Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Lorsqu’un employé est en déplacement et en transit entre un hôtel et un lieu de travail, la convention collective exige-t-elle que l’employé soit payé pour ces heures – l’agent négociateur a soutenu que le temps passé en transit entre un hôtel et un lieu de travail devrait être rémunéré à titre de temps de déplacement – l’employeur a soutenu que ce temps ne répond pas à la définition de « temps de déplacement » et doit être considéré comme du temps de transport – la Commission a examiné le sens ordinaire de l’article 13 de la convention collective, et plus particulièrement le sens du terme anglais « residence » – la Commission a également examiné la nécessité d’un énoncé clair des avantages pécuniaires par rapport à la nécessité d’une exclusion claire, ainsi que la question de savoir s’il s’agit d’un temps de déplacement ou d’un temps de transport – la Commission a examiné le sens du mot « destination » et a cherché à déterminer si l’interprétation de l’article 13 avait produit un résultat absurde – le dernier principe d’interprétation contractuelle évalué par la Commission était la question de savoir si le résultat proposé par l’agent négociateur était réalisable sur le plan administratif – la Commission a indiqué qu’il faut tenir compte de tous les principes d’interprétation contractuelle et déterminer l’intention des parties dans le cadre de l’application pratique de ces principes à l’aide d’une analyse, de la logique et du bon sens – la Commission a conclu que le sens ordinaire de la clause visait les déplacements d’une zone d’affectation, soit de la résidence ou du lieu de travail permanents d’un employé, à une destination éloignée – une fois que l’employé arrive à destination, le temps de déplacement prend fin – en conséquence, la Commission n’a pas pu conclure que les parties avaient eu l’intention que la clause prévoie la rémunération des employés pour tous les déplacements entre un hôtel et un lieu de travail – l’agent négociateur a soutenu que si la Commission ne souscrivait pas à son interprétation de la clause 13.02, le déplacement des employés devrait être considéré comme du temps mobilisé et rémunéré en vertu de la clause 13.06 – la Commission a indiqué qu’elle n’était pas bien placée pour évaluer pleinement les circonstances particulières du Nevada ou de London, et qu’elle n’était donc pas prête à conclure qu’un tel temps de déplacement constituait du temps mobilisé.
Grief de principe rejeté.

Contenu de la décision

Date: 20191108

Dossier: 569-02-198

 

Référence: 2019 CRTESPF 108

Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Institut professionnel de la fonction publique du Canada

agent négociateur

 

et

 

Conseil du Trésor

 

employeur

Répertorié

Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor

Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l’arbitrage

Devant :  David Orfald, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour l’agent négociateur :  Sarah Godwin, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l’employeur :  Simon Deneau et Christine Langill, avocats

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 5 et 26 avril et les 16 et 24 mai 2019.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION  (TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Introduction

[1]  Lorsqu’un employé est en déplacement et en transit entre un hôtel et un lieu de travail, la convention collective exige-t-elle que l’employé soit payé pour ces heures?

[2]  Il s’agit de la question soulevée dans le présent grief de principe déposé par l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC ou le « syndicat ») à l’égard d’employés visés par deux de ces conventions collectives conclues avec le Conseil du Trésor.

[3]  Certains employés visés par ces conventions collectives sont tenus de se déplacer dans le cadre de leurs fonctions professionnelles et peuvent se rendre à un endroit où ils doivent passer la nuit dans des logements approuvés par le gouvernement. Parfois, le lieu de logement de l’employé n’est pas situé à proximité du lieu de travail temporaire.

[4]  Afin d’illustrer les questions qui sous-tendent le grief de principe, les parties ont déposé une preuve par affidavits détaillés concernant deux exemples d’un tel déplacement.

[5]  Le premier exemple concernait un déplacement d’Ottawa, en Ontario, au Nevada en 2014. Les déplacements ont duré de deux à quatre semaines. Une fois sur place, les employés devaient faire un trajet quotidien de 45 à 60 minutes entre leur hôtel et leur lieu de travail.

[6]  Le deuxième exemple concerne un déplacement en 2014 d’une durée de une à trois semaines d’Ottawa à London, en Ontario. Même si les distances entre l’hôtel et le lieu de travail étaient beaucoup plus courtes par rapport à celles dans l’exemple du Nevada, les employés devaient se déplacer pendant 15 à 20 minutes chaque direction.

[7]  Dans les deux cas, les déplacements entre les hôtels et les lieux de travail se faisaient au moyen d’un véhicule de location normalement partagé entre deux ou plusieurs voyageurs.

[8]  L’IPFPC estime que les heures consacrées au déplacement entre un hôtel et le lieu de travail devraient être rémunérées à titre de temps de déplacement, conformément à l’article 13 des conventions collectives pertinentes. Les employés ont parfois un choix limité quant à l’endroit où ils peuvent séjourner et n’ont aucun contrôle sur le temps nécessaire pour se rendre de l’hôtel au lieu de travail. Cette position est juste, conformément à la convention collective, et conforme aux principes de la Directive sur les voyages du Conseil national mixte (CNM) (la « Directive ») selon lesquels les employés devraient être rémunérés pour ces heures.

[9]  L’employeur estime que les heures consacrées au déplacement entre un hôtel et un lieu de travail ne répondent pas à la définition de « temps de déplacement » et doivent être considérées comme le temps de transport. Les conventions collectives ne contiennent aucune disposition expresse ou implicite visant la rémunération du temps de transport. De plus, la Directive accorde aux employés un niveau de contrôle considérable sur le choix de logement et, par conséquent, l’employeur ne contrôle pas la durée du temps de transport entre le logement et les lieux de travail.

[10]  Comme il sera expliqué plus loin dans la présente décision, les situations de déplacement décrites dans les affidavits sont tout à fait uniques et particulières.

[11]  Toutefois, le présent grief de principe n’est pas unique et particulier. Il demande une interprétation de l’article 13 qui s’appliquerait à tous les déplacements de nuit effectués et visés par ces deux conventions collectives. En fait, étant donné que le déplacement aux fins du travail fait partie de nombreux emplois du gouvernement fédéral, l’interprétation demandée pourrait avoir des répercussions sur une vaste gamme de conventions collectives fédérales qui contiennent des dispositions semblables ou identiques à celles figurant dans les deux conventions collectives en litige en l’espèce.

[12]  Dans un tel grief, il incombe au syndicat d’établir que l’employeur contrevient à la convention collective.

[13]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que l’IPFPC ne s’est pas acquitté de ce fardeau. Je conclus que le libellé de l’article 13, tel que les parties en ont convenu, a été rédigé de manière à viser habituellement les déplacements entre le lieu de travail habituel de l’employé et sa résidence et une destination à l’extérieur de la zone d’affectation de l’employé. Après avoir analysé le libellé conformément aux principes d’interprétation des contrats soutenus par les parties, je conclus que l’article, tel qu’il est rédigé, ne vise pas tous les déplacements entre un logement et un lieu de travail temporaires. Par conséquent, je rejette le grief de principe.

[14]  Cela étant dit, je ne peux souscrire à l’argument de l’employeur selon lequel la convention collective empêche la rémunération dans toutes ces situations de déplacement. Mon analyse m’a mené à conclure qu’il peut exister des situations où le déplacement entre un hôtel et un lieu de travail pourrait être rémunéré et les motifs qui suivent en expliquent la raison.

II.  Grief de principe renvoyé à l’arbitrage

[15]  Le grief de principe a été déposé par l’employeur le 8 juillet 2015. Le grief concerne les conventions collectives des groupes Vérification, commerce et achat (AV) et Architecture, génie et arpentage (NR).

[16]  Le grief contient la phrase suivante : [traduction] « L’IPFPC dépose un grief à l’encontre du refus de l’employeur de rémunérer les employés pour le temps de déplacement entre leur logement et leur lieu de travail lorsqu’ils étaient en déplacement et étaient en service commandé. »

[17]  Dans son grief, l’IPFPC demande une mesure corrective en vertu de laquelle : [traduction] « […] les employés sont rémunérés pour le temps de déplacement entre les logements approuvés par le gouvernement et les lieux de travail pendant qu’ils étaient en déplacement et étaient en service commandé ».

[18]  L’employeur a rejeté le grief dans une lettre du 5 mai 2016. Entre autres, le rejet énonçait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La portée de l’article 13 […] vise le temps de déplacement de la zone d’affectation de l’employé à une destination (p. ex. un logement ou un lieu de travail). Le temps consacré au déplacement ou à faire la navette entre un logement et un lieu de travail n’est pas visé par la convention collective.

[…]

[19]  Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 13 juin 2016.

[20]  Le renvoi a été effectué à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, tel était alors son titre. Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié son nom pour qu’elle devienne la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »).

[21]  À la suite d’une consultation avec les parties, la Commission a ordonné que le grief de principe soit entendu par voie d’arguments écrits.

III.  Résumé de la preuve

[22]  Les parties ont présenté un exposé conjoint des faits en citant des extraits du grief, la réponse de l’employeur au dernier palier et le libellé des deux conventions collectives. Elles ont également présenté quatre affidavits qui décrivent les deux exemples de déplacement utilisés pour illustrer les questions qui sous‑tendent le grief de principe. Un exemple était visé par la convention collective du groupe AV et l’autre par la convention collective du groupe NR.

[23]  Au moment de dépôt du grief de principe, la convention collective du groupe AV en vigueur était celle signée par les parties le 14 décembre 2012 et qui venait à échéance le 21 juin 2014. Les parties ont également déposé en preuve la convention collective du groupe AV signée le 28 avril 2017 et qui venait à échéance le 21 juin 2018.

