Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé était un charpentier de marine employé par le ministère de la Défense nationale (MDN) – après une réunion d’équipe des charpentiers de marine et de leur superviseur, au cours de laquelle il a été allégué que le fonctionnaire s’estimant lésé serait devenu agité et aurait formulé des remarques jugées grossières et menaçantes par l’employeur, ce dernier a décidé de ne pas l’autoriser à retourner au travail avant qu’il ne consente à une évaluation psychiatrique de son aptitude au travail (EAT) afin d’aborder les préoccupations au sujet de sa santé et du stress qu’il occasionnait aux autres employés – le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas participé à l’EAT aux conditions qui lui ont été présentées – l’employeur a mis fin à son emploi pour son refus de participer – il a présenté un grief contre son licenciement, alléguant que l’employeur n’avait pas de motifs raisonnables et probables de l’empêcher de se présenter dans le lieu de travail, de demander qu’il consente à une EAT psychiatrique par son médecin et, au bout du compte, de demander qu’il consente à la réalisation d’une évaluation par Santé Canada – l’employeur a soutenu que les doctrines de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée et de l’abus de la procédure s’appliquaient de sorte que la Commission était liée par une conclusion antérieure dans Burke c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2014 CRTFP 79, dans laquelle l’arbitre de grief a indiqué que l’employeur avait le droit de demander l’EAT puisqu’il avait des préoccupations légitimes en ce qui concerne la santé du fonctionnaire s’estimant lésé et la sécurité du lieu de travail – la Commission a conclu qu’elle n’était pas liée par les conclusions antérieures étant donné que les exigences de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée n’avaient pas été rencontrées et que le fait de permettre au fonctionnaire s’estimant lésé d’aller de l’avant avec ce litige ne serait pas un abus de procédure – la Commission a conclu que l’employeur ne s’était pas acquitté de son fardeau de démontrer qu’il avait des motifs raisonnables et probables de conclure que le fonctionnaire s’estimant lésé souffrait d’une maladie mentale qui justifiait qu’il subisse un examen psychiatrique avant de l’autoriser à revenir dans le lieu de travail – par conséquent, le licenciement du fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas motivé.

Grief accueilli.

Contenu de la décision


MOTIFS DE DÉCISION

I.  Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1]   Gregory Pius Burke, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), était un charpentier de marine employé par l’employeur, le ministère de la Défense nationale (MDN) à l’Installation de maintenance de la Flotte Cape Scott, à Halifax, en Nouvelle Écosse. Après une réunion d’équipe des charpentiers de marine et de leur superviseur le 11 mai 2011, au cours de laquelle le fonctionnaire serait devenu agité et aurait formulé des remarques jugées grossières et menaçantes par l’employeur, ce dernier a décidé de l’obliger à consentir à une évaluation psychiatrique de son aptitude au travail (EAT) afin d’aborder les préoccupations relatives à sa santé et au stress qu’il occasionnait aux autres employés avant d’être autorisé à retourner au travail.

[2]  Le 8 janvier 2014, l’employeur a mis fin à l’emploi du fonctionnaire en vertu de l’alinéa 12(1)e) de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11; LGFP) pour son refus de participer à l’EAT avec Santé Canada.

[3]  M. Burke a contesté son licenciement. Le grief a été rejeté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs et a été renvoyé à l’arbitrage.

[4]  La question fondamentale en litige est celle de savoir si l’employeur avait des motifs raisonnables et probables d’empêcher M. Burke de se présenter dans le lieu de travail, de demander qu’il consente à une EAT psychiatrique par son médecin et, au bout du compte, de demander qu’il consente à la réalisation d’une évaluation par Santé Canada.

[5]  Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu que l’employeur ne s’était pas acquitté de son fardeau d’établir au moyen d’une preuve suffisamment convaincante qu’il avait des motifs raisonnables et probables d’empêcher M. Burke de se présenter sur le lieu de travail et de mettre fin à son emploi pour avoir omis de participer à une EAT de Santé Canada.

A.  Question préliminaire

[6]  Les doctrines de la préclusion et de l’abus de la procédure s’appliquent-elles de sorte que je suis lié par une conclusion dans la décision de l’arbitre de grief McNamara dans Burke c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2014 CRTFP 79 (« Burke 2014 ») en ce qui concerne la demande de l’employeur pour que le fonctionnaire se soumette à une EAT psychiatrique? Le cas portait sur un grief que M. Burke avait déposé avant d’être officiellement licencié, dans lequel il soutenait que l’employeur l’avait congédié de façon déguisée lorsqu’il a refusé de lui permettre de travailler à moins de consentir à subir l’EAT. M. McNamara a conclu qu’il n’avait pas compétence pour entendre le grief puisque M. Burke n’avait pas fait l’objet d’un congédiement déguisé. Dans la décision, l’arbitre de grief a déclaré que l’employeur avait tout à fait le droit de demander l’EAT puisqu’il avait des préoccupations légitimes à l’égard de la santé du fonctionnaire et des répercussions que ces préoccupations pouvaient avoir sur la santé et la sécurité des employés au travai

B.  La question fondamentale

[7]  En supposant que la déclaration de l’arbitre de grief dans Burke 2014 ne me lie pas, l’employeur avait-il des motifs raisonnables et probables d’empêcher M. Burke de se présenter dans le lieu de travail, de demander une EAT psychiatrique de son médecin et, au bout du compte, de demander qu’il subisse une EAT psychiatrique indépendante par un médecin de Santé Canada?

II.  Questions non pertinentes à la détermination du présent grief

[8]  J’ai l’intention d’examiner uniquement la preuve pertinente aux questions qui ont été indiquées.

[9]  Je n’ai pas l’intention d’examiner de nouveau la conclusion de l’arbitre de grief McNamara selon laquelle l’emploi de M. Burke n’a pas pris fin le 11 mai 2011 au motif d’un congédiement déguisé.

[10]  Je n’ai pas l’intention d’examiner de nouveau la conclusion de l’arbitre de grief Richardson dans Burke c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2012 CRTFP 119 (« Burke 2012 »), lorsqu’il a rejeté le grief de M. Burke présenté contre sa suspension de trois jours pour avoir agressé M. Covey (l’« incident Covey »).

[11]  Je n’ai pas l’intention de revoir la sanction imposée à M. Burke à la suite de l’échange de mots grossiers avec Mark Meehan (l’« incident Meehan ») puisque le grief a été présenté tardivement et que la sanction est réputée définitive.

[12]  Ces décisions sont définitives et exécutoires. Je n’ai pas le pouvoir en vertu de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003 ch. 22, art. 2, la « Loi ») de les réformer.

[13]  Je n’ai pas l’intention de donner suite à l’argument de M. Burke selon lequel il a perdu son emploi pour des raisons indépendantes de sa volonté en vertu de la Loi sur l’assurance emploi (L.C. 1996, ch. 23). Il s’agissait d’une décision rendue pour déterminer les prestations d’assurance-emploi (AE) et elle n’est pas pertinente à la détermination de la question de savoir si l’employeur avait des motifs de mettre fin à son emploi. Voir Bennett c. Conseil du Trésor (ministère des Postes), dossiers de la CRTFP 166-02-1655 à 1670 (19750803); King c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2010 CRTFP 125, au paragraphe 5.

[14]  Le fonctionnaire a fait valoir qu’il n’avait pas de représentant syndical. Il a aussi soutenu qu’il y a eu violation de l’article 187 de la Loi, soit la disposition relative au devoir de représentation équitable. La question n’a pas été correctement déposée devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») dans le cadre d’une plainte déposée en vertu de l’article 190, et je n’ai pas compétence pour l’examiner.

[15]  Par souci de clarté, il ne s’agit pas de l’arbitrage d’un grief lié à un congédiement disciplinaire pour une inconduite coupable alléguée dans le lieu de travail.

[16]  L’employeur a appelé les 11 témoins suivants :

  1. Joseph Haché, le superviseur du centre de travail de l’arsenal CSM à Halifax et superviseur de M. Burke;
  2. Stephen Wournell, un charpentier de marine, collègue de M. Burke et vice‑président de la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d’Amérique (« FUCMA »);
  3. Roger Foster, un charpentier de marine, collègue de M. Burke et président de la FUCMA;
  4. Fred Cox, un charpentier de marine, collègue de M. Burke et trésorier de la FUCMA;
  5. Charles Hawker, le gestionnaire de groupe à l’IMF Cape Scott;
  6. Donald Monty, le gestionnaire régional du Programme de santé au travail de la fonction publique à Santé Canada;
  7. Le contre-amiral John Newton, commandant, Forces maritimes de l’Atlantique (FMAR(A));
  8. Nancy Oldford, gestionnaire régionale intérimaire, Commission de la fonction publique; à l’époque pertinente, elle était une spécialiste des ressources humaines à l’IMF Cape Scott;
  9. Lindsay Gallivan, une agente des ressources humaines avec le MDN; à l’époque pertinente, elle était agente des relations de travail avec le MD;
  10. Robin McKay, une agente des politiques à la Direction des relations de travail du personnel civil au MDN; à l’époque pertinente, elle était chef d’équipe, relations de travail, au MDN;
  11. Sandy Clattenburg, une chef d’équipe de la rémunération aux Ressources humaines, MDN.

[17]  Le fonctionnaire a agi comme témoin et il a aussi appelé la docteure Roetka Gradstein, docteure en médecine et son médecin personnel.

III.  Contexte et résumé des faits non en litige

[18]  À compter de 2007, M. Burke était un employé nommé pour une durée indéterminée du MDN. Il travaillait comme charpentier de marine à l’IMF Cape Scott. Il détient des certificats en charpenterie, en soudage, en bois ouvré et en échafaudage. Selon ses évaluations de rendement, il était un employé productif et très fiable.

[19]  M. Burke travaillait comme charpentier de marine dans l’équipe des carreaux acoustiques, installant des carreaux dans le NCSM Windsor, un sous-marin situé à l’arsenal CSM. Au départ, 19 charpentiers de marine travaillaient dans cette équipe. Toutefois, en 2011, étant donné que le travail était presque achevé, l’équipe des carreaux était composée de cinq membres. Trois d’entre eux étaient M. Foster, le président; M. Wournell, le vice-président; M. Cox, le trésorier du syndicat des charpentiers de marine, dont M. Burke était également membre. Le travail devait se terminer à la fin du printemps ou au début de l’été 2011.

[20]  En janvier 2011, M. Burke a été nommé par son superviseur, M. Haché, chef d’équipe de l’équipe des carreaux acoustiques. Il a occupé cette fonction du 25 janvier au 11 mars 2011.

[21]  Les autres membres de l’équipe se sont plaints à M. Haché. Ils ont soutenu que M. Burke s’était isolé de l’équipe, que les réunions n’étaient pas tenues pour discuter des travaux de la journée, qu’il n’y avait aucune consultation et que M. Burke se montrait irritable au point d’être agressif dans des échanges verbaux lorsqu’il accomplissait ses fonctions de chef d’équipe.

[22]  M. Cox trouvait difficile de travailler avec M. Burke. Il a demandé un transfert à une autre équipe pendant le mandat de M. Burke à titre de chef d’équipe. La demande a été acceptée.

[23]  D’autres membres de l’équipe, à l’instar de M. Foster et M. Wournell, ont par la suite demandé un transfert à une autre équipe.

[24]  M. Haché a rencontré M. Burke le 3 mai 2011 afin de discuter de son rendement en tant que chef d’équipe. Pendant la réunion, il a avisé le fonctionnaire que certains problèmes de communication avaient été soulevés pendant son mandat de chef d’équipe. Il lui a dit que plusieurs membres de l’équipe lui avaient demandé d’être transférés au centre de travail des charpentiers de marine.

[25]  M. Burke a voulu savoir qui s’était plaint à son sujet. M. Haché n’était pas disposé à lui donner les noms. M. Burke pensait que, si quelqu’un s’était plaint à son sujet, il avait le droit de connaître son nom et il a dit qu’il consulterait le directeur général, M. Hawker, à cet égard. Il a rencontré M. Hawker qui lui a dit qu’il allait obtenir les commentaires du superviseur. M. Hawker ne lui a pas reparlé.

[26]  Le 11 mai 2011, le nouveau chef d’équipe, M. Wournell, a demandé à M. Haché si quelque chose serait fait au sujet de M. Burke et de son manque de communication avec les autres membres de l’équipe ainsi que du fait qu’il s’attribuait le travail qui lui convenait. M. Foster a déclaré que M. Burke et M. Wournell n’avaient pas eu une bonne communication au cours des deux semaines précédentes.

[27]  M. Wournell estimait que la situation était inacceptable et qu’elle avait empiré au point d’être presque explosive. Il était d’avis que la direction ne l’avait pas corrigée. M. Haché a avisé M. Wournell qu’il était en train de mettre sur pied une rencontre avec les Ressources humaines pour obtenir des conseils sur la façon de la gérer.

[28]  M. Haché a décidé de rencontrer immédiatement l’ensemble de l’équipe des carreaux acoustiques, de mettre les questions sur la table et de discuter de la façon de régler le processus et les problèmes personnels.

[29]  M. Haché a avisé l’équipe qu’il n’avait pas une pleine garantie que toutes ses attentes étaient respectées. Il n’accepterait pas de conflit de personnalités ou de problèmes personnels comme excuse pour le non-respect du protocole ou une mauvaise qualité de l’exécution. L’accent devait être réorienté vers le travail d’équipe et l’amélioration de la communication.

[30]  Après un examen des questions de qualité qui concernaient principalement M. Burke et la période pendant laquelle il a été chef d’équipe, ce dernier a soulevé le problème de communication dont lui-même et M. Haché avaient discuté le 3 mai et le fait que M. Haché avait refusé de divulguer les noms des personnes qui s’étaient plaintes à son sujet.

[31]  Il a été convenu qu’ils ne discuteraient pas des noms à ce moment précis, mais qu’ils discuteraient de la question « en privé » par la suite, soit entre eux deux et M. Hawker.

[32]  Toutefois, la réunion a encore porté sur le problème de communication entre les membres de l’équipe, sur la période pendant laquelle M. Burke a été chef d’équipe et la question de savoir s’il avait demandé et obtenu l’aide de l’équipe.

[33]  M. Haché a demandé à M. Burke s’il acceptait de travailler avec l’équipe actuelle ou s’il s’y opposait. Il a répondu que c’était davantage l’équipe qui ne voulait pas travailler avec lui. M. Haché lui a demandé ce qui le poussait à dire cela. M. Burke a suggéré qu’il le demande à l’équipe.

[34]  M. Haché a alors demandé aux membres de l’équipe s’ils voyaient un problème à travailler avec M. Burke et, si oui, pourquoi. Il a dit que, pour réunir l’équipe, il pensait qu’il était approprié de [traduction] « clarifier la question ».

[35]  Les détails des échanges verbaux seront examinés plus en détail plus loin dans la présente décision. Au bout du compte, les trois autres membres de l’équipe ont déclaré qu’ils ne voulaient pas travailler avec M. Burke. Durant l’échange, M. Burke était agité et a formulé des remarques que la direction a jugées grossières et menaçantes.

[36]  Comme les trois membres de l’équipe actuelle ont dit qu’ils ne voulaient plus travailler avec M. Burke, M. Haché a dit à ce dernier qu’il avait décidé de le retirer de l’équipe des carreaux acoustiques et de le transférer à l’équipe des carreaux du navire de surface.

[37]  En raison de l’échange, selon les mots de M. Haché, de [traduction] « sentiments personnels à fleur de peau » les uns envers les autres, M. Haché a décidé de garder un œil sur les membres de l’équipe après la réunion. Il avait remarqué que M. Burke était agité.

[38]  Il a suivi M. Burke et M. Foster afin de s’assurer qu’aucun incident n’ait lieu. Cette situation sera examinée plus en détail dans la preuve.

[39]  M. Burke a prétendu que M. Haché avait laissé la réunion dégénérer, ce qui avait entraîné une ambiance où il s’était senti personnellement attaqué et provoqué indûment. Il a admis avoir utilisé des mots grossiers, mais a nié avoir eu un comportement menaçant.

[40]  Plus tard au cours de la matinée, M. Burke a abordé M. Haché et lui a dit qu’il allait chez lui parce qu’il se sentait malade. Il avait appris dans une formation de gestion de la colère que, dans une situation explosive, la meilleure chose à faire était de s’en retirer.

[41]  M. Haché a cru qu’il devait signaler cet incident à M. Hawker, le directeur général, en raison du comportement déplacé du fonctionnaire et des commentaires inacceptables qu’il avait formulés durant la réunion de l’équipe.

[42]  M. Haché a rencontré M. Hawker et des représentants des Ressources humaines et des Relations de travail le 12 mai 2011. Il a exprimé des préoccupations au sujet du comportement de M. Burke et de sa difficulté à composer avec les membres de l’équipe.

[43]  M. Hawker a décidé qu’une EAT réalisée par un médecin serait appropriée pour aborder leurs préoccupations au sujet de la santé de M. Burke et du stress qu’il occasionnait aux autres employés. Il a décidé que, tant que l’évaluation ne serait pas terminée, M. Burke ne serait pas autorisé à retourner dans le lieu de travail.

[44]  Selon ce qui est survenu le 11 mai, et compte tenu de mesures disciplinaires précédentes, M. Hawker a pensé que M. Burke ne semblait pas corriger son comportement. Comme il semblait que les mesures disciplinaires ne fonctionnaient pas, M. Hawker pensait qu’il était important de s’assurer que la direction était au courant des problèmes de santé sous-jacents.

[45]  M. Haché a déclaré lors de son témoignage qu’il n’était pas d’accord pour dire qu’une EAT médicale de M. Burke était nécessaire.

[46]  Les mesures disciplinaires pour inconduite qu’a mentionnées M. Hawker concernaient deux incidents.

A.  L’incident Covey

[47]  Le 18 novembre 2009, M. Burke s’est vu imposer une suspension de trois jours pour la première infraction, l’agression d’un collègue, M. Covey, le 28 octobre 2009. Il a aussi été obligé de suivre un cours intitulé « Gérer les moments de colère ». Il a contesté la suspension, et le grief a été renvoyé à l’arbitrage.

[48]  La Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) a entendu le grief en septembre 2012. Dans Burke 2012, elle a rejeté le grief. La décision sera examinée plus en détail plus loin dans la présente décision, dans le cadre de l’examen de la preuve.

B.  L’incident Meehan

[49]  Le 17 juin 2010, M. Burke s’est vu imposer une suspension de cinq jours pour avoir admis avoir utilisé des mots grossiers envers un collègue, M. Meehan, le 12 mai 2010. Les deux employés ont admis avoir utilisé des mots grossiers. M. Meehan s’est vu imposer une suspension d’un jour parce qu’il s’agissait de sa première infraction. L’employeur était d’avis que la déclaration grossière de M. Burke constituait de la violence dans le lieu de travail au sens du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (DORS/86-304; le « Règlement »), qui a été adopté dans le cadre de la partie II du Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L-2; CCT).

[50]  M. Burke a demandé à présenter un grief. Toutefois, l’agent négociateur a raté le délai pour le présenter, et l’employeur l’a rejeté pour ce motif.

[51]  Il est aussi important de comprendre que d’autres employés ont soutenu que M. Burke les avait physiquement agressés. Toutefois, après enquête, il a été conclu que les allégations n’étaient pas fondées.

C.  L’incident McDougall

 

[52]  On a allégué que M. Burke avait agressé un autre membre de l’équipe, Allan McDougall, le 3 décembre 2010. Après enquête de M. Hawker, ce dernier a conclu que M. Burke ne s’était pas mal conduit et il a donc été déclaré non coupable. M. Burke a été avisé de ce résultat le 5 janvier 2012.

D.  L’incident Turnbull

[53]  Le 25 août 2011, deux capitaines de la Marine royale canadienne ont rendu leur rapport d’enquête final. Le commandant à l’IMF Cape Scott les avait nommés pour qu’ils enquêtent sur la plainte pour violence dans le lieu de travail que David Turnbull avait déposée contre M. Burke. La plainte découlait d’un incident survenu le 12 juin 2009 et d’un refus de travail en vertu de la partie II du CCT que M. Turnbull a déposée le 5 août 2010 au sujet de craintes suscitées par les agissements ou le comportement de M. Burke au travail et qui ont découlé de cet incident de juin 2009.

[54]  Les enquêteurs ont conclu que les allégations de violence dans le lieu de travail formulées contre M. Burke n’étaient pas fondées. Le rapport n’a été livré à l’employeur qu’après que ce dernier a ordonné à M. Burke de ne pas revenir dans le lieu de travail en mai 2011.

[55]  Les enquêteurs ont aussi formulé des observations générales dans le lieu de travail. Ils ont conclu que des incidents de violence légère parmi tous les employés (c.‑à-d. agressions physiques), environ 20 depuis 2007, n’avaient pas été signalés. Ils ont aussi conclu que les procédures pour trouver de l’aide étaient inadéquates et mal connues et que les contrôles préventifs existants étaient inefficaces. Les observations seront examinées plus en détail dans les motifs de décision.

[56]  Même s’il a été remis à l’employeur le 25 août 2011, M. Burke n’a obtenu une copie du rapport qu’en janvier 2012.

[57]  Revenant à la période suivant la réunion du 11 mai 2011, M. Hawker a écrit à M. Burke le 16 mai 2011. Il a mentionné les discussions précédentes sur les comportements et les agissements irrespectueux qui ne seraient pas tolérés dans le lieu de travail. Il a déclaré qu’il est devenu très préoccupé par le fait que M. Burke continuait de se mettre en colère très rapidement, qu’il faisait subir sa colère aux personnes qui l’entouraient, qu’il lançait des choses, qu’il démontrait des comportements agressifs, qu’il refusait d’accepter des ordres et, en général, qu’il ne fonctionnait pas bien dans une équipe.

[58]  Il a rappelé à M. Burke que son travail était réalisé dans un milieu industriel avec une équipe de gens de métier multidisciplinaire et que sa sécurité et celle des autres étaient sa principale préoccupation. Pour ces raisons, il a ordonné au fonctionnaire de demander une EAT à son médecin.

[59]  M. Burke a été avisé qu’il devait collaborer en acceptant qu’une EAT soit réalisée dès que possible et que M. Hawker exigeait d’obtenir les renseignements demandés auprès de son médecin avant qu’il puisse revenir au travail.

[60]  Le fonctionnaire a appris que, s’il n’y consentait pas, M. Hawker ne pourrait pas décider si le lieu de travail était sécuritaire pour lui ou les autres employés, qu’il continuerait d’être suspendu du travail et qu’il serait mis en congé non payé.

[61]  Il a aussi avisé le fonctionnaire qu’il examinerait son comportement durant la réunion du 11 mai 2011. S’il concluait que les allégations justifiaient le recours au processus disciplinaire, le fonctionnaire serait avisé qu’une enquête serait menée conformément à la politique disciplinaire de l’employeur.

[62]  L’employeur n’a jamais mené d’enquête sur ce qui était arrivé à la réunion du 11 mai 2011.

[63]  M. Hawker a déclaré qu’il espérait que le médecin de M. Burke puisse fournir, au plus tard le 20 mai 2011, les renseignements demandés dans sa lettre du 16 mai.

[64]  Une lettre était jointe à la lettre du 16 mai de M. Hawker adressée à M. Burke qui était datée de la même journée et qui était adressée à un médecin non désigné nommément. Elle énumérait les comportements inacceptables du fonctionnaire dans le lieu de travail et demandait une EAT afin de déterminer si M. Burke devait faire l’objet de mesures d’adaptation. Y étaient jointes sa description de travail et une analyse de son travail.

[65]  Le médecin était prié d’indiquer si M. Burke avait des limites fondées sur sa description de travail et, le cas échéant, si elles étaient permanentes et si une mesure d’adaptation était requise. La lettre portait également sur la question de savoir si, dans l’éventualité où les limites n’étaient pas permanentes, un délai était prévu pour les mesures d’adaptation.

[66]  Comme je l’ai indiqué, durant leur témoignage, M. Haché et M. Hawker ne s’entendaient pas sur la nécessité que M. Burke subisse une EAT par son médecin. M. Burke ne croyait pas qu’elle était nécessaire. Le règlement de cette question nécessitera un examen détaillé de la preuve et une conclusion de fait.

[67]  De plus, M. Haché et le fonctionnaire ne croyaient pas que la liste des comportements attribués à M. Burke dans la lettre adressée au médecin était exacte, alors que M. Hawker croyait qu’elle l’était. Cette question nécessitera aussi un examen détaillé de la preuve et une conclusion de fait.

[68]  M. Burke n’a pas présenté de demande de congé. Lorsqu’il est parti le 11 mai 2011, il a dit qu’il prenait un congé de maladie. Il a épuisé ses congés de maladie le 22 juin 2011.

[69]  Après avoir déclaré qu’il était malade et qu’il quittait le travail le 11 mai 2011, le fonctionnaire a consulté un médecin dans une clinique sans rendez-vous. Le docteur a rempli un rapport médical qui indiquait que, pour des raisons médicales, le fonctionnaire ne pouvait pas travailler pendant une semaine à cause de ses symptômes.

[70]  Comme M. Burke n’avait pas de médecin de famille, le 17 mai 2011, il a pris des dispositions pour consulter la Dre Gradstein, puisqu’elle acceptait de nouveaux patients. Elle a rempli un rapport médical qui indiquait qu’il avait été vu à la clinique à cette date et qu’il serait en congé de maladie pour des raisons médicales jusqu’au 24 mai 2011.

[71]  La Dre Gradstein a vu M. Burke de nouveau le 24 mai et a rempli un rapport médical. Ce dernier indiquait qu’il avait été vu dans le bureau le 17 et le 24 mai, qu’il avait été mis en congé pour des raisons médicales et qu’il demeurerait en congé jusqu’au 10 juin 2011. Elle a déclaré qu’elle l’avait examiné et qu’il était en congé parce qu’il faisait de l’anxiété.

[72]  M. Burke a répondu le 9 juin 2011 par lettre à celle du 16 mai 2011 de M. Hawker. Il a nié les allégations d’inconduite.

[73]  M. Burke et M. Hawker ont parlé par téléphone le 9 juin. M. Burke lui a dit que son médecin l’avait autorisé à retourner au travail à compter du 10 juin, le lendemain, et qu’il avait une lettre à cet égard. Il a aussi déclaré que son médecin l’avait avisé qu’une EAT n’était pas nécessaire.

