement vers 14 h 15.

 

• M. Kruper est alors retourné au bureau de TI sur un autre étage. Il est probablement arrivé vers 14 h 20.

 

• M. Kruper a eu une discussion avec ses collègues jusqu’à 14 h 25.

 

• Lorsque cette discussion a pris fin, M. Kruper a décidé de se rendre au bureau de Mme Accettura.

 

• Il y est arrivé vers 14 h 30.

 

[139] Étant donné tous les événements qui se sont déroulés entre 14 h et 14 h 30, il serait raisonnable de conclure que le routeur a probablement été connecté vers 14 h 10 min 1 s, avant que M. Kruper interrompe l’installation vers 14 h 15. Ainsi, une estimation raisonnable de la période pendant laquelle il aurait été connecté serait plus près de 5 minutes que de 30 minutes.

[140] De plus, l’employeur n’a pas produit d’éléments de preuve clairs indépendants selon lesquels le routeur n’était pas protégé par un mot de passe. Bien que M. Kruper ait affirmé qu’il n’était pas protégé par un mot de passe, l’employeur n’a pas vérifié cette prétention. Pour les raisons qui suivent, je conclus que je ne peux pas accorder de poids à la déclaration de M. Kruper.

[141] Tout d’abord, Mme Accettura a déclaré que selon sa compréhension, avant de lui faire une déclaration, M. Kruper avait sélectionné sur son téléphone cellulaire personnel l’option Wi-Fi afin de vérifier si le routeur apparaissait. Elle a supposé que c’était le cas; c’est-à-dire qu’il apparaissait comme une connexion Wi-Fi accessible à Internet. Elle a ensuite supposé que M. Kruper avait eu accès à cette connexion et que son téléphone cellulaire y avait obtenu l’accès à Internet sans avoir à entrer un mot de passe. Toutefois, elle a admis qu’elle n’a pas réellement vu M. Kruper faire tout cela. En particulier, elle ne l’a pas vu avoir accès à une connexion Wi-Fi au moyen du routeur pour vérifier s’il exigeait un mot de passe. Elle l’a simplement cru sur parole lorsqu’il a affirmé qu’il n’était pas protégé par un mot de passe. Elle a reconnu qu’elle n’a effectué aucune autre vérification pour constater si le routeur était protégé par un mot de passe.

[142] Les observations de Mme Accettura, ainsi que le fait que M. Kruper a inventé des histoires pour nuire au fonctionnaire, comme on le verra plus tard en ce qui concerne les événements de 2004, de 2005 et de 2012 relativement à des accusations criminelles alléguées et non divulguées, m’amènent à conclure que je ne peux pas croire M. Kruper lorsqu’il affirme que le routeur n’était pas protégé par un mot de passe. En termes simples, M. Kruper n’était pas un témoin crédible. Comme on le verra, il a menti sur le fait qu’il est allé à la Cour provinciale de la C.-B. avec le fonctionnaire afin d’attirer l’attention de l’employeur sur le fait que le nom de ce dernier était associé à celui d’une autre personne dans le site Web Court Services Online de la C.-B. M Kruper a menti de nouveau lorsqu’il a écrit dans un courriel que Mme Accettura lui avait demandé de vérifier si le routeur était en mode autonome pour vérifier s’il était protégé par un mot de passe. À l’audience, tout juste avant que Mme Accettura témoigne, il a admis avoir inventé cette histoire et qu’il avait menti.

[143] Ainsi, il est devenu évident à l’audience que M. Kruper n’était pas un témoin honnête et crédible. En fait, en tant que témoin, j’ai conclu qu’il s’est vanté des dénonciations qu’il a faites du fonctionnaire et qu’il était évasif et peu digne de confiance au sujet des éléments de preuve dans son témoignage. Bref, je crois que pour nuire au fonctionnaire, il a exagéré l’incident et a dit que le routeur n’était pas protégé par un mot de passe.

[144] Comme Mme Accettura l’a confirmé, personne d’autre que M. Kruper n’a vérifié si le routeur était protégé par un mot de passe. L’employeur s’en est remis à ce fait non vérifié pour mesurer le risque qui lui était causé par la connexion du routeur à son réseau.

[145] De plus, M. Robinson a dit qu’un mot de passe pour le routeur constituerait une mesure de protection valide pour empêcher un accès non autorisé au réseau.

[146] Enfin, le 29 avril 2013, Mme Accettura a conclu à tort qu’elle avait le [traduction] « récit de deux témoins oculaires » selon lesquels le fonctionnaire avait connecté le routeur au réseau de l’Agence. Les deux témoins, MM. Schreiber et Kruper, ont confirmé à l’audience qu’ils ne l’avaient pas vu connecter le routeur.

C. Utilisation des congés et inscriptions de présence menant à une suspension de 20 jours

1. Preuve

[147] Darlene Jensen, directrice adjointe, Services de TI, zone 1, Direction générale de l’informatique, Direction des services informatiques pour les clients, Services de soutien de la TI sur place du Pacifique, à l’Agence (en 2012 et en 2013), et Mme Singh ont témoigné au nom de l’employeur au sujet des congés frauduleux présumés du fonctionnaire. Avant de devenir directrice adjointe, Mme Jensen avait été chef d’équipe et le fonctionnaire était dans son équipe.

[148] Le fonctionnaire a témoigné pour son propre compte.

[149] Lorsqu’elle a fait enquête sur les événements qui ont mené à la révocation de la côte de fiabilité du fonctionnaire, Mme Singh a remarqué qu’il avait comparu en cour six fois en 2012 et en 2013 en ce qui concerne un litige de garde avec son ancienne conjointe. Mme Singh a obtenu les dates du palais de justice de Surrey et les a communiquées à M. Dorff.

[150] Le 10 janvier 2013, Mme Singh a parlé à Mme Accettura des congés que le fonctionnaire avait pris les journées où il avait comparu en cour. Mme Singh a noté qu’il [traduction] « […] semblait y avoir des congés suspects […] ».

[151] Le 22 janvier 2013, à une réunion de la direction avec Mme Singh et M. Cultum, voici ce qui a été noté :

[Traduction]

[…]

Contexte

[…]

En 2012, la direction a appris que M. Jassar pouvait avoir fait de fausses déclarations sur sa présence au travail ou ses congés du lieu de travail pour maladie. M. Jassar peut s’être rendu au palais de justice au moment où il déclarait être malade à la maison, à un rendez-vous ou au travail. Ce sujet fait actuellement l’objet d’une enquête par [les Affaires internes]; elles effectuent une analyse comparative de ses congés pendant cette période et obtiennent la confirmation de sa présence à la cour.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[152] Le même jour, Mme Singh a pris des notes après avoir eu une discussion avec Mmes Accettura et Jensen. Mme Jensen a examiné les congés que le fonctionnaire avait pris les journées où il avait comparu en cour. Selon les notes de Mme Singh, la section des relations travail de l’Agence a exprimé des préoccupations au sujet du fait qu’elle puisse signaler un problème d’ordre disciplinaire et parvenir à une conclusion à cet égard. À ce moment, l’employeur gérait également des allégations formulées contre le fonctionnaire au sujet de l’incident du courriel déplacé, de l’incident relatif au routeur et des accusations criminelles non divulguées. Comme Mme Singh l’a fait remarquer, [traduction] « […] pour un niveau élevé d’inconduite, il peut être approprié d’attendre que tout soit signalé dans une seule note de service pour être en mesure d’appliquer des facteurs aggravants aux inconduites de niveau moindre […] ». Elle a suggéré cette approche parce que, comme elle l’a indiqué, la direction voulait utiliser tous ces éléments pour réévaluer la cote de fiabilité du fonctionnaire. Ses notes étaient ainsi rédigées :

[Traduction]

[…]

[…] Les RT ont remis en question notre participation à l’imposition d’une mesure disciplinaire et j’ai précisé que nous n’imposions pas de mesure disciplinaire puisqu’il s’agirait d’une question relevant des RT et de la direction, mais que puisque la direction avait exprimé ses préoccupations au sujet de l’employé et compte tenu de son historique, j’ai demandé à mon gestionnaire ce qui serait avantageux pour la direction. J’ai dit que mon rôle consistait à recueillir des renseignements et à les signaler, mais que je comprenais l’importance de la façon de signaler ces questions et du moment de le faire en raison des préoccupations de la direction. Nous avons aussi discuté de la formulation d’une recommandation à l’intention de la Sécurité en vue de la réévaluation de la cote de sécurité de l’employé, dont il voulait garantir l’exécution […].

[…]

 

[153] Une conférence téléphonique s’est déroulée le 23 janvier 2013. Étaient présents MM. Dorff et Cultum, Mmes Jensen, Accettura et Singh, Denis Maurice (gestionnaire de Mme Singh) et une autre personne qui n’a pas témoigné à l’audience. Mme Singh a noté ce qui suit après la réunion :

[Traduction]

[…]

[…] Nous avons discuté du traitement de dossiers comportant de multiples mesures disciplinaires. Denis a confirmé que nous établirons un rapport sur toutes les questions (courriel, routeur, pseudonyme et fraude [utilisation des congés et inscriptions de présence]) dans une seule note de service. Par conséquent, ils pourraient vouloir attendre pour imposer des mesures disciplinaires pour deux des quatre questions puisqu’ils ne savent pas ce qui serait indiqué dans notre note de service et comment ce serait indiqué. Nous avons discuté des niveaux potentiels de mesures disciplinaires pour les inconduites et envisagé d’imposer des mesures disciplinaires distinctes. Denis a dit qu’il ne voulait pas dire quoi faire aux RT, mais il a suggéré d’attendre la fin de [l’entrevue du 30 janvier 2013] en ce qui concerne les congés frauduleux, qui peut être réalisée rapidement, afin d’assurer l’imposition du bon niveau de mesures disciplinaires selon notre rapport. Les RT ont remis en question la participation des [Affaires internes] à la question du courriel, et Denis a précisé qu’il s’agissait d’un manquement de sécurité et que cet élément relevait tout à fait de notre mandat […].

[…]

 

[154] Le 23 janvier 2013, une collègue de Mme Singh, Kinga Stankowska, a dit à cette dernière qu’elle avait appelé au palais de justice de Surrey en son nom [traduction] « […] pour confirmer quelle colonne du registre de procédures indique si une personne était présente ou non en cour […] ». Mme Stankowska aurait dit ce qui suit à Mme Singh : [traduction] « […] L’agent d’appel du palais de justice de Surry [sic] a confirmé que la colonne intitulée RPAV indiquait si la personne était présente ou non; R : représentant présent; P : comparution personnelle; A : aucune comparution; V : comparution par vidéo […] ».

[155] Mme Singh a ensuite présumé que le fonctionnaire avait comparu personnellement à la cour six fois entre le 17 août et le 10 décembre 2012.

[156] Le fonctionnaire a déclaré qu’il a aussi appelé au palais de justice lorsqu’il a été interrogé sur cette question afin de savoir pourquoi la lettre « P » avait été utilisée pour deux des dates où il n’était pas présent en cour (le 19 septembre et le 27 novembre 2012). Il a dit qu’il a appris que le personnel de la cour ne demande pas aux personnes présentes de s’identifier. Si une personne qui n’est pas un représentant est présente, la lettre « P » est indiquée au registre. Si un représentant, comme un avocat, est présent, alors la lettre « R » est indiquée au registre. Le fonctionnaire en a plus tard avisé son employeur. Un membre de la famille a comparu en son nom à quelques reprises.

[157] L’employeur a déposé en preuve le « Rapport individuel sur les congés » du fonctionnaire au 29 janvier 2013. À cette date, il avait utilisé 32 heures de crédits de congé de maladie au cours de cet exercice, un solde de plusieurs centaines d’heures étant disponible. Il a pris congé pour des rendez-vous médicaux à un certain nombre d’occasions, dont 1,5 heure le 17 octobre 2012 et 2 heures le 4 janvier 2013, pour amener un membre de sa famille à des rendez-vous médicaux. Il avait 14 heures de crédits de congé pour obligations familiales annuel à sa disposition au 29 janvier 2013, qu’il aurait pu utiliser pour amener un membre de la famille à des rendez-vous médicaux.

[158] Mme Singh a parlé à Mme Jensen, que M. Dorff, le directeur de Mme Jensen, avait mandatée pour vérifier les congés que le fonctionnaire avait consacrés à des dates à la cour. Elle a interrogé le fonctionnaire le 30 janvier 2013.

[159] Mme Jensen a expliqué qu’après l’entrevue, elle a conclu qu’elle n’était pas satisfaite des réponses du fonctionnaire. Elle lui a communiqué les dates auxquelles il a pris congé pendant l’entrevue du 30 janvier 2013, mais il n’a pas pu se rappeler exactement tous ses rendez-vous passés. À la fin de la rencontre, elle lui a remis un document indiquant les dates.

[160] Mme Jensen a ensuite recueilli tous les renseignements à sa disposition à partir du calendrier d’équipe et des congés consignés du fonctionnaire et a préparé un tableau dans lequel elle a inclus des estimations de l’heure où elle supposait qu’il devait comparaître en cour. Elle a indiqué dans le tableau qu’elle avait des doutes en raison de ses réponses évasives à l’entrevue du 30 janvier 2013. Elle a envoyé ces renseignements à Mme Singh le 14 mars 2013.

[161] Après avoir obtenu les dates de ses congés que Mme Jensen avait remis en question, le fonctionnaire a fourni des notes de son avocate et de son médecin pour justifier certains de ses congés. Une note du 18 février 2013 de son avocate de l’époque, Erin Bowman, se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

J’écris la présente lettre afin de confirmer que je suis l’avocate de M. Jassar. M. Jassar n’est pas tenu d’être présent à toutes les comparutions à la cour, et je l’ai représenté le 27 novembre 2012 et le 4 janvier 2013. M. Jassar n’était pas tenu d’être présent à ses comparutions à ce jour.

[…]

 

[162] La note de son médecin, Robert Pereira, est datée du 21 février 2013. Elle se lit comme suit : [traduction] « […] Sukhvir [sic] Jassar était absent du travail le 17 oct., le 13 nov. et le 27 nov. 2012 parce qu’il a dû déposer [un membre de la famille] au bureau du médecin […] ». Le fonctionnaire a aussi remis à son employeur une note du 23 février 2013, de Brian Ng, un autre médecin pratiquant avec le Dr Pereira, qui se lit comme suit : [traduction] « La présente lettre a pour but d’attester que Sukhbir Jassar a accompagné [un membre de la famille] le 17 octobre, le 13 novembre et le 27 novembre 2012 à […] des rendez-vous médicaux avec un autre médecin, le Dr Robert Pereira […] » [le passage en évidence l’est dans l’original].

[163] Le 1er mars 2013, Mme Singh a examiné les documents fournis par le fonctionnaire. Elle a indiqué des contradictions avec les renseignements de l’employeur et s’est renseignée auprès de son superviseur pour savoir si elle devait interroger de nouveau le fonctionnaire et l’en informer. À ce moment, les Affaires internes avaient confirmé à Mme Jensen qu’elles considéraient que la lettre « P » consignée par la cour indiquait une comparution personnelle et que la lettre « R » signifiait « représentant ».

[164] Un document intitulé [traduction] « Tableau de code JUSTIN », la clé des notations de la Cour provinciale de la C.-B. ne comprend pas une entrée « P » pour les comparutions personnelles en cour.

[165] À l’époque, la compréhension par Mmes Singh et Jensen des comparutions du fonctionnaire en cour, comparées aux congés qu’il avait pris, était la suivante :

17 août 2012 :

 

7,5 heures – congé de maladie non attesté (la lettre « P » a été consignée pour une comparution à 14 h 30 en cour);

 

19 septembre 2012 :

 

aucun congé pris, mais une réunion était prévue au calendrier pour 14 h (la lettre « P » a été consignée pour une comparution à 13 h 30 en cour);

 

17 octobre 2012 :

 

1,5 heure – rendez-vous médical à 13 h 30 (la lettre « P » a été consignée pour une comparution à 13 h 30 en cour et la note du médecin indique que le fonctionnaire a déposé un membre de la famille au bureau du docteur);

 

13 novembre 2012 :

 

7,5 heures – congé de maladie non attesté (la lettre « P » a été consignée pour une comparution à 9 h 30 en cour et la note du médecin indique que le fonctionnaire a déposé un membre de la famille au bureau du docteur);

 

27 novembre 2012 :

 

aucun congé pris (la lettre « P » a été consignée pour une comparution à 9 h 30 en cour et la note du médecin indique que le fonctionnaire a déposé un membre de la famille au bureau du docteur);

 

10 décembre 2012 :

 

2 heures – congé de maladie non attesté (la lettre « P » a été consignée pour une comparution à 13 h 30 en cour);

 

4 janvier 2013 :

 

2 heures – rendez-vous médical à 9 h 30 (la lettre « R » a été consignée pour une comparution à 13 h 30).

 

[166] Plusieurs entrées dans les feuilles de temps de l’employeur indiquent que le fonctionnaire a travaillé toute la journée le 19 septembre et le 27 novembre 2012.

[167] Le fonctionnaire a expliqué qu’il croyait à tort qu’il pouvait prendre un congé pour rendez-vous médical ou dentaire lorsqu’il accompagnait un membre de la famille à des rendez-vous médicaux.

[168] Le 1er mars 2013, Mme Singh a appelé les cliniques où les Drs Pereira et Ng pratiquaient afin de confirmer la validité des certificats qu’ils avaient fournis. Les cliniques ont confirmé qu’elles avaient délivré les certificats médicaux et qu’ils étaient valides. Toutefois, Mme Singh a noté ce qui suit : [traduction] « Elles n’ont pas pu me fournir l’heure des rendez-vous. »

[169] Le 14 mars 2013, Mme Singh a eu une discussion avec la direction. Elles n’ont pas vu la nécessité de donner au fonctionnaire une autre possibilité d’expliquer son utilisation des congés et ses inscriptions de présence parce qu’elles [traduction] « étaient convaincues qu’elles lui avaient donné amplement le temps de fournir des documents justificatifs de ses congés […] ».

[170] Le 8 avril 2013, les Affaires internes ont conclu que le fonctionnaire avait [traduction] « […] frauduleusement consigné des congés pendant sept jours, dont il a retiré un avantage personnel auquel il n’aurait peut-être pas eu droit […] ». Même s’il n’a pas comparu en cour le 4 janvier 2013, les Affaires internes ont conclu qu’il n’avait fourni aucun renseignement confirmant son rendez-vous médical ou dentaire de deux heures à 9 h 30 cette journée-là.

[171] Le procès-verbal de l’audience disciplinaire, daté du 24 mai 2013, qui s’est tenue avec le fonctionnaire sur cette question, indique qu’il a répondu ainsi à la rencontre : [traduction] « J’ai communiqué avec la cour, je connais certaines personnes qui y travaillent; elles n’ont pas pu vérifier comment confirmer une présence. » Mme Jensen lui a alors dit que [traduction] « […] Les [Affaires internes] ont communiqué avec le palais de justice et ont vérifié les dates et les renseignements qui sont fournis dans leur rapport […] », ce à quoi le fonctionnaire a répondu ce qui suit : [traduction] « Je leur ai parlé, les gens de la cour, et ils ne font aucune vérification, ils ne vérifient pas l’identité. » Mme Jensen lui a alors demandé [traduction] « À qui avez-vous parlé? Avez-vous une preuve? ». Il a répondu ainsi : [traduction] : « J’ai simplement appelé et ils ont dit qu’ils ne vérifiaient pas. » Toutefois, Mme Jensen a indiqué ce qui suit : [traduction] « Nous allons nous en remettre à la compréhension selon laquelle les [Affaires internes] ont la preuve de ce qu’elles ont indiqué dans le rapport […] »

[172] En avril 2013, le fonctionnaire a rédigé une réponse à l’analyse par les Affaires internes de son utilisation des congés et ses inscriptions de présence. Il l’a remise à Mme Jensen. Pour chaque date, il a aussi fourni les renseignements suivants à l’audience, qui sont présentés dans ce tableau, accompagnés d’une colonne indiquant s’il a comparu en cour à la date en question.

Dates de comparution

Réponse donnée à Mme Jensen à l’analyse des congés par les Affaires internes

Congés pris et explication fournie à l’audience

La question de savoir si le fonctionnaire a comparu en cour

17 août 2012

J’étais malade cette journée-là, je n’ai pas vu un médecin. Je suis allé à la cour pendant quelques minutes. La cour voulait savoir si j’avais un avocat. J’ai répondu par l’affirmative.

7,5 heures – congé de maladie non attesté.

Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait une migraine le matin, qu’il a pris des médicaments et qu’il est allé à la cour l’après-midi. Sa présence à la cour n’a duré que 5 ou 10 minutes.

Comparution personnelle à 14 h 30 par le fonctionnaire.

19 septembre 2012

Je ne suis pas allé à la cour cette journée-là. Je n’ai pas pris de congé. [Un membre de la famille] y est allé à ma place. J’avais une réunion cette journée-là à 14 h au centre-ville de Vancouver. Je ne suis pas allé à la réunion puisqu’elle a été annulée.

Aucun congé pris (il y avait une réunion prévue au calendrier pour 14 h).

Le fonctionnaire a déclaré qu’il a travaillé au Centre fiscal de Surrey de 7 h à 15 h. Il avait une réunion avec son délégué syndical prévue pour 14 h, qui a été annulée, il est donc resté au travail.

L’employeur croit qu’une comparution personnelle a été faite à 13 h 30. Le fonctionnaire a déclaré qu’il ne s’est pas présenté à la cour cette journée-là, mais qu’un membre de la famille l’a fait.

17 octobre 2012

J’ai pris 1,5 heure de congé pour rendez‑vous médical ou dentaire. J’ai déposé [un membre de la famille] au bureau de notre médecin, je suis allé à la cour pendant environ 10 minutes, puis je suis revenu au bureau du médecin pour chercher [un membre de la famille]. Le bureau du médecin est à environ 8 à 10 minutes du palais de justice.

1,5 heure – rendez-vous médical à 13 h 30

(La note du médecin indique que le fonctionnaire a déposé un membre de la famille au bureau du médecin.)

Le 17 octobre 2012, un membre de la famille du fonctionnaire avait un rendez-vous médical. Il a déposé le membre de la famille au bureau du médecin et de là, il est allé à la cour pendant quelques minutes pour voir s’il devait y être. Après, il est retourné au bureau du médecin.

Comparution personnelle à 13 h 30 par le fonctionnaire.

13 novembre 2012

J’étais malade cette journée-là. Je suis allé à la cour à 9 h 30 pendant environ 10 minutes.

7,5 heures – congé de maladie non attesté.

(La note du médecin indique que le fonctionnaire a déposé un membre de la famille au bureau du médecin.)

Le fonctionnaire a indiqué qu’à 6 h 30, il ne se sentait pas bien. Il a appelé pour signaler qu’il était malade et n’a pas commencé à travailler à 7 h. À 9 h, il est allé à la cour pendant 5 à 10 minutes. Par la suite, il est retourné chez lui, ne se sentant toujours pas bien. Au cours de l’après-midi et de la soirée, il se sentait mieux. Il avait un quart avec le Programme de soutien de la TI élargi, de 18 h à 6 h, pendant lequel il a travaillé. Ce travail est accompli de la maison au moyen d’un ordinateur portatif.

Comparution personnelle à 9 h 30 par le fonctionnaire.

27 novembre 2012

[Un membre de la famille] est allé à la cour pour moi. Je n’y suis pas allé. J’ai accompagné [un membre de la famille] à un rendez-vous au bureau de notre médecin après le travail.

Aucun congé pris.

(La note du médecin indique que le fonctionnaire a déposé un membre de la famille au bureau du médecin.)

Le fonctionnaire a déclaré qu’il a travaillé de 7 h à 15 h cette journée-là au Centre fiscal de Surrey. Après le travail, il a déposé un membre de la famille au bureau du médecin.

Il n’a pas comparu à la cour.

L’employeur croit qu’une comparution personnelle a été faite à 9 h 30.

Le fonctionnaire a déclaré qu’il ne s’est pas présenté à la cour cette journée-là, mais qu’un membre de la famille l’a fait.

Mme Bowman a aussi comparu à la cour.

10 décembre 2012

J’ai pris deux heures de congé de maladie de 12 h 30 à 15 h. Je suis allé à la cour pendant 5 à 10 minutes. Je suis désolé d’avoir pris le congé de maladie.

2 heures – congé de maladie non attesté.

Le fonctionnaire a déclaré qu’il a commencé à travailler à 7 h. Il a dit qu’il ne se sentait pas bien au cours de l’après-midi. Il avait mal à la tête et il avait la tête qui tournait. Il a pris un congé de maladie de 13 h à 15 h. Après être parti du travail, il est allé à la cour pendant 5 à 10 minutes.

Comparution personnelle à 13 h 30 par le fonctionnaire.

4 janvier 2013

J’ai pris 2 heures de congé pour rendez-vous médical ou dentaire le matin. J’avais une date d’audience l’après-midi. Je ne suis pas allé à la cour cette journée-là.

2 heures – rendez-vous médical à 9 h 30.

Le fonctionnaire a déclaré qu’il a commencé à travailler à 7 h. Lui‑même et un membre de sa famille avaient un rendez‑vous chez le médecin à 9 h 30.

Mme Bowman a comparu au nom du fonctionnaire. Le fonctionnaire n’a pas comparu à la cour à 13 h 30.

 

[173] À l’audience, le fonctionnaire a aussi expliqué que le palais de justice se trouve à seulement 8 à 10 minutes du Centre fiscal de Surrey et à seulement 8 à 10 minutes de sa clinique. Il a expliqué que lorsqu’il s’est présenté à la cour, ce n’était pas pour témoigner et qu’il n’avait pas d’audience. Il devait simplement faire une comparution. Son avocate l’a parfois représenté. À d’autres occasions, un membre de la famille s’est présenté en son nom. Il est allé à la cour à certaines des dates uniquement pour signer un registre.

[174] Le 8 avril 2013, Mme Singh, qui a rédigé le rapport d’enquête des Affaires internes, a conclu que le fonctionnaire avait commis une fraude. Le rapport, signé par sa superviseure, José Labelle, directrice, Affaires internes, à l’Agence, indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Fraude

[…]

Les [Affaires internes] ont obtenu les documents de la cour […] et ils indiquaient qu’il avait sept dates d’audience […]. La direction a remis [aux Affaires internes] le statut des congés de M. Jassar pour le comparer aux dates de ses comparutions à la cour. L’examen a permis de conclure qu’il y avait sept jours de congé douteux. Une analyse détaillée de ces cas est présentée à l’annexe 1 à la fin du rapport.

Le 30 janvier 2013, la direction a rencontré M. Jassar afin de discuter des circonstances de ses congés. Pendant l’entrevue, M. Jassar a déclaré qu’il s’était présenté à la cour durant ses heures de travail; toutefois, il n’a pas pu se rappeler sa présence au travail à ces dates.

Après l’entrevue, la direction a donné à M. Jassar la possibilité de recueillir des renseignements pour ces dates afin de justifier ses congés. M. Jassar a remis un document de son avocate indiquant qu’elle l’avait représenté le 27 novembre 2012 et le 4 janvier 2013, ce qui est indiqué dans les documents de la cour. [Les rapports ont conclu que le fonctionnaire a fait une comparution personnelle à la cour le 27 novembre 2012 et qu’une représentante a comparu en son nom le 4 janvier 2013.] Toutefois, le document de la cour a indiqué que M. Jassar était également présent le 27 novembre 2012.

M. Jassar a aussi fourni deux certificats médicaux qui portaient sur trois des dates, le 17 octobre, le 13 novembre et le 27 novembre 2012. Une note indiquait que M. Jassar accompagnait sa conjointe à son rendez-vous médical cette journée-là, alors que la deuxième note, qui portait sur ces trois jours, indiquait qu’il a déposé sa conjointe au bureau du médecin. [Les Affaires internes] ont validé que ces notes ont été produites par les cliniques, mais elles n’ont pas confirmé si M. Jassar était présent à la clinique ces journées-là.

L’explication par M. Jassar de ses allées et venues [la note du 18 février 2013 de Mme Bowman, la note médicale du 21 février 2013 du Dr Pereira, la note du 23 février 2013 du Dr Ng et la réponse écrite du fonctionnaire sur son utilisation des congés et ses inscriptions de présence qu’il a remise à Mme Jensen] contredit les renseignements recueillis pendant l’enquête. Selon M. Jassar, à de multiples occasions, il s’est présenté aux rendez-vous médicaux [d’un membre de la famille], alors que [les Affaires internes] ont conclu qu’il était présent en cour durant ces journées pour ses procédures criminelles.

Conclusion

[…]

Les renseignements recueillis durant l’enquête ont permis de conclure que M. Jassar a frauduleusement consigné des congés pendant sept jours, dont il a retiré un avantage personnel auquel il n’avait peut-être pas droit, en contravention du Code de déontologie et de conduite et de la Politique sur le contrôle des fraudes internes de l’ARC.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[175] Une copie du rapport d’enquête des Affaires internes du 8 avril 2013 a été remise au fonctionnaire le 17 mai 2013.

[176] Le fonctionnaire a assisté à une audience disciplinaire le 24 mai 2013, menée par Mme Jensen, avec l’aide de M. Cultum. Le fonctionnaire était accompagné par Mike Kreuzkamp, un représentant de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), qui était présent en tant qu’observateur et pour lui offrir son soutien. Le procès-verbal indiquait que le but de l’audience consistait à aborder le rapport d’enquête des Affaires internes du 8 avril 2013. Mme Jensen l’a informé qu’elle discuterait uniquement de la partie du rapport intitulé [traduction] « Fraude ».

[177] À l’audience disciplinaire, Mme Jensen a suggéré au fonctionnaire qu’il aurait demandé un congé pour obligations familiales s’il avait accompagné un membre de la famille à un rendez-vous chez le médecin le 17 octobre 2012. Lorsqu’elle lui a demandé s’il avait [traduction] « […] quelque chose à ajouter à propos de cette date », le fonctionnaire a répondu qu’il aurait [traduction] « […] dû utiliser un autre congé; je devais accompagner [un membre de la famille] ». À l’audience, Mme Jensen a déclaré à plusieurs reprises que s’il avait accompagné un membre de la famille chez le médecin, il aurait demandé un autre type de congé que celui qui figurait au registre.

[178] À l’audience disciplinaire, Mme Jensen a demandé au fonctionnaire, pour chaque date en litige, s’il avait [traduction] « […] quelque chose à ajouter […] », ce à quoi il a finalement répondu ce qui suit : [traduction] « Devrais-je obtenir une autre note? Que voulez-vous qu’elle indique? ». M. Kreuzkamp a fini par demander à Mme Jensen [traduction] « Allez-vous offrir [au fonctionnaire] l’accès au [Programme d’aide aux employés]? Il est très stressé. »

[179] Avant d’ajourner l’audience disciplinaire, M. Cultum a précisé ce qui suit : [traduction] « Nous voulons nous assurer que vous comprenez pleinement que ce que vous avez fait est mal et que vous comprenez maintenant les exigences relatives aux congés, aux demandes de congé et aux processus de déclaration. »

[180] Après l’audience disciplinaire du 24 mai 2013, Mme Jensen a consulté la section des relations travail de l’Agence. Le 1er août 2013, elle a envoyé une lettre de suspension de 20 jours au fonctionnaire, dans laquelle elle concluait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Je conclus que vous avez falsifié votre registre de présence le 17 août 2012, le 17 octobre 2012, le 13 novembre 2012, le 10 décembre 2012 et le 4 janvier 2013. Vous avez fourni de faux renseignements pour obtenir des congés de maladie et des congés pour rendez-vous ou examen médical ou dentaire, alors que vous trouviez en fait à la cour. Vos actions constituent des violations du Code de déontologie et de conduite et de la Politique sur le contrôle des fraudes internes de l’Agence du revenu du Canada (ARC).

J’ai également conclu que vous étiez absent du travail sans autorisation parce que vous avez quitté le lieu de travail afin de vous présenter à la cour alors que vous étiez en fonction et ce, sans permission, le 19 septembre 2012 et le 27 novembre 2012. Vous n’avez pas respecté les procédures établies pour l’approbation des congés, comme l’exige l’article 14 de la convention collective de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) et comme l’indique le Code de déontologie et de conduite de l’ARC.

Pour déterminer le niveau approprié de mesure disciplinaire à imposer, j’ai examiné de nombreux facteurs aggravants. Il y a eu sept (7) événements distincts du 17 août 2012 au 4 janvier 2013, pour lesquels vous avez faussement inscrit votre présence ou étiez absent du travail sans y être autorisé. Vous êtes un employé de l’Agence du revenu du Canada depuis 13 ans et auriez dû connaître les procédures appropriées pour demander des congés et le processus de déclaration de présence au travail. Lorsque vous avez eu la possibilité de justifier vos absences, vous avez fourni des notes médicales qui n’appuyaient pas vos demandes de congé aux dates en question, mais qui les contredisaient. Interrogé sur vos comparutions à la cour, vous n’avez pas collaboré et vous n’avez pas été franc. Vous n’avez pas admis votre culpabilité à l’une des sept (7) situations ni fait preuve de remords à aucun moment. Je conclus que vos actions étaient délibérées et préméditées.

[…]

Afin de vous faire comprendre la gravité de vos actions, vous êtes par la présente suspendu sans rémunération pour une période de vingt (20) jours. Cette décision est prise conformément aux pouvoirs qui me sont délégués en vertu de l’alinéa 51(1)f) de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada. Cette suspension sera purgée du 2 août 2013 au 30 août 2013 […].

[…]

[181] À l’audience devant moi, Mme Jensen a précisé que le fonctionnaire avait examiné la version du 11 octobre 2012 du Code de déontologie et de conduite de l’Agence et qu’il avait confirmé l’avoir lue. Toutefois, je n’ai reçu aucune preuve indépendante appuyant cette allégation. Elle a ajouté qu’elle a conclu qu’il avait commis une fraude en raison de ce qui suit : [traduction] « Je n’ai obtenu aucune preuve que ses congés correspondaient totalement à la vérité. »

[182] Mme Jensen a imposé une suspension sans rémunération de 20 jours au fonctionnaire, à purger du 2 au 30 août 2013, au motif qu’il aurait fourni de faux renseignements pour obtenir des congés de maladie ou des congés pour rendez-vous médical ou dentaire le 17 août, le 17 octobre, le 13 novembre et le 10 décembre 2012, ainsi que le 4 janvier 2013. De plus, elle a invoqué le fait qu’il se serait absenté du travail sans autorisation, alors qu’il était en fonction, afin de se présenter à la cour le 19 septembre et le 27 novembre 2012.

[183] Le 27 novembre 2013, le Dr Pereira a rédigé une autre note, semblable à celle qu’il a écrite le 21 février 2013, qui se lit comme suit : [traduction] « La présente a pour but de confirmer que [l’un des membres de la famille du fonctionnaire] avait un rendez-vous avec moi le 27 novembre 2012 à 15 h 30. [Ce membre de la famille] était accompagné par […] M. Sukhvir [sic] Jassar. » Mme Jensen a déclaré qu’elle n’avait jamais vu cette lettre.

[184] Le 2 juin 2014, Mme Bowman a rédigé une autre lettre, à l’intention de Harinder Mahil, le représentant de l’IPFPC du fonctionnaire à l’époque, à qui elle a confirmé ce qui suit :

[Traduction]

[…]

En réponse à votre lettre du 11 avril 2014, nous avons obtenu le compte rendu d’audience de la Cour provinciale de Surrey. Je confirme que M. Jassar n’était pas tenu d’être présent à toutes les comparutions à la cour, et que le 27 novembre 2012 et le 4 janvier 2013 je l’ai représenté.

Le seul jour où M. Jassar devait être présent était le 29 mai 2013. Cela est conforme à mon souvenir que [l’un des membres de la famille du fonctionnaire] s’est présenté en cour en son nom à quelques occasions.

[…]

[185] Mme Bowman a joint à sa lettre le document [traduction] « Compte rendu d’audience et exécution d’une dénonciation » de la Cour provinciale de la C.-B. concernant le fonctionnaire. À l’audience, Mme Jensen a déclaré qu’elle n’avait jamais vu cette lettre de Mme Bowman.

2. Conclusions de fait

[186] L’employeur soutient que le fonctionnaire n’a pas fourni une explication claire et franche de l’endroit où il se trouvait ainsi que des heures aux dates en question. Il avait des préoccupations pour un certain nombre de raisons, y compris qu’à plusieurs occasions, il a soutenu être malade, mais qu’il est allé à la cour. Les dates coïncidaient. De même, il a utilisé le mauvais type de congé lorsqu’il a amené un membre de la famille voir un médecin. S’il ne s’agissait pas d’une fraude, c’était certainement une fausse déclaration de son congé. Il n’a jamais été franc avec l’employeur. L’employeur a fait une distinction avec Canadian Merchant Service Guild v. Desgagnés Marine Petro Inc., [2017] C.L.A.D. No. 145 (QL). L’employé dans ce cas avait signalé son erreur et rédigé un rapport, ce que le fonctionnaire en l’espèce n’a pas fait.

[187] Le fonctionnaire soutient que la seule preuve de l’employeur indiquant qu’il se trouvait à la cour le 19 septembre et le 27 novembre 2012 est une preuve par ouï-dire double de Mme Stankowska, qui n’a pas témoigné à l’audience, et que Mme Stankowska a communiqué avec une personne non identifiée au palais de justice de Surrey qui lui a dit que la note « P » indiquait une comparution personnelle dans le compte rendu d’audience et exécution d’une dénonciation de la Cour provinciale de la C.-B. en ce qui concerne le fonctionnaire. Un tel ouï-dire double d’une personne non identifiée ne peut se voir accorder de poids; voir Murray v. West Arm Truck Lines Ltd., [2009] C.L.A.D. No. 389 (QL), aux paragraphes 103 et 104; Lapostolle c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 134, aux paragraphes 70 et 71; Amalgamated Transit Union, Local 1374 v. Greyhound Canada Transportation ULC, [2009] C.L.A.D. No. 286 (QL), aux paragraphes 12 et 25; Basra c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 53, aux paragraphes 92 à 95.

[188] Le fonctionnaire soutient qu’aucun affidavit n’a été fourni par un représentant de la Cour provinciale de la C.-B. pour confirmer la signification de la note « P » (voir le paragraphe 30(4) de la Loi sur la preuve au Canada (L.R.C. (1985), ch. C-5)).

[189] Selon le fonctionnaire, la preuve fiable (les nombreuses entrées dans les feuilles de temps de l’employeur et la confirmation de Mme Jensen, tant dans son témoignage principal qu’en contre-interrogatoire) indique qu’il était au travail le 19 septembre et le 27 novembre 2012.

[190] Le fonctionnaire soutient aussi qu’il s’est présenté à la cour alors qu’il était en congé de maladie le 17 août, le 13 novembre et le 10 décembre 2012. Il admet qu’il s’est présenté à la cour ces journées-là pour quelques minutes, mais il déclare qu’il était également malade. Le fait pour une personne de se présenter à la cour alors qu’elle est malade ne représente pas une fraude en matière de congé de maladie. Ce n’est pas parce qu’une personne se présente à la cour pendant quelques minutes qu’elle va suffisamment bien pour travailler pendant un quart régulier. Il revenait à l’employeur de démontrer qu’il n’était pas malade à ces dates, ce qu’il n’a pas fait.

[191] De plus, à deux occasions, le fonctionnaire a indiqué le mauvais type de congé pour amener un membre de la famille au bureau du médecin. En particulier, le 17 octobre 2012 et le 4 janvier 2013, il a pris un congé pour rendez-vous médical ou dentaire afin d’accompagner un membre de sa famille à des rendez-vous médicaux pendant les heures de travail, de 1,5 heure et de deux heures, respectivement.

