Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a allégué que les défenderesses ont manqué à leur devoir de représentation équitable – un grief de classification dans lequel le fonctionnaire s’estimant lésé était représenté par le syndicat est à l’origine des allégations – ce grief a été rejeté – insatisfait de la décision, le plaignant a fait des efforts pour la rectifier, y compris contacter Mme Benson, qui était alors la présidente nationale du syndicat, pour se plaindre au sujet de sa représentation lors de l’audience du grief – le plaignant a été invité à une réunion avec deux des experts juridiques et de classification du syndicat afin de discuter de ses préoccupations et répondre à ses questions – à la suite de la réunion, Mme Benson lui a envoyé une lettre indiquant que le syndicat ne pouvait plus rien lui offrir pour faire avancer sa cause – le plaignant a alors déposé une plainte relative au devoir de représentation équitable contre le représentant du syndicat qui le représentait à l’audience du grief de classification – cette plainte a été rejetée au motif qu’elle était hors délai – une semaine plus tard, le plaignant a déposé la présente plainte alléguant, entre autres, que Mme Benson n’a pas abordé comme il faut l’inconduite alléguée du représentant syndical qui l’a représenté à l’audience du grief – la Commission a conclu que le plaignant essayait de relancer les questions énoncées dans sa plainte initiale en introduisant une nouvelle date et une nouvelle défenderesse – la Commission a appliqué la doctrine de la chose jugée pour rejeter la plainte comme étant une tentative de plaider une question déjà tranchée – la Commission a également conclu que les allégations contre Mme Benson étaient hors délai – la Commission a conclu, sur le fond, qu’il n’y avait aucun élément de preuve établissant que la représentation des défenderesses était arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20190918

Dossier: 561‑02‑713

Référence: 2019 CRTESPF 88

Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

ENTRE

Roy Richard

plaignant

et

Robyn Benson et Alliance de la Fonction publique du Canada

défenderesses

Répertorié

Richard c. Benson et Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte présentée en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant :  Steven B. Katkin, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant :  Lui‑même

Pour les défenderesses : Patricia Harewood, Alliance de la Fonction publique du Canada

 

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),

les 6 et 7 décembre 2016.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION (TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Plainte devant la Commission

[1]  Le 19 août 2014, Roy Richard (le « plaignant »), a déposé une plainte auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (appelée maintenant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») contre les défenderesses, qui sont son agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC ou le « syndicat ») et sa présidente nationale à l’époque, Robyn Benson. Il a allégué qu’elles avaient manqué à leur devoir de représentation équitable, contrairement à l’al. 190(1)g) et à l’art. 187 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (maintenant appelée la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »)).

[2]  Pour les motifs suivants, je rejette la plainte.

II. Contexte

A. Grief de classification

[3]  Pendant toute la période pertinente, le plaignant était employé par le ministère de la Défense nationale (MDN) à la base des Forces canadiennes Trenton. En 2002, on lui a attribué une nouvelle description de travail en tant qu’agent de soutien d’installations classé au groupe et au niveau GT‑03 (Techniciens divers). En 2009, le poste a été coté et il a été informé que la classification n’avait pas changé.

[4]  En juillet 2010, il était un de trois fonctionnaires s’estimant lésés qui ont déposé un grief de classification en vue de contester la cote du poste. Un comité de règlement des griefs de classification (CRGC) a instruit le grief le 1er juin 2011. Le plaignant a assisté à l’audience en personne, tandis que les deux autres fonctionnaires s’estimant lésés ont assisté par téléconférence. Paul Dagenais, de l’Union des employés de la Défense nationale (UEDN), un élément de l’AFPC, a représenté les fonctionnaires s’estimant lésés à l’audience.

[5]  Dans une décision du 12 août 2011, le grief de classification a été rejeté, même si la cote attribuée à un facteur (portant sur l’environnement et les dangers) a été augmentée.

[6]  Le plaignant n’était pas satisfait de la décision et a entrepris des efforts approfondis pour la corriger par l’entremise du MDN. Enfin, il a communiqué avec Mme Benson, qui a renvoyé l’affaire à Edith Bramwell, qui était alors la coordinatrice de la Section de la représentation de l’AFPC.

[7]  Le 18 mars 2014, le plaignant a assisté à une réunion à Ottawa, en Ontario, afin de discuter de ses préoccupations à l’égard de Mme Bramwell et Tiffani (Murray) Tyner, alors une agente de classification de l’AFPC.

[8]  Le 4 mai 2014, le plaignant a envoyé un courriel à Mme Benson concernant la réunion du 18 mars 2014 et a fait part de son intention de déposer une plainte de pratique déloyale de travail contre M. Dagenais.

[9]  Dans une lettre à l’intention du plaignant du 15 mai 2014 et apparemment envoyée par courrier électronique le 16 mai 2014, Mme Benson a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] j’ai demandé à Edith Bramwell et à Tiffani Murray de vous rencontrer le 18 mars parce qu’elles sont des expertes en droit et en classification qui pourraient expliquer la norme de classification et le processus d’audience. Je voulais m’assurer que vous obteniez les meilleurs renseignements possible et que vous ayez l’occasion de discuter de ce qui s’était produit.

Avant de vous rencontrer, mes collègues Mme Bramwell et Mme Murray ont examiné attentivement votre dossier, ont communiqué avec mon collègue M. Dagenais deux fois pour obtenir des renseignements et ont analysé votre ancien poste en détail à l’aide de la norme de classification et les points de repère. Elles ont conclu de manière indépendante que la cote attribuée à votre ancien poste était appropriée.

Leur analyse de votre dossier a également révélé que votre représentant n’a fait preuve d’aucun méfait et qu’il n’a commis aucune erreur. Elles vous ont rappelé que l’argument de mon collègue M. Dagenais avait permis d’augmenter un facteur, ce qui constitue une réalisation rare dans les griefs de classification.

Au cours de la réunion de deux heures, mes collègues Mme Bramwell et Mme Murray ont examiné les documents que vous avez apportés avec vous. Elles ont écouté vos préoccupations et ont répondu à vos questions. Elles ont expliqué le processus, étape par étape, y compris la raison pour laquelle il n’a pas été entièrement fait droit à votre grief et la raison pour laquelle il n’existe aucun moyen d’appel. Elles vous ont encouragé à vous rappeler que vous avez présenté des observations à l’audition du grief, en personne et par écrit. Le Comité a consigné une grande partie de vos observations dans sa décision, soit plus d’une page et demie.

[…]

J’avais espéré qu’une réunion avec nos experts à l’AFPC vous aiderait. Je comprends qu’il ne s’agit pas du résultat que vous espériez, mais malheureusement, le syndicat ne peut rien vous offrir de plus pour favoriser votre dossier, puisque la décision a été rendue il y a plusieurs années et qu’il n’existe aucun droit d’appel.

[…]

[10]  Dans un courriel à l’intention de Mme Benson le 19 mai 2014, le plaignant a contesté les faits énoncés dans sa lettre et, entre autres, il a accusé Mme Bramwell et Mme Murray de lui avoir menti au sujet de la réunion du 18 mars 2014.

[11]  Dans un long courriel à l’intention de Mme Benson le 5 juin 2014, le plaignant s’est plaint de nouveau au sujet de la réunion du 18 mars 2014.

B. Plainte du 20 juin 2014 (dossier 561‑02‑690)

[12]  Le 20 juin 2014, le plaignant a déposé une plainte en vertu de l’al. 190(1)g) de la Loi, dans laquelle il a nommé M. Dagenais et l’UEDN comme des défendeurs (la « première plainte »). Le plaignant a allégué que M. Dagenais avait manqué à son devoir de le représenter équitablement lors de l’audition du grief de classification le 1er juin 2011. À titre de mesure corrective, il a demandé [traduction] « […] une audience équitable relative à la classification […] ».