[74]  M. Hawker n’a pas permis au fonctionnaire de reprendre le travail. M. Burke aurait dit qu’il allait venir et que le directeur général n’avait pas le pouvoir de l’arrêter ou de passer outre la décision de son médecin. Néanmoins, il n’a pas été autorisé à retourner au travail.

[75]  Le 13 juin 2011, M. Hawker a écrit à M. Burke en ce qui concerne son statut et lui a demandé de faire un suivi immédiatement, afin de s’assurer qu’il avait reçu une réponse à sa lettre du 16 mai 2011.

[76]  M. Hawker a déclaré que, dans la lettre, il avait demandé que le médecin traitant du fonctionnaire réponde à des questions précises sur son aptitude au travail et que le fonctionnaire consente à ce que le médecin partage ses renseignements avec M. Hawker pour qu’il puisse déterminer si des mesures d’adaptation étaient requises. Il a dit que, si ce n’était pas possible, le fonctionnaire pourrait alors choisir de les fournir en acceptant de subir une EAT à Santé Canada.

[77]  M. Hawker a mis M. Burke en congé de maladie non payé lorsque ses congés de maladie ont été épuisés le 10 juin 2011.

[78]  Mme Clattenburg a eu une discussion téléphonique avec M. Burke le 5 juillet 2011. Il croyait qu’il était prêt à retourner au travail, mais la direction ne lui permettait pas de travailler. Il avait des préoccupations quant aux documents, devant demander à un médecin de les remplir, et il craignait que sa vie privée soit violée, tout comme ses droits de la personne.

[79]  Elle a dit que le fonctionnaire l’avait rappelée et qu’il avait dit qu’il ne demanderait pas de prestations d’AE, de prestations de congé de maladie ou d’assurance-invalidité (AI) parce qu’il ferait réaliser une EAT et qu’il prévoyait reprendre le travail la semaine suivante.

[80]  M. Burke a déclaré qu’à compter du 10 juin 2011, il n’avait plus de revenu.

[81]  Le 12 juillet 2011, Ressources humaines et Développement des compétences Canada a publié un relevé d’emploi (RE) de M. Burke, indiquant que sa date de fin de la dernière période de paie était le 22 juin 2011 et que la raison pour le délivrer était une maladie ou une blessure.

[82]  La chef d’équipe de la rémunération a déclaré qu’un RE est délivré cinq jours après le départ d’un employé en congé non payé comme l’exige la Loi sur l’assurance‑emploi. Comme M. Burke n’avait pas demandé de congé, la direction a décidé qu’un congé de maladie conviendrait mieux pour lui en ce qui concerne ses cotisations de pension, l’AI et les prestations de congé de maladie, ce qui explique pourquoi le RE indiquait que la raison pour le délivrer était une maladie ou une blessure.

[83]  M. Burke a télécopié un certain nombre de pages à l’employeur le 28 juillet 2011. Elles comprenaient une note médicale datée du 13 mai 2011, d’un médecin qui déclarait que le fonctionnaire était incapable de travailler pendant une semaine depuis le 11 mai en raison de ses symptômes; une note médicale du 17 mai 2011 de la Dre Gradstein, son nouveau médecin de famille, indiquant qu’il serait en congé de maladie pour des raisons médicales jusqu’au 24 mai 2011; une note médicale du 24 mai 2011 de cette dernière indiquant qu’il avait été vu à la clinique les 17 et 24 mai et qu’il était en congé pour des raisons médicales jusqu’au 10 juin 2011.

[84]  Le 2 août 2011, M. Burke a envoyé une télécopie à l’employeur. Les documents comprenaient un certificat médical d’incapacité de travail que la Dre Gradstein avait préparé et qui était du 5 juin 2011. Il indiquait qu’elle avait vu M. Burke, qu’il était incapable de travailler depuis le 17 mai 2011 à cause d’une maladie ou d’une blessure, et que sa date de retour au travail prévue était le 10 juin 2011.

[85]  Comme je l’ai dit, la Dre Gradstein a vu M. Burke comme patient le 17 mai 2011. Au cours de cette visite, ils ont discuté de la demande d’EAT de l’employeur. Elle l’a aussi vu le 22 juillet 2011, après quoi elle a rédigé une lettre dans laquelle elle indiquait qu’il était apte à retourner au travail à ce moment-là, selon son évaluation médicale.

[86]  La Dre Gradstein a déclaré lors de son témoignage qu’elle avait conclu que M. Burke était apte au travail selon une perspective de capacité physique. Il a aussi pris des notes en ce qui concerne sa situation mentale. Elle n’a pas fait d’évaluation psychologique.

[87]  La lettre indiquait ce qui suit : [traduction] « J’ai vu ce patient aujourd’hui à la clinique. Il est apte à retourner au travail. »

[88]  M. Hawker a écrit à M. Burke le 15 août 2011, déclarant que les notes des médecins traitants de M. Burke ne répondaient pas aux questions qu’il avait demandé au fonctionnaire de présenter à son médecin dans sa lettre du 16 mai 2011. M. Hawker a déclaré qu’il avait obligé M. Burke à subir une EAT au plus tard le 22 août 2011 et que, tant que l’employeur ne pouvait pas décider si le fonctionnaire était apte à retourner au travail, il ne serait pas autorisé à revenir dans le lieu de travail.

[89]  Un formulaire de consentement de Santé Canada était joint à la lettre, en vertu duquel M. Burke pouvait accepter d’y subir une EAT. Il a été avisé que, s’il acceptait de collaborer, M. Hawker demanderait cette EAT.

[90]  La lettre indiquait également que M. Burke devait être en congé autorisé pendant son absence et qu’il avait la responsabilité de demander un congé.

[91]  M. Burke a répondu le 19 août 2011. Il a indiqué que, le 25 mai 2011, son médecin avait conclu que les formulaires d’EAT qu’il avait reçus n’étaient pas nécessaires car aucune EAT n’était requise. Il a déclaré que son syndicat l’avait avisé que, s’il avait une note de médecin indiquant qu’il était apte au travail, c’était tout ce qui était nécessaire pour son retour et que cette note avait été fournie. Il a joint une réponse aux motifs sous-tendant la demande d’EAT et a déclaré qu’ils étaient sans fondement.

[92]  M. Burke n’a pas demandé d’AI puisque son médecin l’avait avisé qu’il était apte à reprendre ses fonctions. Comme il n’était pas malade, il n’aurait pas droit à une AI.

[93]  Le 7 octobre 2011, M. Hawker a écrit à M. Burke. Il a résumé sa lettre précédente et a répété ses motifs pour exiger une EAT. Il a invité M. Burke à une rencontre le 25 octobre 2011.

[94]  La lettre précisait les trois options suivantes :

  1. Consentir à une EAT de Santé Canada;
  2. consentir à la correspondance directe entre M. Hawker et le médecin traitant de M. Burke dans le but de recevoir des réponses à ses questions en suspens; la lettre indiquait qu’il ne souhaitait pas obtenir de renseignements au sujet de l’état de santé de M. Burke, mais des renseignements pour déterminer s’il était apte au travail;
  3. fournir au médecin traitant la lettre du 16 mai 2011 et informer M. Hawker du moment où le médecin l’a reçue et le délai prévu pour obtenir une réponse.

 

[95]  Si des renseignements médicaux satisfaisants de la part du médecin de M. Burke n’étaient pas reçus, il n’aurait que les deux premières options.

[96]  Il a aussi été avisé que M. Hawker continuerait d’autoriser son absence en tant que congé de maladie non payé.

[97]  La lettre indiquait que le défaut de respecter la demande entraînerait une absence non autorisée, ce qui pouvait mener à une mesure administrative ou disciplinaire, pouvant aller jusqu’à la cessation d’emploi.

[98]  M. Burke a répondu le 17 octobre 2011. Il a donné son point de vue, répété que son médecin avait conclu qu’aucune EAT n’était requise, a déclaré que les Relations de travail l’avaient avisé qu’un certificat de médecin indiquant qu’il était apte au travail était tout ce qui était requis et il a dit que M. Hawker l’avait reçu. Il a dit qu’il acceptait de rencontrer le directeur général afin de trouver une solution.

[99]  Le 8 décembre 2011, M. Burke a écrit à M. Hawker. Il a joint une lettre envoyée à son représentant du Conseil du travail du 13 octobre 2011. Il a avisé le directeur général qu’il avait donné sa permission, par l’entremise de son représentant du Conseil du travail, pour que l’employeur communique avec son médecin, à la condition qu’il reçoive une copie écrite des questions que l’employeur avait l’intention de lui poser.

[100]  La lettre au représentant du Conseil du travail indiquait le contexte du litige ainsi que le fait que l’agent négociateur l’avait avisé qu’une lettre de son médecin indiquant qu’il était apte au travail suffisait. Elle mentionnait également l’avis du représentant selon lequel la lettre du médecin devait indiquer qu’elle avait lu la lettre qui lui avait été envoyée.

[101]  Dans la lettre, M. Burke garantissait au représentant du Conseil du travail que son médecin avait reçu tous les documents qui lui avaient été envoyés et il a déclaré ce qui suit : [traduction] « si la direction souhaite obtenir une autre preuve, elle doit s’adresser à mon médecin et lui envoyer une lettre que je recevrai en copie conforme. »

[102]  Le 9 décembre 2011, M. Burke a rédigé une lettre à la Dre Gradstein, indiquant ce qui suit :

[Traduction]

 

[…]

Voici les lettres qui ont été envoyées à mon employeur et à mon représentant du Conseil du travail. Elles portent fondamentalement sur mon consentement pour permettre à l’employeur de communiquer avec vous, pourvu qu’il m’envoie une copie des questions qu’il pose. Mon employeur ne demande pas de renseignements concernant mon état de santé, mais plutôt des renseignements pour déterminer si je suis apte à reprendre le travail avec ou sans restriction. Merci à l’avance.

[…]

[103]  Pendant son témoignage, la Dre Gradstein n’a pu confirmer que la lettre manuscrite avait été numérisée dans son dossier. Toutefois, la représentante des Relations de travail, Mme Gallivan, a écrit dans ses notes de discussion le 17 février 2012, avec le médecin, que cette dernière avait mentionné la lettre du 9 décembre 2011 du fonctionnaire.

[104]  M. Hawker a envoyé une lettre du 13 décembre 2011 à M. Burke qui était un suivi à la récente correspondance dans laquelle M. Burke avait dit qu’il acceptait de rencontrer le directeur général pour prévoir une réunion en personne le 5 janvier 2012.

[105]  Le 5 janvier 2012, M. Burke a reçu une lettre du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences responsable de Service Canada au sujet de sa demande d’AE. Étant donné que, dans sa demande, il avait déclaré qu’il ne travaillait plus en raison d’une grève ou d’un lock-out et que le RE présenté par son employeur avait indiqué « maladie », la commission de l’AE avait mené une enquête de recherche des faits. Après avoir obtenu les déclarations de toutes les parties concernées, les fonctionnaires avaient établi qu’il avait perdu son emploi pour des raisons indépendantes de sa volonté.

[106]  Une rencontre a eu lieu à cette date. Étaient présents M. Burke, M. Hawker, le représentant du Conseil du travail et Mme Gallivan des Relations de travail.

[107]  M. Hawker a déclaré que l’objectif de la réunion consistait à obtenir le consentement de M. Burke à une EAT puisqu’il était absent du lieu de travail depuis un certain temps, ce qui était la pratique standard.

[108]  À son avis, M. Burke n’était pas présent pour collaborer en ce qui concerne une EAT; il était présent pour recueillir des renseignements afin de se préparer pour l’arbitrage de l’incident Covey qui avait mené à sa suspension de trois jours. Mme Gallivan lui a remis une copie de son dossier personnel.

[109]  Pendant la rencontre, M. Burke a déclaré que la demande d’EAT n’était pas valide parce que l’enquête pour harcèlement sur son comportement était toujours en cours, c.-à-d. la plainte de M. Turnbull, et il n’avait pas prévu d’aller plus loin avant de voir le rapport. Il a aussi dit qu’il voulait répondre aux motifs pour lesquels la direction demandait une EAT, c.-à-d. qu’il n’avait pas lancé des choses sur le plancher de l’atelier, entre autres.

[110]  M. Hawker lui a remis les formulaires de consentement pour une EAT de Santé Canada.

[111]  Pendant la rencontre, le fonctionnaire a tenté de convaincre M. Hawker que son emploi avait pris fin. Il a montré le RE à M. Hawker.

[112]  Il a dit qu’il avait donné son consentement pour communiquer avec son médecin et a demandé pourquoi la direction ne l’avait pas appelée. Le représentant du Conseil du travail a dit que la lettre ne constituait pas un consentement approprié.

[113]  M. Burke a pris les formulaires de consentement pour une évaluation à Santé Canada, déclarant qu’il voulait y réfléchir.

[114]  Le 20 janvier 2012, M. Hawker a écrit à M. Burke, indiquant son point de vue sur la façon dont la rencontre du 5 janvier s’était déroulée. Un formulaire de consentement autorisant l’employeur à communiquer avec le médecin traitant du fonctionnaire y était joint.

[115]  La Dre Gradstein a rédigé une lettre du 28 janvier 2012 à l’intention de M. Burke qui a été présentée à l’employeur. Elle se lit comme suit :

[Traduction]

La présente lettre concerne l’aptitude au travail de M. Greg Burke. Il n’a aucune limitation qui l’empêche d’exercer ses fonctions et il peut retourner au travail à temps plein. Il n’a pas besoin de suivi de ma part en ce qui concerne sa santé et il peut reprendre le travail dès que l’employeur peut le réintégrer.

[116]  La Dre Gradstein a déclaré que la lettre était fondée sur son évaluation médicale de M. Burke durant un rendez-vous à son bureau. Elle a confirmé qu’il était apte à reprendre le travail.

[117]  M. Hawker n’était pas satisfait de la note médicale puisqu’il n’avait pas les renseignements appropriés au sujet de l’EAT.

[118]  Le 30 janvier 2012, M. Burke a présenté un grief à son employeur alléguant qu’il avait fait l’objet d’un congédiement abusif. Il énonçait au recto que ce qui y avait donné lieu était son avis de congédiement de Service Canada (AE), le RE. Il demandait une indemnisation pour perte de salaire et préjudice à sa réputation, ainsi que la récupération de son laissez-passer de sécurité et de son emploi.

[119]  L’employeur a nié avoir congédié le fonctionnaire. Le grief a été renvoyé à la Commission pour arbitrage. Il a été présenté à l’arbitre de grief en juillet et en décembre 2013.

[120]  Dans Burke 2014, l’arbitre de grief a conclu qu’il n’avait pas la compétence pour examiner le grief et le trancher, étant donné qu’il n’y avait pas eu cessation d’emploi.

[121]  Dans ses motifs, l’arbitre de grief a déclaré qu’il y avait de nombreux éléments permettant de conclure que l’employeur avait tout à fait le droit de demander que M. Burke subisse une EAT.

[122]  Le 17 février 2012, Mme Gallivan a téléphoné à la Dre Gradstein pour l’interroger au sujet de la lettre du 28 janvier 2012 qu’elle avait remise au ministère. La Dre Gradstein a confirmé qu’elle avait la lettre du 16 mai 2011 et qu’elle l’avait vue.

[123]  On a demandé à la Dre Gradstein si elle avait reçu une note manuscrite de M. Burke du 9 décembre 2011 et si, après l’avoir lue, elle pensait qu’il s’agissait d’un consentement. Elle a dit qu’elle avait reçu la lettre. On lui a demandé si, selon son évaluation médicale, M. Burke était apte au travail, sans restriction. Elle a déclaré qu’elle l’a dit à l’employeur en juillet 2012 et en janvier 2013.

[124]  La Dre Gradstein pensait que Mme Gallivan avait un comportement contraire à l’éthique lorsqu’elle a posé ses questions médicales au sujet de M. Burke.

[125]  Mme Gallivan a conclu que l’appel téléphonique avec la Dre Gradstein n’avait pas été productif. Elle a avisé la direction qu’elle devrait seulement envisager de faire examiner M. Burke par Santé Canada.

[126]  Le 27 février 2012, M. Hawker a écrit à M. Burke. Il a mentionné la lettre du 16 mai 2011. Il a fait remarquer qu’elle comprenait des questions précises afin de s’assurer qu’au moment de décider si le fonctionnaire était apte au travail, son médecin traitant avait examiné les renseignements fournis par l’employeur.

[127]  Il a noté que l’employeur avait confirmé avec le médecin traitant du fonctionnaire qu’elle avait reçu la lettre. Toutefois, elle n’avait pas indiqué qu’elle avait examiné les renseignements fournis dans la lettre. Par conséquent, M. Hawker n’était pas convaincu qu’une évaluation médicale complète avait été effectuée.

[128]  On a fait remarquer que l’employeur avait demandé le consentement de M. Burke afin qu’il lui permette de communiquer avec son médecin traitant directement ou qu’il accepte de subir une EAT de Santé Canada, mais que ce dernier avait choisi de ne signer aucun des formulaires de consentement.

[129]  On a fait remarquer que M. Burke avait dit qu’il avait donné son consentement à l’employeur pour qu’il communique directement avec son médecin traitant. Toutefois, ces renseignements sont contradictoires avec ceux reçus du médecin puisqu’elle a déclaré qu’elle n’avait pas son consentement pour fournir à l’employeur les renseignements qu’il demandait afin de conclure s’il était apte à reprendre le travail. M. Burke a été avisé que sa seule autre option était de consentir à une EAT de Santé Canada.

[130]  Le 8 juin 2012, M. Hawker a écrit à M. Burke pour lui demander de l’informer au plus tard le vendredi 29 juin 2012 s’il allait consentir à une EAT de Santé Canada.

[131]  Le 21 décembre 2012, M. Hawker a écrit à M. Burke pour lui demander encore de consentir à subir une EAT de Santé Canada et de lui fournir une réponse au plus tard le 30 janvier 2013. Le dernier paragraphe de la lettre indique ce qui suit :

[Traduction]

 

Veuillez noter qu’il s’agit de ma dernière demande pour que vous subissiez une évaluation de l’aptitude au travail par l’entremise de Santé Canada. Si vous refusez toujours d’acquiescer à cette demande, je peux recommander de renvoyer votre dossier au responsable délégataire pour qu’il procède à un licenciement motivé.

[132]  M. Burke a répondu à la lettre du directeur général le 24 janvier 2013. Il a déclaré que son médecin avait répondu aux questions de la trousse d’aptitude au travail qu’elle avait reçue de sa part. Selon son évaluation, il était apte à reprendre le travail le 10 juin 2011. Le directeur général avait reçu la lettre, mais il ne lui avait pas permis de reprendre le travail.

[133]  Il a dit que les accusations figurant dans la lettre du 11 mai 2011 selon lesquelles il avait blasphémé, lancé des choses et laissé tomber le travail étaient des inventions pour tenter de trouver des raisons de le congédier.

[134]  Il a déclaré qu’un représentant des Relations de travail avait communiqué avec son médecin, mais n’avait pas fourni de copie des questions à l’avance, ce qu’il avait demandé par écrit. Il a aussi dit que les questions posées concernaient des détails médicaux personnels que son médecin n’avait pas la liberté de divulguer.

[135]  Le 30 janvier 2013, M. Burke a signé un formulaire de consentement de Santé Canada en présence d’un témoin pour subir une EAT. Le consentement était valide du 30 janvier au 28 mars 2013.

[136]  La même journée, il a aussi signé un formulaire de consentement du MDN pour la même période afin de permettre à M. Hawker de communiquer avec son médecin traitant, la Dre Gradstein, pour une interprétation de son évaluation médicale. Il contenait la description de ses capacités à accomplir les fonctions de son poste, y compris des limitations fonctionnelles qui pouvaient survenir en raison du problème médical (physique et mental) indiqué. Le formulaire indiquait que le médecin ne divulguerait pas de renseignements cliniques.

[137]  M. Burke a ajouté une note au bas de chaque formulaire de consentement qui se lit en partie comme suit : [traduction] « Dans un esprit de collaboration, dans le but de satisfaire davantage un gestionnaire du lieu de travail et pour réintégrer mon emploi, je présente ces formulaires pour renforcer ce qui a été dit par mon médecin de famille […] ».

[138]  Ni M. Hawker, ni un autre représentant de l’employeur ni Santé Canada n’ont communiqué avec la Dre Gradstein.

[139]  Le 7 février 2013, M. Hawker a écrit à M. Burke, accusant réception du formulaire de consentement signé de Santé Canada et l’avisant que Santé Canada exigeait que les formulaires expirent une année après la signature afin de s’assurer d’avoir suffisamment de temps pour réaliser le processus d’évaluation. Il a joint de nouveaux formulaires de consentement dont la date d’expiration était le 22 février 2014.

[140]  Le 28 février 2013, M. Burke a répondu à la lettre du 7 février de M. Hawker. Il a dit qu’il y avait maintenant presque deux ans que M. Hawker avait injustement refusé qu’il revienne au travail et qu’il lui avait causé un préjudice extrême injustifié ainsi qu’à sa famille. Les formulaires de consentement conserveraient la date d’expiration du 28 mars 2013 et, si Santé Canada l’avisait qu’il ne pouvait effectuer une évaluation à cette date, il déciderait alors s’il allait la prolonger.

[141]  Le 7 mars 2013, M. Hawker a répondu à M. Burke. Il dit qu’il avait été avisé que M. Burke et Santé Canada étaient parvenus à une entente selon laquelle M. Burke avait accepté une période de huit mois pour que Santé Canada termine son évaluation. M. Hawker a joint les nouveaux formulaires de consentement.

[142]  Le 15 mars 2013, M. Burke a répondu. Il a renvoyé à une conversation téléphonique avec un représentant de Santé Canada. Sa lettre de réponse était rédigée en partie comme suit :

[Traduction]

 

[…]

Dans le cadre d’une conversation téléphonique le 5 mars 2013 avec un superviseur de Santé Canada, Donald Monty, nous avons discuté du fait qu’il était préférable qu’un demandeur consente à une période d’un an pour la réalisation d’une évaluation de l’aptitude au travail de Santé Canada. Cela constituerait un intervalle de trois ans, à un mois près, depuis la dernière journée où j’ai travaillé, soit le 11 mai 2011. Il est bien connu, comme l’a dit M. Monty, qu’une évaluation pouvait être effectuée en une période de deux semaines pour les demandes comme la mienne, lorsque le demandeur a déjà demandé à son médecin de famille de produire une évaluation de son aptitude au travail auprès du MDN.

Je remets en question l’exigence que je présente une date d’expiration d’un an. M. Monty a répondu que, dans certains cas, il fallait consulter un spécialiste, et que Santé Canada voulait éviter d’avoir à téléphoner au demandeur toutes les trois semaines pour mettre à jour la demande. Il a proposé une date d’expiration de huit mois pour ma demande. Ce délai n’a pas été entériné. Il a aussi dit qu’il n’avait pas suffisamment de temps pour consulter mon médecin de famille avant la date d’expiration actuelle de mes demandes. Pour cette raison, je joins une nouvelle date du 11 mai 2013, qui sera exactement deux ans après ma dernière date d’emploi. Cela ajoutera une autre période de huit semaines à compter de la présente date.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[143]  M. Burke a joint les nouveaux formulaires de consentement signés dont la date d’expiration était le 11 mai 2013.

[144]  M. Burke a déclaré qu’il avait avisé M. Monty qu’il ne pouvait pas attendre huit autres mois puisqu’il n’était pas payé. Il a reconnu que les esprits se sont échauffés durant leur discussion. Il n’était pas d’accord, puisque cela aurait constitué un délai de trois ans depuis son dernier jour de travail.

[145]  Après sa discussion avec le représentant de Santé Canada, la conjointe de M. Burke l’a avisé [traduction] « qu’elle en avait assez » et qu’elle se réinstallait à Winnipeg, au Manitoba. Il s’y est réinstallé aussi.

[146]  Le 2 octobre 2013, M. Hawker a écrit à M. Burke pour lui donner une dernière occasion de consentir à une EAT de Santé Canada à Winnipeg. La lettre de Santé Canada avait précisé qu’il devait consentir à un délai d’un an au cours duquel l’évaluation pourrait avoir lieu. Si M. Hawker ne recevait pas de réponse au plus tard à la date fournie ou si le fonctionnaire n’acceptait de participer à l’évaluation en fournissant les dates requises dans le formulaire de consentement, M. Hawker recommanderait le licenciement motivé du fonctionnaire.

[147]  Le 12 octobre 2013, M. Burke a écrit à M. Hawker. Il a joint une copie de la lettre qu’il avait envoyée à M. Hawker qui était du 15 mars 2013. Il a avisé M. Hawker qu’il était toujours en bonne santé et qu’il occupait un métier du secteur professionnel. Il a déclaré que M. Hawker avait négligé de joindre les formulaires de consentement à sa lettre du 2 octobre.

[148]  Le 5 novembre 2013, M. Hawker a envoyé à M. Burke les formulaires de consentement à la condition qu’il donne un consentement d’un an à Santé Canada pour lui permettre d’effectuer l’évaluation.

[149]  M. Burke a répondu à M. Hawker le 17 novembre 2013. Il a mentionné les efforts qu’il a faits pour se conformer à la demande d’EAT. Il a déclaré qu’il avait accepté une période généreuse d’environ six mois au cours de laquelle Santé Canada devait effectuer l’évaluation. Il a continué d’affirmer que la demande d’évaluation était sans fondement.

[150]  Le 16 décembre 2013, le commandant de l’IMF Cape Scott a recommandé au commandant des FMAR(A) de licencier le fonctionnaire en vertu de l’alinéa 12(1)e) de la LGFP. Une note d’information, préparée par les Relations de travail, était jointe. Elle mentionnait un certain nombre d’incidents consignés dans le dossier du personnel de M. Burke qui n’avaient pas fait l’objet d’une enquête et, dans certains cas, qui n’avaient même pas été signalés aux superviseurs, mais qui devaient constituer des exemples de son comportement. À l’exception des deux exemples pour lesquels il a fait l’objet de mesures disciplinaires, M. Burke n’était pas au courant de l’existence de ces notes dans son dossier personnel.