[192] Pour ce qui est du 17 octobre 2012 et du 4 janvier 2013, le fonctionnaire soutient que lui-même et le Dr Pereira ont confirmé qu’il accompagnait un membre de la famille à un rendez-vous médical. Pour ce qui est du congé du 4 janvier 2013, il soutient qu’il n’a pas comparu à la cour et que Mme Bowman l’a représenté.

[193] Le fonctionnaire ajoute qu’il a simplement fait une erreur en ce qui concerne la question de savoir s’il devait demander un congé pour rendez-vous médical ou dentaire ou celui pour obligations familiales, ce qui ne justifiait pas l’imposition d’une mesure disciplinaire; voir Canadian Merchant Service Guild, au par. 84. À la première date, lorsqu’il a amené un membre de la famille à un rendez-vous médical puis s’est arrêté à la cour pendant quelques minutes avant de revenir chercher ce membre de la famille, il ne faisait qu’accomplir des tâches multiples. À la deuxième date, il n’est pas allé à la cour.

[194] Le fonctionnaire a également accompagné un membre de la famille à un rendez‑vous médical le 13 novembre 2012, ce que le Dr Pereira a aussi confirmé. Il était malade cette journée-là et n’est pas allé travailler.

[195] Pour ce qui est du rendez-vous du 27 novembre, il était à 15 h 30, après avoir fini de travailler. Il n’a pas pris congé pour s’y rendre.

[196] Je conclus qu’à cinq occasions, c’est-à-dire le 17 août, le 17 octobre, le 13 novembre et le 10 décembre 2012 ainsi que le 4 janvier 2013, le fonctionnaire a pris congé parce qu’il était malade ou parce qu’il devait emmener un membre de la famille à des rendez-vous médicaux. Je conclus également que le fonctionnaire n’a pas pris congé le 19 septembre et le 27 novembre 2012.

[197] Mme Jensen a déclaré à l’audience devant moi qu’elle n’était pas convaincue que le fonctionnaire était vraiment malade au point de ne pas pouvoir accomplir ses fonctions. Toutefois, je remarque que la seule exigence du congé de maladie est qu’il faut être incapable d’accomplir ses fonctions en raison d’un état physique ou mental.

[198] Si dans ce cas l’employeur ne croyait pas que le fonctionnaire était incapable d’accomplir ses fonctions parce qu’il était parti de chez lui pour faire de brèves comparutions à la cour, il aurait pu demander des certificats médicaux, ce qu’il n’a pas fait. La seule preuve présentée est que le fonctionnaire n’allait pas bien le 17 août et le 13 novembre et une partie de la journée du 10 décembre 2012, ce qui le rendait incapable d’accomplir ses fonctions.

[199] Le Rapport individuel sur les congés du fonctionnaire au 29 janvier 2013 indique qu’il n’a pas utilisé une quantité importante de congés de maladie d’août 2012 à janvier 2013 et que plusieurs centaines d’heures de crédits de congé de maladie étaient toujours à sa disposition.

[200] Bref, le fonctionnaire a déclaré que le 17 août, le 13 novembre et le 10 décembre 2012 il ne se sentait pas bien, ce qui le rendait incapable d’accomplir ses fonctions. L’employeur n’a présenté aucune preuve du contraire. À ces dates et pour de courtes périodes, il s’est présenté brièvement à la cour, de la manière suivante :

- Le 17 août 2012, le fonctionnaire était malade et il a pris un congé de maladie; il s’est présenté brièvement à la cour.

 

- Le 13 novembre 2012, le fonctionnaire était malade et il a pris un congé de maladie; il s’est présenté brièvement à la cour. Il était disponible pour travailler à distance sur rappel cette soirée-là et il a travaillé pendant son quart.

 

- Le 10 décembre 2012, il a pris deux heures de congé de maladie de 13 h à 15 h. Il ne se sentait pas bien, mais il s’est présenté à la cour cette journée-là pour une brève période de 5 à 10 minutes.

 

[201] Le fonctionnaire a reconnu qu’il a fait une erreur puisqu’il a demandé un congé pour rendez-vous médical ou dentaire plutôt que celui pour obligations familiales le 17 octobre 2012 et le 4 janvier 2013. Le 17 octobre 2012, il a pris 1,5 heure de congé pour rendez-vous médical ou dentaire afin de déposer un membre de la famille chez le médecin. Il est allé au palais de justice pour une brève période, de 5 à 10 minutes, alors que le membre de la famille était au bureau du médecin, puis il est allé chercher ce membre de la famille. Le bureau du médecin est à environ 8 à 10 minutes du palais de justice.

[202] Le 4 janvier 2013, le fonctionnaire a pris deux heures de congé pour rendez‑vous médical ou dentaire de 9 h 30 à 11 h 30 afin d’assister à un rendez-vous chez le médecin avec un membre de la famille. Il ne s’est pas présenté à la cour cette journée-là. Son avocate l’a représenté.

[203] Pour ce qui est des deux dernières dates, le 19 septembre 2012 et le 27 novembre 2012, le fonctionnaire n’a pas pris de congé et ne s’est pas présenté à la cour. Le 19 septembre, il avait une rencontre à 14 h au bureau de centre-ville de Vancouver de l’Agence, mais il a été annulé, il a donc passé la journée à faire son quart régulier au bureau de Surrey de l’Agence. Le 27 novembre, il a emmené un membre de la famille à un rendez-vous médical après ses heures de travail; le rendez-vous était à 15 h 30.

[204] Le fonctionnaire a indiqué que le 19 septembre 2012 et le 27 novembre 2012, un membre de la famille s’est présenté à la cour en son nom. Le 27 novembre 2012, son avocate, Mme Bowman, l’a aussi représenté à la cour. Elle l’a confirmé dans ses lettres du 18 février 2013 et du 2 juin 2014.

[205] Les quatre conclusions suivantes de la lettre de suspension de Mme Jensen sont incorrectes :

- le fonctionnaire s’est présenté à la cour le 19 septembre et le 27 novembre 2012 ainsi que le 4 janvier 2013;

 

- il a faussement consigné sa présence au travail le 19 septembre et le 27 novembre 2012 et s’est absenté du travail sans autorisation à ces dates;

 

- il a faussement demandé un congé de maladie le 17 août, le 13 novembre et le 10 décembre 2012;

 

- il a faussement demandé un congé pour rendez-vous médical ou dentaire le 7 octobre 2012 et le 4 janvier 2013, sans tenir compte du fait qu’il avait suffisamment de crédits de congé pour obligations familiales pour les heures qu’il a prises afin d’accompagner un membre de la famille à des rendez-vous médicaux ou dentaires.

 

[206] Le fonctionnaire a déclaré qu’il croyait à tort qu’il pouvait prendre des congés pour des rendez-vous médicaux ou dentaires pour accompagner un membre de la famille à des rendez-vous médicaux. L’employeur n’a présenté aucune preuve démontrant qu’il ne croyait pas honnêtement qu’il pouvait utiliser un congé pour rendez-vous médical ou dentaire ou qu’il avait l’intention de retirer un avantage auquel il n’avait pas droit. La preuve démontrait clairement qu’il avait 14 heures de crédits de congé annuel pour obligations familiales toujours à sa disposition au 29 janvier 2013, ce qui aurait été amplement suffisant pour couvrir les 3,5 heures qu’il a prises pour accompagner un membre de la famille à des rendez-vous chez le médecin le 17 octobre 2012 et le 4 janvier 2013. De plus, les personnes qui connaissent bien le secteur public fédéral savent que les crédits de congé pour obligations familiales non utilisés ne peuvent pas être transférés à l’exercice suivant ou encaissés; le solde inutilisé des crédits d’un employé à la fin d’une année (31 mars) est perdu.

[207] Enfin, Mme Jensen a déclaré à tort ce qui suit : [traduction] « Vous n’avez pas admis votre culpabilité à l’une des sept (7) situations ni fait preuve de remords à aucun moment. Je conclus que vos actions étaient délibérées et préméditées. » C’est inexact. À l’audience disciplinaire du 24 mai 2013 du fonctionnaire, ce dernier a indiqué qu’il aurait peut-être dû utiliser des congés différents lorsqu’il a pris congé pour accompagner un membre de la famille à des rendez-vous médicaux. De plus, dans la réponse qu’il a préparée à l’analyse par les Affaires internes de ses congés, qu’il a remise à Mme Jensen, il avait écrit ce qui suit pour la date du 10 décembre 2012 : [traduction] « J’ai pris deux heures de congé de maladie […] Je suis allé à la cour pendant 5 à 10 minutes. Je suis désolé d’avoir pris le congé de maladie. »

D. Révocation de la cote de fiabilité ayant entraîné le licenciement

[208] La lettre de révocation et de licenciement mentionnait les cinq incidents distincts suivants :

[Traduction]

[…]

[1] […] la crainte qu’une autre personne cause des lésions personnelles ou n’endommage une propriété, selon le paragraphe 810(1) du Code criminel, des accusations criminelles liées à un pseudonyme qui vous concerne, [et l’omission de signaler des accusations à la direction, ce qui contrevient au Code de déontologie et de conduite de l’ARC], [2] la violation de la Directive sur la surveillance de l’utilisation du réseau électronique de l’ARC, [3] la violation de la Politique sur la sécurité de l’environnement informatique de l’ARC, [4] une accusation criminelle de désobéissance à une ordonnance de la Cour et d’entrave ou de résistance à un agent de la paix, en contravention du Code de déontologie et de conduite, [5] [la demande de congés frauduleux et] la Politique sur le contrôle des fraudes internes de l’ARC […].

[…]

 

[209] J’aborderai maintenant tous les incidents.

1. Crainte présumée de lésions personnelles en vertu du paragraphe 810(1) du Code criminel, omission présumée de signaler des accusations criminelles à la direction en 2004 et utilisation présumée d’un pseudonyme
a. Preuve

[210] En 2011, l’employeur a appris l’existence d’accusations criminelles non divulguées présumées visant le fonctionnaire et l’utilisation d’un pseudonyme présumé pour cacher le fait que des accusations criminelles avaient été portées contre lui.

[211] L’employeur a appelé plusieurs témoins pour témoigner sur ces renseignements. Il s’agissait de Marilyn Collins, gestionnaire, Services de sécurité, campus de Surrey, Finance et administration, à l’Agence; Mme Singh; M. Dorff; M. Kruper; M. George; Mme Jensen; MM. Hugh et Butler; et Michel Lafleur qui, en 2013, était un analyste du renseignement, Section de l’évaluation du risque de la sécurité, Division de la protection des biens matériels et des services de sécurité, Direction de la sécurité, Direction générale des finances et de l’administration, à l’Agence.

[212] Le fonctionnaire a également témoigné à l’audience. Il a expliqué qu’il est né en Inde. Il a travaillé pour l’Agence du 1er mai 1999 au 27 septembre 2013, en tant qu’analyste de soutien de l’infrastructure de la TI, poste classifié au groupe et au niveau CS-01. Ses fonctions comprenaient l’installation, la surveillance, le dépannage et le soutien du matériel et des logiciels. Son nom figurait dans un répertoire CS-02 avant d’être licencié le 27 septembre 2013.

[213] Il a expliqué qu’en décembre 2004, il avait un litige avec son ancienne conjointe au sujet de la garde de leurs enfants. Son ancienne conjointe a soutenu qu’il l’avait agressée et elle a déposé une dénonciation, en vertu de l’article 810 du Code criminel, parce qu’elle craignait que le fonctionnaire lui cause des lésions personnelles. Il a alors embauché un avocat.

[214] En mai 2005, le fonctionnaire et son ancienne conjointe ont été invités à signer un engagement de ne pas troubler l’ordre public, qui contenait les conditions habituelles exigeant qu’une personne ne s’approche pas de l’autre ou de sa résidence. Le fonctionnaire n’a pas été accusé d’une infraction criminelle et il n’y a pas eu de procès. Selon sa compréhension, l’engagement de ne pas troubler l’ordre public avait réglé l’affaire. Lui-même et son ancienne conjointe ont officiellement mis fin à leur relation en 2005. Il a déclaré que cette affaire n’était pas liée à ses fonctions de CS-01 à l’Agence.

[215] Le fonctionnaire s’est rappelé en avoir parlé à certains de ses collègues au bureau lorsque c’est arrivé. Il s’est rappelé en avoir parlé à M. George, son chef d’équipe, à Mme Jensen, aussi une chef d’équipe à ce moment, et à ses collègues de l’époque, y compris M. Kruper. Il avait vécu une période difficile en 2004 et en 2005 et il en avait parlé aux personnes autour de lui. Il a dit qu’il était un [traduction] « livre ouvert ».

[216] À l’audience devant moi, le fonctionnaire a été interrogé sur la question de savoir s’il avait déjà utilisé un pseudonyme pour dissimuler des accusations criminelles portées contre lui. En particulier, on lui a demandé s’il avait déjà utilisé le pseudonyme « P*** » (anonymisé dans la présente décision). Il a répondu qu’il ne l’avait pas fait. Il a aussi confirmé qu’il n’avait jamais été accusé ou reconnu coupable d’une infraction criminelle sous ce nom.

[217] On a demandé au fonctionnaire s’il connaissait M. P***. Il a répondu par l’affirmative; cette personne est un membre de la famille éloigné et il est 11 ans plus jeune que lui. Il a expliqué qu’il avait déposé un cautionnement de 1 000 $ en cour pour M. P*** il y a de nombreuses années, en juin 2003. La demande d’acceptation de caution a été déposée en preuve. Le fonctionnaire a expliqué qu’il avait désigné M. P*** sur ce formulaire comme son ami puisqu’un commis aux services de la Cour provinciale de la C.-B. lui avait dit de le faire, parce que le désigner comme un membre de la famille éloigné n’était pas une option. Le fonctionnaire a expliqué qu’il avait fourni ce formulaire à l’employeur, probablement en 2012.

[218] Le fonctionnaire a aussi décrit un incident avec M. P*** qui est arrivé il y a de nombreuses années. Il a expliqué que vers la même période, probablement en 2004 ou en 2005, il était passager dans une voiture conduite par M. P***. Le véhicule a été intercepté pour excès de vitesse, et M. P*** a accidentellement pris le mauvais portefeuille, qui contenait les pièces d’identité du fonctionnaire. Lorsque l’agent de police a délivré la contravention pour excès de vitesse, M. P*** l’a informé qu’elle n’était pas à son nom, mais à celui du fonctionnaire. L’agent a corrigé les renseignements sur place et a délivré de nouveau la contravention à M. P***. Le fonctionnaire a conclu que c’est peut-être la raison pour laquelle le nom de M. P*** est lié au sien dans les dossiers judiciaires.

[219] Le fonctionnaire a déposé en preuve le « Certificat d’enquête de sécurité et profil de sécurité » qui indique qu’il a obtenu une cote de sécurité de niveau II (secret) en 2008, qui est entrée en vigueur le 31 mars de cette année-là. Auparavant, il détenait une cote de fiabilité approfondie.

[220] Le fonctionnaire a aussi déposé en preuve les certificats d’excellence qu’il a reçus au cours de sa carrière de 14 ans à l’Agence (de 1999 à 2013), y compris le prix d’appréciation en reconnaissance de son engagement envers l’excellence pour atteindre les objectifs de l’Agence durant l’exercice 1998-1999, un certificat d’appréciation pour ses [traduction] « contributions extraordinaires durant les Jeux olympiques de 2010 […] » et un certificat d’excellence en ce qui concerne un atelier sur Windows 7 donné en 2011.

[221] Il a aussi expliqué qu’au cours des dernières années de son emploi, l’Agence avait récompensé des employés lorsque leur chef d’équipe reconnaissait qu’ils avaient eu un rendement supérieur à leurs fonctions régulières de travail. Ainsi, il a reçu environ 15 articles en reconnaissance de son dévouement, comme des sacs, des T‑shirts, des boîtes à lunch, qu’il a apportés à l’audience. L’employeur les a inspectés avant de le contre-interroger, et les deux parties ont reconnu qu’il n’était pas nécessaire de les déposer en preuve.

[222] Mme Collins a déclaré qu’en juillet 2011, l’un des collègues du fonctionnaire, M. Kruper, avait porté à son attention des renseignements à son sujet.

[223] L’employeur a déposé en preuve la version du 18 décembre 2015 de la « Politique sur les enquêtes internes portant sur l’inconduite présumée ou soupçonnée d’un employé », qui oblige les employés à « […] rapidement signaler à leur gestionnaire […] toute information concernant l’inconduite présumée ou soupçonnée d’un employé ». L’employeur n’a déposé aucune preuve relative à cette exigence ou même à l’existence de cette politique en 2011.

[224] M. Kruper a informé Mme Collins d’un incident qui est survenu lorsqu’il se trouvait au palais de justice avec le fonctionnaire en 2011. Mme Collins a immédiatement rédigé un courriel décrivant sa conversation avec M. Kruper. Son courriel est daté du 7 juillet 2011 et il indique ce qui suit :

[Traduction]

[…]

J’ai eu la possibilité de faire un suivi au téléphone avec [M. Kruper] qui a soulevé des préoccupations en ce qui concerne un collègue et un pseudonyme possible. [M. Kruper] a dit qu’il se trouvait avec un collègue, Sukh Jassar, au palais de justice et que pour une raison quelconque, Sukh avait cherché son propre nom dans la base de données Court Services Online de la C.-B. et que la recherche avait généré un certain nombre d’accusations. Lorsque [M. Kruper] a interrogé Sukh sur les diverses accusations, il a déclaré que Sukh a agi bizarrement puis qu’il a admis avoir certains [problèmes avec son ancienne conjointe] qui se retrouvaient devant les tribunaux à ce moment-là.

Plus tard, de chez lui, [M. Kruper] était un peu inquiet de la question et il a fait sa propre recherche dans la base de données Court Services Online de la C.-B (incluses ci-dessous) et il a pensé qu’il devrait aviser la Sécurité comme mesure de précaution.

[…]

 

[225] Les renseignements sur les procédures judiciaires sont accessibles au public dans le site Web Court Services Online de la C.-B. Les renseignements peuvent comprendre un numéro de dossier, le type de procédure, la date à laquelle la procédure a été intentée, le lieu du greffe, l’intitulé de l’instance, le nom des parties et des avocats, une liste des documents déposés, les détails de la comparution, les dispositifs de l’ordonnance, ainsi que les détails des oppositions. Un avertissement dans le site Web indique ce qui suit : [traduction] « Les données sont fournies telles quelles sans garantie de quelque sorte que ce soit […]. La province ne garantit pas l’exactitude ou l’intégralité des données […] »

[226] À l’audience, le fonctionnaire a été interrogé sur la question de savoir s’il était déjà allé au palais de justice avec M. Kruper. Il a répondu qu’il ne l’avait pas fait.

[227] Dans son courriel du 7 juillet 2011, Mme Collins a inclus le dossier découvert par M. Kruper dans le site Web Court Services Online de la C.-B. Il renvoyait à un certain Sukhbir Jassar ayant la même année de naissance que le fonctionnaire et à un pseudonyme connu de P***, ayant une année de naissance différente. Selon le site Web, une « accusation » en vertu du paragraphe 810(1) (crainte qu’une autre personne cause des lésions personnelles ou n’endommage une propriété) du Code criminel avait été déposée contre la personne nommée Jassar et deux accusations avaient été déposées contre le pseudonyme P***, une en vertu de l’article 264 (harcèlement criminel) du Code criminel et une autre en vertu du paragraphe 810(1) (crainte qu’une autre personne cause des lésions personnelles ou n’endommage une propriété) du Code criminel.

[228] À l’audience, M. Kruper a admis qu’il n’est jamais allé au palais de justice de Surrey avec le fonctionnaire et qu’il avait inventé cette histoire. Pour découvrir les renseignements, il avait mené une recherche à partir de son bureau et de sa maison. À l’audience, il a ajouté ce qui suit : [traduction] « Ce que je fais de mon temps ne regarde personne. »

[229] Le site Web Court Services Online de la C.-B. a lié le pseudonyme P*** au nom du fonctionnaire, ce qui suggère qu’il utilisait ce pseudonyme pour dissimuler des accusations criminelles contre lui. Pour des raisons qui deviendront évidentes plus loin dans la présente décision, le pseudonyme P*** a été lié à son nom en raison d’une erreur technique dans le site Web Court Services Online de la C.-B. À l’audience, l’employeur a reconnu que ce site Web avait été corrigé et que le pseudonyme P*** erroné n’était plus lié à son nom.

[230] Lorsque Mme Collins a obtenu les imprimés des recherches de M. Kruper suggérant qu’une « accusation » avait été portée contre le fonctionnaire en 2004 et qu’il utilisait un pseudonyme pour dissimuler d’autres « accusations », elle a immédiatement signalé ce problème aux Affaires internes. Le dossier a été attribué à Mme Singh.

[231] Mme Singh a expliqué que les Affaires internes ont immédiatement ouvert un dossier pour faire enquête sur le fonctionnaire. Comme M. Kruper l’avait fait, elle a fait une recherche dans le site Web Court Services Online de la C.-B. et a découvert le même dossier qu’il avait trouvé. Elle a alors avisé M. Dorff de ses conclusions. Il lui a dit de demander à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) de faire une vérification au sujet du fonctionnaire.

[232] En plus du pseudonyme P***, M. Dorff en est venu à soupçonner que le fonctionnaire utilisait un pseudonyme T***. Il en a informé Mme Singh, qui, le 19 juillet 2011, a écrit ce qui suit dans ses notes : [traduction] « […] selon les courriels reçus de […], il semble que [le fonctionnaire] peut avoir un autre nom : T*** ([date de naissance] différente) ».

[233] Le 4 août 2011, M. Dorff a informé Mme Singh qu’il était convaincu que le fonctionnaire était M. T***. Mme Singh a noté ce qui suit : [traduction] « J’ai parlé à Allan Dorff et il est convaincu qu’il se rappelle qu’un certain M. T***, il y a quelques années, travaillait aux Recouvrements à Burnaby-Fraser et qu’il s’agit de la même personne. »

[234] Le 10 août 2011, Mme Singh a examiné les photographies du fonctionnaire et de M. T*** et elle a conclu qu’il ne s’agissait pas de la même personne. Elle a fait remarquer [traduction] « qu’ils étaient employés tous les deux à la même époque dans deux endroits différents ». Elle a ensuite continué à documenter le dossier de conduite en dehors du travail du fonctionnaire.

[235] Le 26 août 2011, M. Dorff a confirmé à Mme Singh qu’il attendrait de recevoir la vérification des antécédents de la GRC au sujet du fonctionnaire et que cette attente ne créerait pas de risque pour l’Agence. M. Dorff a informé Mme Singh qu’il n’interrogerait pas le fonctionnaire avant de recevoir les résultats de la vérification des antécédents de la GRC.

[236] Environ huit mois plus tard, au cours de la semaine du 23 avril 2012, la GRC a confirmé qu’une recherche du nom, de la date de naissance et des empreintes du fonctionnaire dans la base de données du Répertoire national des casiers judiciaires n’avait révélé l’existence d’aucune condamnation criminelle.

[237] Le 27 avril 2012, Mme Singh a fait parvenir le courriel suivant à M. Dorff : [traduction] « Comme nous l’avons convenu, vous mènerez une enquête administrative afin de déterminer les circonstances entourant la conduite en dehors des heures de Sukhbir Jassar […] » [le passage en évidence l’est dans l’original]. Elle a inclus un lien vers un guide et a ajouté ce qui suit : [traduction] « Veuillez tenir compte du fait que vous serez tenu de réévaluer la cote de fiabilité de l’employé en raison des accusations criminelles. » Elle a demandé à M. Dorff de rédiger un rapport et lui a dit ce qui suit : [traduction] « Le processus disciplinaire peut être entamé lorsque l’enquête sera considérée comme étant terminée […] »

[238] Le 17 juillet 2012, Mme Singh a fait parvenir un nouveau courriel à M. Dorff. Elle a confirmé qu’elle avait examiné les [traduction] « soupçons selon lesquels M. Jassar avait déjà été connu comme étant [M. T***] ». Elle a noté que, [traduction] « après un examen approfondi, nous avons recueilli suffisamment de renseignements pour conclure qu’il ne s’agissait pas de la même personne ». Elle a fait remarquer que la vérification des antécédents du fonctionnaire par la GRC avait donné des résultats négatifs. Elle a expliqué que [traduction] « à ce moment-ci, il est important de rencontrer M. Jassar et de l’informer que ces renseignements ont été portés à notre attention […] ». Son courriel se poursuivait comme suit :

[Traduction]

[…] Elle servira de rencontre de recherche de faits pour trouver d’autres renseignements et vous aider à parvenir à une conclusion. Les documents de la cour font allusion au fait que M. Jassar était accusé, et étant donné sa conversation avec [M. Kruper] selon ce qui précède, il semble s’agir de renseignements valides. Vous pourriez commencer par expliquer que les violations au Code criminel du Canada sont une contravention du Code de déontologie et de conduite (conduite en dehors du travail) et que c’est la raison pour laquelle vous discutez de cette question, puisque vous pourrez déterminer ainsi si ses accusations sont considérées comme une contravention et si elles sont contradictoires avec ses fonctions actuelles. Voici des renseignements tirés du Code de déontologie et de conduite que j’ai inclus en ce qui concerne le Code criminel :

Une conduite en dehors du travail qui peut entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’à la cessation d’emploi comprend une conduite qui a les résultats suivants :

nuire à la réputation de l’employeur (par exemple, infractions personnelles aux lois que l’ARC administre);

être incapable d’exécuter ses fonctions de manière satisfaisante;

être une violation du Code criminel ou nuire à la réputation de l’ARC en général de même qu’à la réputation de ses employés;

action faisant en sorte que l’employeur ait de la difficulté à gérer ses opérations de façon efficiente et à diriger ses effectifs.

Vous devez aviser votre gestionnaire sans tarder de la situation suivante :

si vous êtes accusé d’une infraction à la législation canadienne ou aux lois et aux règlements fédéraux en lien avec vos fonctions officielles (y compris les infractions au code de la route si vous conduisez un véhicule de l’ARC);

si vous êtes appréhendé, détenu ou accusé d’une infraction au Code criminel, si l’infraction pouvait avoir une incidence sur vos fonctions officielles ou être perçue comme telle.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[239] Le 8 août 2012, M. Dorff a interrogé le fonctionnaire afin de préciser [traduction] « […] [sa] conduite en dehors du travail pour déterminer si [sa] situation personnelle avait une incidence sur son emploi auprès de l’ARC […] ». Le fonctionnaire a déclaré qu’un incident est survenu en 2004 qui concernait des questions familiales au sujet de la garde des enfants. Il a dit qu’il n’avait pas été reconnu coupable d’infractions criminelles et que l’affaire avait été réglée au moyen d’un engagement de ne pas troubler l’ordre public que lui-même et son ancienne conjointe avaient signé.

[240] À l’audience, le fonctionnaire a expliqué que selon sa compréhension une personne ne plaide pas coupable lorsqu’elle signe un engagement de ne pas troubler l’ordre public. Si elle en signe un, aucune accusation n’est déposée. On lui a également dit que l’engagement de ne pas troubler l’ordre public expirait après six mois. Il a donc compris qu’aucune déclaration de culpabilité n’avait été faite et qu’aucune condamnation n’avait été inscrite puisqu’il avait accepté de signer l’engagement de ne pas troubler l’ordre public. Il a également répété qu’il avait discuté ouvertement des événements et les avait signalés à l’époque. Il a aussi insisté pour dire qu’il n’avait pas de pseudonyme.

[241] Un extrait des notes de la direction prises à l’entrevue du 8 août 2012 indique que le fonctionnaire avait signalé ce qui suit, entre autres choses, à M. Dorff :

[Traduction]

[…]

[…] Il y a eu un incident en 2004 avec mon [ancienne conjointe]. Aucune accusation n’a été déposée et il n’y a pas eu de condamnation. [L’ancienne conjointe du fonctionnaire] a tenté de déposer des accusations pour avoir le contrôle des questions familiales avec les enfants. Cette question est en ce moment devant les tribunaux, alors je ne peux pas discuter des détails. Mon avocate m’a dit que je commettrais un outrage au tribunal. Des accusations auraient pu être déposées; il n’y en a pas eu, puisqu’il s’agissait de ouï-dire, mais il n’y a pas eu de suite. La question a été réglée par un engagement de ne pas troubler l’ordre public. Ce sera radié cette année [2012].

[…]

[Je souligne]

 

[242] À l’audience, le fonctionnaire a ajouté qu’il avait été avisé que le dossier de l’engagement de ne pas troubler l’ordre public qu’il avait signé devait être conservé pour deux ans seulement. Toutefois, le service de police de Delta, C.-B., a conservé le dossier plus longtemps, par erreur. Il avait demandé récemment qu’il soit radié. Ainsi, il avait dit à M. Dorff le 8 août 2012 ce qui suit : [traduction] « Ce [le dossier de l’engagement de ne pas troubler l’ordre public] sera expurgé cette année. »

[243] À l’audience, l’employeur m’a informé qu’il avait en main une copie de l’engagement de ne pas troubler l’ordre public signé par le fonctionnaire le 25 mai 2005, ou vers cette date. L’employeur a reconnu qu’il n’avait jamais partagé ce document avec le fonctionnaire et le document n’a donc pas été déposé en preuve. Toutefois, je remarque que l’employeur était au courant de l’engagement de ne pas troubler l’ordre public.

[244] M. Kruper a également témoigné sur ce sujet, déclarant initialement que le fonctionnaire ne lui avait jamais parlé de ses problèmes avec son ancienne conjointe qui étaient devant la cour. D’un autre côté, lorsqu’il a été interrogé à ce sujet et qu’il a vu la note de Mme Collins selon laquelle il avait eu des conversations avec le fonctionnaire à ce sujet, M. Kruper a reconnu que des gens au bureau connaissaient les problèmes judiciaires du fonctionnaire à l’époque. Mme Jensen a déclaré qu’elle ne se rappelait pas avoir entendu le fonctionnaire discuter de ses problèmes judiciaires au travail.

[245] D’un autre côté, M. George, qui était le chef d’équipe du fonctionnaire durant ces années, a reconnu que ce dernier avait parlé des fausses allégations présumées que son ancienne conjointe avait formulées afin d’obtenir la garde exclusive de leurs enfants. M. George a précisément confirmé que le fonctionnaire l’avait tenu au courant des événements en ce qui concerne le fait que son ancienne conjointe avait fait intervenir la police pour lui enlever les enfants. M. George a reconnu que le fonctionnaire pouvait avoir parlé d’une accusation à ce moment. Il ne se rappelait simplement pas si ce mot ou d’autres mots, comme « engagement de ne pas troubler l’ordre public », avaient été utilisés. M. George a dit qu’il avait conseillé au fonctionnaire d’embaucher un avocat pour se défendre contre les fausses allégations présumées.

[246] Néanmoins, le 8 août 2012, tout juste après avoir interrogé le fonctionnaire, M. Dorff a demandé à M. George si le fonctionnaire l’avait avisé, en tant que son chef d’équipe, que des accusations criminelles avaient été déposées contre lui en 2004. M. George a dit qu’il avait répondu qu’il ne se rappelait pas avoir entendu parler d’accusations. Dans un courriel envoyé aux Relations de travail, M. Dorff a noté que M. George avait répondu : [traduction] « Pas d’après mon souvenir. » Je remarque que M. Dorff n’a pas demandé à M. George s’il était au courant des problèmes familiaux du fonctionnaire à l’époque. Toutefois, comme je l’ai mentionné, à l’audience, M. George a précisé qu’il était clairement au courant des fausses allégations présumées et il a reconnu que le fonctionnaire pouvait avoir parlé d’une accusation à l’époque. Il ne se rappelait simplement pas si ce mot précis avait été utilisé.

[247] Le 21 septembre 2012, M. Dorff a mené une autre entrevue avec le fonctionnaire pour faire un suivi de l’entrevue du 8 août 2012. M. Dorff l’a informé qu’aucun de ses anciens chefs d’équipe ne se rappelait avoir été informé des accusations criminelles portées contre lui en 2004. Il convient de mentionner qu’à cette étape, M. Dorff n’avait demandé à aucun des anciens chefs d’équipe s’ils étaient au courant des problèmes familiaux du fonctionnaire en 2004. Le fonctionnaire a encore une fois précisé qu’aucune accusation n’avait été déposée contre lui, mais que son ancienne conjointe avait tenté d’en faire déposer contre lui alors qu’elle demandait la garde de leurs enfants. Il a dit qu’un engagement de ne pas troubler l’ordre public avait été signé.

[248] Dans un résumé non daté du cas, les Affaires internes ont conclu que la déclaration du fonctionnaire selon laquelle l’incident de 2004 en dehors du travail avait été réglé par un engagement de ne pas troubler l’ordre public était correcte. Elles ont indiqué que [traduction] « […] il n’a pas été reconnu coupable et le cas a été réglé par la signature d’un engagement de ne pas troubler l’ordre public. Après examen, ces renseignements s’avèrent fondés. »

[249] Le 9 décembre 2012, Mme Singh a assisté à une rencontre. Il a été décidé que les Affaires internes fermeraient son dossier sur les allégations, de 2004, de crainte de lésions personnelles en vertu du paragraphe 810(1) du Code criminel et de l’utilisation d’un pseudonyme parce qu’elles n’étaient pas fondées. Toutefois, le dossier est demeuré ouvert.

[250] Le 19 décembre 2012, Mme Singh a appelé au palais de justice de Surrey. Elle a noté ce qui suit : [traduction] « […] appelé la cour de Surrey encore une fois afin de vérifier le terme “pseudonyme”. On a dit que ça désignait seulement un autre nom utilisé par un accusé […] » À l’audience, elle a dit qu’elle a appris qu’un pseudonyme n’est pas créé en raison du dépôt d’un cautionnement. Par conséquent, elle a conclu que l’explication du fonctionnaire, selon laquelle il n’avait pas de pseudonyme, mais qu’une fois, dans le passé, il avait déposé un cautionnement pour un membre de la famille éloigné, n’était pas crédible et elle n’a pas poursuivi ses enquêtes pour découvrir s’il disait la vérité. À l’audience, elle a reconnu qu’elle n’a pas tenté de joindre M. P*** pour lui poser cette question.

[251] Une fois que Mme Singh a terminé son enquête sur les renseignements que M. Kruper avait présentés contre le fonctionnaire, elle a rédigé un rapport qui regroupait les conclusions des Affaires internes et qui était daté du 8 avril 2013. Les conclusions ont été rédigées par Mme Singh et ont été signées par sa gestionnaire, Mme Labelle.

[252] En ce qui concerne la question du pseudonyme, le rapport indiquait que la vérification des antécédents du fonctionnaire par la GRC avait donné des résultats négatifs le 27 avril 2012, ce qui confirmait que son dossier n’avait aucune accusation. Toutefois, les Affaires internes n’ont pas approfondi la question du pseudonyme et ont conclu ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Pseudonyme

Les documents judiciaires en ligne indiquaient [M. P***] comme pseudonyme de M. Jassar. Une autre recherche d’accusations pour ce pseudonyme a révélé que d’autres accusations avaient été déposées le 1er décembre 2013 : harcèlement criminel et crainte qu’une autre personne cause des lésions personnelles ou n’endommage une propriété.

Le 8 août 2012, interrogé au sujet du pseudonyme, M. Jassar a dit que [M. P***] était [un membre de la famille éloigné] pour qui il a déposé un cautionnement en 2003. Lorsque la Division des affaires internes et du contrôle de la fraude a communiqué avec un responsable de la Cour provinciale de Surrey, il a indiqué qu’un pseudonyme est utilisé comme nom de l’accusé et qu’il n’était pas créé à la suite du dépôt d’un cautionnement, comme l’a expliqué M. Jassar.

La direction a également discuté des accusations de 2003 et de 2004 avec M. Jassar. Il a déclaré qu’il s’agissait d’affaires familiales liées à la garde de ses enfants. M. Jassar a dit qu’il n’avait pas été condamné et que l’affaire avait été réglée au moyen d’un engagement de ne pas troubler l’ordre public. Le 27 avril 2012, la vérification des antécédents de M. Jassar par la Gendarmerie royale canadienne a donné des résultats négatifs, ce qui confirmait que son dossier n’avait aucune accusation.

À la question de savoir s’il avait signalé les accusations à la direction en 2003 et en 2004, M. Jassar a dit qu’il l’avait fait. La direction a ensuite rencontré plusieurs de ses superviseurs passés afin de valider ces renseignements. Tous ont indiqué que M. Jassar ne leur avait pas signalé les accusations.

[…]

Conclusion

[…]

Les renseignements recueillis durant l’enquête ont permis de conclure que M. Jassar a omis de signaler à la direction qu’il était accusé d’une infraction criminelle, contrevenant ainsi au Code de déontologie et de conduite de l’ARC.

En raison de l’incertitude concernant le pseudonyme, la Division des affaires internes et du contrôle de la fraude recommande une révision de la [cote] de fiabilité de M. Jassar. Une copie de la présente note de service sera placée dans le dossier d’enquête de sécurité sur le personnel de M. Jassar pour indiquer qu’il existe des renseignements défavorables connus à son sujet.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[253] Le 19 avril 2013, Sylvain Trottier, directeur, Division de la protection des biens matériels et des services de sécurité, Direction de la sécurité, Direction générale des finances et de l’administration à l’Agence, a demandé à M. Dorff de revoir la cote de fiabilité du fonctionnaire. M. Trottier a joint à sa demande un document d’orientation, qui se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Dans la vérification de la fiabilité, la question à poser ici est de savoir si l’on peut se fier à la personne pour qu’elle n’abuse pas de la confiance qu’on pourrait lui accorder. Existe-t-il un motif raisonnable de croire qu’elle pourrait voler des objets de valeur de l’Agence, exploiter des biens et de l’information de l’ARC pour un gain personnel, omettre de protéger l’information ou les biens de l’ARC qui lui sont confiés ou afficher un comportement qui influerait négativement sur sa fiabilité?

Si la réponse est affirmative, la révocation ou le refus de la cote de fiabilité devient une possibilité. La personne doit passer une entrevue au cours de laquelle elle pourra expliquer et préciser les renseignements à l’étude avant que l’on rende une décision définitive. Pour ce faire, il faut évaluer les risques éventuels entraînés par le maintien de la nomination et, compte tenu du degré de fiabilité requis et de la nature des fonctions à remplir, déterminer si ces risques sont acceptables ou non.

[…]

 

[254] Le 28 mai 2013, M. Dorff a envoyé une lettre au fonctionnaire pour l’informer de la révision de sa cote de fiabilité. La lettre mentionnait et invoquait également les renseignements du rapport d’enquête des Affaires internes du 8 avril 2013, dont le fonctionnaire a obtenu une copie le 21 mai 2013. Les Affaires internes font partie de la Direction de la sécurité.

[255] La lettre de M. Dorff invitait le fonctionnaire à une entrevue le 12 juillet 2013 et l’informait de ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Si les renseignements défavorables au sujet d’une personne sont relevés, un examen de sa cote de fiabilité est lancé afin d’établir si les renseignements défavorables sont considérés comme un risque continu relativement au poste occupé par la personne. […]

[…]

Les renseignements défavorables figurant dans le rapport des Affaires internes et du contrôle de la fraude […] qui vous a été remis le 21 mai 2013 a entraîné une révision administrative de votre cote de fiabilité conformément à la Politique sur les enquêtes de sécurité sur le personnel de l’ARC. Ainsi, je me dois d’évaluer les conséquences des renseignements défavorables sur votre cote de fiabilité en ce qui a trait à votre poste d’analyste de la technologie de l’information, Direction générale de l’informatique, Services de soutien sur place de la région du Pacifique.