[13]  Même si le plaignant a indiqué sur la formule de plainte que la date de l’incident était le 1er juin 2011, il a également indiqué que la date à laquelle il a eu connaissance de l’action, de l’omission ou de la situation ayant donné lieu à la plainte était le 18 mars 2014.

[14]  Dans une lettre du 17 juillet 2014, les défenderesses se sont opposées à la compétence de la Commission d’entendre la plainte au motif qu’elle était hors délai; notamment, elle avait été déposée au‑delà du délai de 90 jours énoncé au par. 190(2) de la Loi. Le plaignant a envoyé sa réponse à l’objection par courriel le même jour.

[15]  Dans une décision du 12 août 2014, fondée sur les documents déposés, la Commission a rejeté la plainte pour défaut de compétence au motif qu’elle était hors délai. La Commission a conclu que les questions à l’origine de la plainte et la date à laquelle le plaignant a pris connaissance ou aurait dû prendre connaissance de l’action ou des circonstances à l’origine de la plainte était le 1er juin 2011 ou vers cette date.

C. Plainte du 19 août 2014 (dossier 564‑02‑713)

[16]  Tel que cela a été indiqué antérieurement, la présente plainte a été déposée le 19 août 2014.

[17]  Dans la section 4 de la formule de plainte, qui demande un [traduction] « [é]noncé concis de chaque action, omission ou situation visée par la plainte […], le plaignant a indiqué ce qui suit dans un document qui y a été joint :

[Traduction]

En tant que présidente de l’AFPC et responsable des actions de l’ensemble du syndicat et des employés qui relèvent en dernier ressort d’elle, Robyn Benson a omis d’utiliser les renseignements que je lui ai fournis, si bien qu’elle n’a pris aucune mesure à ma demande pour traiter avec l’un de ses employés dans une situation particulière. Mme Benson a omis de tenir compte de tous les renseignements nécessaires pour prendre une décision rationnelle et ne s’est fiée qu’à la version fictive qui lui a été transmise par deux de ses employés, par les avocats de l’AFPC, par Mme Tiffani Murray et par Mme Edith Bramwell et elle n’a pas tenu compte de mes renseignements factuels. Sa décision de ne rien faire pour moi dans le cadre de cette affaire très sérieuse était à la fois injustifiée et injuste envers ma famille et moi-même.

[18]  Sur la formule de plainte, le plaignant a indiqué le 19 mai 2014 en tant que date à laquelle il a pris connaissance de l’action, de l’omission ou de la situation à l’origine de la plainte.

[19]  À titre de mesure corrective, il a demandé ce qui suit : [traduction] « Je veux une réunion avec Mme Murray, Mme Bramwell et Robyn pour discuter de la raison pour laquelle elle n’a pas répondu à ma demande de mesure. »

[20]  À la suite d’une demande du greffe de la Commission, le plaignant a fourni les précisions de sa plainte le 25 octobre 2014.

[21]  Le formulaire « Demande de renseignements » de la Commission énonce ce qui suit à la section 5 : [traduction] « Veuillez indiquer, dans la catégorie applicable ci‑dessous, la raison pour laquelle vous estimez que le ou les défendeurs ont agi d’une manière qui est arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi en ce qui concerne vos droits en vertu de la convention collective. »

[22]  Le plaignant n’a fourni aucune précision pour les sections 5A (« Conduite arbitraire ») ou 5B (« Conduite discriminatoire ») du formulaire. En ce qui concerne la section 5 en général et la section 5C (« Conduite de mauvaise foi ») en particulier, il a énoncé ce qui suit :

[Traduction]

#5

Mme Benson a omis de répondre aux faits réels du problème que je lui avais fournis et à ma demande de régler cette injustice une fois pour toutes.

#5c

Mme Benson a omis de traiter comme il se doit l’inconduite et les actions du représentant syndical qui a manqué à son obligation d’agir équitablement lorsqu’il m’a représenté. Pour des raisons inconnues, du moins pour moi, Paul Dagenais était très hostile envers le représentant du Conseil du Trésor et son attitude était préjudiciable à mon égard pour une décision équitable fondée sur des faits au cours du processus d’examen. J’ai été informé du fait que M. Dagenais naurait pas dû tenir une réunion privée avec les représentants de l’audience sans m’en avoir informé et cela n’a fait que confirmer son attitude trompeuse et malhonnête envers moi.

[23]  Les défenderesses ont déposé leur réponse à la plainte le 12 décembre 2014 et ont soutenu que le plaignant n’avait pas établi une preuve prima facie (à première vue) de la violation de l’art. 187 de la Loi.

III. Résumé de la preuve

[24]   Au début de l’audience, les défenderesses ont soulevé deux objections quant à la compétence de la Commission d’entendre et de trancher la plainte.

[25]  Selon la première objection, la plainte a été déposée au‑delà du délai de 90 jours prévu au par. 190(2) de la Loi.

[26]  La deuxième objection était fondée sur le principe de la chose jugée (res judicata) qui empêche une partie de débattre de nouveau une question qui a déjà été tranchée. Les défenderesses ont soutenu que la question soulevée dans la présente plainte est identique à celle soulevée dans la première plainte, soit le dossier 561‑02‑690.

[27]  J’ai pris les objections sous réserve et j’ai entendu les témoignages ayant trait au fond de la plainte.

A. M. Richard

[28]  Dans son témoignage, le plaignant a traité exclusivement de la représentation offerte par M. Dagenais lors de l’audience sur la classification tenue le 1er juin 2011, ce qui était, à son avis, insatisfaisant. Entre autres, il a critiqué les compétences de M. Dagenais en anglais et a déclaré qu’il aurait dû faire plus que de lire les points clés. Il a déclaré que, même s’il avait eu une discussion téléphonique avec M. Dagenais, il ne l’avait rencontré que rapidement avant le début de l’audience.

[29]  Le plaignant a également critiqué ce qu’il considérait comme une interaction inappropriée entre M. Dagenais et le représentant du Conseil du Trésor membre du CRGC. Lorsque le plaignant et M. Dagenais sont entrés dans la salle d’audience avant le début de l’audience, M. Dagenais a demandé que les membres du Comité quittent la salle pendant la discussion avec le plaignant en utilisant le terme [traduction] « Sortez. »

[30]  Le plaignant a déclaré que sa plainte était que M. Dagenais n’avait pas reconnu les erreurs évidentes dans la décision relative à la classification et n’avait pas parlé au MDN, même si le plaignant lui avait demandé de le faire. Il a déclaré en outre que M. Dagenais ne l’avait pas informé du recours dont il pouvait se prévaloir qui consistait à déposer une demande de contrôle judiciaire de la décision relative à la classification ou du délai de 30 jours pour ce faire. Il a dit qu’il avait pris connaissance de ce recours uniquement lors de sa réunion avec Mme Bramwell et Mme Murray le 18 mars 2014.

[31]  Le plaignant a affirmé que, pendant l’audience du 1er juin 2011, il n’avait pas lu la déclaration préparée, puisque les membres du comité avaient le document qu’il avait préparé.

[32]  En contre‑interrogatoire, le plaignant a été renvoyé à la section de sa première plainte, commençant par : [traduction] « Le représentant syndical, M. Dagenais […] », et qui énonce plusieurs allégations quant au manquement perçu de M. Dagenais en matière de représentation.

[33]  Le plaignant a reconnu qu’il avait déposé la présente plainte essentiellement en raison de ce qu’il percevait comme une inconduite de la part de M. Dagenais à l’audience du 1er juin 2011.