[24]  La convention collective du groupe NR en vigueur au moment du dépôt du grief était celle signée par les parties le 25 janvier 2012 et qui venait à échéance le 20 septembre 2014. Les parties ont également déposé en preuve la convention collective du groupe NR signée le 7 novembre 2017 et qui venait à échéance le 30 septembre 2018.

[25]  Dans les deux conventions collectives des groupes AV et NR, l’article 13 est intitulé « Temps de déplacement ».

[26]  Selon les éléments de preuve déposés, il n’existe aucune différence importante entre le libellé figurant dans les deux conventions collectives et aucune modification n’a été apportée à ni l’un ni l’autre article lorsque les dernières conventions collectives (venant à échéance en 2018) ont été signées.

[27]  Aux fins de la présente décision, les renvois visent le libellé de l’article 13 de la convention collective du groupe AV, qui est venue à échéance le 21 juin 2014. Les clauses pertinentes auxquelles la présente décision renvoie se lisent comme suit :

ARTICLE 13

TEMPS DE DÉPLACEMENT

13.01 Lorsque l’employé est tenu par l’Employeur de voyager pour exécuter des fonctions hors de sa zone d’affectation, il est rémunéré de la façon suivante :

a.  Un jour de travail normal pendant lequel l’employé voyage mais ne travaille pas, l’employé touche sa rémunération régulière normale.

b.  Un jour de travail normal pendant lequel l’employé voyage et travaille, l’employé touche :

i.   sa rémunération régulière normale pour une période mixte de déplacement et de travail ne dépassant pas sept virgule cinq (7,5) heures,

et

ii.  le taux des heures supplémentaires applicable pour tout temps de voyage supplémentaire en excédent d’une période mixte de déplacement et de travail de sept virgule cinq (7,5) heures, mais le paiement maximal versé pour ce temps ne doit pas dépasser, un jour donné, douze (12) heures de rémunération calculées au taux ordinaire ou quinze (15) heures de rémunération calculées au taux ordinaire lorsqu’il voyage hors de l’Amérique du Nord.

c.  Un jour de repos ou un jour férié désigné payé, l’employé est rémunéré au taux des heures supplémentaires applicable pour les heures de voyage effectuées jusqu’à un maximum de douze (12) heures de rémunération calculées au taux ordinaire ou quinze (15) heures de rémunération calculées au taux ordinaire lorsqu’il voyage hors de l’Amérique du Nord.

13.02 Aux fins du paragraphe 13.01 ci-dessus, le temps de déplacement pour lequel l’employé est rémunéré est le suivant :

a.  Lorsque l’employé voyage par transport en commun, le temps compris entre l’heure de départ prévue et l’heure d’arrivée à destination, y compris le temps de déplacement normal jusqu’au point de départ, déterminé par l’Employeur.

b.  Lorsque l’employé voyage par un moyen de transport privé, le temps normal déterminé par l’Employeur nécessaire à l’employé pour se rendre de son domicile ou de son lieu de travail, selon le cas, directement à sa destination et, à son retour, directement à son domicile ou à son lieu de travail.

c.  Lorsque l’employé demande une autre heure de départ et/ou un autre moyen de transport, l’Employeur peut acquiescer à sa demande, à condition que la rémunération du temps de déplacement ne dépasse pas celle qu’il aurait touchée en vertu de la décision initiale de l’Employeur.

13.03 Tous les calculs relatifs au temps de déplacement se fondent sur chaque période complète de quinze (15) minutes.

[…]

13.06 Le présent article ne s’applique pas à l’employé qui est tenu d’exercer ses fonctions dans un véhicule de transport dans lequel il voyage. Dans ce cas, l’employé reçoit une rémunération pour les heures travaillées conformément aux articles suivants : Durée du travail, Heures supplémentaires, Jours fériés désignés payés.

13.07 Le temps de déplacement comprend le temps obligatoirement passé à chaque halte, à condition que cette halte ne s’étende pas à toute une nuit passée à cet endroit.

[…]

[28]  L’article 35 de la convention collective du groupe AV et l’article 36 de la convention collective du groupe NR permettent d’intégrer des ententes du CNM dans ces conventions, y compris la Directive. Dans leurs arguments, les deux parties ont fait référence aux dispositions de la Directive pertinentes à l’interprétation de l’article 13.

[29]  Une définition précise de l’expression « zone d’affectation » n’est prévue que dans la Directive, comme suit :

Zone d’affectation (headquarters area) – aux fins de la présente directive, région qui s’étend sur 16 kilomètres du lieu de travail assigné en empruntant la route terrestre la plus directe, sûre et praticable.

[30]  En revanche, la Directive prévoit la définition suivante d’un « lieu de travail » :

Lieu de travail (workplace)

Permanent/régulier (permanent/regular) – endroit permanent unique déterminé par l’employeur où un fonctionnaire exerce habituellement les fonctions de son poste ou d’où il relève.

Temporaire (temporary) – l’unique lieu dans la zone d’affectation où un fonctionnaire doit temporairement se présenter ou exécuter les tâches liées à son poste.

[31]  Afin d’illustrer l’importance du grief de principe, chacune des parties a présenté des affidavits portant sur deux situations factuelles de déplacement particulières.

[32]  Même si des griefs individuels ont été déposés concernant les deux situations, la présente décision porte uniquement sur le grief de principe et la Commission ne se prononce pas sur les griefs individuels.

A.  Déplacement au Nevada (É.‑U.), hiver 2014

[33]  Aux fins de cet exemple de déplacement, le syndicat a présenté un affidavit de Carolyn Marcichiw, qui, de janvier à mars 2014, était une spécialiste de l’approvisionnement aux groupe et niveau PG‑04 auprès de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC). En conséquence, elle était visée par la convention collective du groupe AV.

[34]  En réponse, l’employeur a présenté un affidavit de Hugo Lalonde qui, pendant la période pertinente, était un gestionnaire aux groupe et niveau PG‑04 de la Division des véhicules blindés légers à roues (VGLR) et le superviseur direct de Mme Marcichiw.

[35]  À l’hiver 2014, on a demandé à Mme Marcichiw de se rendre au Nevada en tant que membre d’une équipe d’employés qui surveillait les évaluations de la démonstration liée au programme des VGLR. Les membres de l’équipe comprenaient des employés de TPSGC, du ministère de la Défense nationale (MDN) et de l’entrepreneur responsable du programme. Elle était en déplacement du 25 janvier au 13 février 2014 (19 jours) et encore une fois du 19 février au 9 (ou 19) mars 2014 (puisque les deux déposants ne pouvaient s’entendre quant à la date de fin, ce déplacement comptait un total de 18 ou de 28 jours).

[36]  Pendant ces déplacements, les membres de l’équipe ont tous résidé au Courtyard Hotel, situé au 3870 S Carson Street, à Carson City, au Nevada. Le lieu de travail auquel ils se rendaient le plus était le site d’essai situé à Wabuska Hot Springs, au 15 Julian Lane, à Yerington, au Nevada, mais ils se rendaient également au Automotive Test Centre du Nevada, situé au 605 Fort Churchill Road, à Silver Springs, au Nevada.

[37]  Mme Marcichiw a soutenu qu’elle arrivait habituellement au lieu de travail vers 7 h 30 et qu’ils demeuraient sur place jusqu’à une certaine heure, entre 16 h et 23 h. Toutes les heures supplémentaires qu’elle faisait au lieu de travail étaient rémunérées.

[38]  Toutefois, afin de se rendre de Carson City aux lieux de travail, il lui fallait environ de 45 à 60 minutes dans chaque sens et elle n’était pas rémunérée pour ces heures. Des véhicules de location partagés ont été utilisés. Mme Marcichiw a déclaré qu’elle se déplaçait entre l’hôtel et les lieux de travail avec ses collègues dans un véhicule de location payé par le gouvernement.

[39]  À son retour à Ottawa après son deuxième déplacement, Mme Marcichiw a demandé à être rémunérée pour le temps de déplacement entre l’hôtel et le lieu de travail et on lui a demandé de ne pas présenter une demande de remboursement de temps de déplacement relativement à ces heures. Par conséquent, elle a déposé un grief qui a été rejeté au premier, au deuxième et au troisième paliers de la procédure de règlement des griefs. Elle l’a retiré de l’arbitrage parce qu’elle a été mutée à un autre ministère et parce que l’IPFPC a déposé le présent grief de principe.

[40]  M. Lalonde a confirmé la position de l’employeur en réponse au grief et a présenté les réponses de l’employeur en tant que pièces jointes à son affidavit. Lorsqu’il a expliqué la raison pour laquelle la demande de rémunération de Mme Marcichiw a été refusée, il a mis l’accent sur le fait qu’aucune autorisation n’avait été accordée au préalable concernant le temps de transport, temps qui n’est pas rémunéré, conformément à la consultation qui a eu lieu avec d’autres gestionnaires et le personnel des relations de travail. Les réponses au grief indiquent que la convention collective non seulement ne prévoit aucune rémunération de ce temps de transport, mais aussi que [traduction] « […] il ne relève pas du pouvoir discrétionnaire de la direction d’en décider autrement ».

[41]  Mme Marcichiw a indiqué dans son affidavit que l’hôtel choisi à Carson City avait été choisi dans les « pages blanches » du gouvernement (le répertoire des hôtels approuvés par le gouvernement) et qu’il s’agissait de l’hôtel approprié le plus près du lieu de travail. L’entrepreneur qui effectuait l’évaluation résidait au même hôtel. Elle a déclaré que le fait de résider au même hôtel permettait de réduire le nombre d’automobiles nécessaires pour se rendre au lieu de travail. Elle a également adopté la position suivante selon laquelle, pendant le trajet : [traduction] « Mon temps de déplacement n’était pas mon temps personnel. »

[42]  Au moyen de son affidavit, M. Lalonde a témoigné en disant que l’employeur avait approuvé le choix d’hôtel, mais qu’il ne s’agissait pas de la seule option. Il a indiqué qu’une autre option d’hôtel avait été le Yerington Inn, situé au 4 N Main Street, à Yerington, au Nevada. Lorsqu’il s’est rendu au Nevada, il a choisi de résider à Carson City pour des raisons personnelles, comme la proximité à une meilleure sélection de restaurants. Si un employé avait choisi le Yerington Inn, son temps de transport aurait été de 20 à 40 minutes.