[…]

[Je mets en évidence]

 

[256] L’entrevue du fonctionnaire a été déplacée au 17 juillet. Cette journée-là, M. Mahil a envoyé une lettre à M. Dorff pour le compte du fonctionnaire. M. Mahil a mis en évidence le fait que le fonctionnaire maintenait ses commentaires selon lesquels il n’avait jamais utilisé de pseudonyme. La lettre de M. Mahil, qui suit, pressait également M. Dorff à reporter la révision de la cote de fiabilité du fonctionnaire :

[Traduction]

[…]

M. Jassar maintient ses commentaires qu’il a formulés à l’enquêteur des Affaires internes. Il a dit qu’il n’a jamais utilisé de pseudonyme. M. [P***] est [un membre de la famille éloigné] dont l’adresse est : […]. M. [P***] travaille pour […].

[…]

Je vous demande de ne pas réviser la cote de fiabilité de M. Jassar avant que cette question ait fait l’objet d’une enquête approfondie.

[…]

 

[257] Il n’est pas clair si M. Dorff a examiné la demande de M. Mahil de reporter la révision de la cote de fiabilité du fonctionnaire. À l’audience devant moi, M. Dorff a déclaré qu’il ne pouvait pas se rappeler s’il avait vu la lettre du 17 juillet 2013 de M. Mahil. Rien dans la preuve n’indique que l’employeur a pris des mesures pour communiquer avec M. P*** et, selon toute vraisemblance, la demande de M. Mahil de report de l’examen de la cote fiabilité a été écartée.

[258] L’entrevue a eu lieu le 17 juillet 2013. MM. Dorff et Hugh l’ont dirigée. Étaient présents M. Cultum et Michelle Smith, gestionnaire, Relations de travail, Direction générale des ressources humaines, à l’Agence. Le fonctionnaire était accompagné de M. Mahil.

[259] M. Lafleur a déclaré que dans ce cas, la Direction de la sécurité avait aidé à préparer les questions qui ont été posées au fonctionnaire. Toutefois, aucun représentant de la Direction de la sécurité n’était présent à l’entrevue du 17 juillet 2013.

[260] MM. Dorff et Hugh ont expliqué qu’ils ont préparé les questions à poser au fonctionnaire à l’entrevue du 17 juillet 2013. M. Lafleur les a examinées. La direction avait décidé que M. Mahil n’était pas autorisé à répondre aux questions au nom du fonctionnaire. M. Hugh a insisté pour dire que M. Mahil n’était pas autorisé à parler pour le compte du fonctionnaire à l’entrevue.

[261] Au cours de l’entrevue du 17 juillet 2013, M. Hugh a précisément posé au fonctionnaire des questions sur le pseudonyme présumé P***. Comme il l’avait indiqué en août 2012, le fonctionnaire a de nouveau déclaré ce qui suit :

- Le fonctionnaire avait déposé un cautionnement pour un membre de la famille éloigné.

 

- En 2003, il était passager dans la voiture du membre de la famille éloigné lorsque cette personne s’est vu imposer une contravention pour excès de vitesse. Lorsque cette personne a réalisé que l’agent de police lui avait donné par erreur l’identité du fonctionnaire, l’agent a corrigé immédiatement la contravention pour excès de vitesse.

 

- Le fonctionnaire ne savait pas que le pseudonyme P*** avait été associé à son nom dans le site Web de la Cour provinciale de la C.-B.

 

- Comme il fait du bénévolat, le fonctionnaire a besoin d’une vérification du casier judiciaire deux fois par année, et aucun pseudonyme n’a jamais été trouvé.

 

- Il n’a jamais autorisé le membre de la famille éloigné à utiliser son nom.

 

- Il a fini par retenir les services d’un avocat, Tyrone Duerr, pour que le site Web de la Cour provinciale de la C.-B. apporte une correction afin de supprimer le pseudonyme P*** associé à son nom.

 

[262] M. Hugh a pris des notes pendant l’entrevue du 17 juillet 2013. Son échange avec le fonctionnaire est reproduit dans le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité. Je vais maintenant reproduire seulement les questions posées au sujet du pseudonyme :

[Traduction]

[…]

Jason Hugh – question

- Selon la Cour provinciale de Surrey, un pseudonyme n’aurait pas été créé à la suite du dépôt d’un cautionnement pour votre [membre de la famille éloigné]. Pouvez-vous expliquer pourquoi le pseudonyme de [P***] vous a été associé?

Sukhbir Jassar – réponse

- De deux choses l’une : soit il s’agissait d’une erreur de la Cour provinciale lors du dépôt d’un cautionnement pour son [membre de la famille éloigné], soit c’est arrivé lorsque son [membre de la famille éloigné] a été arrêté pour une infraction aux règlements de la circulation.

- Pour la dernière, il y a environ dix (10) ans, son [membre de la famille éloigné] était au volant […] alors que Sukhbir Jassar était passager. Son [membre de la famille éloigné] a été intercepté pour excès de vitesse, et il a accidentellement pris le mauvais portefeuille, qui contenait les pièces d’identité de Sukhbir Jassar. Lorsque l’erreur a été réalisée, elle a été corrigée sur place. Sukhbir Jassar a déclaré qu’il était surpris que ce pseudonyme puisse ressortir de cet incident puisque l’erreur a été corrigée sur place.

- Il avait demandé à son avocat de retirer ce pseudonyme qui, selon lui, est incorrect. Sukhbir Jassar n’a jamais autorisé son [membre de la famille éloigné] à utiliser son nom. Sukhbir a déclaré qu’il ne « faisait que tenter d’aider son [membre de la famille éloigné] ».

- Sukhbir Jassar a déclaré qu’il était surpris que le pseudonyme existait puisqu’il fait du bénévolat et qu’il doit subir une vérification du casier judiciaire deux fois par année et que ce nom n’est jamais ressorti.

- Il n’a pas demandé de supprimer le pseudonyme auparavant puisqu’il n’était pas au courant de son existence.

Jason Hugh – question

- En ce qui concerne votre arrestation et vos accusations criminelles de 2003 et de 2004, pouvez-vous expliquer pourquoi aucun de vos superviseurs n’a un dossier de signalement de ces accusations?

Sukhbir Jassar – réponse

- Il ne savait pas pourquoi les superviseurs n’avaient pas de dossier; il « croyait » qu’il l’avait signalé.

- Sukhbir a déclaré qu’il vivait une période personnelle difficile à cause de son divorce. Il avait de nombreux problèmes personnels et il était bouleversé.

Jason Hugh – question

- Pourriez-vous préciser le statut des questions criminelles qui vous concernent et qui sont présentement devant les tribunaux? Quelle est la nature des accusations qui vous visent? S’agit-il d’une continuation de l’incident d’août 2012 ou s’agit-il de nouvelles accusations fondées sur l’incident plus récent?

Sukhbir Jassar – réponse

- La question actuellement devant les tribunaux concerne l’incident d’août 2012.

- Sukhbir Jassar a déclaré que son [ancienne conjointe] l’a traîné devant le tribunal et a obtenu une ordonnance pour que la politique [sic, corrigé à l’audience pour « police »] lui enlève ses enfants sans autre avis. Il était en état de choc et ne savait pas ce qui lui arrivait. Cette accusation a été retirée depuis par le juge de la Cour suprême et rejetée en Cour provinciale. Cette action de son [ancienne conjointe] était une violation d’une ordonnance de la cour.

[…]

 

[263] Le 6 août 2013, M. Hugh a écrit ce qui suit à M. Dorff :

[Traduction]

[…]

[…] Je vais tenter de collaborer avec [la Direction de la sécurité] sur certaines des questions de suivi à [l’entrevue du 17 juillet 2013] (comme la confirmation du pseudonyme, le statut des accusations actuelles, etc.); toutefois, le directeur et le gestionnaire sont à l’extérieur du bureau. Entre-temps, j’ai rédigé une copie de l’évaluation du risque selon les éléments dont nous disposons en ce moment.

[…]

[Je mets en évidence]

 

[264] M. Hugh a confirmé que le personnel de l’Agence n’a jamais répondu à ses questions sur le statut des [traduction] « accusations actuelles » et celle de savoir si le fonctionnaire avait utilisé un pseudonyme. Il a confirmé qu’il a donc seulement répété les renseignements de Mme Singh et les réponses du fonctionnaire à l’entrevue du 17 juillet 2013.

[265] M. Lafleur a expliqué que dans ce cas, M. Dorff s’était vu déléguer le pouvoir de réaliser l’évaluation du risque, mais que le directeur responsable, M. Butler, devait approuver son contenu et décider s’il fallait conserver ou révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire. Ainsi, M. Hugh a rédigé le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité à l’intention de M. Dorff qui l’a plus tard signé.

[266] Le 20 août 2013, M. Hugh a également rédigé une lettre afin de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire et de mettre fin à son emploi. Il ne manquait que la date de naissance du fonctionnaire et la date à laquelle il avait commencé à travailler pour l’Agence.

[267] Le 21 août 2013, M. Hugh a envoyé l’ébauche du Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité à MM. Dorff, Lafleur et Trottier. M. Dorff a signé le rapport cette journée-là.

[268] M. Hugh a reconnu qu’il avait invoqué en partie les renseignements du rapport d’enquête des Affaires internes du 8 avril 2013 lorsqu’il a conclu, le 21 août 2013, que l’employeur ne pouvait plus faire confiance au fonctionnaire. En particulier, il a écrit ce qui suit dans son rapport :

[Traduction]

[…]

- Le 18 décembre 2004, Sukhbir Jassar a été accusé d’avoir fait craindre de causer des lésions personnelles ou d’endommager une propriété, en vertu du paragraphe 810(1) du Code criminel.

- Les documents de la cour indiquaient que [P***] était un pseudonyme de Sukhbir Jassar, en vertu duquel deux autres accusations ont été déposées le 1er décembre 2003, pour harcèlement criminel et crainte qu’une autre personne cause des lésions personnelles ou n’endommage une propriété, en vertu du paragraphe 810(1) du Code criminel.

- Lorsqu’il a été interrogé en ce qui concerne l’ensemble des accusations par la direction de l’ARC en août 2012, Sukhbir Jassar a déclaré que l’accusation du 18 décembre 2004 a été réglée par un engagement de ne pas troubler l’ordre public et qu’il n’a pas été reconnu coupable, ce qu’une vérification des antécédents de Sukhbir Jassar a confirmé. Pour ce qui est du pseudonyme, Sukhbir Jassar a déclaré qu’il s’agissait d’une erreur de la part de la Cour provinciale de Surrey et que [P***] était son [membre de la famille éloigné] pour qui il avait déposé un cautionnement. Le rapport d’enquête des Affaires internes a conclu que le pseudonyme n’aurait pas été créé à la suite du dépôt d’un cautionnement, comme l’a expliqué Sukhbir Jassar.

- Dans les deux cas de 2003 et de 2004, Sukhbir Jassar a déclaré qu’il avait signalé les accusations à son superviseur, mais le suivi avec la direction ne confirme pas cette prétention. Le rapport d’enquête a conclu que cela contrevenait au Code de déontologie et de conduite de l’ARC.

[…]

 

[269] Puisque la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire et le licenciement qui a suivi ont été imposés par le risque qu’il aurait posé pour l’Agence, il est nécessaire d’examiner comment ce risque été présenté dans le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité. Ce rapport se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Analyse

Risque pour l’ARC

Au moment du rapport d’enquête des Affaires internes, Sukhbir Jassar n’avait pas de casier judiciaire. Il avait été accusé d’une infraction criminelle, et le pseudonyme qui lui était attribué était visé par deux accusations criminelles. Selon les documents de la Cour provinciale de Surrey, Sukhbir Jassar avait un pseudonyme [P***], qui était visé par deux autres accusations déposées le 1er décembre 2003, pour harcèlement criminel et crainte qu’une autre personne cause des lésions personnelles ou n’endommage une propriété. Sukhbir Jassar a soutenu, lorsqu’il a été interrogé par la direction de l’ARC le 8 août 2012, qu’il s’agissait de son [membre de la famille éloigné] pour qui il avait déposé un cautionnement. Durant la même rencontre, lorsqu’il a été interrogé au sujet de ces accusations qui visaient selon lui son [membre de la famille éloigné], il a soutenu qu’il les avait signalés à son superviseur, conformément au Code de déontologie et de conduite. Il a aussi soutenu que toutes les accusations étaient personnelles et liées à la question de la garde de ses enfants. Sukhbir Jassar a admis les accusations qu’il avait d’abord attribuées à son [membre de la famille éloigné]. Les déclarations faites par l’employé ne sont pas claires ni crédibles. Sukhbir Jassar a déclaré que toutes les accusations ont été réglées par la signature d’un engagement de ne pas troubler l’ordre public, sans condamnation criminelle; au 27 avril 2012, aucune condamnation criminelle ne visait sa date de naissance.

Pour ce qui est des cas de 2003 et de 2004, lorsqu’il a été interrogé, Sukhbir Jassar a soutenu les avoir signalés à ses superviseurs de l’époque. Le rapport d’enquête des Affaires internes a conclu qu’aucun de ses superviseurs, au moment de ses accusations ou de ses dates de comparution subséquentes, n’a été avisé de l’accusation criminelle. Il n’a donc pas signalé la contravention au Code de déontologie et de conduite de l’ARC. En vertu du Code de déontologie et de conduite de l’ARC, la conduite d’un employé en dehors du travail est généralement d’ordre privé; toutefois, ils doivent faire attention à ce qu’elle ne nuise pas à leur image et à leur rendement en tant qu’employé. Le défaut de signaler les accusations criminelles démontre le non-respect de la politique de l’ARC et, plus important, un mauvais jugement de la part de Sukhbir Jassar.

[…] Il existe une tendance de comportement qui a mené au dépôt de nombreuses accusations criminelles contre Sukhbir Jassar ainsi qu’un pseudonyme lié à lui, [P***]. Cette tendance démontre que l’employé n’est pas en mesure de changer le comportement qui a mené au dépôt d’accusations criminelles et a mis la réputation de l’Agence à risque.

[…]

Dans ce cas, Sukhbir Jassar a, à tout le moins, continué de démontrer qu’il a fait preuve d’un mauvais jugement, qu’il n’est pas crédible et qu’il est loin d’être fiable. Cela expose la réputation de l’Agence à des risques.

[…]

[Le passage en caractères gras l’est dans l’original]

[Je mets en évidence]

 

[270] Il s’est conclu en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Conclusion

[…]

Sukhbir Jassar a exprimé quelques remords au sujet des événements qui sont survenus; toutefois, il n’avait pas démontré auparavant la capacité de modifier ses gestes ou son comportement. Il s’est retrouvé à tout le moins accusé d’infractions criminelles à deux occasions et il existe une croyance raisonnable que deux autres accusations criminelles ont été portées contre lui alors qu’il utilisait un pseudonyme. Ses propres déclarations confirment que les accusations visant le pseudonyme le concernaient, pourtant il le contredit en déclarant que le pseudonyme concerne son [membre de la famille éloigné]. Dans le cadre de deux rencontres précédentes mentionnées dans le rapport d’enquête, il a tenté d’expliquer tous les incidents et accusations comme des malentendus et n’a démontré des remords que maintenant à l’occasion de son entrevue préventive. Ce facteur seul a une incidence négative sur la réputation de l’Agence et, à l’avenir, elle ne peut pas expliquer pourquoi une telle personne serait toujours à son emploi.

Après toutes les accusations et les nombreuses entrevues sur le sujet avec la direction, Sukhbir Jassar a pris des mesures pour tenter de dissimuler ces renseignements à son employeur. Le rapport d’enquête a conclu qu’il n’a pas signalé ces infractions […]. Ses actions démontrent son manque de crédibilité et le fait qu’on ne peut être convaincu qu’il fera preuve de franchise avec son employeur.

[…]

Pour ces raisons, nous recommandons que la cote de fiabilité de Sukhbir Jassar soit révoquée.

[…]

[Le passage en caractères gras l’est dans l’original]

[Je mets en évidence]

 

[271] M. Butler a signé la lettre de révocation et de licenciement le 27 septembre 2013.

[272] Lorsque M. Dorff a témoigné, il a insisté pour dire que ce n’est pas parce que le fonctionnaire avait déposé un cautionnement pour le membre de sa famille éloigné que le nom de cette personne a été indiqué dans le site Web Court Services Online de la C.‑B. comme son pseudonyme. De plus, M. Dorff a insisté pour dire que ce n’est pas parce que le membre de la famille a été intercepté par la police que le nom de cette personne a été désigné comme le pseudonyme du fonctionnaire. M. Dorff a simplement déclaré que ce n’était pas à lui de préciser la question du pseudonyme. Toutefois, selon lui, il avait le pouvoir discrétionnaire de décider que les deux explications fournies par le fonctionnaire quant au pseudonyme ne le convainquaient pas. Il s’est donc servi de son jugement pour décider que le fonctionnaire ne méritait pas la confiance de l’Agence. À son avis, les biens de l’employeur étaient à risque.

[273] Lorsqu’il a été interrogé davantage sur sa décision, M. Dorff a insisté pour dire que la question n’était pas celle de savoir si des accusations, un engagement de ne pas troubler l’ordre public ou une « Promesse remise à un agent de la paix ou à un fonctionnaire responsable » existait, mais plutôt de savoir si la réponse et la justification du fonctionnaire en ce qui concerne le pseudonyme étaient vraisemblables. La décision de M. Dorff était claire, il ne croyait pas l’explication du fonctionnaire. Par conséquent, la cote de fiabilité du fonctionnaire devait être révoquée, ce qui est la recommandation qu’il a formulée à l’intention de son gestionnaire, M. Butler.

[274] MM. Dorff et Hugh ont admis ne pas connaître la différence entre le dépôt d’un cautionnement en cour et le fait d’être accusé d’une infraction criminelle. Ils ont admis ne pas avoir lu l’article 810 du Code criminel (qui indique que des allégations peuvent être formulées en vertu du paragraphe 810(1) selon lesquelles une personne craint qu’une autre personne lui cause des lésions personnelles), même s’ils ont précisément écrit que le fonctionnaire avait été « accusé » d’une infraction criminelle concernant une crainte de lésions personnelles en vertu du paragraphe 810(1).

[275] M. Butler a déclaré à l’audience devant moi que pour ce qui est de la question du pseudonyme, il comprenait que les documents de la cour indiquaient P*** comme un pseudonyme du fonctionnaire et qu’il existait une croyance raisonnable que deux accusations criminelles ont été portées contre lui sous ce pseudonyme.

[276] M. Butler a reconnu qu’il ne connaît pas la différence entre une personne qui signe un engagement de ne pas troubler l’ordre public en vertu de l’article 810 du Code criminel et le fait d’être accusé d’une infraction criminelle. Il n’a pas lu l’article 810 avant de décider de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire et de mettre fin à son emploi. Selon la compréhension de M. Butler, le fonctionnaire a été accusé de plusieurs infractions.

[277] M. Butler a confirmé devant moi qu’il sait maintenant que le fonctionnaire n’a jamais eu de pseudonyme et que le site Web Court Services Online de la C.‑B. a été corrigé, ce qu’il a appris après le licenciement du fonctionnaire.

[278] Le 27 mai 2014, Evelyn Wong, conseillère technique intérimaire en relations de travail, Ressources humaines, région du Pacifique, à l’Agence, a écrit à Ruth Colbourne, une analyste principale des politiques et des programmes de ressources humaines pour l’Agence, déclarant ce qui suit : [traduction] « [d]ans le courriel ci-joint, vous trouverez également des captures d’écran du site Web Eservice indiquant le pseudonyme de M. Jassar en 2011. Paul [Cultum] a vérifié aujourd’hui que le pseudonyme n’est plus lié au nom de M. Jassar dans le site Web Eservice (captures d’écran ci-dessous) […] ».

[279] À l’audience, on a demandé au fonctionnaire s’il avait pris des mesures pour que le nom de M. P***, qui était auparavant associé à son nom comme pseudonyme, soit retiré du site Web Court Services Online de la C.-B. Il a répondu qu’il l’avait fait et qu’il avait embauché un avocat, M. Duerr, pour l’aider à le corriger.

[280] Le fonctionnaire a produit des communications écrites de l’été 2014 entre M. Mahil, un représentant de l’IPFPC, et M. Duerr. Il a aussi produit des communications écrites entre le bureau de M. Duerr et l’avocat de la Couronne de la C.-B. Toutes ces communications avaient pour but de corriger le pseudonyme P*** erroné associé au nom du fonctionnaire dans le site Web Court Services Online de la C.‑B.

[281] La preuve démontre que le 26 août 2014, M. Duerr a fait en sorte que le site Web Court Services Online de la C.-B. supprime le pseudonyme P*** erroné associé au nom du fonctionnaire. M. Duerr a communiqué avec le gestionnaire de bureau et le procureur de la Couronne à Penticton, en C.-B. qui, à leur tour, ont pris des mesures pour corriger l’erreur. Le 2 septembre 2014, le gestionnaire a informé l’avocat que [traduction] « les Corrections y travaillent en ce moment ». Le 12 septembre 2014, le gestionnaire a indiqué que l’erreur avait été corrigée comme suit : [traduction] « Lorsque je regarde, je ne vois plus de lien entre les deux. »

[282] Le 18 septembre 2014, M. Mahil a informé l’employeur que l’erreur avait été corrigée. En particulier, à cette date, M. Mahil a fait parvenir le courriel suivant à Mme Colbourne :

[Traduction]

[…]

M. Jassar a retenu les services de l’avocat Tyrone Duerr pour régler la question du pseudonyme. L’avocat a été avisé par la Couronne provinciale que tout lien entre M. Jassar et l’autre partie a été retiré. Vous trouverez ci-joint une copie du courriel de M. Duerr à M. Jassar.

[…]

 

[283] Ces communications, ainsi que les captures d’écran du site Web, ont confirmé qu’il n’y a plus de pseudonyme associé au nom du fonctionnaire dans ce site Web.

[284] Le 15 octobre 2014, M. Mahil a transmis à Mme Colbourne l’échange de courriels complet entre M. Duerr et le gestionnaire à Penticton.

[285] Enfin, le fonctionnaire a déposé en preuve un autre document qui établit également que le 5 octobre 2016, une recherche effectuée à son nom dans le site Web Court Services Online de la C.-B. pour découvrir s’il utilisait un pseudonyme donnait le résultat suivant : [traduction] « Aucun résultat ne correspond à vos critères de recherche […] »

[286] Le fonctionnaire a obtenu plusieurs documents de l’employeur au moyen d’une demande d’accès à l’information, qui comprenaient une capture d’écran du site Web Court Services Online de la C.-B. datée du 14 octobre 2014, indiquant qu’aucun pseudonyme n’était alors associé à son nom.

b. Conclusions de fait

[287] L’employeur soutient que même si le fonctionnaire n’avait pas de pseudonyme, le fait qu’il n’ait pas informé la direction de l’accusation criminelle déposée contre lui en 2004 était une raison valable pour conclure qu’il était nécessaire de réviser sa cote de fiabilité.

[288] Le fonctionnaire fait valoir que le par. 810(1) du Code criminel n’est pas réellement un article en vertu duquel des accusations peuvent être déposées; il prévoit plutôt une audience afin de déterminer si la personne contre qui les allégations ont été formulées devrait être tenue de signer un « engagement de ne pas troubler l’ordre public ».

[289] Le fonctionnaire soutient aussi que de 2003 à 2005, la version du Code de déontologie et de conduite de l’Agence qui était en vigueur était celle du 22 février 2001. Son article portant sur la « conduite en dehors du travail » différait légèrement de celui de la version du 11 octobre 2012 de ce Code. La version de 2001 exigeait que les employés de l’Agence signalent à leurs gestionnaires s’ils avaient été [traduction] « […] appréhendés, détenus ou accusés pour une violation liée à leurs fonctions officielles […] » [le passage en évidence l’est dans l’original]. Je remarque que l’employeur n’a produit aucune preuve selon laquelle pendant la période pertinente, le fonctionnaire était au courant de l’existence de la version du 22 février 2011 du Code de déontologie et de conduite de l’Agence ou de son contenu.

[290] J’en viens aux conclusions suivantes. En 2004 et en 2005, le fonctionnaire était aux prises avec plusieurs difficultés juridiques concernant la garde de ses enfants. MM. Kruper et George connaissaient ces difficultés, et M. George était le gestionnaire du fonctionnaire à cette époque. Bien que des allégations aient été formulées contre le fonctionnaire en vertu du paragraphe 810(1) du Code criminel, il a conclu un engagement de ne pas troubler l’ordre public et aucune accusation n’a été déposée contre lui.

[291] En 2011, M. Kruper a trouvé de l’information dans le site Web Court Services Online de la C.-B. Il cherchait des entrées au sujet du fonctionnaire. M. Kruper a inventé une histoire selon laquelle il était allé au palais de justice avec le fonctionnaire afin de signaler à l’employeur les renseignements qu’il avait trouvés à son sujet. Après que M. Kruper eut imprimé plusieurs captures d’écran du site Web où le nom du fonctionnaire apparaissait, il les a remises à Mme Collins, qui était à l’époque la gestionnaire des services de sécurité de l’Agence à son bureau de Surrey. Les captures indiquaient que le fonctionnaire utilisait le pseudonyme P***.

[292] Une capture d’écran indiquait, sous l’onglet [traduction] « Accusations », qu’une personne ayant un nom semblable à celui du fonctionnaire avait été [traduction] « accusée » en vertu du paragraphe 810(1) du Code criminel de [traduction] « crainte qu’une autre personne cause des lésions personnelles ou n’endommage une propriété » le 18 décembre 2004. L’onglet [traduction] « Décision quant à la peine » indiquait que l’affaire était réglée par un engagement de 12 mois le 25 mai 2005, par ailleurs connu comme un engagement de ne pas troubler l’ordre public.

[293] Les détails associés à la variation du nom du fonctionnaire comprennent son nom complet et le pseudonyme P***. L’année de naissance associée à la variation de son nom était dans les années 60.

[294] En plus de fournir ces renseignements à Mme Collins, M. Kruper lui a remis les captures d’écran au sujet de M. P***. L’année de naissance associée à M. P*** était dans les années 80.

[295] M. Dorff a confirmé à Mme Singh que malgré les renseignements déposés contre le fonctionnaire en juillet 2011, il n’y avait aucun risque pour l’Agence, et l’employeur pouvait attendre la fin de la vérification des antécédents par la GRC.

[296] Au cours de la semaine du 23 avril 2012, l’employeur a reçu les résultats de la recherche de casier judiciaire du fonctionnaire fondée sur son nom, sa date de naissance et ses empreintes. La GRC a indiqué qu’il n’était pas associé à [traduction] « […] un relevé de condamnation criminelle qui peut être divulgué conformément aux lois fédérales ».

[297] Le 27 avril 2012, Mme Singh a rejeté le fait que la GRC avait indiqué que le fonctionnaire n’était pas associé à un relevé de condamnation criminelle. Dans un courriel, elle a avisé M. Dorff que l’Agence avait appris que le fonctionnaire pouvait avoir un pseudonyme et que les captures d’écran du site Web de la Cour provinciale de la C.-B. indiquaient qu’il avait été [traduction] « accusé » non seulement de crainte qu’une autre personne cause des lésions personnelles ou n’endommage une propriété sous son propre nom, mais également de harcèlement criminel et de crainte qu’une autre personne cause des lésions personnelles ou n’endommage une propriété sous ce pseudonyme.

[298] Mme Singh a demandé à M. Dorff de mener une enquête afin de déterminer les circonstances de la conduite en dehors du travail du fonctionnaire, y compris l’« accusation » alléguée en vertu du paragraphe 810(1) du Code criminel de crainte qu’une autre personne cause des lésions personnelles ou n’endommage une propriété et les accusations liées au pseudonyme P***. Elle a écrit ce qui suit à M. Dorff : [traduction] « Le processus disciplinaire pourra être entamé lorsque l’enquête sera considérée comme étant terminée […] »

[299] Le 17 juillet 2012, un an après que M. Kruper eut fourni à Mme Collins les captures d’écran du site Web Court Services Online de la C.-B., Mme Singh a dit à M. Dorff d’interroger le fonctionnaire au sujet de sa conduite en dehors du travail. Mme Singh a avisé M. Dorff que [traduction] « […] vous communiquez avec votre conseiller en relations de travail avant de rencontrer M. Jassar […] » et [traduction] « […] s’il y a des éléments de preuve d’inconduite, les Relations de travail vous aideront en ce qui concerne la mesure disciplinaire ».

[300] La version du 22 février 2001 du Code de déontologie et de conduite exigeait que les employés de l’Agence signalent à leurs gestionnaires s’ils avaient été [traduction] « […] appréhendés, détenus ou accusés pour une violation liée à leurs fonctions officielles […] » [le passage en évidence l’est dans l’original].

[301] Malgré le fait que selon Mme Singh, la conduite en dehors du travail présumée remontait à 2003 et à 2004, dans son courriel à M. Dorff, elle a cité le libellé de la version du 11 octobre 2012 du Code de déontologie et de conduite de l’Agence et non celle en vigueur en 2003 et en 2004.

[302] Le 8 août 2012, M. Dorff a interrogé le fonctionnaire. Ce dernier a été interrogé sur les « accusations » portées contre lui, y compris contre le pseudonyme P***. Il a expliqué qu’un incident est survenu en 2004 qui concernait son ancienne conjointe. Il a indiqué qu’une accusation pouvait avoir été déposée, mais qu’elle n’avait pas eu de suite et que la question avait été réglée par l’engagement de ne pas troubler l’ordre public, ce qui est conforme aux captures d’écran du site Web de la Cour provinciale de la C.-B.

[303] De plus, le 22 janvier 2013, M. Cultum a écrit ce qui suit dans un document d’information au sujet du fonctionnaire : [traduction] « […] [Les Affaires internes mènent] actuellement [leur] enquête et [ont] découvert qu’il n’y avait pas de lien avec le lieu de travail puisque les cas étaient de nature conjugale et n’avaient pas d’effet sur ses capacités à accomplir son travail. »

[304] La date de naissance du fonctionnaire était précisée dans les documents que l’employeur a reçus de la GRC en ce qui concerne la recherche de casiers judiciaires dans la base de données du Répertoire national des casiers judiciaires. L’employeur savait qu’il était né dans les années 60 et non dans les années 80, comme M. P***.

[305] Le fonctionnaire a volontairement identifié M. P*** comme un membre de la famille éloigné durant son entrevue du 8 août 2012 avec M. Dorff et il a dit qu’il avait déposé un cautionnement pour lui dans le passé. La [traduction] « Demande d’agir à titre de caution » signée par le fonctionnaire à l’égard de M. P*** le confirme et fait partie de la preuve.

[306] Le fonctionnaire a dit la vérité lorsqu’il a répondu qu’il n’avait pas été reconnu coupable d’une infraction criminelle.

[307] Le résumé des faits non daté des Affaires internes confirme que le fonctionnaire n’avait aucune condamnation criminelle au dossier en avril 2012 et que les événements de 2004 et de 2005 avaient été réglés par l’engagement de ne pas troubler l’ordre public.

[308] On a demandé au fonctionnaire s’il avait avisé ses gestionnaires de l’accusation de 2004. Il a indiqué qu’il l’avait fait, qu’il était [traduction] « un livre ouvert » et transparent et que ses collègues étaient au courant de ce qui se passait.

[309] À l’audience devant moi, Mme Jensen n’a pu se rappeler si le fonctionnaire lui avait parlé des événements de 2004 et 2005. M. George a déclaré qu’il ne pouvait se rappeler si le fonctionnaire avait utilisé le mot [traduction] « accusation », mais il se souvenait des conversations avec lui. Il s’est rappelé que le fonctionnaire avait dit que son ancienne conjointe avait tenté de lui enlever ses enfants, que la police avait été appelée et que de fausses accusations avaient été portées contre lui en vertu du paragraphe 810(1) du Code criminel. M. George s’est rappelé avoir conseillé au fonctionnaire d’embaucher un avocat.

[310] Pour ce qui est du pseudonyme, le fonctionnaire a dit à M. Dorff durant son entrevue du 8 août 2012 qu’il n’en avait jamais utilisé, y compris celui de P***.

[311] Le 9 décembre 2012, Mmes Singh et Labelle se sont rencontrées et ont décidé de fermer le dossier des Affaires internes, puisque les allégations n’étaient pas fondées.

[312] Le fonctionnaire n’était pas tenu en vertu de la version du 22 février 2001 du Code de déontologie et de conduite de l’Agence d’aviser ses gestionnaires des allégations de 2004 formulées contre lui en vertu du paragraphe 810(1) du Code criminel puisqu’il n’était pas [traduction] « […] accusé pour une violation liée à [ses] fonctions officielles […] [le passage en évidence l’est dans l’original]. Néanmoins, la preuve établit qu’il a dit à son superviseur qu’il avait eu des problèmes juridiques au sujet de son ancienne conjointe. Pour ce qui est de la question qui le concernait directement en 2004 et en 2005, le rapport d’enquête des Affaires internes du 8 avril 2013 a donc conclu à tort qu’il avait [traduction] « […] omis de signaler à la direction qu’il était accusé d’une infraction criminelle […] ».

[313] De plus, le rapport d’enquête des Affaires internes, qui constituait le fondement de la demande de révision de la côte de fiabilité du fonctionnaire, indiquait qu’un pseudonyme [traduction] « […] n’était pas créé à la suite du dépôt d’un cautionnement » et a conclu qu’il régnait de [traduction] « […] l’incertitude entourant le pseudonyme […] ».

[314] Mme Singh a admis qu’elle n’a fait aucun effort pour communiquer avec M. P*** afin de confirmer qu’il était un membre de la famille éloigné du fonctionnaire ou que des accusations criminelles avaient été déposées en 2003 contre M. P*** et non contre le fonctionnaire. Lorsqu’elle a témoigné, elle était confuse et n’a pas reconnu que le pseudonyme P*** n’était plus associé au nom du fonctionnaire.

[315] Ainsi, le 8 avril 2013, les Affaires internes ont conclu à tort que le fonctionnaire avait omis d’informer l’employeur des accusations criminelles et ont suggéré à tort qu’il ne pouvait pas préciser s’il avait utilisé le pseudonyme P***. Elles ont déclaré qu’étant donné l’incertitude concernant le pseudonyme, sa cote de fiabilité devrait être révisée. Le rapport se concluait comme suit :

[Traduction]

En raison de l’incertitude concernant le pseudonyme, la Division des affaires internes et du contrôle de la fraude recommande une révision de la cote de sécurité [sic] de M. Jassar. Une copie de la présente note de service sera placée dans le dossier d’enquête de sécurité sur le personnel de M. Jassar pour indiquer qu’il existe des renseignements défavorables connus à son sujet.

 

[316] Par conséquent, l’Agence a entrepris le processus de révision de la cote de fiabilité en fonction d’un pseudonyme allégué.

[317] Le fonctionnaire a pris des mesures pour que le site Web de la Cour provinciale de la C.-B. apporte une correction afin de supprimer le pseudonyme P*** associé à son nom, ce dont était au courant l’employeur.

[318] À l’été 2014, le site Web Court Services Online de la C.-B. a été corrigé afin de supprime le pseudonyme P*** erroné associé au nom du fonctionnaire.

[319] Le 27 mai 2014, l’employeur a conclu que le pseudonyme P*** n’était plus associé au nom du fonctionnaire dans le site Web Court Services Online de la C.-B. Cette information a été communiquée à Mme Colbourne, qui était présente tout au long de l’audience devant moi, mais qui n’a jamais témoigné.

[320] Le 18 septembre 2014, M. Mahil, pour le compte du fonctionnaire, a transmis à Mme Colbourne un courriel de M. Duerr mentionnant que la Cour de Surrey avait indiqué qu’une association erronée entre le pseudonyme P*** et le nom du fonctionnaire avait été corrigée, un élément que l’employeur connaissait depuis la fin du mois de mai 2014.

[321] Un examen subséquent du site Web de la Cour provinciale de la C.-B. le 5 octobre 2016 a confirmé que le pseudonyme P*** n’était plus associé au nom du fonctionnaire.

[322] Malgré le fait qu’il était au courant depuis le 27 mai 2014 que le pseudonyme P*** n’était plus associé au nom du fonctionnaire dans le site Web Court Services Online de la C.-B., l’employeur a maintenu à l’audience devant moi ses allégations selon lesquelles le fonctionnaire avait été accusé d’une infraction criminelle sous son nom et qu’il avait omis de signaler cette information à la direction à l’époque.

[323] Dans ses observations, le fonctionnaire a énuméré une quantité importante de renseignements inexacts dans le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité et dans la lettre de révocation et de licenciement. Je souscris à son argument.

[324] En particulier, durant l’entrevue du 17 juillet 2013, M. Hugh a mal interprété la déclaration du fonctionnaire et l’a prise pour une admission selon laquelle des accusations de 2004 sous le pseudonyme avaient été déposées contre lui. M. Hugh a mal interprété la réponse du fonctionnaire malgré ce qui suit :

- Le fonctionnaire a fourni deux explications vraisemblables de la raison pour laquelle son nom avait été associé à celui de M. P*** dans le site Web de la Cour provinciale de la C.-B.

 

- Il avait dit qu’il avait demandé à son avocat de faire retirer le pseudonyme parce qu’il était incorrect.

 

- Il avait dit qu’il était surpris par le pseudonyme parce qu’il devait subir des vérifications du casier judiciaire deux fois par année et que le nom n’était jamais ressorti.

 

[325] M. Hugh a conclu à tort dans le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013, que les [traduction] « […] propres déclarations [du fonctionnaire] confirment que les accusations visant le pseudonyme le concernaient […] ». Ce rapport a conclu à tort que [traduction] « [l]e défaut de signaler les accusations criminelles démontre le non-respect de la politique de l’ARC et, plus important, un mauvais jugement de la part de Sukhbir Jassar ». Il a aussi faussement conclu que le fonctionnaire avait tenté de dissimuler les accusations criminelles portées contre lui en 2003 et en 2004.

2. Violation alléguée de la « Directive sur la surveillance de l’utilisation du réseau électronique » de l’Agence
a. Preuve

[326] La preuve liée à cet incident et mes conclusions de fait à son égard ont été mentionnées plus tôt dans la présente décision. Le 29 avril 2013, le fonctionnaire s’est vu imposer une suspension disciplinaire d’un jour, à purger le 30 avril 2013, pour avoir envoyé un courriel de plaisanterie en utilisant l’ordinateur d’un collègue le 21 décembre 2012, et il a assumé la responsabilité de son action.

[327] L’employeur a appelé MM. Hugh et Butler pour témoigner sur cette allégation formulée contre le fonctionnaire.

[328] M. Hugh a reconnu qu’il avait invoqué en partie les renseignements suivants du rapport d’enquête des Affaires internes du 8 avril 2013 lorsqu’il a conclu, le 21 août 2013, que l’employeur ne pouvait plus faire confiance au fonctionnaire. En particulier, il a écrit ce qui suit dans son rapport :

[Traduction]

[…]

- Le 21 décembre 2012, Sukhbir Jassar a enfreint la Directive sur la surveillance de l’utilisation du réseau électronique de l’ARC lorsqu’il a utilisé le compte de courriel d’un collègue pour envoyer un courriel à un autre collègue.