[151]  Le 8 janvier 2014, le commandant, FMAR(A), contre-amiral John Newton, a écrit à M. Burke pour mettre fin à son emploi. La lettre indiquait qu’elle faisait suite à la lettre du 2 octobre 2013 dans laquelle son gestionnaire l’avait avisé qu’il allait recommander son licenciement s’il choisissait de ne pas participer à l’EAT de Santé Canada. La lettre indiquait en partie ce qui suit :

[Traduction]

 

[…]

Au cours des deux dernières années et demie, la direction a tenté d’obtenir suffisamment de renseignements médicaux de votre part et de votre médecin traitant. Ces tentatives se sont avérées infructueuses. Vous aviez également l’option de consentir à subir une évaluation de l’aptitude au travail par l’entremise de Santé Canada; toutefois, la plus récente lettre que vous avez envoyée à la direction le 22 novembre 2013 confirme que vous avez refusé de participer au processus d’évaluation de l’aptitude au travail. Par conséquent, conformément à l’alinéa 12(1)e) de la Loi sur la gestion des finances publiques, je mets par la présente fin à votre emploi. […]

[152]  Le contre-amiral John Newton a mis fin à l’emploi du fonctionnaire après avoir examiné les documents fournis dans un résumé du dossier de travail de M. Burke à l’IMF Cape Scott, y compris la recommandation des Relations de travail. Le commodore Mike Wood a fourni le résumé, ainsi que sa recommandation de mettre fin à l’emploi du fonctionnaire.

[153]  Le contre-amiral John Newton avait rencontré l’équipe des ressources civiles afin de s’assurer que l’équipe respectait le processus et que la décision était défendable. Il a pu se convaincre que la mesure recommandée était justifiée et il a volontiers signé la lettre de licenciement.

[154]  Il ne connaissait pas la chaîne complète de rapports hiérarchiques qui aurait compris M. Hach. et M. Hawker.

[155]  Le licenciement était justifié en raison des menaces et de l’intimidation dans le lieu de travail. Il a renvoyé à une longue liste d’incidents figurant dans la note d’information.

[156]  Le fonctionnaire lui a demandé ce qui arriverait si la lettre du 16 mai 2011 de M. Hawker adressée au médecin du fonctionnaire était réfutée et que son contenu était [traduction] « anéanti ». Il a répondu que cette question relevait de l’arbitre de grief.

[157]  Selon la chronologie, il pensait qu’une tentative honnête avait été faite pour que M. Burke retourne au travail et qu’elle indiquait son omission d’y revenir. Il a reconnu qu’il pouvait y avoir d’autres éléments de preuve convaincants dont il n’était pas au courant.

IV.  Question préliminaire

[158]  Les doctrines de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée et de l’abus de procédure s’appliquent-elles de sorte que je suis lié par la décision de l’arbitre de grief McNamara, qui a conclu que l’employeur avait des motifs raisonnables de demander à M. Burke de présenter un examen médical indépendant par Santé Canada, lorsqu’il a décidé que M. Burke n’a pas fait l’objet d’un congédiement déguisé?

A.  Les arguments de l’employeur

[159]  Dans le présent grief, que M. Burke a présenté le 28 janvier 2014, il a déclaré qu’il avait déjà contesté son congédiement déguisé et abusif (voir 2014 CRTFP 79). Il a dit qu’il attendait une décision de ce grief précédent et qu’il [traduction] « n’y avait aucun autre élément de preuve à déposer ».

[160]  Il est important de noter que le grief visant le congédiement déguisé présumé a été entendu sur une période de sept jours, du 9 au 12 juillet et du 3 au 5 décembre 2013, et que les mêmes témoins ont parlé des mêmes événements. Le fonctionnaire soutenait que le refus de l’employeur de lui permettre de retourner au travail en vertu de notes médicales était un congédiement déguisé ou abusif. M. McNamara a rendu Burke 2014 le 22 août 2014. Le fonctionnaire n’avait pas demandé le contrôle judiciaire de cette décision.

[161]  L’arbitre de grief McNamara a conclu que les médecins du fonctionnaire n’avaient pas répondu aux questions légitimes de l’employeur et que la demande d’EAT de ce dernier était légitime et appuyée par une preuve abondante. Voir les paragraphes 85 et 88 de cette décision.

[162]  Il convient de noter que la nature exécutoire de cette décision a été soulevée dans les observations d’ouverture de l’employeur en tant qu’objection fondée sur la préclusion découlant d’une question déjà tranchée. La Commission a réservé sa décision sur l’objection, faisant remarquer qu’il était trop tôt dans le processus pour se prononcer à son égard.

[163]  Les facteurs que la Cour suprême du Canada a indiqués dans Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., 2001 CSC 44, sont présents en l’espèce. De plus, l’employeur a invoqué l’ouvrage de Palmer et Snyder, Collective Agreement Arbitration in Canada, 5e édition, à la page 55 comme suit : [traduction] « Depuis Danyluk, les arbitres de différends ont conclu qu’ils ne reverraient pas les décisions d’autres organismes portant sur les griefs présentés devant eux, y compris les décisions rendues par […] une commission des relations de travail […] » Il a été respectueusement allégué que la décision précédente de la Commission (Burke 2014) était [traduction] « judiciaire » et qu’elle devrait donc faire intervenir la doctrine de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée.

[164]  Subsidiairement, la Commission devrait être liée par la décision antérieure (Burke 2014) selon le principe de l’abus de procédure. Voir la décision de la Cour suprême du Canada dans Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, 2003 CSC 63 (« S.C.F.P. ») aux paragraphes 23, 24, 32 à 35, 37, 51 à 53 et 55, où la Cour a conclu que le principe de l’abus de procédure s’appliquait même dans les cas où les éléments rigoureux de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée n’étaient pas présents.

[165]  Les conclusions formulées dans la décision antérieure (Burke 2014) étaient fondées sur le témoignage d’un grand nombre des mêmes témoins, et les parties étaient les mêmes. Permettre au fonctionnaire de remettre en cause ces questions, étant donné qu’il n’a pas demandé le contrôle judiciaire de la décision antérieure, serait un abus de procédure.

[166]  Également à titre subsidiaire, la preuve appuie les mêmes conclusions formulées dans l’affaire antérieure (Burke 2014) même si elle est abordée de nouveau.

B.  Le fonctionnaire n’a pas formulé d’argument sur cette question

C.  Analyse de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée

[167]  Donald J. Lange, au chapitre 2 de son ouvrage The Doctrine of Res Judicata in Canada, 3e édition, met en évidence les principes essentiels régissant la préclusion découlant d’une question déjà tranchée comme suit :

[Traduction]

[…]

Les principes essentiels régissant la doctrine de préclusion découlant d’une question déjà tranchée comme l’ont décidé les tribunaux au Canada sont les suivants :

Le critère de la même question est la norme.

La question à trancher dans la deuxième procédure doit être la même que celle qui a été tranchée dans la première procédure.

La question tranchée dans la première procédure, régissant le critère de la même question dans la deuxième procédure, doit être fondamentale à la décision de la première procédure et non accessoire à la décision.

La question tranchée dans la première procédure, régissant le critère de la même question dans la deuxième procédure, comprend tous les sujets englobant la question, qu’elle ait été tranchée de façon explicite ou par conséquence logique nécessaire.

Si la question a été tranchée dans la première procédure, elle ne peut pas être remise en cause dans une deuxième procédure en fonction d’une cause d’action distincte.

Les mêmes parties, ou leurs ayants droit, ne peuvent pas remettre en cause la même question dans une deuxième procédure.

La décision dans la première procédure doit être une décision finale relativement à la question.

La décision dans la première procédure doit être une décision judiciaire relativement à la question.

Le forum décisionnel de la première procédure doit avoir la compétence pour trancher la question.

[...]

[168]  Dans sa décision, l’arbitre de grief McNamara déclare ce qui suit aux paragraphes 80, 83, 84 et 86 :

80 […] En bref, le fonctionnaire conteste ce qu’il estime être son congédiement. De son côté, l’employeur nie que le fonctionnaire a jamais été congédié et affirme que les mesures prises étaient de nature administrative.

[…]

83 Comme preuve de son congédiement, le fonctionnaire s’est reporté à un rapport produit par Service Canada après qu’il eut présenté sa demande de prestations. À la suite de l’enquête menée sur les événements entourant l’absence du travail du fonctionnaire, il a été conclu dans ce rapport que le fonctionnaire avait [traduction] « perdu son emploi pour des raisons indépendantes de sa volonté ». Malheureusement pour lui, le rapport en question a été rédigé pour une raison et en application d’un texte législatif qui ne cadrent pas avec le contexte dans lequel le présent grief doit être tranché, et il ne peut donc pas jouer un rôle déterminant dans la question sur laquelle je dois statuer. […]

84 Le fonctionnaire s’est également appuyé sur le relevé d’emploi versé en preuve par l’employeur pour attester qu’il avait été congédié. Cependant, l’employeur a expliqué qu’il avait produit ce document uniquement pour respecter une exigence législative, dans l’éventualité où la rémunération du fonctionnaire serait interrompue, et la preuve qu’il a présentée à cet égard n’a pas été contredite. J’accepte la preuve de l’employeur sur cette question.

[…]

86 La preuve dont je dispose permet de confirmer l’observation de l’employeur selon laquelle le fonctionnaire a fait l’objet d’une mesure administrative et non d’un congédiement. […] Le fonctionnaire peut bien contester le droit de l’employeur de demander qu’il se soumette à une EAT, mais le fait que l’employeur a continué à formuler de telles demandes corrobore son affirmation selon laquelle la relation d’emploi se poursuit et qu’il n’y a pas été mis fin.

[169]  L’arbitre de grief McNamara a conclu qu’il n’avait pas compétence pour examiner le présent grief et le trancher, étant donné qu’il n’y a pas eu cessation d’emploi.

[170]  La question à trancher dans la deuxième procédure n’est pas celle qui a été tranchée dans la première procédure. Dans la première, M. Burke a soutenu qu’il avait fait l’objet d’un congédiement déguisé. Il a invoqué des éléments de preuve comme le fait que le RE indiquait qu’il avait perdu son emploi en raison d’une maladie et le rapport de Service Canada selon lequel il avait perdu son emploi pour des raisons indépendantes de sa volonté. L’arbitre de grief McNamara a conclu que M. Burke ne s’était pas acquitté de son fardeau d’établir qu’il avait fait l’objet d’un congédiement déguisé.

[171]  La question à trancher en l’espèce est celle de savoir s’il était raisonnable de licencier M. Burke pour ne pas avoir accepté de participer au processus d’EAT.

[172]  La question qui devait être tranchée dans la première procédure, régissant le critère de la même question dans la deuxième procédure, devait être fondamentale à la décision de la première procédure et non accessoire à cette dernière.

[173]  La question de savoir si l’employeur avait tout à fait le droit de demander à M. Burke de subir une EAT n’était pas fondamentale à la détermination de celle de savoir si ce dernier a fait l’objet d’un congédiement déguisé; elle était accessoire à cette décision et incidente.

[174]  On a aussi soutenu que, dans l’éventualité où je conclus que la doctrine préclusion découlant d’une question déjà tranchée ne s’applique pas, la Commission devrait être liée par la décision précédente selon laquelle le fait de permettre à M. Burke de remettre en cause la question serait un abus de procédure, invoquant la décision de la Cour suprême du Canada dans S.C.F.P.

[175]  Dans ce cas, un instructeur en loisirs à l’emploi de la ville de Toronto a été accusé d’agression sexuelle contre un jeune garçon confié à sa surveillance. Il a plaidé non coupable. Au procès, il a témoigné et il a subi un contre-interrogatoire. Le juge du procès a conclu que le plaignant était crédible, mais non l’instructeur en loisirs. Il a été reconnu coupable, verdict qui a par la suite été confirmé en appel. Il s’est vu imposer une peine d’emprisonnement de 15 mois, suivie d’un an de probation.

[176]  Après le prononcé du verdict, la ville a congédié l’instructeur en loisirs. Il a déposé un grief contestant son congédiement. En arbitrage, la ville a déposé la condamnation, le témoignage du plaignant tiré du procès criminel et les notes du superviseur de l’instructeur. Le plaignant n’a pas témoigné. L’instructeur a témoigné et a affirmé qu’il n’avait pas commis d’agression sexuelle contre le garçon. L’arbitre a déterminé que la déclaration de culpabilité était recevable, mais qu’elle ne constituait pas une preuve concluante que l’instructeur s’était livré à une agression sexuelle sur le garçon. L’arbitre a conclu que la présomption née de la déclaration de culpabilité avait été repoussée, puisqu’il a conclu selon la preuve que l’agression sexuelle n’avait pas eu lieu. L’instructeur a été réintégré.

[177]  La Cour a conclu que lorsqu’ils doivent décider si une déclaration criminelle devrait être réfutée ou considérée comme concluante, les tribunaux font appel à la doctrine de l’abus de procédure pour déterminer si la remise en cause porterait atteinte au processus décisionnel judiciaire dans des circonstances où les exigences strictes de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée n’étaient pas remplies, mais où la réouverture aurait néanmoins porté atteinte aux principes d’économie, de cohérence, de caractère définitif des instances et d’intégrité de l’administration de la justice.

[178]  Dans ce cas, la préclusion découlant d’une question déjà tranchée ne s’appliquait pas parce que les parties aux procédures criminelles et arbitrales n’étaient pas les mêmes.

[179]  Toutefois, la Cour a conclu que le syndicat n’avait néanmoins pas le droit, selon la common law ou la législation, de remettre en cause la question décidée contre le fonctionnaire dans une procédure criminelle et que les faits constituaient un abus flagrant de procédure qui résulte de l’autorisation de ce type de remise en cause. L’arbitre a tiré une conclusion manifestement déraisonnable.

[180]  En l’espèce, les parties étaient les mêmes dans les deux procédures. Toutefois, comme je l’ai déjà mentionné, les exigences de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée ne sont pas respectées puisque la question à trancher dans la première procédure n’est pas fondamentale à celle de la deuxième procédure. Ainsi, je conclus que, contrairement à S.C.F.P., le fonctionnaire n’a pas remis en cause les mêmes arguments. L’essentiel des arguments qui ont été plaidés dans Burke 2014 sont différents de ceux dont je suis saisi maintenant. Permettre à M. Burke de donner suite à ses poursuites ne violerait pas les principes indiqués dans S.C.F.P. Cela ne constituerait pas un abus de procédure. Au contraire, l’empêcher d’aller de l’avant serait beaucoup plus troublant puisque cela a pour effet de le priver de son droit prévu par la loi de contester son licenciement.

[181]  Également à titre subsidiaire, l’employeur a soutenu que la preuve appuie les mêmes conclusions formulées dans le cas antérieur (Burke 2014) même si elle est abordée de nouveau.

[182]  Bien entendu, cette solution de rechange nécessite une analyse de la preuve de novo, ce que la Loi m’oblige à faire et ce que j’ai fait en abordant la question fondamentale dans la présente décision.

V.  La question fondamentale

[183]  L’employeur avait-il des motifs raisonnables et probables d’empêcher M. Burke de se présenter dans le lieu de travail, de demander une EAT psychiatrique de son médecin et, au bout du compte, de demander qu’il subisse une EAT psychiatrique à Santé Canada?

A.  L’évaluation psychiatrique

[184]  Durant le contre-interrogatoire de M. Hawker, M. Burke lui a demandé ce qu’il voulait obtenir de son médecin après avoir envoyé la lettre du 16 mai 2011. M. Hawker a dit qu’il voulait une évaluation et qu’il cherchait des limites. M. Burke lui a demandé s’il pensait que quelque chose n’allait pas chez lui et s’il renvoyait à un problème médical ou mental. Il a répondu qu’un problème mental fait partie d’un problème médical. M. Burke lui a demandé s’il voulait une EAT pour des problèmes mentaux. Il a répondu : [traduction] « Non, peut-être psychologiques. »

B.  Motifs de l’EAT indiqués dans la lettre du 16 mai 2011 adressée au médecin de M. Burke

[185]  Dans sa lettre du 16 mai 2011 envoyée à M. Burke et dans la lettre du même jour adressée au médecin de M. Burke, M. Hawker a établi les motifs de sa demande d’EAT. Il a demandé à M. Burke de remettre la lettre à son médecin et lui a demandé que son médecin fournisse les renseignements au plus tard le 20 mai 2011. La lettre était rédigée comme suit :

[Traduction]

 

[…]

1. […] La raison de cette évaluation comporte deux volets : d’abord M. Burke démontre continuellement des comportements inacceptables et non sécuritaires dans le lieu de travail et ensuite nous avons demandé qu’il ne revienne pas dans le lieu de travail jusqu’à ce que nous recevions les renseignements pertinents de votre part et que nous ayons eu la chance de les évaluer.

2. Le superviseur de M. Burke et moi-même avons discuté avec lui des problèmes liés à son agression et à sa colère. Il réagit fréquemment par des colères violentes, notamment en blasphémant, en lançant des choses, en laissant tomber le travail qui lui était confié, en invectivant des collègues et même en recourant à la violence physique contre un autre employé. Il agit de façon agressive et il tente d’intimider les membres de son équipe. […] Son comportement a une incidence sur les autres travailleurs et je crains qu’un environnement de travail non sécuritaire ait été créé. Nous avons tenté de le déplacer d’une équipe à une autre, mais les situations se répètent et de plus en plus d’employés refusent de travailler avec lui. Plusieurs employés ont exprimé des craintes sur ce qu’il pouvait leur faire s’ils travaillaient avec lui, en particulier lorsqu’il y a des désaccords et des choses qui ne se déroulent pas comme il le voudrait.

3. M. Burke peut être un employé productif, mais il le fait souvent seul et il n’accomplit pas nécessairement ce dont l’équipe a besoin, et le travail est terminé selon la norme qu’il choisit plutôt que les exigences de l’organisation. Il démontre également de la difficulté à accepter des critiques constructives de son chef d’équipe et de ses collègues, en particulier lorsque son approche est remise en question. La situation que je décris s’est détériorée depuis son embauche en 2007.

4. Le ministère utilise divers outils pour porter à l’attention des travailleurs les exigences du travail et de l’organisation; toutefois, dans la situation en question, l’employé ne répond pas et ne modifie pas son comportement. Il est important que nous déterminions si l’employé a besoin de mesures d’adaptation. C’est la raison pour laquelle nous demandons l’évaluation de l’aptitude au travail. Je joins la description de travail de M. Burke et une analyse de son travail pour donner un portrait détaillé des difficultés qu’il doit surmonter dans un environnement industriel et dans une équipe.

5. Étant donné la situation, nous avons besoin de renseignements liés aux questions suivantes :

 

1. M. Burke a-t-il des limites fondées sur la description de travail et l’analyse de son travail ci-joint?

2. Si M. Burke présente des limites, sont-elles permanentes?

3. Si M. Burke a des limites, de quelles mesures d’adaptation a-t-il besoin, c.-à-d. heures à temps partiel, réaffectation des fonctions, etc.?

4. Si les limites ne sont pas permanentes, quel est le délai prévu pour chaque mesure d’adaptation?

5. Devrait-il se voir fixer un nouveau rendez-vous de suivi en ce qui concerne les mesures d’adaptation proposées et si oui, dans quel intervalle?

6.Si vous déterminez pendant votre examen que d’autres renseignements aideraient l’employeur à prendre des mesures d’adaptation à l’égard de son employé et/ou à l’aider à trouver un environnement de travail sécuritaire, n’hésitez pas à me communiquer les renseignements.

[…]

 

[186]  La description de travail indique les principales activités du poste de charpentier de marine de M. Burke, qui comprennent la fabrication et la réparation de meubles hors série, d’accessoires de navires, de cibles, de flotteurs, d’échafaudages, de revêtements isolants de ponts de navires, de navires de bois et de leurs éléments pour les navires, les sous-marins et les établissements à terre CSM ainsi que la fabrication et la réparation de modèles de moulage pour divers appareils et machines et la présentation de modèles grandeur nature d’éléments de navires sur le plancher de la salle à tracer.

[187]  L’accent prédominant de la description de travail est mis sur l’effort physique nécessaire pour réaliser les principales activités. Elle est composée de 10 pages.

C.  Les arguments de l’employeur

[188]  l s’agit d’un cas important pour le MDN et l’administration publique fédérale puisqu’il concerne la capacité de l’employeur à gérer les préoccupations quant à la sécurité des employés et, en particulier, à la violence dans le lieu de travail.

[189]  Le 28 janvier 2014, le fonctionnaire a déposé un grief indiquant qu’il avait déjà contesté son congédiement déguisé et abusif (voir Burke 2014). Il a dit qu’il attendait une décision pour ce grief précédent et qu’il [traduction] « n’y a aucun autre élément de preuve à déposer » (pièce E-48).

[190]  Il est important de noter que le grief visant le congédiement déguisé présumé a été entendu sur une période de sept jours, du 9 au 12 juillet et du 3 au 5 décembre 2013 et que les mêmes témoins ont parlé des mêmes événements. Le fonctionnaire a soutenu que le refus de l’employeur de lui permettre de retourner au travail en vertu de notes médicales était un congédiement déguisé ou abusif. La décision de l’arbitre de grief McNamara a été rendue le 22 août 2014 (Burke 2014), et le fonctionnaire n’a pas demandé de contrôle judiciaire de cette décision.

[191]  La demande d’EAT du défendeur était légitime et appuyée par une preuve abondante, en particulier selon ce qui est indiqué comme suit au paragraphe 88 de Burke 2014 :

88 À l’inverse, l’employeur m’a fourni de nombreux éléments de preuve sur lesquels je peux m’appuyer pour conclure qu’il avait tout à fait le droit de formuler une telle demande. À la lumière des nombreux récits faisant état d’une hostilité, d’une colère, d’une agressivité et d’un désir d’affrontement semblant se manifester de façon tout à fait gratuite, et d’après les déclarations des témoins concernant le fait qu’ils n’étaient pas à l’aise de travailler avec le fonctionnaire, je suis d’avis que l’employeur a agi comme il le devait en l’espèce. Les mesures prises par l’employeur ont été motivées par des préoccupations légitimes à l’égard de la santé du fonctionnaire et des répercussions que ces préoccupations pourraient avoir sur la santé et la sécurité des employés au travail (Lacoste c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 68, et Hood c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2013 CRTFP 49).

[192]  Le défendeur a soutenu que la preuve appuie les mêmes conclusions que celles formulées dans ce cas, même si elle est abordée de nouveau.

[193]  Il est bien établi que le défendeur a le pouvoir légal de licencier pour un motif non disciplinaire en vertu de la LGFP un employé qui refuse de fournir des renseignements adéquats pour convaincre le défendeur qu’il est apte au travail. Le pouvoir législatif est conféré aux administrateurs généraux à l’alinéa 12(1)e) de la LGFP, comme suit :

12 (1) Sous réserve des alinéas 11.1(1)f) et g), chaque administrateur général peut, à l’égard du secteur de l’administration publique centrale dont il est responsable :

[…]

e) prévoir, pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur d’une personne employée dans la fonction publique. […]

[194]  Le défendeur a une obligation en vertu de la partie II du CCT de protéger les employés (article 124) et en particulier de les protéger contre la violence dans le lieu de travail (article 125), ce qui comprend les actes de violence physiques et non physiques.

[195]  Selon la jurisprudence, les employeurs ont le droit a) d’exiger que les employés subissent une évaluation médicale lorsque l’exigence repose sur un fondement raisonnable, b) de les exclure du lieu de travail jusqu’à ce qu’ils la fassent réaliser, c) de les licencier pour des causes non disciplinaires s’ils continuent de refuser.

[196]  L’ouvrage Injury and Disability in the Workplace (Canada Law Book) le confirme également, puisqu’il précise qu’un employeur a le droit d’exiger un examen médical s’il a des motifs raisonnables et probables de soupçonner qu’un employé est une source de danger pour lui-même, d’autres employés, les biens de la société ou le grand public ou, subsidiairement, s’il n’est pas apte à accomplir ses fonctions. Après un examen de la jurisprudence pertinente, les auteurs font remarquer que [traduction] « s’il y a un refus, l’employeur a alors le droit de congédier l’employé pour avoir refusé une demande raisonnable parce que ce dernier présente un risque pour la santé et la sécurité au travail ».

[197]  Si l’on revient aux faits du présent cas, la question devient celle de savoir si le défendeur avait des motifs raisonnables et probables de soupçonner que le fonctionnaire était une source de danger pour lui-même, d’autres employés, les biens de la société ou le grand public ou, subsidiairement, s’il n’était pas apte à accomplir ses fonctions. La réponse est « oui ».

[198]  Le défendeur faisait face à un employé qui avait physiquement agressé un collègue, le faisant saigner de la bouche (ce qui a entraîné une suspension de trois jours). Peu de temps après, le même employé a agressé verbalement un collègue, agression que le défendeur a qualifiée de violence dans le lieu de travail (qui a entraîné une suspension de cinq jours). Le défendeur était aux prises avec une équipe d’employés qui refusaient de travailler avec le fonctionnaire à cause de son tempérament et de son langage abusif. Il a été confronté aux événements qui se sont déroulés durant la rencontre du 11 mai. Le fonctionnaire s’est montré combatif envers son superviseur et a agressé verbalement M. Foster, lui disant à un certain moment [traduction] « ferme ta p----- de gueule ». Il a menacé M. Wournell et a suivi M. Foster après la réunion. De plus, M. Hawker a fait remarquer qu’au moins 10 autres employés l’avaient abordé pour exprimer leurs préoccupations au sujet du fonctionnaire.

D.  Les arguments du fonctionnaire

[199]  Les arguments du fonctionnaire se lisent en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

(1.) Je m’appelle Pius Gregory Burke, je suis le fonctionnaire dans la présente audience d’arbitrage devant la CRTFP pour congédiement abusif et résiliation de salaire et de mes prestations de mon poste à durée indéterminée en tant qu’employé civil à l’Installation de maintenance de la Flotte Cape Scott du MDN à Halifax, N.-É.

Pendant votre lecture de mes arguments finaux pour cette audience, je vous demande de garder à l’esprit ce qui suit :

- J’ai 59 ans.

-J’ai commencé ma carrière de charpentier de marine à l’âge de 16 ans, alors que j’étais à l’école secondaire.

