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Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé était un enseignant en milieu correctionnel auprès du Service correctionnel du Canada – dans Gill c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2018 CRTESPF 55, la Commission a conclu que l’employeur avait licencié le fonctionnaire s’estimant lésé sans motif valable – la Commission est demeurée saisie de l’affaire afin de trancher la question liée à la réparation à la suite d’une continuation de l’audience – en guise d’introduction à ses conclusions sur la réparation, la Commission a fait observer qu’elle s’était fondée en grande partie sur la preuve documentaire, plutôt que sur le témoignage du fonctionnaire s’estimant lésé, qui était souvent contradictoire et incompatible avec les documents – le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que la Commission était en situation de conflit d’intérêts, ce que celle ci a jugé non seulement inexact, mais aussi insultant et absurde – le fonctionnaire s’estimant lésé a prétendu que pendant son service, il lui était arrivé toutes sortes de choses dont l’employeur devait être tenu responsable, et qu’il devait être dédommagé – la Commission n’a constaté aucune preuve du fait que le fonctionnaire s’estimant lésé avait déposé un grief au sujet de ces choses, ni, à plus forte raison, du fait qu’il en aurait soumis une à la procédure de règlement des griefs, et certaines de ces choses n’étaient pas liées à son emploi – par conséquent, la Commission n’avait pas compétence pour les entendre – le fonctionnaire s’estimant lésé ne voulait pas être réintégré dans ses fonctions, ce qui a laissé à la Commission le soin de déterminer les dommages auxquels le fonctionnaire s’estimant lésé avait droit en remplacement de la réintégration – dans l’année suivant le licenciement, le fonctionnaire s’estimant lésé a obtenu un emploi mieux rémunéré et offrant des avantages sociaux supplémentaires, mais il l’a quitté volontairement après plusieurs mois – la Commission a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé avait atténué entièrement le préjudice qu’il avait subi lorsqu’il a obtenu le poste, et qu’en le quittant, il avait agi sans raison valable et n’avait pas raisonnablement évité de futures pertes de revenu – par conséquent, les dommages en remplacement de la réintégration ont été calculés à compter de la date à laquelle il avait reçu une paye de l’employeur pour la dernière fois jusqu’à la date où il avait commencé à occuper ce poste – la Commission a refusé la demande en dommages et frais du fonctionnaire s’estimant lésé – la Commission a ordonné que les documents détaillant le revenu et les déclarations de revenus soient scellés, puisqu’ils n’étaient pas pertinents à la procédure – seuls les renseignements pertinents ont été reproduits dans la décision – les effets bénéfiques d’une ordonnance de confidentialité l’emportaient sur ses effets préjudiciables en ce qui concernait les renseignements personnels que renfermaient ces documents.

Ordonnance rendue.

Contenu de la décision

Date:  20191011

File: 566-02-8856

 

 

 Citation:  2019 CRTESPF 102

 

Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

De travail et de l’emploi

Dans le secteur public fédéral

Between

 

Steven gill

Fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL

(Service correctionnel du Canada)

 

défendeur

Répertorié

Gill c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant:  John J. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé:  Lui-même

Pour le défendeur:  Cristina St-Amant-Roy

 

 

Affaire entendue à Edmonton (Alberta),

Du 31 juillet au 2 août 2018.

(Observatins écrites déposées le 24 août et les 14 et 25 septembre 2018.)

(Traduction de la CRTESPF)


Motifs de décision

I.  Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1]   Steven Gill, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire ») était au service du Conseil du Trésor (CT ou l’« employeur ») auprès du Service correctionnel du Canada (SCC) en tant qu’enseignant en milieu correctionnel, classifié au niveau 1 du groupe Enseignement et bibliothéconomie (ED-EST-01), dans la région des Prairies du SCC à son Établissement d’Edmonton (l’« Établissement »), à Edmonton, en Alberta.

[2]  Le 18 septembre 2012, l’employeur a mis fin à l’emploi du fonctionnaire en le renvoyant en cours de stage. Le 1er août 2013, le fonctionnaire a renvoyé son grief à la Commission des relations de travail de la fonction publique (CRTFP) aux fins d’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTFP).

[3]  L’employeur s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief pour entendre le grief au motif que l’article 211 de la LRTFP n’autorise pas le renvoi d’un grief à l’arbitrage en ce qui concerne un licenciement sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP).

[4]  Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365; LCRTEFP) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP), qui remplace la CRTFP et l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique (TDFP). Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la LRTFP avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la LRTFP, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

[5]  Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP et le titre de la LCRTEFP, de la LRTFP, et du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (DORS/2005-79) pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi ») et le Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (le « Règlement »).

[6]  L’audience de cette affaire devait initialement avoir lieu entre le 31 octobre et le 3 novembre 2017. Toutefois, le fonctionnaire et son agent négociateur se sont séparés et, à sa demande, elle a été déplacée à la semaine du 12 mars 2018.

[7]  Entre le 13 et le 16 mars 2018 (les « premiers jours d’audience »), le défendeur a appelé cinq témoins, dont Sherry Leslie. Pendant l’emploi du fonctionnaire, elle était une gestionnaire de programmes au SCC à l’Établissement d’Edmonton. Ses fonctions et responsabilités comprenaient la surveillance de tous les programmes de réadaptation, de loisirs et de maîtrise de la colère, ainsi que de la rémunération et de l’emploi des détenus à l’Établissement. Elle assurait la supervision fonctionnelle de la section d’enseignement de l’Établissement puisqu’elle était chargée de suivre l’assiduité des enseignants en milieu correctionnel et les fournitures, ainsi que de répondre aux préoccupations concernant l’éducation relativement au fonctionnement de la section au sein de l’Établissement. Elle n’était pas la superviseure du fonctionnaire.

[8]  La superviseure directe du fonctionnaire était Shelly Sealy, qui a aussi témoigné durant les premiers jours d’audience. Son bureau était à l’Établissement de Bowden, qui est situé environ à mi-chemin entre Calgary et Edmonton. Elle relevait directement du directeur de l’Établissement de Bowden, qui était le titulaire du poste ayant le pouvoir délégué à l’égard des enseignants en milieu correctionnel.

[9]  Le fonctionnaire a appelé comme témoin Micky Sahib et Rose Waskowich, d’anciens enseignements à l’Établissement classifiés aux mêmes groupe et niveau que lui. Ils ont témoigné au cours des premiers jours d’audience, en vertu d’assignations qu’il a demandées. Il a livré son témoignage principal, mais il n’a pas été contre-interrogé.

[10]  Durant les témoignages au cours des premiers jours d’audience, une question a été soulevée quant au moment du licenciement du fonctionnaire. Les parties ont choisi de continuer à présenter leur preuve pour le reste de ces jours et d’aborder la question au moyen d’arguments écrits. À la conclusion des premiers jours d’audience, alors que l’ensemble des témoignages à l’exception du contre-interrogatoire du fonctionnaire était terminé, j’ai demandé aux parties de présenter leurs arguments en ce qui concerne la question de savoir si le fonctionnaire a réellement été renvoyé en cours de stage. L’employeur a aussi soutenu qu’il présenterait un argument ou une demande subsidiaire, soit qu’il a congédié le fonctionnaire pour un motif valable en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch.  F-11; LGFP).