[…]

 

[329] Puisque la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire et le licenciement qui a suivi ont été imposés par le risque qu’il aurait posé pour l’Agence, il est nécessaire d’examiner comment ce risque été présenté dans le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013. Ce rapport se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Analyse

Risque pour l’ARC

[…]

Sukhbir Jassar a aussi fait preuve d’un mauvais jugement en utilisant le compte de courriel d’un autre employé. Lorsqu’il a été interrogé, Sukhbir Jassar a déclaré qu’il voulait donner une leçon à l’employé pour ne pas avoir verrouillé son compte et il a dit qu’il s’agissait d’une plaisanterie. Cette conduite ne tient pas compte des valeurs essentielles de professionnalisme et d’intégrité de l’Agence. Cette violation de la Directive sur la surveillance de l’utilisation du réseau électronique ne tient pas compte de l’image ou de la réputation dont l’Agence fait la promotion. Tous les employés sont liés par ces directives; toutefois, en tant qu’employé de la technologie de l’information (TI), Sukhbir Jassar devrait en promouvoir le respect et non la contravention.

[…]

Dans ce cas, Sukhbir Jassar a, à tout le moins, continué de démontrer qu’il a fait preuve d’un mauvais jugement, qu’il n’est pas crédible et qu’il est loin d’être fiable. Cela expose la réputation de l’Agence à des risques.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[330] Il s’est conclu en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Conclusion

[…]

Sukhbir Jassar a exprimé quelques remords au sujet des événements qui sont survenus; toutefois, il n’avait pas démontré auparavant la capacité de modifier ses gestes ou son comportement […].

[…]

Sukhbir Jassar n’est pas franc ou on ne peut lui faire confiance pour comprendre et respecter les politiques et les directives en matière de sécurité ni le Code de déontologie et de conduite qui vise deux manquements à la sécurité […].

[…]

Pour ces raisons, nous recommandons que la cote de fiabilité de Sukhbir Jassar soit révoquée.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[331] M. Butler considérait que le comportement d’un employé devenait un problème grave lorsqu’il créait un risque pour l’Agence. En ce qui concerne le manquement à la sécurité, il s’en est remis aux renseignements du rapport d’enquête des Affaires internes du 8 avril 2013 et du Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013 pour conclure que le comportement du fonctionnaire avait créé un risque pour l’Agence.

b. Conclusions de fait

[332] Mes conclusions de fait en ce qui concerne cet incident ont été mentionnées plus tôt dans la présente décision.

[333] Dans ses observations, le fonctionnaire a énuméré une quantité importante de renseignements inexacts dans le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité et dans la lettre de révocation et de licenciement. Je souscris à son argument. Par exemple, lorsque M. Hugh a transcrit dans le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013 les réponses du fonctionnaire de l’entrevue du 17 juillet 2013, il a noté que le fonctionnaire avait indiqué qu’il regrettait ses actions. Toutefois, M. Hugh a ensuite déclaré à tort dans la conclusion du Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité ce qui suit : [traduction] « Tout au long de l’entrevue, Sukhbir Jassar a omis d’admettre la responsabilité de ses actions, il n’a pas démontré de remords et il n’a pas indiqué que son comportement serait corrigé à l’avenir. » En contre-interrogatoire, M. Hugh a reconnu que le fonctionnaire avait démontré des remords pour ses actions à l’entrevue du 17 juillet 2013. Cependant, les remords du fonctionnaire ne se sont vu accorder aucun poids ou ont été écartés.

[334] En fait, la preuve a démontré que le fonctionnaire regrettait d’avoir envoyé le courriel de plaisanterie et qu’il s’est en fait excusé auprès du collègue dont il avait utilisé le compte de courriel.

[335] M. Hugh a conclu comme suit que le courriel de plaisanterie du fonctionnaire avait nui à l’image et à la réputation de l’Agence : [traduction] « Cette violation de la Directive sur la surveillance de l’utilisation du réseau électronique ne tient pas compte de l’image ou de la réputation que l’Agence promeut […] » Toutefois, le fonctionnaire a soutenu que le risque pour la réputation de l’Agence n’est pas un critère à utiliser pour évaluer la cote de fiabilité d’une personne. Je souscris à son argument. M. Hugh devait utiliser les critères de fiabilité précis provenant du document d’orientation de l’Agence fourni par M. Trottier à M. Dorff le 19 avril 2013.

3. Violation alléguée de la « Politique sur la sécurité de l’environnement informatique de l’Agence »
a. Preuve

[336] J’ai mentionné plus tôt dans la présente décision la preuve liée à cet incident et mes conclusions de fait. Le 29 avril 2013, le fonctionnaire s’est vu imposer une suspension de 10 jours, à purger du 1er au 14 mai 2013, pour avoir installé et allumé un routeur sans fil le 11 janvier 2013 et pour l’avoir connecté au réseau de l’Agence. J’ai conclu que l’employeur n’avait pas établi que le fonctionnaire l’avait allumé. J’ai accepté que tout risque potentiel pour le réseau de l’Agence découlant de la connexion avec le routeur sans fil aurait été très minime et qu’aucun risque réel pour le réseau de l’Agence n’a été établi.

[337] L’employeur a notamment appelé MM. Hugh et Butler pour témoigner sur cette allégation formulée contre le fonctionnaire.

[338] M. Hugh a reconnu qu’il avait invoqué en partie les renseignements du rapport d’enquête des Affaires internes du 8 avril 2013 lorsqu’il a conclu, le 21 août 2013, que l’employeur ne pouvait plus faire confiance au fonctionnaire. En particulier, il a écrit ce qui suit dans son rapport :

[Traduction]

[…]

- Le 11 janvier 2013, Sukhbir Jassar a enfreint la Politique sur la sécurité de l’environnement informatique de l’ARC lorsqu’il a connecté un routeur sans fil réseau de l’ARC pendant environ 30 minutes.

[…]

 

[339] Puisque la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire et le licenciement qui a suivi ont été imposés par le risque qu’il aurait posé pour l’Agence, il est nécessaire d’examiner comment ce risque a été présenté dans le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013. Ce rapport se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Analyse

Risque pour l’ARC

[…]

Encore une fois, Sukhbir Jassar a fait preuve d’un fort mauvais jugement lorsqu’il a connecté un routeur sans fil au réseau de l’ARC. Sa tentative de donner suite à une demande d’installation d’une connexion au réseau pour un client a entraîné la possibilité de compromission des systèmes informatiques de l’ARC. Le rapport d’enquête des Affaires internes a indiqué que le risque était minime; cependant, lorsqu’il a été interrogé sur l’incident, Sukhbir Jassar a déclaré qu’il n’avait jamais connecté l’appareil. Sa prétention contredit les conclusions du Centre de protection de la technologie de l’information, Services partagés Canada, et de l’employé qui a été témoin de l’incident. Le rapport d’enquête a conclu que Sukhbir Jassar a réellement connecté le routeur sans fil. Même si la violation de la Politique sur la sécurité de l’environnement informatique est une préoccupation pour l’Agence, il est troublant de constater que Sukhbir Jassar a menti en disant qu’il n’avait pas connecté l’appareil. Cela démontre un manque de crédibilité et indique que l’employé est loin d’être fiable.

[…]

Dans ce cas, Sukhbir Jassar a, à tout le moins, continué de démontrer qu’il a fait preuve d’un mauvais jugement, qu’il n’est pas crédible et qu’il est loin d’être fiable. Cela expose la réputation de l’Agence à des risques.

[…]

[Le passage en caractères gras l’est dans l’original]

[Je mets en évidence]

 

[340] Il s’est conclu en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Conclusion

[…]

Sukhbir Jassar a exprimé quelques remords au sujet des événements qui sont survenus; toutefois, il n’avait pas démontré auparavant la capacité de modifier ses gestes ou son comportement […].

Sukhbir Jassar n’est pas franc ou on ne peut lui faire confiance pour comprendre et respecter les politiques et les directives en matière de sécurité ni le Code de déontologie et de conduite qui vise deux manquements à la sécurité. Durant l’entrevue préventive, il a soutenu qu’à sa connaissance il n’avait pas connecté le routeur malgré avoir reçu une preuve claire du contraire, mais il a aussi déclaré qu’il regrettait d’avoir posé ce geste et il ne savait pas que cela constituait un manquement à la sécurité malgré qu’il venait de revenir au travail après un plan d’action mettant précisément en évidence le Code de déontologie et de conduite et la Politique sur la surveillance de l’utilisation du réseau électronique de l’ARC.

[…]

Pour ces raisons, nous recommandons que la cote de fiabilité de Sukhbir Jassar soit révoquée.

[…]

[Le passage en caractères gras l’est dans l’original]

 

[341] Dans ce rapport, M. Hugh a déclaré que le fonctionnaire avait démontré des remords trop tard dans le processus, ce qui a eu une incidence sur la réputation de l’Agence. En contre-interrogatoire, M. Hugh a reconnu que le fonctionnaire avait démontré des remords pour ses actions à l’entrevue du 17 juillet 2013. Cependant, ses remords ne se sont vu accorder aucun poids ou ont été écartés.

[342] En fait, la preuve a démontré que le fonctionnaire avait dit à M. Hugh qu’il regrettait que le routeur avait été connecté au réseau de l’Agence et que toute connexion avait été un accident. Il a présenté ses excuses, il a dit qu’il se sentait très mal de ce qui était arrivé et a déclaré qu’il n’avait pas eu l’intention de violer le protocole ou de nuire à quiconque ou au réseau.

[343] À l’audience devant moi, M. Butler a déclaré qu’en raison de l’incident relatif au routeur, il croyait qu’il y avait une cause raisonnable de croire que le fonctionnaire pouvait ne pas protéger les renseignements de l’Agence. Il savait que le fonctionnaire avait déjà fait l’objet d’une mesure disciplinaire pour cet incident.

[344] M. Butler considérait que le comportement d’un employé devenait un problème grave lorsqu’il créait un risque pour l’Agence. En ce qui concerne ce manquement à la sécurité, il s’en est remis aux renseignements du rapport d’enquête des Affaires internes du 8 avril 2013 et du Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013 pour conclure que le comportement du fonctionnaire avait créé un risque pour l’Agence. Il a considéré que l’incident relatif au routeur était grave, mais il ne savait pas que les experts de la TI, MM. Robinson et Forget, avaient respectivement qualifié le risque pour l’Agence de [traduction] « minime » ou de [traduction] « très minime ». Il ne savait pas non plus que le document Atteinte à la protection des renseignements – Outil d’évaluation des risques préparé par Mme Accettura indiquait que la répercussion possible sur l’Agence était une [traduction] « faible incidence », ce qui a été décrit ainsi : [traduction] « une compromission non réellement susceptible de causer des dommages ».

b. Conclusions de fait

[345] Plus tôt dans la présente décision, j’ai indiqué mes conclusions de fait en ce qui concerne cet incident.

[346] Dans ses observations, le fonctionnaire a énuméré une quantité importante de renseignements inexacts dans le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité et dans la lettre de révocation et de licenciement. Je souscris à son argument. En particulier, M. Hugh a transcrit dans le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013 les réponses du fonctionnaire de l’entrevue du 17 juillet 2013, notant qu’il avait indiqué qu’il ne savait pas si le routeur avait été connecté au réseau de l’Agence et qu’il regrettait que cela se soit produit. M. Hugh a déclaré à tort dans la conclusion du Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité ce qui suit : [traduction] « Tout au long de l’entrevue, Sukhbir Jassar a omis d’admettre la responsabilité de ses actions, il n’a pas démontré de remords et n’a pas indiqué que son comportement serait corrigé à l’avenir. »

[347] M. Hugh a conclu dans son rapport que le fonctionnaire avait connecté le routeur [traduction] « […] malgré qu’il venait de revenir au travail après un plan d’action mettant précisément en évidence le Code de déontologie et de conduite et la Politique sur la surveillance de l’utilisation du réseau électronique de l’ARC ». Comme le fonctionnaire l’a souligné, M. Hugh a fait une erreur en renvoyant à cette politique. Le plan d’action que M. Hugh a mentionné visait le courriel de plaisanterie du 21 décembre 2012 et la Directive sur la surveillance de l’utilisation du réseau électronique. Dans la lettre de suspension de 10 jours concernant l’incident relatif au routeur, l’employeur s’est appuyé sur la Politique sur la sécurité de l’environnement informatique.

[348] Au soutien de la prétention selon laquelle le fonctionnaire a fait preuve d’un mauvais jugement, M. Hugh a renvoyé à la brève connexion du routeur au réseau de l’Agence. Toutefois, il ne faisait que reprendre de faux renseignements du rapport d’enquête des Affaires internes du 8 avril 2013 selon lesquels des employés avaient vu que le fonctionnaire avait connecté le routeur. Aucun des témoins de l’employeur n’a pu dire qu’il ou elle l’a vu le connecter au réseau de l’Agence.

[349] M. Hugh a aussi dit que durant l’entrevue du 17 août 2013, il avait présenté au fonctionnaire [traduction] « […] une preuve claire indiquant qu’il avait connecté le routeur au réseau […] ». Il a montré l’enregistrement du journal pris le 11 janvier 2013, ce qui suggère que la connexion a été faite à 14 h 10 min 1 s, puisque son numéro d’identification unique apparaît dans le journal et qu’il a reçu un bail d’adresse IP, mais il n’indique pas qui a connecté le routeur au réseau. Les notes de M. Hugh sont donc trompeuses.

[350] De plus, M. Hugh a invoqué les conclusions du rapport d’enquête des Affaires internes du 8 avril 2013 pour conclure qu’il y avait un risque en matière de sécurité pour l’Agence. Toutefois, beaucoup de faits dans ce rapport sont inexacts.

[351] Enfin, M. Butler a indiqué que l’incident relatif au routeur établissait le défaut du fonctionnaire de protéger les renseignements de l’Agence, mais il n’a pas indiqué que le fonctionnaire était soupçonné de voler des objets de valeur de l’Agence, d’exploiter des biens et de l’information pour un gain personnel.

4. Accusations criminelles de désobéissance à une ordonnance du tribunal, d’entrave ou de résistance à un agent de la paix et omission de signaler des accusations criminelles à la direction en 2012
a. Preuve

[352] L’employeur a appelé plusieurs témoins pour témoigner sur ces incidents. Il s’agissait de Mme Singh et de MM. Dorff, Hugh et Butler.

[353] Le fonctionnaire a également témoigné.

[354] Le fonctionnaire a participé à d’autres procédures en vertu du Code criminel en août 2012, encore une fois avec son ancienne conjointe. Le 1er août ou avant (la date n’est pas claire selon la preuve), une ordonnance de garde a été rendue en ce qui concerne ses enfants. Selon son témoignage, à cette même date, ses enfants sont partis de la maison de son ancienne conjointe après une dispute. Pendant un certain temps, lui‑même et son ancienne conjointe n’ont pas pu les trouver. Il les a trouvés plus tard chez un ami. Son ancienne conjointe a appelé la police et a soutenu qu’il les avait amenés avec lui sans consentement.

[355] Le 3 août 2012, le fonctionnaire a signé une Promesse remise à un agent de la paix ou à un fonctionnaire responsable qui comprenait les conditions de s’abstenir de communiquer avec ses enfants et de se présenter à un surveillant de liberté sous caution. Le 17 août 2012, elle a été modifiée pour lui permettre de communiquer avec ses enfants conformément à une ordonnance d’accès rendue par un tribunal de la famille.

[356] Le 8 août 2012, M. Dorff a interrogé le fonctionnaire afin de préciser [traduction] « […] [sa] conduite en dehors des heures de travail pour déterminer si [sa] situation personnelle avait une incidence sur [son] emploi auprès de l’ARC […] ». Le fonctionnaire a déclaré qu’il y avait eu un incident en 2004 concernant des questions familiales au sujet de la garde de ses enfants et ce que ces questions familiales étaient devant le tribunal le 8 août 2012. Un extrait des notes de la direction prises à l’entrevue du 8 août 2012 indique que le fonctionnaire avait signalé ce qui suit, entre autres choses, à M. Dorff :

[Traduction]

[…]

[…] Il y a eu un incident en 2004 avec mon [ancienne conjointe] […] [L’ancienne conjointe du fonctionnaire] a tenté de déposer des accusations pour avoir le contrôle des questions familiales avec les enfants. Cette question est en ce moment devant les tribunaux et je ne peux discuter des détails. Mon avocate m’a dit que je commettrais un outrage au tribunal […]

[…]

[Je mets en évidence]

 

[357] Le 18 septembre 2012, la police a déposé contre le fonctionnaire une accusation d’avoir désobéi à une ordonnance légale donnée par un tribunal, en vertu de l’article 127 du Code criminel, et une autre accusation d’avoir volontairement entravé un agent de la paix, en vertu de l’alinéa 129a) du Code criminel.

[358] Le 13 novembre 2012, la Promesse remise à un agent de la paix ou à un fonctionnaire responsable a de nouveau été modifiée. Le fonctionnaire n’était plus tenu de se présenter à un surveillant de liberté sous caution.

[359] On a demandé au fonctionnaire si l’incident qui est survenu le 1er août 2012 ou avant était lié à ses fonctions officielles. Il a répondu : [traduction] « Non, pas du tout. » De plus, selon sa compréhension, étant donné qu’il avait signé une Promesse remise à un agent de la paix ou à un fonctionnaire responsable, il n’était plus accusé d’infractions criminelles en ce qui concerne l’incident.

[360] Le 9 décembre 2012, lorsque Mme Singh a informé M. Dorff que les Affaires internes fermeraient le dossier sur les allégations de 2004 de crainte qu’une autre personne cause des lésions personnelles ou n’endommage une propriété en vertu du paragraphe 810(1) du Code criminel et d’utilisation d’un pseudonyme parce qu’il n’était pas fondé, il lui a demandé si elle avait vu que deux [traduction] « autres accusations » avaient été déposées contre le fonctionnaire. Elle lui a répondu qu’elle ne l’avait pas vu.

[361] Le 12 décembre 2012, M. Dorff a envoyé à Mme Singh les renseignements sur les deux accusations de 2012 portées contre le fonctionnaire en ce qui concerne l’ordonnance de garde. Mme Singh a examiné l’information dans le site Web Court Services Online de la C.-B. Elle a indiqué dans une note que [traduction] « les accusations étaient pour avoir volontairement entravé un agent de la paix ou lui avoir résisté et pour avoir désobéi à une ordonnance du tribunal ».

[362] Le 9 janvier 2013, Mme Singh a parlé à M. Dorff. Elle a expliqué que les Affaires internes prévoyaient [traduction] « attendre les documents de la cour avant de savoir quoi faire […] ». Elle a noté que [traduction] « […] « [M. Dorff] cherchait aussi un avis sur ce qu’il fallait faire du [fonctionnaire] puisque son récit était plutôt inégal […] ».

[363] Le 10 janvier 2013, Mme Singh a appelé au quartier général du service de police de Delta au sujet des nouvelles accusations qui avaient été portées contre le fonctionnaire en 2012. Elle a appris le nom de l’agent d’enquête avec qui elle a eu une conversation. Il l’a informée de ce qui suit, selon sa note :

[Traduction]

[…]

Il a ensuite précisé que M. Jassar avait été informé d’une ordonnance du tribunal, probablement l’ordonnance de garde pour ses enfants. Lorsque la police a quitté la résidence de son ancienne [conjointe], ses enfants sont partis de la maison et ont rejoint M. Jassar à un endroit prédéterminé. De là, il a confié ses enfants à sa conjointe actuelle et [la conjointe actuelle du fonctionnaire] les a remis à [un ami]. [L’ami de la conjointe actuelle du fonctionnaire] a caché les enfants pendant sept heures, alors que la police tentait de les trouver. C’est la raison pour laquelle il a été accusé d’entrave.

[…]

 

[364] Aucun élément de preuve corroborant n’a été présenté à l’audience devant moi pour établir l’exactitude du résumé oral que Mme Singh a obtenu de l’agent. On a demandé au fonctionnaire si l’agent lui avait parlé. Il a répondu par la négative.

[365] Le rapport d’enquête des Affaires internes du 8 avril 2013, que Mme Singh a rédigé, confirme que les accusations criminelles déposées contre le fonctionnaire en 2012 n’étaient pas liées à ses fonctions officielles. En fait, le rapport contenait les conclusions suivantes en ce qui concerne l’utilisation de ses congés et ses inscriptions de présence en 2012 et en 2013 : [traduction] « Durant une conversation avec l’enquêteur responsable du service de police de Delta le 10 janvier 2013, [les Affaires internes ont] confirmé que les accusations étaient liées à des questions familiales concernant son ancienne conjointe et ses enfants. »

[366] Le 22 janvier 2013, la direction a rencontré Mme Singh. Comme il est indiqué dans un document d’information préparé par M. Cultum, la rencontre avait pour but [traduction] « […] de prendre des mesures pour préciser les questions, les personnes qui participaient à l’enquête sur chacune d’elles et l’étape où elles en étaient rendues ». Le document d’information indique également ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Objectif

[…]

Il est devenu évident dès le début de la discussion qu’Isha [Affaires internes] croyait qu’elle-même et le gestionnaire (Denis Maurice) étaient en mesure de donner des conseils à la direction sur la façon d’établir une cause contre [le fonctionnaire], des stratégies à suivre et un plan d’action, y compris le niveau de la mesure disciplinaire à imposer.

[…]

Contexte

M. Jassar a fait l’objet d’une enquête des [Affaires internes] pour des cas liés à des accusations de violation d’une ordonnance du tribunal et d’entrave à un agent de police. [Les Affaires internes mènent] actuellement leur enquête et [ont] découvert qu’il n’y avait pas de lien avec le lieu de travail puisque les cas étaient de nature conjugale et n’avaient pas d’effet sur ses capacités à accomplir son travail.

[…]

[Les passages en caractères gras le sont dans l’original]

[Je mets en évidence]

 

[367] M. Hugh a reconnu qu’il avait invoqué en partie les renseignements suivants du rapport d’enquête des Affaires internes du 8 avril 2013 lorsqu’il a conclu, le 21 août 2013, que l’employeur ne pouvait plus faire confiance au fonctionnaire. En particulier, il a écrit ce qui suit dans son rapport :

[Traduction]

[…]

Durant l’enquête, on a découvert que d’autres accusations visaient Sukhbir Jassar. Le 1er août 2012, il a été accusé d’avoir désobéi à une ordonnance du tribunal et d’avoir volontairement entravé un agent de la paix ou de lui avoir résisté.

[…]

 

[368] Puisque la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire et le licenciement qui a suivi ont été imposés par le risque qu’il aurait posé pour l’Agence, il est nécessaire d’examiner comment ce risque a été présenté dans le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013, qui se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Analyse

Risque pour l’ARC

[…]

Le 1er août 2012, Sukhbir Jassar a été accusé d’avoir désobéi à une ordonnance du tribunal et d’avoir volontairement entravé un agent de la paix ou de lui avoir résisté. Les Affaires internes ont communiqué avec la police de Delta qui a confirmé que les accusations étaient liées à des questions familiales concernant son ancienne conjointe et ses enfants. Il existe une tendance de comportement qui a mené au dépôt de nombreuses accusations criminelles contre Sukhbir Jassar […]. Cette tendance démontre que l’employé n’est pas en mesure de changer le comportement qui a mené au dépôt d’accusations criminelles et a mis la réputation de l’Agence à risque.

[…]

Dans ce cas, Sukhbir Jassar a, à tout le moins, continué de démontrer qu’il a fait preuve d’un mauvais jugement, qu’il n’est pas crédible et qu’il est loin d’être fiable. Cela expose la réputation de l’Agence à des risques.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[369] Il s’est conclu en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Conclusion

[…]

Sukhbir Jassar a exprimé quelques remords au sujet des événements qui sont survenus; toutefois, il n’a pas démontré auparavant la capacité de modifier ses gestes ou son comportement. Il s’est retrouvé à tout le moins accusé d’infractions criminelles à deux occasions […]. Ce facteur seul a une incidence négative sur la réputation de l’Agence et, à l’avenir, elle ne peut pas expliquer pourquoi une telle personne serait toujours à son emploi.

Après toutes les accusations et les nombreuses entrevues sur le sujet avec la direction, Sukhbir Jassar a pris des mesures pour tenter de dissimuler ces renseignements à son employeur. Le rapport d’enquête a conclu qu’il n’a pas signalé ces infractions. Pas plus tard que le 1er août 2012, il y a de nouveau été accusé et il a omis de le signaler à son employeur […] Ses actions démontrent son manque de crédibilité et le fait qu’on ne peut être convaincu qu’il fera preuve de franchise avec son employeur.

[…]

Pour ces raisons, nous recommandons que la cote de fiabilité de Sukhbir Jassar soit révoquée.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[370] Lorsque M. Dorff a témoigné, il a exprimé son opinion selon laquelle le Code de déontologie et de conduite de l’Agence est clair. Les accusations criminelles déposées contre le fonctionnaire représentaient une excellente raison pour révoquer sa cote de fiabilité. Il a insisté pour dire qu’à cause de la contradiction – le fonctionnaire a répété qu’aucune accusation ne le visait (de 2004 et de 2005) en août 2012, mais de nouvelles accusations avaient été déposées contre lui en septembre 2012 – il avait perdu confiance en lui. Il a mis en évidence le fait que le fonctionnaire ne l’avait pas convaincu qu’il était franc, ce qui témoignait de sa moralité. M. Dorff ne se rappelait pas que, le 8 août 2012, le fonctionnaire lui avait dit que les questions concernant son ancienne conjointe étaient alors devant les tribunaux et qu’il comprenait qu’il ne pouvait pas discuter des détails, sur les conseils de son avocate. À cette époque, M. Dorff n’avait pas interrogé le fonctionnaire à ce sujet.

[371] À l’audience devant moi, M. Butler a expliqué qu’il comprenait que le fonctionnaire avait été accusé de plusieurs infractions, y compris pour avoir désobéi à une ordonnance du tribunal et pour avoir volontairement entravé un agent de la paix le 1er août 2012. M. Butler a reconnu qu’il ne savait pas si le fonctionnaire avait été reconnu coupable d’une infraction en 2012. À son avis, les accusations elles-mêmes suffisaient pour justifier son licenciement.

b. Conclusions de fait

[372] L’employeur soutient que la question n’est pas celle de savoir si les accusations déposées contre le fonctionnaire le 18 septembre 2012 concernaient ses fonctions officielles, mais celle de savoir si l’employeur avait des raisons valables pour entreprendre une révision de sa cote de fiabilité. L’employeur fait valoir qu’il n’a pas dit la vérité et qu’il n’a pas informé la direction des nouvelles accusations. Il avait ainsi des raisons valables pour entreprendre la révision de sa cote de fiabilité.

[373] Le fonctionnaire soutient qu’aucune des accusations déposées contre lui le 18 septembre 2012 ne concernait ses fonctions officielles. Les accusations déposées par un agent de liaison avec la cour concernaient deux incidents connexes qui ont eu lieu le 1er août 2012, ou vers cette date, qui étaient des violations alléguées du Code criminel pour avoir désobéi à une ordonnance légale donnée par un tribunal à cette date et pour avoir volontairement entravé un agent de la paix. L’ordonnance du tribunal était une ordonnance de garde visant les enfants du fonctionnaire. Aucune des violations alléguées ne concernait ses fonctions officielles.

[374] Le fonctionnaire ajoute que l’employeur est venu à la conclusion selon laquelle les accusations déposées en 2012 n’avaient rien à voir avec ses fonctions officielles. Un document d’information préparé par M. Cultum le 22 janvier 2013 indique ce qui suit : [traduction] « […] [Les Affaires internes] mènent actuellement [leur] enquête et [ont] découvert qu’il n’y avait pas de lien avec le lieu de travail puisque les cas étaient de nature conjugale et n’avaient pas d’effet sur ses capacités à accomplir son travail. »

[375] Le fonctionnaire soutient également que le litige de garde d’août 2012 est survenu presque huit ans après les événements de 2004 qui ont mené à la signature d’un engagement de ne pas troubler l’ordre public de 2005. Le fait de suggérer que ces événements établissent l’existence d’une tendance de comportement douteux est tout simplement absurde; voir Canadian Merchant Service Guild, au par. 89. Plutôt que de reconnaître que des événements séparés par un délai de presque huit ans indiquent clairement qu’aucune tendance de comportement douteux n’a eu lieu, M. Hugh a tiré la conclusion opposée dans le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013, déclarant que le fait que [traduction] « […] deux accusations criminelles s’étendent sur une décennie […] » démontrait une tendance de comportement douteux sur cette période malgré l’écart de presque huit ans.

[376] Je conclus que le fonctionnaire a mentionné que des questions familiales étaient devant le tribunal dans son entrevue du 8 août 2012 avec M. Dorff. M. Dorff n’a pas posé de questions à leur sujet, mais s’est concentré sur le pseudonyme P*** allégué et les questions concernant l’ancienne conjointe du fonctionnaire en 2004 et en 2005, qui avaient entraîné la signature d’un engagement de ne pas troubler l’ordre public.

[377] Le fonctionnaire a signé la Promesse remise à un agent de la paix ou à un agent responsable le 3 août 2012. Il a ensuite été accusé le 18 septembre 2012 d’avoir désobéi à une ordonnance du tribunal en ce qui concerne la garde de ses enfants et d’avoir volontairement entravé un agent de la paix.

[378] Le Code de déontologie et de conduite de l’Agence en vigueur à l’été 2012 était la version du 26 mars 2012. Sa section portant sur la « conduite en dehors du travail » exigeait que les employés de l’Agence signalent à leurs gestionnaires s’ils avaient été [traduction] « […] appréhendés, détenus ou accusés pour une violation du Code criminel, lorsque cette violation a une incidence sur leurs fonctions officielles […] ». La question était donc celle de savoir si [traduction] « la violation pouvait avoir une incidence » sur les fonctions d’analyste de la TI du fonctionnaire, puisqu’il travaillait en informatique et était un analyste de la TI. Je remarque que l’employeur n’a produit aucune preuve selon laquelle pendant la période pertinente, le fonctionnaire était au courant de l’existence de la version du 26 mars 2012 du Code de déontologie et de conduite de l’Agence ou de son contenu.

[379] Les Affaires internes ont conclu que les incidents du 1er août 2012 n’avaient pas de lien avec le lieu de travail puisque les [traduction] « cas étaient de nature conjugale et n’avaient pas d’effet sur [les] capacités [du fonctionnaire] à accomplir son travail ».

[380] Selon la version du 26 mars 2012 du Code de déontologie et de conduite de l’Agence, le fonctionnaire n’était pas tenu de signaler les accusations de 2012 à ses gestionnaires. Malgré cela, il a mentionné que des questions se trouvaient alors devant les tribunaux à son entrevue du 8 août 2012 avec M. Dorff, qui n’a pas approfondi la question.

[381] Dans ses observations, le fonctionnaire a énuméré une quantité importante de renseignements inexacts dans le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité et dans la lettre de révocation et de licenciement. Je souscris à son argument.

[382] En particulier, le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013 concluait à tort que le fonctionnaire avait omis de parler des accusations déposées en 2012, et M. Hugh a simplement supposé que le fonctionnaire était tenu de les signaler en vertu du Code de déontologie et de conduite de l’Agence, malgré la conclusion des Affaires internes selon laquelle [traduction] « […] il n’y avait pas de lien avec le lieu de travail puisque les cas étaient de nature conjugale et n’avaient pas d’effet sur ses capacités à accomplir son travail ».

[383] Dans ce rapport, M. Hugh a reconnu que les accusations concernaient des questions familiales visant l’ancienne conjointe et les enfants du fonctionnaire. Il a conclu à tort qu’elles avaient été déposées le 1er août 2012. Les documents judiciaires déposés à l’audience devant moi précisent que les accusations ont été déposées le 18 septembre 2012, en ce qui concerne un incident qui serait survenu le 1er août 2012.

[384] M. Hugh a aussi conclu à tort ce qui suit : [traduction] « [i]l existe une tendance de comportement qui a mené au dépôt de nombreuses accusations criminelles contre Sukhbir Jassar ainsi qu’un pseudonyme lié à lui […] ». Je conclus que le fonctionnaire n’a eu aucun comportement douteux en ce qui concerne les litiges de garde de 2004 et de 2012. Les questions de 2004 et de 2005 ont été réglées par la signature d’un engagement de ne pas troubler l’ordre public, sans condamnation criminelle. De plus, il n’a jamais été accusé d’une infraction criminelle sous le pseudonyme P***. Ainsi, les renseignements figurant dans le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013 indiquent à tort que [traduction] « […] [i]l existe une tendance de comportement qui a mené au dépôt de nombreuses accusations criminelles contre Sukhbir Jassar ainsi qu’un pseudonyme lié à lui, [P***] […] ».

[385] M. Hugh a aussi conclu dans le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013 que le comportement du fonctionnaire aux entrevues du 8 août 2012 et du 17 juillet 2013 [traduction] « avait une incidence négative sur la réputation de l’Agence ». Très franchement, je crois qu’il faut faire un gros effort d’imagination pour penser que les litiges de garde auxquels a participé le fonctionnaire ou les réponses qu’il a fournies aux entrevues pouvaient avoir un effet sur la réputation de l’employeur. Si l’employeur avait fait une enquête appropriée sur les faits, avait tenu compte des explications du fonctionnaire et avait tenté de comprendre la véritable nature de la procédure à laquelle il prenait part, il aurait réalisé à quel point cette conclusion était absurde. Je conclus qu’aucune personne raisonnable et éclairée, connaissant tous les faits, examinant la question de façon réaliste et pratique et y ayant réfléchi, n’aurait pensé que le comportement du fonctionnaire aux entrevues [traduction] « avait une incidence négative sur la réputation de l’Agence ».

5. Utilisation des congés, inscriptions de présence, contraventions alléguées au Code de déontologie et de conduite de l’Agence et « Politique sur le contrôle des fraudes internes »
a. Preuve

[386] J’ai mentionné plus tôt dans la présente décision la preuve liée à cet incident. Le 1er août 2013, le fonctionnaire a reçu une suspension de 20 jours, à purger du 2 au 30 août 2013, pour son utilisation des congés et ses inscriptions de présence en 2012 et en 2013.

[387] Je conclus que pour ce qui est de deux dates, le 19 septembre 2012 et le 27 novembre 2012, le fonctionnaire n’a pas pris de congé et ne s’est pas présenté à la cour.

[388] Je conclus également que pour ce qui est de trois dates en litige, le 17 août et le 13 novembre et une partie de la journée du 10 décembre 2012, la seule preuve présentée est que le fonctionnaire n’allait pas bien à ces dates, ce qui le rendait incapable d’accomplir ses fonctions. L’employeur aurait pu demander des certificats médicaux s’il ne croyait pas qu’il était incapable d’accomplir ses fonctions parce qu’il était parti de chez lui pour faire de brèves comparutions à la cour, ce qu’il n’a pas fait.

[389] Je conclus également qu’à deux occasions, le fonctionnaire a demandé un congé pour rendez-vous médical ou dentaire afin d’accompagner un membre de la famille au bureau du médecin, alors qu’il aurait dû plutôt demander un congé pour obligations familiales. Je conclus aussi que l’employeur n’a présenté aucune preuve démontrant qu’il a volontairement demandé le mauvais type de congé ou qu’il avait l’intention de retirer un avantage auquel il n’avait pas droit.

[390] L’employeur a appelé MM. Hugh et Butler pour témoigner sur ces allégations formulées contre le fonctionnaire.

[391] M. Hugh a reconnu qu’il avait invoqué en partie les renseignements du rapport d’enquête des Affaires internes du 8 avril 2013 lorsqu’il a conclu, le 21 août 2013, que l’employeur ne pouvait plus faire confiance au fonctionnaire. En particulier, il a écrit ce qui suit dans son rapport :

[Traduction]

[…]

Entre le 17 août 2012 et le 4 janvier 2013, il a été déterminé que Sukhbir Jassar a frauduleusement consigné des congés pendant sept (7) jours, desquels il a retiré un avantage personnel auquel il n’avait peut-être pas droit, ce qui contrevenait au Code de déontologie et de conduite et à la Politique sur le contrôle des fraudes internes. Dans six (6) de ces cas, Sukhbir Jassar a présenté des demandes de congé non attestées, a demandé des congés pour rendez‑vous médical ou dentaire ou n’a demandé aucun congé, alors que les documents judiciaires indiquaient qu’il a comparu personnellement en cour en ce qui concerne les accusations criminelles du 1er août 2012.

[…]

 

[392] Puisque la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire et le licenciement qui a suivi ont été imposés par le risque qu’il aurait posé pour l’Agence, il est nécessaire d’examiner comment ce risque a été présenté dans le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013. Ce rapport se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Analyse

Risque pour l’ARC

[…]

[…] le rapport d’enquête des Affaires internes a conclu que Sukhbir Jassar a frauduleusement présenté des demandes de congé (ou n’en a pas présenté) pour les périodes où il s’est présenté à la cour. Durant une rencontre le 30 janvier 2013 avec la direction de l’ARC, Sukhbir Jassar a admis s’être présenté à la cour durant les heures de travail; toutefois, dans trois (3) des sept (7) cas, il a produit un certificat médical où il soutenait avoir déposé sa conjointe à des rendez-vous. Le rapport d’enquête a conclu que les explications par Sukhbir Jassar de ses allées et venues étaient contradictoires, puisqu’il semblait être à la cour. La présentation de demandes de congé frauduleuses (et/ou le fait de ne pas signaler des absences) contrevient au Code de déontologie et de conduite et à la Politique sur le contrôle des fraudes internes de l’ARC. Cette action démontre que l’employé n’est pas fiable dans l’accomplissement de ses fonctions et constitue un autre exemple de son manque de franchise envers son employeur.

Dans ce cas, Sukhbir Jassar a, à tout le moins, continué de démontrer qu’il a fait preuve d’un mauvais jugement, qu’il n’est pas crédible et qu’il est loin d’être fiable. Cela expose la réputation l’Agence à des risques.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[393] Il se concluait comme suit :

[Traduction]

[…]

Conclusion

[…]

Sukhbir Jassar a exprimé quelques remords au sujet des événements qui sont survenus; toutefois, il n’avait pas démontré auparavant la capacité de modifier ses gestes ou son comportement […].

Après toutes les accusations et les nombreuses entrevues sur le sujet avec la direction, Sukhbir Jassar a pris des mesures pour tenter de dissimuler ces renseignements à son employeur […] de plus, rien n’indique qu’il a présenté des demandes de congé pour l’un des six (6) cas où il s’est présenté à la cour pendant les heures de travail, plutôt que de présenter d’autres registres de congé ou de ne pas présenter de congé du tout. Ses actions démontrent son manque de crédibilité et le fait qu’on ne peut être convaincu qu’il fera preuve de franchise avec son employeur.

[…]

Pour ces raisons, nous recommandons que la cote de fiabilité de Sukhbir Jassar soit révoquée.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[394] M. Butler considérait que le comportement d’un employé devenait un problème grave lorsqu’il créait un risque pour l’Agence. En ce qui concerne la fraude alléguée (l’utilisation des congés), il s’en est remis aux renseignements du rapport d’enquête des Affaires internes du 8 avril 2013 et du Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013 pour conclure que le comportement du fonctionnaire avait créé un risque pour l’Agence.

b. Conclusions de fait

[395] J’ai indiqué plus tôt dans la présente décision mes conclusions de fait en ce qui concerne cet incident.

[396] Dans ses observations, le fonctionnaire a énuméré une quantité importante de renseignements inexacts dans le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité et dans la lettre de révocation et de licenciement. Je souscris à son argument.

[397] En particulier, le rapport d’enquête des Affaires internes du 8 avril 2013 concluait que [traduction] « […] l’explication […] de ses allées et venues contredit les renseignements recueillis pendant l’enquête […] » puisque [traduction] « […] [les Affaires internes] ont conclu qu’il était présent en cour durant ces journées […] ». Ces conclusions étaient fondées sur des faits incorrects puisqu’elles ne tenaient pas compte du fait qu’il n’avait pas été présent à la cour à deux occasions.