[43]  Selon M. Lalonde, même si les employés étaient invités à coordonner leurs plans de déplacement et de transport, ils n’étaient pas tenus de voyager ensemble. Il se souvenait que, certains jours, Mme Marcichiw se rendait seule au lieu de travail. En conséquence, il a contesté son argument selon lequel [traduction] « Mon temps de transport n’était pas mon temps personnel ».

[44]  M. Lalonde a déclaré que le programme de VGLR exigeait souvent des déplacements de longue durée à des endroits comme le Nevada, St. Louis (Missouri), London (Ontario) et l’Espagne et que les temps de transport dans bon nombre de ces endroits pourraient être de longue durée. Il n’était pas au courant d’une situation dans laquelle un employé avait demandé le remboursement ou avait été remboursé pour son temps de déplacement à titre de temps de transport ou pour toute autre situation dans le cadre de laquelle Mme Marcichiw a présenté une telle demande de remboursement.

B.  Déplacement à London, en Ontario, à l’hiver 2014

[45]  Aux fins de cet exemple de déplacement, le syndicat a présenté un affidavit de Pierre Bergeron qui était, à l’époque, le gestionnaire des ingénieurs du système du projet au groupe et niveau ENG‑04 au MDN et ainsi visé par la convention collective du groupe NR.

[46]  En réponse, l’employeur a présenté un affidavit de Steven McNutt qui était, à l’époque, le chef de section au groupe et niveau ENG‑05 chargé du projet d’approvisionnement du système de surveillance du véhicule blindé léger de reconnaissance au MDN et qui, pendant la période pertinente, était le superviseur direct de M. Bergeron.

[47]  À l’hiver 2014, on a demandé à M. Bergeron de se rendre à London, en Ontario, dans le cadre du projet d’approvisionnement du système de surveillance du véhicule blindé léger de reconnaissance. Les membres de l’équipe comprenaient des membres du personnel civil et militaire. Il était en déplacement du 13 au 17 janvier 2014 (5 jours) et encore une fois du 10 au 28 février 2014 (19 jours).

[48]  M. Bergeron a résidé avec les autres membres de l’équipe à l’hôtel Hilton DoubleTree situé au 300, rue King, à London. Le véritable lieu de travail se situait au 2035, rue Oxford Est, à proximité de l’aéroport de London.

[49]  Aux fins du transport entre l’hôtel et le lieu de travail, les membres de l’équipe partageaient des véhicules de location. Le trajet était d’une durée de 15 à 20 minutes dans chaque sens.

[50]  M. Bergeron a déclaré que l’hôtel Hilton avait été choisi parce que l’employeur avait conclu une entente en vue de réduire les frais de logement. Tout comme Mme Marcichiw, il a affirmé qu’il estimait ce qui suit : [traduction] « Le temps pendant lequel je me déplace entre le logement et le lieu de travail est un temps qui n’est pas pour moi personnellement et qui est exclusivement au profit de l’employeur. »

[51]  M. McNutt a indiqué dans son affidavit que les employés du MDN, y compris M. Bergeron, n’étaient pas tenus de résider à l’hôtel Hilton. Ils pouvaient choisir d’autres hôtels plus près du lieu de travail, comme l’hôtel de l’aéroport, qui était de 5 minutes de route du lieu de travail. Les membres de l’équipe choisissaient souvent des hôtels où les commodités et les restaurants étaient à une distance de marche afin d’avoir un meilleur milieu de vie à l’extérieur des heures de travail. Les frais des hôtels choisis ne doivent pas dépasser le taux gouvernemental et ceux choisis [traduction] « […] ne doivent pas perturber le transport local coordonné par les membres de l’équipe ». Il a également déclaré que, lorsqu’ils voyagent avec les autres membres de l’équipe, les employés [traduction] « […] sont fortement invités à résider au même endroit aux fins de la sécurité, des frais et de la coordination de l’équipe ».

[52]  À la suite de son voyage à London, M. Bergeron a demandé le remboursement de son temps de déplacement, ce que l’employeur a refusé. Le 18 septembre 2014, il a déposé un grief en vue de contester le refus. À l’heure actuelle, son grief est en suspens en attendant l’issue du présent grief de principe.

[53]  Dans son affidavit, M. Bergeron a également mentionné un voyage aux É.‑U. qui concernait un trajet quotidien d’environ 30 minutes dans chaque sens. Dans son affidavit, M. McNutt a déclaré qu’il estimait qu’il s’agissait du déplacement à St. Louis, au Missouri. Il a indiqué que le choix d’hôtel aurait tenu compte des préoccupations en matière de sécurité locale, plus particulièrement le fait qu’il y avait des manifestations et des émeutes à Ferguson, au Missouri, qui était situé à proximité du lieu de travail pendant la période de ce déplacement. Toutefois, il a également affirmé qu’il existait des options d’hôtels dont le prix était semblable et qui étaient plus près du lieu de travail, mais plus éloignés des restaurants et des autres commodités.

IV.  Question en litige

[54]  L’IPFPC a soutenu que le temps de déplacement entre les hôtels et les lieux de travail qu’ont dû faire Mme Marcichiw et M. Bergeron est visé par l’article 13. Il a déposé un grief de principe afin d’établir que tous ces types de déplacement sont admissibles à la rémunération prévue à cet article. Il a fait valoir que le refus de l’employeur des demandes de remboursement violait les conventions collectives.

[55]  Par conséquent, la question à trancher est simple, à savoir :

Lorsque l’employeur exige que des employés se déplacent aux fins de leur travail à l’extérieur de leur zone d’affectation, l’article 13 exige‑t‑il qu’ils soient rémunérés pour les heures qu’ils consacrent au trajet entre leur logement temporaire (c.‑à‑d. un hôtel) et leur site de travail temporaire?

V.  Analyse

[56]  En grande partie, les parties se sont entendues pour dire que les principes de base d’interprétation de conventions collectives s’appliquaient. L’intention des parties doit être déterminée en fonction des dispositions écrites expresses de la convention collective. Ces principes de base de l’interprétation de conventions collectives exigent qu’on attribue le sens ordinaire aux termes, que les dispositions d’une convention ou d’un contrat soient lues dans leur ensemble et que les dispositions particulières doivent prévaloir sur les principes généraux.

[57]  Dans le cas où une interprétation fondée sur le sens ordinaire pourrait donner lieu à deux ou à plusieurs interprétations linguistiques admissibles, la Commission peut être orientée par le but de la disposition, le caractère raisonnable de chaque interprétation possible, la question de savoir si une des interprétations possibles soulève des anomalies ou un résultat absurde et la faisabilité administrative de l’interprétation adoptée. Les deux parties citent la publication Canadian Labour Arbitration, 5e édition, à la p. 4:2100 de Brown et Beatty à l’appui de ces principes.

[58]  Les applications de ces principes à l’espèce sont analysées dans les six prochaines sections. La section 1 examine le sens ordinaire de l’article 13 de la convention collective, plus particulièrement la question de savoir si le terme anglais « residence » comprend les résidences temporaires, comme les hôtels. La section 2 examine les différentes positions adoptées par les parties quant à l’interprétation des dispositions pécuniaires. Cela mène à la section 3 qui examine l’argument de l’employeur selon lequel le trajet entre un hôtel éloigné et un lieu de travail devrait être interprété comme un temps de transport. La section 4 reprend un examen des termes utilisés à la clause 13.02 et la signification du terme « destination ». Enfin, j’analyse la question de savoir si l’interprétation d’une partie donne lieu à des résultats absurdes (section 5) ou à des problèmes liés à la faisabilité administrative (section 6).

[59]  La section portant sur la conclusion résume l’analyse et explique la raison pour laquelle j’ai conclu que l’IPFPC ne s’est pas acquitté de son fardeau de la preuve. Toutefois, j’examine également les arguments des parties portant sur le principe du « temps mobilisé » et j’explique la raison pour laquelle je ne retiens pas non plus l’argument de l’employeur selon lequel le temps de déplacement entre un hôtel et un lieu de travail temporaire ne devrait jamais être rémunéré.

1.  Le sens ordinaire de l’article 13 et la signification du terme anglais « residence »

[60]  Afin de comprendre l’article 13 de la convention collective, on doit commencer par la lecture de la clause 13.01 dont la première phrase déclare que, lorsque « […] l’employé est tenu par l’Employeur de voyager pour exécuter des fonctions hors de sa zone d’affectation […] », il a droit à la rémunération de son temps de déplacement, conformément à ce qui est décrit dans le reste de la clause et de l’article.

[61]  Les conventions collectives ne prévoient aucune définition de l’expression « zone d’affectation », mais la Directive en prévoit une définition selon laquelle il s’agit d’une région qui s’étend sur 16 km du lieu de travail assigné. Toutes les prestations (p. ex. les indemnités quotidiennes) prévues dans la Directive découlent du fait que la personne est en déplacement à l’extérieur de sa zone d’affectation.

[62]  La Directive ne traite pas du temps de déplacement, mais il est visé par l’article 13. Toutefois, le reste de l’article 13 découle des mêmes critères essentiels de ce que constitue un déplacement.