-Après l’école secondaire, j’ai passé les 30 années suivantes à travailler partout au Canada, à Calgary, à Toronto, à Vancouver et à Halifax, travaillant principalement dans l’industrie de la construction lourde. Pendant ces 30 années, je n’ai pas subi d’accident, et je n’ai pas réclamé d’indemnités pour accident du travail ni de maladie.

- Après avoir subi les vérifications de sécurité et du casier judiciaire et passé des entrevues en 2007, j’ai obtenu un poste civil à durée indéterminée en tant que charpentier de marine à l’IMF Cape Scott.

- Pendant les quatre années et demie où j’ai travaillé à l’IMF Cape Scott, je n’ai pas subi d’accident et je n’ai pas eu de dossier de ce qu’on appelle une quasi collision (accident évité de justesse).

- Au cours des sept dernières années, depuis mon dernier jour de travail à l’IMF Cape Scott en 2011, et des cinq dernières années à travailler à Winnipeg, je n’ai pas eu d’accident.

- Je travaille dans l’industrie de la construction depuis 43 ans, années pendant lesquelles je n’ai pas eu d’accident.

- Je n’ai pas de dossier criminel.

- Je n’ai aucun problème de santé et je n’ai pas besoin d’un médecin de famille.

- En 2009, alors que je travaillais à l’IMF Cape Scott depuis deux ans, j’ai été agressé physiquement par un collègue de travail, M. David Turnbull […] J’ai déposé une plainte auprès de mon superviseur. Ce que je ne savais pas à l’époque, c’est que M. Turnbull avait déposé une contre-plainte. Dans les jours qui ont suivi, M. Steve Wournell m’a demandé de faire un mandat dans l’équipe des carreaux acoustiques qui était réinstallée à D-53, à l’autre bout de l’arsenal. J’ai accepté.

- Sans que j’en ai connaissance, jusqu’à mon dernier jour de travail à l’IMF Cape Scott, le gestionnaire du MDN, M. Hawker, a pris des mesures pour m’empêcher de revenir à l’atelier des charpentiers de marine. M. Hache et M. Hawker ont témoigné pour appuyer cette mesure.

- Quatorze mois plus tard, M. Turnbull a déposé une demande de refus de travailler fondée sur sa contre plainte selon laquelle je l’avais agressé. […] C’est ce qui est à l’origine de l’enquête des FMAR(A) sur la violence dans le lieu de travail. […] Environ deux ans et demi après l’incident initial où j’ai été agressé par M. Turnbull, la contre-plainte de ce dernier a été jugée sans fondement et a été déclarée « non fondée ».

- Cette enquête des FMAR(A) et le fait que j’étais celui qui avait été physiquement agressé ont totalement été mis de côté par les personnes en autorité, y compris M. Hawker, M. Hache, Mme Gallivan, le commandant Newton, l’arbitre de grief M. McNamarra [sic], l’arbitre de grief M. Richardson ainsi que l’avocat de l’employeur, Me Fader.

- M. Hawker a dit que l’enquête des FMAR(A) n’était pas pertinente et qu’il n’avait rien à voir avec elle parce qu’elle avait été portée à un niveau d’autorité plus élevé. Mme Gallivan m’a accusé d’être paranoïaque, d’avoir de la difficulté à me concentrer et de soulever les choses non pertinentes du passé parce que j’ai annoncé que j’attendais le résultat de l’enquête des FMAR(A) sur la violence dans le lieu de travail.

(2.) Les déclarations suivantes ont été formulées par des témoins qui ont comparu devant les enquêteurs des FMAR(A) trois mois avant ma dernière journée d’emploi à l’IMF Cape Scott, le 11 mai 2011 […]

- […] M. Forsythe, « M. Burke est un bon travailleur, ayant une bonne éthique de travail »

- […] M. Roy, « M. Burke est un bon travailleur, qui veille à ce que les choses soient faites »

- […] « M. Wournell déclare que M. Burke est un travailleur acharné »

- […] M. Turple, « Le travail de M. Burke est bon et c’est un travailleur physique acharné »

- […] M. Knoll, « M. Knoll pense que M. Burke est un travailleur acharné »

- […] M. Ford, « Pour M. Burke, le travail représente tout. Il est un bon travailleur »

[…]

[200]  M. Haché a déclaré lors de son témoignage que Darlene Nelson ou Mme Clattenburg des Ressources humaines avait rédigé la lettre du 16 mai 2011 à l’intention du médecin du fonctionnaire, selon des renseignements que lui-même et M. Hawker avaient fournis. M. Haché a déclaré qu’à son avis, l’EAT avait été demandée uniquement en raison des agissements du fonctionnaire à la réunion d’équipe du 11 mai 2011, ce que M. Haché a mis en évidence dans son témoignage. Le fonctionnaire a répondu à ce compte rendu contradictoire de M. Haché.

[201]  Il convient de noter que M. Haché a aussi déclaré qu’après cette réunion de l’équipe des carreaux convoquée de façon [traduction] « urgente », le matin du 11 mai 2011, il ne ressentait pas le besoin d’assujettir le fonctionnaire à une EAT. Il a réaffecté le fonctionnaire à l’équipe des carreaux du navire de surface.

[202]  M. Haché a déclaré que, le matin du 11 mai 2011, alors qu’il restait une semaine au projet de deux ans d’installation des carreaux, M. Wournell, l’un des collègues du fonctionnaire, a déclaré que le lieu de travail était devenu presque [traduction] « explosif ».

[203]  M. Haché et M. Wournell ont déclaré qu’ils ne pouvaient pas donner de détails sur la raison pour laquelle le lieu de travail était devenu presque explosif ce matin-là, ce qui avait nécessité la tenue de la réunion convoquée de manière [traduction] « urgente ».

[204]  Une semaine avant la soi-disant réunion convoquée de manière [traduction] « urgente », le 3 mai 2011, M. Haché a avisé le fonctionnaire que certains collègues ne voulaient plus travailler avec lui.

[205]  M. Haché n’a pas permis au fonctionnaire de connaître le nom des collègues. Le fonctionnaire lui a dit qu’il allait voir M. Hawker pour éclaircir les choses. M. Hawker a dit au fonctionnaire qu’il avait cinq minutes pour expliquer la situation; il n’a jamais fourni de réponse au fonctionnaire.

[206]  M. Haché a déclaré que M. Wournell et M. Foster avaient refusé de travailler avec le fonctionnaire trois semaines avant qu’ils assistent tous à la réunion d’équipe convoquée de manière [traduction] « urgente ».

[207]  L’information selon laquelle M. Wournell ne voulait pas travailler avec le fonctionnaire n’était pas surprenante pour ce dernier.

[208]  À la réunion du lendemain, le 11 mars 2010, M. Wournell a demandé au fonctionnaire comment avançaient les tâches liées aux carreaux. M. Burke a dit qu’il avait fini les cinq blocs de carreaux suivants. M. Wournell a demandé s’il s’agissait des blocs F, G, H, I et J. M. Burke a répondu que c’était ce qui venait après A, B, C, D et E. Il pensait que M. Burke se moquait de lui. M. Wournell a dit qu’il aurait très bien pu faire savoir au fonctionnaire que lorsque l’installation des carreaux acoustiques serait terminée sur le Windsor CSM, le fonctionnaire partirait.

[209]  M. Haché a déclaré que la lettre de M. Hawker, du 16 mai 2011, n’était pas exacte. Le fonctionnaire a abordé cette lettre à de nombreuses reprises. Les témoignages à l’audience étaient loin de justifier la longue litanie de M. Hawker sur les accusations sans fondement figurant dans cette lettre.

[210]  M. Haché a aussi caché au fonctionnaire le fait que M. Wournell et M. Foster étaient les collègues qui, deux semaines avant la réunion du 11 mai 2011, avaient fait savoir à M. Haché qu’ils n’avaient pas l’intention de continuer à travailler avec le fonctionnaire. Étant donné le témoignage de ces témoins, le fonctionnaire n’a pas obtenu une raison légitime expliquant pourquoi ils se sentaient ainsi.

[211]  Le fonctionnaire n’a pas menacé de collègues. Il a dit qu’il y avait d’autres façons de régler les problèmes.

[212]  Pour ce qui est du compte rendu écrit par M. Haché de la rencontre du 11 mai 2011, l’un des quelques faits établis qu’elle contient est que M. Burke a précisé qu’il cherchait d’autres façons de régler le problème, en plus d’autres questions, au moyen d’une rencontre avec M. Hawker et M. Haché, pour corriger la situation.

[213]  Dans ses observations, le fonctionnaire a commenté la lettre du 16 mai 2011 de M. Hawker comme suit :

[Traduction]

 

[…]

Objet : Évaluation de l’aptitude au travail (commentaires du fonctionnaire en italique [dans l’original, mais non en italiques dans la présente citation]) – M. Hawker, citation :

« 1. Vous avez rencontré plusieurs fois votre superviseur et moi‑même afin de discuter de préoccupations dans le lieu de travail. » (Le 3 mai 2011, alors qu’il ne restait que deux semaines à la tâche de pose de carreaux acoustiques, j’ai rencontré le superviseur Haché à sa demande. Il a commencé par me dire que la date d’achèvement, que nous respections, avait été devancée d’un mois et que nous allions être en retard de deux semaines sur le calendrier prévu. Il a dit qu’il avait reçu des plaintes pendant la période où j’ai été chef d’équipe, ce à quoi j’ai demandé pourquoi il avait attendu jusqu’à ce moment pour soulever cette question. Il n’a pas pu répondre, alors il a dit que des membres de l’équipe refusaient de travailler avec moi.

Comme je voulais aller au fond des choses à cause de préoccupations en matière de sécurité, je lui ai demandé de qui il s’agissait. Il a dit qu’il ne me répondrait pas. Je lui ai dit que, s’il pensait que j’allais accepter ces histoires sans rien faire, il était dans l’erreur. Je lui ai dit que j’allais m’adresser au gestionnaire Charles Hawker et je suis parti. Je suis entré dans le bureau de M. Hawker qui, selon moi, avait été prévenu par M. Haché alors que je me rendais à son bureau. Il n’a pas eu l’air surpris de me voir et il a immédiatement dit : « Je n’ai pas de temps à vous accorder, mais peu importe ce que vous avez à dire, faites-le vite parce que vous n’avez que cinq minutes ». Je lui ai demandé s’il allait communiquer avec M. Haché pour savoir de quoi il parlait parce que je ne comprenais pas son point de vue. M. Hawker a dit qu’il allait le faire. Je n’ai jamais eu de nouvelles de sa part. Deux semaines plus tard, il m’a envoyé cette lettre du 11 mai 2011 au sujet de laquelle je formule des commentaires.

M. Hawker, citation : « À la suite de ces discussions, vous savez que les comportements et les agissements irrespectueux ne seront pas tolérés dans le lieu de travail. » (Je peux vous dire que je savais cela avant mon premier jour de travail il y a 40 ans.) « Je suis très préoccupé par le fait que vous continuez (???) de vous mettre en colère très rapidement, que vous faites subir votre colère aux personnes qui vous entourent » (Qui? Quand? Où? Pourquoi?) « et/ou que vous lancez des choses » (Il n’y a eu aucun témoignage appuyant le fait que j’ai lancé des choses. M. Cox a déclaré que j’ai lancé une pièce d’échafaudage métallique. Il a dit que je démontais un échafaudage que nous avions monté et qu’il pouvait dire que j’avais lancé une pièce à cause du son. Il a dit qu’il ne m’a pas vu la lancer, mais qu’il le pouvait dire à cause du son. Cet événement n’a fait l’objet d’aucune enquête et je n’ai aucune idée de ce dont il parle.) « démontrez des comportements agressifs » (Toutes les accusations portées contre moi, y compris des plaintes qui n’ont pas été signalées, représentent un comportement du plaignant qui est entré dans mon espace de travail et qui a obtenu une soi-disant réaction de ma part. Aucun témoignage n’appuie le contraire.) « refusez d’accepter les ordres » (De la part de qui? Aucune enquête n’appuie ce fait); « et, en général, que vous ne fonctionnez pas bien dans une équipe ». (Je crois que cela dépend de la personne à qui vous parlez. Selon les témoignages, je suis un bon travailleur et j’ai pu maintenir une qualité et un taux de production conforme à la tâche de préparation de carreaux acoustiques sur une période de deux ans, en plus de tous les autres travaux qui m’étaient assignés.) « Comme vous le savez, votre travail est réalisé dans un milieu industriel avec une équipe de gens de métier multidisciplinaire, dans le lieu de travail du client, et que votre sécurité et celle des autres doit être notre principale préoccupation. » (La sécurité a toujours été ma principale préoccupation pendant ma carrière. Je n’ai aucun intérêt à me blesser ou à blesser d’autres personnes. Aucun cas d’infraction à la sécurité n’a été signalé lorsque je travaillais à l’IMF Cape Scott.) « Pour ces raisons, je vous ordonne de demander à votre médecin de fournir les renseignements demandés dans la lettre ci-jointe. »

[…]

[…] Dans la lettre de M. Hawker adressée au médecin du fonctionnaire, du 16 mai 2011 […] M. Hawker, citation :

« Il réagit fréquemment par des colères violentes, notamment en blasphémant, en lançant des choses, en laissant tomber le travail qui lui était confié, en criant après des collègues […]. »

(127.)  M. Wournell a déclaré à la présente audience d’arbitrage que le fonctionnaire, en moyenne, blasphémait moins que ses collègues et que ces mots grossiers du fonctionnaire étaient proférés pendant les soi-disant crises du fonctionnaire. M. Wournell a alors déclaré qu’il a été témoin des soi-disant crises du fonctionnaire à trois ou quatre reprises au cours des quatre années et demie où le fonctionnaire a travaillé à l’arsenal. M. Wournell n’a pas signalé de détails au moment de ces soi-disant crises. Elles n’ont tout simplement pas été signalées.

[…]

(140)  M. Hawker a aussi déclaré, et l’a indiqué dans son raisonnement pour demander l’évaluation de l’aptitude au travail […] M. Hawker, citation :

« Nous avons tenté de le déplacer d’une équipe à une autre, mais les situations se répètent et de plus en plus d’employés refusent de travailler avec lui. »

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

[214]  Lorsque le fonctionnaire a déposé une plainte indiquant que M. Turnbull l’avait agressé en juin 2009, M. Turnbull a déposé une contre-plainte. M. Hawker a décidé d’exclure le fonctionnaire de l’atelier de charpentiers de marine. M. Hawker a incriminé le fonctionnaire, qui a été renvoyé à l’édifice des carreaux du navire de surface sous la supervision de M. Haché.

[215]  M. Hawker a essentiellement annulé le statut de charpentier de marine du fonctionnaire.

[216]  Le fonctionnaire n’a jamais été avisé du fait que M. Hawker menait une enquête sur l’agression. Le fonctionnaire a appris que M. Turnbull avait déposé une contre‑accusation seulement un an et sept mois après l’incident.

[217]  Pendant la même période où M. Turnbull a agressé le fonctionnaire en juin 2009, l’équipe des carreaux acoustiques a été déplacée de l’atelier des charpentiers de marine. M. Wournell a demandé au fonctionnaire de se joindre à eux. Le fonctionnaire a accepté, en s’attendant à retourner à l’atelier des charpentiers de marine pendant la durée du projet d’installation des carreaux acoustiques.

E.  Arguments de l’employeur en réponse

[218]  L’employeur et le fonctionnaire ont présenté des arguments complets indiquant leurs positions. Les parties ont un souvenir complètement différent de la preuve ainsi que de l’état du droit dans ce domaine. L’employeur ne répétera pas sa position sur ces points puisqu’il l’a déjà fait dans ses observations finales originales. Toutefois, par souci de clarté, les principaux thèmes qui émergent des arguments du fonctionnaire sont les suivants.

[219]  L’employeur n’a aucune raison de demander une EAT. En particulier, toute information sur laquelle la direction pourrait avoir appuyé son raisonnement n’était pas fondée, c’est-à-dire qu’il s’agissait de prétentions n’ayant pas fait l’objet d’une enquête. De plus, ses collègues se sont livrés à une chasse aux sorcières à son endroit pour l’évincer.

[220]  L’employeur a répondu qu’il y avait suffisamment d’éléments de preuve pour appuyer la demande d’EAT, y compris les événements qui ont mené aux mesures disciplinaires antérieures imposées au fonctionnaire, les préoccupations de ses collègues, son comportement à la réunion d’équipe et le fait qu’il avait unilatéralement quitté le travail et qu’il n’a fourni aucune note médicale ou explication pour son congé de maladie avant d’être avisé que son congé de maladie payé était sur le point d’être épuisé.

[221]  Le fait que l’employeur a accepté de permettre au fonctionnaire d’épuiser ses congés de maladie sans une demande de congé et des documents médicaux appropriés montre sa bonne foi.

[222]  La prétention selon laquelle les collègues du fonctionnaire se livraient à une chasse aux sorcières est une question de crédibilité que devra trancher la Commission, puisque toutes les personnes ont témoigné. Selon la position de l’employeur, les témoignages des anciens collègues du fonctionnaire étaient uniformes et ils devraient avoir préséance sur le sien.

F.  Analyse de la question

1.  Cadre juridique

[223]  La LGFP indique comme suit les pouvoirs des administrateurs généraux dans l’administration publique centrale :

[…]

12 (1) Sous réserve des alinéas 11.1(1)f) et g), chaque administrateur général peut, à l’égard du secteur de l’administration publique centrale dont il est responsable :

[…]

e) prévoir, pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur d’une personne employée dans la fonction publique […]

[…]

(3) Les mesures disciplinaires, le licenciement ou la rétrogradation découlant de l’application des alinéas (1)c), d) ou e) ou (2)c) ou d) doivent être motivés.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

[224]  Ainsi, le licenciement d’un employé de la fonction publique pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite doit être motivé.

2.  La jurisprudence

[225]  La décision de principe en ce qui concerne la question de savoir si un employeur a le pouvoir d’exiger la communication des renseignements médicaux personnels d’un employé à un médecin et d’exiger un examen médical de ses employés est la décision de l’arbitre de différends Kenneth Swan dans NAV Canada v. Canadian Air Traffic Control Assn., [1998] C.L.A.D. No. 401 (QL), et la décision de monsieur le juge Shore dans Canada (Procureur général) c. Grover, 2007 CF 28 (confirmée par 2008 CAF 97).

[226]  Dans NAV Canada, les employés en question étaient des contrôleurs aériens (CA). La question sous-jacente était celle de savoir si un employé-patient pouvait être tenu de consentir à la communication de renseignements médicaux personnels et à un examen personnel par un médecin désigné par l’employeur sous la menace d’une sanction disciplinaire possible. Dans ce cas, le syndicat n’a pas contesté la communication des renseignements ou les examens médicaux visés par le régime législatif et réglementaire d’attribution de licences applicable aux CA. Il a plutôt contesté la capacité de l’employeur d’exiger la même collaboration relativement à d’autres circonstances, comme les examens médicaux de retour au travail et les EAT.

[227]  L’arbitre de différends a conclu que l’employeur n’avait aucun droit indépendant pour exiger la divulgation des renseignements médicaux ou les examens médicaux effectués par un tiers, sous la menace d’une mesure disciplinaire.

[228]  Toutefois, l’employeur avait raison d’imposer une mesure administrative pour retenir les prestations de congés de maladie ou refuser de permettre à l’employé de reprendre le travail tant qu’il n’était pas satisfait du fait que les demandes de prestations de congé de maladie étaient valides ou que l’employé était apte au travail. Si un employeur exigeait raisonnablement cette divulgation ou cet examen pour rendre sa décision, les employés devaient alors choisir entre subir les conséquences administratives continues ou consentir à la communication ou à l’examen.

[229]  L’arbitre de différends Swan a adopté le raisonnement suivant :

[Traduction]

[…]

4 De façon générale, le grief de principe précisé porte sur deux questions : celle de savoir si l’employeur a le pouvoir d’exiger la communication de renseignements médicaux personnels à un médecin dont il a retenu les services et celle de savoir si l’employeur a le pouvoir d’exiger un examen médical d’un employé par un médecin dont l’employeur a retenu les services.

5 L’employeur a affirmé son autorité dans un éventail de situations, y compris, sans toutefois s’y limiter, les cas où l’aptitude d’un employé à reprendre le travail est en litige, lorsque la validité d’une maladie ou d’une invalidité pour laquelle un employé a demandé un congé de maladie est en litige ou lorsque l’aptitude d’un employé à demeurer activement au travail est en litige.

6 De toute évidence, les renseignements médicaux peuvent uniquement être communiqués, et un examen médical peut uniquement être mené, avec le consentement du patient. La question est donc celle de savoir si l’employeur peut exiger que ce consentement soit accordé, à défaut de quoi des sanctions comme une mesure disciplinaire, la retenue des prestations de congé de maladie ou un refus de permettre à l’employé de travailler, peuvent être imposées.

[…]

57 […] L’employeur invoque également un droit d’exiger l’accès à des renseignements médicaux de tiers et à des examens médicaux de tiers dans le cadre de situations de retour au travail ou d’aptitude au travail. La convention collective ne renvoie pas précisément à ces circonstances, et l’employeur invoque l’article 3, la disposition sur les droits de la direction, pour affirmer son pouvoir. Les parties m’ont soumis un grand nombre de décisions arbitrales qui portent sur un vaste éventail de circonstances. Pour la majeure partie, les cas individuels reposent sur des faits qui leur sont propres et ne sont pas réellement d’une grande utilité dans la position où je me trouve, devant me pencher sur un grief de principe en termes généraux, plutôt que sur une situation de fait plus précise.

58 Je n’ai pas l’intention d’examiner en détail tous les cas présentés. Je crois plutôt qu’il y a deux propositions principales, qui sont dans une certaine mesure contradictoires, qui peuvent être dégagées de tous les cas. Lorsque ces deux propositions sont réunies et présentées d’une façon rationnelle, je crois qu’elles portent adéquatement sur les questions de principe soumises dans le cadre du présent grief.

59 Selon la première proposition, un employeur, en particulier celui dont les activités concernent la sécurité publique, a le droit de s’assurer que ses employés sont aptes, du point de vue médical, à reprendre le travail à la suite d’une absence due à une maladie ou à une blessure ou à demeurer au travail. Cet employeur a non seulement ce droit, il semble en avoir l’obligation, du moins en ce qui concerne ses employés du contrôle de la circulation aérienne, comme condition de sa licence d’exploitation relativement au système de navigation aérienne.

60 Selon la deuxième proposition, en l’absence d’un pouvoir législatif ou d’un consentement explicite dans un contrat d’emploi ou une convention collective, l’employeur n’a pas le droit d’exiger la divulgation de renseignements médicaux personnels d’un employé ou d’obliger ce dernier à subir un examen médical par un médecin qu’il a choisi. J’ai déjà indiqué en détail l’étendue dans laquelle la structure législative précise applicable aux CA exige la divulgation de renseignements médicaux ou la réalisation d’examens médicaux. La convention collective n’ajoute rien de précis sur l’atteinte par la loi à la protection des renseignements personnels et à l’intégrité.

61 Comme je l’ai fait observer, ces deux propositions sont, du moins à première vue, intrinsèquement contradictoires. Il peut y avoir des circonstances où seule l’opinion d’un médecin, que ce soit un spécialiste de la médecine aéronautique ou d’une autre discipline, serait suffisante pour convaincre l’employeur qu’un CA donné peut reprendre le travail ou demeurer en fonction. Si l’employé ne consent pas à fournir les renseignements à ce médecin ou à subir un examen médical par ce médecin, l’employeur peut être simplement incapable de connaître l’aptitude de l’employé, comme il a le droit et l’obligation de le faire.

62 À mon avis, dans ces circonstances, l’employeur a le pouvoir, selon la disposition portant sur les droits de la direction de la convention collective, encore une fois dans la mesure où il agit de façon raisonnable dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, de refuser de permettre à un employé de reprendre le travail ou de continuer ses fonctions. Cette décision peut ou non, selon les circonstances, équivaloir à une suspension administrative des fonctions. Elle peut aussi entraîner, dans certains cas, une réduction ou une cessation du salaire. Dans chaque cas, la convention collective doit être consultée afin d’établir les droits de l’employé touché.

63 Toutefois, bien que je sois d’avis que l’article 3 de la convention collective est suffisamment général pour permettre à l’employeur de refuser d’autoriser un employé à travailler sauf s’il est convaincu de son aptitude, il ne l’est pas suffisamment pour lui permettre d’exiger la communication des renseignements médicaux ou un examen médical par un tiers. L’employeur peut demander qu’un employé consente à le faire et, si la demande est raisonnable dans l’ensemble des circonstances, un employé qui ne consent pas peut très bien subir les conséquences du refus de démontrer son aptitude au travail. Toutefois, l’employeur ne peut dépasser ces limites.

64 En particulier, il est difficile d’imaginer un cas où un employé pourrait faire l’objet de mesures disciplinaires pour ne pas avoir accordé son consentement. La notion même de consentement serait en effet minée par une telle conclusion. Le refus d’accorder un consentement peut entraîner des conséquences administratives, y compris le fait d’être mis en congé, payé ou non payé, selon les circonstances, mais je ne peux pas envisager de cas où une mesure disciplinaire, par exemple pour insubordination, pourrait être justifiée par un refus de fournir des renseignements ou de subir un examen qui ne repose sur aucune autorisation législative ou figurant dans la convention collective et qui équivaudrait à une grave atteinte aux renseignements personnels ou à l’intégrité.

[…]

69 […] J’ai conclu que l’employeur n’a aucun droit indépendant pour exiger la divulgation des renseignements médicaux ou un examen médical effectué par un tiers, sous la menace d’une mesure disciplinaire. Toutefois, les articles 3 et 9 sont suffisamment généraux, pour les motifs indiqués ci-dessus, pour justifier une mesure administrative de retenue des prestations de congé de maladie ou de refus de permettre à un employé de reprendre le travail ou de continuer à travailler jusqu’à ce que l’employeur soit convaincu en vertu de l’article 9 de la validité d’une demande de prestation de congé de maladie ou s’il est convaincu que l’employé est apte au travail, en vertu de ses obligations et de ses droits généraux conformément à l’article 3. Si, compte tenu de l’ensemble des circonstances, l’employeur ne peut qu’être raisonnablement convaincu par la divulgation des éléments à ses conseillers médicaux ou par un examen effectué par un médecin qu’il a désigné ou qui est convenu par les parties, l’employé peut alors devoir choisir entre subir les conséquences administratives continues ou consentir à la communication ou à l’examen.