[34]  Le plaignant a échangé des courriels avec M. Dagenais à la fin août 2011 concernant la décision relative à la classification dans lesquels M. Dagenais l’avait informé que la décision était définitive et obligatoire et qu’il ne disposait d’aucun autre recours. Ce fait a été répété dans le courriel de M. Dagenais à l’intention du plaignant le 1er septembre 2011 dans lequel il avait également informé le plaignant que, s’il souhaitait transmettre ses préoccupations un échelon supérieur, il pouvait communiquer avec la vice‑présidente exécutive de l’UEDN.

[35]  Le plaignant a reconnu qu’il n’avait pas déposé une plainte contre le syndicat entre le 1er septembre 2011 et le 20 juin 2014. Il n’a pas non plus effectué un suivi auprès de la vice‑présidente exécutive de l’UEDN. Par contre, il a recouru aux voies du MDN et enfin au ministre de la Défense nationale.

[36]  Le plaignant a également reconnu qu’il s’attendait à ce que l’issue de la présente plainte aboutisse à une audience équitable relative à la classification.

[37]  Lorsqu’il a été interrogé au sujet de l’augmentation de la cote du facteur environnemental et de danger, le plaignant a déclaré que Mme Bramwell lui avait dit, lors de leur réunion du 18 mars 2014, que M. Dagenais avait dit au CRGC de le changer. Dans son courriel du 19 mai 2014 à l’intention de Mme Benson, le plaignant a allégué que M. Dagenais avait tenu une réunion privée avec le CRGC au cours de laquelle le facteur avait été augmenté. Il a déclaré lors de son témoignage que Mme Bramwell l’en avait informé.

[38]  Le plaignant a déclaré qu’il avait participé à l’UEDN de 1985 à 1992, période pendant laquelle il a occupé le poste de délégué syndical, de délégué syndical en chef, de vice‑président, de président local et de vice‑président régional. Malgré cette expérience, il a déclaré qu’il n’avait pas déposé une plainte contre le syndicat parce qu’on lui avait dit qu’il ne disposait d’aucun recours.

[39]  Le plaignant a dit que, lorsqu’il a rencontré Mme Bramwell et Mme Murray le 18 mars 2014, son problème était que M. Dagenais ne l’avait pas informé d’un recours. À la question de savoir si, lorsque Mme Bramwell lui a dit qu’il aurait pu déposer une demande de contrôle judiciaire, il a déposé une plainte contre le syndicat, il a répondu qu’il l’avait fait le 20 juin 2014.

[40]  Le plaignant a déclaré lors de son témoignage que, même s’il avait pris connaissance d’un recours le 18 mars 2014, il ne pouvait prendre aucune mesure avant d’obtenir une réponse de Mme Benson à qui il avait demandé de répondre à ses préoccupations.

[41]  Le plaignant a déclaré que M. Dagenais avait suggéré qu’ils demandent que le poste du plaignant soit classifié au groupe et au niveau EG‑04 (Soutien technologique et scientifique) puisque moins de points étaient requis par rapport au poste GT‑04. Le plaignant a déclaré qu’il savait que cela serait impossible.

[42]  À la question de savoir pourquoi il n’avait pas déposé une plainte contre l’AFPC à l’égard de M. Dagenais en 2011 lorsqu’il a soulevé ses préoccupations auprès du syndicat à ce moment‑là, le plaignant a répondu que M. Dagenais avait dit qu’il n’avait rien fait de mal. Il a dit que ni lui ni M. Dagenais n’avaient pris de notes de l’audition du grief. Le plaignant a déclaré qu’il avait été à la maison, qu’il avait pris des médicaments et qu’il n’avait parlé à personne.

B. M. Dagenais

[43]  Le plaignant a cité M. Dagenais à témoigner. Il a déclaré qu’il était le seul représentant de l’UEDN en matière de classification et qu’il tenait deux ou trois audiences par semaine.

[44]  En ce qui concerne son interaction avec le membre du CRGC, M. Dagenais a reconnu qu’il lui avait dit en plaisantant [traduction] « sortez » et que cette personne faisait souvent des blagues avant une audience afin d’atténuer le stress.

[45]  M. Dagenais a affirmé qu’à l’audience relative à la classification du 1er juin 2011, le plaignant avait lu une déclaration de trois pages qu’il avait préparée, dont des copies avaient été fournies au CRGC.

[46]  M. Dagenais a déclaré qu’il avait lu à haute voix les principales activités afin que les deux fonctionnaires s’estimant lésés qui assistaient par téléconférence puissent les entendre. Il a aussi déclaré que ces deux fonctionnaires s’estimant lésés lui avaient dit que, puisque le plaignant avait assisté à l’audience, il pouvait être le porte‑parole, et qu’ils ajouteraient des commentaires, au besoin.

[47]  M. Dagenais a déclaré que le plaignant n’avait pas assisté à l’audience en tant qu’observateur, mais en tant que fonctionnaire s’estimant lésé. L’observateur qui avait assisté à l’audience était une stagiaire en classification.

[48]  M. Dagenais a déclaré qu’il n’avait rien contre le plaignant et qu’il l’avait représenté de la même manière qu’il représente tous les membres du syndicat.

[49]  Pour ce qui est de l’augmentation de la cote d’un facteur, M. Dagenais a nié avoir tenu une réunion distincte avec le CRGC et a déclaré que le CRGC était parvenu à cette conclusion, tel que cela est indiqué dans sa décision.

[50]  M. Dagenais a dit que, même si le plaignant avait demandé une classification au groupe et au niveau GT‑04, cela n’était pas faisable puisqu’il s’agissait du niveau de superviseur. C’est pourquoi, selon son évaluation, il a recommandé le groupe et le niveau EG‑04, puisque moins de points étaient requis pour atteindre cette classification.

[51]  À la question de savoir pourquoi il n’avait pris de mesure concernant la demande du plaignant de rencontrer le directeur de la classification et de l’organisation du personnel civil, tel que cela est allégué dans la plainte du 20 juin 2014, M. Dagenais a répondu qu’il n’avait pris aucune mesure parce que rien ne pouvait être fait.

[52]  M. Dagenais avait été offusqué par la manière dont le plaignant avait parlé de lui dans ses courriels à l’intention de Mme Benson, comme suit : [traduction] « […] ce vaurien irrespectueux, répugnant et menteur, Dagenais » (dans un courriel du 19 mai 2014) et [traduction] « […] cet ignorant voleur qui ment ouvertement, Paul Dagenais […] » (dans un courriel du 5 juin 2014). Il a affirmé que, pendant une période de 23 ans en tant qu’employé du MDN, pendant une période de 10 ans au cours de laquelle il était le président local de l’UEDN et pendant les audiences qu’il a tenues depuis 2004, il n’avait jamais fait l’objet de telles remarques désobligeantes.

[53]  En contre‑interrogatoire, M. Dagenais a déclaré qu’il comprenait que la présente plainte était la même que la première plainte, en ce sens que le plaignant a allégué dans les deux plaintes que M. Dagenais ne l’avait pas représenté convenablement.

[54]  M. Dagenais n’a eu aucune autre discussion avec le plaignant à la suite de son courriel à son intention du 1er septembre 2011 dans lequel il a répété que la décision relative à la classification était définitive et obligatoire. Le plaignant ne lui a posé aucune question au sujet du dépôt d’une plainte contre le syndicat. M. Dagenais était d’avis qu’une personne qui possède l’expérience syndicale du plaignant saurait qu’une plainte peut être déposée contre le syndicat. M. Dagenais a pris connaissance du problème pour la première fois lorsque la première plainte a été déposée en juin 2014.