[398] À l’entrevue du 17 juillet 2013, le fonctionnaire [traduction] « […] a déclaré qu’il avait fait une erreur et qu’il avait tenté d’accomplir des tâches multiples en faisant deux choses à la fois. Il a dit que ce n’était pas une bonne chose à faire et qu’il n’était pas fier de l’avoir fait […] ».

[399] Lorsque M. Hugh a transcrit dans le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013 les réponses du fonctionnaire de l’entrevue du 17 juillet 2013, il a noté que le fonctionnaire avait indiqué qu’il regrettait ses actions. Toutefois, M. Hugh a ensuite déclaré à tort dans la conclusion du Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité ce qui suit : [traduction] « Tout au long de l’entrevue, Sukhbir Jassar a omis d’admettre la responsabilité de ses actions, il n’a pas démontré de remords et n’a pas indiqué que son comportement serait corrigé à l’avenir. »

[400] Dans le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité, M. Hugh a aussi déclaré que le fonctionnaire avait démontré des remords trop tard dans le processus, ce qui a eu une incidence sur la réputation de l’Agence. En contre-interrogatoire, M. Hugh a reconnu que le fonctionnaire avait démontré des remords pour ses actions à l’entrevue du 17 juillet 2013. Cependant, ses remords ne se sont vu accorder aucun poids ou ont été écartés.

[401] En fait, la preuve démontre que le fonctionnaire a déclaré qu’il n’était pas fier d’être allé à la cour alors qu’il était en congé de maladie et qu’il avait fait une erreur. Il a aussi admis qu’il aurait dû prendre un congé différent lorsqu’il est allé à la cour ou a emmené un membre de la famille chez le médecin. Il a dit qu’il était désolé, qu’il avait fait trop de choses en même temps et qu’il reconnaissait qu’il avait manqué de jugement.

[402] Même si le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013 a conclu que le fonctionnaire avait frauduleusement présenté des demandes de congé ou n’en avait pas présenté pour des comparutions à la cour entre août 2012 et janvier 2013, il concluait à tort que ses actions étaient frauduleuses, qu’il avait contrevenu [traduction] « […] au Code de déontologie et de conduite et à la Politique sur le contrôle des fraudes internes de l’ARC […] » et que ses actions [traduction] « démontrent son manque de crédibilité et le fait qu’on ne peut être convaincu qu’il fera preuve de franchise avec son employeur […] ». Même s’il n’a pas choisi le bon code d’absence lorsqu’il a emmené un membre de la famille chez un médecin, cela ne démontrait pas qu’il avait l’intention de frauder l’employeur. À l’entrevue du 17 juillet 2013, il n’a pas tenté d’éluder les questions qui lui étaient posées au sujet de son utilisation des congés et des inscriptions de présence.

6. Processus de révision de la cote de fiabilité suivi par l’employeur ainsi que la révocation de la cote de fiabilité et le licenciement

[403] Je vais maintenant examiner la preuve concernant le processus suivi par l’employeur pour examiner la cote de fiabilité du fonctionnaire.

a. Preuve

[404] MM. Lafleur, Hugh, Dorff et Butler et Mme Jensen ont témoigné pour l’employeur au sujet de la révision de la cote de fiabilité du fonctionnaire, de la recommandation de la révoquer et de la décision de le licencier.

[405] Le fonctionnaire a témoigné pour son propre compte.

[406] M. Hugh a expliqué que le 8 avril 2013, les Affaires internes ont recommandé que la cote de fiabilité du fonctionnaire soit révisée. Il a aussi expliqué qu’en tant que directeur adjoint intérimaire, Services de sécurité, région du Pacifique, à l’Agence, il a été mandaté pour mener une évaluation du risque fondée sur les renseignements reçus des Affaires internes.

[407] Le fonctionnaire est retourné au travail après la suspension le 17 mai 2013, selon un plan d’action. Ses privilèges d’accès à l’ordinateur central de l’ARC ont été suspendus, en attendant l’examen de la sécurité.

[408] M. Lafleur a expliqué que la direction est responsable de lancer un examen de la cote de fiabilité d’un employé lorsqu’elle apprend des renseignements défavorables à son sujet. Si la direction établit que les renseignements défavorables sont suffisamment graves pour mener éventuellement à la révocation de la cote de fiabilité de l’employé, une entrevue est menée pour permettre à l’employé de répondre aux renseignements défavorables.

[409] M. Lafleur a expliqué que l’une de ses tâches précises à ce moment consistait à élaborer pour la direction le document intitulé [traduction] « ÉBAUCHE de lignes directrices pour la révision justifiée d’une cote de fiabilité ». Il a ajouté que même si elles n’étaient pas vigueur en 2013, elles ont été utilisées comme document d’orientation à l’intention de la direction dans ce cas entre mai et octobre 2013.

[410] M. Lafleur a expliqué qu’ainsi, la Direction de la sécurité avait remis à la direction de l’Agence un document [traduction] « Annexe A – Orientation » provenant de l’ÉBAUCHE de lignes directrices pour la révision justifiée d’une cote de fiabilité que sa section avait préparée pour le cas où des renseignements défavorables visaient des employés. Le document indique ce qui suit :

[Traduction]

[…]

7. Annexe A — Lignes directrices sur l’examen des renseignements défavorables

Conformément aux dispositions de la Politique sur les enquêtes de sécurité sur le personnel de l’Agence du revenu du Canada (ARC), la direction doit examiner ces renseignements relativement au poste occupé, en consultation avec [la Direction de la sécurité]. Lorsqu’une décision est prise, la direction avise [la Direction de la sécurité] de sa décision de maintenir ou de révoquer la cote de fiabilité de la personne. Dans les cas où la cote de fiabilité est révoquée, la direction avise l’autorité appropriée (p. ex. Relations de travail, Renouvellement du personnel). [La Direction de la sécurité] fournit les directives suivantes pour les cas où il existe des renseignements défavorables au sujet d’une personne.

Condamnations au criminel

Premièrement, l’existence d’un casier judiciaire peut être un motif suffisant pour révoquer ou refuser une cote de fiabilité, mais pas obligatoirement. Le casier judiciaire doit être examiné à la lumière de questions telles que les fonctions et les tâches à exécuter, la nature et la fréquence de l’infraction, et le passage du temps. Cependant, s’il existe des condamnations, le NG2 responsable ou son délégué devra déterminer ce qui suit :

• L’attitude de la personne à l’égard de l’infraction non pardonnée ou de l’infraction pour laquelle une suspension du casier n’a pas été obtenue, et l’étendue selon laquelle la personne a changé son comportement à cet égard;

• La probabilité de commettre une infraction semblable et l’effet que cela pourrait avoir sur la fiabilité dans l’emploi.

Considérations générales

Dans la vérification de la fiabilité, la question à poser est de savoir si l’on peut se fier à la personne pour qu’elle n’abuse pas de la confiance qu’on pourrait lui accorder.

Existe-t-il un motif raisonnable de croire qu’elle pourrait voler des objets de valeur de l’Agence, exploiter des biens et de l’information de l’ARC pour un gain personnel, omettre de protéger l’information ou les biens de l’ARC qui lui sont confiés, poser une menace pour la sécurité d’autres clients (contribuables) ou des employés de l’Agence, ou afficher un comportement qui influerait négativement sur sa fiabilité?

Si la réponse est affirmative, la révocation ou le refus de la cote de fiabilité devient une possibilité.

[…]

[Les passages en caractères gras le sont dans l’original]

[Je mets en évidence]

[…]

 

[411] Le 19 avril 2013, M. Trottier a demandé à M. Dorff de revoir la cote de fiabilité du fonctionnaire. Son rôle consistait [traduction] « […] à examiner les renseignements défavorables figurant dans le rapport d’enquête et à évaluer les risques pour la sécurité en ce qui concerne le poste en question […] ». Le fonctionnaire occupait un poste d’analyste de la TI.

[412] M. Dorff devait utiliser comme suit les critères de fiabilité précis provenant du document d’orientation de l’Agence :

[Traduction]

[…]

[…] Existe-t-il un motif raisonnable de croire qu’il ou elle pourrait voler des objets de valeur de l’Agence, exploiter des biens et de l’information de l’ARC pour un gain personnel, omettre de protéger l’information ou les biens de l’ARC qui lui sont confiés ou afficher un comportement qui influerait négativement sur sa fiabilité?

[…]

 

[413] M. Lafleur a expliqué qu’après une entrevue, une évaluation officielle du risque doit être effectuée, en consultation avec la Direction de la sécurité, pour mettre en évidence tous les faits pertinents et formuler une recommandation à l’intention de la direction.

[414] M. Lafleur a déclaré que la Direction de la sécurité fournit des conseils sur la façon de mener une entrevue. Dans le présent cas, elle a aidé à préparer les questions qui ont été posées au fonctionnaire à l’entrevue du 17 juillet 2013. Toutefois, aucun de ses représentants n’était présent à l’entrevue.

[415] Pour sa part, M. Hugh devait fournir un soutien d’expert à la direction sur les aspects de la sécurité technique de la révision de la cote de fiabilité et à l’entrevue du 17 juillet 2013.

[416] Le jour de l’entrevue du 17 juillet 2013, M. Mahil a envoyé une lettre à M. Dorff pour répéter que le fonctionnaire n’avait jamais utilisé de pseudonyme, que M. P*** était un membre de la famille éloigné et que l’employeur pouvait communiquer avec M. P*** chez lui, par l’entremise de son employeur et par téléphone. M. Mahil a exhorté l’employeur à ne pas réviser la cote de fiabilité du fonctionnaire tant que la question du pseudonyme allégué n’avait pas fait l’objet d’une enquête approfondie.

[417] À l’audience devant moi, M. Hugh a expliqué qu’il n’avait pas un rôle d’enquête. Il a déclaré qu’il n’avait fait qu’utiliser le rapport d’enquête des Affaires internes, auquel il a ajouté les renseignements tirés de l’entrevue.

[418] Le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013 se concluait en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Conclusion

La direction a pris en considération tous les renseignements fournis par Sukhbir Jassar pendant l’entrevue préventive. Les préoccupations soulevées dans le rapport d’enquête ayant mené à l’entrevue préventive concernent sa crédibilité, sa fiabilité et son honnêteté, et aucun renseignement provenant de l’entrevue n’atténue ces préoccupations.

Tout au long de l’entrevue, Sukhbir Jassar a omis d’admettre la responsabilité de ses actions, il n’a pas démontré de remords et n’a pas indiqué que son comportement serait corrigé à l’avenir.

[…]

Sukhbir Jassar a déclaré que tous les problèmes s’étaient déroulés durant une certaine période où il avait éprouvé des problèmes personnels et que sa période de plus de 14 ans de service était impeccable jusqu’à ce que ces problèmes surviennent. Bien que cela puisse sembler être un facteur atténuant, deux des accusations criminelles s’échelonnent sur une période de dix ans.

Le poste de Sukhbir Jassar en tant qu’administrateur de réseau ayant des droits d’utilisateur privilégié lui donne accès à tout le réseau de l’Agence et il a démontré qu’il n’était pas fiable ni digne de confiance. Il a fourni des renseignements durant l’entrevue préventive qui contredisaient des déclarations documentées antérieures. Selon le Code de déontologie et de conduite, ses actions étaient susceptibles de nuire à sa capacité de prendre des décisions de manière intègre dans l’intérêt supérieur de l’ARC.

Permettre à des employés de continuer à travailler dans l’environnement de travail où ils auraient accès à des renseignements sensibles pourrait être perçu comme une mauvaise décision de la part de l’ARC et avoir une incidence négative sur la réputation de l’Agence.

La direction a examiné les postes ne nécessitant pas l’accès à des renseignements sensibles de l’environnement de travail des CS-01. Il n’y a qu’une seule description de travail CS-01 disponible dans la région du Pacifique et le poste exige que les employés installent, surveillent, dépannent et soutiennent le matériel et les logiciels; administrent les éléments de l’infrastructure de réseau de l’ARC et de l’ASFC; surveillent les incidents, fassent enquête à leur égard et les règlent. Tout cela nécessite divers degrés d’accès au système d’utilisateur privilégié et l’accès à des renseignements sensibles ainsi que des droits de système pour accorder un accès à d’autres personnes.

Bien que l’employé ne soit pas visé par des condamnations criminelles, des accusations ont été déposées et des arrestations ont eu lieu. La révision de la cote de fiabilité concerne une évaluation globale des renseignements défavorables obtenus qui concernent sa capacité à accomplir ses fonctions au niveau de confiance requis. La confiance que le public a en l’ARC est une pierre angulaire du système fiscal d’observation volontaire et d’autocotisation du Canada. Par conséquent, les employés de l’ARC sont tenus à un niveau élevé de confiance. La conduite de cet employé soulève des doutes et continue de représenter une préoccupation sérieuse pour la direction. La confiance de la direction en l’employé a été brisée et le risque pour la sécurité qu’il représente est jugé inacceptable.

Pour ces raisons, nous recommandons que la cote de fiabilité de Sukhbir Jassar soit révoquée.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[419] M. Lafleur, qui a reçu l’ébauche du Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité de M. Hugh, a expliqué que son rôle consistait à fournir des conseils à MM. Dorff et Hugh. Il avait un rôle d’orientation. La décision de licencier le fonctionnaire était celle de la direction.

[420] Au moment du retour au travail du fonctionnaire le 3 septembre 2013, après la suspension de 20 jours purgée du 2 au 30 août 2013, Mme Jensen l’a affecté [traduction] « […] à d’autres fonctions jusqu’à nouvel avis […] [e]n raison de l’examen continu de [sa] cote de fiabilité par la direction […] » et « […] afin d’assurer l’intégrité des systèmes de renseignements de l’Agence et de réduire le risque pour cette dernière […] ». Elle lui a retiré son accès au réseau privilégié. Ses fonctions ont été limitées à des tâches comme la recherche de renseignements, la préparation de lignes directrices et de rapports et l’examen des connaissances requises pour accomplir ses fonctions.

[421] Le 11 septembre 2013, M. Dorff a accordé au fonctionnaire un congé payé en attendant la révision finale de sa cote de fiabilité. M. Dorff l’a avisé qu’il serait contacté dès qu’une décision définitive serait prise. À l’audience devant moi, M. Dorff a déclaré qu’il avait fondé sa décision sur le risque qu’il croyait que le fonctionnaire représentait pour les biens de l’Agence.

[422] La révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire est survenue le 27 septembre 2013. Le même jour, son emploi a été résilié, supposément pour des raisons administratives. La lettre de révocation et de licenciement en date du 27 septembre 2013 qui lui a été remise comprenait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La confiance qu’ont les employés et les entreprises en l’Agence du revenu du Canada (ARC) constitue la pierre angulaire du régime fiscal du Canada qui est fondé sur l’observation volontaire et l’autocotisation. Par conséquent, les employés de l’ARC sont tenus à un niveau élevé de confiance […].

Une lettre et des documents ont été envoyés le 21 mai 2013 pour vous informer qu’Allan Dorff, directeur régional, Direction générale de l’information, avait été mis au courant des renseignements défavorables contre vous, en particulier en ce qui concerne la crainte qu’une autre personne cause des lésions personnelles ou n’endommage une propriété, selon le paragraphe 810(1) du Code criminel, des accusations criminelles liées à un pseudonyme qui vous concerne, la violation de la Directive sur la surveillance de l’utilisation du réseau électronique de l’ARC, la violation de la Politique sur la sécurité de l’environnement informatique de l’ARC, une accusation criminelle de désobéissance à une ordonnance du tribunal et d’entrave d’un agent de la paix, ou de résistance à ce dernier, en contravention du Code de déontologie et de conduite et de la Politique sur le contrôle des fraudes internes de l’ARC en ce qui concerne la demande de congés frauduleux et l’omission de signaler les accusations à la direction, ce qui est contraire au Code de déontologie et de conduite de l’ARC. Le 17 juillet 2013, vous avez participé à une entrevue préventive dans le cadre de la révision justifiée de votre cote de fiabilité avec l’Agence du revenu du Canada.

J’ai examiné tous les renseignements pertinents, y compris ce que vous avez présenté durant l’entrevue préventive, et j’ai conclu qu’à la lumière des renseignements défavorables vous ne devriez plus avoir accès aux biens et à l’information de l’ARC puisque vous n’êtes plus réputé fiable et digne de confiance. Cette décision est fondée sur le fait que la direction de l’ARC ne croit plus que vous êtes un employé de confiance. Cette confiance s’est érodée par une tendance de comportement qui ne représente pas les valeurs essentielles de l’Agence ni l’intégrité d’un employé de l’ARC. Vous avez constamment démontré qu’on ne pouvait pas vous faire confiance et vous avez maintes fois contrevenu aux politiques et aux directives de l’ARC. Vous n’avez pas modifié votre comportement ni assumé la responsabilité de vos actions. Je dois donc révoquer votre cote de fiabilité, applicable immédiatement, conformément à la Politique sur les enquêtes de sécurité sur le personnel décrite au chapitre 10 du Volume de sécurité du Manuel des finances et de l’administration. Cette décision est assujettie à un examen et un recours au moyen de procédure interne de règlement des griefs.

Comme l’indique la Politique sur les enquêtes de sécurité sur le personnel de l’Agence et conformément à votre plus récente lettre d’offre en date du 9 mai 2001, l’exigence de maintenir la cote de fiabilité requise est une condition d’emploi, et le défaut de maintenir cette cote de fiabilité peut affecter le maintien de votre emploi.

Par conséquent, je vous informe par la présente qu’à compter du 27 septembre 2013, votre emploi avec l’Agence est terminé pour des motifs autres que des infractions de discipline ou d’inconduite conformément au pouvoir qui me sont conférés par l’alinéa 51(1)g) de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada.

[…]

 

[423] À l’audience devant moi, M. Butler a expliqué qu’il avait eu des discussions avec MM. Dorff et Lafleur avant de signer la lettre de révocation et de licenciement du 27 septembre 2013. Il a expliqué que lorsqu’il a examiné tous les renseignements que M. Dorff lui avait communiqués, soit le rapport d’enquête des Affaires internes du 8 avril 2013 et le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013, il a conclu qu’on ne pouvait plus faire confiance au fonctionnaire et qu’il ne devrait plus avoir accès aux biens et à l’information de l’Agence.

[424] M. Butler a confirmé qu’il avait examiné le rapport d’enquête des Affaires internes du 8 avril 2013 et le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013. Étant donné le nombre d’événements qu’ils soulevaient, il a conclu qu’il ne pouvait plus faire confiance au fonctionnaire pour qu’il suive les règles, les directives et les politiques de l’Agence. Il expliqué que sa confiance en lui s’était érodée en raison de son manque de jugement ou de ses erreurs. Ainsi, l’Agence ne lui faisait plus confiance pour protéger l’information sous sa garde.

[425] On a aussi demandé à M. Butler s’il connaissait le document d’orientation de l’Agence que la Direction de la sécurité avait préparé pour les cas où des renseignements défavorables visaient des employés. Il a affirmé qu’il l’avait vu dans un autre contexte et qu’il le connaissait. Le document indique que conformément aux dispositions de la « Politique sur les enquêtes de sécurité sur le personnel » de l’Agence, la direction doit examiner les renseignements défavorables relativement au poste occupé, puis informer la Direction de la sécurité de sa décision de révoquer ou non la cote de fiabilité de l’employé. À l’audience, on lui a rappelé que les critères suivants figurent dans ce document :

[Traduction]

[…]

Considérations générales

Dans la vérification de la fiabilité, la question à poser est de savoir si l’on peut se fier à la personne pour qu’elle n’abuse pas de la confiance qu’on pourrait lui accorder.

Existe-t-il un motif raisonnable de croire qu’elle pourrait voler des objets de valeur de l’Agence, exploiter des biens et de l’information de l’ARC pour un gain personnel, omettre de protéger l’information ou les biens de l’ARC qui lui sont confiés, poser une menace pour la sécurité d’autres clients (contribuables) ou des employés de l’Agence, ou afficher un comportement qui influerait négativement sur sa fiabilité?

Si la réponse est affirmative, la révocation ou le refus de la cote de fiabilité devient une possibilité.

[…]

[Le passage en caractères gras l’est dans l’original]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[426] M. Butler a expliqué qu’il était convaincu que la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire était possible à cause d’une tendance de comportement. Il était d’avis que le fait de conserver le fonctionnaire parmi l’effectif créait un risque pour l’Agence, étant donné le nombre d’incidents qui le concernaient. M. Butler a reconnu qu’il n’y avait pas de cause raisonnable de croire que le fonctionnaire volerait ou exploiterait les biens de l’Agence. Toutefois, en raison de l’incident relatif au routeur, il croyait qu’il y avait une cause raisonnable de croire que le fonctionnaire pouvait ne pas protéger l’information de l’Agence. Il savait que le fonctionnaire avait déjà fait l’objet d’une mesure disciplinaire pour cet incident.

[427] M. Butler a dit qu’il savait aussi que le Code de déontologie et de conduite de 2001 de l’Agence mettait en évidence ce qui suit dans un encadré :

[Traduction]

[…]

Remarque : Si vous êtes appréhendé, détenu ou accusé d’une infraction, liée à vos fonctions officielles, à des lois ou à des règlements canadiens ou à une loi fédérale, y compris les infractions au code de la route si vous conduisez un véhicule de l’ARC, ou du Code criminel, vous devez signaler la situation à votre gestionnaire sans délai.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[428] M. Butler considérait que le comportement d’un employé devenait un problème grave lorsqu’il créait un risque pour l’Agence.

[429] M. Butler a confirmé qu’il savait que le fonctionnaire n’avait jamais eu de pseudonyme et que le site Web Court Services Online de la C.-B. avait été corrigé, ce qu’il a appris après le licenciement du fonctionnaire.

[430] À l’audience, j’ai demandé à M. Butler s’il prendrait la même décision de licencier le fonctionnaire s’il avait appris seulement cette journée-là qu’une quantité des renseignements qu’il avait reçus était inexacte. Sa réponse a été ferme : [traduction] « Oui. Dans l’ensemble, un problème de confiance demeure encore. »

b. Conclusions de fait

[431] La preuve a démontré que le 6 août 2013, M. Hugh avait l’intention de faire un suivi sur les questions non réglées, qui comprenaient celle de savoir si l’utilisation du pseudonyme allégué avait été confirmée et celle portant sur l’état actuel des accusations contre le fonctionnaire. Toutefois, il a admis que ces questions n’ont jamais obtenu de réponse. Aucune enquête approfondie sur le pseudonyme allégué n’a eu lieu, et la décision de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire et de mettre fin à son emploi était fondée sur les recommandations formulées par M. Hugh dans le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013.

[432] Malgré la demande de M. Mahil que l’entrevue du 17 août 2013 soit reportée jusqu’à ce que l’employeur ait fait enquête sur la question du pseudonyme allégué, M. Dorff a procédé à l’entrevue. Encore une fois, aucune enquête approfondie n’a eu lieu.

[433] Le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013 a conclu que le fonctionnaire avait [traduction] « […] démontré qu’il a fait preuve d’un mauvais jugement, qu’il n’est pas crédible et qu’il est loin d’être fiable […] ». Il a également conclu que [traduction] « [c]ela expose la réputation de l’Agence à des risques ». M. Hugh s’en est remis à une tendance de comportement criminel inexistant, malgré le fait que le fonctionnaire n’avait aucune condamnation criminelle à son nom. Enfin, pour ce qui est du risque pour les autres employés, M. Hugh a conclu que le fonctionnaire ne semblait [traduction] « […] pas représenter un risque pour les employés de l’Agence ».

[434] Le risque pour la réputation de l’Agence n’est pas un critère pour évaluer la cote de fiabilité d’une personne. M. Dorff devait utiliser des critères de fiabilité précis du document d’orientation de l’Agence préparé par la Direction de la sécurité pour les cas où des renseignements défavorables visaient des employés. Ces critères étaient les suivants :

[Traduction]

Existe-t-il un motif raisonnable de croire qu’elle pourrait voler des objets de valeur de l’Agence, exploiter des biens et de l’information de l’ARC pour un gain personnel, omettre de protéger l’information ou les biens de l’ARC qui lui sont confiés ou afficher un comportement qui influerait négativement sur sa fiabilité?

 

[435] Je tiens pour avéré que l’employeur n’a pas utilisé ces critères lorsqu’il a évalué la question de savoir si le fonctionnaire représentait un risque.

[436] En particulier, contrairement à sa politique, l’employeur n’a pas évalué la question de savoir s’il y avait une cause raisonnable de croire que le fonctionnaire pouvait voler des objets de valeur de l’Agence, exploiter des biens et de l’information pour un gain personnel, omettre de protéger l’information ou les biens qui lui sont confiés ou afficher un comportement semblable qui compromettrait ses activités.

[437] Comme je l’ai mentionné, le risque pour la réputation de l’Agence n’était pas un critère légitime pour évaluer la cote de fiabilité du fonctionnaire. Il en va de même des affirmations subjectives de la perte de confiance en sa crédibilité, sa fiabilité et son honnêteté. M. Dorff devait utiliser des critères de fiabilité précis du document d’orientation de l’Agence préparé par la Direction de la sécurité pour les cas où des renseignements défavorables visaient des employés. Il ne les a pas utilisés.

[438] M. Hugh a rédigé le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité. Il a conclu que l’employeur ne pouvait pas faire confiance au fonctionnaire et il recommandait la révocation de sa cote de fiabilité, ce qui entraînerait son licenciement. Ce rapport a fourni des faits incomplets et erronés et une analyse qui ne tenait pas compte des critères appropriés. Son intention claire était de révoquer sa cote de fiabilité; il n’abordait pas la preuve d’une façon objective et il n’a tenu compte que de la preuve nécessaire pour appuyer le point de vue selon lequel il n’était pas un employé crédible, fiable ou digne de confiance. Il n’a pas tenu dûment compte de ses explications. Bref, il ne servait qu’à appuyer les arguments de la direction.

[439] M. Dorff a examiné le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité préparé par M. Hugh et il a souscrit à son contenu, approuvant ainsi une représentation des faits qui n’était pas réelle. M. Dorff a signé le rapport le 21 août 2013. Je note qu’en tant que témoin, j’ai trouvé que M. Dorff était belliqueux, évasif, inflexible et qu’il était réticent à admettre des faits qui auraient dû être clairement admis. Par exemple, il a eu de la difficulté à reconnaître que la date de naissance de M. P*** dans les dossiers judiciaires différait de celle du fonctionnaire. Il a ajouté que ce n’était pas son travail d’enquêter sur les faits. Toutefois, la preuve a clairement établi que M. Dorff a rencontré le fonctionnaire le 17 juillet 2013 dans le but d’évaluer, à la lumière des renseignements du rapport d’enquête des Affaires internes du 8 avril 2013, la question de savoir s’il y avait une cause raisonnable de croire que le fonctionnaire représentait, en tant qu’analyste de la TI, un risque inacceptable pour les activités de l’Agence. De plus, je fais remarquer que la preuve présentée plus tôt dans la présente décision indique que M. Dorff avait également rencontré le fonctionnaire le 8 août et le 21 septembre 2012 pour faire enquête sur les événements signalés par les Affaires internes.

[440] M. Lafleur a également examiné le rapport provisoire avant que M. Dorff le signe et formule ses recommandations. M. Lafleur a insisté pour dire que lorsqu’il a examiné le rapport, il a gardé à l’esprit que le critère était le suivant : les renseignements défavorables génèrent-ils un risque inacceptable pour la sécurité? Le conseil de la Direction de la sécurité à son client était que si c’était le cas, et si la direction décidait que la cote de fiabilité de l’employé devait être révoquée, le rapport devait alors mentionner que le risque pour la sécurité posé par l’employé était jugé inacceptable. Ces mots ont été ajoutés au rapport.

[441] À son tour, M. Butler s’en est remis à des faits incomplets et erronés et à une analyse qui ne tenait pas compte des critères appropriés pour conclure que le fait de garder le fonctionnaire dans l’effectif créait un risque inacceptable pour l’Agence.

[442] La lettre du 27 septembre 2013 révoquant la cote de fiabilité du fonctionnaire et mettant fin à son emploi ne faisait que répéter les motifs indiqués dans le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité pour révoquer sa cote. Il ne fait aucun doute que l’employeur s’en est remis à des renseignements qui étaient faux et qu’il aurait dû savoir qu’ils étaient faux.

[443] En ce qui concerne la question de savoir s’il y avait une cause raisonnable de croire que le fonctionnaire affichait un [traduction] « […] comportement qui influerait négativement sur sa fiabilité […] », l’employeur a invoqué un certain nombre de motifs qui ne concernaient pas un risque inacceptable objectif pour les activités de l’Agence – qui, selon le témoignage de M. Lafleur pour le compte de l’employeur, représente réellement ce qu’est une évaluation du risque pour la sécurité – ou qui se sont avérés faux ou injustes, y compris ce qui suit :

• l’utilisation alléguée par le fonctionnaire du pseudonyme P*** en 2003;

 

• son litige sur la garde en 2004 et en 2005;

 

• sa violation alléguée du Code de déontologie et de conduite de l’Agence en 2004 et en 2005 parce qu’il a omis de signaler des accusations criminelles alléguées qui, comme l’a admis l’employeur, ne concernaient pas son travail;

 

• son courriel de plaisanterie, qui faisait partie de la culture de la TI à l’époque;

 

• son geste allégué de connexion d’un routeur sans fil au réseau de l’Agence pendant environ 30 minutes;

 

• son litige sur la garde en 2012;

 

• sa violation alléguée du Code de déontologie et de conduite de l’Agence en 2012 parce qu’il a omis de signaler des accusations criminelles qui, comme l’a admis l’employeur, ne concernaient pas son travail;

 

• son utilisation frauduleuse alléguée des congés et ses inscriptions de présence entre août 2012 et en janvier 2013.

 

[444] MM. Dorff et Butler ont déclaré à l’audience devant moi qu’ils croyaient toujours que le fonctionnaire n’était pas un employé fiable. M. Dorff en particulier ne le considère pas comme une personne fiable en raison de la théorie selon laquelle il avait une tendance de comportement qui ne représentait pas les valeurs essentielles de l’Agence. Toutefois, la représentation de ces valeurs n’est pas un critère pour évaluer la question de savoir s’il y avait une cause raisonnable de croire que le fonctionnaire représentait un risque inacceptable pour les activités de l’Agence. MM. Dorff et Butler maintiennent toujours que pour évaluer un employé, la confiance est très importante. C’est peut-être vrai, mais la preuve devant moi n’établit pas qu’on ne pouvait pas faire confiance au fonctionnaire au sens du document d’orientation que M. Trottier a joint à sa demande à l’intention de M. Dorff le 19 avril 2013.

VI. Analyse

A. L’employeur avait-il un motif valable pour imposer une mesure disciplinaire en ce qui concerne l’incident relatif au routeur? Dans l’affirmative, la suspension de 10 jours était-elle excessive? Dans l’affirmative, quelle sanction aurait été appropriée dans les circonstances?

1. L’employeur avait-il un motif valable pour imposer une mesure disciplinaire en ce qui concerne l’incident relatif au routeur?

[445] Le 29 avril 2013, le fonctionnaire s’est vu imposer une suspension disciplinaire de 10 jours, à purger du 1er au 14 mai 2013, pour avoir causé un risque au réseau de l’Agence et avoir contrevenu à sa Politique sur la sécurité de l’environnement informatique en installant, en connectant et en allumant un routeur sans fil à son réseau. Selon l’employeur, l’incident est survenu vers 14 h le 11 janvier 2013 dans la salle Sunset du Centre fiscal de Surrey.

[446] L’employeur soutient que le document intitulé [traduction] « Enregistrement du journal du serveur DHCP du résumé instantané 91B pris le 11 janvier 2013 », examiné à la lumière du numéro d’identification unique du routeur sans fil, est la preuve que le routeur a été connecté au réseau de l’Agence. Le journal suggère que le bail de l’adresse IP a été envoyé pour le routeur à 14 h 10 min 1 s. De plus, l’employeur soutient que lorsqu’il a estimé que le routeur avait été connecté au réseau de l’Agence pendant environ 30 minutes, il s’agissait de la meilleure estimation à l’époque.

[447] L’employeur soutient aussi qu’il a prouvé que le fonctionnaire avait contrevenu à la Politique sur la sécurité de l’environnement informatique, même si les violations peuvent avoir été commises par son incompétence pure et simple. Il soutient également que M. Kruper n’a pas menti au sujet de l’incident relatif au routeur.

[448] L’employeur a invoqué les cas suivants pour appuyer sa position : United Steelworkers of America, Local 8773 v. Hendrickson Spring (Stratford Operations), [2012] O.L.A.A. No. 440 (QL), aux paragraphes 2, 6 et 7 (le plaignant a nié à tort tout acte fautif); Minaker v. Toronto-Dominion Bank, [2003] C.L.A.D. No. 39 (QL), aux paragraphes 32 à 36 (le plaignant a fait preuve d’insouciance lorsqu’il a téléchargé des documents au moyen d’un réseau non approuvé); Krain v. Toronto-Dominion Bank, [2002] C.L.A.D. No. 406 (QL), aux paragraphes 13, 15, 17 et 21 (le plaignant avait téléchargé un logiciel d’Internet); Ontario Public Service Employees Union v. Sheridan College Institute of Technology and Advanced Learning (2010), 201 L.A.C. (4e) 243, aux paragraphes 15, 53 et 60 (le plaignant avait menti à l’employeur et n’avait pas été franc); National Automobile, Aerospace, Transportation and General Workers Union (CAW-Canada), Local No. 27 v. General Dynamics Land Systems – Canada (2012), 229 L.A.C. (4e) 174, aux paragraphes 74 et 75 et 91 à 93 (étant donné la nature de l’entreprise, l’utilisation répétée par le fonctionnaire d’un logiciel non autorisé avait été une infraction très grave).

[449] Le fonctionnaire soutient d’un autre côté que l’employeur n’a pas démontré qu’il a contrevenu à la Politique sur la sécurité de l’environnement informatique.

[450] Le fonctionnaire soutient aussi que le risque minime associé à la connexion momentanée du routeur au réseau de l’Agence avait été mis en relief par les caractéristiques de sécurité intégrées à l’environnement informatique de l’Agence qui sont mentionnées dans sa Politique sur la sécurité de l’environnement informatique. En particulier, toute personne qui utilise le système informatique de l’Agence doit avoir un identifiant et un mot de passe. Aucun renseignement confidentiel, secret, très secret ou classifié ne doit être [traduction] « […] recueilli, créé, traité ou stocké au moyen d’un système informatique de la TI de l’Agence qui est relié au réseau de l’Agence […] » (paragraphe 14). On peut accéder à Internet uniquement par le RL de l’Agence, qui [traduction] « […] est plus sécurisé qu’une solution Internet autonome de PC » (paragraphe 49). [Traduction] « Les catégories ou les sites douteux ou suspects seront bloqués […] » (paragraphe 54). Un [traduction] « système de contrôle des accès » doit être mis en place [traduction] « […] pour vérifier l’identité, l’authentification et l’autorisation des utilisateurs du système […] » (paragraphe 81). De plus, un [traduction] « […] registre de toutes les tentatives d’accès non valides doit être tenu et examiné régulièrement […] » (paragraphe 81).

[451] Le fonctionnaire soutient qu’aucun élément de preuve n’a été déposé qui indiquait qu’une tentative d’accès invalide avait été faite par le routeur dans la salle Sunset le 11 janvier 2013. Il existe une [traduction] « surveillance continue du réseau, y compris la détection de l’intrusion dans le réseau et la capacité de détection de codes malveillants dans le réseau […] » (paragraphe 87). Un [traduction] « logiciel de détection et de suppression de virus » est en place (paragraphe 91). Des [traduction] « mécanismes de protection des limites » et des mécanismes, comme des pare-feu vont aussi [traduction] « […] restreindre l’accès au réseau interne […] » (paragraphes 94 et 95).

[452] Le fonctionnaire soutient qu’une simple erreur ne doit pas justifier l’imposition d’une mesure disciplinaire; voir Canadian Merchant Service Guild, au par. 84. Il en va de même pour le fait de ne pas savoir ou se rappeler comment le routeur a été brièvement connecté; voir Amalgamated Transit Union, Local 1374, au par. 21; Desjarlais c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 88, au par. 156. Au plus, un avertissement écrit aurait été approprié; voir Desjarlais, au par. 159.

[453] De plus, le fonctionnaire répète que bien que Mme Accettura ait conclu que le routeur a été connecté au réseau pendant environ une demi-heure, cette présomption n’est pas appuyée par la preuve. Il en est de même de la déclaration selon laquelle des témoins ont vu le routeur être allumé.

[454] Comme mesure corrective, le fonctionnaire demande que la suspension soit annulée, qu’il reçoive le salaire et les avantages sociaux perdus en conséquence et qu’il soit indemnisé intégralement à tous égards.

[455] Comme la Cour fédérale l’a conclu dans Basra c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 24, au par. 26, il incombe à l’employeur de prouver les faits sous‑jacents invoqués pour justifier l’imposition d’une mesure disciplinaire. Ce fardeau s’applique tant aux faits justifiant l’imposition de la mesure disciplinaire qu’à la pertinence de la mesure.

[456] La preuve a révélé que le routeur avait été connecté au réseau de l’Agence, mais pour une très brève période et pour un risque très minime pour l’Agence, même s’il n’y avait aucune preuve qu’un manquement à la sécurité a découlé de cette connexion. De plus, la preuve n’a pas révélé qui l’avait allumé.

[457] La preuve présentée par l’employeur ne démontre pas que le fonctionnaire a violé sa Politique sur la sécurité de l’environnement informatique comme l’a indiqué la lettre de suspension de 10 jours envoyée le 29 avril 2013. Toute violation pourrait avoir découlé des agissements d’une autre personne. L’employeur n’a pas clairement établi que le fonctionnaire avait contrevenu à cette politique.

[458] Par conséquent, je ne suis pas convaincue que l’employeur a établi qu’il avait un motif valable pour imposer une mesure disciplinaire au fonctionnaire en ce qui concerne l’incident relatif au routeur.

2. Si l’employeur avait un motif valable pour imposer une mesure disciplinaire en ce qui concerne l’incident relatif au routeur, la suspension de 10 jours était-elle excessive? Dans l’affirmative, quelle sanction aurait été appropriée dans les circonstances?

[459] Comme j’ai conclu que l’employeur n’avait pas un motif valable pour imposer une mesure disciplinaire au fonctionnaire en ce qui concerne l’incident relatif au routeur, il n’est pas nécessaire d’aborder les autres questions relatives à cet incident. En tout état de cause, s’il avait allumé le routeur sans fil, je crois qu’un avertissement aurait été suffisant dans les circonstances du présent cas.

B. L’employeur avait-il un motif valable pour imposer une mesure disciplinaire en ce qui concerne l’utilisation des congés par le fonctionnaire et ses inscriptions de présence? Dans l’affirmative, la suspension de 20 jours était-elle excessive? Dans l’affirmative, quelle sanction aurait été appropriée dans les circonstances?

1. L’employeur avait-il un motif valable pour imposer une mesure disciplinaire en ce qui concerne l’utilisation des congés par le fonctionnaire et ses inscriptions de présence?

[460] Le 1er août 2013, le fonctionnaire s’est vu imposer une suspension disciplinaire de 20 jours à purger du 2 au 30 août 2013 pour avoir violé le Code de déontologie et de conduite et la Politique sur le contrôle des fraudes internes de l’ARC parce qu’il a faussement demandé des congés et inscrit sa présence au travail entre août 2012 et janvier 2013.