[11]  Le 3 juillet 2018, j’ai rendu une décision préliminaire visant les mêmes parties (2018 CRTESPF 55; « Gill no 1 »), qui abordait la question de savoir si le fonctionnaire avait réellement été renvoyé en cours de stage ainsi que l’argument subsidiaire de l’employeur. J’ai formulé les conclusions suivantes :

  • · le fonctionnaire a été licencié en dehors de la période de stage et il n’a donc pas été licencié en vertu de l’article 62 de la LEFP;

  • · la Commission a compétence pour entendre le grief puisque le licenciement n’a pas été fait en vertu de l’article 62 de la LEFP;

  • · le grief concernant le licenciement a été accueilli;

  • · je demeurerai saisi de l’affaire en vue de trancher la question liée à la réparation;

  • · le fonctionnaire devait fournir à l’employeur les documents suivants qui seraient pertinents à la question liée à la réparation;

    • o ses feuillets T4 pour les années de 2012 à 2017;

    • o ses avis de cotisation (AC) provenant de l’Agence du revenu du Canada (ARC) pour les années 2012 à 2017;

    • o ses déclarations de revenus (DR) pour les années 2012 à 2017;

    • o une liste de tous les emplois à l’égard desquels il a présenté sa candidature depuis son licenciement en septembre 2012;

    • o une liste de tous les emplois qu’il a occupés depuis son licenciement.

[12]  Avant le prononcé de Gill no 1, la poursuite de l’audience avait été fixée du 31 juillet au 3 août 2018, à Edmonton. Les avis de dates d’audience ont été envoyés par courriel aux parties le 22 mars 2018 et l’« avis d’audience » officiel a été envoyé le 3 juillet 2018.

[13]  Après avoir rendu Gill no 1, mais avant le 31 juillet 2018, j’ai présidé deux
conférences de gestion des cas les 17 et 25 juillet 2018. On y a discuté de la production des documents indiqués dans Gill no 1 et de la raison de poursuivre l’audience. J’ai dit au fonctionnaire que l’audience porterait uniquement sur une réparation relative à son licenciement et non sur les difficultés ou les griefs (réels ou perçus) qu’il peut avoir eus en ce qui concerne sa relation d’emploi et qui seraient survenus dans le cadre de son emploi.

[14]  Pendant ces conférences, j’ai demandé au fonctionnaire qu’avant la reprise de l’audience le 31 juillet 2018, je lui demanderais une indication de ce qu’il souhaitait obtenir comme réparation pour son licenciement, y compris la question de savoir s’il voulait réintégrer son poste. Je lui ai dit que j’avais compétence pour le réintégrer dans le poste qu’il occupait au moment de son licenciement; toutefois, je n’ai pas compétence pour le placer dans un autre poste. Le fonctionnaire a dit qu’il comprenait ce que je lui avais dit.

[15]  Avant les premiers jours d’audience, le fonctionnaire avait acheminé à l’avocate du défendeur 15 nouvelles allégations concernant son licenciement, sans fournir de détails, comme suit :

[Traduction]

[…]

  • 1. Un congédiement déguisé et fondé sur la santé mentale qui a donné lieu à une mauvaise évaluation du rendement.

  • 2. La discrimination systématique au SCC.

  • 3. Du harcèlement sexuel et des voies de fait.

  • 4. Le fait d’ignorer les deux plaintes que j’ai déposées auprès de Sherry : Harcèlement sexuel.

  • 5. Un piège tendu par Sherry et Rose.

  • 6. La discrimination salariale.

  • 7. La rupture d’un contrat d’emploi obligatoire en droit signé par les deux parties en raison d’une réduction salariale illégale.

[…]

  • 8. Le fait de refuser que j’accepte un poste à Corcan en tant que gestionnaire adjoint, mais en laissant d’autres personnes accepter le poste.

  • 9. La discrimination salariale fondée sur d’autres arrondissements scolaires selon les années d’enseignement et d’expérience.

  • 10. Le fait de ne pas reconnaître l’expérience administrative et en tant qu’enseignant aux écoles canadiennes fédérales des Premières Nations et aux écoles à l’étranger, comme le Royaume-Uni et une école canadienne en Chine aux fins de la grille salariale.

  • 11. L’omission de verser le salaire en temps opportun, conformément au contrat, toutes les deux semaines. Un retard de près de deux mois.

  • 12. L’omission de renvoyer une personne à la maison pour prendre un congé de maladie malgré le fait que les médecins et les infirmiers sur place ordonnent qu’elle retourne à la maison.

  • 13. La discrimination à l’égard d’une personne ayant une déficience visuelle.

  • 14. Le racisme institutionnel.

  • 15. Un milieu de travail toxique.

[…]

[16]  Le 2 mars 2018, dans une réponse de 10 pages, l’employeur a répondu à ces allégations, affirmant essentiellement que le fonctionnaire n’avait jamais soulevé ces questions dans un grief et qu’il ne devrait pas être autorisé à les soulever à ce stade. Il a invoqué Burchill v. Canada (Attorney General), [1981] 1 F.C. 109 (C.A.), Baranyi c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2012 CRTFP 55 et Shneidman c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 192. Le 9 mars 2018, le fonctionnaire a répondu à l’employeur en fournissant des renseignements sur ses 15 allégations supplémentaires.

[17]  Au début de la poursuite de l’audience (le 31 juillet 2018), j’ai encore une fois mis en évidence l’objectif de cette dernière, soit d’établir la réparation que je devrais accorder au fonctionnaire en raison de son licenciement inacceptable. Pour son bénéfice, j’ai encore une fois répété qu’il devait me dire la réparation qu’il souhaitait obtenir, qui pouvait comprendre la réintégration dans son ancien poste, des dommages monétaires ou une combinaison des deux.

[18]  Toujours à ce moment, le fonctionnaire m’a remis un important recueil de documents. Étant donné les difficultés indiquées dans Gill no 1 en ce qui concerne le recueil de documents qu’il a fourni, ce recueil n’a pas été déposé à titre de pièce à des fins d’identification. J’ai accepté de le conserver pendant le témoignage à l’audience dans l’éventualité où certains documents seraient pertinents aux témoignages ou si l’on acceptait d’en produire certains, sur consentement. À l’exception d’un document qu’il a produit, intitulé [traduction] « Réparations demandées », sauf s’ils étaient produits et cotés à titre de pièces, les documents et le recueil lui ont été remis le 2 août 2018. Le document des réparations demandées indiquait la réparation qu’il me demandait.