[63]  Les situations de déplacement de Mme Marcichiw et de M. Bergeron étaient clairement visées par la clause 13.01 de la convention collective parce qu’ils se sont déplacés d’Ottawa au Nevada et à London, respectivement.

[64]  La clause 13.02 de la convention collective indique ensuite plus précisément le niveau du temps de déplacement qui sera visé, selon le type de mode de transport utilisé.

[65]  L’alinéa 13.02a) de la convention collective vise le transport en commun et déclare que le temps de déplacement à rémunérer est celui « […] entre l’heure de départ prévue et l’heure d’arrivée à destination, y compris le temps de déplacement normal jusqu’au point de départ, déterminé par l’Employeur ». Cette clause prévoyait le versement d’une rémunération aux employés pour les vols d’Ottawa à leurs destinations (Nevada et London). La dernière section vise le temps nécessaire pour se rendre « jusqu’au point de départ », c.‑à‑d. le temps qu’il a fallu pour se rendre à l’aéroport d’Ottawa pour les vols, dans les cas d’un déplacement à l’extérieur.

[66]  Le libellé de l’alinéa 13.02b) de la convention collective est celui qui est principalement en litige en l’espèce. Il est reproduit de nouveau ci‑dessous :

13.02 b) Lorsque l’employé voyage par un moyen de transport privé, le temps normal déterminé par l’Employeur nécessaire à l’employé pour se rendre de son domicile ou de son lieu de travail, selon le cas, directement à sa destination et, à son retour, directement à son domicile ou à son lieu de travail.

[67]  Dans les deux exemples factuels qui sous‑tendent le présent grief, les employés concernés se sont déplacés entre leur hôtel et leur lieu de travail au moyen de véhicules de location privés. Les parties se sont entendues pour dire que ces véhicules constituaient un moyen de transport privé.

[68]  Le différend fondamental concerne le terme anglais « residence ». Le syndicat a soutenu que, selon le contexte général de l’article et de l’ensemble des conventions collectives, le terme anglais « residence » utilisé à la clause 13.02 de la convention collective doit inclure les logements temporaires lorsque les employés sont en déplacement. Par conséquent, en vertu du fait qu’un employé n’est pas dans sa zone d’affectation (clause 13.01) et se déplace par un moyen de transport privé (alinéa 13.02b)), il a le droit d’être rémunéré pour le temps de déplacement entre la résidence temporaire (l’hôtel) et la destination (le lieu de travail).

[69]  La seule restriction citée par l’IPFPC était que le temps de déplacement soit rémunéré pour chaque période complète de 15 minutes, conformément à ce qui est énoncé à la clause 13.03 de la convention collective. Par conséquent, tout trajet d’une durée de moins de 15 minutes ne serait pas admissible à la rémunération et un trajet d’une durée de plus de 15 minutes y serait admissible, en tranches de 15 minutes.

[70]  À l’appui de cet argument, le syndicat a invoqué la clause 13.09 de la convention collective, intitulée « Congé pour les employés en déplacement ». Cette clause prévoit une forme de congé compensatoire pour les employés qui sont souvent en déplacement, surtout ceux qui sont absents de leur « résidence principale » pour plus de 40 nuits par année. Selon l’IPFPC, si les parties avaient voulu limiter l’application de l’alinéa 13.02b) aux déplacements concernant la résidence principale, elles auraient ajouté le terme « principale » à cette clause, comme elles l’ont fait à la clause 13.09.

[71]  L’employeur fait valoir que le sens ordinaire du terme anglais « residence » de l’alinéa 13.02b) de la convention collective doit être interprété comme résidence principale. L’article 13 a été élaboré en vue de rémunérer les employés à compter du moment de leur départ de leur résidence (ou de leur lieu de travail ordinaire, s’ils sont aux points de départ) jusqu’à ce qu’ils arrivent à leur destination et pour les trajets de retour équivalents. Pour l’employeur, cet article s’applique uniquement à ces jours de déplacement. Le libellé de la clause 13.01 ne prévoit pas une rémunération permanente de l’employé pour les déplacements les jours qu’il ne se déplace pas de sa résidence ou de son lieu de travail.

[72]  Pour l’employeur, cette interprétation est renforcée en consultant les versions française et anglaise de la clause de la convention collective, comme suit :

13.02 b) Lorsque l’employé voyage par un moyen de transport privé, le temps normal déterminé par l’Employeur nécessaire à l’employé pour se rendre de son domicile ou de son lieu de travail, selon le cas, directement à sa destination et, à son retour, directement à son domicile ou à son lieu de travail.

13.02 (b) For travel by private means of transportation, the normal time as determined by the Employer, to proceed from the employee’s place of residence or work place, as applicable, direct to the employee’s destination and, upon the employee’s return, direct back to the employee’s residence or work place.

[Je mets en évidence]

[73]  Il a cité la définition du terme « domicile » prévue dans le Dictionnaire de français Larousse : « lieu où quelqu’un habite en permanence ou de façon habituelle; résidence ». La traduction anglaise signifie : « location where someone lives permanently or habitually; residence. » En d’autres termes, selon l’employeur, l’utilisation du terme « domicile » renforce l’idée selon laquelle l’alinéa 13.02b) de la convention collective se limite au déplacement aller‑retour de sa résidence permanente.

[74]  Je fais remarquer que l’expression utilisée dans la clause 13.09 dans la version française des conventions collectives est « résidence principale » et non « domicile ».

[75]  L’employeur fait également valoir que la Commission a déjà interprété le terme anglais « residence » comme signifiant le « chez lui ou chez elle » permanent d’une personne, citant Bérubé c. Conseil du Trésor (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2018 CRTESPF 59, au par. 54, qui a suivi le raisonnement appliqué dans Mayoh c. Le Conseil du Trésor, dossiers de la CRTFP 166‑2‑8896 et 8914 (19810306). Après avoir consulté sept dictionnaires, l’arbitre de grief dans Mayoh est parvenu à la conclusion selon laquelle la résidence « se rapporte à la maison ou à la demeure habituelle de l’employé, c’est-à-dire l’endroit qu’il quitte lorsqu’il voyage à l’extérieur de la région de son lieu d’affectation ». Il cite également Turcotte c. Conseil du Trésor (ministère des Postes), dossier de la CRTFP 166‑02‑12227 (19820909), [1982] C.R.T.F.P.C. no 156 (QL), qui examinait la définition du terme « domicile » dans la version française de la convention collective pertinente.

[76]  Je ferais remarquer que l’employeur a également invoqué Peters c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2004 CRTFP 35, mais je n’ai pas tenu compte de cette décision parce qu’elle a été traitée selon une méthode d’arbitrage accéléré et qu’elle déclare expressément qu’elle « ne peut constituer un précédent ».

[77]  L’IPFPC a contesté la pertinence de Mayoh et de Bérubé, en soutenant que les deux portaient sur le libellé très différent d’une convention collective. Le grief déposé dans Mayoh concernait une clause ainsi rédigée :

22.18 Sauf dans les cas où l’employé-e est tenu par l’Employeur d’utiliser un véhicule de l’Employeur pour se rendre à un lieu de travail autre que son lieu d’affectation normal, le temps que l’employé-e met pour se rendre au travail ou pour rentrer chez lui ou chez elle n’est pas considéré comme étant du temps de travail.

[78]  Selon le syndicat, la clause de la convention collective en litige dans Bérubé était presque identique à celle dans Mayoh, et l’analyse des dispositions relatives au déplacement devrait être traitée simplement comme une déclaration faite en passant qui n’était pas essentielle à la décision et, par conséquent, n’est pas exécutoire (dans son opinion). De plus, le libellé concernant les déplacements en litige dans Mayoh visait le déplacement « à destination et à partir » de la zone d’affectation d’un employé, ce qui laissait entendre qu’il visait uniquement les déplacements le jour où l’employé se déplaçait entre la zone d’affectation et une destination éloignée, alors que le libellé en litige de l’article 13 de la convention collective prévoit « voyager […] hors de sa zone d’affectation » et que, par conséquent, il peut viser le déplacement qui a lieu à la destination. L’IPFPC a soutenu que, si je conclus que Mayoh et Bérubé s’appliquent, je ne devrais pas être lié par ces décisions parce qu’elles sont parvenues à la mauvaise conclusion.

[79]  L’IPFPC a également déclaré que l’arbitre de grief dans Turcotte a considéré que le terme anglais « residence » comporte une signification « élastique » en ce sens qu’il [traduction] « […] procède du contexte dans lequel il est utilisé ».

[80]  Je conclus que je ne peux interpréter l’application de l’alinéa 13.02b) de la convention collective uniquement en fonction du libellé clair des conventions collectives. En général, j’accorde plus de poids à l’explication de l’employeur des termes « residence » et « domicile ». Toutefois, je ne peux faire abstraction du fait que la clause ne précise pas clairement « résidence permanente ». Lorsque les parties ont choisi d’ajouter les dispositions « Congé pour les employés en déplacement » à la clause 13.09 de la convention collective, elles ont choisi d’utiliser un terme plus précis et cela doit signifier quelque chose. Il est facile de distinguer l’espèce de Mayoh en fonction du libellé considérablement différent; il est plus difficile de faire une telle distinction à l’égard de Bérubé. Cependant, je dois analyser le présent grief en fonction des éléments de preuve et des arguments dont je suis saisi, plus particulièrement les principes supplémentaires en matière d’interprétation soutenus par les parties. J’examine maintenant ces principes.