[…]

[230]  Lorsqu’il a conclu sa décision, l’arbitre de différends Swan a examiné comme suit l’étendue dans laquelle l’employeur peut recevoir les renseignements médicaux :

[Traduction]

[…]

70 Enfin, il convient que je fasse observer que certaines décisions arbitrales qui m’ont été citées portent sur l’étendue dans laquelle l’employeur peut recevoir les renseignements médicaux eux mêmes. À mon avis, ces questions peuvent être adéquatement évitées par des ententes qui ont été conclues avec MEDCAN et qui prévoient une cloison entre l’employé et les médecins, peu importe qui ils sont, et l’employeur. L’employeur a le droit de savoir si un employé est apte ou non et s’il y a des limites qui pourraient devoir faire l’objet de mesures d’adaptation. L’employeur n’a pas accès aux renseignements médicaux sensibles. Le contrat de MEDCAN constituerait probablement une meilleure protection pour les employés s’il avait été conclu avec l’Association ainsi qu’avec l’employeur, mais en l’absence de toute preuve d’une violation des obligations de confidentialité indiquées dans l’entente, il prévoit un degré de sécurité des renseignements privés suffisant pour répondre aux préoccupations exprimées par de nombreux arbitres de différends, y compris moi-même dans certains cas, au sujet de la communication directe des renseignements médicaux sensibles à l’employeur. Il s’ensuit qu’en l’absence de ces mesures de protection ou de leur équivalent dans tout contrat futur de services médicaux, cette décision devrait être réexaminée.

[…]

[231]  Dans Grover, la Cour fédérale a résumé les principes à appliquer au moment de déterminer si, dans un cas donné, un employeur peut insister pour qu’un examen médical indépendant soit effectué. Dans ce cas, le Conseil national de recherches du Canada (CNRC) a suspendu un employé qui prenait souvent des congés pour cause de stress non payés parce qu’il ne voulait pas subir d’examen par un médecin choisi par l’employeur.

[232]  L’employeur doutait des renseignements que l’employé avait fournis de son médecin et il a soutenu qu’il représentait une menace pour la sécurité tant qu’il ne serait pas examiné. Un arbitre de grief de la CRTFP a conclu que le CNRC n’avait pas suffisamment de motifs pour présenter une telle demande et a accueilli le grief de l’employé.

[233]  Lorsqu’il a confirmé la décision de l’arbitre de grief, M. le juge Shore a déclaré ce qui suit aux paragraphes 64 et 65 :

[64] […] Le principe de base est que les employés jouissent d’un droit élevé en matière de vie privée, pour ce qui concerne leur intégrité corporelle et le recours à un médecin; il y a donc intrusion si un employé est examiné contre sa volonté. Par conséquent, l’employeur ne saurait ordonner à un employé de se faire examiner par un médecin choisi par l’employeur sauf s’il existe une obligation contractuelle ou une disposition législative explicite en ce sens (Thompson and Oakville (Town) (1963), 41 D.L.R. (2d) 294 (H.C. Ont.), page 302.)

[65] Nonobstant ce qui précède, il est également bien établi que les employeurs ont l’obligation importante de garantir un milieu de travail sécuritaire. Cela signifie que les employeurs ont le droit d’en savoir davantage sur le dossier médical d’un employé s’il y a des motifs raisonnables et probables de croire que l’employé constitue un risque pour la santé ou la sécurité en milieu de travail.

[234]  Comme il est indiqué ci-dessous, l’employeur a l’obligation d’expliquer pourquoi un certificat médical déposé par un employé est insuffisant :

[…]

[66] Il ne s’ensuit pas qu’un employeur peut automatiquement exiger d’un employé qu’il subisse un examen médical. Pour tenir compte du droit de l’employé à sa vie privée et à son intégrité corporelle, l’employeur doit explorer d’autres solutions s’il veut obtenir les renseignements nécessaires. Si l’employeur n’est pas satisfait de ces autres solutions, par exemple s’il juge insuffisant le certificat médical produit par l’employé, alors il doit lui expliquer clairement les raisons pour lesquelles le document produit ne suffit pas. Encore une fois, cette solution respecte le droit de l’employé à sa vie privée, outre qu’elle lui permet d’évaluer les objections de l’employeur et de produire d’autres renseignements au besoin. Ce n’est qu’après que toutes ces étapes ont été franchies qu’un employeur pourra dans certains cas insister pour qu’un employé se présente devant un médecin choisi par l’employeur. (Air Canada c. Canadian Airline Employees Association (1982), 8 L.A.C. (3d) 82 (Simmons), pages 13-14; Riverdale Hospital c. Canadian Union of Public Employees, Local 79 (1985), 19 L.A.C. (3d) 396 (Burkett), pages 406-407; Nelsons Laundries Ltd. and Retail Wholesale Union, Local 580 (1997), 64 L.A.C. (4th) (Somjen), pages 125-127.)

[67] La Cour divisionnaire de l’Ontario a récemment confirmé la jurisprudence arbitrale en la matière. Dans le jugement Ontario Nurses’ Association v. St. Joseph’s Health Centre (2005), 76 O.R. (3d) 22 (C. div. Ont.), la juridiction ontarienne écrivait ce qui suit :

[TRADUCTION]

[19] On nous a renvoyé à plusieurs décisions arbitrales où est examinée la question de savoir quels renseignements un employeur peut exiger d’un employé qui revient au travail après un congé pour raisons médicales. Comme l’on pouvait s’y attendre, des lignes de démarcation ont été tracées par les arbitres compte tenu du droit à la vie privée.

[20] D’après la jurisprudence arbitrale majoritaire, les employeurs sont fondés à obtenir des renseignements médicaux pour s’assurer qu’un employé qui revient au travail est en mesure d’y revenir d’une manière sécuritaire, sans faire courir de risque aux autres. L’obligation première de l’employé est de présenter un bref certificat de son médecin déclarant qu’il est apte à revenir au travail. Si l’employeur a des motifs raisonnables de croire que l’état de santé de l’employé constitue un danger pour lui-même ou pour autrui, lemployeur peut alors lui demander des renseignements additionnels propres à apaiser les craintes précises qu’il peut avoir, et cela après en avoir expliqué les raisons à l’employé. La demande doit se rapporter au motif de l’absence; aucune enquête de nature générale sur la santé de l’employé n’est autorisée. À mon avis, ce sont là des principes justes.

[68] Il importe aussi de souligner encore une fois que l’intérêt de l’employeur doit être la sécurité. Les doutes qu’il peut avoir sur la validité du congé de maladie d’un employé ne sauraient l’autoriser à exiger qu’il subisse un examen médical. Il y a en effet une « différence fondamentale » entre le fait d’exiger un examen médical pour mesurer l’aptitude au travail et le fait de vérifier la véracité d’une maladie (décision Riverdale Hospital, précitée, pages 405-406.)

[69] Le demandeur conteste les propos de l’arbitre selon lesquels « une demande d’examen médical indépendant pour déterminer si un employé est apte à travailler est une mesure qui ne devrait être envisagée que dans des circonstances exceptionnelles et claires ». Le demandeur fait valoir que l’obligation de prouver l’existence de « circonstances exceptionnelles et claires » est quelque peu incompatible avec la jurisprudence. Cet argument n’est pas fondé.

[70] De nombreux précédents font état de l’obligation de prouver qu’un examen médical est « nécessaire » en raison d’un « doute légitime ». La charge de la preuve repose sur l’employeur, lequel doit être disposé à produire une « preuve convaincante » au soutien de sa position. La nécessité d’un examen médical est décrite comme une « mesure drastique », qui doit reposer sur un « solide fondement » et qui ne sera requise que dans de « rares cas ». Eu égard à de telles remarques des arbitres, le fait pour l’arbitre d’avoir évoqué la nécessité de « circonstances exceptionnelles et claires » découle manifestement des précédents. (Riverdale Hospital, précité, pages 406-407; K. Nicholson et Conseil du Trésor (Défense nationale), [1991] CRTFP n° 267 (QL), pages 1011; Dennison et Conseil du Trésor (Solliciteur général), [1983] CRTFP n° 89 (QL), page 20; Consumers Glass and C.A.W., Local 29 (1990), 18 C.L.A.S. 171 (Marcotte), paragraphes 40 et 44; décision Nelson Laundries, précitée, page 123.)

[71] Finalement, le demandeur fait valoir que l’arbitre aurait dû interpréter d’une manière plus « libérale » la politique du CNRC en matière de santé et de sécurité au travail. Selon cette politique, la direction doit s’inquiéter « avec raison » de la capacité d’un employé à accomplir son travail « sans qu’un danger vienne entraver la sécurité ». Fondamentalement, le demandeur dit que l’employeur remplissait cette condition s’il pouvait prouver l’existence d’un risque d’un genre ou d’un autre.

[72] Encore une fois, l’argument du demandeur est sans fondement et il ne s’accorde pas avec la jurisprudence arbitrale. L’importance du risque dépendra de la gravité de la maladie de l’employé, ainsi que de la nature de ses tâches. Par ailleurs, des « motifs raisonnables et probables » doivent exister avant que l’on puisse présumer que l’employé constitue un risque. Cela exclura nécessairement les suppositions ou conjectures. D’ailleurs, selon les mots employés par un arbitre, « l’employeur ne peut pas refuser d’autoriser un employé à retourner travailler à cause d’une simple possibilité que celui-ci ait des problèmes de santé dans lavenir ». La politique du CNRC s’accorde avec cette jurisprudence, et elle a été validement interprétée par l’arbitre. (Décision Air Canada, précitée; décision Kolski et Conseil du Trésor (Agriculture Canada), [1994] CRTFP n° 149 (QL), page 21; décision Inco Ltd. and United Steelworkers (1988), 35 L.A.C. (3d) 108 (Burkett), pages 112-113; décision Nelsons Laundries, précitée, pages 126-127.)

Le CNRC n’a pas justifié l’ordre qu’il a donné à M. Grover de voir un médecin qu’il n’avait pas choisi

[73] Le demandeur conteste la conclusion de l’arbitre selon laquelle le CNRC n’avait pas de raisons suffisantes d’exiger un examen médical. Il n’existe absolument aucun fondement permettant de croire que la décision de l’arbitre sur ce point était manifestement déraisonnable.

[74] La « simple possibilité » qu’un employé soit malade ou constitue par ailleurs un risque pour la sécurité n’équivaut pas à des « motifs raisonnables et probables » de croire qu’il en est ainsi. […]

[75] Finalement, le demandeur ne dit rien de l’aspect « procédural » de ce critère. Il accepte semble-t-il que les employeurs doivent prouver quils ont des motifs raisonnables et probables d’être préoccupés par le risque que fait peser sur la sécurité la santé dun employé; cependant, il faut aussi compter avec un élément d’» équité procédurale ». Selon la jurisprudence, l’employeur doit expliquer clairement les raisons qu’il peut avoir de douter de la validité du certificat médical d’un employé. Qui plus est, l’employeur doit être ouvert à d’autres solutions propres à dissiper ses doutes, sans aller jusqu’à exiger de l’employé qu’il consulte un médecin qu’il n’a pas lui-même choisi (décision Nelsons Laundries, précitée, page 125.)

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

[235]  Dans Niagara Peninsula Energy Inc. v. IBEW local 636 (2017), 217 L.A.C. (4e) 307, l’arbitre de différends Dissanayake a appliqué le raisonnement de M. le juge Shore lorsqu’il a décidé que les incidents répétés allégués visant un employé relativement à une conduite non sécuritaire, un comportement irrespectueux, de l’insubordination, y compris des insultes de colère proférées envers un collègue suivies par un comportement agité à une réunion avec la direction, ne constituaient pas des motifs raisonnables et probables d’exiger que le fonctionnaire subisse une évaluation psychiatrique comme condition pour être autorisé à reprendre le travail. Il a examiné comme suit la preuve au paragraphe 119 :

[Traduction]

 

[119] […] la preuve indique que, dans le cadre des incidents en question, même du point de vue de l’employeur, le problème du fonctionnaire était qu’il avait perdu son sang-froid et avait réagi de façon agressive. M. Wilkie, qui était le décideur ultime, n’a pas affirmé que, même de façon subjective, il croyait que le comportement du fonctionnaire était causé par un problème de santé mentale. Selon l’essentiel de son témoignage, il se demandait si la conduite du fonctionnaire était volontaire et donc coupable ou s’il s’agissait d’un comportement non coupable déclenché par un problème de santé mentale. Ce comportement est clairement loin de correspondre à la norme requise par la jurisprudence arbitrale. […]

 

[236]  L’arbitre de différends a cité Grover comme suit :

[Traduction]

 

[…]

[119] […] la Cour, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, a formulé la question ainsi : « Où se trouve la ligne de démarcation entre le droit d’un employé à la vie privée et le droit légitime de l’employeur au maintien d’un lieu de travail sécuritaire? ». Cette question vise aussi précisément celle en litige dans la présente affaire. Au paragraphe 64, la Cour a examiné le droit qui étaye la proposition selon laquelle un employeur n’a pas le droit d’ordonner à un employé de subir un examen médical en l’absence d’une obligation contractuelle ou d’une disposition législative et elle a déclaré ce qui suit au paragraphe 65 :

Nonobstant ce qui précède, il est également bien établi que les employeurs ont l’obligation importante de garantir un milieu de travail sécuritaire. Cela signifie que les employeurs ont le droit d’en savoir davantage sur le dossier médical d’un employé s’il y a des motifs raisonnables et probables de croire que l’employé constitue un risque pour la santé ou la sécurité en milieu de travail. (Je souligne)

Au paragraphe 70, la Cour a dit :

De nombreux précédents font état de l’obligation de prouver qu’un examen médical est « nécessaire » en raison d’un « doute légitime ». La charge de la preuve repose sur l’employeur, lequel doit être disposé à produire une « preuve convaincante » au soutien de sa position. La nécessité d’un examen médical est décrite comme une « mesure drastique », qui doit reposer sur un « solide fondement » et qui ne sera requise que dans de « rares cas ». Eu égard à de telles remarques des arbitres, le fait pour l’arbitre d’avoir évoqué la nécessité de « circonstances exceptionnelles et claires » découle manifestement des précédents.

Plus important, au paragraphe 74, la Cour a conclu ce qui suit :

La « simple possibilité » qu’un employé soit malade ou constitue par ailleurs un risque pour la sécurité n’équivaut pas à des « motifs raisonnables et probables » de croire qu’il en est ainsi.

[237]  L’arbitre de différends a conclu ce qui suit :

[Traduction]

[120]Je conclus que le « doute » dans l’esprit de l’employeur en l’espèce n’est pas différent de la « simple possibilité » qui n’était pas suffisante selon la Cour pour respecter le critère des « motifs raisonnables et probables ». En effet, si une « simple possibilité » ou un « doute » est jugé comme étant un fondement suffisant pour exiger une évaluation psychiatrique comme condition de travail, cette exigence peut être justifiée chaque fois qu’un employé répète son inconduite. Le critère élaboré par la jurisprudence dans le but d’établir un équilibre entre les droits à la vie privée d’un employé et les droits et obligations de l’employeur de maintenir un lieu de travail sécuritaire impose un fardeau de preuve à l’employeur, à savoir qu’il avait des « motifs raisonnables et probables » de croire que le fonctionnaire représentait un danger. Les doutes de M. Wilkie étaient loin de respecter ce critère.

[238]  Dans le cadre de son raisonnement, l’arbitre de différends a examiné un certain nombre d’autres cas qui portaient précisément sur la question de l’équilibre des droits à la vie privée de l’employé et de l’obligation de l’employeur de maintenir un lieu de travail sécuritaire dans le contexte d’une exigence de subir une évaluation psychiatrique. Il a déclaré ce qui suit aux paragraphes 113 à 116 :

[Traduction]

[113] […] Dans [Re Magee, [2006-1916, 2006-1918], 20 mai 2008, Commission de règlement des griefs de l’Ontario] […], la Commission a déclaré que, pour justifier une exigence de subir une évaluation psychiatrique, il ne suffit pas qu’un employeur estime simplement que des problèmes de santé mentale ont causé la conduite inacceptable de l’employé et qu’une certaine norme objective doive être respectée.

[114] Dans Re Brinks Canada Ltd., [1994] 41 L.A.C. (4e) 422 (Stewart), l’arbitre de différends a cité les décisions dans Re Studebaker-Packard of Canada Ltd. And U.A.W. Local 525, (1960) 11 L.A.C. 189 (Cross); Re Eaton Automotive Canada Ltd. and U.A.W. Local 27 (1969), 20 L.A.C. 218 (Palmer); Re Firestone Tire & Rubber Co. of Canada Ltd. And United Rubber Workers, Local 113 (1973), 3 L.A.C. (2e) 12 (Weatherill), et a fait observer ce qui suit à la page 430 :

La question à trancher est celle de savoir si, dans les circonstances précises de la présente affaire, il existe des motifs raisonnables et probables permettant à l’employeur d’exiger que M. Matchett subisse une évaluation psychiatrique par le Dr Margulies. Dans le cadre de l’examen de cette question, je souscris à l’argument de M. Riendeau selon lequel un poids considérable doit être accordé au fait que M. Matchett porte une arme à feu pour son travail. L’employeur avait raison d’exercer le plus grand soin pour s’assurer qu’un employé était mentalement capable d’assumer cette responsabilité et de prendre des mesures pour être convaincu à cet égard. Toutefois, le droit d’un employé à la vie privée doit être pris en compte et il ne doit pas être inutilement ou indûment modifié, en particulier en ce qui concerne une évaluation psychiatrique.

(Je souligne)

[115] Dans la décision Re Magee (précitée) au paragraphe 39, la Commission a adopté cette norme et a indiqué ce qui suit :

Toutefois, comme je l’ai déjà conclu, l’employeur doit être tenu de respecter une certaine norme objective. Étant donné la nature particulièrement intrusive de l’examen psychiatrique, je conclus que la norme des « motifs raisonnables et probables » est appropriée. Ainsi, la Commission doit être convaincue, selon la preuve relative aux renseignements que l’employeur possédait à l’époque, qu’il avait des motifs raisonnables et probables d’être préoccupé par le fait que le fonctionnaire ne pouvait pas accomplir ses fonctions sur le terrain à cause de sa santé mentale.

[116] Dans Re Canadian Pacific Railway Co., [2011] 209 L.A.C. (4e) 399 (M.G. Picher), le critère des « motifs raisonnables et probables » a été réitéré, la Commission, au paragraphe 13, exigeant que l’employeur s’acquitte « du fardeau de prouver qu’il avait des motifs raisonnables et probables d’empêcher le fonctionnaire de travailler sans être payé jusqu’à ce qu’il accepte de subir une évaluation psychiatrique ».

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

3.  L’application de ces principes aux faits du présent cas

[239]  Les dispositions pertinentes de la convention collective conclue par le syndicat et l’employeur se lisent comme suit :

[…]

5.01 Le Conseil reconnaît et admet que l’Employeur a et doit continuer d’avoir exclusivement le droit et la responsabilité de diriger ses opérations dans tous leurs aspects et il est explicitement entendu que les droits et responsabilités de ce genre qui ne sont ni précisés ni modifiés d’une façon particulière par la présente convention appartiennent en exclusivité à l’Employeur.

L’exercice de tels droits ne doit pas être incompatible avec les dispositions explicites de la présente convention.

[…]

12.01 Crédits

L’employé acquiert des crédits de congé de maladie à raison de dix (10) heures pour chaque mois civil pendant lequel il touche la rémunération d’au moins quatre-vingts (80) heures.

12.02 Attribution des congés de maladie payés

L’employé bénéficie d’un congé de maladie payé lorsqu’il est incapable d’exécuter ses fonctions en raison d’une maladie ou d’une blessure, à la condition :

a) qu’il puisse convaincre l’Employeur de son état d’une manière et à un moment que ce dernier détermine,

et

b) qu’il ait les crédits de congé de maladie nécessaires.

12.03 À moins d’une indication contraire de la part de l’Employeur, une déclaration signée de l’employé, indiquant qu’il a été incapable d’exécuter ses fonctions en raison de maladie ou de blessure est jugée, lorsqu’elle est remise à l’Employeur, satisfaire aux exigences de la clause 12.02a) si la période de congé demandée ne dépasse pas quarante (40) heures.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

[240]  Comme l’a fait l’arbitre de différends Swan dans NAV Canada, selon un libellé semblable, je conclus que l’employeur a le pouvoir en vertu des dispositions relatives aux droits de la direction de la convention collective, dans la mesure où il a agi de façon raisonnable dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, de refuser de permettre à un employé de reprendre ses fonctions ou de les continuer puisqu’il a le droit de s’assurer que ses employés sont aptes du point de vue médical à retourner au travail après une absence due à une maladie ou à une blessure ou à demeurer au travail.

[241]  Je fais également mienne la conclusion de l’arbitre de différends Swan selon laquelle, bien que la clause relative aux droits de la direction de la convention collective soit suffisamment générale pour permettre à l’employeur de refuser d’autoriser un employé à travailler sauf s’il est convaincu de son aptitude, elle ne l’est pas suffisamment pour lui permettre d’exiger la communication de renseignements médicaux ou d’obliger un employé à subir un examen médical par un tiers. L’employeur peut demander qu’un employé consente à une demande et, si la demande est raisonnable dans l’ensemble des circonstances, un employé qui ne consent pas peut très bien subir les conséquences du refus de démontrer son aptitude au travail. Toutefois, l’employeur ne peut dépasser ces limites.

[242]  L’arbitre de différends Swan a expliqué qu’il serait difficile d’imaginer un cas où un employé pourrait faire l’objet de mesures disciplinaires pour ne pas avoir accordé son consentement puisque la notion même de consentement serait minée par une telle conclusion. Toutefois, il a fait remarquer que le refus d’accorder un consentement peut entraîner des conséquences administratives, y compris le fait d’être mis en congé, payé ou non payé, selon les circonstances.

4.  L’employeur avait-il des motifs raisonnables et probables d’exiger que M. Burke consente à une évaluation psychiatrique de son aptitude au travail?

[243]  Comme je l’ai indiqué, la lettre du 16 mai 2011 de M. Hawker et la lettre datée du même jour adressée au médecin de M. Burke indiquaient un certain nombre de motifs de la demande d’EAT de M. Hawker.

[Traduction]

 

[…]

1. M. Burke démontre continuellement des comportements inacceptables et non sécuritaires dans le lieu de travail.

2. Il réagit fréquemment par des colères violentes, notamment en blasphémant, en lançant des choses, en laissant tomber le travail qui lui était confié, en criant après des collègues et même en recourant à la violence physique contre un autre employé.

3. Il agit de façon agressive et il tente d’intimider les membres de son équipe […] Son comportement a une incidence sur les autres travailleurs et je crains qu’un environnement de travail non sécuritaire a été créé. Nous avons tenté de le déplacer d’une équipe à une autre, mais les situations se répètent et de plus en plus d’employés refusent de travailler avec lui. […]

[…]

5.  Un examen de la preuve pertinente à ces allégations et analyse
a.  M. Haché

[244]  M. Haché a déclaré qu’il ne pensait pas qu’une EAT médicale était nécessaire. Il avait vu M. Burke dans un état agité dans le passé, après quoi il était revenu à la normale. Il a dit que tout allait bien après la rencontre du 11 mai 2011.

[245]  Il n’a pas demandé d’EAT. D’autres personnes l’ont décidé à la rencontre du 12 mai 2011.

[246]  Il avait vu la lettre du 16 mai 2011 qui indiquait les motifs de l’EAT. Elle n’était pas tout à fait exacte, puisque certains de ses éléments étaient exacts, mais d’autres ne l’étaient pas.

[247]  À la question de savoir s’il avait déjà vu M. Burke lancer des tuyaux sur le plancher, il a répondu par la négative. Il a confirmé que cette allégation n’avait jamais fait l’objet d’une enquête.

[248]  Il a reconnu qu’il n’avait aucun détail démontrant que M. Burke avait laissé tomber le travail.

[249]  En ce qui concerne les allégations selon lesquelles M. Burke avait crié après des collègues, il a mentionné les incidents Covey et Meehan et la réunion du 11 mai 2011.

[250]  Il a reconnu que M. Burke gérait 90 % du processus de ponçage des carreaux acoustiques dans l’atelier et qu’il n’aurait pas été inhabituel pour lui de se trouver dans l’atelier alors que le reste de l’équipe installait les carreaux dans le sous-marin.

[251]  M. Wournell a été interrogé pour savoir s’il avait déjà vu M. Burke lancer des matériaux. Il a répondu [traduction] « pas vraiment ». Il avait déclaré que M. Burke avait projeté une chaise contre une table.

[252]  À la question de savoir si M. Burke utilisait souvent des mots grossiers, il a répondu par la négative. Le fonctionnaire utilisait des mots grossiers lorsqu’il était en colère et il blasphémait lorsqu’il perdait le contrôle. À la question de savoir à quelle fréquence M. Burke perdait le contrôle, il a dit que c’était arrivé trois ou quatre fois sur une période de quatre ans et demi.

b.  Problèmes de sécurité

[253]  M. Wournell a été interrogé pour savoir s’il avait déjà remarqué si M. Burke recourait à des pratiques non sécuritaires. Il a dit qu’il avait vu le fonctionnaire travailler sur un échafaudage qui n’était pas à niveau. À la question de savoir s’il y avait une étiquette sur l’échafaudage, il a répondu que c’était le cas. Il a été prié de dire si l’étiquette indiquait qu’il avait été accepté et approuvé. Il a répondu qu’il y avait une étiquette. Il s’est rappelé un jour où M. Burke a descendu de l’échafaudage. Lui-même et M. Cox l’ont réinstallé. À la question de savoir si l’échafaudage avait une étiquette, il a répondu qu’il ne s’en rappelait pas. Il a été invité à dire s’il pouvait se rappeler un autre élément concernant la sécurité. Il a répondu par la négative.