[19]  Lorsque l’audience a recommencé, le fonctionnaire a dit qu’il ne souhaiterait probablement pas reprendre son poste d’enseignant au SCC; toutefois, il ne s’agissait pas d’une déclaration définitive. Son document de réparations demandées indiquait ce qui suit :

[Traduction]

  • · Je devrais avoir droit à ce qui suit :

  • 1. Tout salaire perdu au cours des sept dernières années après avoir été illégalement licencié à la fin de mon stage;

  • 2. Tous les avantages sociaux perdus ou leur valeur au cours des sept dernières années :

  • 3. Un montant pour l’inflation et tout montant raisonnable d’intérêt sur la réparation :

a)  pension,

b)  soins médicaux, soins dentaires et de longue durée;

  • a) pour les occasions manquées,

  • b) pour les occasions manquées pour perte de temps : valeur,

  • c) le prix des maisons a doublé à Surrey, passant de 200 $/pi2 à 400 $/pi2 et si j’avais investi de l’argent, il aurait doublé;

  • 4. Les difficultés financières causent 90 % des divorces, y compris le mien […] et mon licenciement par le SCC a été un facteur contributif;

  • 5. Si Sherry s’était mêlée de ses affaires et n’avait pas pris de dispositions avec le SPE [service de police d’Edmonton] et l’hôpital de l’Alberta pour me rencontrer dans la salle de conférence et venir me chercher dans le stationnement du SCC, je n’aurais pas été admis à l’hôpital; pendant six semaines, j’ai enduré des mois de médicaments expérimentaux et des effets secondaires, comme ne pas avoir toutes mes facultés et être somnolent […]

  • 6. J’ai eu deux orteils brisés en raison des médicaments expérimentaux, dont j’ai demandé une faible dose et dont le Dr […] m’a donné une dose moyenne:

  • a) les médicaments ont fait en sorte que mon corps a perdu environ un pouce de rapport spatial, ce qui fait que je me suis cassé les orteils;

  • 7. Préjudice moral […] et financier pendant sept ans […]

  • 8. Les frais d’audience, d’hôtel, d’essence, de traversier, de repas, de location de voiture, de billets d’avion […]

  • 9. Les frais pour assister aux audiences et préparer mes arguments, 120 $/heure;

[…]

  • 10. Des dommages car le SCC n’a rien fait lorsque je me suis plaint que Rose m’avait agressé sexuellement et harcelé;

  • 11. Des dommages car le personnel du SCC, le VP du SCCC [Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN] et son personnel ont pris des mesures discriminatoires envers moi parce que je voyais mes étudiants à l’unité G et en isolement;

  • 12. Le personnel du SCC qui a endommagé ma voiture dans l’aire de stationnement du SCC après avoir raconté une blague qui n’a pas bien tourné du tout;

  • 13. Sherry m’a gardé au travail après que de l’urticaire s’est développée sur les bras et mes jambes;

  • 14. Discrimination institutionnelle et systématique de la part de Shelly, qui m’a privé du poste de direction auquel j’ai postulé et qu’on m’a attribué, soit gestionnaire adjoint de CORCAN auquel Mick a plus tard postulé et qu’il a obtenu;

[…]

[20]  Après que le fonctionnaire m’eut remis le document de réparations demandées et présenté son exposé introductif, j’ai répété que ma compétence consistait à accorder une réparation qui découlait de son licenciement inacceptable. Je lui ai dit que je n’avais pas compétence relativement aux difficultés qu’il avait vécues et aux plaintes et griefs qu’il pouvait avoir déposés en ce qui concerne la façon dont l’employeur l’avait traité ainsi que d’autres employés, tout comme les actions ou inactions et événements qui ont eu lieu pendant son emploi qui n’étaient liés à son licenciement et que je n’examinerai pas ces questions.

[21]  Le fonctionnaire a été la seule personne à témoigner lorsque l’audience a repris le 31 juillet 2018. Il a livré son témoignage principal la première journée et a été contre-interrogé par l’avocate de l’employeur le reste des journées d’audience. À la fin de son témoignage, les parties ont fourni des arguments écrits aux dates suivantes :

  • · ceux du fonctionnaire, le 24 août 2018;

  • · ceux du défendeur, le 14 septembre 2018;

  • · la réponse du défendeur, le 25 septembre 2018.

II.  Résumé de l’argumentation

A.  Preuve contextuelle

[22]  Selon les lettres de présentation et le curriculum vitæ (CV) du fonctionnaire, il semble qu’il ait obtenu un baccalauréat en éducation de l’Université de Victoria en Colombie-Britannique en 1995 et qu’il a obtenu sa licence pour enseigner la même année.

[23]  Au moment où le fonctionnaire a été licencié de son poste au SCC, il était marié. Toutefois, à l’audience, lui-même et son épouse avaient divorcé et la séparation de leurs biens matrimoniaux faisait l’objet d’une décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique rendue le 27 février 2017 (voir Dheenshaw v. Gill, 2017 BCSC 319; l’« instance civile »). Selon l’instance civile, ils se sont mariés le 9 octobre 1999, se sont séparés le 11 janvier 2014 et ont divorcé le 31 mars 2016. Ils n’ont pas eu d’enfants. Son épouse était également enseignante. Toujours selon cette instance, elle a passé sa carrière d’enseignante à Surrey, en Colombie-Britannique.

[24]  Au début de sa carrière au SCC, le fonctionnaire et son épouse possédaient une maison à Surrey (la « propriété de Surrey »). Selon lui, ils l’ont achetée en 2005. En plus de leur surface habitable, elle comprenait deux habitations autonomes qui généraient un revenu. Il n’a pas produit les baux ou les ententes de location au complet pour ces deux habitations. Selon lui, l’une était louée à 625 $ ou à 650 $ par mois et l’autre, à 600 $ par mois, pour un revenu annuel brut de 14 700 $ ou de 15 000 $. Selon l’instance civile, ils ont vendu la propriété le 30 juillet 2014.

[25]  Le fonctionnaire a déclaré qu’en 2012, lui-même et son épouse ont acheté un condominium résidentiel toujours pas construit dans le sud-ouest d’Edmonton. En fait, il a déposé en preuve un document intitulé [traduction] « Addenda joint à la convention d’achat et en faisant partie » pour ce condominium du 5 septembre 2011 (la « propriété d’Edmonton »). En contre-interrogatoire, à la question de savoir à quel moment il en avait pris possession, il a répondu : [traduction] « Je ne sais pas. Il a fallu deux ans pour le construire. J’en ai pris possession après sa construction. » Si le délai de deux ans est exact, ils en ont pris possession en septembre 2013. Selon l’instance civile, ils l’ont vendu en septembre 2016. Le fonctionnaire n’y a jamais vécu. Le fonctionnaire a dit qu’après que lui et son épouse en ont pris possession, il pensait qu’ils l’avaient loué pour 1 000 $ par mois. L’instance civile indique qu’il avait été loué pour 520 $ par mois.

[26]  Après avoir vendu la propriété de Surrey, le fonctionnaire a acheté une maison à Port Alberni sur l’île de Vancouver (la « propriété de Port Alberni »). Il a dit qu’il croyait l’avoir achetée à la fin de décembre 2014 ou début de janvier 2015. Aucun document n’a été produit quant à cet achat.