2.  La nécessité d’un énoncé clair des avantages pécuniaires par rapport à la nécessité d’une exclusion claire

[81]  L’employeur a soutenu que, lorsqu’un avantage pécuniaire est revendiqué, il incombe au syndicat de prouver clairement et sans équivoque que les avantages pécuniaires demandés constituaient le résultat voulu. Une telle intention n’est normalement pas imposée par inférence ou déduction. Entre autres décisions, il a invoqué Arsenault c. Agence Parcs Canada, 2008 CRTFP 17, aux paragraphes 22 et 29, et Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 55, au par. 27. Les fonctionnaires s’estimant lésés dans Arsenault ont contesté le recouvrement par l’employeur des crédits de congé par rapport aux heures non travaillées un jour férié payé. Le fonctionnaire s’estimant lésé dans Wamboldt a demandé un congé payé afin de se préparer à l’audience d’arbitrage. Dans les deux cas, en l’absence d’une disposition précise prévoyant la rémunération demandée, les arbitres de grief ont rejeté les griefs.

[82]  L’IPFPC a soutenu qu’il n’existe aucun [traduction] « fardeau plus élevé » applicable aux clauses concernant un avantage pécuniaire et que le fardeau de la preuve consistait simplement à établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeur avait contrevenu aux conventions collectives. Aux fins de ce principe, il a invoqué Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2018 CRTESPF 82. Dans ce cas, l’absence d’une clause précise limitant la date de début d’une indemnité a fait en sorte que l’on fasse droit au grief.

[83]  L’IPFPC a également fait valoir le fait qu’en l’absence d’une disposition claire interdisant une rémunération, un arbitre de grief peut et devrait appliquer le principe d’équité. À cet égard, il a invoqué Cianciarelli c. Conseil du Trésor (ministère de l’Environnement), 2017 CRTEFP 32, où l’arbitre de grief a accueilli le grief. Ce grief visait à étaler des indemnités pour réaménagement des effectifs sur deux années civiles. Il a également invoqué Association des juristes de justice c. Conseil du Trésor (ministère de la Justice), 2015 CRTEFP 31, où des avocats ont touché une indemnisation de disponibilité. Dans les deux cas, aucune disposition particulière ne prévoyait ces résultats dans les conventions collectives pertinentes, mais aucune clause n’interdisait le résultat accordé par les arbitres de grief. La décision dans Association des juristes de justice a été maintenue par la Cour suprême du Canada (Association des juristes de justice c. Canada (Procureur général), 2017 CSC 55).

[84]  De plus, à l’appui de cette indemnisation implicite, le syndicat a invoqué Lamothe c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2007 CRTFP 60, où l’arbitre de grief a fait droit à un grief qui visait l’indemnisation du temps de déplacement pour suivre un cours. En citant une décision antérieure, Landry c. la Bibliothèque du Parlement (dossiers de la CRTFP 466‑LP‑213 et 214 (19930518), [1993] C.R.T.F.P.C. no 90 (QL)), l’arbitre de grief dans Lamothe a adopté la position suivante (au paragraphe 43) :

[…] On ne peut assimiler le temps de déplacement pour se rendre à un cours suivi à la demande d’un employeur au temps de déplacement d’un employé pour se rendre au travail. Dans le premier cas, l’employé n’est pas maître de son temps et se déplace pour exécuter une exigence de l’employeur tandis que dans le deuxième cas, il est maître de son temps et peut en user comme bon lui semble, c’est-à-dire qu’il peut choisir de se déplacer et retourner chez lui ou il peut faire toute autre chose. […]

[85]  La Cour fédérale a annulé la décision de l’arbitre de grief dans Lamothe (voir Canada (Procureur général) c. Lamothe, 2008 CF 411 (confirmée dans 2009 CAF 2)) parce que l’arbitre de grief n’avait pas bien traité une clause dans la convention collective qui interdisait précisément la rémunération pour le temps de déplacement pour suivre un cours. En raison de cette clause, la décision n’a pas été confirmée. Toutefois, l’IPFPC a soutenu que je peux quand même être orienté par l’analyse de l’arbitre de grief dans Lamothe, plus particulièrement parce que les voyageurs en l’espèce n’avaient aucun contrôle sur leur propre temps et que, puisqu’il n’existe aucune clause particulière qui leur refuse l’indemnisation, je devrais faire droit au grief.

[86]  Je note en passant que les conventions collectives des groupes AV et NR contiennent un libellé de convention collective qui est modifié par rapport à ce qui était en litige dans Lamothe. Le libellé (à la clause 13.08) se lit comme suit : « Aux termes du présent article, la rémunération n’est pas versée pour le temps que met l’employé à se rendre à des cours, à des séances de formation, à des conférences et à des colloques, sauf s’il est tenu par l’Employeur d’y assister » [je mets en évidence]. En d’autres termes, les parties avaient négocié le libellé afin qu’il prévoie le résultat ordonné à l’origine par l’arbitre de grief dans Lamothe.

3.  S’agit‑il d’un temps de déplacement ou d’un temps de transport?

[87]  Ces principes d’interprétation de convention collective entrent en jeu en l’espèce en raison de la façon dont les parties définissent le temps nécessaire pour se rendre d’un hôtel à un lieu de travail. Pour l’employeur, il s’agit d’un temps de transport, purement et simplement, et, puisqu’il n’existe aucune disposition expresse prévoyant la rémunération du temps de transport, je dois rejeter le grief. Pour le syndicat, l’employeur contrôle en dernier ressort le lieu d’un hôtel et, par conséquent, le trajet d’un hôtel à un lieu de travail ne peut être défini comme un temps de transport.

[88]  L’employeur a fait valoir que la Directive donne aux employés la souplesse de choisir leur logement, sous réserve d’un certain nombre de considérations opérationnelles et économiques. Puisque les employés possèdent un certain niveau de contrôle sur le choix de l’endroit où ils résideront, le temps qu’il faut pour se rendre d’un hôtel à un lieu de travail doit être considéré comme un temps de transport. Tout comme les heures consacrées au trajet entre sa résidence permanente et son lieu de travail ordinaire ne sont pas rémunérées, elles ne devraient pas non plus être rémunérées dans le contexte d’un déplacement. Tel que cela a été énoncé dans la réponse de l’employeur au grief, la convention collective [traduction] « […] ne contient aucune disposition expresse ou implicite pour la rémunération du temps de transport lorsque les employés sont à destination pendant qu’ils sont en déplacement et en service commandé ».

[89]  L’employeur a déposé des éléments de preuve de Statistique Canada selon lesquels le temps de transport moyen au Canada était de 25,4 minutes en 2011 et qu’il fallait 45 minutes ou plus pour 17,2 % des navetteurs pour se rendre au travail. Il a également déposé en preuve un rapport des médias portant sur le Recensement de 2016 selon lequel les temps de transport moyens à Ottawa‑Gatineau s’élevaient à 42 minutes par transport en commun, à 25 minutes par automobile et à 18 minutes pour ceux qui marchent ou qui prennent leur bicyclette.

[90]  Tout en reconnaissant que les employés n’étaient pas rémunérés pour leur temps de transport personnel, l’IPFPC a soutenu que la convention collective ne contient pas l’expression « temps de transport » et elle ne prévoit aucune disposition particulière qui définit le déplacement dans un lieu éloigné comme un temps de transport. Le fait que bon nombre d’employés pourraient être confrontés à de longs temps de transport personnels dans leurs zones d’affectation ne devrait pas constituer un facteur dans l’évaluation du présent grief. En l’espèce, le déplacement à l’extérieur de la zone d’affectation des employés est en litige et tous ces types de déplacements doivent être considérés comme des temps de déplacement et non comme des temps de transport.

[91]  Pour le syndicat, la sélection de l’hôtel est limitée à ceux énumérés dans les pages blanches. En fin de compte, il incombe aux employeurs de déterminer les dispositions nécessaires aux déplacements, en tenant compte des besoins et des intérêts des employés, ainsi que de ses exigences opérationnelles. Dans l’exemple concernant le Nevada, le choix d’hôtel a été pris en tenant compte de toute une équipe composée de membres du personnel de TPSGC, du MDN et de l’entrepreneur. Ensemble, ils ont coordonné le transport aux sites de travail, réalisant ainsi d’importantes économies pour l’employeur. Dans l’exemple concernant London, l’employeur bénéficiait d’un taux réduit à l’hôtel situé dans le centre‑ville et les employés voyageaient ensemble pour se rendre au lieu de travail. En résumé, les employés n’avaient aucun contrôle sur leur propre temps et, par conséquent, le temps nécessaire pour se rendre aux lieux de travail ne peut être considéré comme un temps de transport.

[92]  Dans le cadre de cette partie de l’analyse, je ne retiens pas l’interprétation de l’employeur. Même s’il est bien établi que le temps de transport personnel au lieu de travail ordinaire de l’employé n’est pas rémunéré, la décision quant à savoir où une personne souhaite résider constitue strictement un choix personnel, en fonction des facteurs concernant le logement, le transport, le quartier, les écoles et les préférences individuelles. Le choix d’un hôtel à partir d’un nombre limité d’emplacements approuvés par le gouvernement, dans le contexte d’un déplacement à court ou à long terme n’est pas la même chose. Le fait de déclarer simplement que le temps de transport ne tient pas compte des différences importantes entre le choix personnel de résidence et un voyage. En conséquence, je n’accorde aucun poids aux éléments de preuve auquel l’employeur a tenté de faire renvoi au sujet des temps de transports normaux au Canada.

[93]  Cela étant dit, le fait de distinguer cette forme de transport comme un temps de transport différent ne suffit pas pour me permettre de conclure que je dois faire droit au grief. Dans la plupart des cas, l’hôtel et le lieu de travail sont suffisamment proches l’un de l’autre pour que la question relative au temps de transport ne soit pas soulevée. Afin de comprendre cela, une analyse approfondie de la clause 13.02 de la convention collective et de la signification du terme « destination » est nécessaire.

