Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a déposé trois plaintes contre la défenderesse – la première plainte portait sur le refus de la défenderesse de porter au troisième palier de la procédure de règlement des griefs un grief qu’elle jugeait voué à l’échec – le grief contestait la décision de l’employeur d’obliger le plaignant à rencontrer un enquêteur alors qu’il était en congé de maladie et à remplir des documents relativement à une plainte de harcèlement déposée contre le plaignant – la deuxième plainte portait sur le refus de la défenderesse de déposer le grief du plaignant portant sur l’effet d’une canicule sur ses conditions de travail – la troisième plainte portait sur le refus de représentation pour le grief et le défaut de prendre connaissance d’une décision de la Commission canadienne des droits de la personne – la Commission a déterminé qu’il n’y avait pas d’arguments défendables et que les première et deuxième plaintes n’avaient aucune chance de succès– l’insatisfaction d’un plaignant n’est pas le critère sur lequel la Commission s’appuiera pour déterminer si une organisation syndicale a enfreint le devoir de représentation équitable – l’agent négociateur ne doit pas suivre les instructions de ses membres relativement au dépôt d’un grief chaque fois qu’un membre le désire – les ressources des agents négociateurs sont limitées et la Commission ne peut dicter aux agents négociateurs comment les employer – la défenderesse n’a pas agi de façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi dans sa représentation du plaignant – la Commission a jugé la troisième plainte hors délai.

Plaintes rejetées.

Contenu de la décision

Date: 20190906

Dossiers: 561-02-39631

561-02-39632

561-02-39633

Référence: 2019 CRTESPF 87

Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

ENTRE

Michel Boudreault

plaignant

et

Alliance de la Fonction publique du Canada

défenderesse

Répertorié

Boudreault c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant des plaintes visées à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur publique fédéral

Devant :  Marie-Claire Perrault, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Lui-même

Pour la défenderesse : Christine Dutka, Alliance de la Fonction publique du Canada

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés
le 5, 14, 15 et 19 mars 2019.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Plaintes devant la Commission

[1]  Michel Boudreault, le plaignant, a déposé trois plaintes contre son agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« AFPC » ou la « défenderesse »). Dans sa réponse aux plaintes, la défenderesse demande le rejet des plaintes, sans audience. Le plaignant a eu l’occasion de répondre aux arguments de la défenderesse et de faire valoir pourquoi il estime que la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») devrait entendre ses plaintes.

[2]  Après avoir considéré les arguments des parties et la documentation déposée au dossier (essentiellement, leur correspondance), j’en arrive à la conclusion que les plaintes n’ont aucune chance de succès devant la Commission. Même en tenant pour avérés tous les faits allégués par le plaignant, il n’y a pas d’arguments défendables que la défenderesse a agi de façon arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi dans sa représentation du plaignant. Par conséquent, les plaintes sont rejetées.

II. Contexte

[3]  Le plaignant a déposé deux plaintes le 20 décembre 2018, et une troisième plainte le 4 janvier 2019.

[4]  Le plaignant travaillait pour Emploi et Développement social du Canada (EDSC). Il fait partie d’une unité de négociation représentée par l’AFPC. L’élément qui représente les intérêts des employés auprès d’EDSC est le Syndicat de l’Emploi et de l’Immigration du Canada (SEIC).

A. Première plainte (561-02-39631)

[5]  La première plainte porte sur le refus de l’agent négociateur de porter au troisième palier de la procédure de règlement des griefs un grief qu’il juge voué à l’échec.

[6]  Le grief, déposé le 6 juin 2018, conteste la décision de l’employeur d’obliger le plaignant à rencontrer un enquêteur le 29 septembre 2017, et à remplir des documents relativement à une plainte de harcèlement qui a été déposée contre le plaignant. Le plaignant allègue qu’il était en congé de maladie au moment où il devait rencontrer l’enquêteur. Comme mesure de redressement, le plaignant demande un dédommagement pour les journées où l’employeur n’a pas respecté le congé de maladie prescrit par le médecin.