B.  Questions antérieures au licenciement soulevées par le fonctionnaire s’estimant lésé

1.  Poste pour le programme CORCAN

[27]   CORCAN est une division du SCC qui permet aux détenus d’acquérir des compétences relatives à l’emploi et à l’employabilité pendant leur incarcération. Le fonctionnaire a témoigné que six semaines après avoir commencé son poste d’enseignant en milieu correctionnel (en septembre 2011), il a postulé et obtenu un poste de gestionnaire de CORCAN à l’Établissement. Selon lui, après une discussion d’une heure avec Sandy Moorehead (la gestionnaire adjointe des opérations pour CORCAN), elle lui a offert le poste. Il a dit que plus tard on lui a appris qu’il ne pouvait pas l’obtenir parce qu’il n’était qu’un des quelques enseignants à l’Établissement.

[28]  Le fonctionnaire a produit et déposé en preuve des copies de courriels incomplets du 2 et du 5 mars 2012. Le courriel du 2 mars provenait d’un adjoint aux ressources humaines à l’Établissement et il semble avoir été envoyé à tous les utilisateurs du SCC de l’Établissement. L’objet était [traduction] « Possibilité de poste intérimaire ou d’affectation – Gestionnaire des activités CORCAN – FI-01 – Établissement d’Edmonton ». Le courriel indiquait simplement ceci : [traduction] « Bonjour. Vous trouverez ci-joint une possibilité (voir ci-dessous). Merci. » Il ressort clairement du document qu’un autre document était joint, mais il n’a pas été produit.

[29]  Le courriel qui suit ce dernier (dans la chaîne) est celui du 5 mars que le fonctionnaire a envoyé de son adresse électronique du travail à son adresse électronique personnelle. Il a le même objet, avec l’ajout de « FW : » et il se lit comme suit [traduction] « Demande à : [adresse électronique de Sandy Moorehead], gestionnaire adjointe des opérations, CORCAN, Thank You/Merci ». Suivaient la signature électronique du fonctionnaire et le bloc-signature de son courriel au travail. Aucun autre courriel ne suivait ce dernier et il n’y avait pas de pièce jointe ou d’autres éléments qui indiquaient qu’une demande avait été présentée.

[30]  Mme Leslie a été contre-interrogée au sujet du poste à CORCAN. Elle a déclaré qu’elle comprenait qu’il s’agissait d’une affectation à court terme, soit de deux semaines selon elle.

[31]  Mme Moorehead n’a pas témoigné. On ne m’a pas soumis d’énoncé des critères de mérite ou d’affiche pour le poste de gestionnaire pour CORCAN. On ne m’a pas soumis de demande pour ce poste ou d’offre ou d’acceptation écrite. Le fonctionnaire n’a pas dit qu’il avait déposé une plainte auprès du TDFP, qui entendait à l’époque les plaintes et les litiges concernant les nominations dans le secteur public fédéral ainsi que les recours pour les nominations dans les affaires en matière de dotation, selon la LEFP. Rien dans la preuve n’indique qu’un grief a déjà été présenté.

2.  Éruptions cutanées ou urticaire

[32]  Au début de novembre 2011, des éruptions cutanées ou de l’urticaire sont apparues sur les bras et les jambes du fonctionnaire. Il a dit qu’il est allé voir un médecin ainsi que deux infirmières sur place à l’Établissement et que les trois lui ont dit de rentrer chez lui. Il a dit que Mme Leslie lui a dit qu’il ne pouvait pas rentrer chez lui parce qu’il n’était qu’un des quelques enseignants disponibles.

[33]  Le fonctionnaire n’a pas identifié le médecin ou les infirmières à qui il a parlé à l’Établissement cette journée-là.

[34]  Mme Leslie a été interrogée pour savoir si elle se rappelait avoir dit au fonctionnaire qu’il ne pouvait pas rentrer chez lui. Elle a dit qu’elle ne s’en souvenait pas et qu’en tant que gestionnaire, si une personne lui disait qu’elle était malade, elle lui aurait demandé si elle voulait rentrer chez elle et si elle en était capable (selon l’état de la personne). Le fonctionnaire n’a pas contre-interrogé Mme Leslie sur ce point.

[35]  Des copies de deux prescriptions du 10 novembre 2011 pour des crèmes topiques pour les éruptions cutanées ont été déposées en preuve. Le fonctionnaire a dit que l’éruption cutanée avait été causée par les poils de chat à sa résidence de l’époque.

[36]  Rien n’indique que le fonctionnaire a présenté un grief à ce sujet.

3.  Lettre au prmier ministre et réduction de salaire

[37]  Au début de novembre 2011, le fonctionnaire a reçu un avis en ce qui concerne le niveau de salaire qu’il recevait. Il a compris que l’employeur avait unilatéralement réduit sa paye, ce qui était une violation du contrat. Il a écrit un courriel de deux pages au premier ministre de l’époque, ce qu’il n’aurait pas dû faire alors qu’il était au travail et avec l’équipement du SCC, selon ce qu’on lui a dit.

[38]  Bien que le fonctionnaire ait passé beaucoup de temps à en parler, il a dit que la question avait été clarifiée dans l’heure qui a suivi sa réception de l’avis et que sa paye n’avait jamais changée. Aucun grief n’a été présenté à ce sujet.

[39]  Dans son témoignage, dans son contre-interrogatoire des témoins de l’employeur et dans ses arguments initiaux et en réponse, le fonctionnaire fait référence à ces événements. Il laisse sous-entendre que la question a été réglée grâce à ce qu’il a appelé de la [traduction] « chaleur » ou de la [traduction] « pression » de cadres du secteur public. Il a fait allusion à l’intervention du Cabinet du premier ministre ou du Bureau du Conseil privé pour influencer le règlement. Il n’y a absolument aucune preuve à cet égard.

4.  Interactions avec l’Équipe policière d’intervention en cas de crise du service de police d’Edmonton; hospitalisation et orteils cassés

[40]  Comme l’indique le paragraphe 50 de Gill no 1, à la fin de sa journée de travail le 5 janvier 2012, le fonctionnaire a quitté le lieu de travail et a pris un congé de maladie; il n’est pas retourné au travail avant le 16 février 2012.

[41]  En septembre 2011, peu de temps après avoir commencé à travailler pour le SCC, le fonctionnaire a communiqué avec le service de police d’Edmonton (SPE) puisqu’il croyait que son véhicule avait été endommagé et que lui-même et ce dernier étaient ciblés.

[42]  Le sergent Kevin Harrison du SPE a assisté à l’audience et a témoigné au sujet de l’interaction du SPE avec le fonctionnaire. En 2011, le serg. Harrison était un constable et membre de l’équipe policière d’intervention en cas de crise (l’« équipe PIC »), qui était un partenariat entre le SPE et Alberta Health Services dans le cadre duquel les policiers (habituellement des patrouilleurs) et le personnel des services d’intervention en cas de crise (habituellement des infirmières psychiatriques autorisées) répondent aux personnes qui ont des crises de santé mentale. Il a dit que l’équipe prenait connaissance de ces personnes de diverses façons et que son travail consistait principalement à les évaluer et à déterminer si elles devaient être renvoyées à un traitement, à des services de suivi ou les deux.