4.  Qu’est‑ce qu’une « destination » à la clause 13.02?

[94]  La différence d’opinions des parties concernant la signification ordinaire du terme anglais « residence » est claire et facile à comprendre. Il n’en est pas ainsi lorsqu’il s’agit d’analyser leur différence d’opinions (et en fait la confusion interne dans le cadre de leurs observations) au sujet de la signification du terme « destination », tel qu’il est utilisé dans les deux alinéas 13.02a) et b) de la convention collective.

[95]  Dans sa réponse initiale au grief de principe, l’employeur a déclaré que l’article 13 de la convention collective [traduction] « […] vise le temps de déplacement […] à une destination (p. ex. soit un logement, soit un lieu de travail) ». En d’autres termes, une destination pourrait correspondre à un logement ou à un lieu de travail.

[96]  Il a adopté une approche différente dans ces arguments. Il a déclaré que [traduction] « […] l’expression “résidence ou lieu de travail” ne peut être interchangeable avec le terme “destination” », et il a contesté l’affirmation selon laquelle une destination est synonyme aux termes résidence ou lieu de travail. Cela semble contredire directement la position dans la réponse au grief.

[97]  Les observations écrites initiales de l’IPFPC énonçaient que [traduction] « [l]e déplacement entre un hôtel ou un logement (c.‑à‑d. la “destination” ou la “résidence”) et le “lieu de travail” est clairement visé par les termes de l’article 13 ». Cela semble indiquer que la destination correspond à l’hôtel. Subsidiairement, il a adopté l’argument selon lequel la « destination » pourrait inclure un logement temporaire uniquement si la Commission détermine que le terme anglais « residence » ne l’inclut pas.

[98]  Puisqu’aucune des parties n’a été en mesure de donner une explication claire de la façon dont le terme « destination » touche l’application de l’article de la convention collective, je conclus qu’il est nécessaire d’étudier et d’expliquer le sens pratique du terme en l’examinant dans un contexte de déplacement hypothétique ayant trait aux alinéas 13.02a) et 13.02b).

[99]  Par exemple, le vol d’un employé d’Ottawa à Toronto. Tel que cela a été indiqué plus tôt dans la présente décision, l’alinéa 13.02a) de la convention collective vise le déplacement par transport en commun (dans ce cas, le vol d’Ottawa à Toronto). Le temps de déplacement total comprend le temps de déplacement normal, déterminé par l’employeur, nécessaire pour se rendre à l’aéroport d’Ottawa avant l’heure de départ prévue, soit du lieu de résidence de l’employé (s’il est parti directement de sa maison) ou du lieu de travail (c.‑à‑d. si la personne s’est présentée au travail avant son vol). Il vise le temps à l’aéroport et la durée du vol.

[100]  Toutefois, la destination n’est pas Toronto dans son ensemble, et le temps de déplacement ne prend pas fin lorsque l’aéronef atterrit à Toronto. Il prend fin uniquement à l’arrivée de la personne à sa destination, ce qui est, en termes pratiques, le logement ou le lieu de travail temporaires. Si le jour de déplacement prend fin à un hôtel, la destination est alors l’hôtel. Toutefois, si une personne se déplace tôt pendant la journée et prend un taxi pour aller au bureau ou au lieu de travail temporaire, la destination est alors le bureau ou le lieu de travail temporaire et elle constitue le point auquel le déplacement prend fin et le temps de travail commence.

[101]  L’inverse est également vrai. Lorsqu’elle retourne à Ottawa, le temps de déplacement ne prend pas fin à l’aéroport d’Ottawa. Il prend fin à la destination de la personne, ce qui dépend du plan de déplacement, soit la résidence, soit le lieu de travail.

[102]  En effet, à l’alinéa 13.02a) de la convention collective, la destination est un emplacement précis unique au déplacement entrepris. Il s’agit de l’endroit où l’employé voyage, soit où sa journée prend fin (et le temps de l’employé est son temps personnel) ou au moment auquel le temps de travail de l’employé commence. Dans cet exemple, la destination est l’hôtel ou le lieu de travail lorsqu’il se rend à Toronto. Mais il s’agit également de la résidence ou du lieu de travail de l’employé dès son retour à Ottawa. À ce moment-là, le temps de déplacement prend fin.

[103]  L’application de l’alinéa 13.02b) de la convention collective vise le déplacement par transport privé, par exemple, le déplacement au moyen d’un véhicule de location d’Ottawa à Kingston. Le temps de déplacement comprend le temps normal de déplacement, déterminé par l’employeur, nécessaire pour se rendre au lieu de résidence de l’employé (s’il est parti directement de sa maison) ou de son lieu de travail (s’il s’est présenté au travail avant de se rendre à Kingston), à la destination de l’employé à Kingston. Encore une fois, la destination pourrait être soit un hôtel soit un site de travail. Le temps de déplacement prend fin lorsque l’employé arrive à sa destination.

[104]  En ce qui concerne son voyage de retour à Ottawa, l’alinéa 13.02b) de la convention collective n’utilise pas le terme « destination ». Il déclare que le temps de déplacement pour lequel l’employé est rémunéré est « […] pour se rendre de son domicile ou de son lieu de travail, selon le cas, directement à sa destination et, à son retour, directement à son domicile ou à son lieu de travail ». En conséquence, dans cette clause, la destination est uniquement le logement temporaire ou le lieu de travail temporaire. Néanmoins, la clause s’applique de manière semblable, comme lorsque l’employé revient à Ottawa, il revient à sa résidence ou à son lieu de travail, et c’est à cet endroit que le temps de déplacement prend fin.

[105]  Dans de nombreuses situations de déplacement qui ont lieu toute une nuit, l’hôtel et un lieu de travail sont à proximité l’un de l’autre et cette analyse approfondie du terme « destination » n’est pas requise. Cela pourrait être la source de confusion dans les observations des parties. En raison de cette proximité, il n’est pas nécessaire de déterminer précisément le point de fin et, effectivement, le principe de « destination » est assez large pour englober à la fois le logement et le lieu de travail temporaires parce qu’ils sont physiquement près l’un de l’autre.

[106]  Toutefois, dans une situation comme celle des voyages au Nevada en 2014, cette application du sens ordinaire du terme « destination » crée un résultat potentiellement absurde. À l’origine, en supposant que le vol de la personne atterrit à Reno, loue une automobile et se rend à un hôtel à Carson City, le même jour, la destination est l’hôtel et le temps de déplacement prend fin dès son arrivée à l’hôtel. Mais Carson City est‑elle réellement la destination du déplacement? La clause 13.01 de la convention collective indique que le déplacement a pour objet d’exécuter des fonctions pour l’employeur. Toutefois, aucun travail n’est exécuté à Carson City. Le véritable travail est exécuté à Yerington ou à Silver Springs – soit un trajet de 45 à 60 minutes de l’hôtel.

5.  L’interprétation donne‑t‑elle lieu à un résultat absurde?

[107]  Selon l’un des arguments les plus puissants de l’IPFPC, l’interprétation de l’employeur de l’article 13 de la convention collective pourrait donner lieu à un résultat absurde, ce qui est constaté à l’aide d’une comparaison entre son application à deux différents types de voyageurs. Il a donné l’exemple d’un employé qui travaille habituellement aux bureaux du MDN situés au 3500, avenue Carling, à Ottawa, qui a été affecté pour travailler temporairement à ses bureaux situés au 222, rue Nepean, à Ottawa, à une distance de 17,9 km. Un tel employé, qui se déplace au moyen d’un véhicule privé, serait rémunéré pour son temps de déplacement en vertu de l’alinéa 13.02b). Toutefois, Mme Marcichiw, dont le trajet était de 60 km à 100 km, n’a pas été rémunérée. Ce résultat absurde ne peut pas constituer l’intention des parties, selon le syndicat.

[108]  Je souscris aux arguments de l’IPFPC ici, plus particulièrement à la lumière de mon analyse du terme « destination ». Lorsqu’un hôtel est situé à une distance importante d’un lieu de travail, l’hôtel et le lieu de travail ne peuvent pas constituer une seule destination. Lorsqu’ils se situent à une distance importante l’un de l’autre, une situation semblable à celle du MDN à Ottawa est alors créée. On ne peut pas faire abstraction de cette anomalie.

[109]  Selon le syndicat, un autre résultat absurde serait qu’un employé qui est retourné chez lui tous les soirs (par exemple, au moyen d’un vol d’une heure) serait rémunéré pour son temps de déplacement, alors que l’employé dont le temps de transport est d’une heure d’un hôtel à un site de travail ne serait pas rémunéré. L’employeur réalise d’importantes économies lorsque les employés sont hébergés à proximité d’un lieu de travail et, en conséquence, il devrait les rémunérer pour le temps de déplacement excédentaire pour se rendre au lieu de travail. À mon avis, il ne s’agit pas d’un argument convaincant puisque, pour des raisons pratiques, l’employeur ne prévoirait pas un vol chaque soir pour les employés.

[110]  En revanche, l’employeur a soutenu que l’interprétation du syndicat donnerait lieu à des anomalies. Il a adopté la position selon laquelle, si l’alinéa 13.02b) de la convention collective prévoit une rémunération pour les employés qui utilisent un véhicule privé, un employé qui prend un taxi serait désavantagé et l’employeur a soutenu qu’un taxi constitue une forme de transport en commun. Puisque les taxis n’ont aucune [traduction] « heure de départ prévue », le fait d’en prendre un ne donne pas droit à une rémunération en vertu de l’alinéa 13.02a).