[254]  M. Foster a été interrogé pour savoir si, pendant la période de quatre ans et demi au cours de laquelle il a travaillé avec M. Burke, il avait eu des préoccupations en matière de sécurité à son sujet. Il a répondu qu’une fois, alors qu’il n’y avait pas suffisamment de matériaux, M. Burke a décidé de bâtir des rambardes à partir de morceaux de bois sur le côté nord de l’échafaudage surplombant un sous-marin. Les rambardes de bois ne faisaient pas partie du système aménagé de l’échafaudage. M. Foster et un autre membre de l’équipe n’étaient pas d’accord avec M. Burke. Au bout du compte toutefois, les rambardes de bois ont été remplacées par des composantes techniques. Le groupe de trois personnes, y compris M. Burke, a corrigé la situation. M. Burke ne croyait pas que c’était nécessaire.

[255]  Un autre incident est survenu, concernant la pente d’une rampe, qui a mené à l’incident Meehan. M. Foster a déclaré qu’il n’y avait pas eu d’autres problèmes de sécurité.

[256]  M. Cox a mentionné un incident au début de 2006 ou de 2007. On lui avait demandé ainsi qu’à M. Burke d’ériger un échafaudage à l’intérieur d’un réservoir de transfert d’eau sur un sous-marin, dans un espace confiné. Il a demandé à M. Burke de faire la surveillance à l’extérieur du réservoir et de demander de l’aide si un problème survenait. À un certain moment, M. Burke est entré dans le réservoir pour prendre des mesures puis il est parti. Lorsque M. Cox est sorti du réservoir, M. Burke grimpait dans l’échafaudage avec des madriers. Il s’en est plaint à M. Burke puisqu’il avait quitté l’entrée du réservoir. Ils ont eu un échange verbal puis ils se sont calmés. M. Cox a signalé l’incident au superviseur. Rien n’a été fait. Il n’a pas fait l’objet d’une enquête. M. Cox a présenté ses excuses à M. Burke pour éviter une confrontation.

[257]  M. Cox a déclaré que M. Burke blasphémait à l’occasion lorsqu’il était en colère. Il ne pouvait pas se rappeler avoir été témoin du fait que M. Burke avait déjà lancé des matériaux.

[258]  M. Hawker a été interrogé au sujet de la lettre du 16 mai 2011 dans laquelle il demandait une EAT. Il a dit que Mme Nelson des Ressources humaines l’avait rédigée et que lui-même et M. Haché avaient formulé des commentaires. Il n’avait pas été témoin des comportements de M. Burke. Il n’avait jamais observé M. Burke sur le plancher de travail. Il avait effectué les enquêtes.

[259]  Il a reçu une plainte de M. Covey au sujet d’un incident. Il en a aussi reçu une de M. Meehan au sujet d’un incident et une de M. Haché au sujet de la réunion du 11 mai.

[260]  Il n’avait pas vu M. Burke lancer des matériaux. Sa source était M. Haché. Il a reconnu qu’il avait accepté de l’insérer dans la lettre parce que M. Haché l’avait soulevé, même s’il ne pouvait pas se souvenir s’il lui avait fourni des détails. Cet incident n’a pas fait l’objet d’une enquête.

[261]  Il a reconnu que les renseignements figurant dans la lettre, selon lesquels M. Burke refusait d’accepter les ordres, ne venaient pas de lui. À la question de savoir si M. Haché avait fourni des détails et si une enquête avait eu lieu, il a répondu [traduction] « probablement pas ». Il a déclaré que les incidents figurant dans la lettre étaient fondés sur des conversations avec M. Haché.

[262]  M. Hawker a mentionné la phrase dans la lettre selon laquelle : [traduction] « Nous avons tenté de le déplacer d’une équipe à une autre, mais les situations se répètent et de plus en plus d’employés refusent de travailler avec lui. » Il a été interrogé pour savoir si la mention dans la lettre du fait qu’il avait été déplacé découlait de l’allégation selon laquelle M. Turnbull avait déposé une plainte de refus de travailler contre M. Burke. M. Hawker a dit qu’elle y figurait.

[263]  Il a été invité à confirmer que l’agression alléguée de M. Burke contre M. Turnbull n’était pas fondée, mais qu’il a été déplacé pour cette raison. Au bout du compte, M. Hawker a reconnu que la séparation de M. Burke et de M. Turnbull avait été prise en considération pour demander l’EAT. Il a dit qu’il ne s’agissait pas d’un facteur déterminant.

6.  Analyse

[264]  a lettre du 11 mai 2016 indique le fondement sur lequel l’employeur s’est fondé pour établir les motifs raisonnables et probables obligeant le fonctionnaire à subir une évaluation psychiatrique, au départ par son propre médecin puis par celui choisi par l’employeur.

[265]  Selon la jurisprudence, il revenait à l’employeur de produire une preuve convaincante au soutien de sa position.

[266]  Selon la preuve déposée, je ne suis pas convaincu que l’employeur a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que M. Burke réagissait fréquemment par des colères violentes, soit en utilisant des mots grossiers, en lançant des matériaux et en laissant tomber le travail qui lui était confié. Rien dans la preuve n’indique qu’il a lancé des matériaux ou qu’il a laissé tomber le travail. La preuve a révélé qu’il a utilisé des mots grossiers lorsqu’il se mettait en colère à trois ou à quatre reprises sur une période de quatre ans et demi. À mon avis, cette preuve n’appuie pas la conclusion selon laquelle il réagissait fréquemment par des colères violentes qui comprenaient l’emploi de mots grossiers. Elle n’appuie pas non plus la conclusion selon laquelle il refuse d’accepter les ordres.

[267]  La preuve n’appuie pas la conclusion selon laquelle il recourt continuellement à des pratiques non sécuritaires. Deux incidents ont été mentionnés, qui ont été signalés aux superviseurs, lesquels ont alors choisi de ne pas enquêter. M. Burke n’a même pas été avisé que l’incident survenu en 2006 ou en 2007 concernant la surveillance du sous-marin avait été signalé. Il a été surpris d’en entendre parler pour la première fois à l’arbitrage.

[268]  La mention qu’une tentative avait été faite pour le déplacer à une autre équipe, mais que de plus en plus de collègues refusaient de travailler avec lui était fondée sur la plainte de refus de travailler de M. Turnbull. Après le dépôt de la plainte, M. Hawker a ordonné à M. Haché de déplacer M. Burke à l’équipe des carreaux acoustiques. La plainte était fondée sur l’agression alléguée par M. Burke de M. Turnbull. Après une longue enquête, elle a été jugée non fondée. Quant au moment où la lettre du 16 mai 2011 a été rédigée, l’enquête était toujours en cours. Elle s’est conclue en août de cette année-là.

7.  Un examen de la preuve en ce qui concerne l’incident Covey, l’incident Meehan et la rencontre du 11 mai 2011 et analyse

[269]  À la question de savoir sur quoi il s’était fondé lorsqu’il a déclaré que M. Burke avait eu un comportement non sécuritaire, M. Hawker a répondu l’incident Covey, l’incident Meehan et la rencontre du 11 mai 2011.

a.   L’incident Covey

[270]  M. Hawker a déclaré qu’en mai 2011, cette question faisait toujours l’objet d’un arbitrage. Il a rédigé la lettre de discipline et devait rendre une décision fondée sur les faits. Il a imposé la suspension de trois jours.

[271]  Il a été renvoyé à la page 36 de Burke 2012, où l’arbitre de grief a déclaré que la conduite n’était pas plus que du malmenage. À la question de savoir s’il approuvait cette affirmation, il a répondu qu’il croyait qu’une agression était grave et que la conclusion de l’arbitre de grief Richardson n’aurait pas eu d’incidence sur ce qu’il allait ajouter dans la lettre.

[272]  À la page 9 de ces motifs, l’arbitre de grief Richardson a décrit comme suit les questions dont il était saisi :

[…]

Que s’est-il passé entre MM. Burke et Covey […] le matin du 28 octobre 2009?

L’événement représentait-il une agression?

Si l’événement était une agression, est-ce que la sanction imposée était raisonnable?

[273]  Il a conclu ce qui suit sur la même page :

A. Que s’est-il passé?

29 Cette question est simple. Les témoignages des MM. Burke et Covey indiquent, et je conclus aussi, que les deux hommes avaient des antécédents. Peu importe qui était responsable de l’animosité, le fait est que MM. Burke et Covey ne s’entendaient pas. Leurs témoignages relativement aux événements initiaux du 28 octobre 2009 concordent aussi; il y a eu un échange de propos, et peu après cet échange, M. Covey s’est dirigé vers le bureau de M. Haché pour signaler la querelle. […]

[…]

31 Je suis totalement convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que le compte rendu de M. Covey est essentiellement exact. Comme je suis convaincu, je conclus que M. Burke a attrapé M. Covey par-derrière; que M. Covey a été retourné et projeté à la renverse contre la table; que MM. Burke et Covey sont ensuite tombés au sol; que, pendant la bagarre, M. Covey s’est mordu la langue et que, seulement après que MM. Burke et Covey sont tombés au sol, M. Covey a été en mesure de se libérer de l’étreinte de M. Burke et de s’enfuir dans le bureau de M. Haché. […]

[274]  À la page 11, il a déclaré ce qui suit :

36 L’agression dont il est question n’est pas plus que du malmenage et bien que l’incident soit sérieux et qu’il ne doive pas être ignoré, […]

[…]

38 Selon ma conclusion qui précède, je suis convaincu que ce qui s’est passé représente une agression. Il y a eu un contact physique non consensuel entre MM. Burke et Covey, ainsi qu’une bagarre non consensuelle.

[275]  La partie XX du Règlement porte sur la prévention de la violence dans le lieu de travail. La violence dans le lieu de travail est définie comme suit à l’article 20.2 :

20.2 Dans la présente partie, constitue de la violence dans le lieu de travail tout agissement, comportement, menace ou geste d’une personne à l’égard d’un employé à son lieu de travail et qui pourrait vraisemblablement lui causer un dommage, un préjudice ou une maladie.

[276]  Comme l’arbitre de grief Richardson a conclu que la conduite de M. Burke représentait une agression, je n’ai aucun problème à conclure, selon ses conclusions de fait, que l’agression de M. Burke constituait de la violence dans le lieu de travail au sens de la partie II du CCT. Comme je n’ai pas entendu la preuve dans ce cas, j’accepte également la qualification par l’arbitre de grief Richardson du fait que l’agression n’est pas plus que du malmenage.

b.   L’incident Meahan

[277]  M. Burke s’est vu imposer une suspension de cinq jours le 17 juin 2010 pour avoir utilisé des mots grossiers durant un échange verbal avec M. Meehan, le 21 mai 2010. Il s’agissait de sa deuxième infraction. Durant un échange bruyant et houleux, il aurait formulé une déclaration menaçante. On a soutenu que la déclaration constituait de la violence dans le lieu de travail comme l’indique le Règlement. M. Meehan s’est aussi pu imposer une mesure disciplinaire pour avoir utilisé des mots grossiers.

[278]  M. Burke a contesté la sévérité de la suspension. Toutefois, son syndicat n’a pas respecté le délai de dépôt d’un grief et ce dernier a été rejeté pour ce motif.

[279]  M. Hawker a déclaré qu’il avait interrogé toutes les parties concernées et qu’il avait conclu qu’il y avait eu inconduite. L’incident concernait une plainte et une dispute relativement à un panneau de contreplaqué précoupé qui avait été utilisé comme rampe à l’un des sous-marins. M. Meehan croyait que la pente était trop abrupte et qu’elle devait être changée. M. Burke ne croyait pas qu’elle était trop abrupte. Ce désaccord a mené à une dispute. M. Hawker a conclu que M. Burke et M. Meehan avaient échangé des mots grossiers et que les deux étaient coupables d’inconduite.

[280]  M. Foster a été interrogé pour savoir s’il se rappelait que M. Meehan était allé dans l’espace de travail de M. Burke et qu’il avait exigé que ce dernier modifie la pente de la rampe. Il a reconnu que M. Meehan y était allé, mais il ne se rappelait pas textuellement ce que M. Meehan avait dit. Il s’est rappelé que M. Burke a dit que, si M. Meehan voulait modifier la rampe, il [traduction] « allait enfoncer le code dans le derrière de M. Meehan », faisant référence au code de l’Association canadienne de normalisation. Il a confirmé qu’à ce moment, M. Meehan mesurait six pieds et quatre ou cinq pouces et qu’il pesait de 280 à 285 livres. Il a reconnu qu’étant donné la taille de M. Meehan, il n’était pas raisonnable de s’imaginer que M. Burke donnerait suite à cette déclaration.

[281]  M. Burke a déclaré que M. Meehan était venu dans son espace de travail et qu’il s’était plaint d’une rampe que M. Burke construisait. Il a mis au défi M. Burke et lui a demandé s’il voulait se battre. M. Burke lui a répondu [traduction] « va te faire f----- », ce pour quoi il a été suspendu cinq jours. Si M. Meehan avait eu le code l’Association canadienne de normalisation pour démontrer que la pente était trop inclinée, il aurait pu le montrer au fonctionnaire. Il ne l’a pas fait. En ce qui concerne la plainte concernant la menace alléguée du fonctionnaire au sujet du livre, il a fait remarquer qu’aucun livre n’était présent et il a souligné la très grande stature costaude de M. Meehan.

[282]  Pour constituer de la violence dans le lieu de travail, la conduite doit vraisemblablement causer un dommage, un préjudice ou une maladie à l’employé. À mon avis, la preuve n’appuie pas la conclusion selon laquelle la menace qu’a proférée le fonctionnaire dans les circonstances pourrait vraisemblablement causer un dommage ou un préjudice à M. Meehan. Par conséquent, elle ne constituait pas de la violence dans le lieu de travail selon la définition prévue par le Règlement. Toutefois, la déclaration était une menace et elle ne peut être tolérée. Comme je l’ai indiqué, je n’ai pas compétence pour me pencher sur la suspension de cinq jours.

8.  Événements ayant mené à la rencontre du 11 mai 2011

[283]  Les événements qui ont mené à la rencontre du 11 mai 2011 ne sont pour l’essentiel pas contestés. Les paragraphes qui suivent reprennent les témoignages de M. Haché et de M. Burke.

[284]  En janvier 2011, M. Haché a discuté avec M. Burke pour que ce dernier assume le rôle de leader de l’équipe des carreaux acoustiques, même s’il avait des préoccupations quant au fait qu’il s’isolait de l’équipe. M. Burke a accepté. M. Haché n’avait pas consulté les autres membres de l’équipe avant de nommer le fonctionnaire. Lorsqu’il les avait avisés de la nomination, il avait hésité, puisqu’ils suggéraient que M. Wournell devrait se voir accorder la chance d’être le chef d’équipe. Il avait aussi hésité en raison d’incidents antérieurs signalés par certains membres de l’équipe selon lesquels il était quelque peu difficile de travailler avec M. Burke. M. Burke a agi en tant que chef d’équipe du 25 janvier au 11 mars 2011.

[285]  M. Haché a déclaré que les choses ne s’étaient pas très bien déroulées. Il avait appris que M. Burke s’était isolé du groupe. Les réunions ne se tenaient pas le matin pour discuter des travaux de la journée, il n’y avait aucune consultation et M. Burke se montrait irritable au point d’être agressif dans des échanges verbaux.

[286]  Le 21 février 2011, M. Cox, un membre de l’équipe des carreaux, une personne très consciente des questions de sécurité et un représentant du Comité de santé et de sécurité, a avisé M. Haché qu’à son avis, un échafaudage pour un coffrage de carreaux acoustiques construit par M. Burke ne respectait pas les normes de sécurité. Il a soulevé la question auprès de M. Burke le 15 février 2011. M. Burke croyait qu’il était approprié et il était furieux. M. Cox en est venu à être agressif au niveau affectif. Il s’en est remis à M. Burke.

[287]  M. Cox a demandé un transfert à une autre équipe. M. Haché a accepté la demande et l’a transféré.

[288]  Au cours de la période suivante, M. Foster a exprimé des préoccupations quant à un manque de communication et de collaboration avec M. Burke, comme l’a fait M. Wournell, qui ont demandé que M. Haché les transfère à une autre équipe.

[289]  M. Burke a déclaré que, le 2 mai 2011, il était retourné au travail après avoir été malade pendant quelques jours. M. Haché l’avait avisé qu’il voulait apporter quelques changements, qu’il faisait de M. Wournell le nouveau chef d’équipe et qu’il voulait s’asseoir et discuter du mandat du fonctionnaire en tant que chef d’équipe.

[290]  Ils se sont rencontrés le 3 mai 2011. M. Haché a demandé à M. Burke comment son expérience en tant que chef d’équipe s’était déroulée. M. Burke l’a avisé que comme l’équipe était en bonne voie de terminer en juin, elle avait réalisé ses tâches requises et que, comme il n’y avait pas eu de plainte, à son avis, le mandat s’était bien déroulé.

[291]  M. Haché a rappelé à M. Burke qu’il croyait que des problèmes de communication surviendraient entre le fonctionnaire et les membres de son équipe avant qu’il soit nommé chef d’équipe.

[292]  Il a informé le fonctionnaire que, comme il s’y attendait, certains problèmes de communication étaient survenus et qu’en tant que chef d’équipe, le fonctionnaire devait communiquer avec l’équipe.

[293]  M. Burke a demandé à M. Haché pourquoi il soulevait cette question et pourquoi il ne l’avait pas fait plus tôt lorsque le fonctionnaire était chef d’équipe, en particulier puisque le projet se terminait quelques semaines plus tard. M. Haché a répondu qu’il voulait aider le fonctionnaire et examiner certains des problèmes de communication qui étaient survenus.

[294]  Il a dit au fonctionnaire qu’il avait reçu plusieurs demandes de transfert de membres de l’équipe en raison des problèmes qui s’étaient produits.

[295]  M. Burke lui a demandé qui s’était plaint. Il a dit au fonctionnaire qu’il n’était pas disposé à lui donner des noms. M. Burke a dit qu’on ne l’avait pas informé des plaintes. Il a insisté pour obtenir les noms parce que si quelqu’un s’était plaint à son sujet, il avait le droit de savoir de qui il s’agissait.

[296]  M. Burke a déclaré que M. Haché l’avait avisé qu’il avait le sentiment que cela allait arriver lorsqu’il lui a demandé d’être le chef d’équipe.

[297]  M. Burke lui a dit qu’il allait voir M. Hawker. M. Haché lui a dit qu’il était d’accord.

[298]  Le fonctionnaire a rencontré M. Hawker et lui a demandé s’il avait quelques minutes. M. Hawker lui a dit qu’il avait cinq minutes. Il a dit à M. Hawker ce qui était arrivé avec M. Haché. M. Hawker a dit qu’il communiquerait avec M. Haché pour obtenir sa version. Il n’a pas dit à M. Burke s’il lui reparlerait. Au bout du compte, il ne l’a pas fait.

9.  Résumé de la preuve de la rencontre du 11 mai 2011 et analyse

[299]  Le matin du 11 mai 2011, M. Wournell, qui avait remplacé M. Burke comme chef d’équipe, a demandé à M. Haché si quelque chose serait fait au sujet du manque de communication de M. Burke avec les autres membres de l’équipe. M. Wournell croyait que la situation était inacceptable et qu’elle avait empiré au point d’être presque explosive. Il n’avait pas l’impression que la direction avait abordé la situation. M. Haché lui a dit qu’il était en train de mettre sur pied une rencontre avec les Ressources humaines pour obtenir des conseils sur la façon de la gérer.

[300]  M. Wournell lui a dit que, s’il s’attendait à ce que les membres de l’équipe continuent de travailler avec M. Burke, pensant que tout irait bien, il ne saisissait pas bien le mauvais fonctionnement de l’équipe.

[301]  M. Haché a décidé de rencontrer immédiatement l’équipe des carreaux acoustiques, de mettre les questions sur la table et de discuter de la façon de régler le processus et les problèmes personnels. Étaient présents dans la salle à manger M. Burke, M. Wournell, M. Foster, M. Lee Burke, un autre charpentier de marine et membre de l’équipe des carreaux acoustiques, et M. Haché.

[302]  Il a informé l’équipe qu’en sa qualité de coach et de superviseur, il devait s’assurer que le processus relatif aux carreaux acoustiques était suivi; qu’une preuve objective et de qualité était consignée, recueillie et correctement classée; que le travail de l’équipe était d’une qualité acceptable.

[303]  Il a dit à l’équipe qu’il n’avait pas une pleine garantie que toutes ses attentes étaient respectées et qu’il n’accepterait pas de conflits de personnalités ou de problèmes personnels comme excuse pour le non-respect du protocole ou une mauvaise qualité de l’exécution. Ces problèmes devaient être mis de côté et l’accent placé sur le travail d’équipe, l’amélioration de la communication et la garantie de la livraison d’un produit de qualité.

[304]  Il a tenu une discussion en table ronde pour confirmer que tout le monde comprenait ces directives. Tout le monde a accepté de travailler en équipe.

[305]  M. Burke l’a interrogé sur les problèmes de qualité et lui a demandé de donner un exemple. M. Haché a dit qu’il n’était pas satisfait de l’espacement positif entre les carreaux acoustiques parce qu’il ne respectait pas les spécifications. Peu importe les raisons, il devrait être corrigé. M. Burke lui a demandé comment il savait que l’espacement était trop large et qui l’avait signalé. M. Haché a répondu qu’il l’avait constaté lui-même.

[306]  M. Burke a ensuite soulevé la question de l’enregistrement des données en ce qui concerne la température de l’air et de la surface au moment de poser les carreaux acoustiques, déclarant que l’enregistrement avait toujours été fait. M. Haché a reconnu que l’enregistrement avait été fait, mais non au moment où les carreaux acoustiques étaient apposés.

[307]  M. Burke a soulevé auprès de M. Haché le problème de communication dont ils avaient discuté à leur rencontre du 3 mai et le fait que M. Haché avait refusé de donner le nom des personnes qui s’étaient plaintes au sujet du fonctionnaire et qui avaient demandé à être transférées parce qu’elles ne voulaient plus travailler avec lui. M. Haché a dit qu’il n’était pas disposé à discuter des noms à ce moment-là, mais qu’il acceptait d’en discuter en privé.

[308]  Il a tenu une autre discussion en table ronde et a demandé à chaque membre s’il acceptait de retourner à l’atelier, de communiquer et de travailler en équipe. M. Wournell, Lee Burke et M. Foster ont accepté de suivre ses directives.

[309]  M. Burke lui a dit qu’il avait été embauché pour travailler et qu’il était payé pour travailler, ce pour quoi il était présent. M. Haché lui a demandé encore une fois s’il acceptait de travailler en tant qu’un membre de l’équipe, ce à quoi il a répliqué qu’il avait déjà répondu à la question. Il a dit à M. Haché qu’il était présent pour travailler.

[310]  M. Haché a alors dit à M. Burke que M. Wournell était considéré comme l’expert résident en ce qui concerne la pose des carreaux acoustiques. M. Burke a demandé ce qui faisait que M. Wournell était l’expert puisque personne ne pouvait être appelé expert en raison de l’expiration de leur certification. M. Haché a reconnu que personne ne verrait son certificat renouvelé en raison d’un manque de financement et il a admis qu’il n’y avait peut-être pas d’expert.

[311]  M. Burke a de nouveau soulevé le problème de communication et le refus de M. Haché de donner le nom des personnes qui s’étaient plaintes à son sujet. M. Haché a dit qu’il était toujours disposé à discuter des détails des plaintes et qu’ils pouvaient se voir après la rencontre si le fonctionnaire le souhaitait.

[312]  M. Burke a dit que peut-être lui-même, M. Haché et M. Hawker devraient s’asseoir et discuter de la question. M. Haché lui a dit qu’il organiserait une rencontre avec M. Hawker.

[313]  M. Burke a soulevé la question de son mandat en tant que chef d’équipe et le fait que M. Haché l’avait relevé de ce rôle en raison de son manque de communication avec l’équipe. Il a dit que c’était lui qui n’avait pas reçu de communication ou d’aide de l’équipe.

[314]  M. Wournell a déclaré qu’il croyait que M. Burke ne demandait pas d’aide parce qu’il ne voulait pas d’aide et que la plupart du temps, il préférait travailler seul.

[315]  M. Wournell a demandé à M. Burke pourquoi il choisissait de venir au travail en étant tout le temps fâché. Était-ce parce qu’il n’aimait pas les membres de l’équipe des carreaux acoustiques? Ou parce qu’il n’aimait simplement pas travailler avec eux?

[316]  M. Haché a alors demandé à M. Burke s’il voyait un problème à travailler avec l’équipe actuelle. M. Burke a répondu qu’il ne s’agissait pas qu’il ne voulait pas travailler avec eux, mais plutôt qu’ils ne voulaient pas travailler avec lui. Il a demandé à M. Burke ce qui le poussait à dire cela. Le fonctionnaire a dit qu’il ne savait pas et que si M. Haché voulait savoir, il devrait le demander aux membres de l’équipe.

[317]  M. Haché a alors demandé à M. Foster, à Lee Burke et à M. Wournell s’ils voyaient un problème à travailler avec M. Burke.

[318]  M. Fox a dit que lui-même, Lee Burke et M. Wournell voulaient travailler en tant qu’équipe, mais que le fonctionnaire rendait cette tâche difficile. Pour sa part, il n’aimait pas travailler avec M. Burke parce que le fonctionnaire obtenait ce qu’il voulait en intimidant les autres, qu’il communiquait peu et qu’il travaillait seul. Il ne collaborait pas avec les membres de l’équipe.

[319]  M. Burke a dit qu’il n’aimait pas travailler avec M. Foster parce qu’il était hypocrite. M. Foster a dit à M. Burke que le sentiment était réciproque et qu’il n’aimait pas travailler avec lui. Le fonctionnaire a dit qu’il n’était pas celui qui ne voulait pas travailler avec les autres.

[320]  M. Haché a déclaré que, pour réunir l’équipe, il pensait qu’il était approprié de clarifier la question. Il a fait un tour de table.