[43]  Plusieurs documents provenant du dossier du SPE sur le fonctionnaire ont été déposés en preuve (pièce E-8), y compris les rapports d’incident du SPE indiquant la communication du SPE avec lui, les documents qu’il lui a remis et des renseignements qu’il a obtenus auprès du détachement de Surrey de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

[44]  Selon la preuve et le témoignage du serg. Harrison, le premier contact du SPE avec le fonctionnaire était le lundi 5 septembre 2011, au moment où il a signalé les dommages à son véhicule. Le contact suivant a été fait le dimanche 18 septembre 2011 à sa résidence, encore une fois en ce qui concerne des dommages présumés à son véhicule. Le rapport de police sur l’incident indique pour cette journée-là que le fonctionnaire avait accusé un voisin d’avoir perpétré les dommages. Il indiquait également que la police ne croyait pas que le voisin était impliqué.

[45]  À un moment qui n’est pas confirmé, mais qui a été confirmé par le fonctionnaire, le  serg. Harrison et un rapport d’incident du SPE, le fonctionnaire a remis au SPE une présentation PowerPoint de 13 pages intitulée [traduction] « Harcèlement et vandalisme en groupe », qui comprenait des commentaires au sujet de ses parents, de leur mariage et de leur divorce ainsi que les photos des divers véhicules et personnes. Le serg. Harrison a déclaré que le SPE avait conclu que les dommages au véhicule du fonctionnaire semblaient minimes, à supposer qu’il y en avait; qu’ils semblaient avoir découlé d’une utilisation et d’une usure normales; et que la véritable question pouvait concerner la santé mentale du fonctionnaire. Le  serg. Harrison a dit que l’équipe PIC avait tenté de communiquer avec lui plusieurs fois, sans succès. Toutefois, elle a fini par réussir à le rencontrer le 5 novembre 2011, dans un endroit neutre, où une évaluation initiale a été effectuée. Le serg. Harrison a dit qu’à ce moment, le fonctionnaire semblait hyper vigilant, paranoïaque et très méfiant. Il a dit que malgré ses préoccupations, selon l’évaluation, l’équipe PIC ne croyait pas avoir suffisamment de motifs pour le détenir en vertu de la Mental Health Act (RSA 2000, c. M-13) de l’Alberta et ce dernier leur a dit qu’il acceptait de participer à des rencontres de suivi avec l’équipe.

[46]  Le  serg. Harrison a déclaré qu’après la rencontre du 5 novembre, malgré les efforts de suivi avec le fonctionnaire, l’équipe PIC n’a pas réussi à le contacter. Comme l’équipe était inquiète et savait qu’il travaillait à l’Établissement, elle a communiqué avec Mme Leslie. Le 5 janvier 2012, elle lui a demandé si elle pouvait utiliser une salle de réunion dans la zone administrative de l’Établissement afin de rencontrer le fonctionnaire. Dans le cadre de son témoignage, elle a confirmé avoir pris des dispositions pour réserver une salle. À la fin de la journée de travail du fonctionnaire le 5 janvier 2012, elle a avisé ce dernier que des membres de l’équipe PIC étaient à l’Établissement et qu’ils souhaitaient lui parler. Sa participation à la journée du 5 janvier 2012 s’est limitée à prendre des dispositions pour réserver une salle de réunion et à l’aviser que l’équipe était présente pour le rencontrer. Elle a dit qu’elle n’a pas assisté à la rencontre, ni personne d’autre du SCC. La preuve a révélé que les membres de l’équipe PIC qui se sont présentés à l’Établissement cette journée-là étaient des agents du SPE, un psychiatre, une infirmière psychiatrique autorisée et un travailleur social.

[47]  Le serg. Harrison a déclaré que le 5 novembre 2011, le fonctionnaire a été interrogé, évalué et transporté à l’Alberta Hospital Edmonton. Le fonctionnaire a déclaré qu’il est resté à l’hôpital pendant environ six semaines puis il a eu son congé. Il a témoigné avoir reçu une dose moyenne d’un médicament expérimental non divulgué qui l’avait rendu somnolent et lui faisait perdre conscience de son environnement spatial. Il a dit qu’il avait demandé une faible dose. Il a déclaré qu’une semaine après avoir eu son congé de l’hôpital, à cause du médicament, il s’est cassé deux orteils chez lui.

[48]  Une lettre du 9 février 2012 envoyée au SCC par son médecin traitant à l’Alberta Hospital a été déposée en preuve. Elle indique que du 5 janvier 2012 à la date de la lettre, le fonctionnaire avait été confié à ses soins et, en ce qui concerne le médicament, la lettre précisait qu’il prenait un seul médicament deux fois par jour, une fois au déjeuner et l’autre au souper, qu’il n’avait aucun effet sur sa capacité à accomplir son travail et qu’il n’avait pas besoin de le prendre au travail.

[49]  Aucune preuve documentaire n’a été produite en ce qui concerne les orteils cassés du fonctionnaire et aucun professionnel médical n’a témoigné.

5.  Difficultés d’accès aux unités à l’Établissement

[50]  Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait eu de la difficulté à entrer dans une unité de l’Établissement, en particulier une unité. Il a dit qu’il y avait toujours un problème et qu’on lui en refusait toujours l’accès. Il a dit qu’il avait envoyé une présentation PowerPoint à la direction qui portait sur toutes les difficultés. Aucune date n’était mentionnée.

[51]  Un document désigné comme une présentation PowerPoint sur les difficultés du fonctionnaire à avoir accès aux unités a été déposé en preuve sous forme d’une série de courriels (dont un certain nombre étaient postérieurs au licenciement du fonctionnaire). En faisait partie une page qui semble être la page 13 d’une présentation PowerPoint et elle laisse entendre que la cause pourrait être le vice-président de la section locale de l’agent négociateur des agents correctionnels. La présentation complète n’a pas été fournie. Deux autres présentations que le fonctionnaire a fournies à la direction du SCC sur d’autres questions ont été fournies et déposées à titre de pièces.

[52]  La preuve a révélé que parfois, des enseignants et d’autres employés avaient de la difficulté à avoir accès aux unités.

[53]  Rien dans la preuve n’indique que le fonctionnaire a déposé une plainte pour harcèlement ou un grief au sujet de son incapacité à avoir accès aux unités.

6.  Allégations d’agression formulées contre Mme Waskowich

[54]  Le fonctionnaire a déclaré qu’à un certain moment en novembre 2011, il ne savait pas exactement quand, Mme Waskowich l’a agressé sexuellement en lui donnant des coups sur le postérieur, alors qu’ils étaient à la bibliothèque de l’Établissement. Il a dit qu’elle s’en allait à la salle de bains. Il a déclaré l’avoir signalé à Mme Leslie. Toutefois, il a dit qu’il ne pouvait pas se rappeler s’il avait écrit quelque chose à ce sujet.

[55]  Le fonctionnaire a appelé Mme Waskowich comme témoin pour son compte. Il lui a demandé si elle se rappelait lui avoir donné des coups sur le postérieur. Elle a dit qu’elle ne lui avait pas donné de coups sur le postérieur. Ils se trouvaient à la bibliothèque et il a levé un ordinateur, ce qu’ils n’étaient pas censés faire, alors elle l’a tapé sur le coude et le lui a rappelé. Lorsqu’il a insisté et lui a laissé entendre que c’était arrivé, elle a catégoriquement nié et a déclaré qu’il l’avait non seulement accusée de l’avoir fait, mais aussi d’avoir piraté son ordinateur, ce qu’elle a également catégoriquement nié. Elle a aussi déclaré que plus tard, le fonctionnaire a admis qu’il avait fait une erreur.