[55]  M. Dagenais a déclaré qu’il était rare qu’un facteur augmente en raison d’une audience relative à la classification. Lorsqu’il a lu la décision relative à la classification, même si les points de la norme de GT ont augmenté, passant de 368 à 375, le niveau est demeuré le même. Selon son examen de la décision, il a déterminé qu’il n’y avait aucun fondement pour demander un contrôle judiciaire puisque la décision avait décrit fidèlement les faits. Il en a ainsi informé le vice‑président exécutif de l’UEDN.

[56]  M. Dagenais a dit qu’il avait traité le grief de classification du plaignant de la même façon dont il traite tous ces types de griefs. Il examine les documents fournis par le membre du syndicat, la description de travail et la norme de classification. Il décide la classification applicable, il évalue l’affaire et formule une recommandation à l’intention du CRGC. Une semaine avant l’audience, il appelle le membre pour lui expliquer la façon dont l’audience se déroulera. S’il n’est pas en mesure de communiquer avec le membre, il lui donne une explication avant l’audience. M. Dagenais a affirmé qu’il avait travaillé de manière diligente à l’égard du grief de classification du plaignant.

C. Mme Tyner

[57]  Mme Tyner, une avocate, est employée par l’AFPC depuis 2010. Elle a occupé plusieurs postes, y compris celui d’agente de classification et d’agente aux griefs et à l’arbitrage. En tant qu’agente de classification, elle traite de questions en matière de classification, de descriptions de travail et de griefs pour rémunération d’intérim. Elle tient en moyenne de 24 à 36 audiences par année.

[58]  Même si Mme Tyner a fourni une explication approfondie et utile du système de classification et une description de la procédure de règlement des griefs de classification, il n’est pas nécessaire de reproduire la totalité de cette partie de son témoignage aux fins de la présente décision. Ce résumé de son témoignage portera sur sa participation au dossier du plaignant. Toutefois, il convient de noter qu’au début de son témoignage, elle a déclaré que l’employeur contrôle entièrement le processus de classification, y compris l’établissement des règles, la procédure et les décideurs.

[59]  Mme Tyner a déclaré que la cote attribuée par le CRGC au poste GT‑03 du plaignant, soit 375 points, se situait au bas de la gamme du groupe et niveau GT‑03. En conséquence, en ce qui concerne la classification, il était presque impossible de l’augmenter au niveau GT‑04, dont la cote est de 431 points. Pour ce faire, presque tous les facteurs devraient être débattus, tandis que, si la cote du niveau GT‑04 avait été de 415 points, il faudrait débattre d’un seul facteur.

[60]  Mme Tyner a dit que le taux de succès des cinq agents de classification de l’AFPC de convaincre l’employeur de modifier la cote d’un seul facteur est de 10 % à 15 %. Selon son expérience, une modification de deux facteurs a eu lieu uniquement deux fois. L’AFPC acceptera de défendre les griefs de classification uniquement lorsque des arguments défendables peuvent être présentés pour modifier une classification. Un des éléments qui est pris en compte est la gamme des points. Si elle est à l’échelon inférieur, il sera presque impossible de convaincre l’employeur de modifier les cotes pour presque tous les facteurs du poste. Mme Tyner a déclaré que, dans le cas du plaignant, le fait que le facteur portant sur l’environnement et les dangers avait été augmenté était étonnant et rare.

[61]  Mme Tyner a indiqué qu’aux audiences de classification, les fonctionnaires s’estimant lésés sont des témoins et ils fournissent les renseignements sur leur emploi. Ce ne sont pas des observateurs. Si on demande au syndicat si un observateur peut être présent, il accepte uniquement si la personne ne participe pas à la décision.

[62]  Mme Tyner a traité le dossier du plaignant de janvier à février 2014. Mme Benson avait renvoyé le dossier à Mme Bramwell afin d’essayer d’aider le plaignant en entreprenant une nouvelle analyse, en communiquant avec M. Dagenais et en expliquant le processus au plaignant. Mme Bramwell a demandé qu’un agent de classification aide au traitement du dossier.

[63]  Mme Tyner a examiné le grief, la décision du CRGC, l’organigramme, la justification et la description de travail. Elle a également examiné le manuel de classification GT et a discuté deux fois avec M. Dagenais. Elle a effectué sa propre analyse en examinant chacun des facteurs et en lui attribuant une cote. Elle a également examiné les points de repère. Elle a dit qu’elle avait fait le même travail qu’elle aurait fait dans le cadre d’un de ses propres dossiers.

[64]  Après avoir achevé son évaluation, elle a conclu qu’il était étonnant que M. Dagenais ait obtenu une augmentation relative à un facteur. Elle n’était pas certaine qu’elle aurait demandé l’audition du grief du plaignant, en raison de l’absence d’arguments défendables. Mme Tyner a expliqué que le poste du superviseur du plaignant était classifié au groupe et au niveau GT‑04 et que, dans les cas concernant la classification, le poste d’un employé ne peut pas être augmenté de sorte qu’il soit supérieur à celui de son superviseur. Elle était d’avis que M. Dagenais avait présenté un argument habile pour modifier le groupe de GT à EG. Elle a déclaré en outre que, dès le début, deux éléments faisaient en sorte qu’il soit impossible d’augmenter le poste du plaignant au groupe et au niveau GT‑04 : le grand nombre de points nécessaires pour atteindre ce niveau et le fait que le poste de son superviseur était classifié à ce niveau. Elle estimait que M. Dagenais avait fait tout ce qu’il pouvait faire dans le dossier.

[65]  Le plaignant, Mme Bramwell et Mme Tyner ont assisté à la réunion du 18 mars 2014. Il a fait part de plusieurs préoccupations, y compris un prétendu complot entre l’AFPC et le CRGC, la question de savoir s’il avait été présent dans la salle d’audience et les changements de circonstances. On lui a indiqué qu’il avait bel et bien été dans la salle d’audience. Lorsqu’il a commencé à dénigrer M. Dagenais, Mme Tyner et Mme Bramwell ont tenté de calmer la situation. Mme Tyner estimait que M. Dagenais l’avait bien représenté.

[66]  On a dit à Mme Tyner que, pendant son témoignage, le plaignant a allégué que Mme Bramwell lui avait dit à la réunion du 18 mars 2014 que M. Dagenais aurait dû l’informer que la décision relative à la classification pouvait faire l’objet d’un contrôle judiciaire. Mme Tyner a déclaré qu’elle ne se souvenait pas de cela. Lorsqu’elle a discuté avec M. Dagenais, il lui a assuré qu’il avait envisagé un contrôle judiciaire et que le CRGC n’avait commis aucune erreur. Elle a déclaré que, selon l’expérience collective des cinq agents de classification de l’AFPC, dont certains occupaient leur poste depuis 20 ans, une seule décision relative à la classification avait fait l’objet d’un contrôle judiciaire, et ce, sans obtenir gain de cause. Mme Tyner a déclaré qu’elle n’aurait jamais demandé un contrôle judiciaire de la décision relative à la classification du plaignant.

[67]  Lorsqu’elle a été informée que, selon une autre allégation que le plaignant avait formulée pendant son témoignage, il existait un complot en coulisses entre l’employeur et le syndicat consistant à augmenter le facteur portant sur l’environnement et les dangers, Mme Tyner a répondu verbalement et par son comportement qu’elle était étonnée. Une telle allégation constituait une pure fabrication. Aucune réunion privée n’avait été tenue entre M. Dagenais et le CRGC. Avant l’audience, le syndicat ne connaît pas l’identité des membres du CRGC puisqu’ils sont tous de la partie patronale.