[7]  Le SEIC a représenté le plaignant dans le cadre de son grief, et ce, jusqu’au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs. Dans la lettre faisant part de la décision du SEIC de ne pas le représenter au troisième palier de la procédure, le représentant du SEIC, Genadi Voinerchuk, écrit que la décision de l’employeur de rejeter le grief est fondée. Le grief a été déposé bien au-delà du délai prévu à la convention collective, et les articles de la convention collective qui sont invoqués ne s’appliquent pas. Les articles en question sont l’article 22, qui vise l’obligation générale de l’employeur de prendre des mesures raisonnables pour assurer la santé et la sécurité au travail, et l’article 35, qui vise les congés de maladie. Selon M. Voinerchuk, la question relève davantage des normes de santé et sécurité au travail et la lettre souligne que le plaignant a fait une demande en ce sens auprès de la Commission des normes d’emploi et de santé et sécurité du travail du Québec (la « CNESST »).

[8]  La lettre conclut de la façon suivante :

Nous avons eu plusieurs conversations téléphoniques concernant ce grief dans les mois passés. Durant nos conversations, je vous ai indiqué mon désaccord avec le dépôt du grief au sens de l’interprétation de la convention collective, mais il a été important pour moi de vous permettre de vous exprimer auprès de votre employeur, de laisser l’opportunité à votre employeur d’examiner vos arguments et de vous donner une réponse.

Je suis d’avis qu’avec la réponse du 2e palier, vous avez pu avoir les explications et les informations recherchées.

Je comprends que cette décision n’est pas celle que vous attendiez ou que vous espériez, mais poursuivre dans l’état de l’affaire ne ferait qu’entretenir l’illusion d’un recours et d’accès à des mesures correctives qui n’auront pas lieu.

B. Deuxième plainte (561-02-39632)

[9]  La deuxième plainte porte sur le refus du SEIC de déposer le grief du plaignant portant sur l’effet de la canicule en été 2018 sur ses conditions de travail. Depuis 2017, le plaignant travaillait à la maison. L’employeur aurait dû, d’après lui, prendre des mesures pour lui offrir des conditions de travail en milieu climatisé. La canicule l’a obligé à prendre des jours de congé dont il demandait remboursement.

[10]  Le grief était daté du 30 août 2018; il a été reçu par le SEIC le 6 septembre 2018. Le 20 septembre 2018, M. Voinerchuk, après avoir reconnu que le plaignant l’avait déjà mis au courant de la situation et de son intention de présenter un grief, a expliqué au plaignant pourquoi le SEIC n’entendait pas appuyer son grief :

La façon recommandée a été le processus de règlement interne de plainte si vous jugiez que l’employeur contrevenait au code [sic] canadien du travail et de faire une réclamation à la CNESST si vous aviez des raisons de croire que vous avez été victime d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle.

[11]  Notant que le grief n’invoque aucun article de la convention collective, M. Voinerchuk ajoute, « […] vous avez l’opportunité de déposer le grief par vous-même puisqu’il vous appartient ».

C. Troisième plainte (561-02-39633)

[12]  La troisième plainte, déposée le 4 janvier 2019, porte sur le refus d’appuyer son grief du 4 janvier 2018. Dans ce grief, le plaignant demande à l’employeur de procéder avec sa plainte de harcèlement qui a été jugée non fondée, de mettre fin à l’enquête qui porte sur une plainte de harcèlement à son endroit, et d’être muté dans un autre service et ministère pendant la durée de l’enquête sur le harcèlement.

[13]  Le 24 avril 2018, un représentant du SEIC, Sami Oueini, écrit au plaignant ce qui suit :

Juste pour vous avisez, comme on en a discuter au téléphone, nous ne poursuivrons pas avec le grief du 4 janvier 2018 mais on recommande plutôt d’aller de l’avant avec une plainte à la commission canadienne des droits de la personne.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[14]  Après l’enquête préliminaire, la Commission canadienne des droits de la personne a avisé le plaignant, le 21 août 2018, qu’elle ne procéderait pas à un examen approfondi de sa plainte.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la défenderesse

[15]  La défenderesse a répondu aux trois plaintes. Elle soulève d’abord une objection fondée sur les délais. Selon elle, toutes les plaintes ont été déposées en dehors du délai de rigueur de 90 jours prévu par la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, L.C. 2003, ch. 22, art. 2 (la « Loi »).