[321]  Lee Burke a dit qu’il avait tenté de s’entendre avec le fonctionnaire, mais qu’il n’aimait pas travailler avec lui parce qu’il ne savait jamais comment l’aborder. M. Haché a déclaré que le fonctionnaire s’est mis sur la défensive et qu’il a demandé à Lee Burke de donner un exemple. Lee Burke a mentionné une situation qui s’était déroulée quelques jours plus tôt où il avait demandé au fonctionnaire où se trouvait la buse de l’aspirateur d’atelier et qu’il avait obtenu une réponse sèche. Le fonctionnaire a nié avoir donné une réponse sèche, déclarant qu’il avait simplement dit à Lee Burke d’aller voir par lui-même.

[322]  M. Haché a alors invité M. Wournell à formuler des commentaires. Ce dernier a dit qu’il n’aimait pas travailler avec M. Burke à cause de ce qui avait déjà été dit, soit que M. Burke ne communiquait pas avec l’équipe, qu’il décidait de faire ce qu’il voulait lorsqu’il commençait le matin et qu’il ne travaillait pas bien avec l’équipe.

[323]  M. Burke a dit à M. Wournell qu’il était hypocrite comme M. Foster et il lui a demandé pourquoi M. Foster était présent à la rencontre, car à un certain moment il faisait partie de l’équipe des carreaux et qu’ensuite, il agissait comme le patron de l’autre atelier. En tant que président du syndicat, comment pouvait-il impunément occuper un poste de direction?

[324]  M. Wournell a dit que, personnellement, il n’était pas en faveur de cette situation, mais puisqu’elle avait fait l’objet d’un vote à une rencontre syndicale, les membres du syndicat devaient l’accepter.

[325]  M. Haché s’est porté garant de M. Foster et il a dit que M. Wournell avait renoncé au poste de superviseur parce qu’il était un vice-président du syndicat. M. Wournell a dit à M. Burke que, s’il n’aimait pas la situation, il devait assister à une rencontre syndicale où il aurait pu partager son point de vue, mais qu’il en était ainsi pour l’instant.

[326]  M. Haché a noté que M. Burke s’est levé et s’est rendu à la fontaine pour remplir sa bouteille d’eau après l’avoir vidée pendant l’échange houleux de commentaires personnels.

[327]  M. Haché a déclaré que M. Foster n’avait pas nécessairement son mot à dire parce que lorsqu’est venu le moment de trouver un superviseur intérimaire, la direction a suivi une liste.

[328]  M. Foster est intervenu, déclarant que M. Burke avait tort de formuler les commentaires qu’il avait faits et il a commencé à expliquer le fonctionnement du processus.

[329]  En chemin de retour à sa place, le fonctionnaire s’est arrêté, s’est tourné vers M. Foster et lui a dit qu’il ne lui parlait pas, mais à M. Haché et il a dit : [traduction] « tu as beaucoup de choses à dire ». Il a fait des gestes alors qu’il ouvrait et fermait sa main et il a dit : [traduction] « il faut que tu fermes ta p----- de gueule ».

[330]  M. Foster a dit à M. Haché qu’il en avait assez et qu’il ne voulait plus travailler avec M. Burke. M. Burke a dit à M. Foster qu’il ne voulait plus travailler avec lui.

[331]  M. Burke a alors soulevé un incident que M. Foster, en sa qualité de président de syndicat, n’aurait pas dû permettre selon lui lorsqu’il a autorisé un peintre à couper des carreaux acoustiques parce que le peintre n’avait pas le droit de faire le travail d’un charpentier de marine.

[332]  Lee Burke a accusé le fonctionnaire d’avoir fait la même chose, soit d’avoir permis à un employé de l’ingénierie d’utiliser la scie à ruban de l’équipe des carreaux acoustiques pour couper du bois. Une discussion a suivi au cours de laquelle M. Foster et M. Burke ont tous les deux nié que les incidents contrevenaient présumément à l’article relatif au travail de l’unité de négociation de la convention collective.

[333]  Lee Burke a soutenu le fonctionnaire ne pouvait pas donner la permission à quiconque de couper du bois avec la scie à ruban parce que la sciure de bois allait contaminer les carreaux acoustiques. Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait empêché que cela se produise parce qu’il avait tout ramassé avec l’aspirateur. M. Haché était d’accord avec Lee Burke.

[334]  M. Haché a noté que M. Burke devenait plus agité, qu’il était rouge et qu’il prenait constamment des gorgées d’eau.

[335]  M. Burke a répété que M. Wournell était hypocrite, mais que, si le fonctionnaire avait un problème, il ne parlait pas des gens quand ils avaient le dos tourné. Il a dit qu’il n’aimait pas les hypocrites, qu’il pensait la même chose de M. Wournell et qu’il ne voulait pas travailler avec ce dernier. M. Wournell a reconnu la position du fonctionnaire et il a dit qu’ils étaient pareils, parce qu’il n’aimait pas travailler avec le fonctionnaire.

[336]  Le fonctionnaire a dit qu’il se moquait de ce que pensait M. Wournell et il a expliqué que ce n’était pas la première fois que cela se produisait parce qu’ils s’étaient déjà trouvés dans cette situation. M. Wournell lui a demandé à quoi il faisait référence. M. Burke a déclaré qu’il n’y avait pas de problème, parce qu’il y avait des façons de régler cette question.

[337]  M. Haché a demandé à M. Burke ce qu’il voulait dire par ses commentaires, mais M. Burke ne lui a pas répondu. M. Wournell lui a demandé ce qu’il voulait dire par des façons de régler cette question. Le fonctionnaire a déclaré ce qui suit : [traduction] « Oh, il y a des façons de régler cette question. Tu vois ce que je veux dire et tu sais comment la régler aussi. »

[338]  M. Haché a dit que M. Wournell a souri d’un air suffisant. Il a noté que le fonctionnaire, qui était furieux, a tout de suite vu cette expression et il a demandé à M. Wournell s’il pensait que la situation était amusante. M. Wournell et M. Burke se sont dévisagés. La salle est devenue silencieuse pendant environ 25 secondes. M. Wournell a alors dit à M. Haché qu’il en avait assez et qu’il ne voulait plus travailler avec le fonctionnaire.

[339]  M. Haché a ensuite demandé à Lee Burke quel était son point de vue. Ce dernier a dit qu’après tout ce qui avait été dit et étant donné la situation, lui non plus ne voulait plus travailler avec M. Burke.

[340]  M. Haché a déclaré qu’il avait avisé M. Burke qu’il avait décidé de retirer le fonctionnaire de l’équipe des carreaux acoustiques et de le transférer à l’équipe des carreaux du navire de surface. La décision de M. Haché était définitive. Il a alors ajourné la rencontre.

[341]  Dans ses notes, M. Haché a indiqué que, étant donné que l’ambiance était tendue en raison de l’échange de sentiments personnels à fleur de peau, il comprenait qu’il avait la responsabilité et le devoir de garder un œil sur les membres de l’équipe.

[342]  Dans son témoignage, il a déclaré que M. Burke était naturellement dans un état agité. Il a dit que M. Foster et M. Burke étaient les deux derniers à quitter la salle à manger, alors il les a suivis. M. Burke ne semblait pas être détendu, mais que compte tenu de ce qui venait de se passer, il était compréhensible qu’il soit agité et en colère.

[343]  M. Foster a descendu les escaliers en premier, suivi de M. Burke. Au bas de l’escalier, M. Foster a tourné à gauche et M. Burke l’a suivi. M. Foster a changé de direction puis a tourné à droite, alors que M. Burke a changé de cap pour suivre M. Foster. M. Foster s’est arrêté. M. Burke a remarqué la présence de M. Haché dans l’escalier. Il a contourné M. Foster par la droite et il a continué d’avancer.

[344]  Plus tard au cours de la matinée, M. Burke a abordé M. Haché et lui a dit qu’il allait chez lui parce qu’il se sentait malade.

[345]  Il a été interrogé au sujet de la déclaration du fonctionnaire, soit qu’il y avait d’autres façons de régler la question, et s’il avait eu une discussion précédente avec M. Burke. Il a dit qu’en 2009, il avait demandé à M. Covey d’aider M. Burke sur un projet. M. Covey a dit qu’il voulait être transféré à une autre équipe de charpentiers de marine. M. Covey lui a dit que, même si, lorsqu’ils avaient travaillé ensemble dans le passé, tout s’était bien passé, il avait entendu dire que M. Burke avait été accusé de tentative de meurtre. M. Haché croyait que M. Burke avait été présent au moment de la discussion avec M. Covey.

[346]  M. Haché a plus tard rencontré M. Burke pour savoir comment les choses se passaient. Toutefois, après la réunion, M. Burke a dit que l’affaire Covey n’était pas réglée, mais qu’il y avait des façons de le faire. Il a dit que ce n’était pas encore fini.

[347]  M. Haché a mentionné l’incident Covey, qui avait mené à la suspension de trois jours de M. Burke.

[348]  En contre-interrogatoire. M. Haché a été interrogé sur la question de savoir si, lorsque M. Wournell a dit que la situation était explosive le matin du 11 mai 2011, il sous-entendait n’importe quelle cause. Il a aussi été invité à dire si un incident avait mené à la rencontre qui s’était tenue immédiatement. Il a dit que M. Wournell était préoccupé par le fait que l’équipe ne communiquait pas.

[349]  M. Haché a reconnu qu’il avait dit à M. Burke qu’il devait suivre un programme de gestion de la colère sur les directives de M. Hawker dans le cadre d’une mesure disciplinaire imposée à la suite de l’incident Covey. Il ne savait pas que le programme était volontaire. Il a admis qu’il ne connaissait pas les techniques de gestion de la colère. À la question de savoir s’il était au courant que, dans une situation qui était sur le point de devenir explosive, la première recommandation en matière de gestion de la colère consistait à se retirer de la situation, M. Haché a répondu qu’il ne connaissait pas cette technique.

[350]  Il a dit que, lorsqu’il a organisé la rencontre du 11 mai, il pensait qu’il pouvait contrôler la situation.

[351]  Il a été invité à reconnaître qu’en indiquant que M. Wournell était l’expert en pose de carreaux à l’interne, sa déclaration avait empiré la situation et qu’il avait créé de l’animosité. Il a dit que ce n’était pas son intention. Toutefois, il comprenait pourquoi M. Burke pouvait avoir cette impression.

[352]  À la question de savoir si, lorsqu’il est devenu évident que la rencontre ne fonctionnait plus, il aurait dû y mettre fin, il a répondu qu’il ne l’avait pas envisagé.

[353]  Il a confirmé qu’avant la rencontre, il n’a pas donné à M. Burke le nom des personnes qui avaient indiqué qu’elles ne souhaitaient plus travailler avec lui.

[354]  Il ne savait pas si les personnes s’étaient parlé avant la rencontre. Il a été interrogé sur la raison pour laquelle il a fait le tour de la salle pour demander aux trois autres membres de l’équipe s’ils voulaient travailler avec le fonctionnaire, alors qu’il connaissait déjà la réponse. Il a dit qu’il voulait faire un tour de table pour clarifier la question.

[355]  On lui a dit que l’objet de la rencontre n’avait pas fonctionné. Il a été renvoyé à ses notes, où il a confirmé que la rencontre ne s’était pas déroulée aussi bien qu’il l’avait espéré et où il indiquait que l’objet consistait à juger la réaction de M. Burke. À la question de savoir s’il pouvait voir qu’il avait créé une dynamique de rencontre pour qu’elle mène à la confrontation et provoque de l’animosité, il n’a pas répondu.

[356]  À la question de savoir si M. Burke avait pris la bonne décision après la rencontre en quittant le travail, il a dit qu’il était d’accord. Il a aussi reconnu que les événements mentionnés à la rencontre n’avaient pas fait l’objet d’une enquête.

[357]  Il a reconnu qu’après la rencontre, le fonctionnaire avait suivi le meilleur trajet pour se rendre à son espace de travail. Il a aussi reconnu qu’il n’y avait pas eu de violence. La situation avait été intense, mais pas extrême au point de nécessiter la présence de la police militaire.

a.  M. Wournell

[358]  M. Wournell a déclaré que le fait de travailler avec M. Burke n’était pas trop difficile au début. Toutefois, à mesure que le temps a passé, la situation a empiré. La plupart du temps, ils avaient une bonne relation de travail. M. Burke travaillait essentiellement seul à faire du ponçage, alors que lui-même et les autres travaillaient sur le sous-marin. Au cours de la dernière année, ils ont commencé à travailler sur des coffrages et ils n’étaient pas souvent à l’extérieur. À ce moment, l’équipe a retranché huit ou neuf employés et deux apprentis. Les relations de travail ont changé puisqu’ils étaient tous ensemble au même endroit chaque jour. M. Burke adoptait souvent une attitude de confrontation. Un jour, on a demandé à M. Burke combien de carreaux étaient prêts. Il a répondu : [traduction] « Tu sais combien j’en ai préparés. » Il a projeté une chaise contre une table, disant [traduction] « Je t’ai dit combien de carreaux j’avais préparés. » À une autre occasion, quelqu’un lui a dit que l’espace entre les carreaux était trop grand. M. Burke a enfoncé un couteau à lame rétractable dans un espace et il est parti en claquant la porte. L’espace a dû être comblé.

[359]  Le souvenir de M. Wournell des événements de la rencontre du 11 mai n’était pas considérablement différent de celui de M. Haché.

[360]  M. Wournell a perçu comme une menace la déclaration de M. Burke selon laquelle : [traduction] « […] il y a des façons de régler cette question. Tu vois ce que je veux dire. »

[361]  Il a reconnu que M. Burke a fait la majeure partie du ponçage des carreaux pendant deux ans et qu’il l’a fait selon une norme acceptable. À la question de savoir si M. Burke travaillait seul parce qu’il était le seul qui voulait poncer les carreaux, il a répondu que c’était peut-être la raison.

[362]  Il a été renvoyé à une note d’information et à la chronologie au soutien de la recommandation du licenciement de M. Burke qui mentionnent la rencontre du 11 mai 2011 comme suit : [traduction] « À la fin de la rencontre, M. Burke a fait une déclaration menaçante à l’endroit de son chef d’équipe suggérant qu’il y avait d’autres façons physiques de régler leurs problèmes. » On lui a demandé s’il reconnaissait que le mot [traduction] « physiques » n’avait pas été employé. Il a répondu que lorsque M. Burke l’avait menacé, c’était physique, même si M. Burke n’avait pas employé le mot « physiques ». Il a reconnu que si M. Burke avait dit qu’il y avait [traduction] « d’autres » façons ou des façons [traduction] « physiques » de régler les problèmes, il s’agissait de deux significations différentes.

b.   M. Foster

[363]  M. Foster a décrit M. Burke comme un collègue typique. Ils échangeaient des banalités sur leurs voyages, le hockey et ce qu’ils aimaient et n’aimaient pas. À mesure que le temps a passé, leur relation est devenue un peu plus tendue, froide et méthodique et ils communiquaient moins. La communication réduite n’était pas que d’un seul côté; il lui avait rendu la pareille.

[364]  Lorsqu’il travaillait avec M. Burke en tant que chef d’équipe, au début, tout semblait bien aller. M. Burke prenait son rôle au sérieux et ils interagissaient de façon positive. La situation était normale et la communication était acceptable.

[365]  À mesure que le temps a passé, M. Burke a arrêté de tenir des rencontres matinales et d’examiner les objectifs de la journée. M. Burke a commencé à faire ses propres tâches et M. Foster pensait que M. Burke s’attendait à ce que le reste de l’équipe fasse la même chose. Vers la fin de son mandat, il ne communiquait plus avec l’équipe.

[366]  Quant à ce qui a précipité la rencontre du 11 mai, il a dit que le projet d’installation des carreaux acoustiques dans le sous-marin était presque terminé et les coffrages étaient apportés à l’atelier. Jusqu’à ce moment-là, il y avait eu deux équipes. M. Burke préférait travailler seul et il ne voulait pas d’aide et les trois autres travaillaient sur le même projet, mais sur des coffrages différents. Il a dit qu’il y avait une mauvaise communication entre M. Wournell, qui était devenu le chef d’équipe, et M. Burke ainsi que le reste de l’équipe. Des incidents étaient survenus au cours des deux semaines précédant le 11 mai.

[367]  Il pensait que M. Burke était sur la défensive pendant la rencontre lorsque la question de l’espacement des carreaux a été soulevée. Lorsque M. Haché a insisté sur le fait que M. Wournell était maintenant le chef d’équipe et qu’il avait de l’expertise dans l’installation des carreaux acoustiques, M. Burke a contesté cette question puisqu’il croyait qu’il avait été autant formé et qu’il avait la même expérience.

[368]  M. Foster a reçu un appel téléphonique et il est sorti de la salle. Lorsqu’il est revenu, M. Haché, M. Burke et M. Wournell étaient en discussion, ce qui a entraîné la confrontation.

[369]  M. Burke a dit à M. Wournell qu’il y avait une autre façon de régler le problème qu’ils avaient. M. Wournell lui a demandé ce qu’il voulait dire. Il a répondu [traduction] « Nous pouvons régler cela d’une autre façon, à l’extérieur ». M. Foster a pensé qu’il s’agissait d’une menace.

[370]  Il a déclaré que la situation s’était aggravée à mesure que la rencontre progressait. Tout le monde était mal à l’aise. M. Burke buvait une bouteille d’eau vide. Il était tellement agité qu’il n’avait pas réalisé qu’elle ne contenait pas d’eau. Après un moment, il l’a remplie au refroidisseur d’eau.

[371]  Lorsque M. Foster a tenté d’expliquer le processus de nomination d’un superviseur intérimaire, M. Burke l’a contesté et, alors qu’il ouvrait et fermait sa main, il s’est approché de M. Foster alors que ce dernier était assis et il a dit [traduction] « ferme ta p----- de gueule ». Il a répété que M. Foster parlait sans cesse et pensait qu’il savait tout.

[372]  Il a décrit le langage corporel du fonctionnaire comme étant rigide, agressif et intimidant. Il n’avait jamais eu une telle interaction avec M. Burke et n’avait jamais vu ce côté de lui.

[373]  Après la réunion, il a descendu au palier. Il s’est retourné et il a vu que M. Burke marchait derrière lui. Cela l’a rendu mal à l’aise. Il a descendu le deuxième escalier et il a regardé par-dessus son épaule. M. Burke était à trois ou quatre pieds derrière lui. Il s’est dirigé vers la gauche, puis s’est arrêté et a tourné à droite. M. Burke a commencé à le suivre. Il a remarqué que M. Haché était derrière M. Burke. M. Burke a dépassé M. Foster et s’est rendu à l’atelier. M. Foster a dit qu’il a trouvé que la situation était intimidante.

[374]  En contre-interrogatoire, M. Burke lui a demandé s’il craignait qu’il y ait une altercation. Il a répondu qu’il avait eu [traduction] « peur de ne pas savoir ce qui allait arriver ». Il a reconnu que l’escalier vers l’étage principal passe par l’atelier de câbles, où les employés travaillent. Il a admis que la façon la plus fréquente et normale de quitter la salle à manger est de prendre l’escalier pour se rendre à l’atelier de câbles.

[375]  Il a reconnu qu’aucune rencontre n’avait été convoquée pour gérer le moral de l’équipe avant le 11 mai 2011.

[376]  À la question de savoir s’il aurait été approprié d’appeler la police militaire, il a répondu par la négative. Il s’était fait dire de se taire, ce qu’il avait fait. Il ne pensait pas qu’il aurait été physiquement attaqué dans ce groupe.

[377]  Il s’est fait demander si, dans l’éventualité où une personne apprenait que d’autres personnes ne voulaient pas travailler avec elle, mais qu’elle n’obtenait pas de nom, la situation deviendrait encore plus difficile parce que cette personne voudrait connaître leur identité. Il a répondu [traduction] « oui ».

[378]  Il a été renvoyé à son témoignage où il a dit qu’avec le temps, la relation avec M. Burke s’était détériorée et il a été interrogé pour savoir s’il avait déjà demandé à M. Burke quelle en était la raison. Il a répondu : [traduction] « Non ». Il a aussi été renvoyé au moment où il a dit qu’il avait aussi commencé à lui rendre la pareille. Il a dit que [traduction] « rendre la pareille » dans ce contexte renvoyait à l’absence de communication.

[379]  La déclaration écrite des événements de M. Foster du 11 mai 2011 a été déposée en preuve. Ses notes indiquent qu’après que M. Burke a déclaré qu’il voulait connaître le nom des collègues qui avaient refusé de travailler avec lui et que M. Haché lui avait donné la même réponse qu’auparavant, M. Foster a dit que pour régler la question, ils devaient tout mettre sur la table. À ce moment, il a demandé à M. Burke s’il aimait travailler avec lui.

c.  Mme Gallivan

[380]  Mme Gallivan a participé pour la première fois au dossier de M. Burke en septembre 2011 en tant que conseillère de M. Hawker. Elle a rédigé la note d’information recommandant le licenciement du fonctionnaire qui comprenait une description du comportement de M. Burke à la rencontre du 11 mai 2011.

[381]  Elle a été interrogée sur la question de savoir si les allégations formulées contre le fonctionnaire qui avaient découlé de la rencontre du 11 mai 2011 avaient fait l’objet d’une enquête et qui avait décidé qu’il s’agissait de comportements observables. Elle a dit qu’elles étaient fondées sur des renseignements présentés par la direction. On lui a fait remarquer qu’elle n’avait pas entendu les deux versions. Elle a répondu que c’était la raison pour laquelle les renseignements avaient été rédigés en tant qu’allégations. On lui a dit que des allégations ne sont pas des comportements observables, comme l’indique la note d’information.

[382]  En ce qui concerne cette rencontre, la note d’information se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

[…] À la rencontre, M. Burke est devenu très agité et il était sur la défensive, il a même blasphémé contre certains de ses collègues. À la fin de la rencontre, M. Burke a fait une déclaration menaçante à l’endroit de son chef d’équipe suggérant qu’il y avait d’autres façons physiques de régler leurs problèmes. Après la rencontre, M. Burke a avisé son superviseur M. Haché qu’il ne se sentait pas bien et qu’il quittait le travail. M. Haché a engagé son gestionnaire de groupe M. Hawker, et un avis d’inconduite alléguée a été envoyé pour informer M. Burke que l’accident ferait l’objet d’une enquête à son retour dans le lieu de travail. De plus, étant donné que la direction était toujours préoccupée par le comportement violent et agressif démontré par M. Burke dans le lieu de travail, elle a envoyé à M. Burke une lettre qu’il devait remettre à son médecin traitant. […]

[…]

[Je souligne]

[383]  Elle a été renvoyée aux notes de la rencontre du 11 mai de M. Haché pour constater que nulle part elles n’indiquaient que M. Burke avait menacé quiconque ni qu’il avait utilisé le mot [traduction] « physiques ». Elle a dit que c’est ce qu’on lui avait communiqué ou transmis. Elle a été priée de confirmer s’il s’agissait de ses propres mots. Elle l’a admis. Elle a été priée de confirmer que ces mots ne figuraient pas dans les comptes rendus de la rencontre. Elle a répondu qu’elle n’était pas présente et qu’elle ne le savait pas.

[384]  Mme Gallivan a été renvoyée à la chronologie détaillée comprise pour référence dans la note d’information appuyant la recommandation de mettre fin à l’emploi du fonctionnaire, dans laquelle, après une description d’un certain nombre d’incidents clés, on indiquait que, même si l’incident n’avait jamais été officiellement abordé ou n’avait pas fait l’objet d’une enquête officielle, il démontrait un exemple du comportement de M. Burke dans le lieu de travail.

[385]  Elle a dit qu’il s’agissait d’allégations pour démontrer un comportement possible. À la question de savoir si, lorsqu’il y avait une importante divergence entre la possibilité que quelque chose arrive et la réalisation d’une chose, on peut dire que le comportement a été démontré, elle a répondu que la direction avait présenté ces faits. Elle a reconnu qu’ils n’avaient probablement pas été démontrés.

[386]  Lorsqu’elle a obtenu le dossier, il contenait des rapports et des notes d’information. Elle a dit qu’elle n’a participé à aucune des enquêtes antérieures ni qu’elle a cherché à confirmer leurs conclusions. Elle a fourni une chronologie des faits et des documents dans le dossier et a rédigé la note d’information.

d.  Le fonctionnaire s’estimant lésé

[387]  Le 11 mai, le fonctionnaire se trouvait dans le lieu de travail lorsque M. Foster l’a abordé pour l’aviser qu’ils devaient se présenter à une rencontre. Le reste de l’équipe était présente. Il sentait que tous les yeux étaient braqués sur lui.

[388]  Lorsque le fonctionnaire est arrivé, les quatre autres étaient déjà dans la salle et ils étaient assis à une extrémité de la table. Il n’avait pas eu d’avis de la rencontre. Selon lui, l’ambiance n’était pas naturelle.

[389]  Il a renvoyé à la déclaration écrite de M. Haché qui faisait référence au motif de la rencontre, soit que M. Wournell lui avait dit que quelque chose devait être fait parce que la situation était devenue inacceptable et qu’elle avait empiré presque au point de devenir explosive.

[390]  M. Burke a déclaré que le raisonnement de M. Haché était douteux et fabriqué. Il n’a rien consigné de particulier qui était arrivé ce matin-là comme ayant amené la situation à empirer au point d’être explosive. Il n’y avait pas de besoin immédiat à convoquer une rencontre. La situation n’était pas pire qu’elle l’avait été la veille du 3 mai ou cette journée-là, soit la date de l’évaluation de M. Burke en tant que chef d’équipe.

[391]  Le fonctionnaire avait demandé à rencontrer M. Hawker le 3 mai pour faire toute la lumière sur la situation. M. Hawker lui avait donné cinq minutes pour expliquer la situation. Il a avisé le fonctionnaire qu’il voulait avoir la version de M. Haché. M. Hawker n’a jamais communiqué avec le fonctionnaire et, 13 jours plus tard, il lui a envoyé une lettre l’obligeant à subir une EAT.

[392]  M. Haché ne savait pas quoi faire et il voulait avoir l’avis des Ressources humaines. Malgré le fait qu’il ne savait pas si la situation était devenue explosive, il a convoqué la rencontre immédiatement. Selon M. Burke, rien n’indiquait que la situation était devenue explosive.

[393]  M. Haché a soulevé la question de l’enregistrement, de la collecte et du classement des faits probants selon lesquels le processus des carreaux acoustiques n’était pas respecté. M. Burke a déclaré que l’enregistrement, la collecte et le classement avaient été faits et il a demandé pourquoi M. Haché avait soulevé la question à la fin du projet.