[68]  Mme Tyner a été renvoyée au courriel du 19 mai 2014 du plaignant à l’intention de Mme Benson, dont la première phrase se lit comme suit : [traduction] « Maintenant l’avocate mal élevée Tiffani et la brute d’avocate Edith vous mentent directement. » Il a accusé Mme Tyner et Mme Bramwell d’avoir menti deux autres fois à Mme Benson dans les trois phrases suivantes. Mme Tyner était très offensée par le fait qu’il avait attaqué son intégrité et elle considérait cela comme un abus, surtout après avoir tenté de l’aider. Elle a déclaré que son courriel du 19 mai 2014 ne reflétait pas fidèlement la réunion du 18 mars 2014. Lors de cette réunion, elle avait présenté les faits de son analyse et avait tenté de lui donner des renseignements qui pouvaient l’aider.

[69]  En ce qui concerne la lettre de Mme Benson à l’intention du plaignant du 15 mai 2014, Mme Tyner a indiqué qu’elle avait pour objet de lui expliquer la raison pour laquelle Mme Benson avait demandé à Mme Bramwell et à Mme Tyner de rencontrer le plaignant puisqu’elles étaient les mieux placées pour lui fournir les renseignements. Mme Tyner a dit que la lettre avait probablement été envoyée par courrier électronique le vendredi 16 mai 2014.

[70]  En contre‑interrogatoire, Mme Tyner a déclaré que, lors de la réunion du 18 mars 2014, ils ont discuté des sujets dont le plaignant souhaitait discuter et qu’elles n’ont refusé de discuter aucun sujet. Le plaignant avait soulevé des préoccupations; Mme Tyner disposait de sa recherche, de son dossier et du manuel de classification. Ils ont examiné la décision relative à la classification.

[71]  À la question de savoir s’il aurait été inhabituel que M. Dagenais ne présente aucune observation, Mme Tyner a répondu que la décision indiquait qu’il en avait présenté une et qu’il avait dit qu’il en avait présenté une. Elle a également déclaré qu’il avait dit que le plaignant avait témoigné lors de l’audience, ce qui est indiqué dans la décision.

[72]  Lorsqu’on lui a demandé si elle savait que le superviseur du plaignant avait déposé un grief concernant son poste le même jour, Mme Tyner a répondu qu’elle ne l’aurait pas su s’il ne lui avait pas dit et que, quoi qu’il en soit, ce grief n’était pas pertinent tant qu’il n’avait pas été instruit et tranché.

[73]  Mme Tyner a affirmé qu’en raison de son analyse du dossier du plaignant, elle aurait recommandé que l’AFPC ne le représente pas dans le cadre de son grief. Son évaluation n’avait pas changé après avoir discuté de la décision relative à la classification et ses conclusions n’avaient pas changé non plus après que le plaignant l’ait informée de plusieurs aspects de son emploi, comme sa portée et le montant du budget dont il était responsable. Elle a également déclaré que c’était rare qu’un subordonné touche un salaire supérieur à celui de son superviseur.

IV. Résumé de l’argumentation

A. Pour le plaignant

[74]  Le plaignant a déclaré que ce que M. Dagenais lui avait fait avait affecté sa vie depuis. Il a maintenu que tout ce qu’il avait dit lors de son témoignage était vrai, tel qu’il s’en rappelle. Il a fait valoir que ce qu’il avait dit au sujet de M. Dagenais pendant l’audience de la présente affaire et dans ses courriels découlait de son ignorance du déroulement de l’audition de son grief de classification. Il n’avait jamais assisté à des réunions sérieuses au cours desquelles il y avait des rires et des plaisanteries.

[75]  Le plaignant a affirmé catégoriquement que, contrairement au témoignage de M. Dagenais et de la décision relative à la classification, il n’avait rien lu à l’audience. Il a dit qu’il ne pouvait pas bien parler en raison d’un trouble médical. Il a déclaré qu’il se pouvait qu’il ait répondu aux questions d’un membre du comité et que les fonctionnaires s’estimant lésés qui avaient assisté par téléconférence avaient également répondu à des questions.

[76]  Le plaignant a soutenu qu’il ne savait pas qu’il devait parler. M. Dagenais l’a appelé et l’a informé de l’endroit de l’audience, et a déclaré qu’il le rencontrerait en vue de discuter de ce qui se passerait à l’audience. Le plaignant a dit qu’à l’audience, les trois fonctionnaires s’estimant lésés ne s’étaient pas entendus pour dire qu’il serait le porte‑parole et il avait suggéré que cela avait peut‑être été conclu avant l’audience.

[77]  Le plaignant a fait valoir en outre que son résumé de la réunion du 18 mars 2014 avec Mme Bramwell et Mme Tyner était exacte, d’après ses souvenirs.

B. Pour les défenderesses

[78]  Les défenderesses ont soutenu que la présente plainte porte sur la façon dont M. Dagenais a représenté le plaignant lors de l’audience relative à la classification tenue le 1er juin 2011. Par conséquent, elles ont fait valoir que la plainte devrait être rejetée au motif qu’elle est hors délai et que le plaignant tente de remettre en litige sa plainte antérieure qui a été rejetée par la Commission. Subsidiairement, si le fond est examiné, elles soutiennent alors qu’elles ont agi correctement et qu’il n’y a aucune violation de l’al. 190(1)g) de la Loi.

[79]  Les défenderesses ont soutenu que le délai prévu au par. 190(2) de la Loi est obligatoire; voir Castonguay c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 78, au par. 55; Hajjage c. Bannon et Syndicat des employé(e)s de l’impôt, 2011 CRTFP 105, aux paragraphes 23 et 24.

[80]  Les défenderesses ont abordé la question de la date à laquelle le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance des mesures ou des circonstances ayant donné lieu à la plainte. Elles ont fait valoir que la date serait la date de l’audience tenue le 1er juin 2011 puisqu’il était pleinement au courant de la représentation de M. Dagenais. La deuxième date qu’elles ont présentée était celle du 1er septembre 2011, date à laquelle le plaignant a été informé du fait que la décision relative à la classification était définitive et obligatoire et que le syndicat ne prendrait aucune autre mesure à l’égard de cette affaire. Elles ont aussi suggéré la date de la réunion du 18 mai 2014, date à laquelle le plaignant aurait su que le syndicat ne prendrait aucune autre mesure, si j’accepte le fait qu’il s’agit de la date à laquelle on lui a dit que M. Dagenais aurait dû l’informer du recours au moyen d’un contrôle judiciaire. Les défenderesses ont soutenu que Mme Tyner avait réfuté ces éléments de preuve. Si la date est celle de la lettre du 15 mai 2014 de Mme Benson, qui, selon la déclaration de Mme Tyner, a vraisemblablement été envoyée le 16 mai 2014, le délai de 90 jours a expiré le 15 août 2014. Enfin, même en acceptant le fait que la date est celle de la réponse du plaignant à l’intention de Mme Benson le 19 mai 2014, le délai a expiré le 18 août 2014.

[81]  Les défenderesses ont ensuite soutenu que le principe de la chose jugée, qui empêche une partie de remettre en litige une question qui a déjà été tranchée, s’applique à la présente plainte. Elles ont fait valoir que le fond de la présente question est identique à celui de la première plainte du plaignant, notamment la représentation de M. Dagenais.