[56]  M. Sahib a dit qu’il se rappelait que Mme Waskowich avait donné des coups au fonctionnaire parce que ce dernier déplaçait un ordinateur dans la bibliothèque, ce qu’ils n’avaient pas le droit de faire, et qu’elle lui avait dit de ne pas le faire. Il a dit qu’il croyait qu’elle lui avait donné des coups par-derrière.

[57]  Dans son interrogatoire préalable, Mme Sealy a déclaré qu’elle avait entendu dire que le fonctionnaire avait accusé Mme Waskowich de l’avoir touché et que cette dernière avait dit qu’elle l’avait effleuré. Elle a dit qu’elle se rappelait également des excuses en personne. Quant à cette question en contre-interrogatoire, le fonctionnaire a demandé à Mme Sealy ce qui suit : [traduction] « Rose m’a effleuré et nous nous sommes excusés? »

[58]  Rien dans la preuve n’indique que le fonctionnaire a déposé une plainte pour harcèlement au sujet de cet incident ni qu’il a présenté un grief. Rien dans la preuve n’indique qu’il pensait que l’incident était suffisamment sérieux pour le signaler à la police.

C.  Position de l’employeur en ce qui concerne le rendement du fonctionnaire s’estimant lésé

[59]  La présente audience découle du grief que le fonctionnaire a présenté au moment où il a été licencié de son poste le 18 septembre 2012, lorsque l’employeur l’a vraisemblablement renvoyé en cours de stage. L’article 61 de la LEFP établit la durée des périodes de stage pour les nouveaux fonctionnaires, alors que l’article 62 prévoit le renvoi pendant un stage, qui est souvent appelé « renvoi en cours de stage ». Selon l’article 211 de la Loi, la Commission n’a pas compétence en ce qui concerne les renvois en cours de stage effectués en vertu de l’article 62 de la LEFP.

[60]  Malgré l’existence de l’article 211 de la Loi, les employés contestent les licenciements en cours de stage, qui sont alors régulièrement renvoyés à la Commission pour arbitrage. À ce moment, l’employeur s’oppose à la compétence de la Commission, invoquant l’article 211 de la Loi. Une formation est affectée au dossier et mène une audience, dans le cadre de laquelle la question initiale vise sa propre compétence.

[61]  Dans les cas où l’employeur licencie un employé en vertu de l’article 62 de la LEFP, il a simplement à démontrer qu’il l’a fait pendant la période de stage et qu’il a donné à l’employé un avis approprié ou une rémunération tenant lieu de préavis. L’audience change alors de direction; le fonctionnaire doit établir selon la prépondérance des probabilités que le licenciement présumé en vertu de l’article 62 équivalait à une supercherie, à un camouflage ou à de la mauvaise foi, donnant ainsi à la Commission compétence en vertu de la Loi.

[62]  De fait, l’employeur ne peut pas simplement licencier un employé alors qu’il est en stage pour aucune raison, mais plutôt pour un motif qui correspond (ou semble correspondre) à des raisons légitimes fondées sur l’emploi. Lorsque les griefs présentés contre les renvois de stage sont entendus, l’employeur présente ces raisons pour réfuter les allégations du fonctionnaire selon lesquelles le renvoi équivalait à une supercherie, à un camouflage ou à de la mauvaise foi. Fondamentalement, l’employeur présente des éléments de preuve pour démontrer que ses actions étaient liées à l’emploi. C’est ainsi que la cause du fonctionnaire s’est déroulée.

[63]  Le témoignage du défendeur pendant les premiers jours d’audience concernait en grande partie les problèmes touchant le fonctionnaire, en sa qualité d’employé, dont certains visaient son rendement. S’il avait été renvoyé en cours de stage, ils auraient dissipé toute suggestion selon laquelle le licenciement équivalait à une supercherie, à un camouflage ou à de la mauvaise et ils auraient démontré qu’il s’agissait véritablement d’un renvoi en cours de stage. Ce témoignage a été rendu par Mme Sealy, qui était sa supérieure immédiate. Elle était responsable de tous les enseignants en milieu correctionnel du SCC en Alberta. Les questions qu’elle a signalées à son sujet étaient les suivantes :

  • · difficultés répétées et continues quant à la rédaction d’un rapport, notamment :

    • o ne pas respecter les normes d’éducation sur la rédaction de rapports,

    • o indiquer trop de renseignements personnels dans les rapports,

    • o ne pas y indiquer suffisamment de détails

    • o y faire des erreurs,

    • o incohérences dans sa rédaction de rapports,

    • o indiquer des renseignements extrinsèques dans les rapports,

    • o renseignements manquants dans les rapports,

    • o rédaction à la première personne,

    • o ajouter les rapports dans les bases de données du SCC;

  • · s’endormir au travail;

  • · faire un usage incorrect des systèmes Internet et de technologie de l’information (TI) du SCC, y compris, sans toutefois s’y limiter, écrire au premier ministre et au ministre de l’Éducation de l’Alberta;

  • · déplacer un ordinateur de la bibliothèque vers le secteur scolaire sans autorisation de la TI;

  • · s’absenter sans permission et éprouver des difficultés sur l’utilisation des congés;

  • · avoir des difficultés à communiquer tant oralement que par courriel.

[64]  En ce qui concerne la rédaction de rapports, Mme Sealy a déclaré que les enseignants en milieu correctionnel obtiennent une orientation et une formation, y compris un cartable qui indique comment rédiger des rapports.

[65]  Pour ce qui est du fait que le fonctionnaire s’endormait alors qu’il était au travail, la preuve a révélé que parfois il se rendait à Surrey à la fin d’une semaine de travail et qu’il revenait à Edmonton pour le début de la semaine de travail suivante.

D.  Faits liés à la réparation découlant de la cessation d’emploi

1.  Les conventions collectives

[66]  À la date du licenciement du fonctionnaire, ses conditions d’emploi étaient partiellement régies par une convention collective conclue entre le CT et l’Alliance de la Fonction publique du Canada à l’égard du groupe Enseignement et bibliothéconomie qui a été signée le 1er mars 2011 et qui est venue à échéance le 30 juin 2014 (la « convention collective no 1 »). Cette convention collective a été remplacée par une nouvelle convention conclue par les mêmes parties pour le même groupe, qui a été signée le 14 juin 2017 et qui a expiré le 30 juin 2018 (la « convention collective no 2 »).