[111]  L’IPFPC a contesté l’argument selon lequel l’alinéa 13.02a) de la convention collective est limité par quelque chose de semblable à un horaire public affiché. Il a indiqué que le transport au moyen d’un taxi peut être considéré comme un temps de déplacement. Étant donné mon analyse de la façon dont le terme « destination » est appliqué, en ce qui concerne son application au temps nécessaire pour prendre un taxi de l’aéroport à un hôtel, je suis d’accord.

6.  L’interprétation de l’IPFPC est‑elle réalisable sur le plan administratif?

[112]  Il demeure un dernier principe d’interprétation contractuelle à évaluer, à savoir si le résultat proposé par le syndicat est réalisable sur le plan administratif.

[113]  Le syndicat a soutenu que la Directive fait partie des conventions collectives des groupes AV et NR et qu’elle doit être prise en considération dans le cadre de l’analyse de l’article ayant trait au temps de déplacement. Un engagement à veiller à ce que les dispositions en matière de déplacement soient « équitables » et « raisonnables » sous‑tend la Directive. Il incombe à l’employeur d’approuver les dispositions nécessaires du déplacement et, en fin de compte, de déterminer si elles répondent aux besoins des employés et à ses exigences opérationnelles.

[114]  Selon la définition prévue à la Directive, la zone d’affectation d’un employé est une région qui s’étend sur 16 km de son lieu de travail permanent. Lorsqu’il se déplace de son lieu de travail et que ce déplacement a lieu toute une nuit, elle prévoit que l’employé a droit à un logement. À l’article 3.3.1, elle définit la norme de ce logement comme « […] la chambre individuelle dans des établissements sûrs, bien situés et confortables ». Toutefois, elle déclare également qu’il faut se servir du répertoire gouvernemental des hôtels en tant que guides en ce qui concerne les frais, l’endroit et le choix de logement et que l’employeur approuve, en dernier ressort, l’hôtel à utiliser.

[115]  En même temps, l’IPFPC a soutenu que les employés ne devraient pas être tenus d’échanger un logement et le temps de déplacement et a déclaré ce qui suit : [traduction] « Un employé ne devrait pas être tenu d’échanger son droit à un logement convenable lorsqu’il est en déplacement, avec des distances de transport excessives entre le logement et le déplacement au lieu de travail. »

[116]  La difficulté avec cet énoncé est qu’il va complètement à l’encontre de l’incidence administrative de l’interprétation de l’article 13 de la convention collective dont l’IPFPC fait la promotion.

[117]  Si les déplacements qui prennent plus de 15 minutes pour se rendre entre un hôtel et un lieu de travail donnent droit à une rémunération, par conséquent, lorsque l’employeur doit approuver le choix de l’hôtel d’un employé, ces frais supplémentaires constitueront inévitablement un facteur dans le calcul afin de déterminer si l’hôtel « A » doit être approuvé (p. ex. dont le trajet est de 15 minutes par auto ou taxi) ou si l’hôtel « B » doit être approuvé (p. ex. à l’extérieur de cette région).

[118]  Puisque le libellé de l’article 13 de la convention collective concerne le temps de déplacement normal « déterminé par l’employeur », il exigerait que l’employeur examine chacune des situations de déplacement afin de déterminer s’il comporte des temps de transports de 15 minutes ou plus. En effet, l’échange entre le temps de déplacement et les frais ferait partie des centaines de transactions de déplacement approuvées chaque année. Si cette interprétation était appuyée par un libellé clair, ce serait différent, mais le fait de conclure ainsi m’oblige de tenir compte de l’incidence administrative.

VI.  Conclusion

[119]  En plus de ses autres arguments, l’employeur a soutenu que le principe du bon sens devrait s’appliquer et que je devrais conclure en sa faveur, en invoquant Carroll c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et ministère de l’Industrie), 2019 CRTESPF 23, au par. 85.

[120]  Le principe du bon sens dans Carroll ne constituait pas un principe vague en vertu duquel un argument peut être interprété, mais un principe plus nuancé tiré de la décision de la Commission dans Fehr c. Agence du revenu du Canada, 2017 CRTESPF 17 (confirmée par 2018 CAF 159), au par. 67, comme suit :

67  Cette approche plus moderne de l’interprétation des contrats a évolué vers une démarche plus pratique et fondée sur le sens commun et n’est pas axée sur des règles de forme en matière d’interprétation. La question prédominante consiste à discerner l’intention des parties et la portée de leur compréhension. Pour ce faire, le décideur doit interpréter le contrat dans son ensemble, en donnant aux mots le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec les circonstances dont les parties avaient connaissance au moment de la conclusion du contrat.

[121]  En d’autres termes, une personne doit tenir compte de tous les principes d’interprétation contractuelle et déterminer l’intention des parties dans le cadre de l’application pratique de ces principes à l’aide d’une analyse, de la logique et du bon sens.

[122]  En appliquant ce cadre au présent grief, il est clair que l’article 13 de la convention collective vise une vaste gamme de situations de déplacement, et non les situations factuelles uniques présentées par les exemples donnés par les parties. Le syndicat m’a demandé de conclure que le libellé de la convention collective devrait permettre de rémunérer tous les déplacements entre un hôtel et un lieu de travail dont la durée est plus de 15 minutes. Pour ce faire, je dois conclure que les parties avaient l’intention que le terme « residence » utilisé dans la version anglaise de l’alinéa 13.02b) englobe les résidences temporaires, comme les hôtels. Même si je suis d’accord pour dire que l’alinéa 13.02b) ne précise pas qu’une « residence », utilisé dans la version anglaise, est permanente, l’utilisation du terme « domicile » dans la version française et dans le contexte de l’ensemble des conventions m’amène à conclure que le sens ordinaire de la clause vise les déplacements d’une zone d’affectation, soit de la résidence ou du lieu de travail permanents d’un employé, à une destination éloignée. Une fois que l’employé arrive à la destination, le temps de déplacement prend fin. En conséquence, je ne peux conclure que les parties avaient l’intention que la clause prévoie la rémunération des employés pour tous les déplacements entre un hôtel et un lieu de travail. Même si je n’estime pas que le temps devrait être qualité de temps de transport, j’ai reconnu que le choix d’hôtel de l’employé fait partie intégrante du processus et que, dans la plupart des situations de déplacement, les employés disposent d’un certain contrôle sur leur temps avant leur arrivée et leur départ des lieux de travail.

[123]  Quoi qu’il en soit, le facteur le plus important dans ma décision est l’absence de lien entre l’interprétation présentée par l’IPFPC et son argument selon le choix d’hôtel ne devrait pas constituer un échange par rapport au calcul du temps de déplacement. Si j’estimais que son interprétation était exacte, cette interprétation intégrerait en effet le calcul du déplacement de 15 minutes à tous les déplacements approuvés en vertu de ces conventions collectives et de toutes les conventions collectives comportant un libellé semblable.

[124]  Si les parties avaient voulu ce résultat, je crois qu’un libellé beaucoup plus clair figurerait dans la convention collective à l’appui de celui‑ci.

[125]  Il incombait au syndicat d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeur contrevenait aux conventions collectives. Comme il ne s’est pas acquitté de ce fardeau, je rejette le grief de principe.

[126]  Cela étant dit, je suis parvenu à cette conclusion sans retenir l’argument de l’employeur selon lequel tous ces types de déplacements entre un hôtel et un lieu de travail équivalent à un temps de transport. Je ne retiens pas non plus son affirmation selon laquelle il ne dispose pas du pouvoir discrétionnaire pour ne jamais rémunérer un employé pour un tel temps de déplacement. Il faut tenir compte des circonstances de déplacement uniques qui existent à l’extérieur du cours normal des affaires.

[127]  Dans son argumentation, l’employeur a soutenu que l’expression [traduction] « lieu de travail » est définie comme [traduction] « […] soit permanent, régulier ou temporaire, dont le lieu de travail temporaire est au sein de la zone d’affectation où on demande à un employé de se présenter ou d’y exécuter les fonctions de son poste de manière temporaire ».

[128]  Si l’interprétation de l’employeur est correcte, dans une situation comme celle au Nevada, le lieu de travail temporaire était donc le lieu de travail (Yerington ou Silver Springs). La zone d’affectation à proximité du lieu de travail temporaire s’étendait sur 16 km. Par conséquent, si le déplacement en direction d’un hôtel situé à l’extérieur de cette zone d’affectation temporaire était requis, il serait logique de conclure qu’il serait visé par une forme quelconque de rémunération.

[129]  Toutefois, ce résultat n’est pas décrit clairement dans la Directive ni à l’article 13 de la convention collective. La Directive ne prévoit pas expressément que le principe de la zone d’affectation s’applique à un lieu éloigné. Voilà ce qui donne lieu au caractère absurde que le syndicat a fait valoir : le voyage au Nevada ne donnait pas droit à une rémunération, mais que le transport d’un employé des bureaux du MDN situés sur l’avenue Carling à son bureau au centre‑ville d’Ottawa, dont on a indiqué antérieurement qu’il était d’une distance de 17,9 km, donnerait droit à une telle rémunération.

[130]  Cela nous laisse également avec la situation ambiguë où l’application du terme « destination » peut signifier un hôtel qui est situé à une grande distance du véritable lieu où le travail doit être exécuté. Dans de telles circonstances, le fait de conclure que la « destination » peut viser à la fois un « logement » et un « lieu de travail » n’est pas logique en ce qui concerne le travail à exécuter et le déplacement à entreprendre.

[131]  En d’autres termes, je ne suis pas disposé à conclure qu’une situation factuelle individuelle peut donner un autre résultat que celui auquel je suis parvenu dans le présent grief de principe. Dans l’évaluation de la situation factuelle particulière, il faudrait répondre à la question clé de savoir s’il existe un logement approprié au sein d’une région raisonnable du lieu de travail. La Directive énonce les critères applicables au logement. En l’espèce, les déposants patronaux ont également indiqué un certain nombre de critères qui s’appliquent à la sélection d’un logement, comme l’accès aux restaurants et à d’autres commodités, les questions de sécurité, la qualité du logement, les besoins des employés individuels, les besoins de l’équipe de personnel en tant que groupe et les avantages découlant de la coordination du transport local.