[82]  Les défenderesses ont souligné le témoignage du plaignant selon lequel sa plainte était que M. Dagenais n’avait pas reconnu les erreurs commises dans la décision relative à la classification. Les défenderesses ont insisté sur le fait que le plaignant savait que sa première plainte concernait la représentation de M. Dagenais lors de l’audience relative à la classification et que la mesure corrective qu’il demandait, telle qu’elle est indiquée dans la plainte, était une audience équitable relative à la classification. Elles ont fait valoir qu’il avait également déclaré lors de son témoignage qu’il s’attendait à ce que l’issue de la présente plainte soit une audience équitable relative à la classification. À l’appui de cet argument, les défenderesses ont cité Fournier c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 65.

[83]  En ce qui concerne le bien‑fondé de la plainte, les défenderesses ont soutenu que rien dans la plainte ni rien dans les éléments de preuve n’indiquent que leur comportement envers le plaignant avait été arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

[84]  Les défenderesses ont soutenu que la preuve avait montré que le syndicat avait offert une représentation diligente. M. Dagenais a décrit sa préparation à l’audience : il a examiné les documents, la description de travail et la norme de classification. Il a déterminé qu’il devrait recommander une classification au groupe EG afin d’éviter un conflit dans le cadre duquel un poste GT‑04 relèverait d’un poste GT‑04. À l’audience, il a donné au plaignant et aux deux autres fonctionnaires s’estimant lésés la possibilité de témoigner au sujet de leur emploi. Il a examiné la décision relative à la classification et a décidé qu’il n’existait aucun fondement pour demander un contrôle judiciaire, puisque la décision reflétait fidèlement ce qui s’était produit à l’audience.

[85]  Les défenderesses ont aussi soutenu que, de janvier à février 2014, le syndicat avait examiné le dossier du plaignant. Mme Tyner a effectué une analyse approfondie du grief de classification, de la décision du CRGC, de l’organigramme, de la justification et de la description de travail. Elle a également examiné le manuel de classification GT et a discuté deux fois avec M. Dagenais. Mme Tyner a examiné les chances de succès et a déclaré qu’elle n’aurait pas renvoyé le grief à une audience. Elle a conclu que le syndicat ne pouvait rien faire de plus et a loué le travail de M. Dagenais dans le dossier. Un représentant syndical a ensuite rencontré le plaignant pour discuter de ses préoccupations.

[86]  À l’appui de leurs arguments, les défenderesses ont invoqué les décisions suivantes : Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon, [1984] 1 R.C.S. 509; Ouellet c. Luce St‑Georges et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 107, aux paragraphes 29 et 30; Ollenberger et al. c. Marshall, 2014 CRTFP 14, aux paragraphes 126 et 131; Jackson c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2016 CRTEFP 64, au par. 55; Charinos c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2016 CRTEFP 83.

V. Analyse

[87]  Voici les dispositions pertinentes de la Loi :

190 (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre‑vingt‑dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

[…]

185 Dans la présente section, pratiques déloyales s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

[…]

187 Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

A. Objection fondée sur le principe de la chose jugée

[88]  Tel que cela a été indiqué antérieurement, le principe de la chose jugée empêche une partie de remettre en litige une question qui a déjà été tranchée.

[89]  La présente plainte a été déposée une semaine après la date à laquelle la Commission a rendu sa décision rejetant la première plainte et le plaignant a indiqué une nouvelle date du 19 mai 2014 comme la date à laquelle il a soutenu avoir eu connaissance de l’action, de l’omission ou de la situation y ayant donné lieu. De plus, Mme Benson a été ajoutée en tant que défenderesse et il a soutenu qu’elle avait omis de donner suite à des renseignements qu’il lui avait fournis afin qu’elle prenne des mesures à l’égard de M. Dagenais.

[90]  Toutefois, tel que cela a été indiqué antérieurement, les éléments de preuve et l’argument du plaignant portaient presque exclusivement sur l’inconduite prétendue de M. Dagenais à l’audience du 1er juin 2011 et non sur des événements subséquents, y compris le 19 mai 2014. Le plaignant a même reconnu qu’il avait déposé la présente plainte surtout en raison de ce qu’il percevait comme une inconduite de la part de M. Dagenais lors de l’audience du 1er juin 2011 et que, tout comme dans sa première plainte, l’issue à laquelle il s’attendait concernant la présente plainte était une audience équitable relative à la classification. Mme Benson a seulement organisé la réunion du 18 mars 2014 dans le cadre de la présente plainte et a rédigé la lettre du 15 mai 2014 à l’intention du plaignant.

[91]  À mon avis, le plaignant a indiqué une nouvelle date et une nouvelle défenderesse dans la présente plainte en vue de tenter de rouvrir les questions énoncées dans sa première plainte. La Commission a déjà rejeté ces allégations parce qu’elles étaient hors délai. Cette décision était définitive. Par conséquent, je conclus que le principe de la chose jugée s’applique et que la plainte devrait être rejetée pour ce motif.

B. Objection fondée sur les délais

[92]  Même si je ne rejetais pas la plainte en vertu du principe de la chose jugée, je la rejetterais parce qu’elle est hors délai. Tel que je l’ai dit ci‑dessus, le délai pour déposer une plainte de pratique déloyale de travail est prescrit au par. 190(2) de la Loi.

[93]  Dans leurs décisions, la Commission et ses prédécesseurs ont conclu à maintes reprises que le délai de 90 jours prescrit par le par. 190(2) de la Loi est obligatoire et que la Loi ne confère à la Commission aucun pouvoir de proroger ce délai. La Commission a déclaré ce qui suit au paragraphe 55 de Castonguay :

[55] Le libellé de cette disposition revêt manifestement un caractère obligatoire en raison des mots « […] doivent être présentées dans les quatre‑vingt‑dix jours […] ». Aucune autre disposition de la nouvelle LRTFP n’habilite la Commission à proroger le délai prescrit par le paragraphe 190(2). Par conséquent, le paragraphe 190(2) de la nouvelle LRTFP fixe une limite de temps, limitant ainsi le pouvoir de la Commission d’examiner et d’instruire toute plainte voulant qu’une organisation syndicale s’est livrée à une pratique déloyale de travail, au sens de l’article 185 (lequel est mentionné à l’alinéa 190(1)g) de la nouvelle LRTFP), et cela vaut pour les actions ou circonstances dont le plaignant avait connaissance ou, de l’avis de la Commission, aurait dû avoir connaissance, dans les 90 jours précédant la date de la plainte.

[94]  Lorsqu’elle a rejeté la première plainte pour défaut de compétence parce qu’elle était hors délai, même si le plaignant avait indiqué que la date à laquelle il avait eu connaissance de l’action, de l’omission ou de la situation y ayant donné lieu était le 18 mars 2014, la Commission a conclu que les questions qui y ont donné lieu et le délai dans lequel le plaignant avait eu connaissance ou aurait dû avoir eu connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu étaient survenus le 1er juin 2011, date à laquelle l’audience relative à la classification a été tenue.

[95]  Dans la présente plainte, le plaignant a indiqué le 19 mai 2014 comme la date à laquelle il a eu connaissance de l’action, de l’omission ou de la situation y ayant donné lieu. Il s’agit de la date de sa réponse à la lettre de Mme Benson du 15 mai 2014, qui, selon la preuve, semble lui avoir été envoyée par courrier électronique le 16 mai 2014.

[96]  Il existe plusieurs dates en 2011 pour lesquelles on pourrait décider que le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance des circonstances donnant lieu à sa plainte, entre autres, le 1er juin (la date de l’audience relative à la classification), le 12 août (la date de la décision relative à la classification) et le 1er septembre (la date du courriel que M. Dagenais lui a envoyé en vue de l’informer du fait que la décision était définitive et obligatoire). Le plaignant a reconnu qu’il n’avait pas déposé une plainte contre l’AFPC entre le 1er septembre 2011 et le 20 juin 2014 et qu’il n’avait fait aucun suivi auprès de la vice‑présidente exécutive de l’UEDN. Dans son témoignage, le plaignant a également reconnu qu’il avait déposé la présente plainte essentiellement en raison de ce qu’il percevait comme une inconduite de la part de M. Dagenais à l’audience du 1er juin 2011.