[16]  Pour la première plainte, la défenderesse soutient que le plaignant savait dès juillet 2018 que la défenderesse n’irait pas au-delà du deuxième palier de la procédure de règlement des griefs. Pour les deux autres plaintes, elle soutient que le plaignant savait qu’elle n’appuierait pas les griefs, bien avant l’expiration du délai de 90 jours.

B. Pour le plaignant

[17]  Le plaignant a répondu aux arguments de la défenderesse dans deux missives successives, les 14 et 15 mars 2019. Il répète essentiellement la teneur de ses plaintes, et soutient que le SEIC ne l’a pas aidé, notamment pour faire respecter son arrêt de travail, pour protéger ses droits à des conditions de travail salubres lors de la canicule et pour obliger l’employeur à mener une enquête approfondie sur sa plainte de harcèlement. Il estime qu’il doit pouvoir présenter ses arguments à la Commission de façon à pouvoir obtenir les réparations demandées. Il écrit ce qui suit dans sa réponse :

[…] J’aimerais que le Syndicat soit forcé de présenter, de soutenir mes griefs, de me rembourser les frais juridiques encourus et finalement, de me payer les indemnités financières pour les raison [sic] énumérées dans mes documents présentés.

[18]  Le plaignant allègue que le SEIC ne l’a pas appuyé dans sa démarche auprès de la CNESST, après lui avoir conseillé de s’y adresser. Il inclut dans ses documents un courriel de M. Voinerchuk, daté du 4 décembre 2018, qui se lit comme suit :

Par la présente, je vous informe que je vais procéder au retrait de mon nom quant à l’acte introductif fourni en pièce jointe [réclamation à la CNESST].

Lors de nos communications, vous avez été informé de la façon de procéder quant à la représentation lorsqu’il s’agit de réclamation à la CNESST. Ni moi ni aucune autre représentante au sein du SEIC ne sommes compétent pour vous représenter devant le Tribunal administratif du travail. Je vous recommande de contacter l’AFPC Québec concernant cela.

En attendant, je tiens à vous informer que je vais communiquer avec l’autorité compétente afin de retirer ma représentation ainsi que celle du SEIC de ce dossier.

[19]  Il répète son grief à propos de l’obligation de rencontrer l’enquêteur alors qu’il était en congé de maladie, et dit que cela lui a causé plusieurs dommages et préjudices.

[20]  Le plaignant soutient que contrairement à ce qu’avance le SEIC, il n’y a pas eu de véritable négociation avec l’employeur à propos de la fin d’emploi. Le plaignant a démissionné de son emploi le 7 septembre 2018.

IV. Analyse

A. Objection de la défenderesse fondée sur le délai

[21]  La défenderesse a soulevé une objection générale à la compétence de la Commission d’entendre les plaintes, fondées sur le délai de rigueur prévu par l’article 190(2) de la Loi, qui énonce ce qui suit :

[…] les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

[22]  En ce qui concerne la première plainte, déposée le 20 décembre 2018, la correspondance déposée par la défenderesse n’établit pas clairement qu’il y a véritablement eu un échange au sujet de la non-représentation au-delà du deuxième palier de la procédure de règlement des griefs pour le grief déposé en juin 2018. Je considère la lettre du 27 novembre 2018 comme le point de départ pour la connaissance du plaignant. La première plainte a donc été déposée dans le délai prescrit.

[23]  En ce qui concerne la deuxième plainte, déposée le 20 décembre 2018, il ressort clairement que M. Voinerchuk a communiqué avec le plaignant le 20 septembre 2018 pour l’informer qu’il n’y aurait pas de représentation pour le grief concernant la canicule. Le plaignant a répondu le 21 septembre pour manifester son désaccord. Je considère que la plainte a été déposée dans les 90 jours.