[67]  L’appendice A des deux conventions collectives indique les taux de rémunération annuels et les notes sur la rémunération. Les taux de rémunération sont établis selon le groupe pour lequel l’employé travaille et l’emplacement de son lieu de travail. Le fonctionnaire était visé par les taux de rémunération de l’Alberta. De plus, depuis son entrée en fonction au poste d’enseignant en matière correctionnelle, son salaire de départ est régi par le niveau 4, au 1er juillet 2011, grille 6 – Expérience d’enseignement. Son salaire annuel était de 57 781 $. Toutefois, les grilles salariales étaient fondées sur une année de 10 mois et le fonctionnaire travaillait pendant une année de 12 mois. Cette question a été réglée par une note sur la rémunération prévoyant que son salaire annuel serait multiplié par un facteur de 20 %, il s’élevait donc à 69 337,20 $. Selon les grilles de rémunération de la convention collective no 1, son salaire annuel pour l’année commençant le 9 août 2012 aurait été de 73 429,20 $ et pour l’année commençant le 9 août 2013, il aurait été de 78 002,40 $.

[68]  La convention collective no 2 contient également des grilles de rémunération et des notes sur la rémunération pour le poste d’enseignant en milieu correctionnel selon les mêmes critères que ceux indiqués dans la convention collective no 1.

[69]  Selon la lettre d’offre du fonctionnaire, il avait aussi droit à une autre rémunération sous la forme d’une indemnité de facteur pénologique qui est versée aux employés qui travaillent avec les détenus. En fonction de son poste, il devait recevoir une indemnité annuelle maximale de 2 000 $. Cette indemnité est versée tous les mois pour chaque mois pendant lequel il reçoit une paie minimale de 10 jours.

E.  Emploi avant le SCC

[70]  Huit copies de lettres de présentation et de CV du fonctionnaire, qu’il a créés à différents moments et présentés à des employeurs éventuels, ont été déposées en preuve. Elles sont toutes semblables mais non identiques; il est difficile de déterminer à quelle période elles s’appliquent et aucune n’est datée. Toutefois, elles offrent certains renseignements en ce qui concerne ses études et son expérience de travail, tant avant qu’après son emploi au SCC. Selon les CV, avant de travailler au SCC, il a occupé les emplois suivants :

·  entre août 2010 et avril (ou mai) 2011 (selon le CV), il était le directeur de l’école Sturgeon Lake à Valleyview, en Alberta;

·  entre août 2009 et juillet 2010, il était le responsable du secteur commercial de l’école secondaire sino-canadienne à Wujiang, en Chine;

·  entre juin et août 2009, une référence apparaît au SCC et au Cascade College (on ne sait pas s’il était employé par le collège ou le CT);

·  entre janvier 2008 et juin 2009, il était un courtier en immeubles pour Gilco Real Estate Services à Surrey;

·  entre avril et juin 2008, il était un commis à la saisie de données au centre fiscal Surrey de l’ARC à Surrey;

·  entre septembre 2006 et juin 2007, il était le responsable du département de TI à l’école secondaire Prince Rupert à Prince Rupert, en C.-B.;

·  entre août 2005 et juillet 2006, il était le responsable du secteur commercial de l’école secondaire King David Jewish à Vancouver, en C.-B.;

·  entre août 2004 et août 2005, il était le gestionnaire adjoint du département des vêtements pour hommes chez Moore, à Surrey, à Langley et à Coquitlam, en C.-B.

[71]  Bien que ses CV donnent la liste d’un éventail d’expériences bénévoles et sportives et d’études très précises (sans comprendre d’autres diplômes universitaires) remontant à 1986, ils ne font pas référence à un emploi précis avant 2004. Toutefois, un CV a une référence générale qui indique ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Gouverneur  Enseignant au niveau secondaire et collégial, école privée et publique   09/91-06/03

Responsable du secteur de TI Enseigné : Affaires 10-101, anglais 8-12, mathématiques 7-9 avec honneurs, CAPP 9-10, TI 7-12, CELD, LA, PE 6-7, salle de ressources 10-12 et j’étais l’administrateur du laboratoire de TI pour les laboratoires PC et Apple + responsable de la supervision de 1 500 employés : étudiants, enseignants et administrateurs

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[72]  La signification de cette entrée, au sujet de la période entre septembre 1991 et juin 2003, est imprécise. Bien qu’elle renvoie à ce qui semble être des matières scolaires précises, on ne sait pas combien d’écoles sont concernées, quel est leur emplacement et à quel moment le fonctionnaire y a enseigné. Il n’a pas témoigné à leur sujet. De plus, selon la preuve, il a obtenu sa licence d’enseignement en 1995.

[73]  Selon l’instance civile, en 2003 et en 2004, il a résidé quelque part au Royaume‑Uni et y a enseigné. Toutefois, il ne l’a pas divulgué dans son témoignage devant moi.

[74]  L’école Sturgeon Lake semble se situer environ 360 km au nord-ouest d’Edmonton. Le fonctionnaire a admis en contre-interrogatoire qu’il a été licencié de son poste à cet endroit.

F.  Emplois après le licenciement

[75]  Dans Gill no 1, j’ai ordonné au fonctionnaire de fournir une liste de tous les emplois qu’il a occupés après avoir quitté le SCC ainsi que des copies de ses DR, T4 et AC à partir de 2012. Ont été déposées en preuve une copie de la liste des emplois qu’il a remise à l’employeur (la « liste des emplois après le licenciement »), une liste des résidences qu’il dit avoir occupées du 26 août 2011 au 15 septembre 2016 (la « liste des résidences ») et des copies de ses DR pour 2013 à 2015 et 2017, de ses AC pour 2012 à 2007 et de ses T4.

[76]  Selon la liste des emplois après le licenciement et le témoignage du fonctionnaire, après septembre 2012, il a occupé les emplois suivants :

  • · entre décembre 2012 et février 2013, il était un boulanger auprès de PriceSmart foods à Vancouver;

  • · entre le 2 juillet et le 1er août 2013, il était un patrouilleur chargé de faire appliquer le règlement sur l’aire de stationnement pour PreciseParking à Surrey;

  • · entre le 26 août et le 1er novembre 2013, il était professeur de mathématiques pour la Première Nation Fond du Lac en Saskatchewan;

  • · entre le 1er novembre 2013 et le 14 mai 2014, il a été président-directeur général, directeur des finances et directeur de l’éducation pour la Première Nation dénée Hatchet Lake en Saskatchewan;

  • · entre le 26 août 2014 et février 2015, il a été directeur de l’éducation pour la nation Tl’azt’en à Tachie, en C.-B.

  • · entre le 29 août et décembre 2015, il a été directeur de campus et instructeur au Northern Lakes College (au Petit lac des Esclaves) en Alberta;

  • · entre le 29 août et septembre 2016, il a été professeur d’anglais à l’école Natuashish de la Première Nation Mushuau Innu dans le nord du Labrador;

  • · entre le 16 novembre et le 19 décembre 2016, il a été professeur de 5e et de 8e années à l’école Sakku à Coral Harbour, au Nunavut;

  • · entre mars 2017 et janvier 2018, il a été agent d’immeubles commerciaux auprès de Marcus and Millichap à Vancouver;

  • · en septembre 2017, il a été le directeur de l’école Chateh Community à Chateh, en Alberta;

  • · en novembre 2017, il a été enseignant d’école secondaire (de la 8e à la 12e année) à l’école Seabird Island Communitypour la bande Seabird Island près de Chilliwack, en C.-B.;

  • · entre février et mai 2018, il a été agent d’immeubles résidentiels et commerciaux auprès de Gilco Real Estate Services à Surrey;

  • · entre mai et juillet 2018, il a été administrateur de bande pour la Première Nation Dease River à Good Hope Lake, en C.-B.