[97]  Toutefois, je n’ai pas besoin de prendre une telle décision. Même si j’accepte le 19 mai 2014 comme la date à laquelle il a eu connaissance de l’action, de l’omission ou de la situation ayant donné lieu à sa plainte, elle est hors délai.

[98]  En calculant à compter du 19 mai 2014, le délai de 90 jours pour déposer la plainte a expiré le dimanche 17 août 2014. La Loi d’interprétation (L.R.C. (1985), ch. I‑21), au par. 35(1), définit le dimanche comme un jour férié. L’article 26 prévoit que « [t]out acte ou formalité peut être accompli le premier jour ouvrable suivant lorsque le délai fixé pour son accomplissement expire un jour férié ». Par conséquent, le dernier jour auquel la plainte pouvait être déposée dans les délais prescrits était le lundi 18 août 2014. Toutefois, elle a été déposée le mardi 19 août 2014. La plainte est donc hors délai puisqu’elle a été déposée après le délai obligatoire prescrit au par. 190(2) de la Loi. Par conséquent, je la rejetterais également pour ce motif.

C. Le bien‑fondé de la plainte

[99]  Je conclurais également que la plainte doit également être rejetée sur le fond.

[100]  Afin d’obtenir gain de cause, il incombe au plaignant d’établir que les défenderesses ont agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation du plaignant (art. 187 de la Loi). La Commission a souvent déclaré qu’il incombe à un plaignant d’établir une preuve prima facie selon laquelle une pratique déloyale de travail a eu lieu; voir Halfacree c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 64; Ollenberger et al. À mon avis, le plaignant ne s’est pas acquitté de ce fardeau.

[101]  Tel que cela a été indiqué antérieurement dans la présente décision, le devoir de représentation équitable est prévu à l’art. 187 de la Loi. Les critères de ce devoir auxquels les syndicats doivent répondre ont été énoncés comme suit dans Guilde de la marine marchande du Canada :

[…]

1. Le pouvoir exclusif reconnu à un syndicat d’agir à titre de porte‑parole des employés faisant partie d’une unité de négociation comporte en contrepartie l’obligation de la part du syndicat d’une juste représentation de tous les salariés compris dans l’unité.

2. Lorsque, comme en l’espèce et comme c’est généralement le cas, le droit de porter un grief à l’arbitrage est réservé au syndicat, le salarié n’a pas un droit absolu à l’arbitrage et le syndicat jouit d’une discrétion appréciable.

3. Cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l’importance du grief et des conséquences pour le salarié, d’une part, et des intérêts légitimes du syndicat d’autre part.

4. La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire, ni abusive.

5. La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le salarié.

[…]

[102]  La question dans la présente plainte ne consistait pas à déterminer si le syndicat représenterait le plaignant en ce qui concerne sa classification. Il a plutôt soutenu que M. Dagenais ne l’avait pas représenté de manière adéquate lors de l’audience relative à la classification tenue le 1er juin 2011 et que M. Dagenais ne l’avait pas informé de la disponibilité du recours sous forme de demande de contrôle judiciaire de la décision du CRGC. Par conséquent, j’examinerai les questions qu’il a soulevées en tenant compte du cinquième critère énoncé dans Guilde de la marine marchande du Canada.

[103]  Dans Basic c. Association canadienne des employés professionnels, 2012 CRTFP 120, au par. 100, la Commission a déclaré ce qui suit en ce qui concerne le devoir du syndicat en matière de représentation de ses membres :

100 De même qu’un syndicat a un pouvoir discrétionnaire considérable pour déterminer les griefs pour lesquels il fournira une représentation et ceux qu’il réglera, il a également un très grand pouvoir discrétionnaire pour déterminer la façon dont les cas qu’il appuie doivent être défendus. Le fait qu’un syndicat ne s’appuie pas sur les arguments ou la jurisprudence qu’un membre du syndicat veut présenter ne signifie pas nécessairement que le syndicat a violé son devoir de représentation équitable. Comme l’indique le passage suivant dans Boshra, au paragraphe 61 :

Beaucoup d’éléments dans les arguments du plaignant suggèrent fortement l’existence d’un différend important l’opposant à la défenderesse au sujet des motifs sur lesquels devait être fondé le grief, et peut‑être aussi au sujet des représentations particulières qui auraient dû être faites à différentes étapes de la procédure de règlement du grief. Cependant, un désaccord ne peut constituer le fondement d’une plainte. Pour être tout à fait clair, il se peut que la défenderesse ait pris des décisions « non judicieuses » concernant le fond du grief du plaignant, et peut‑être même qu’elle ait fait des choix stratégiques et tactiques discutables durant la procédure. Cependant, le fait de commettre des erreurs ou de prendre des décisions discutables relativement à ce qu’il convient de faire dans le cadre d’une procédure de règlement d’un grief ne constitue pas en soi une preuve de mauvaise foi ou de comportement arbitraire ou discriminatoire.

[104]  Tel que cela a été indiqué antérieurement dans la présente décision, le plaignant n’a fourni aucune précision pour les sections 5A (Conduite arbitraire) ou 5B (Conduite discriminatoire) du formulaire de demande de renseignements de la Commission. De plus, il n’a déposé aucun élément de preuve d’une conduite arbitraire ou discriminatoire de la part des défenderesses; il n’a pas non plus formulé ces observations dans son argumentation. En ce qui concerne la section 5C (Conduite de mauvaise foi), il a énoncé ce qui suit :

[Traduction]

Mme Benson a omis de traiter comme il se doit l’inconduite et les actions du représentant syndical qui a manqué à son obligation d’agir équitablement lorsqu’il m’a représenté. Pour des raisons inconnues, du moins pour moi, Paul Dagenais était très hostile envers le représentant du Conseil du Trésor et son attitude était préjudiciable à mon égard pour une décision équitable fondée sur des faits au cours du processus d’examen. J’ai été informé du fait que M. Dagenais naurait pas dû tenir une réunion privée avec les représentants de l’audience sans m’en avoir informé et cela n’a fait que confirmer son attitude trompeuse et malhonnête envers moi.

[105]   Contrairement à l’allégation du plaignant selon laquelle Mme Benson a omis de répondre à ses préoccupations concernant la représentation de M. Dagenais, la preuve a établi qu’elle avait pleinement examiné les allégations avec l’aide de Mme Bramwell et de Mme Tyner. Une nouvelle analyse de la question concernant la classification avait été entreprise par Mme Tyner. Elle a déterminé que M. Dagenais avait fait tout ce qu’il pouvait dans les circonstances. Mme Bramwell et Mme Tyner ont ensuite rencontré le plaignant en vue de lui présenter leur analyse de l’affaire et d’entendre ses préoccupations. Tel que le confirme la lettre du 15 mai 2014, Mme Benson a ensuite examiné la situation avec Mme Bramwell et Mme Tyner et a informé le plaignant que M. Dagenais n’avait commis aucun acte fautif ni aucune erreur et que le syndicat ne pouvait offrir aucune autre mesure pour faire valoir ses allégations. À mon avis, l’examen des allégations du plaignant effectué par Mme Benson avec l’aide de Mme Bramwell et de Mme Tyner, était équitable et a été entrepris avec intégrité et compétence.