[132]  S’il existe un logement approprié au sein d’une région raisonnable et que l’employé accepte volontairement un logement à l’extérieur de cette région pour des raisons de préférences personnelles, cela ne relèverait alors pas de la responsabilité de l’employeur.

[133]  Toutefois, si un logement approprié n’existe pas au sein de cette région, j’estime donc qu’on pourrait faire valoir l’existence du droit à la rémunération.

[134]  L’évaluation de cette situation exigerait une analyse approfondie de la situation factuelle en examinant le lien entre les exigences opérationnelles de l’employeur, les besoins de l’ensemble de l’équipe et les besoins individuels de l’employé. Je souligne encore une fois l’énoncé de M. McNutt selon lequel les employés sont [traduction] « […] fortement invités à résider au même endroit aux fins de la sécurité, des frais et de la coordination de l’équipe ». Cela mine considérablement la suggestion selon laquelle un employé a accepté volontairement un logement qui se situe à une distance importante d’un lieu de travail.

[135]  Je ne dispose pas suffisamment de faits pour évaluer pleinement l’un ou l’autre des exemples utilisés par les parties aux fins du présent grief de principe et je ne suis pas saisi de leur grief individuel. Un témoignage précis aurait été nécessaire pour évaluer si le niveau du déplacement éloigné ou du trajet était juste ou raisonnable.

[136]  J’estime qu’il convient de noter que ce type d’analyse a orienté les arbitres de grief dans les cas cités par l’employeur (Mayoh) et le syndicat, Booton c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossiers de la CRTFP 166‑02‑13844 (19840209), [1984] C.R.T.F.P.C. no 18 (QL).

[137]  Tel que cela a été mentionné antérieurement, l’employeur a invoqué Mayoh à l’appui de l’interprétation du terme anglais « residence » comme une résidence permanente et non la résidence temporaire d’une personne. Le voyage concernait des employés qui exerçaient des fonctions sur le terrain pour la Prairie Farm Rehabilitation Administration dans la région rurale de Saskatchewan. Dans cette affaire, l’arbitre de grief a rejeté une demande de rémunération des employés [traduction] « portail à portail », c.‑à‑d. à partir du moment qu’ils sont partis de leur hôtel jusqu’à ce qu’ils arrivent à leur lieu de travail. Toutefois, il s’agissait d’une situation où l’employeur leur avait déjà versé une indemnité aux fins d’un déplacement excédentaire – au‑delà de 10 miles (ou 16 km). L’arbitre de grief a confirmé cette pratique, en indiquant effectivement qu’il était justifié qu’un trajet de moins de 10 miles relève de la responsabilité de la personne, mais qu’un trajet de plus de 10 miles méritait une rémunération.

[138]  La décision Booton, publiée quatre ans plus tard, est parvenue à une conclusion semblable. Dans cette décision, les fonctionnaires s’estimant lésés travaillaient à rénover l’aéroport à Trinité et le seul logement approuvé par l’employeur exigeait un déplacement de 2,5 heures tous les jours (aller-retour à l’aéroport). La direction locale a accepté de payer 1,5 heure au titre d’heures supplémentaires, mais sa décision a été annulée par le personnel à l’administration centrale. Les employés ont contesté cette décision et l’arbitre de grief a conclu en leur faveur, accordant des heures supplémentaires quotidiennes équivalentes à 1,5 heure. En conséquence, comme dans Mayoh, le résultat était qu’un certain temps de déplacement (une heure par jour ou 30 minutes dans chaque sens) a été considéré comme relevant de la responsabilité de l’employé et n’était pas rémunéré. Toutefois, le temps excédentaire (1,5 heure par jour ou 45 minutes dans chaque sens) a été considéré comme des heures de travail.

[139]  Les deux décisions Mayoh et Booton ont été analysées non en fonction du libellé portant sur le temps de déplacement, mais d’un libellé portant sur les heures supplémentaires qui ne figure pas aux conventions collectives en litige en l’espèce. Dans les conventions collectives actuelles des groupes AV et NR, la clause la plus similaire serait la clause 13.06, qui se lit comme suit :

13.06 Le présent article ne s’applique pas à l’employé qui est tenu d’exercer ses fonctions dans un véhicule de transport dans lequel il voyage. Dans ce cas, l’employé reçoit une rémunération pour les heures travaillées conformément aux articles suivants : Durée du travail, Heures supplémentaires, Jours fériés désignés payés.

[140]  En conséquence, dans une situation où les circonstances exigent un temps de déplacement important, la question suivante est soulevée : ce temps devrait‑il être considéré comme du temps « travaillé »?

[141]  L’IPFPC a soutenu que, si je ne souscrivais pas à son interprétation de la clause 13.02, le déplacement de Mme Marcichiw et de M. Bergeron devrait être considéré comme du temps mobilisé et rémunéré en vertu de la clause 13.06. Il a invoqué une jurisprudence qui reconnaît que le temps mobilisé constitue du travail exécuté pour l’employeur, y compris Hutchison c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2015 CRTEFP 32, Canada (Procureur général) c. Paton, [1990] 1 C.F. 351 (C.A.), et Vancouver (City) Fire and Rescue Services v. Vancouver Firefighters’ Union, Local 18 (HUSAR Overtime Grievance), [2016] B.C.C.A.A.A. No. 29 (QL).

[142]  L’employeur s’est opposé aux arguments du syndicat concernant la clause 13.06, déclarant que ni le grief ni le renvoi à l’arbitrage n’a soulevé cette clause et que le syndicat devrait être empêché d’en débattre à l’arbitrage (voir Burchill c. Canada (Procureur général), [1981] 1 C.F. 109 (C.A.) et Shneidman c. Canada (Agence du revenu du Canada), 2007 CAF 192).

[143]  Le syndicat a répondu que le grief a fait référence à l’article 13 dans son intégralité et que sa présentation à l’employeur pendant la procédure de règlement du grief de principe a soulevé la question du temps mobilisé et a cité longuement des extraits de Hutchison.

[144]  Les arguments du syndicat à l’étape interne de la procédure de règlement des griefs faisaient partie de l’exposé conjoint des faits et je suis d’accord pour dire que l’employeur ne peut ni soutenir une surprise ni invoquer par ailleurs Burchill. Je rejette l’objection de l’employeur.

[145]  L’employeur a soutenu que, subsidiairement, les voyages de Mme Marcichiw et de M. Bergeron ne répondaient pas aux critères de la jurisprudence concernant le temps mobilisé. Par exemple, Hutchison portait sur une situation où un employé a participé à des essais en mer et le grief HUSAR concernant les heures supplémentaires s’appliquait lorsqu’une équipe de recherche et de sauvetage de Vancouver a été déployée à Calgary, en Alberta et devait résider à une école primaire comportant un accès limité aux commodités et des limites importantes à sa liberté de mouvement et, par conséquent, l’employeur ne pouvait pas justifier l’application des principes du temps mobilisé. Il a soutenu que la Cour d’appel du Canada avait rejeté les arguments fondés sur le temps mobilisé même dans le cadre d’emplois extrêmes comme les patrouilles hors‑piste dans les parcs nationaux (voir Martin v. Canada (Treasury Board), [1990] F.C.J. No. 939 (C.A.) (QL)).

[146]  Toutefois, en l’espèce, l’IPFPC n’a pas soutenu que le temps mobilisé devrait faire l’objet d’une rémunération de 24 heures puisqu’il n’a pas contesté le principe selon lequel, une fois que les employés sont de retour à leur hôtel, leur temps est à eux personnellement. Seul le temps de déplacement à un lieu de travail éloigné est contesté.

[147]  Tel que cela a été mentionné antérieurement, je ne suis pas bien placé pour évaluer pleinement les circonstances particulières du Nevada ou de London, et je ne suis donc pas prêt à conclure qu’un tel temps de déplacement constitue un temps mobilisé. Cependant, je ne suis pas prêt non plus à conclure, comme me l’a demandé l’employeur, que le principe du temps mobilisé ne s’appliquerait jamais à de tels voyages.

[148]  En résumé, je conclus que l’agent négociateur n’a pas établi que l’article 13 exige que l’employeur verse une rémunération aux employés pour tous les déplacements effectués pendant le voyage entre une résidence temporaire (p. ex. un hôtel) et un lieu de travail temporaire. Toutefois, je ne suis pas disposé à retenir les arguments de l’employeur selon lesquels la convention collective empêche l’employeur de rémunérer certains employés en voyage unique. La détermination des voyages qui justifient la rémunération exigerait des éléments de preuve propres à l’affaire, que ce soit en ce qui concerne le caractère convenable du logement (p. ex. selon la Directive) ou en ce qui concerne la question de savoir si un voyage particulier représente une forme de temps mobilisé.

[149]  J’estime également que l’analyse ci‑dessus indique une divergence dans les conventions collectives en ce qui concerne la rémunération d’un employé qui se déplace de son logement au site de travail pendant qu’il est en voyage. Il n’appartient pas à la Commission de créer une nouvelle disposition, puisque sa décision ne peut avoir pour effet d’exiger la modification d’une convention collective. Il incombe aux parties de négocier à ce sujet si c’est ce qu’elles souhaitent.

[150]   Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VII.  Ordonnance

[151]  Le grief de principe est rejeté.

Le 8 novembre 2019.

Traduction de la CRTESPF

David Orfald,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.