[461] L’employeur soutient que le fonctionnaire a posé des gestes répréhensibles et qu’il n’a pas collaboré durant l’enquête. Il n’a pas admis sa culpabilité ni démontré de remords. L’employeur insiste pour dire que durant son entrevue avec Mme Jensen, il était évasif et il ne collaborait pas. Il soutient également que ses agissements étaient délibérés et prémédités, ce qui justifiait la suspension de 20 jours.

[462] L’employeur a fait valoir que le fait que le fonctionnaire s’est présenté en cour pour des périodes de 5 à 10 minutes seulement n’est pas pertinent; il a plutôt posé des gestes répréhensibles et il n’a pas été franc à leur sujet.

[463] L’employeur a également soutenu que si le fonctionnaire avait réellement appelé au palais de justice pour vérifier pourquoi la lettre « P » avait été notée dans le dossier alors qu’il disait ne pas être présent à la cour, il aurait pu en prendre note. Toute personne raisonnable l’aurait documenté. Toutefois, je note que l’employeur a omis d’expliquer pourquoi il était plus raisonnable pour Mmes Singh et Stankowska de ne pas documenter dans les journaux des Affaires internes qui ont été déposés en preuve à l’audience devant moi le nom de tous les employés de la Cour de Surrey et des cliniques à qui elles ont parlé durant leur enquête.

[464] Au soutien de sa position, l’employeur m’a renvoyée aux cas suivants : Morrow c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 43, aux paragraphes 181, 187, 193, 195 et 198 (la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas joué franc jeu); Thompson c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accise), dossier de la CRTFP 166-2-27846 (19980402), [1998] C.R.T.F.P.C. no 20 (QL), aux paragraphes 63 et 64 (l’employeur a prouvé la fraude); Wentges c. Administrateur général (ministère de la Santé), 2010 CRTFP 24, aux paragraphes 72, 82 et 89 (il y a eu insubordination; si le licenciement n’était pas justifié, alors la mesure disciplinaire l’était); Hickling c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2007 CRTFP 67, aux paragraphes 110 et 118 (le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas été franc et il n’était pas crédible).

[465] Le fonctionnaire soutient que l’Agence a supposé que parce qu’il a passé quelques minutes en cour alors qu’il était en congé de maladie il allait suffisamment bien pour travailler. Cette hypothèse ne repose sur aucun fondement probant; voir Blackburn c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), 2003 CRTFP 49, au par. 311. Même s’il a fait preuve de négligence dans la façon dont il a établi ses congés, il ne méritait pas une suspension de 20 jours; voir Potvin c. Conseil du Trésor (Affaires extérieures Canada), dossier de la CRTFP 166‑2‑23870 (19940318), [1994] C.R.T.F.P.C. no 42 (QL), au par. 22.

[466] Le fonctionnaire soutient également qu’il ne s’est pas absenté du travail à deux des sept dates en litige et qu’il a utilisé le mauvais type de congé lorsqu’il a emmené un membre de la famille chez un médecin.

[467] À titre de mesure corrective, le fonctionnaire demande que la suspension soit annulée, qu’il reçoive tous les salaires et les avantages sociaux perdus en conséquence et qu’il soit indemnisé intégralement à tous égards.

[468] Tout d’abord, je conclus que l’employeur n’a pas démontré que le fonctionnaire s’était absenté du travail le 19 septembre et le 27 novembre 2012. Au contraire, la preuve établit qu’il était au travail pour ces quarts réguliers à ces dates.

[469] Ensuite, en ce qui concerne les dates auxquelles le fonctionnaire était en congé de maladie et s’est présenté brièvement en cour, je tire la conclusion suivante. Mme Jensen a déclaré à l’audience devant moi qu’elle n’était pas convaincue qu’il était vraiment malade au point de ne pas pouvoir accomplir ses fonctions. Toutefois, je remarque que la seule exigence du congé de maladie est qu’il faut être incapable d’accomplir ses fonctions, que ce soit en raison d’une maladie ou d’une blessure. En fait, la clause 16.02 de la convention collective applicable dans les circonstances (conclue par l’ARC et l’IPFPC pour le groupe Vérification, finances et sciences, qui a expiré le 21 décembre 2014 (la « convention collective »)), prévoyait ce qui suit :

ARTICLE 16

CONGÉ DE MALADIE

[…]

16.02 Tout employé bénéficie d’un congé de maladie payé lorsque l’employé est incapable d’exécuter ses fonctions en raison d’une maladie ou d’une blessure, à la condition :

a) que l’employé puisse convaincre l’Employeur de son état d’une manière et à un moment que ce dernier détermine,

et

b) que l’employé ait les crédits de congé de maladie nécessaires.

 

[470] Si dans ce cas l’employeur ne croyait pas que le fonctionnaire était incapable d’accomplir ses fonctions parce qu’il devait partir de chez lui pour faire de brèves comparutions à la cour, il aurait pu demander un certificat médical, ce qu’il n’a pas fait.

[471] La seule preuve présentée à l’audience devant moi est que le fonctionnaire n’allait pas bien, ce qui le rendait incapable d’accomplir ses fonctions le 17 août et le 13 novembre et une partie de la journée du 10 décembre 2012. L’employeur n’a présenté aucune preuve du contraire. Le fait que le fonctionnaire se soit présenté au palais de justice de Surrey pendant quelques minutes les jours où il avait demandé des congés de maladie ne signifie pas qu’il allait suffisamment bien pour accomplir ses fonctions au travail ces journées-là. Sa mauvaise foi ne pouvait pas être présumée.

[472] Troisièmement, je conclus que même si le fonctionnaire n’avait pas choisi le bon code d’absence lorsqu’il a amené un membre de la famille chez un médecin, l’employeur n’a pas démontré qu’il ne croyait pas honnêtement qu’il pouvait utiliser le congé pour rendez-vous médical ou dentaire à ces occasions ou qu’il avait l’intention de retirer un avantage auquel il n’avait pas droit.

[473] En particulier, le 17 octobre 2012, le fonctionnaire a pris 1,5 heure de congé pour rendez-vous médical ou dentaire afin de déposer un membre de la famille chez le médecin. De plus, le 4 janvier 2013, il a pris deux heures de congé pour la même raison.

[474] Le fait qu’il ait amené un membre de la famille au bureau d’un médecin est confirmé par les notes médicales du Dr Pereira du 21 février 2013 et du Dr Ng du 23 février 2013. Le fonctionnaire est allé au palais de justice de Surrey pour quelques minutes, alors que le membre de la famille était au bureau du médecin, ce qu’il n’a jamais nié.

[475] Le fait que le fonctionnaire s’est présenté au palais de justice de Surrey pendant quelques minutes le 17 octobre 2012 ne signifie pas qu’il n’a pas accompagné un membre de la famille au bureau de médecin cette journée-là. Il a simplement utilisé le mauvais type de congé.

[476] Je note que le fonctionnaire avait suffisamment de crédits de congé annuel pour obligations familiales à sa disposition pour couvrir les 3,5 heures qu’il a prises pour accompagner un membre de la famille à des rendez-vous chez le médecin et qu’il aurait perdu les crédits non utilisés de congé annuel pour obligations familiales à la fin de l’exercice (31 mars 2013).

[477] La Cour d’appel fédérale a conclu dans Basra, 2010 CAF 24, au par. 26 ce qui suit :

[26] Il incombe à l’employeur de prouver les faits sous-jacents invoqués pour justifier l’imposition d’une mesure disciplinaire […] Ce fardeau s’applique tant aux faits justifiant l’imposition de la mesure disciplinaire qu’à la pertinence de la mesure même.

 

[478] La preuve que l’employeur a déposée ne démontre pas que le fonctionnaire a faussement demandé des congés et inscrit sa présence au travail entre août 2012 et janvier 2013. De plus, elle ne démontre aucune violation du Code de déontologie et de conduite et de la Politique sur le contrôle des fraudes internes de l’Agence, comme l’indiquait la décision de licenciement du 27 septembre 2013.

[479] Par conséquent, je conclus que l’employeur n’a pas établi que le fonctionnaire a clairement contrevenu à son Code de déontologie de conduite et à sa Politique sur le contrôle des fraudes internes.

2. L’employeur avait-il un motif valable pour imposer une mesure disciplinaire en ce qui concerne l’utilisation des congés par le fonctionnaire et ses inscriptions de présence? Dans l’affirmative, la suspension de 20 jours était-elle excessive? Dans l’affirmative, quelle sanction aurait été appropriée dans les circonstances?

[480] Comme j’ai conclu que l’employeur n’avait pas un motif valable pour imposer une mesure disciplinaire au fonctionnaire en ce qui concerne son utilisation des congés et ses inscriptions de présence, il n’est pas nécessaire d’aborder les autres questions relatives à cet incident.

C. La révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire était-elle une mesure disciplinaire entraînant le licenciement? Dans l’affirmative, l’employeur avait-il un motif valable pour imposer une mesure disciplinaire en ce qui concerne les événements liés à la révocation et à la lettre de licenciement? Dans l’affirmative, la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire, qui a entraîné son licenciement, était-elle excessive? Dans l’affirmative, quelle sanction aurait été appropriée dans les circonstances?

[481] Le 27 septembre 2013, la cote de fiabilité du fonctionnaire était révoquée, ce qui a entraîné la fin de son emploi parce qu’il n’était pas fiable et honnête, à cause de ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] la crainte qu’une autre personne cause des lésions personnelles ou n’endommage une propriété, selon le paragraphe 810(1) du Code criminel, des accusations criminelles liées à un pseudonyme qui vous concerne, la violation de la Directive sur la surveillance de l’utilisation du réseau électronique de l’ARC, la violation de la Politique sur la sécurité de l’environnement informatique de l’ARC, une accusation criminelle de désobéissance à une ordonnance du tribunal et d’entrave d’un agent de la paix, ou de résistance à ce dernier, en contravention du Code de déontologie et de conduite et de la Politique sur le contrôle des fraudes internes de l’ARC en ce qui concerne la demande de congés frauduleux et l’omission de signaler les accusations à la direction, ce qui est contraire au Code de déontologie et de conduite de l’ARC.

[…]

 

1. La révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire était-elle une mesure disciplinaire entraînant le licenciement?

[482] Comme je l’expliquais plus tôt dans la présente décision, la LRTSPF me confère la compétence pour statuer sur le licenciement du fonctionnaire uniquement s’il découlait d’une mesure disciplinaire. L’employeur s’est opposé à ma compétence, faisant valoir que le licenciement découlait d’une [traduction] « mesure administrative » de révocation de sa cote de fiabilité, qui est fondée selon lui sur des considérations qui n’avaient rien à voir avec une mesure disciplinaire. D’un autre côté, le fonctionnaire soutient que sa décision de révoquer sa cote de fiabilité était une [traduction] « mesure disciplinaire déguisée » parce que selon lui elle était véritablement fondée sur des considérations disciplinaires.

[483] Par conséquent, je dois donc déterminer si la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire était une mesure disciplinaire, puisque son licenciement découlait de cette décision. Les parties ne contestent pas le fait que le licenciement découlait de la décision de révoquer la cote de fiabilité. La preuve dont je dispose appuie amplement cette affirmation.

[484] Dans des cas comme celui-ci, les employeurs ont été tenus d’établir qu’ils avaient une raison administrative pour mettre fin à l’emploi d’un employé. En l’espèce, le motif qu’a invoqué l’employeur dans la lettre de révocation et de licenciement était que le fonctionnaire n’était plus fiable et digne de confiance. Pour s’acquitter de son fardeau de me convaincre que son licenciement découlait d’une raison administrative, l’employeur doit établir selon la prépondérance des probabilités qu’il avait des raisons légitimes de penser qu’il représentait un risque inacceptable pour ses activités lorsqu’il a révoqué sa cote de fiabilité. Je suis d’accord avec M. Lafleur, qui a témoigné pour le compte de l’employeur, pour dire que cela représente réellement ce qu’est une évaluation du risque pour la sécurité.

[485] Lorsque l’employeur s’acquitte de ce fardeau, ce dernier est transféré au fonctionnaire s’estimant lésé qui doit contredire la preuve de l’employeur ou, toujours selon la prépondérance des probabilités, établir que les raisons avancées par l’employeur constituent une invocation factice du risque qu’il représentait pour ses activités, un subterfuge ou un camouflage.

[486] Il est intéressant d’examiner ce que la Cour fédérale a écrit dans Canada c. Rinaldi (1997), 127 F.T.R. 60, à la note en bas de page 15. Elle a noté que lorsqu’un employeur soutient que sa décision de mettre fin à l’emploi d’un employé ne peut être examinée au moment de l’arbitrage, l’employé a le fardeau de prouver que « […] les conditions requises […] n’existaient pas au moment pertinent et que donc le licenciement ne peut avoir eu lieu [pour les raisons invoquées par l’employeur] ».

[487] L’employeur soutient qu’il a agi en temps utile pour aborder les divers incidents qu’il a invoqués pour révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire et qu’il ne peut pas être perçu comme ayant toléré ces incidents à cause de l’écoulement du temps.

[488] L’employeur soutient aussi que la preuve a démontré que le fonctionnaire avait commis une inconduite. Les incidents qui le concernaient ont révélé qu’il a fait preuve d’un mauvais jugement et qu’il n’était pas fiable, ce qui justifie la révocation de sa cote de fiabilité et son licenciement.

[489] L’employeur ajoute que bien que le fonctionnaire ait exprimé certains remords, il l’a fait uniquement à la fin du processus. Le problème est qu’il n’a pas dit toute la vérité à l’employeur sur ce qui arrivait réellement ou sur ce qui était arrivé. Il a été visé par des questions criminelles.

[490] Le fonctionnaire soutient que d’un autre côté, le 9 décembre 2012, après l’avoir interrogé ainsi que certains autres employés, les Affaires internes ont décidé de fermer son dossier en ce qui concerne une crainte présumée de lésions personnelles en vertu du paragraphe 810(1) du Code criminel et son omission alléguée de signaler des accusations criminelles à la direction en 2004. Mme Singh a noté ce qui suit : [traduction] « […] eu une rencontre avec Denis et Josée et nous avons décidé que nous fermerions ce dossier parce qu’il n’est pas fondé ». Toutefois, le 27 septembre 2013, l’employeur a décidé de s’en remettre à d’anciennes allégations fausses pour révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire et mettre fin à son emploi.

[491] En particulier, le fonctionnaire soutient que le processus était injuste et incorrect. Si l’employeur avait tenté de lui imposer une mesure disciplinaire pour les événements de 2004 à 2005, cette mesure aurait été considérée comme hors délai; voir Murray, au par. 107; International Union of Operating Engineers, Local 796-B v. University of Ottawa (1994), 42 L.A.C. (4e) 300, à 308 et 312 à 313; Canadian Union of Public Employees, Local 410 v. Greater Victoria Public Library (2004), 135 L.A.C. (4e) 38, à 65 à 66. Pour contourner ce problème de délai, l’employeur a simplement ajouté ces questions aux motifs pour mettre fin à l’emploi du fonctionnaire sous le prétexte de révoquer sa cote de fiabilité.

[492] Le fonctionnaire soutient aussi que l’omission de l’employeur d’agir en temps utile constituait également une forme de tolérance. Un employeur ne peut invoquer une conduite passée pour laquelle aucune mesure disciplinaire n’a été imposée pour justifier un licenciement; voir Morrison v. Kispiox Band (Council), [2000] C.L.A.D. No. 708 (QL), aux paragraphes 28 et 34.

[493] Le fonctionnaire soutient qu’un élément mis en évidence dans la lettre de révocation et de licenciement du 27 septembre 2013, qui fait également ressortir l’injustice du processus et de la décision, était la prétention selon laquelle il [traduction] « […] n’avait pas modifié son comportement ». Elle remontait à la fausse prétention dans le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013 selon laquelle parce qu’il n’a pas participé aux procédures de 2004 de 2005, qui n’ont pas entraîné de condamnation, et de nouveau en août 2012, presque huit ans plus tard, cela indique une tendance de comportement.

[494] Le fonctionnaire insiste pour dire que contrairement à ce qu’indique la lettre de révocation et de licenciement du 27 septembre 2013, il a assumé la responsabilité de ses actions. Par exemple, à l’entrevue du 17 juillet 2013, il a indiqué qu’il regrettait l’incident relatif au routeur, qu’il se sentait très mal de ce qui était arrivé, même s’il n’avait pas l’intention de violer le protocole, et qu’il ne savait pas comment le routeur avait été connecté au réseau de l’Agence.

[495] Le fonctionnaire soutient également que la lettre de révocation et de licenciement du 27 septembre 2013 n’indique pas et ne prend pas en considération le fait qu’il n’a jamais eu l’intention de connecter le routeur au réseau de l’Agence ou de violer une politique ou une directive de l’Agence.

[496] Le fonctionnaire soutient aussi que l’employeur ne lui a jamais donné l’occasion de changer son comportement. Il a rapidement intensifié ses actions contre lui, augmentant ses suspensions d’un jour à 10 jours puis à 20 jours, et passant au licenciement. Toutefois, depuis le courriel déplacé du 21 décembre 2012 jusqu’à son licenciement le 27 septembre 2013, le fonctionnaire a changé de comportement. Il n’y a pas eu d’autre incident d’utilisation de l’ordinateur d’un collègue pour envoyer un courriel de plaisanterie ou un autre courriel de ce type. Il n’y a pas eu d’incident où il aurait connecté le mauvais type d’équipement au réseau de l’Agence. De plus, la dernière journée où il a utilisé un congé pour rendez-vous médical ou dentaire afin d’accompagner un membre de la famille au bureau d’un médecin était le 4 janvier 2013. En dehors des périodes où il a purgé ses suspensions d’un jour, de 10 jours et de 20 jours, il a travaillé pour l’Agence jusqu’au 27 septembre 2013, sans que ne survienne aucun incident concernant sa conduite en tant qu’employé de l’Agence et son respect des politiques, des directives et du Code de déontologie et de conduite.

[497] Le fonctionnaire soutient également que l’employeur a entrepris la révision de la cote de fiabilité alors qu’il a invoqué non seulement les deux incidents disciplinaires pour lesquels il avait purgé des suspensions d’un jour et de 10 jours, respectivement (les lettres de suspension concernant ces incidents ont été envoyées le 29 avril 2013), mais aussi les événements de 2004 et 2005, en fonction de faux renseignements selon lesquels il a utilisé le pseudonyme P*** en 2003 et qu’il a omis de signaler à la direction les procédures sous son propre nom en 2004 à 2005 qui ont donné lieu à l’engagement de ne pas troubler l’ordre public.

[498] Selon la preuve présentée à l’audience et indiquée plus tôt dans la présente décision, je conclus que l’employeur n’a pas prouvé les arguments qu’il a invoqués pour révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire, laquelle a entraîné son licenciement. La preuve n’a pas établi que les conditions requises pour révoquer sa cote de fiabilité, soit que l’employeur avait des motifs légitimes pour penser qu’il représentait un risque inacceptable pour ses activités, étaient réunies au moment où la décision a été prise.

[499] En ce qui concerne la crainte présumée de lésions personnelles en vertu du paragraphe 810(1) du Code criminel et l’omission présumée de signaler des accusations criminelles à la direction en 2004, j’ai conclu que l’employeur s’en était remis à des renseignements inexacts; que M. George, le gestionnaire du fonctionnaire à l’époque, était au courant des démêlés judiciaires du fonctionnaire en ce qui concerne la garde de ses enfants; que ces démêlés n’étaient pas liés à ses fonctions officielles et n’avaient pas mené au dépôt d’accusations contre lui.

[500] Pour ce qui est de l’utilisation alléguée d’un pseudonyme, j’ai conclu que l’employeur s’en était remis à des renseignements inexacts, que le pseudonyme P*** associé au nom du fonctionnaire dans le site Web Court Services Online de la C.-B. était une erreur et que l’employeur aurait dû le réaliser dès le début puisque le site Web Court Services Online de la C.-B. indiquait des dates de naissance différentes pour le fonctionnaire et M. P***.

[501] En ce qui concerne la crainte présumée de lésions personnelles en vertu du paragraphe 810(1) du Code criminel, l’omission présumée de signaler des accusations criminelles à la direction en 2004 et l’utilisation alléguée d’un pseudonyme, j’ai conclu que, le 26 août 2011, M. Dorff avait confirmé à Mme Singh que le fonctionnaire ne représentait aucun risque pour les activités de l’Agence.

[502] En ce qui concerne l’incident du courriel déplacé, j’ai conclu que l’envoi de courriels depuis l’ordinateur d’un collègue faisait partie de la culture de la TI, que le chef d’équipe du fonctionnaire l’avait fait lui-même et qu’il semblait que l’employeur avait toléré ce comportement dans le passé.

[503] Pour ce qui est de l’incident relatif au routeur, j’ai conclu que l’employeur s’en était remis à des renseignements inexacts, que le fonctionnaire n’était pas la seule personne qui aurait pu l’allumer et que l’employeur n’avait pas prouvé qu’il l’avait fait. J’ai également conclu que le risque potentiel de l’incident relatif au routeur pour l’information de l’Agence était très minime et qu’il était [traduction] « non susceptible de causer des dommages ». Je remarque que Mme Accettura a attribué au fonctionnaire des fonctions restreintes le 5 février 2013, en attendant une enquête. Toutefois, l’enquête n’a pas établi qu’il représentait un risque inacceptable pour les activités de l’Agence.

[504] En ce qui concerne les accusations criminelles d’avoir désobéi à une ordonnance du tribunal et d’avoir volontairement entravé un agent de la paix, ou de lui avoir résisté, et l’omission de signaler des accusations criminelles à la direction en 2012, j’ai conclu que l’employeur s’en était remis à des renseignements inexacts; que le fonctionnaire avait informé M. Dorff le 8 août 2012 de son litige de garde devant les tribunaux, que ces démêlés n’étaient pas liés à ses fonctions officielles; que l’employeur était au courant de ce dernier fait. J’ai également conclu que des accusations n’ont été déposées contre lui qu’après l’entrevue du 8 août 2012.

[505] En ce qui concerne l’utilisation des congés et les inscriptions de présence, j’ai conclu que l’employeur s’en était remis à des renseignements inexacts et que le fonctionnaire avait demandé le mauvais type de congé pour les 3,5 heures qu’il a prises afin d’accompagner un membre de la famille au bureau d’un médecin. En particulier, il ne s’est pas absenté du travail à deux des sept dates en litige, contrairement aux prétentions de l’employeur, et il ne se sentait pas bien à trois occasions, ce qui l’avait empêché d’accomplir ses fonctions. J’ai également conclu que l’employeur n’avait présenté aucune preuve démontrant qu’il ne croyait pas honnêtement qu’il pouvait utiliser un congé pour rendez-vous médical ou dentaire pour accompagner un membre de la famille au bureau d’un médecin ou qu’il avait l’intention de retirer un avantage auquel il n’avait pas droit.

[506] En ce qui concerne le processus de révision de la cote de fiabilité suivi par l’employeur, la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire et son licenciement, j’ai conclu que, contrairement à sa politique, l’employeur n’avait pas évalué la question de savoir s’il y avait une cause raisonnable de croire qu’il pouvait voler des objets de valeur de l’Agence, exploiter des biens et de l’information pour un gain personnel, omettre de protéger l’information ou les biens qui lui sont confiés ou afficher un comportement qui compromettrait ses activités.

[507] De plus, j’ai conclu que l’employeur a appliqué des considérations non pertinentes et qu’il s’en était remis à des affirmations subjectives selon lesquelles il avait perdu confiance en la crédibilité, en la fiabilité et en l’honnêteté du fonctionnaire. Enfin, j’ai conclu que le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013 avait fourni des faits incomplets et erronés et une analyse qui ne tenait pas compte des critères pertinents; que son intention manifeste était de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire; qu’il n’abordait pas la preuve d’une façon objective; qu’il n’a tenu compte que de la preuve nécessaire pour appuyer le point de vue selon lequel il n’était pas un employé crédible, fiable et digne de confiance; qu’il n’avait pas dûment tenu compte de ses explications.

[508] Au bout du compte, après examen de l’ensemble de la preuve, tout ce qui reste du Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013 sont des préoccupations quant au fait que le fonctionnaire a été accusé en 2012 d’accusations criminelles concernant un litige de garde au sujet de ses enfants qui n’avaient aucun lien avec les fonctions de son poste, et dont il n’a pas été reconnu coupable, et au fait qu’il a utilisé le mauvais code de congé en ce qui concerne les 3,5 heures qu’il a prises pour accompagner un membre de la famille chez un médecin, alors qu’il avait suffisamment de crédits de congé pour obligations familiales inutilisés et non transférables toujours à sa disposition pour couvrir cette période.

[509] Je conclus que les conditions requises permettant à l’employeur de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire, soit qu’il aurait eu des motifs légitimes de penser qu’il représentait un risque inacceptable pour ses activités, n’étaient pas réunies à ce moment et qu’il ne pouvait pas être licencié pour ces raisons. Par conséquent, je conclus que le licenciement constituait une invocation factice en vertu de l’alinéa 51(1)g) de la LARC (licenciement pour des motifs autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite), un subterfuge ou un camouflage et qu’il s’agissait d’une mesure disciplinaire déguisée qui me confère la compétence pour l’examiner. Je rejette donc l’objection de l’employeur quant à la compétence de la Commission pour entendre le grief sur le licenciement.

[510] Néanmoins, je souhaite commenter le contexte de la décision de l’employeur de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire.

[511] Je note avec intérêt que le 27 avril 2012, Mme Singh a demandé à M. Dorff de mener une enquête officielle sur le fonctionnaire et de réévaluer sa cote de fiabilité et qu’elle l’a informé que l’enquête pourrait mener à une mesure disciplinaire. Encore une fois, le 17 juillet 2012, en écrivant à M. Dorff, elle a précisément indiqué que la présumée conduite en dehors du travail du fonctionnaire en 2004 était contraire au Code de déontologie et de conduite de l’Agence et qu’elle pourrait entraîner une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. L’employeur avait clairement une mesure disciplinaire à l’esprit à ce moment. Mme Singh a conseillé à M. Dorff de communiquer avec son conseiller en relations de travail avant de rencontrer le fonctionnaire et a dit que s’il y avait des éléments de preuve d’inconduite, le secteur des relations de travail de l’Agence aiderait M. Dorff [traduction] « en ce qui concerne la mesure disciplinaire ».

[512] Une conférence téléphonique s’est déroulée le 23 janvier 2013. Étaient présents MM. Dorff, Cultum et Maurice, Mmes Jensen, Accettura et Singh et une autre personne qui n’a pas témoigné à l’audience. Comme on peut le constater dans l’extrait suivant des notes de Mme Singh, l’employeur avait toujours clairement une mesure disciplinaire à l’esprit à ce moment :

[Traduction]

[…] Nous avons discuté du traitement de dossiers comportant de multiples mesures disciplinaires. Denis a confirmé que nous établirons un rapport sur toutes les questions (courriel, routeur, pseudonyme et fraude [utilisation des congés et inscriptions de présence]) dans une seule note de service. Par conséquent, ils voulaient attendre pour imposer des mesures disciplinaires pour deux des quatre questions puisqu’ils ne savaient pas ce qui serait indiqué dans notre note de service et comment ce serait indiqué. Nous avons discuté des niveaux potentiels de mesures disciplinaires pour les inconduites et envisagé d’imposer des mesures disciplinaires distinctes. Denis a dit qu’il ne voulait pas dire quoi faire aux RT, mais il a suggéré d’attendre la fin de [l’entrevue du 30 janvier 2013] en ce qui concerne les congés frauduleux, qui peut être réalisée rapidement, afin d’assurer le bon niveau de mesures disciplinaires imposées selon notre rapport […]. Les RT ont remis en question la participation des [Affaires internes] à la question du courriel, et Denis a précisé qu’il s’agissait d’un manquement de sécurité et que cet élément relevait tout à fait de notre mandat […].

 

[513] M. Butler a révoqué la cote de fiabilité du fonctionnaire et donc mis fin à son emploi le 27 septembre 2013. Cette décision était fondée sur le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013. M. Hugh a reconnu que le rapport portait en partie sur des renseignements du rapport d’enquête des Affaires internes du 8 avril 2013.

[514] La lettre de révocation et de licenciement du 27 septembre 2013, le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013 et le rapport d’enquête des Affaires internes du 8 avril 2013 contenaient des références aux violations présumées de la Directive sur la surveillance de l’utilisation du réseau électronique, de la Politique sur la sécurité de l’environnement informatique, du Code de déontologie et de conduite et de la Politique sur le contrôle des fraudes internes de l’Agence qui n’indiquent pas en soi des préoccupations de sécurité légitimes au sujet d’un employé. Le non-respect par un employé des procédures établies ou l’absence de volonté perçue de sa part de les respecter indique normalement des problèmes de formation, de rendement ou de comportement, qu’il est préférable d’aborder au moyen de processus qui n’ont rien à voir avec la sécurité.

[515] Je note également que dans le processus ayant mené à la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire et à l’audience devant moi, l’employeur a renvoyé à ce qu’il a perçu comme son absence de remords et son refus de changer son comportement. Le concept de remords et la possibilité de changement de comportement sont souvent utilisés par les employeurs et les décideurs pour évaluer la pertinence d’une mesure disciplinaire à la lumière de l’inconduite et de la situation personnelle d’un employé. Toutefois, je ne comprends pas la pertinence de ce concept pour évaluer le risque que le fonctionnaire pouvait avoir représenté pour les activités de l’Agence en l’espèce.

[516] Le fait que l’employeur ait invoqué les violations alléguées par le fonctionnaire de ses directives, de ses politiques et de son code de conduite ainsi que son absence de remords et son refus de changer son comportement qu’il percevait confirme ma conclusion que la révocation de sa cote de fiabilité était une mesure disciplinaire déguisée.

[517] De plus, la gravité disproportionnée de l’effet de la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire sur sa vie personnelle comparativement au manque de pertinence des accusations de 2012 sur les fonctions de son poste et le caractère anodin de l’utilisation du mauvais code de congé en ce qui concerne les 3,5 heures qu’il a prises pour accompagner un membre de la famille chez le médecin, alors qu’il disposait suffisamment de crédits de congé pour obligations familiales inutilisés et non transférables pour couvrir cette période, est un autre facteur qui indique que l’employeur lui a imposé une mesure disciplinaire; voir Canada (Procureur général) c. Frazee, 2007 CF 1176, au par. 28, qui renvoie à Association of Allied Health Professionals Ontario v. Toronto East General & Orthopaedic Hospital Inc. (1989), 8 L.A.C. (4e) 391.

2. Si la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire était une mesure disciplinaire ayant entraîné le licenciement, l’employeur avait-il un motif valable pour imposer une mesure disciplinaire en ce qui concerne les événements liés à la révocation et à la lettre de licenciement?

[518] Pour emprunter les mots de l’honorable juge de Montigny dans Féthière, 2017 CAF 66, au par. 22, « [l]a présente affaire s’inscrit dans une controverse décisionnelle qui a récemment vu le jour au sein même de la [Cour d’appel fédérale] ». Dans Heyser, 201 CAF 113, et Canada c. Bétournay, 2018 CAF 230, la Cour a adopté des avis opposés de ce qui constitue un plan d’action approprié lorsque la mesure administrative alléguée d’un employeur s’avère véritablement disciplinaire.

[519] Dans Heyser, 2015 CRTEFP 70, l’arbitre de grief a conclu que contrairement aux affirmations de l’employeur, le licenciement administratif présumé d’une employée était sans motif valable parce que les conditions requises pour révoquer la cote de fiabilité de la fonctionnaire étaient absentes au moment de la décision. Si l’arbitre de grief devait conclure que la révocation de sa cote ne constituait pas un motif valable, l’employeur avait demandé la permission de soutenir que le licenciement constituait plutôt une mesure disciplinaire légitime. L’arbitre de grief n’a pas permis à l’employeur de se fonder, au moment de l’arbitrage, sur de nouveaux motifs différents pour appuyer le licenciement. L’arbitre de grief a réintégré l’employée dans son poste.

[520] Dans Heyser, 2017 CAF 113, la Cour d’appel fédérale a confirmé la décision de l’arbitre de grief de ne pas permettre à l’employeur de se fonder sur un motif différent pour appuyer le licenciement. Lorsqu’elle a expliqué ses conclusions, la Cour a formulé les commentaires suivants :

[…]

[37] Au paragraphe 157, l’arbitre a déclaré que le demandeur lui avait demandé d’examiner, subsidiairement, si le licenciement de la défenderesse découlait d’une mesure disciplinaire. L’arbitre a refusé d’accéder à la demande du demandeur, car cela aurait été injuste pour la défenderesse. Au paragraphe 161 des motifs de la Commission, l’arbitre a expliqué sa position comme suit :

À l’arbitrage, l’employeur a tenté de changer les motifs sur lesquels il s’était fondé pour effectuer le licenciement tout au long du processus. Il aurait été injuste pour la fonctionnaire et contraire aux règles de la justice naturelle de permettre à l’employeur de soutenir que son licenciement était de nature disciplinaire s’il n’arrivait pas à prouver qu’il avait été issu d’une mesure non disciplinaire. L’employeur a pris une décision stratégique de révoquer la cote de fiabilité de la fonctionnaire plutôt que de poursuivre le processus disciplinaire. Je conclus donc que le grief du dossier de la CRTFP 566028831 [le premier grief] sera accueilli.

[38] Même si le demandeur ne conteste pas ce volet de la décision de la Commission, je suis d’avis que l’arbitre a eu raison de refuser d’examiner le licenciement de la défenderesse comme une mesure disciplinaire, comme l’employeur l’avait demandé. Comme il ne fait aucun doute que le licenciement de la défenderesse était fondé sur des motifs non disciplinaires (c’est-à-dire la révocation de sa cote de fiabilité), le demandeur ne pouvait modifier le motif de licenciement de crainte que le motif invoqué au départ ne lui permette pas d’avoir gain de cause. Je n’ai donc rien à ajouter sur cette question.

[…]

[77] Je suis d’avis que, si la révocation est justifiée eu égard aux politiques pertinentes, le licenciement qui en résulte est motivé. Autrement dit, lorsque l’employeur licencie un employé pour des motifs non disciplinaires, par exemple parce que l’employé a perdu sa cote de fiabilité, comme c’est le cas en l’espèce, la Commission doit décider si la révocation à l’origine du licenciement était justifiée. Si c’est le cas, alors l’employeur a démontré que le licenciement était motivé. Si, au contraire, l’employeur ne réussit pas à démontrer que la révocation était fondée sur des motifs valables, alors le licenciement n’est pas justifié et l’employé, comme l’a ordonné l’arbitre en l’espèce, doit être réintégré dans ses fonctions.

[78] Comme je l’ai mentionné précédemment, il n’est pas loisible à l’employeur de modifier sa thèse, comme l’employeur en l’espèce a tenté de le faire devant la Commission, et d’affirmer que le licenciement devrait subsidiairement être considéré comme résultant de mesures disciplinaires pour que l’employeur puisse prétendre qu’une autre sanction moins sévère était justifiée, même si le licenciement ne l’était pas.

[…]

[Je mets en évidence]

 

[521] Dans Bétournay, 2017 CRTESPF 37, la Commission a conclu qu’une « […] suspension sans rémunération n’était fondée sur aucune préoccupation d’ordre administratif, mais était plutôt une mesure disciplinaire déguisée […] ». La Commission a conclu que « [l]’employeur l’a imposée sous de faux prétextes; elle n’était pas justifiée sur une base administrative ». En raison de ces conclusions, elle a ordonné à l’employeur de rembourser à l’employée le salaire et les avantages sociaux afférents auxquels elle aurait eu droit durant la suspension.

[522] Dans Bétournay, 2018 CAF 230, la Cour d’appel fédérale a infirmé la décision de la Commission, pour les motifs suivants :

[…]

[34] La Commission avait raison de se pencher sur le caractère administratif ou disciplinaire de la suspension, puisqu’il en va de sa compétence même de trancher le grief. En effet, seules les suspensions constituant une mesure disciplinaire peuvent faire l’objet d’un grief et être renvoyées à l’arbitrage au terme de l’alinéa 209(1)b) de la LRTSPF. Dans cette optique, il était tout à fait loisible à la Commission d’examiner non seulement l’impact de la suspension sur l’employée, mais également l’intention véritable de l’employeur (voir Bergey au para. 37). Après avoir noté que la privation de salaire pouvait être le signe d’une mesure disciplinaire à cause de son effet punitif, la Commission a considéré la Politique sur la discipline de l’Agence, en vertu de laquelle l’employeur peut ordonner le retrait temporaire de l’employé pendant que dure une enquête si sa présence au travail constitue un « risque raisonnable immédiat et sérieux » pour l’Agence.

[35] C’est dans ce contexte que la Commission a considéré les craintes soulevées par l’Agence, à savoir l’atteinte à sa réputation et la crainte de récidive. À ce chapitre, la Commission a rejeté les justifications avancées par l’Agence. D’une part, la réputation de l’Agence ne pouvait être menacée dans la mesure où l’inconduite de la demanderesse n’était connue que de quelques personnes à l’extérieur du milieu de travail. D’autre part, le risque de récidive n’avait aucun lien avec l’exécution de ses fonctions, et demeurait entier lorsque la demanderesse n’agissait plus dans le cadre de ses fonctions tant et aussi longtemps qu’elle conserverait son statut d’employée de l’Agence. Ces conclusions ne sont pas remises en question par le demandeur.

[36] La Commission se devait pourtant de pousser son analyse un peu plus loin. En effet, il ne suffisait pas de conclure que la suspension constituait une mesure disciplinaire déguisée; encore fallait-il décider si, conformément au paragraphe 12(3) de la LGFP, la suspension était imposée pour des motifs valables (voir Bergey aux para. 35-36; Basra c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 24 (CanLII) au para. 29, [2010] A.C.F. no 76 (Basra)). Pour satisfaire à cette norme, la Commission devait examiner si les écarts de conduite de la défenderesse étaient suffisamment graves pour justifier la suspension à titre de mesure disciplinaire (voir McKinley c. BC Tel, 2001 CSC 38 (CanLII), [2001] 2 R.C.S. 161 aux para. 29, 48 et 57; Basra au para. 29). Or, la Commission n’a pas procédé à cette seconde partie de l’analyse.

[…]

[40] Il est vrai que la Commission réfère à plusieurs reprises au caractère non justifié de la suspension sans rémunération (voir notamment les paras. 96, 102-103 et 137 de la décision). Mais, comme mentionné plus haut, la justification que recherche la Commission dans le cadre de son examen de la suspension a pour seul objet d’établir la nature disciplinaire ou administrative de cette dernière. Considéré sous cet angle, la Commission était tout à fait justifiée de ne considérer que les arguments présentés par le demandeur pour faire valoir qu’il s’agissait d’une mesure administrative (risque de récidive, atteinte à la réputation de l’Agence).

[41] Cependant, à partir du moment où la Commission décide que la suspension est une mesure disciplinaire, il lui fallait aller plus loin et déterminer si celle-ci était proportionnelle à la gravité des comportements reprochés. À ce stade de son analyse, la Commission ne pouvait plus limiter son examen aux explications fournies par l’Agence pour démontrer que la suspension était une mesure purement administrative, ni s’en remettre à la section de la Politique sur la discipline portant sur la suspension administrative. Elle devait plutôt se demander si l’Agence avait prouvé les comportements reprochés à la défenderesse (accès non autorisés et abus de pouvoir) et, dans l’affirmative, si la mesure disciplinaire était excessive (voir Basra aux para. 24-26 et 29; Tobin c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 254 (CanLII) au para. 45, [2009] A.C.F. no 968; Canada (Procureur général) c. Grant, 2017 CAF 10 (CanLII) au para. 5, [2017] A.C.F. no 41 (Grant)). En d’autres termes, la Commission devait alors s’attarder aux motifs ayant amené l’Agence à prendre cette mesure disciplinaire, de façon à vérifier que les gestes reprochés à l’employée étaient suffisamment graves pour justifier l’imposition d’une suspension sans traitement. Même en faisant une lecture généreuse de ses motifs, il est clair que la Commission n’a pas fait cet exercice.