[24]  En ce qui concerne la troisième plainte, déposée le 4 janvier 2019, le plaignant savait dès le 24 avril 2018 que la défenderesse n’appuierait pas son grief du 4 janvier 2018 à l’encontre de la décision de l’employeur de ne pas donner suite à sa plainte de harcèlement. Le SEIC a recommandé au plaignant de porter plainte à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP), ce qu’il a fait. La CCDP a refusé de traiter sa plainte le 21 août 2018.

[25]  La plainte contre la défenderesse se fonde sur le refus de représentation pour le grief, mais aussi sur son défaut de prendre connaissance de la décision de la CCDP. Que l’on retienne la date du 24 avril 2018 ou du 21 août 2018, la plainte est hors délai. La Commission n’a pas compétence pour la traiter, le délai de 90 jours étant de rigueur aux termes de la Loi.

B. Les deux plaintes du 20 décembre 2018 ont-elles une chance de succès?

[26]  Lorsque la Commission rejette une plainte de façon sommaire, elle doit tenir toutes les allégations du plaignant comme avérées. Cela ne signifie pas qu’elle adopte l’interprétation ou le point de vue du plaignant. Plutôt, ce sont les faits qui sont tenus comme avérés.

[27]  Je conclus que la défenderesse a effectivement refusé d’appuyer certaines démarches que souhaitait entreprendre le plaignant.

[28]  Les parties conviennent des faits suivants. Premièrement, le SEIC a refusé de porter le grief du 6 juin 2018 au troisième palier de la procédure de règlement des griefs. Puisqu’il s’agissait d’un grief qui s’appuyait sur des dispositions de la convention collective, le plaignant n’aurait pu le poursuivre par lui-même.

[29]  Deuxièmement, le SEIC a refusé de présenter le grief du 6 septembre 2018 au sujet des effets de la canicule. Dans ce cas, le plaignant aurait pu déposer le grief de lui-même, ou porter plainte en vertu du Code canadien du travail, (L.R.C. (1985), ch. L-2).

[30]  Enfin, le SEIC a refusé de présenter le grief relatif aux plaintes de harcèlement, celle du plaignant et celle contre le plaignant. La négociation de fin d’emploi ne fait pas l’objet d’une plainte de la part du plaignant.

[31]  Les plaintes ont été déposées auprès de la Commission en vertu des articles suivants de la Loi :

 (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

[…]

 Dans la présente section, pratiques déloyales s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

 Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

[32]  Comme en fait état la jurisprudence constante de la Commission, l’insatisfaction d’un plaignant n’est pas le critère sur lequel la Commission s’appuiera pour déterminer si l’organisation syndicale a enfreint l’article 187 de la Loi (Paquette c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2018 CRTESPF 20). Le syndicat n’a aucune obligation de représenter un membre de l’unité de négociation, pourvu qu’il analyse la situation avec sérieux et diligence. Le principe est bien exprimé dans le passage suivant tiré de la décision Mangat c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 52 :

44.  […]  Il revient à l’agent négociateur de décider des griefs qu’il traite et de ceux qu’il ne traite pas. Pour prendre ces décisions, l’agent négociateur peut se fonder sur les ressources et les besoins de l’organisation syndicale dans son ensemble (Bahniuk c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 13). Ce processus décisionnel de l’agent négociateur a été décrit comme suit dans Judd v. Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 2000, 2003 CanLII 62912 (BC L.R.B.) :

[Traduction]

[…]

42. Lorsqu’un syndicat décide de ne pas poursuivre un grief pour des considérations pertinentes concernant le lieu de travail – par exemple, vu son interprétation de la convention collective, vu l’effet sur d’autres fonctionnaires ou vu son évaluation selon laquelle le fondement du grief n’est pas suffisant – il accomplit son travail consistant à représenter les fonctionnaires. Le fonctionnaire en cause, dont le grief a été abandonné, peut estimer que le syndicat ne le « représente » pas. Toutefois, décider de ne pas poursuivre un grief en se basant sur ces genres de facteurs est une partie essentielle du travail syndical consistant à représenter les fonctionnaires dans leur ensemble. Quand un syndicat agit en se fondant sur des considérations se rapportant au lieu de travail ou à son travail de représentation des fonctionnaires, il est libre de déterminer la meilleure voie à suivre, et une telle décision n’équivaut pas à une violation du [devoir de représentation équitable].