[106]  En ce qui concerne les allégations sous‑jacentes contre M. Dagenais, qui possède une vaste expérience à titre de représentant syndical, il a déclaré lors de son témoignage qu’il s’était préparé à l’audition du grief de classification du plaignant de la même façon dont il se prépare à l’égard de tout grief de cette nature. Il a examiné les documents, la description de travail et la norme de classification. Il a déterminé la classification qu’il pouvait proposer, il a évalué la question et a formulé une recommandation à l’intention du CRGC à l’audience. Son témoignage à cet égard n’a pas été contesté.

[107]  Dans son témoignage, M. Dagenais a indiqué qu’il n’avait rien contre le plaignant et qu’il l’avait représenté de la même façon qu’il représente tous les membres du syndicat. Le plaignant n’a déposé aucune preuve d’une hostilité envers lui de la part de M. Dagenais ou du syndicat.

[108]  Les allégations du plaignant concernant la conduite de M. Dagenais à l’audience relative à la classification tenue le 1er juin 2011 semblent découler largement du fait qu’il ne connaissait pas bien le processus d’audience. Ce qu’il a perçu comme une hostilité entre M. Dagenais et le représentant du Conseil du Trésor qui était membre du CRGC avant le début de l’audience consistait, selon M. Dagenais, en de simples plaisanteries. Même si le plaignant a allégué dans ses renseignements que cela était préjudiciable à une décision équitable de la part du CRGC, il n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui de cette allégation.

[109]  Selon le plaignant, la participation de M. Dagenais pendant l’audience s’est limitée à lire les principales activités. M. Dagenais a déclaré lors de son témoignage qu’il les avait lues à haute voix afin que les deux autres fonctionnaires s’estimant lésés qui assistaient par téléconférence l’entendent. Pour des raisons inconnues, à l’audition de la présente plainte, le plaignant a persisté à nier qu’il avait témoigné et qu’il avait présenté une observation pendant l’audience relative à la classification. Cette allégation a été réfutée de manière convaincante par le témoignage de M. Dagenais et par la décision relative à la classification dans sa section intitulée [traduction] « Observation présentée par les fonctionnaires s’estimant lésés ou en leur nom », comme suit :

[Traduction]

M. Richard a commencé son observation en lisant un document préparé de trois pages. Des copies de ce document ont été fournies aux membres du Comité et une copie a été placée dans le dossier de grief. Le document consistait en une description de la portée des fonctions du poste faisant l’objet du grief (PG) – propres à M. Richard et est résumé ci‑dessous.

[…]

[110]  En dessous du résumé des fonctions du plaignant, la décision relative à la classification énonce ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Les fonctionnaires s’estimant lésés ont continué leur observation en décrivant les rôles et les responsabilités et, à la demande du représentant syndical, Paul Dagenais, ils ont expliqué au Comité les principales activités de chaque poste et ils ont donné plus de renseignements, au besoin, en réponse aux questions du Comité.

[…]

[111]  Après avoir énoncé les principales activités, la décision relative à la classification énonce ce qui suit :

[Traduction]

[…]

M. Paul Dagenais a ensuite présenté aux membres du Comité un document dans lequel figure un tableau des cotes actuelles des facteurs et les cotes des facteurs qu’il a proposés aux fins du PG.

Une copie de ce tableau a été placée dans le dossier de grief. M. Dagenais a proposé que le PG soit classifié au groupe et niveau EG‑04 plutôt qu’au groupe et niveau GT‑03 et a fourni les cotes suivantes des facteurs à l’appui de sa recommandation : […]

Cela a conclu l’observation de M. Richard, des fonctionnaires s’estimant lésés et de M. Dagenais.

[…]

[112]  La décision relative à la classification appuie le témoignage de M. Dagenais quant à la façon dont l’audience relative à la classification s’est déroulée et son rôle en matière de représentation du plaignant lors de l’audience.

[113]  Le plaignant a également allégué que, pendant la réunion du 18 mars 2014, Mme Bramwell lui a dit que M. Dagenais avait tenu une réunion privée en coulisses avec les membres du CRGC, ce qui a donné lieu à une augmentation des points du facteur portant sur l’environnement et les dangers. M. Dagenais et Mme Tyner l’ont nié catégoriquement et le plaignant ne l’a pas prouvé.

[114]  Il convient également de noter le témoignage de Mme Tyner, une agente de classification chevronnée de l’AFPC, concernant la représentation offerte par M. Dagenais. Elle a examiné le grief et la décision relative à la classification, l’organigramme, la justification et la description de travail. Elle a également examiné le manuel de classification GT et a discuté deux fois avec M. Dagenais. Elle a effectué une analyse en examinant chacun des facteurs et en lui attribuant une cote. Elle a également examiné les points de repère. Mme Tyner a déclaré que, selon son évaluation du dossier du plaignant, elle aurait recommandé que l’AFPC ne le représente pas à l’audience relative à la classification et qu’elle était d’avis que M. Dagenais avait fait tout ce qu’il pouvait faire dans les circonstances.

[115]  En ce qui concerne l’allégation selon laquelle M. Dagenais n’a pas informé le plaignant de la disponibilité d’un contrôle judiciaire, même si M. Dagenais n’a pas informé le plaignant expressément du recours, il en a tenu compte. Dans son témoignage, il a indiqué que, selon son examen de la décision du CRGC, il n’existait aucun fondement pour demander un contrôle judiciaire puisque la décision reflétait fidèlement les faits et que la décision ne comportait aucune erreur. De même, Mme Tyner a indiqué que, lorsqu’elle a discuté avec M. Dagenais, il l’a assurée qu’il avait envisagé le contrôle judiciaire. Mme Tyner souscrivait également à son évaluation selon laquelle il n’existait aucun fondement pour demander le contrôle judiciaire de la décision relative à la classification du plaignant. M. Dagenais ne l’a pas informé de la possibilité d’un contrôle judiciaire. Toutefois, le plaignant n’a pas établi par ailleurs la façon dont ce fait, en soi, constitue une négligence, une hostilité ou une mauvaise foi.

[116]  Il incombait au plaignant d’établir que les défenderesses avaient agi d’une manière qui viole l’art. 187 de la Loi. Il n’a déposé aucune preuve d’une conduite arbitraire ou discriminatoire de leur part.

[117]  De plus, le plaignant n’a déposé aucun élément de preuve pour étayer l’allégation de mauvaise foi, tel qu’il l’a énoncé dans le formulaire de demande de renseignements de la Commission. En fait, la preuve contredisait cette allégation. Le paragraphe 49 de Judd v. Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 2000, 2003 CanLII 62912 (BC LRB), auquel renvoie Jackson, énonce ce qui suit : [traduction] « Une représentation de mauvaise foi comportera habituellement une représentation dont le but est illégitime ou une représentation dont l’intention est de tromper l’employé. » Rien de la sorte ne s’est produit en l’espèce.

[118]  Selon la preuve, M. Dagenais et le syndicat ont représenté le plaignant de manière diligente et professionnelle. À cet égard, la lettre de courtoisie de Mme Benson à son intention du 15 mai 2014 contraste nettement avec le langage abusif et calomnieux qu’il a utilisé à l’endroit des représentants syndicaux. Même s’il n’était pas satisfait de la façon dont l’audience relative à la classification s’était déroulée et de la décision relative à la classification, cela ne suffit pas à étayer sa plainte. Il n’y a aucune preuve que sa représentation par les défenderesses était arbitraire ou discriminatoire ou qu’elles ont agi de mauvaise foi. Par conséquent, la plainte doit être rejetée.

[119]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[120]  La plainte est rejetée.

Le 18 septembre 2019.

Traduction de la CRTESPF

Steven B. Katkin,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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