[…]

[Je mets en évidence]

 

[523] Par conséquent, je suis face à la tâche délicate de devoir choisir lequel des avis opposés de ce qui constitue un plan d’action approprié lorsque la mesure administrative alléguée d’un employeur s’avère véritablement disciplinaire devrait s’appliquer en l’espèce. Devrais-je respecter Heyser, 2017 CAF 113, et réintégrer le fonctionnaire parce que l’employeur n’avait pas de motif valable pour le licencier puisque les conditions requises pour révoquer sa cote de fiabilité n’existaient pas à l’époque? Ou devrais-je plutôt respecter Bétournay, 2018 CAF 230 et me poser les questions suivantes : même si les conditions requises pour révoquer sa cote de fiabilité n’existaient pas à l’époque, l’employeur avait-il par ailleurs un motif valable pour imposer une mesure disciplinaire en ce qui concerne les circonstances présumées auxquelles la lettre de révocation et de licenciement fait référence? Dans l’affirmative, le licenciement était-il une mesure disciplinaire excessive? Dans l’affirmative, quelle autre mesure disciplinaire aurait été appropriée dans les circonstances?

[524] Sur mes instructions, le personnel du secrétariat de la Commission a demandé au greffe de la Cour d’appel fédérale une version anglaise de Bétournay, 2018 CAF 230, décision qui avait été rendue en français le 18 décembre 2018. J’ai obtenu cette version anglaise le 31 janvier 2019. Le 1er février 2019, j’ai demandé aux parties de présenter des observations pour aborder le conflit potentiel entre Heyser, 2017 CAF 113, aux paragraphes 37, 38, 77 et 78, et Bétournay, 2018 CAF 230, aux paragraphes 34 à 36 et 40 à 41.

a. Arguments des parties

i. Arguments de l’employeur

[525] L’employeur a déposé ses arguments le 22 février 2019.

[526] L’employeur soutient qu’il n’y a pas de conflit entre Heyser, 2017 CAF 113, et Bétournay, 2018 CAF 230. Bétournay, 2018 CAF 230, n’était pas une affaire portant sur la sécurité. Selon l’employeur, [traduction] « […] l’approche de Heyser, comme l’a fait valoir l’employeur dans ce cas, est l’approche appropriée qui nécessite une analyse de la question de savoir si la révocation était fondée ou non sur des motifs “légitimes et valables” […] ». L’employeur a ajouté ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La décision de la Cour d’appel fédérale dans Heyser selon laquelle la Commission a « pleine compétence » pour examiner les décisions de révocation des ministères « en se basant sur les faits pertinents […] et sur les politiques pertinentes » évoque un examen substantif ou procédural en vertu duquel le commissaire peut se mettre à la place de l’agent de sécurité ministériel et évaluer la preuve selon une perspective de sécurité ou de fiabilité parce que les « motifs légitimes et valables » doivent nécessairement être ancrés dans le contexte général et élargi de la fiabilité de l’employé, à savoir l’honnêteté, l’intégrité et la franchise d’un employé ainsi que le besoin légitime de l’employeur de protéger et de préserver ses biens et ses renseignements tangibles et intangibles.

[…]

 

ii. Arguments du fonctionnaire s’estimant lésé

[527] Le fonctionnaire a aussi déposé ses arguments le 22 février 2019. Il soutient que [traduction] « [l]a décision Bétournay précise, en citant et en invoquant la décision Bergey, que la norme appropriée à appliquer est celle du motif valable […] ». Il répète que la décision Bergey a précisé que lorsqu’on conclut que la révocation d’une cote de fiabilité et le licenciement constituaient une mesure disciplinaire déguisée, la norme du motif valable s’applique.

[528] Le fonctionnaire fait également remarquer que Heyser, 2017 CAF 113, portait sur la révision d’une mesure non disciplinaire en vertu de l’alinéa 209(1)c) de la LRTSPF. Par conséquent, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il n’était plus « nécessaire […] [d’invoquer] le concept des mesures disciplinaires déguisées pour faire valoir sa compétence en vertu de l’alinéa 209(1)b), puisque l’alinéa 209(1)c) lui reconnaît pleine compétence en matière de licenciements pour motifs non disciplinaires […] ». Il ajoute ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La question de savoir si un examen en vertu de l’alinéa 209(1)c) nécessite un élément moindre que l’application de la norme du motif valable applicable au licenciement disciplinaire n’est pas une question à laquelle la Commission doit répondre dans les circonstances de la présente affaire. Dans le cas de M. Jassar, qui en est un de mesure disciplinaire déguisée, examiné en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la [LRTSPF], la norme appropriée à appliquer est celle du motif valable, comme dans Bergey et Bétournay […].

[…]

 

[529] Enfin, tous ses arguments sont résumés comme suit dans la conclusion de ses observations :

[Traduction]

La décision Bétournay confirme que l’approche adoptée dans l’affaire Bergey, invoquée par M. Jassar dans son argument final, soit que dans les affaires de mesure disciplinaire déguisée examinées en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la [LRTSPF], il revient à l’employeur de démontrer un motif valable pour révoquer la côte de fiabilité de M. Jassar et son licenciement. La question de savoir si une norme moindre s’applique dans les cas de licenciement non disciplinaire susceptibles de contrôle en vertu de l’alinéa 209(1)c) de la [LRTSPF] n’a pas à être tranchée par la Commission en l’espèce.

Il n’y a pas de conflit entre les décisions Bétournay et Heyser parce que l’ancienne affaire portait sur une mesure disciplinaire déguisée susceptible de contrôle en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la [LRTSPF] selon la norme du motif valable, alors que l’affaire Heyser portait sur un licenciement non disciplinaire susceptible de contrôle en vertu de l’alinéa 209(1)c) de la [LRTSPF]. Par conséquent, il n’est pas nécessaire que la Commission « rapproche » les deux décisions, puisqu’elles ont été entendues en vertu de deux dispositions différentes de la [LRTSPF].

Ce qui importe c’est que dans le cas de M. Jassar, qui en est un de mesure disciplinaire déguisée susceptible de contrôle en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la [LRTSPF], la Cour d’appel fédérale a précisé, dans Bergey d’abord, puis elle l’a confirmé dans Bétournay, que la norme du motif valable s’applique lorsqu’il faut déterminer si la révocation par l’employeur de la cote de fiabilité de M. Jassar et son licenciement devraient être annulés parce que l’employeur ne s’est pas acquitté du fardeau de démontrer qu’il avait un motif valable de révoquer la cote de fiabilité de M. Jassar et de mettre fin à son emploi.

La norme de contrôle moindre soulevée par l’employeur dans la présente affaire (la question de savoir si l’employeur avait des « préoccupations légitimes » en ce qui concerne la fiabilité de M. Jassar et son risque présumé pour sa sécurité) ne s’applique pas du tout dans des cas de mesure disciplinaire déguisée. Comme l’employeur ne s’est pas acquitté du fardeau de démontrer qu’il avait un motif valable de révoquer la cote de fiabilité de M. Jassar et de mettre fin à son emploi, ses griefs concernant la révocation de sa cote de fiabilité et son licenciement devraient être accueillis.

 

iii. Observations en réfutation de l’employeur

[530] L’employeur a déposé ses observations en réfutation le 4 mars 2019. Il soutient que la norme du « motif valable » s’applique dans la présente affaire en vertu des paragraphes 12(2) et (3) de la LGFP. Il ajoute ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Les arbitrages en vertu des alinéas 209(1)b) et c) sont assujettis au paragraphe 12(3) de la LGFP. Contrairement à l’argument de M. Jassar […] un grief renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)c) de la LRTSPF est assujetti à la norme du motif valable indiqué au paragraphe 12(3) de la LGFP.

[…]

 

[531] L’employeur insiste pour dire que [traduction] « Bétournay n’était pas une affaire de sécurité ou de révocation d’une cote de fiabilité […] » ([le passage en évidence l’est dans l’original]. Il ajoute que Heyser, 2017 CAF 113, a conclu qu’un arbitre de grief a compétence sur les cas de révocation d’une cote de fiabilité. Il n’est donc plus nécessaire d’analyser la mesure disciplinaire déguisée. L’employeur fait remarquer que [traduction] « […] Heyser a été entendue après l’affaire Bergey invoquée par M. Jassar […] ».

[532] L’employeur soutient qu’il y a deux éléments à noter dans la remarque incidente figurant aux paragraphes 73 à 79 dans Heyser, 2017 CAF 113. Il s’agit de ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] Tout d’abord, il n’est plus nécessaire d’invoquer la doctrine des mesures disciplinaires déguisées lorsqu’on examine des affaires de révocation d’une cote de fiabilité. Ensuite, selon la CAF, l’analyse du « motif valable » nécessaire dans les cas de suspension et de révocation de la cote de fiabilité doit être effectuée selon les faits pertinents et les politiques pertinentes de l’employeur afin de déterminer si la suspension ou la révocation était fondée sur des motifs légitimes et valables.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[533] L’employeur termine ses arguments dans la conclusion de sa déclaration comme suit :

[Traduction]

Durant l’audience, la question de savoir si l’alinéa 209(1)c) s’appliquait au cas de M. Jassar s’est présentée car au moment du renvoi à l’arbitrage, l’ARC n’était pas désignée en vertu du paragraphe 209(3) de la LRTSPF; les discussions sur cette question ont fait en sorte que la commissaire a conclu qu’elle examinerait les griefs en vertu de l’alinéa 209(1)b). L’analyse dans Bétournay est donc pertinente à sa délibération.

L’employeur réitère ses commentaires formulés à l’audience selon lesquels le cadre d’analyse approprié pour examiner les affaires de suspension et de révocation d’une côte de fiabilité est ce que la CAF a indiqué dans l’affaire Heyser.

 

iv. Observations en réfutation du fonctionnaire s’estimant lésé

[534] Le fonctionnaire a aussi déposé ses observations en réfutation le 4 mars 2019.

[535] Tout d’abord, le fonctionnaire affirme que Bétournay, 2018 CAF 230, au par. 34 renvoie à [traduction] « […] l’“intention véritable” de l’employeur en plus de l’impact de la mesure prise contre l’employée au moment d’examiner la question de savoir si la mesure était disciplinaire […] ». Il note que la Cour d’appel fédérale [traduction] « […] dans Bétournay cite ensuite le paragraphe 37 de la décision Bergey pour appuyer cette proposition ».

[536] Le fonctionnaire ajoute que [traduction] « le paragraphe 37 de la décision Bergey indique que c’est “l’intention réelle (par opposition à l’intention déclarée) de l’employeur” qu’il faut prendre en considération […] ». Dans ce paragraphe, la Cour d’appel fédérale a aussi insisté sur le fait que pour déterminer si les mesures imposées par l’employeur sont de nature disciplinaire, il y a lieu de procéder à une « analyse axée sur les faits ». Le fonctionnaire soutient que la Cour a ajouté que [traduction] « […] certaines “mesures sont de toute évidence disciplinaires” […] », comme celle en l’espèce.

[537] Ensuite, le fonctionnaire indique que puisqu’il n’a pas contesté la révocation de sa cote de fiabilité et sa cessation d’emploi en vertu de l’alinéa 209(1)c) de la LRTSPF, [traduction] « l’approche de Heyser ne s’applique pas ». Il soutient précisément ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Comme le cas de M. Jassar en est un de mesure disciplinaire déguisée susceptible de contrôle en vertu de la norme du motif valable, et non un cas de licenciement non disciplinaire vertu de l’alinéa 12(1)e) de la LGFP, le critère de Heyser ne s’applique pas en l’espèce. Toutefois, si le critère Heyser s’appliquait en l’espèce, ce que nous nions précisément, l’employeur a mal interprété les critères avancés par la Cour d’appel fédérale dans Heyser pour évaluer le licenciement non disciplinaire contesté en vertu de l’alinéa 209(1)c) de la [LRTSPF].

Dans les cas de licenciement non disciplinaire en vertu de l’alinéa 12(1)e) de la LGFP, contestés aux termes de l’alinéa 209(1)c) de la [LRTSPF], la Cour d’appel fédérale dans Heyser n’a pas approuvé le critère « subjectif » en vertu duquel tout ce que l’employeur peut faire c’est démontrer qu’il a des « préoccupations légitimes » en ce qui concerne la fiabilité de M. Jassar. La Cour d’appel fédérale a plutôt conclu qu’il revient à l’employeur de démontrer qu’il a révoqué la cote de fiabilité de M. Jassar selon « des motifs légitimes et valables » (Heyser, au paragraphe 76). Il s’agit d’un critère objectif.

Appliquant le critère objectif de Heyser, l’employeur a omis d’établir qu’il avait des motifs légitimes et valables pour révoquer la cote de fiabilité de M. Jassar et de mettre fin à son emploi. Comme dans l’affaire Heyser, tous les facteurs invoqués par l’employeur pour révoquer la cote de fiabilité de M. Jassar étaient ou « auraient pu être abordés dans le cadre du processus disciplinaire » (Heyser c. Administrateur général (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2015 CRTEFP 70, au paragraphe 153).

Pour les raisons avancées dans l’argumentation écrite finale de M. Jassar aux paragraphes 38 à 96, même si le critère Heyser, correctement interprété en tant que critère objectif, appliqué, l’employeur a, en tout état de cause, omis de démontrer qu’il avait des motifs légitimes et valables de révoquer la cote de fiabilité de M. Jassar et de mettre fin à son emploi.

[…]

 

b. Quelle approche, entre celle de Heyser, 2017 CAF 113, et celle de Bétournay, 2018 CAF 230, devrais-je appliquer en l’espèce?

[538] La Commission avait demandé aux parties de produire des arguments écrits sur la question de savoir si Bétournay, 2018 CAF 230, s’applique aux présents griefs et, selon le cas, sur son effet sur les griefs du fonctionnaire visant la révocation de la cote de fiabilité et son licenciement. En particulier, la Commission avait demandé des arguments sur la contradiction, s’il y en a une, qui peut exister entre Bétournay, 2018 CAF 230, aux paragraphes 34 à 36 et 40 à 41, et Heyser, 2017 CAF 113, aux paragraphes 37, 38, 77 et 78.

[539] Je vais examiner les deux approches afin de déterminer laquelle, entre celle de Heyser, 2017 CAF 113, et celle de Bétournay, 2018 CAF 230, je devrais appliquer en l’espèce.

[540] Avant de commencer, je note que l’arbitre de grief dans Heyser, 2015 CRTEFP 70, et la Commission dans Bétournay, 2017 CRTESPF 37, se sont d’abord penchés sur la question de savoir si la preuve dont ils disposaient appuyait les prétentions des défendeurs selon lesquelles les mesures contestées étaient des mesures administratives légitimes, c’est-à-dire valables. Dans les deux cas, l’arbitre de grief et la Commission ont appliqué l’approche dans Rinaldi et ont décidé si les défendeurs avaient établi le motif valable sur lequel ils se fondaient pour prendre les mesures administratives présumées ou si « […] les conditions requises […] n’existaient pas au moment pertinent et que donc [les mesures] ne peu[vent] avoir eu lieu [pour les raisons invoquées par les défendeurs] ».

[541] Dans Heyser, 2015 CRTEFP 70, l’arbitre de grief a conclu que la mesure administrative présumée n’avait pas été imposée pour un motif valable. Il a refusé de permettre au défendeur d’invoquer à l’arbitrage un autre motif disciplinaire pour appuyer la mesure contestée et il a accueilli le grief pour cette raison. Son approche a été confirmée dans Heyser, 2017 CAF 113. Toutefois, dans Bétournay, 2017 CRTESPF 37, bien que la Commission ait conclu que la mesure administrative présumée n’avait pas été prise pour un motif valable et qu’il s’agissait en fait d’une mesure disciplinaire déguisée sans motif valable et qu’elle ait accueilli le grief pour cette raison, Bétournay, 2018 CAF 230, a infirmé cette approche.

i. L’approche de Heyser, 2017 CAF 113

[542] Dans Heyser, 2017 CAF 113, la Cour d’appel fédérale a clairement énoncé ce qui suit au paragraphe 38 :

[…] Comme il ne fait aucun doute que le licenciement de la défenderesse était fondé sur des motifs non disciplinaires (c’est-à-dire la révocation de sa cote de fiabilité), le demandeur ne pouvait modifier le motif de licenciement de crainte que le motif invoqué au départ ne lui permette pas d’avoir gain de cause […]

 

[543] Au paragraphe 77, la Cour a formulé le commentaire suivant : « […] lorsque l’employeur licencie un employé pour des motifs non disciplinaires, par exemple parce que l’employé a perdu sa cote de fiabilité, comme c’est le cas en l’espèce, la Commission doit décider si la révocation à l’origine du licenciement était justifiée » et elle a ajouté que : « [s]i, au contraire, l’employeur ne réussit pas à démontrer que la révocation était fondée sur des motifs valables, alors le licenciement n’est pas justifié et l’employé, comme l’a ordonné l’arbitre en l’espèce, doit être réintégré dans ses fonctions ».

[544] Enfin, la Cour a écrit ce qui suit au paragraphe 78 :

Comme je l’ai mentionné précédemment, il n’est pas loisible à l’employeur de modifier sa thèse, comme l’employeur en l’espèce a tenté de le faire devant la Commission, et d’affirmer que le licenciement devrait subsidiairement être considéré comme résultant de mesures disciplinaires pour que l’employeur puisse prétendre qu’une autre sanction moins sévère était justifiée, même si le licenciement ne l’était pas.

 

[545] Même si ces commentaires constituaient une remarque incidente, ils représentent un argument très solide.

[546] Les commentaires dans Heyser, 2017 CAF 113, sont conformes à l’état actuel du droit en matière d’arbitrage de conflits de travail au Canada. Comme Brown et Beatty l’expliquent dans Canadian Labour Arbitration, au paragraphe 7:2200, l’employeur ne peut pas s’en remettre à l’arbitrage à de nouveaux motifs différents pour appuyer le licenciement. Même si leur explication est fournie dans un contexte de licenciement disciplinaire, je ne vois pas pourquoi elle ne s’appliquerait pas à tous les licenciements. Ils indiquent ce qui suit :

[Traduction]

7:2200 – Modification des motifs

Les arbitres exigent généralement que les employeurs justifient les sanctions qu’ils imposent par les mêmes motifs que ceux qu’ils ont donnés au moment où les sanctions ont été imposées à un employé, même si, en common law, un employeur peut se fonder sur n’importe quel motif pour justifier un renvoi, peu importe le moment où il a été découvert. Dans Aerocide Dispensers Ltd., le professeur Bora Laskin (plus tard juge en chef du Canada) a été le premier à avancer le principe selon lequel les employeurs devraient être tenus « de respecter rigoureusement les motifs (qu’ils ont) choisis pour agir » et que les arbitres de différends ne devraient « pas […] permettre qu’un motif invoqué soit transformé simplement parce que la preuve n’appuie pas le motif invoqué, mais plutôt quelque chose qui lui ressemble ». Il était d’avis qu’un employeur ne devrait pas être autorisé à élargir ses motifs en ajoutant de nouvelles allégations ou à modifier la façon dont il a qualifié le même ensemble de faits.

Avec les années, l’approche du juge en chef Laskin s’est attiré beaucoup de sympathie parmi les autres arbitres de différends. La modification des motifs sur lesquels une mesure disciplinaire s’appuie est largement perçue comme nous amenant à douter de la bonne foi de l’employeur et de l’équité de la procédure disciplinaire. Suivant l’exemple du juge en chef Laskin, les arbitres de différends ont interdit aux employeurs de produire en preuve des événements n’étant pas étroitement liés à ceux d’abord communiqués à l’employé ou de transformer l’incident à l’origine de l’affaire en une autre infraction. Les arbitres de différends ont été particulièrement vigilants dans le cas où il semble que l’employeur était au courant des motifs supplémentaires au moment où il a agi ou lorsqu’il aurait pu les découvrir relativement facilement. Il en va de même dans le cas où les événements que l’employeur souhaite ajouter sont survenus après l’imposition de la mesure disciplinaire. De plus, lorsque l’employé n’a pas reçu un avis suffisant de l’intention de l’employeur de justifier sa mesure par des motifs différents et/ou la convention collective comprend des restrictions explicites sur les motifs qu’un employeur peut présenter, les arbitres de différends ont obligé les employeurs à s’en tenir à leurs allégations originales.

Le principe selon lequel l’employeur ne peut justifier une mesure disciplinaire imposée à l’employé selon des motifs qui sont différents de ceux qu’il a donnés lorsque la peine a été réellement imposée n’est toutefois pas absolu ou inviolable. De nombreuses exceptions et limites ont été reconnues. Les arbitres de différends vont souvent permettre à un employeur d’ajouter des motifs qui étaient inconnus et non facilement découvrables au moment où il a imposé la mesure disciplinaire. C’est particulièrement vrai dans les cas où la nature clandestine de l’infraction du fonctionnaire a rendu la découverte précoce difficile. Les arbitres de différends sont aussi plus susceptibles de permettre aux employeurs de s’en remettre à des incidents et à des événements qui sont étroitement liés à ceux qu’ils ont invoqués à l’origine et/ou qui fournissent d’autres exemples de ces derniers. Les motifs qui surviennent après la décision d’imposer une mesure disciplinaire, mais avant qu’elle soit réellement imposée à l’employé ont été déclarés comme étant légitimes également. De plus, il existe un consensus général selon lequel la règle d’Aerocide n’empêche pas les arbitres de différends d’examiner les incidents si l’historique d’emploi du fonctionnaire, y compris celui qui suit la décision d’imposer une mesure disciplinaire, afin de déterminer la réparation ou la sanction appropriée dans une affaire. De même, les « faits postérieurs à une mesure disciplinaire » peuvent être admis s’ils portent sur la crédibilité du fonctionnaire, le caractère volontaire d’une démission présumée ou si le syndicat renonce à son droit d’objection. En effet, certains arbitres de différends sont revenus au point de départ et ont permis aux employeurs d’avancer de nouvelles raisons pour justifier leur décision d’imposer une mesure disciplinaire lorsque le seul changement concerne la qualification légale d’un accident ou d’un événement et non l’ajout de nouveaux faits. Selon ce raisonnement, un employeur peut soutenir qu’un employé a été congédié pour un motif valable, même s’il était d’avis au départ qu’il avait pris sa retraite ou qu’il avait démissionné. (Par souci de cohérence, on a conclu qu’un syndicat, qui conteste le bien-fondé d’une mesure disciplinaire, peut également avancer à juste titre d’autres arguments légaux à l’audience qui n’ont pas déjà été soulevés dans le cadre de la procédure de règlement des griefs.) À l’extrême, certaines arbitres de différends ont accepté de permettre à un employeur de modifier le fondement de sa mesure disciplinaire lorsque l’employé ou le syndicat avait eu un délai suffisant et qu’il ne subissait pas de préjudice.

Dans tous les cas où les employeurs ont été autorisés à modifier les motifs sur lesquels s’appuyaient les sanctions disciplinaires, l’employé et/ou le syndicat doit recevoir un avis suffisant du changement pour qu’il puisse correctement préparer ses arguments. Habituellement, si un ajournement est nécessaire pour donner à un employé le temps d’examiner les nouveaux motifs, il sera accordé. De plus, si l’arbitre de différends confirme la mesure de l’employeur selon l’un des nouveaux motifs, il semblerait que la mesure disciplinaire entre en vigueur seulement à partir du moment où les nouvelles allégations ont été formulées pour la première fois. En tout état de cause, même lorsqu’un employeur est tenu de respecter les motifs originaux qu’il a donnés pour justifier sa décision, il est en général reconnu qu’il peut exercer ses pouvoirs disciplinaires une deuxième fois selon les motifs qu’il n’a pas été autorisé à soulever.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[547] Je remarque que l’employeur a admis dans ses observations du 22 février 2019 que [traduction] « […] Heyser ne fait que confirmer le principe bien connu en jurisprudence arbitrale selon lequel l’employeur ne peut pas modifier les motifs de sa décision contestée en cours de route ». Cette admission concorde avec les conclusions de la Cour fédérale dans Johnson c. Canada (Conseil du Trésor) et al. (1993), 70 F.T.R. 217, aux paragraphes 10 et 11, qui se lisent comme suit :

[10] À mon avis, l’arbitre a commis une erreur de droit manifestement déraisonnable quand il a confirmé la suspension de vingt jours du requérant en citant son "habitude déplorable", après avoir conclu que le présumé acte de harcèlement sexuel pour lequel il a été puni n’avait aucunement été prouvé […]

[11] L’arbitre a effectivement statué sur la question dont il était saisi et a donné gain de cause au requérant. Mais il a aussi tranché une question dont il n’était pas saisi, puisque ni le grief ni la lettre de plainte envoyée par la Commission de la fonction publique ne contenaient d’allégation distincte […]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[548] Il y a de bonnes raisons de principe pour obliger l’employeur à respecter les motifs qu’il a invoqués au moment du licenciement et pour ne pas lui permettre de les changer au moment de l’arbitrage.

[549] Dans Burchill c. Le procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’un employé ne peut pas soulever pour la première fois à l’arbitrage une question qui est considérablement différente de celles dont les parties ont discuté pendant la procédure interne de règlement des griefs de l’employeur. Ce principe a été fidèlement appliqué dans les arbitrages du secteur public fédéral depuis.

[550] Le fait d’appliquer la même interdiction à un employeur et de ne pas lui permettre de changer à l’arbitrage l’essence du litige dont les parties ont discuté pendant la procédure interne de règlement des griefs de l’employeur semble établir un équilibre équitable. En d’autres termes, ce qui est bon pour l’un est bon pour l’autre. Au bout du compte, le fait d’interdire à l’employeur de modifier à l’arbitrage les motifs de licenciement a pour but de préserver l’équité du processus d’arbitrage.

[551] L’arbitre de grief dans Heyser, 2015 CRTEFP 70, au par. 161, était d’avis qu’« [i]l aurait été injuste pour la fonctionnaire et contraire aux règles de justice naturelle de permettre à l’employeur de soutenir le fait que son licenciement était de nature disciplinaire s’il n’arrivait pas à démontrer qu’il avait été issu d’une mesure non disciplinaire » et il a fait observer que « [l]’employeur a pris une décision stratégique de révoquer la cote de fiabilité de la fonctionnaire plutôt que de poursuivre le processus disciplinaire ». La remarque incidente de la Cour d’appel fédérale dans Heyser, 2017 CAF 113, fait écho à ces commentaires.

[552] Dans la récente décision Gill c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2018 CRTESPF 55, la Commission s’est penchée sur la tentative de l’employeur de modifier à l’arbitrage les motifs du licenciement. La Commission a exprimé les commentaires qui suivent aux paragraphes 188 à 191 en ce qui concerne l’équité de cette stratégie de l’employeur :

188 Le principe dans Burchill s’applique également à l’employeur. Le fait que le fonctionnaire doive, plus de six ans et demi après son licenciement, tenter de se défendre contre des allégations dont il n’avait pas été entièrement informé et auxquelles il n’était pas tenu de répondre lorsque son grief a suivi son cours dans le cadre des procédures de règlement des griefs et d’arbitrage, était injuste et préjudiciable pour lui.

189 En invoquant l’article 62 de la [Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13], l’employeur a choisi d’« échapper […] à un examen visant à déterminer si [sa] décision était motivée » (tel que cela a été affirmé dans Bergey). Lorsqu’il a déposé son grief, le fonctionnaire a été amené à croire que le recours qu’il devait adopter et le fardeau de preuve dont il devait s’acquitter étaient fondés sur le fait que les actes de l’employeur étaient un subterfuge, un camouflage ou avaient été effectués de mauvaise foi.

190 En conséquence, maintenant, environ six ans et demi plus tard, l’employeur, après avoir indiqué qu’il mettait fin à son emploi en vertu de l’article 62 de la [Loi sur l’emploi dans la fonction publique], ne peut pas changer d’idée et soutenir que son rendement était insuffisant et qu’il l’avait licencié en vertu de l’article 12 de la LGFP. L’employeur aurait pu choisir de le licencier pour rendement insuffisant en vertu des dispositions de la LGFP; ce qu’il n’a pas fait. S’il l’avait fait, en 2012, le fonctionnaire aurait connu les faits et les documents à recueillir et les témoins à appeler, afin qu’il puisse être bien placé pour répondre à cette mesure précise et à ces faits particuliers.

191 Le critère auquel les parties doivent répondre pour régler un licenciement pour rendement insuffisant diffère beaucoup de l’obligation d’établir que l’employeur a participé à un subterfuge ou qu’il a fait preuve de mauvaise foi lorsqu’il a invoqué l’article 62 de la [Loi sur l’emploi dans la fonction publique].

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[553] Non seulement la protection de l’équité du processus d’arbitrage est-elle importante, mais il s’agit aussi de la raison pour laquelle le législateur a adopté la LRTSPF. En effet, son préambule indique précisément que le règlement équitable de litiges en matière d’emploi est l’un des objectifs de la loi, ainsi :

Attendu

[…]

que le gouvernement du Canada s’engage à résoudre de façon juste, crédible et efficace les problèmes liés aux conditions d’emploi;

[…]

Sa Majesté, sur l’avis et avec le consentement du Sénat et de la Chambre des communes du Canada, édicte :

 

[554] Enfin, un autre aspect de l’équité doit être mentionné, soit l’obligation d’agir de bonne foi et équitablement dans le mode de licenciement.

[555] Dans Wallace c. United Grain Growers Ltd., [1997] 3 RCS 701, au par. 95, même si on parle d’un contexte de formulation de la réparation appropriée, la majorité de la Cour suprême du Canada nous a enseigné que « […] les employeurs devraient assumer une obligation de bonne foi et de traitement équitable dans le mode de congédiement ». Au paragraphe 98, la majorité a fourni les précisions suivantes :

98 Il n’est pas possible de définir exactement l’obligation de bonne foi et de traitement équitable. Cependant, je crois tout au moins que, dans le cadre d’un congédiement, les employeurs doivent être francs, raisonnables et honnêtes avec leurs employés et éviter de se comporter de façon inéquitable ou de faire preuve de mauvaise foi en étant, par exemple, menteurs, trompeurs ou trop implacables. Afin d’illustrer des manquements possibles à cette obligation, je vais maintenant mentionner certains exemples du genre de conduite que les tribunaux ont désapprouvé dans la jurisprudence susmentionnée.

 

[556] Pour sa part, la minorité de la Cour a conclu au paragraphe 146 que « […] le droit a évolué au point de reconnaître l’existence, dans les contrats de travail, d’une obligation contractuelle implicite de bonne foi en vertu de laquelle l’on est tenu de faire preuve de bonne foi envers l’employé en le congédiant ». Dans Honda Canada Inc. c. Keays, 2008 CSC 39, aux paragraphes 58 et 81, la Cour a confirmé que les employeurs ont une obligation de bonne foi et de traitement équitable dans le mode de licenciement.

[557] Dans Cabiakman c. Industrielle-Alliance Cie d’Assurance sur la Vie, 2004 CSC 55, au par. 65, la Cour suprême du Canada a appliqué aux suspensions administratives l’obligation d’agir de bonne foi et de traitement équitable de l’employeur.

[558] Obliger l’employeur à respecter les motifs qu’il a invoqués au moment du licenciement et ne pas lui permettre de les changer au moment de l’arbitrage semble une application logique de l’obligation d’agir de bonne foi et de traitement équitable de l’employeur dans le mode de congédiement. En effet, comment des employeurs pourraient-ils être « […] tout au moins […] francs, raisonnables et honnêtes […] » avec leurs employés au moment du licenciement s’ils sont autorisés à changer les motifs du licenciement lors de l’arbitrage? Ou encore, comment le fait de permettre à un employeur de modifier les motifs du licenciement au moment de l’arbitrage respecte l’injonction visant un comportement « […] inéquitable ou […] de mauvaise foi en étant, par exemple, menteurs, trompeurs ou trop implacables »?

ii. L’approche de Bétournay, 2018 CAF 230

[559] Dans Bétournay, 2018 CAF 230, la Cour d’appel fédérale a favorisé une approche très différente de celle de Heyser, 2017 CAF 113. Dans Bétournay, 2018 CAF 230, la Cour a conclu au paragraphe 36 qu’« il ne suffisait pas de conclure que la suspension constituait une mesure disciplinaire déguisée; encore fallait-il décider si, conformément au paragraphe 12(3) de la LGFP, la suspension était imposée pour des motifs valables […] » et que « [p]our satisfaire à cette norme, la Commission devait examiner si les écarts de conduite de la défenderesse étaient suffisamment graves pour justifier la suspension à titre de mesure disciplinaire […] ».

[560] Au paragraphe 41, la Cour a déclaré qu’« à partir du moment où la Commission décide que la suspension est une mesure disciplinaire, il lui fallait aller plus loin et déterminer si celle-ci était proportionnelle à la gravité des comportements reprochés », que « […] la Commission ne pouvait plus limiter son examen aux explications fournies par l’Agence pour démontrer que la suspension était une mesure purement administrative, ni s’en remettre à la section de la Politique sur la discipline portant sur la suspension administrative », que la Commission « devait plutôt se demander si l’Agence avait prouvé les comportements reprochés à la défenderesse (accès non autorisés et abus de pouvoir) et, dans l’affirmative, si la mesure disciplinaire était excessive […] ». Elle a précisé que « […] la Commission devait alors s’attarder aux motifs ayant amené l’Agence à prendre cette mesure disciplinaire, de façon à vérifier que les gestes reprochés à l’employée étaient suffisamment graves pour justifier l’imposition d’une suspension sans traitement ».

[561] Bétournay, 2018 CAF 230, exige que la Commission détermine uniquement sur la base du dossier dont elle dispose si la mesure disciplinaire déguisée de l’employeur aurait pu par ailleurs être justifiée comme une mesure disciplinaire légitime. Essentiellement, l’affaire exige que je considère maintenant que le licenciement du fonctionnaire a été fait en vertu de l’alinéa 51(1)f) de la LARC (mesure disciplinaire, y compris le licenciement). Toutefois, les parties ne m’ont pas demandé de le faire et, avec le plus grand respect pour l’opinion contraire, Bétournay, 2018 CAF 230, ne fournit aucune raison précise expliquant pourquoi je devrais le faire.

[562] Dans l’affaire dont je suis saisie, l’employeur a choisi de ne pas utiliser ses pouvoirs disciplinaires prévus à l’alinéa 51(1)f) de la LARC (mesure disciplinaire, y compris le licenciement) pour mettre fin à l’emploi du fonctionnaire, même si rien ne l’empêchait de les utiliser. S’il avait choisi d’adopter une approche disciplinaire, le fonctionnaire aurait eu droit à la protection de la convention collective.

[563] La plupart des conventions collectives du secteur public fédéral contiennent des protections procédurales pour les affaires concernant les mesures disciplinaires. Celle dans la présente affaire ne fait pas exception. Par exemple, les employés ont le droit d’être représentés par leur agent négociateur aux rencontres liées à des affaires disciplinaires. En l’espèce, même si le fonctionnaire était accompagné par des représentants de l’agent négociateur aux rencontres liées aux incidents préoccupant l’employeur, ce dernier n’a pas permis à ses représentants de formuler des observations significatives à ces rencontres. Je suis consciente que dans Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no 818 (C.A.), la Cour d’appel fédérale a décidé que toute lacune procédurale dans le processus disciplinaire de l’employeur serait corrigée par une audience de novo à l’arbitrage. Toutefois, il y a des affaires où l’audience de novo ne peut pas corriger des violations fondamentales des droits de représentation; par exemple, voir Evans c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166‑2‑25641 (19941021), [1994] C.R.T.F.P.C. no 129 (QL); Shneidman c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2004 CRTFP 133; McQuaid c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2006 CRTFP 87.

[564] Un autre droit procédural prévu par la convention collective est l’obligation de l’employeur d’aviser le fonctionnaire s’estimant lésé par écrit de la raison de son licenciement. Dans l’affaire dont je suis saisie, j’ai conclu que le motif qu’a invoqué l’employeur dans la lettre de révocation et de licenciement était qu’il n’était plus fiable et digne de confiance. L’exigence dans Bétournay, 2018 CAF 230, m’obligeant à déterminer uniquement sur la foi du dossier dont je dispose si son licenciement disciplinaire déguisé aurait pu être justifié par une autre raison en tant que mesure disciplinaire légitime nie cette condition d’emploi du fonctionnaire, qui est clairement indiquée dans la convention collective.

[565] À l’arbitrage, l’employeur s’est opposé à la compétence de la Commission pour entendre le grief visant le licenciement au motif que le licenciement n’était pas disciplinaire. Tout au long de l’audience devant moi, il a soutenu que le licenciement du fonctionnaire ne reposait sur aucun motif disciplinaire. L’exigence dans Bétournay, 2018 CAF 230, m’obligeant à déterminer uniquement sur la foi du dossier dont je dispose si son licenciement disciplinaire déguisé aurait pu être justifié par une autre raison en tant que mesure disciplinaire légitime écarterait la position adoptée par l’employeur tout au long de la procédure interne de règlement des griefs et les observations qu’il a formulées à l’audience devant moi. Selon ce que la Cour fédérale a décidé dans Stringer c. Canada (Procureur général), 2013 CF 735, au paragraphe 72, le défaut de tenir dûment compte de l’argument principal d’une partie sur une question essentielle d’un litige revêt un caractère déraisonnable.

[566] Après avoir évalué la preuve, je conclus que le licenciement du fonctionnaire par l’employeur n’était pas un exercice légitime de son pouvoir prévu par l’alinéa 51(1)g) de la LARC (licenciement pour des motifs autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite) et qu’il s’agissait d’une mesure disciplinaire déguisée. L’exigence dans Bétournay, 2018 CAF 230, m’obligeant à déterminer uniquement sur la foi du dossier dont je dispose si le licenciement disciplinaire déguisé du fonctionnaire aurait pu être justifié par une autre raison en tant que mesure disciplinaire légitime prive ma principale conclusion de tout effet légal réel. L’employeur ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir selon la prépondérance des probabilités que le licenciement du fonctionnaire a été fait en vertu de l’alinéa 51(1)g) de la LARC pour le motif qu’il a invoqué. Maintenant que l’employeur n’a pas accompli ce qu’il s’était fixé comme objectif, Bétournay, 2018 CAF 230, m’oblige à donner à sa décision une autre chance et à déterminer uniquement sur la foi du dossier dont je dispose si elle aurait pu être justifiée par une autre raison en tant que mesure disciplinaire légitime. Je ne connais aucune procédure légale qui permettrait à une partie qui n’établit pas le bien-fondé d’une affaire d’obtenir une deuxième chance de voir son action justifiée, au motif de l’analyse du décideur, en fonction de nouvelles raisons différentes qui n’ont pas été alléguées la première fois.

[567] Je reconnais que lorsqu’un employeur impose une mesure disciplinaire contre l’employé, les critères indiqués dans Wm. Scott & Co Ltd. v. Canadian Food and Allied Workers Union, Local P-162, [1977] 1 C.L.R.B.R. 1, doivent s’appliquer afin de déterminer s’il avait un motif d’imposer une mesure disciplinaire et si la mesure imposée était proportionnelle à l’inconduite de l’employé. Cette approche fonctionne bien lorsqu’un employeur allègue que la mesure prise avait effectivement une nature disciplinaire. Toutefois, lorsqu’un employeur camoufle ce qui est essentiellement une mesure illégitime sous une fausse apparence de légitimité, l’application de Wm. Scott & Co Ltd. mène à des problèmes importants.