[394]  Il a déclaré que M. Haché avait décrit M. Wournell comme l’expert de la pose des carreaux acoustiques. M. Haché avait creusé un fossé entre le fonctionnaire et les autres travailleurs. À son avis, la rencontre n’était rien d’autre que du harcèlement. Il avait travaillé dur pendant deux ans et il avait donné le meilleur de lui-même.

[395]  M. Burke a renvoyé aux notes de M. Haché selon lesquelles il avait demandé à M. Burke s’il voyait un problème à travailler avec l’équipe actuelle. Il avait répondu que ce n’était pas le cas parce qu’il ne s’agissait pas de savoir s’il voulait travailler avec eux, mais plutôt s’ils voulaient travailler avec lui. M. Haché a alors demandé aux membres de l’équipe s’ils voyaient un problème à travailler avec M. Burke et, si oui, pourquoi.

[396]  M. Burke a dit qu’il était évident que M. Haché savait avant de convoquer la rencontre et de poser la question que les membres de l’équipe ne voulaient pas travailler avec lui. Il a dit que la question avait été posée pour le provoquer.

[397]  Le fonctionnaire a déclaré que les autres employés ont assisté à la rencontre après avoir dit à leur superviseur qu’ils ne voulaient pas travailler avec lui. Il a dit qu’ils sont allés à la rencontre sous le prétexte de régler des problèmes. À son avis, elle a été fixée de façon sournoise, et ils n’ont pas été francs.

[398]  Il a reconnu qu’à la rencontre, il a traité M. Foster d’hypocrite. Il ne l’a pas accusé de faire des choses à son insu. Il a accusé M. Foster de faire des blagues avec les autres employés puis de parler en mal d’eux lorsqu’ils avaient le dos tourné parce qu’ils voulaient faire engager des entrepreneurs externes. Il a aussi traité M. Wournell d’hypocrite parce qu’il faisait la même chose.

[399]  Il a déclaré qu’après que Lee Burke et M. Wournell ont dit qu’ils n’aimaient pas travailler avec le fonctionnaire et qu’il avait expliqué que ce n’était pas la première fois que cela arrivait, M. Wournell a dit qu’il ne comprenait absolument rien et il a mis en doute ce à quoi M. Burke faisait référence. M. Burke a déclaré que M. Wournell avait souri d’un air suffisant et qu’il avait demandé à M. Wournell ce pour quoi il souriait. À ce moment, M. Burke a déclaré qu’il avait dit à M. Wournell qu’il y avait d’autres façons de régler cette question. Il n’a jamais dit à M. Wournell qu’il s’agissait d’une menace physique.

[400]  Il a déclaré que, chaque fois que M. Haché soulevait une question au sujet de M. Burke, M. Foster prenait la défense de M. Haché. Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait dit à M. Foster [traduction] « P-----, ferme-la ».

[401]  À la fin de la rencontre, M. Haché a dit il ne pouvait plus permettre à M. Burke de travailler dans l’équipe des carreaux acoustiques et qu’il le transférait dans l’équipe des carreaux du navire de surface. M. Burke a déclaré que c’était une gifle au visage puisqu’il avait travaillé et fait de son mieux pendant deux ans sur le projet et qu’on ne lui en avait accordé aucun crédit.

[402]  Il a déclaré que, si M. Hawker et M. Haché avaient des préoccupations, il était allé les voir le 11 mai pour en discuter. Ils auraient eu amplement le temps avant le 11 mai pour les régler.

VI.  Analyse

[403]  Selon la prépondérance des probabilités, je n’ai aucune difficulté à conclure que, d’après la preuve, durant la rencontre du 11 mai 2011, M. Burke est devenu très agité et en colère. Il a admis avoir dit à M. Foster [traduction] « P-----, ferme-la ». Il a aussi reconnu avoir dit à M. Wournell qu’il [traduction] « y avait d’autres façons de régler cette question », même s’il a déclaré qu’il ne s’agissait pas d’une menace physique. Je préfère le souvenir de M. Haché et de M. Wournell de la phrase plus complète [traduction] « Oh, il y a des façons de régler cette question. Tu vois ce que je veux dire et tu sais comment la régler aussi », étant donné l’état agité dans lequel se trouvait le fonctionnaire à ce moment.

[404]  À mon avis, selon les [traduction] « émotions à fleur de peau » (terme employé par M. Haché) des participants à ce moment, je conclus que les mots représentaient une menace. Toutefois, je ne suis pas convaincu que la menace représentait de la violence dans le lieu de travail, au sens de l’article 20.2 du Règlement. À mon avis, elle ne pouvait vraisemblablement pas causer un dommage, un préjudice ou une maladie à M. Wournell puisqu’elle a été faite en présence de M. Haché et du reste de l’équipe et qu’il était très peu probable qu’elle soit mise en œuvre. M. Foster lui-même ne croyait pas qu’il serait physiquement attaqué par M. Burke dans ce groupe.

[405]  M. Haché a déclaré que, pour réunir l’équipe, il pensait qu’il était approprié de clarifier la question en faisant un tour de table et en demandant à chacun s’il voyait un problème à travailler avec M. Burke et, le cas échéant, pourquoi. Il a reconnu que la rencontre n’avait pas pris la direction qu’il espérait. M. Wournell, M. Foster et Lee Burke ont tous dit qu’ils ne voulaient pas travailler avec le fonctionnaire.

[406]  Pourtant, avant la rencontre, M. Haché savait que M. Foster et M. Wournell avaient demandé à être transférés à une autre équipe de travail parce qu’ils ne voulaient pas travailler avec M. Burke. Il a reconnu qu’à mesure que la réunion avançait, M. Burke devenait de plus en plus agité. Dans ses notes, il a écrit que M. Burke était dans un état agité pour des [traduction] « raisons compréhensibles » et que compte tenu de ce qui venait de se passer, il était [traduction] « compréhensible » qu’il soit agité et en colère.

[407]  À mon avis, la décision antérieure de M. Haché de demander une rencontre avec les Ressources humaines pour obtenir des directives sur la façon de gérer la situation était l’approche à privilégier. Les incidents de comportement problématique devraient être gérés en parlant rapidement à l’employé en privé de la façon dont le comportement a une incidence négative sur le rendement, conformément aux dispositions de la convention collective. M. Burke a appris le 3 mai que certains de ses collègues, qui n’ont pas été identifiés, s’étaient plaints de lui et ne voulaient plus travailler avec lui. Il a demandé à régler la question avec M. Hawker cette journée-là. Cela n’a pas été fait.

[408]  Il n’est pas surprenant de constater que l’équipe et le fonctionnaire avaient des problèmes de communication après le 3 mai 2011, comme M. Foster l’a décrit. Il a reconnu que, lorsqu’une personne apprend que des personnes non identifiées ne veulent pas travailler avec elle, mais qu’en même temps cette personne n’obtient pas leur nom, la situation deviendra encore plus difficile, parce que, dans son esprit, cette personne voudra connaître leur identité.

[409]  Il aurait fallu donner suite à la proposition faite à la rencontre du 11 mai de discuter en privé des préoccupations au sujet des employés qui ne voulaient plus travailler avec M. Burke, dans le cadre d’une rencontre avec M. Hawker.

[410]  Même si elle n’était pas délibérée, la proposition de clarifier la question avec toute l’équipe en demandant à chacun des membres s’il voulait travailler avec M. Burke a provoqué ce dernier dans la mesure où il est devenu agité et en colère. S’il s’agissait d’une affaire disciplinaire, cela aurait été un motif pour atténuer la sanction disciplinaire. Il ne s’agissait pas d’une affaire disciplinaire. Toutefois, la provocation explique les réactions de M. Burke et, selon les mots de M. Haché, il était [traduction] « compréhensible » que le fonctionnaire soit agité et en colère.

[411]  Un certain nombre d’autres raisons en plus de celles mentionnées dans la lettre du 16 mai 2011 ont aussi été avancées comme fondement pour demander une EAT.

[412]  La première de ces allégations était celle selon laquelle le fonctionnaire avait été accusé de tentative de meurtre. M. Haché a déclaré qu’au départ, il n’était pas sûr s’il devait être celui qui en informerait la Commission; toutefois, l’information dans le lieu de travail selon laquelle le fonctionnaire avait été accusé de tentative de meurtre était une considération dans la demande d’EAT. À la question de savoir s’il avait des éléments de preuve pour justifier l’allégation, il a déclaré qu’il avait obtenu l’information d’un ancien collègue, probablement M. Covey.

[413]  M. Hawker a déclaré qu’il n’avait pas obtenu de renseignements au sujet d’une accusation de tentative de meurtre portée contre M. Burke.

[414]  M. Burke a déclaré qu’il n’avait aucun dossier criminel et qu’il n’était pas au courant, avant de l’avoir entendu le premier jour d’audience, de renseignements au sujet de cette accusation, que M. Covey a fournis à M. Haché.

[415]  J’accepte le témoignage de M. Haché à cet égard. De toute évidence, il voulait porter cette information à l’attention de la Commission et il a choisi de ne pas en discuter avec les avocats avant de témoigner. Au moment de son témoignage, il avait pris sa retraite et il n’était plus dans le lieu de travail. À mon avis, il a fourni un témoignage très équilibré et convaincant.

[416]  Les renseignements n’ont jamais été corroborés ni fait l’objet d’une enquête. M. Burke a déclaré qu’il n’a aucun dossier criminel. Sa déclaration n’a pas été contestée à cet égard. Je peux seulement conclure que cette rumeur non fondée a, selon la prépondérance des probabilités, largement circulé dans le lieu de travail, qu’elle a contribué à ostraciser M. Burke et qu’elle a joué un certain rôle dans le fait qu’il a été faussement accusé d’avoir agressé d’autres membres de l’équipe.

[417]  L’enquête dans le lieu de travail de l’équipe d’enquête sur le harcèlement des FMAR(A) portant sur les allégations de M. Turnbull selon lesquelles M. Burke l’avait agressé le 10 juin 2009 et le refus de travailler de M. Turnbull le 5 août 2010 à cause de craintes suscitées par les agissements ou le comportement de M. Burke était aussi pertinente. L’équipe a conclu que selon la prépondérance des probabilités, les allégations de M. Turnbull n’étaient pas fondées et elle a fourni ses observations en ce qui concerne le lieu de travail. Son rapport se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

68. […] Cette enquête a permis de conclure que des incidents de violence légère n’ont pas été signalés par manque de confiance envers les superviseurs. Les employés ont l’impression que peu de mesures correctives, voire aucune, seront prises et lorsqu’une mesure est prise, comme l’obligation de suivre un programme de gestion de la colère, elle est perçue comme étant inefficace […] Les conditions permettent maintenant de régler le refus de travailler et d’établir les paramètres de sécurité associés aux garanties de respect volontaire.

69. Problèmes de santé et de sécurité au travail. Les procédures pour trouver de l’aide à l’extérieur de l’atelier sont inadéquates et mal connues. Les contrôles préventifs existants sont inefficaces en partie en raison du roulement des chefs d’équipe aux projets de travail, du changement du personnel au niveau de la description de spécialité (DS), de l’isolement des lieux de travail et des chantiers et d’un manque de communication au sujet des questions essentielles touchant la santé et la sécurité au travail. Les procédures concernant le harcèlement, l’accès au mode alternatif de règlement des conflits, la violence dans le lieu de travail et les violations de la santé et la sécurité au travail doivent être clairement formulées et précisées pour ce lieu de travail.

[…]

73. La fluidité des équipes de travail et les emplacements de travail ont contribué à ce conflit. On n’a pas réglé ce conflit en temps utile, ce qui a empiré la situation. […]

[…]

[418]  Le rapport mentionne environ 20 incidents de violence légère, c’est-à-dire des agressions physiques, qui se sont déroulés sur une période de plusieurs années et qui n’ont pas été signalés. Le contexte du lieu de travail doit être pris en compte au moment d’évaluer le comportement de M. Burke. Le rapport laisse sous-entendre que la violence mineure dans le lieu de travail semble presque monnaie courante.

[419]  À la question de savoir à quel moment la direction a examiné pour la première fois la question de l’aptitude au travail du fonctionnaire, M. Hawker a déclaré qu’il ne s’agissait pas d’une idée de génie. Selon ce qui est survenu le 11 mai 2011, son équipe, M. Haché et Mme Nelson, des Ressources humaines, alors qu’ils réfléchissaient aux mesures disciplinaires antérieures, ont pensé que M. Burke ne semblait pas corriger son comportement. Il trouvait que toute la situation était alarmante. Il pensait qu’il était important de s’assurer que la direction était au courant des problèmes de santé sous-jacents.

[420]  Comme je l’ai indiqué, M. Burke lui a demandé, en référence à la lettre du 16 mai 2011 envoyée au médecin de M. Burke, ce que M. Hawker voulait obtenir après qu’il eut accepté le fait que le médecin ne devait pas se voir indiquer comment répondre aux questions figurant dans la lettre, que le médecin devait décider de la procédure et qu’il avait communiqué au médecin la description de travail. M. Hawker a dit qu’il voulait une évaluation et qu’il cherchait des limites. À la question de savoir s’il pensait que quelque chose n’allait pas chez M. Burke et s’il renvoyait à un problème médical ou mental, il a répondu qu’un problème mental fait partie d’un problème médical.

[421]  M. Burke lui a demandé s’il avait demandé une EAT pour des problèmes mentaux. Il a répondu par la négative et a déclaré qu’il s’agissait peut-être de problèmes psychologiques.

[422]  Dans Grover, M. le juge Shore a déclaré ce qui suit aux paragraphes 70 et 72 :

[70] […] La charge de la preuve repose sur l’employeur, lequel doit être disposé à produire une « preuve convaincante » au soutien de sa position. La nécessité d’un examen médical est décrite comme une « mesure drastique », qui doit reposer sur un « solide fondement » et qui ne sera requise que dans de « rares cas ». […]

[…]

[72] […] Par ailleurs, des « motifs raisonnables et probables » doivent exister avant que l’on puisse présumer que l’employé constitue un risque. Cela exclura nécessairement les suppositions ou conjectures. D’ailleurs, selon les mots employés par un arbitre, « l’employeur ne peut pas refuser d’autoriser un employé à retourner travailler à cause d’une simple possibilité que celuici ait des problèmes de santé dans lavenir ». []

[423]  Dans Niagara Peninsula Energy Inc., l’arbitre de différends a conclu que le problème d’un fonctionnaire qui perd patience et qui réagit de façon agressive ne constituait pas des motifs raisonnables et probables d’exiger que le fonctionnaire subisse une évaluation psychiatrique comme condition pour être autorisé à reprendre le travail. Il a déclaré ce qui suit aux paragraphes 119 et 120 :

[Traduction]

[119] […] Selon l’essentiel du témoignage [de l’employeur], il se demandait si la conduite du fonctionnaire s’estimant lésé était volontaire et donc coupable ou s’il s’agissait d’un comportement non coupable déclenché par un problème de santé mentale. Ce comportement est clairement loin de correspondre à la norme requise par la jurisprudence arbitrale […]

[120] Je conclus que le « doute » dans l’esprit de l’employeur en l’espèce n’est pas différent de la « simple possibilité » qui n’était pas suffisante selon la Cour pour respecter le critère des « motifs raisonnables et probables ». […] Le critère élaboré par la jurisprudence dans le but d’établir un équilibre entre les droits à la vie privée d’un employé et les droits et obligations de l’employeur de maintenir un lieu de travail sécuritaire impose un fardeau de la preuve à l’employeur, à savoir qu’il avait des « motifs raisonnables et probables » de croire que le fonctionnaire représentait un danger […]

[424]  À mon avis, les motifs fournis par M. Hawker pour demander l’évaluation psychiatrique du fonctionnaire étaient vagues. Dans sa réponse à la question de savoir s’il avait demandé l’évaluation de problèmes mentaux, il a répondu : [traduction] « Non, peut-être psychologiques ». Dans sa correspondance avec M. Burke et ses lettres adressées au médecin de ce dernier et à Santé Canada, M. Hawker n’a pas mentionné qu’il effectuait un examen psychiatrique. Ce n’est qu’en réponse à une question en contre-interrogatoire, après un certain nombre de jours d’audience, que j’ai appris que la question en litige en l’espèce visait un examen psychiatrique.

[425]  La correspondance de M. Hawker mentionne également le fait que M. Burke pourrait avoir fait l’objet de mesures disciplinaires à la suite de la rencontre du 11 mai 2011. Cette référence est conforme à son opinion vague selon laquelle il n’y avait qu’une possibilité que M. Burke souffre d’une invalidité mentale puisqu’il n’avait pas écarté la possibilité selon laquelle M. Burke avait eu une inconduite coupable.

[426]  L’employeur a-t-il respecté la norme élevée, à savoir qu’il avait des motifs raisonnables et probables de croire que M. Burke représentait un danger?

[427]  Selon les motifs formulés dans la lettre du 16 mai 2011, je ne suis pas convaincu que l’employeur a prouvé selon la prépondérance des probabilités que M. Burke réagissait fréquemment par des colères violentes, soit en utilisant des mots grossiers, en lançant des matériaux et en laissant tomber le travail qui lui était confié. La preuve a révélé qu’il a utilisé des mots grossiers lorsqu’il se mettait en colère à trois ou à quatre reprises sur une période de quatre ans et demi. Cette preuve n’appuie pas la conclusion selon laquelle il réagissait fréquemment par des colères violentes qui comprenaient l’emploi de mots grossiers.

[428]  La preuve n’appuie pas les conclusions selon lesquelles le fonctionnaire refusait d’accepter des ordres et qu’il recourait continuellement à des pratiques non sécuritaires. Deux incidents ont été mentionnés, qui ont été signalés aux superviseurs, lesquels ont choisi de ne pas faire enquête. M. Burke n’a même pas été avisé des incidents survenus en 2006 ou en 2007 concernant la surveillance du sous-marin, qui ont été signalés, mais qui n’ont pas fait l’objet d’une enquête.

[429]  Toutefois, je conclus que, selon la décision de l’arbitre de grief Richardson, M. Burke a commis de la violence dans le lieu de travail lorsqu’il a agressé M. Covey en octobre 2009. J’accepte la qualification par l’arbitre de grief Richardson du fait que l’agression n’était pas plus que du malmenage. Je conclus également que M. Burke a eu un comportement menaçant et qu’il a échangé des mots grossiers avec M. Meehan en mai 2010, environ sept mois plus tard. Toutefois, j’ai conclu que ce comportement ne représentait pas de la violence dans le lieu de travail puisque la nature de la menace ne pouvait pas vraisemblablement causer un dommage ou un préjudice à M. Meehan.

[430]  Je conclus également que M. Burke a échangé des mots grossiers avec M. Foster le 11 mai 2011, un an après l’incident de mai 2010, lorsqu’il lui a dit de fermer sa p----- de gueule. Je conclus également que M. Burke a menacé M. Wournell lorsqu’il a dit : [traduction] « […] Tu vois ce que je veux dire et tu sais comment la régler aussi », après que M. Wournell a dit à M. Burke qu’il n’aimait pas travailler avec lui. Toutefois, dans ces circonstances, la menace ne pouvait pas vraisemblablement causer un dommage à M. Wournell et, à mon avis, elle ne représentait pas de la violence dans le lieu de travail.

[431]  J’ai conclu que la décision de clarifier la question avec toute l’équipe, même si elle n’était pas délibérée, a provoqué M. Burke dans la mesure où il est devenu agité et en colère. Selon les mots de M. Haché, il était compréhensible que M. Burke soit agité et en colère et la situation fournit une explication rationnelle de son comportement déplacé. La réaction de M. Burke, même si elle ne peut être tolérée, ne semblait pas complètement disproportionnée aux difficultés qu’il a vécues à la rencontre.

[432]  De toute évidence, la rumeur selon laquelle le fonctionnaire avait été accusé de tentative de meurtre n’a pas été prouvée. Comme je l’ai indiqué, j’accepte le témoignage de M. Haché selon lequel il s’agissait d’un facteur dans la demande d’une EAT.

[433]  Pour les motifs qui précèdent, comme dans Niagara Peninsula Energy Inc., où l’employé a aussi perdu son sang-froid et a agi de façon agressive, je ne suis pas convaincu que l’employeur s’est acquitté de son fardeau de présenter une preuve convaincante qu’il avait des motifs raisonnables et probables de conclure qu’il était probable que M. Burke souffrait d’une maladie mentale lui permettant de demander qu’il subisse un examen psychiatrique avant de l’autoriser à revenir dans le lieu de travail.

[434]  L’employeur a soutenu que la preuve appuie les mêmes conclusions formulées dans Burke 2014, même si elle est abordée de nouveau.

[435]  J’ai lu avec soin la décision de M. McNamara et je formule les observations suivantes. La décision ne mentionne pas le fait que l’employeur voulait que M. Burke subisse une évaluation psychiatrique par un médecin de Santé Canada. Selon un examen de la jurisprudence, le critère pour exiger qu’un employé subisse une évaluation psychiatrique est plus élevé que celui d’une EAT, étant donné les préoccupations en matière de vie privée.

[436]  Pour ce qui est des témoins, Richard S. Gaetz, un autre charpentier de marine, a témoigné pour l’employeur devant M. McNamara. Il n’a pas été appelé à témoigner en l’espèce.

[437]  L’examen de la preuve ne tient pas compte du témoignage de M. Haché, qui était le supérieur immédiat de M. Burke et qui avait une connaissance directe du comportement du fonctionnaire, déclarant qu’il ne croyait pas qu’une EAT était nécessaire et que M. Burke aurait pu revenir au travail sans incident. La décision ne tient pas non plus compte du témoignage de M. Haché selon lequel la partie de la lettre du 11 mai 2011 qui indique les raisons de l’évaluation n’était pas exacte et la raison pour laquelle elle ne l’était pas. La décision ne tient pas non plus compte du fait que la rumeur ou les renseignements non fondés selon lesquels M. Burke avait été accusé de tentative de meurtre étaient une considération dans la demande d’une EAT.

[438]  De plus, l’arbitre de grief McNamara a fait remarquer que M. Wournell avait déclaré avoir été témoin d’un échange houleux et d’une bousculade survenus dans la salle de repas entre le fonctionnaire et M. Turnbull. La décision de l’arbitre de grief McNamara ne tenait pas compte de la conclusion de l’enquête des FMAR(A) qui a exonéré M. Burke.

[439]  La décision de M. McNamara ne tient pas non plus compte du témoignage de M. Wournell selon lequel il vu M. Burke blasphémer et se mettre en colère à trois ou quatre reprises sur une période de quatre ans et demi. À mon avis, cela n’indique pas que M. Burke perdait fréquemment son sang-froid, ce qui aurait démontré l’existence d’un problème de santé mentale.

[440]  Mes commentaires ne doivent pas être perçus comme une critique de la décision de M. McNamara. Même si un certain nombre de témoins étaient les mêmes, de toute évidence la preuve prise en compte dans sa décision et celle que j’ai entendue étaient considérablement différentes.

[441]  Par conséquent, pour ces motifs, le grief de M. Burke est accueilli. Je conclus que le licenciement de M. Burke n’était pas motivé.

[442]  Même si l’employeur a soumis de nombreux cas dans ses observations, je n’ai pas abordé chacun individuellement dans la présente décision. Toutefois, je les ai tous lus et j’ai renvoyé à ceux qui portaient directement sur le litige entre les parties.

[443]  De manière tout à faire incidente, selon la preuve, la note d’information préparée à l’intention des commandants supérieurs et du décideur indiquait un certain nombre d’incidents dans le dossier personnel du fonctionnaire, présumément liés à son rendement et à son comportement, qui n’ont pas été officiellement signalés ou qui n’ont pas fait l’objet d’une enquête officielle. Il était également évident que les rapports liés à ces incidents n’ont pas été communiqués au fonctionnaire. Par souci d’équité procédurale, j’aimerais suggérer que les rapports concernant la conduite et le rendement d’un employé qui peuvent être utilisés contre cet employé dans le cadre de la procédure de règlement des griefs et d’arbitrage soient fournis à l’employé en temps utile.

[444]  Comme je l’ai indiqué dans la présente décision, la preuve et les questions que les avocats et M. Burke ont posées ont donné lieu à un certain nombre d’autres questions. Toutefois, étant donné la conclusion selon laquelle l’employeur ne s’est pas acquitté de son fardeau de démontrer qu’il avait des motifs raisonnables et probables de conclure que M. Burke souffrait d’une maladie mentale qui justifiait qu’il subisse un examen psychiatrique alors qu’il était tenu à l’écart du travail, la détermination de ces questions n’est pas strictement nécessaire pour la disposition du grief. De plus, les questions n’ont pas fait l’objet d’une argumentation complète des avocats et de M. Burke dans l’échange de leurs arguments écrits. Néanmoins, à mon avis, il vaut la peine de les mentionner.

[445]  Les questions sont les suivantes :

  1. L’employeur était-il tenu d’expliquer clairement à M. Burke pourquoi il avait rejeté les notes de son médecin qui indiquaient qu’il était apte au travail sans limite et d’expliquer clairement pourquoi il demandait son consentement pour subir une EAT psychiatrique par Santé Canada? Le cas échéant, a-t-il respecté cette obligation?
  2. L’exigence de l’employeur pour que M. Burke consente à un délai d’un an avant de subir l’EAT de Santé Canada était-elle raisonnable dans les circonstances, alors qu’il n’avait pas de revenu? Dans la négative, le MDN aurait-il dû retenir les services d’un spécialiste en santé indépendant de Santé Canada pour effectuer une évaluation rapide?
  3. L’employeur était-il obligé de prendre des mesures pour installer une cloison entre le fonctionnaire et le médecin examinateur et entre l’employeur et ses agents de relations de travail pour protéger la vie privée de M. Burke?

 

[446]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VII.  Ordonnance

[447]  Le grief est accueilli. Comme les parties l’ont demandé, je vais leur laisser le soin de régler la question de la réparation et je demeurerai saisi du dossier pour une période de 60 jours dans l’éventualité où elles ne peuvent pas régler cette question.

Le 23 septembre 2019

Traduction de la CRTESPF

David Olsen,

Une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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