[…]

[33]  La plainte ne peut servir de mécanisme pour faire entendre les griefs du plaignant par la Commission (Berberi c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2017  CRTEFP 49). Il s’agit plutôt de déterminer si l’organisation a agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi. Le plaignant n’a pas démontré que la défenderesse (par l’intermédiaire d’un de ses éléments, le SEIC) avait agi contrairement à la Loi.

[34]  Pour ce qui est de la première plainte, M. Voinerchuk a clairement expliqué pourquoi le SEIC ne porterait pas le grief au troisième palier. Le SEIC a appuyé la démarche de grief jusqu’au deuxième palier, malgré une analyse qui donnait raison à l’employeur. L’explication donnée pour ne pas poursuivre au troisième palier est raisonnable, et n’a certainement pas un caractère arbitraire, discriminatoire ou empreint de mauvaise foi.

[35]  De même, pour ce qui est de la plainte liée au grief relatif à la canicule, M. Voinerchuk a indiqué au plaignant qu’il s’agissait davantage d’une plainte liée aux conditions de salubrité plutôt qu’à une question de convention collective. M. Voinerchuk a ajouté que le plaignant pouvait déposer son grief lui-même, ce qu’il n’a pas fait. Je ne vois rien d’arbitraire, de discriminatoire ou de mauvaise foi dans le fait que le SEIC ait choisi de ne pas appuyer ce grief. Il n’a pas l’obligation de le faire, après avoir pris connaissance de la position du plaignant. Encore une fois, le refus du SEIC de représenter le plaignant sur ce grief n’empêche pas celui-ci de déposer un grief ou de porter plainte. M. Voinerchuk a parlé de la possibilité de faire appel à la CNESST. Lorsqu’il a souligné qu’il n’avait pas compétence pour représenter le plaignant devant la CNESST (le plaignant avait ajouté son nom sans lui dire), il a précisé que le plaignant pourrait demander l’aide de l’AFPC-Québec. Le fait que le SEIC indique les limites de compétence pour représenter les membres devant des instances provinciales ne constitue pas une conduite arbitraire.

[36]  L’agent négociateur doit représenter ses membres de façon juste et équitable, réelle, avec intégrité et compétence et sans hostilité envers eux (Guilde de la marine marchande du Canada et Gagnon et autre, [1984] 1 RCS 509, p. 527). Comme l’a souvent affirmé la Commission, cela ne veut pas dire que l’agent négociateur doit suivre les instructions de ses membres relativement au dépôt d’un grief à chaque fois qu’un membre le désire. Les ressources des agents négociateurs sont limitées, et la Commission ne peut certainement pas dicter aux agents négociateurs comment les employer. Je suis satisfaite, d’après les faits dont les parties ont convenu, que la défenderesse et le SEIC se sont acquittés de leurs obligations à l’égard du plaignant. Bien que le plaignant soit insatisfait des services offerts, l’action de la défenderesse n’en est pas pour autant arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

[37]  J’en conclus que les plaintes déposées le 20 décembre 2018 n’ont aucune chance de succès. La plainte déposée le 4 janvier 2019 est hors délai et, par conséquent, la Commission ne peut l’entendre.

[38]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[39]  Les plaintes 561-02-39631 et 561-02-39632 sont rejetées.

[40]  La plainte 561-02-39633 est hors délai, et donc rejetée pour défaut de compétence.

Le 6 septembre 2019.

Marie-Claire Perrault,

 une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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