[568] Comme je l’ai mentionné, Bétournay, 2018 CAF 230, m’oblige à donner à la décision de l’employeur une autre chance et à déterminer uniquement sur la foi du dossier dont je dispose si elle aurait pu être justifiée par une autre raison en tant que mesure disciplinaire légitime. Comme je l’ai noté, la lettre de révocation et de licenciement mentionnait cinq incidents distincts. Même si elle a mentionné ces incidents, elle n’indiquait pas s’il s’agissait des raisons pour révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire. Au contraire, la lettre de révocation et de licenciement indiquait clairement que la révocation de sa cote de fiabilité, qui a entraîné son licenciement, n’était pas fondée en soi sur les incidents, mais sur la croyance de l’employeur qu’il n’était plus fiable et digne de confiance.

[569] À l’audience devant moi, l’employeur n’a déposé aucune preuve pour établir qu’il avait un motif pour imposer une mesure disciplinaire au fonctionnaire et que le licenciement n’était pas excessif dans les circonstances. De plus, il n’a présenté aucun argument selon lesquels il avait un motif de mettre fin à son emploi pour des raisons disciplinaires. Je dispose donc d’un dossier qui ne contient aucun élément de preuve et aucun argument de l’employeur qui pourrait m’aider à déterminer, comme l’exige Bétournay, 2018 CAF 230, si les critères établis dans Wm. Scott & Co Ltd. ont été respectés. À mon avis, exiger au niveau de l’arbitrage que je détermine, sur la seule foi du dossier dont je dispose, si le licenciement aurait pu être justifié par une autre raison en tant que mesure disciplinaire légitime soulèverait des questions importantes de justice naturelle et serait contraire à l’objectif du règlement équitable et crédible des questions découlant des conditions d’emploi qui sont énumérées dans le préambule de la LRTSPF. En tant que décideur indépendant et impartial, je ne suis pas autorisée à présenter les arguments d’une partie en son nom.

[570] De plus, exiger au niveau de l’arbitrage que je détermine, sur la seule foi du dossier dont je dispose, si le licenciement du fonctionnaire aurait pu être justifié par une autre raison en tant que mesure disciplinaire légitime semble contradictoire avec mes fonctions prévue par la partie 2 de la LRTSPF. Cette fonction consiste à entendre un grief de novo et à le trancher. Ma tâche, telle que je la comprends, consiste à décider si l’employeur s’est acquitté de son fardeau d’établir selon la prépondérance des probabilités que la mesure qu’il soutient avoir prise était légitime dans les circonstances de l’affaire.

[571] Je remarque que l’approche adoptée dans Bétournay, 2018 CAF 230, est fondée sur différents cas. En particulier, Bétournay, 2018 CAF 230, renvoie à Bergey, aux paragraphes 35 et 36; Basra, 2010 CAF 24, aux paragraphes 24 à 26; McKinley c. BC Tel, 2001 CSC 38, aux paragraphes 29, 48 et 57; Tobin c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 254, au par. 45; Canada (Procureur général) c. Grant, 2017 CAF 10, au par. 5. D’un autre côté, je note que Bétournay, 2018 CAF 230, ne fait pas mention de Heyser, 2017 CAF 113.

[572] Dans Bergey, au par. 36, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

Lorsque la Commission conclut que les actes de l’employeur constituent une mesure disciplinaire déguisée, comme la Cour le fait observer dans la décision Basra, aux paragraphes 24 à 29, elle est chargée d’examiner ce qui s’est produit et de décider si la décision de l’employeur d’imposer la sanction ou de prendre la mesure en question était motivée […].

 

[573] Les paragraphes 35 et 36 ne fournissent aucun motif supplémentaire au soutien de cette déclaration.

[574] Bétournay, 2018 CAF 230, tout comme Bergey, invoque Basra, 2010 CAF 24, aux paragraphes 24 à 29, qui se lisent comme suit :

[24] Puisque l’affaire doit être renvoyée à l’arbitre, il peut être utile de fournir des indications sur certaines questions procédurales. Dans Wm. Scott & Co., [1977] 1 C.L.R.B.R. 1, au par. 13, le président Weiler a écrit ce qui suit :

[TRADUCTION]

[…] les arbitres devraient poser trois questions distinctes dans le cadre de griefs de congédiement typiques. D’abord, le comportement de l’employé a-t-il justifié que l’employeur impose des mesures disciplinaires? Le cas échéant, la décision de l’employeur de congédier l’employé était-elle excessive dans l’ensemble des circonstances de l’affaire? Enfin, si l’arbitre est d’avis que le renvoi est excessif, quelle autre mesure juste et équitable peut-on y substituer?

Voir également Tobin c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 254, [2009] A.C.F. No 968, au paragraphe 45 (Tobin).

[25] Depuis, cette façon de procéder a été élargie à d’autres poursuites en matière disciplinaire : voir Palmer et Snyder, Collective Agreement Arbitration in Canada, 4e éd., Markham (Ontario), LexisNexis Canada Inc., 2009, au paragraphe 5.187.

[26] Il incombe à l’employeur de prouver les faits sous‑jacents invoqués pour justifier l’imposition d’une mesure disciplinaire : Palmer et Snyder, précité, au paragraphe 10.67. Ce fardeau s’applique tant aux faits justifiant l’imposition de la mesure disciplinaire qu’à la pertinence de la mesure même.

[27] En l’espèce, l’intimé était d’avis qu’il n’a pas pris de mesures disciplinaires à l’égard de l’appelant. Il ne pouvait donc, sans se contredire lui-même, produire des éléments de preuve concernant la conduite ayant justifié la mesure disciplinaire. La question soumise à l’arbitre était plutôt formulée en fonction de la décision Larson c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), 2002 CRTFP 9 (Larson), laquelle portait sur la suspension d’un employé du SCC qui était accusé d’une infraction criminelle. Les facteurs énoncés dans Larson font présumer que la mesure est de nature disciplinaire et visent à déterminer si le fait de garder l’employé en fonction pose un risque sérieux et immédiat aux intérêts légitimes de l’employeur (par. 161 de Larson).

[28] Cette approche soulève toutefois un problème, car elle fait abstraction de la première étape du processus, où l’employeur doit prouver les faits justifiant l’imposition de la mesure disciplinaire. Dans le cas du SCC, le comportement ayant entraîné une mesure disciplinaire fait l’objet du Code de discipline et des Règles de conduite professionnelle. Dans Tobin, cette Cour a conclu que l’employeur avait le droit d’évaluer la conduite de l’employé en se référent [sic] au Code de discipline et aux Règles de conduite professionnelle : voir les paragraphes 46 et 47.

[29] Par conséquent, lorsqu’il instruit de nouveau l’affaire, l’arbitre doit d’abord déterminer si l’employeur a prouvé qu’il y a eu manquement au Code de discipline ou aux Règles de conduite professionnelle. Si l’employeur s’est acquitté de ce fardeau, l’arbitre doit ensuite déterminer si la mesure disciplinaire imposée était excessive. Dans la négative, la mesure reste valide. Si l’arbitre estime que le [sic] mesure est excessive, il doit alors décider quelle est la mesure adéquate. Ces questions sont distinctes et méritent toutes un examen attentif. Elles ne peuvent simplement être subsumées dans l’analyse des facteurs prévus dans Larson, qui ne portent pas sur la question de savoir si l’employeur avait raison d’imposer une mesure disciplinaire.

 

[575] Avec égards, Basra, 2010 CAF 24, ne fournit aucune raison au soutien de la directive qui consiste à permettre à un employeur de se contredire et de présenter de nouveaux éléments de preuve et de nouveaux arguments pour appuyer la légitimité d’une suspension, en tant que mesure disciplinaire réputée, après ne pas avoir réussi à justifier la légitimité de la suspension qu’il avait imposée à l’employé en tant que mesure non disciplinaire. Les paragraphes 26 à 29 n’expliquent pas pourquoi un employeur devrait obtenir cette deuxième chance. Je remarque également que contrairement à Bétournay, 2018 CAF 230, Basra, 2010 CAF 24, a renvoyé l’affaire à l’arbitre de grief original pour qu’il l’entende de nouveau.

[576] Bétournay, 2018 CAF 230, invoque également Tobin, au paragraphe 45, qui indique ce qui suit :

[45] Ayant établi que le juge de première instance était en droit de soulever la question de la norme qu’il convenait d’appliquer pour apprécier la conduite de M. Tobin, la question de savoir laquelle de ces normes appliquer subsiste. Une grande partie du débat devant le juge de première instance ainsi qu’en la présente instance a porté sur l’effet qu’il convenait de donner aux règles du commissaire et plus particulièrement sur la question de savoir si elles « liaient » l’arbitre. Dans le présent contexte, le sens du mot « lier » n’est pas vraiment évident. Le rôle de l’arbitre consiste à décider si les faits sur lesquels se fonde l’employeur pour imposer des mesures disciplinaires à un employé ont été étayés et, dans l’affirmative, d’évaluer si la sanction imposée par l’employeur est appropriée.

 

[577] Dans Tobin, l’arbitre de grief devait déterminer si la décision de l’employeur d’imposer une mesure disciplinaire à un employé pour la violation en dehors des heures de travail de son code de conduite était justifiée. Selon les observations conjointes des parties dont il disposait, l’arbitre de grief a appliqué les critères élaborés par la jurisprudence pour les mesures disciplinaires visant la conduite en dehors des heures de travail.

[578] Dans le cadre du contrôle judiciaire, la Cour fédérale était d’avis qu’au contraire, l’arbitre de grief aurait dû appliquer le code de conduite de l’employeur. En appel, la Cour d’appel fédérale a confirmé l’approche privilégiée par la cour de révision.

[579] Par conséquent, ce que je retiens de Tobin, au par. 45, est que je dois déterminer si le motif invoqué par l’employeur pour appuyer le licenciement fonctionnaire a été établi. J’ai déjà conclu que l’employeur ne l’avait pas fait. À mon avis, Tobin, au par. 45, n’exige pas que je détermine alors, sur la seule foi du dossier dont je dispose, si le licenciement du fonctionnaire aurait pu être justifié par une autre raison en tant que mesure disciplinaire.

[580] Bétournay, 2018 CAF 230, invoque également Grant, au par. 5, qui se lit comme suit :

[5] S’agissant maintenant de savoir si la Commission a commis une erreur susceptible de révision dans son examen de la question disciplinaire, nous pensons que, lus objectivement, les motifs montrent qu’elle a examiné si les décisions attaquées étaient justifiées et a conclu que l’ASFC ne les avait pas justifiées. Nous convenons avec la défenderesse que la partie des motifs traitant de la question disciplinaire ne peut se lire isolément du reste des motifs, desquels il ressort clairement que la Commission a conclu à l’absence de justification des actes contestés, au motif que l’ASFC n’avait pas établi qu’ils étaient raisonnablement nécessaires. La Commission disposait de nombreux éléments de preuve propres à la conduire à cette conclusion, de sorte qu’on ne peut considérer celle-ci comme étant déraisonnable.

 

[581] Selon ma compréhension, ce paragraphe démontre que la Commission a conclu que l’action de l’employeur n’était pas une décision disciplinaire justifiée. Encore une fois, à mon avis, il n’exige pas que je détermine si le licenciement du fonctionnaire aurait pu être justifié par une autre raison en tant que mesure disciplinaire.

[582] Enfin, Bétournay, 2018 CAF 230, invoque McKinley, aux paragraphes 29, 48 et 57. McKinley portait sur une poursuite fondée sur la common law pour congédiement injustifié alléguant que M. McKinley avait été licencié sans avis approprié et sans motif valable. Dans sa défense, l’employeur a soutenu qu’il lui avait offert une indemnisation adéquate au lieu d’un avis raisonnable et qu’il avait un motif pour le congédier, soit qu’il avait été malhonnête avec lui. Aux paragraphes 29, 48 et 57, la Cour suprême du Canada a écrit ce qui suit :

[29] Lorsqu’ils examinent si l’inconduite d’un employé – y compris l’inconduite malhonnête – justifie son congédiement, les tribunaux prennent souvent en considération le contexte dans lequel il y aurait eu insubordination. Le fait de conclure à l’inconduite, dans le cadre de cette analyse, n’établit pas en soi l’existence d’un motif valable de congédiement. Il s’agit plutôt de savoir si, dans les circonstances, le comportement adopté a fait en sorte que la relation employeur-employé n’était plus viable.

[…]

[48] À la lumière de l’analyse qui précède, je suis d’avis que, pour déterminer si un employeur est en droit de congédier un employé pour cause de malhonnêteté, il faut apprécier le contexte de l’inconduite alléguée. Plus particulièrement, il s’agit de savoir si la malhonnêteté de l’employé a eu pour effet de rompre la relation employeur-employé. Ce critère peut être énoncé de plusieurs façons. On pourrait dire, par exemple, qu’il existe un motif valable de congédiement lorsque la malhonnêteté viole une condition essentielle du contrat de travail, constitue un abus de la confiance inhérente à l’emploi ou est fondamentalement ou directement incompatible avec les obligations de l’employé envers son employeur.

[…]

[57] Pour les motifs qui précèdent, je préconise un cadre analytique qui traite chaque cas comme un cas d’espèce et qui tient compte de la nature et de la gravité de la malhonnêteté pour déterminer si elle est conciliable avec la relation employeur-employé. Une telle approche réduit le risque qu’un employé soit pénalisé indûment par l’application stricte d’une règle catégorique qui assimile toutes les formes de malhonnêteté à un motif valable de congédiement. En même temps, cette approche soulignerait à juste titre que la malhonnêteté qui touche au cœur même de la relation employeur-employé peut constituer un motif valable de congédiement.

[583] Selon ma compréhension de ces paragraphes, il s’agit de savoir si un congédiement est une réponse proportionnelle à la gravité de la conduite d’un employé. Je note que dans McKinley, l’employeur n’a pas invoqué de motif valable au moment du licenciement, ce qui n’est pas inhabituel lorsqu’on examine la résiliation d’un contrat d’emploi en common law, et que l’employeur a invoqué le motif valable de licenciement uniquement en réponse à une poursuite. En common law, un employeur n’est pas tenu d’invoquer un motif au soutien du licenciement, contrairement à l’obligation de l’employeur en l’espèce. Encore une fois, à mon avis, cette affaire n’exige pas que je détermine si le licenciement du fonctionnaire aurait pu être justifié par une autre raison en tant que mesure disciplinaire.

iii. Application à la présente affaire

[584] Selon mon examen des positions opposées que Heyser, 201 CAF 113, et Bétournay, 2018 CAF 230, ont adopté sur ce qui constitue un plan d’action approprié lorsque la mesure administrative alléguée d’un employeur s’avère véritablement disciplinaire, je privilégie celle exprimée dans Heyser, 201 CAF 113. Pour les motifs que j’ai donnés lorsque j’ai examiné les deux décisions, je crois que Heyser, 2017 CAF 113, concorde avec l’état actuel du droit en matière d’arbitrage de conflits de travail au Canada et les conditions d’emploi de la convention collective. Je crois aussi que cette décision met davantage de l’avant l’objectif du règlement équitable et crédible des questions découlant des conditions d’emploi qui sont énumérées dans le préambule de la LRTSPF et qu’elle favorise des relations de travail harmonieuses dans le secteur public fédéral.

[585] J’ai déjà conclu que les conditions requises permettant à l’employeur de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire, soit qu’il aurait eu des motifs légitimes pour penser qu’il représentait un risque inacceptable pour ses activités, n’étaient pas réunies à ce moment-là et qu’il ne pouvait pas être licencié pour ces raisons. Par conséquent, j’ai conclu que le licenciement n’avait pas été fait pour le motif invoqué par l’employeur, mais qu’il constituait une invocation factice en vertu de l’alinéa 51(1)g) de la LARC (licenciement pour des motifs autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite), un subterfuge ou un camouflage et qu’il s’agissait véritablement d’une mesure disciplinaire déguisée. Appliquant l’approche de Heyser, 2017 CAF 113, mes conclusions suffisent pour disposer du bien-fondé du grief qui m’a été présenté.

[586] Néanmoins, et uniquement pour les fins de la discussion, je souhaite préciser que j’aurais accueilli le grief si j’avais appliqué l’approche de Bétournay, 2018 CAF 230. Si je m’étais penchée sur la question de savoir si le licenciement du fonctionnaire avait pu être justifié pour une autre raison en tant que mesure disciplinaire légitime, j’aurais examiné les incidents auxquels faisait allusion la lettre de révocation et de licenciement et je n’aurais trouvé aucune inconduite de la part du fonctionnaire qui aurait pu constituer un motif pour imposer une mesure disciplinaire.

[587] En ce qui concerne la crainte présumée de lésions personnelles en vertu du paragraphe 810(1) du Code criminel et l’omission présumée de signaler des accusations criminelles à la direction en 2004, j’ai conclu que l’employeur s’en était remis à des renseignements inexacts; que M. George, le gestionnaire du fonctionnaire à l’époque, était au courant des démêlés judiciaires du fonctionnaire en ce qui concerne la garde de ses enfants; que ces démêlés n’étaient pas liés à ses fonctions officielles; qu’ils n’avaient pas mené au dépôt d’accusations contre lui. Par conséquent, je n’aurais trouvé aucune inconduite connexe de sa part qui aurait pu constituer un motif pour imposer une mesure disciplinaire.

[588] Pour ce qui est de l’utilisation alléguée d’un pseudonyme, j’ai conclu que l’employeur s’en était remis à des renseignements inexacts, que le pseudonyme P*** qui était associé au nom du fonctionnaire dans le site Web Court Services Online de la C.-B. était une erreur et que l’employeur aurait dû le réaliser dès le début puisque le site Web Court Services Online de la C.-B. indiquait des dates de naissance différentes pour le fonctionnaire et M. P***. Par conséquent, je n’aurais trouvé aucune inconduite connexe de la part du fonctionnaire qui aurait pu constituer un motif pour imposer une mesure disciplinaire.

[589] L’employeur avait déjà imposé une suspension disciplinaire d’un jour au fonctionnaire en ce qui concerne l’incident du courriel déplacé. Pour cette seule raison, j’aurais conclu qu’il ne pouvait pas invoquer cet incident au soutien du licenciement disciplinaire puisque cela aurait constitué un double péril, ou une deuxième mesure disciplinaire, pour la même inconduite découlant du même incident; voir Canadian Labour Arbitration, au paragraphe 7:4240.

[590] De plus, j’ai déjà conclu que l’envoi de courriels depuis l’ordinateur d’un collègue faisait partie de la culture de la TI, ce qu’avait fait le chef d’équipe du fonctionnaire, et qu’il semblait que l’employeur avait toléré ce comportement dans le passé. Par conséquent, je n’aurais trouvé aucune inconduite connexe de la part du fonctionnaire qui aurait pu constituer un motif pour imposer une mesure disciplinaire.

[591] L’employeur avait déjà imposé une suspension disciplinaire de 10 jours au fonctionnaire en ce qui concerne l’incident du routeur. Encore une fois, pour cette seule raison, j’aurais conclu qu’il ne pouvait pas invoquer cet incident au soutien du licenciement disciplinaire puisque cela aurait constitué un double péril pour la même inconduite découlant du même incident; encore une fois, voir Canadian Labour Arbitration, au paragraphe 7:4240.

[592] De plus, j’ai conclu que l’employeur s’en était remis à des renseignements inexacts, que le fonctionnaire n’était pas la seule personne qui aurait pu allumer le routeur et que l’employeur n’a pas prouvé qu’il l’avait fait. Par conséquent, je n’aurais trouvé aucune inconduite connexe de la part du fonctionnaire qui aurait pu constituer un motif pour imposer une mesure disciplinaire.

[593] En ce qui concerne les accusations criminelles d’avoir désobéi à une ordonnance du tribunal et d’avoir volontairement entravé un agent de la paix, ou de lui avoir résisté, et l’omission de signaler des accusations criminelles à la direction en 2012, j’ai conclu que l’employeur s’en était remis à des renseignements inexacts; que le fonctionnaire avait informé M. Dorff le 8 août 2012 de son litige de garde devant les tribunaux, que ces démêlés n’étaient pas liés à ses fonctions officielles; que l’employeur était au courant de ce dernier fait. J’ai conclu également que des accusations n’avaient été déposées contre lui qu’après l’entrevue du 8 août 2012. Par conséquent, je n’aurais trouvé aucune inconduite connexe de sa part qui aurait pu constituer un motif pour imposer une mesure disciplinaire.

[594] L’employeur avait déjà imposé une suspension de 20 jours au fonctionnaire en ce qui concerne son utilisation des congés et ses inscriptions de présence. Encore une fois, pour cette seule raison, j’aurais conclu qu’il ne pouvait pas invoquer cet incident au soutien du licenciement disciplinaire du fonctionnaire puisque cela aurait constitué un double péril pour la même inconduite découlant du même incident; encore une fois, voir Canadian Labour Arbitration, au paragraphe 7:4240.

[595] De plus, j’ai conclu que l’employeur s’en était remis à des renseignements inexacts et que le fonctionnaire avait demandé le mauvais type de congé pour les 3,5 heures qu’il a prises afin d’accompagner un membre de la famille au bureau d’un médecin. J’ai également conclu que l’employeur n’avait présenté aucune preuve démontrant qu’il ne croyait pas honnêtement qu’il pouvait utiliser un congé pour un rendez-vous médical ou dentaire pour accompagner un membre de la famille au bureau d’un médecin ou qu’il avait l’intention de retirer un avantage auquel il n’avait pas droit. Par conséquent, je n’aurais trouvé aucune inconduite connexe de sa part qui aurait pu constituer un motif pour imposer une mesure disciplinaire.

[596] Enfin, la preuve dont je dispose n’a établi l’existence d’aucune autre inconduite possible de la part du fonctionnaire qui aurait pu constituer un motif pour imposer une mesure disciplinaire.

3. Réparation

[597] Le fonctionnaire a témoigné à l’audience au sujet des jours, des mois et des années qui ont suivi son licenciement et des conséquences financières et émotives que lui-même et sa famille ont vécues en conséquence. Tous les aspects de sa vie ont été chamboulés.

[598] Le fonctionnaire a également témoigné de ses nombreux efforts pour trouver un autre emploi après son licenciement, au sujet desquels il a fourni une preuve détaillée.

[599] Comme il n’a pas trouvé de travail, le fonctionnaire a également expliqué qu’il s’est inscrit à des cours informatiques pour se perfectionner.

[600] L’employeur n’a pas contredit ou réfuté le témoignage du fonctionnaire en ce qui concerne la question de la réparation.

[601] Le paragraphe 228(2) de la LRTSPF indique qu’« [a]près étude du grief, […] la Commission […] tranche celui-ci par l’ordonnance qu’[elle] juge indiquée […] ».

[602] Le fonctionnaire demande sa [traduction] « […] réintégration immédiate sans perte d’ancienneté et avec indemnisation complète pour le salaire, les heures supplémentaires et les avantages perdus depuis son licenciement le 27 septembre 2013, y compris ses crédits de congé de maladie […] » et il invoque Unifor, Local 101R v. Canadian Pacific Railway Co. (2014), 241 L.A.C. (4e) 417, au par. 81. Il propose que tout le revenu d’emploi qu’il a gagné depuis son licenciement soit déduit de l’argent que l’employeur lui doit pour sa rémunération perdue. Comme je ne suis pas invitée à me prononcer sur l’application de l’obligation d’atténuer les dommages en ce qui concerne la perte de rémunération à la suite d’un licenciement sans motif valable dans le secteur public fédéral, je refuse de formuler une conclusion.

[603] Le fonctionnaire soutient qu’il a [traduction] « […] droit à une majoration pour impôt sur tout le revenu perdu […] » et il invoque Canadian Auto Workers, Local 88 v. Cami Automotive Inc. (1999), 86 L.A.C. (4e) 272, aux paragraphes 32 et 33.

[604] Pour ce qui est de l’ensemble des réparations pécuniaires, le fonctionnaire demande l’attribution [traduction] « […] d’intérêts composés sur tous les montants qui lui sont dus […] ». Il m’a renvoyée aux décisions suivantes au soutien de sa prétention : King c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 84, au par. 123; et Pugh c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2013 CRTFP 123, au par. 224. Il soutient que les taux d’intérêt applicables sont établis dans la Court Order Interest Act de la Colombie-Britannique (R.S.B.C. 1996, c. 79) et dans le tableau « Taux directeur » de la Banque du Canada.

[605] De plus, le fonctionnaire soutient qu’il a [traduction] « […] droit à toutes les cotisations de pension ou à tous les redressements nécessaires pour qu’il soit remis dans le poste où il aurait été s’il n’avait pas été licencié le 27 septembre 2013 […] » et il invoque Unifor, Local 101R, au par. 81.

[606] Le fonctionnaire demande aussi que [traduction] « […] les documents concernant […] la révocation de sa cote de fiabilité et son licenciement soient retirés de son dossier personnel […] » et il invoque Blackburn, au par. 324.

[607] Le fonctionnaire ne demande pas de dommages punitifs ou de dommages pour préjudice psychologique en raison du mode de licenciement.

[608] L’employeur s’oppose à la demande de réintégration du fonctionnaire sans perte d’ancienneté et il soutient que la perte d’ancienneté ne s’applique pas.

[609] L’employeur s’oppose aussi à la demande de rémunération des heures supplémentaires du fonctionnaire. Il soutient que la preuve ne précise pas le montant qu’il aurait gagné en heures supplémentaires. Même s’il avait pu gagner environ 5 000 $ en heures supplémentaires en une année, il n’est pas garanti qu’il aurait obtenu le même montant pour les années suivantes.

[610] Enfin, l’employeur a demandé qu’il ne soit pas tenu d’indemniser le fonctionnaire pour le salaire perdu découlant des délais qu’il a causés dans la poursuite de ses griefs et du délai que la Commission a pris pour les entendre, puisque l’employeur n’est pas responsable de ces délais. Je trouve cette demande outrageante, fallacieuse et vexatoire.

[611] Tout d’abord, l’employeur ne m’a présenté aucun élément de preuve pour appuyer sa prétention selon laquelle le fonctionnaire a causé des retards dans le traitement de ses griefs. Une simple allégation ne suffit pas pour s’acquitter de son fardeau d’établir cette allégation.

[612] Ensuite, l’employeur n’a pas lui-même une attitude irréprochable. L’audition de ces questions a été reportée deux fois, à sa demande. La première fois était le 14 septembre 2015 et la deuxième, le 12 mai 2016. De plus, je note que les parties n’étaient pas disponibles pour une audience reportée avant le 16 mai 2017. Si l’employeur avait pu aller de l’avant avec la présente affaire selon la date prévue à l’origine, le délai qu’il aurait fallu pour l’entendre aurait été au moins 18 mois plus court.

[613] Enfin, il est bien établi en droit qu’un fonctionnaire s’estimant lésé a le droit d’être indemnisé intégralement dans l’éventualité où son grief est accueilli. Un fonctionnaire s’estimant lésé a le droit d’être remis dans la même position où il aurait été si les événements à l’origine du grief n’avaient pas eu lieu. Il serait manifestement injuste de tenir le fonctionnaire responsable d’une partie de la durée de la procédure en l’espèce. Je rejette donc la demande de l’employeur. En tout état de cause, comme je l’ai déjà noté, le fonctionnaire propose que tout le revenu d’emploi qu’il a gagné depuis son licenciement soit déduit du montant que l’employeur lui doit pour sa rémunération perdue.

[614] Je suis d’avis que la réparation appropriée consiste à réintégrer le fonctionnaire dans son poste rétroactivement au 27 septembre 2013, sans perte de salaire ou d’avantages. Je remarque que bien que l’employeur ait contesté le nombre des heures supplémentaires qu’il aurait travaillées s’il n’avait pas été licencié, il ne conteste pas qu’il aurait effectivement fait des heures supplémentaires. Dans les circonstances, je conclus qu’il est juste de penser qu’il aurait accompli le nombre moyen d’heures supplémentaires travaillées par des analystes de soutien de la TI classifiés au groupe et au niveau CS-01 au Centre fiscal de Surrey qui étaient disponibles pour faire des heures supplémentaires.

[615] Je note que la situation du fonctionnaire est différente de celle dans Canadian Auto Workers, Local 88 v. Cami Automotive Inc. Je ne suis pas convaincue qu’une majoration pour impôt est nécessaire.

[616] Enfin, j’attribue sans hésitation des intérêts sur l’argent dû au fonctionnaire. Il a demandé le taux directeur fixé par la Banque du Canada et je ne crois pas que ce taux soit excessif.

[617] J’invite les parties à fixer entre elles le montant exact dû au fonctionnaire à la suite de la présente décision. Si elles n’arrivent pas à s’entendre, je demeurerai saisie de la présente affaire pendant une période de 90 jours.

VII. Autres commentaires

[618] Maintenant que j’ai abordé toutes les questions dont j’étais saisie, à l’exception de celle que j’ai remise aux parties quant au montant exact dû au fonctionnaire à la suite de la présente décision, j’aimerais formuler certains commentaires sur ce qui est ressorti de la preuve et de l’audience devant moi.

[619] Pour des raisons qui n’ont pas véritablement été mises au jour à l’audience, l’employeur s’est forgé l’opinion selon laquelle le fonctionnaire n’était pas un employé convenable.

[620] L’employeur a commencé à gérer les événements visés par la présente décision le 7 juillet 2011, après que l’un des collègues du fonctionnaire l’a avisé de renseignements à son sujet qu’il a découverts dans le site Web Court Services Online de la C.-B. À ce moment, l’employeur était d’avis qu’il ne subirait pas de risque s’il attendait de recevoir la vérification des antécédents de la GRC à son sujet. Au cours de la semaine du 23 avril 2012, la GRC a confirmé qu’il n’avait jamais été reconnu coupable d’infractions criminelles.

[621] Néanmoins, l’employeur a interrogé le fonctionnaire le 8 août et le 21 septembre 2012 au sujet du pseudonyme P*** et de ses démêlés au sujet de la garde en 2004 et il a décidé le 9 décembre 2012 de clore l’enquête sur ces questions.

[622] Le 21 décembre 2012, le fonctionnaire a envoyé un courriel déplacé depuis le poste de travail d’un collègue et, le 7 janvier 2013, l’employeur l’a interrogé à ce sujet. Par la suite, il a fait face à une succession d’événements qui ont culminé en son licenciement le 27 septembre 2013. Je ne peux qu’imaginer l’épreuve que cette période a représentée pour lui.

[623] Le 11 janvier 2013, l’incident relatif au routeur s’est produit. À ce moment, l’employeur était d’avis que l’incident n’était pas susceptible de nuire à son réseau et a confirmé qu’il représentait véritablement un risque très minime. Pourtant, le 5 février 2013, l’employeur a limité les tâches du fonctionnaire en attendant son enquête sur cet incident.

[624] Le 13 janvier 2013, l’employeur a reçu confirmation du service de police de Delta que les accusations déposées contre le fonctionnaire en 2012 visaient un litige de garde.

[625] Le 22 janvier 2013, l’employeur a décidé de s’assurer que la cote de fiabilité du fonctionnaire serait révisée. L’élément qui a déclenché cette décision demeure flou parce que l’employeur savait qu’il n’avait jamais été reconnu coupable d’infractions criminelles, que les accusations déposées contre lui en 2012 concernaient un litige de garde et que l’incident relatif au routeur représentait un risque minime pour son réseau. Il est vrai que le fonctionnaire avait envoyé un courriel déplacé le 21 décembre 2012. Il est également vrai que l’employeur avait déjà fait enquête sur son utilisation des congés et ses inscriptions de présence, mais il ne l’avait pas encore confronté à ce sujet et il ne savait pas encore s’il y avait une explication. Il ne savait toujours pas s’il devait s’en préoccuper. Toutefois, il est évident que l’intention de l’employeur de réviser sa cote de fiabilité s’est concrétisée le 22 janvier 2013.

[626] Huit jours plus tard, le 30 janvier 2013, l’employeur a interrogé le fonctionnaire pour la première fois sur son utilisation des congés et ses inscriptions de présence.

[627] Le 26 février 2013, l’employeur a tenu une audience disciplinaire avec le fonctionnaire au sujet de l’incident du courriel déplacé et de l’incident relatif au routeur.

[628] Le 8 avril 2013, les Affaires internes ont recommandé à l’employeur de réviser la cote de fiabilité du fonctionnaire [traduction] « [e]n raison de l’incertitude concernant le pseudonyme […] », malgré le fait que l’employeur avait décidé le 9 décembre 2012 de clore son enquête sur cette question et qu’il n’avait jamais été reconnu coupable d’infractions criminelles.

[629] Le 29 avril 2013, l’employeur a imposé au fonctionnaire une suspension d’un jour pour l’incident du courriel déplacé et une suspension de 10 jours pour l’incident relatif au routeur. Il a purgé ces suspensions de façon consécutive du 30 avril au 14 mai 2013.

[630] Le 24 mai 2013, l’employeur a tenu une audience disciplinaire avec le fonctionnaire au sujet de son utilisation des congés et ses inscriptions de présence. À cette occasion, son représentant a informé l’employeur qu’il était [traduction] « […] très stressé ».

[631] Le 28 mai 2013, l’employeur a informé le fonctionnaire qu’il effectuait une révision de sa cote de fiabilité et qu’il était possible qu’il perde son emploi. Il a suspendu ses [traduction] « […] privilèges d’accès à l’ordinateur central de l’ARC […] en attendant un examen de la sécurité ».

[632] Le 17 juillet 2013, l’employeur a interrogé le fonctionnaire au sujet du pseudonyme P*** et de ses démêlés relatifs à la garde de 2004, malgré qu’il savait qu’il n’avait jamais été reconnu coupable d’infractions criminelles. Il l’a aussi interrogé sur l’incident du courriel déplacé ayant mené à sa suspension d’un jour, l’incident relatif au routeur ayant mené à sa suspension de 10 jours et son utilisation des congés et ses inscriptions de présence. De plus, il l’a interrogé au sujet des accusations déposées contre lui en 2012, malgré qu’il avait reçu confirmation six mois plus tôt du service de police de Delta que les accusations déposées contre lui en 2012 concernaient un litige de garde.

[633] Le 1er août 2013, l’employeur a imposé au fonctionnaire une suspension de 20 jours en ce qui concerne son utilisation des congés et ses inscriptions de présence. Il l’a purgée du 2 au 30 août 2013. Lorsqu’il l’a purgée, M. Dorff a recommandé que l’employeur révoque sa cote de fiabilité. L’employeur ne lui a jamais véritablement permis de revenir au travail par la suite.

[634] Lorsque le fonctionnaire est revenu au travail après cette suspension, l’employeur l’a de nouveau affecté à d’autres fonctions en attendant la révision de sa cote de fiabilité. Quatre jours plus tard, il a accordé au fonctionnaire un congé payé en attendant la révision. Vingt jours plus tard, il a révoqué sa cote et a mis fin à son emploi.

[635] Au bout du compte, lorsque l’on examine la situation de façon objective, on reste avec l’impression très nette que l’employeur a perdu de vue l’essentiel et qu’il a dépassé les bornes.

[636] J’ai conclu que l’enquête sur les événements par l’employeur avait entraîné des renseignements inexacts. J’ai également conclu que son évaluation des événements était fondée sur des considérations non pertinentes et qu’elle n’avait pas tenu compte des facteurs pertinents. Je suis profondément préoccupée par l’attitude cavalière avec laquelle l’employeur a géré les événements visés par la présente décision, et mon sens de la justice est révolté par la façon arbitraire dont il a traité le fonctionnaire. À vrai dire, ce qui a été fait en l’espèce s’écarte considérablement de toute obligation d’agir de bonne foi et de traitement équitable d’un employeur envers ses employés.

[637] Je ne crois pas que le fait de rendre la présente décision sans exprimer ces commentaires supplémentaires suffirait à dénoncer le comportement de l’employeur en l’espèce et à le dissuader de traiter d’autres employés de la manière dont il a traité le fonctionnaire.

[638] Même si ces commentaires supplémentaires n’éliminent pas l’angoisse que le fonctionnaire a endurée depuis 2013, j’espère sincèrement qu’ils lui procureront un sentiment de justice.

[639] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VIII. Ordonnance

[640] Le grief visant la suspension de 10 jours en ce qui concerne l’incident relatif au routeur est accueilli, et la suspension est annulée. J’ordonne à l’employeur de retirer de ses dossiers toute mention de cette suspension et de verser au fonctionnaire le salaire et les avantages auxquels il aurait par ailleurs eu droit du 1er au 14 mai 2013, sous réserve des déductions habituelles.

[641] J’ordonne à l’employeur de verser des intérêts sur le montant dû en vertu du paragraphe 640, au taux directeur applicable établi par la Banque du Canada, calculé et composé annuellement depuis le 14 mai 2013, jusqu’à ce que le paiement soit fait.

[642] Le grief visant la suspension de 20 jours en ce qui concerne l’incident relatif à l’utilisation des congés et aux inscriptions de présence est accueilli, et la suspension est annulée. J’ordonne à l’employeur de retirer de ses dossiers toute mention de cette suspension et de verser au fonctionnaire le salaire et les avantages auxquels il aurait par ailleurs eu droit du 2 au 30 août 2013, sous réserve des déductions habituelles.

[643] J’ordonne à l’employeur de verser des intérêts sur le montant dû en vertu du paragraphe 642, au taux directeur applicable établi par la Banque du Canada, calculé et composé annuellement depuis le 30 août 2013, jusqu’à ce que le paiement soit fait.

[644] Je déclare que le licenciement du fonctionnaire n’a pas été fait pour le motif invoqué par l’employeur, mais qu’il constituait une invocation factice en vertu de l’alinéa 51(1)g) de la LARC (licenciement pour des motifs autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite), un subterfuge ou un camouflage et qu’il s’agissait véritablement d’une mesure disciplinaire déguisée.

[645] Je rejette l’objection de l’employeur quant à la compétence de la Commission pour entendre le grief sur le licenciement du fonctionnaire.

[646] Le grief sur le licenciement du fonctionnaire est accueilli. J’ordonne que le fonctionnaire soit réintégré dans son poste, avec salaire et sans perte d’avantages, rétroactivement au 27 septembre 2013.

[647] J’ordonne à l’employeur de retirer de ses dossiers toute mention de la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire et de son licenciement.

[648] J’ordonne à l’employeur de retirer de ses dossiers le rapport d’enquête des Affaires internes du 8 avril 2013 et toute documentation connexe.

[649] J’ordonne à l’employeur de retirer de ses dossiers le Rapport d’évaluation du risque pour la sécurité du 21 août 2013 et toute documentation connexe.

[650] J’ordonne à l’employeur de verser au fonctionnaire le salaire et les avantages, y compris l’indemnisation pour les heures supplémentaires moyennes travaillées par les analystes de soutien de la TI classifiés au groupe et au niveau CS-01 au Centre fiscal de Surrey qui étaient disponibles pour faire des heures supplémentaires, auxquelles il aurait par ailleurs eu droit depuis le 27 septembre 2013, sous réserve des déductions habituelles et du revenu d’emploi qu’il a réussi à obtenir d’autres sources.

[651] J’ordonne à l’employeur de verser des intérêts sur le montant dû en vertu du dernier paragraphe, au taux directeur applicable établi par la Banque du Canada, calculé et composé annuellement depuis le 27 septembre 2013, jusqu’à ce que le paiement soit fait.

[652] Je demeurerai saisie de toute question liée au calcul des montants dus en vertu des paragraphes 640 à 643, 650 et 651 pour une période de 90 jours suivant la date de la présente décision.

Le 17 mai 2019.

Traduction de la CRTESPF

Nathalie Daigle,

une formation de la Commission des relations

de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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