[77]  La preuve que donne le fonctionnaire dans la liste des emplois après le licenciement et dans son témoignage a parfois été contredite par son témoignage et la preuve documentaire figurant dans les DR, les AC et les T4.

1.  2012

[78]  Le témoignage du fonctionnaire et la liste des emplois après le licenciement indiquaient que son premier emploi après avoir quitté le SCC était celui de boulanger chez PriceSmart foods à Vancouver entre décembre 2012 et février 2013. Toutefois, étant donné qu’il n’existe pas de T4 pour cet emploi, que ce dernier n’est pas mentionné dans ses DR de 2012 et 2013 et qu’il n’y a aucune référence dans l’une ou l’autre des pièces indiquant qu’il a travaillé comme boulanger en 2009, il a reconnu qu’il peut avoir commis une erreur et qu’il aurait pu travailler comme boulanger en 2009 et non après avoir était employé par le SCC.

[79]  Rien dans la preuve n’indique que le fonctionnaire a travaillé ailleurs après son licenciement de septembre 2012 jusqu’à la fin de 2012.

[80]  Le gouvernement du Canada a délivré au fonctionnaire un T4 pour 2012 aux fins de l’assurance-emploi (AE) au montant de 3 880 $.

2.  2013

[81]  Le gouvernement du Canada a délivré au fonctionnaire un T4 pour 2013 aux fins de l’AE au montant de 14 162 $.

[82]  Le témoignage du fonctionnaire et la liste des emplois après le licenciement indiquaient que son emploi suivant après le licenciement était celui de patrouilleur chargé de faire appliquer le règlement sur l’aire de stationnement pour Precise Parking à Surrey pour un peu moins d’un mois, en juillet 2013. Toutefois, selon sa DR de 2014, le T4 délivré par Precise Parking et l’AC de 2014, cet emploi était en 2014.

a.  Première Nation Fond du Lac, Saskatchewan

[83]  Selon la liste des emplois après le licenciement et le témoignage du fonctionnaire, le troisième emploi qu’il a occupé après avoir travaillé pour le SCC était auprès de la Première Nation Fond du Lac entre le 26 août et le 1er novembre 2013. Selon sa DR et son AC de 2013 ainsi qu’un T4 de la Première Nation Fond du Lac en 2013, il a gagné 19 893,72 $ pour la période où il y a travaillé. Selon la liste des résidences, il a vécu à Fond du Lac entre le 25 août et le 1er novembre 2013.

[84]  Le fonctionnaire a déclaré en contre-interrogatoire qu’il croyait qu’il avait trouvé l’emploi à Fond du Lac grâce à un site Web appelé « Education Canada ». Selon la liste des emplois après le licenciement, son témoignage et sa DR de 2013, il y a déménagé à la fin du mois d’août 2013.

[85]  Dans sa DR de 2013, le fonctionnaire a indiqué des dépenses de déménagement de la propriété de Surrey à Fond du Lac. Il a déclaré une distance de 2 702 km. Fond du Lac se trouve dans l’extrême nord-ouest de la Saskatchewan. Dans cette partie de la DR, il a indiqué qu’il y avait déménagé depuis Surrey le 24 août 2013 et qu’il a commencé à occuper son nouveau poste le 26 août 2013.

[86]  Le fonctionnaire a déclaré que dans le cadre des avantages sociaux, il avait obtenu une maison de deux chambres. Il a dit qu’il y a travaillé pendant 5 ou 6 semaines (même si sa liste des emplois après le licenciement indique environ 10 semaines). Aucun document relatif à cet emploi n’a été déposé en preuve.

[87]  Lorsqu’il a été interrogé à propos des avantages (médicaux, dentaires et autres), le fonctionnaire a répondu [traduction] « Je ne crois pas. Je ne peux me rappeler, à moins de regarder le talon de paie. La plupart des postes d’enseignants en offrent, mais pas tous ». Lorsqu’il a été interrogé sur la raison pour laquelle il a été licencié de son poste, il a dit qu’il n’a pas été licencié; un chef de la Première Nation dénée Hatchet Lake est venu en avion lui présenter un contrat pour lui offrir un poste de directeur des finances, qu’il a accepté.

b.  Première Nation dénée Hatchet Lake, Saskatchewan

[88]  Selon la liste des emplois après le licenciement et le témoignage du fonctionnaire, après la Première Nation Fond du Lac, pour le reste de 2013 et en 2014, il a travaillé pour la Première Nation dénée Hatchet Lake. Sa DR et son AC de 2013 et le T4 de cette Première Nation ont révélé qu’il y a travaillé et qu’il a gagné 9 969,24 $ en 2013. La liste des résidences indique qu’entre le 11 novembre 2013 et le 2 avril 2014, il a vécu à Wollaston Lake, en Saskatchewan, où se trouve la Première Nation dénée Hatchet Lake.

[89]  Le fonctionnaire a déclaré qu’à Première Nation dénée Hatchet Lake, il était au départ le directeur des finances puis, au cours du deuxième mois, on lui a demandé d’être aussi le directeur de l’éducation (ce qu’il a dit avoir accepté). Au cours du troisième mois, il a dit qu’il est devenu le président-directeur général de la bande.

[90]  Lorsque l’avocate de l’employeur a interrogé le fonctionnaire sur les avantages reçus alors qu’il était à la Première Nation dénée Hatchet Lake, il a dit qu’il avait probablement obtenu des avantages médicaux et une somme de 2 500 $ par mois pour prendre l’avion afin de se rendre à des réunions. Pour ce qui est du logement, il a dit : [traduction] « Je ne sais pas si le logement était gratuit ou si j’ai payé. C’était une maison neuve de deux chambres. Je ne peux me rappeler. Je crois qu’elle m’a probablement été fournie. »

[91]  Dans sa DR de 2014, le fonctionnaire a indiqué des dépenses pour le déménagement de la propriété de Surrey à Wollaston Lake, déclarant une distance de 1 568 km. Wollaston Lake est à l’extrême nord-est de la province, à environ 270 km à l’est et légèrement au sud de Fond du Lac. Dans cette partie de la DR de 2014, le fonctionnaire a indiqué qu’il y avait déménagé le 31 octobre 2014 et qu’il a commencé à occuper son nouveau poste le 1er novembre 2014. C’est inexact, puisque la Première Nation dénée Hatchet Lake lui a délivré des T4 en 2013 et en 2014.

3.  2014

a.  Première Nation dénée Hatchet Lake, Saskatchewan

[92]  La DR de 2014 du fonctionnaire a révélé qu’il a reçu une rémunération de 11 076 $ de la Première Nation dénée Hatchet Lake. La liste des emplois après le licenciement indique qu’il a été à son emploi jusqu’au 1er mai 2014.

[93]  En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a été interrogé sur la raison pour laquelle il a quitté cet emploi. Voici l’échange avec l’avocate du défendeur :

[Traduction]

Q :  Pourquoi avez-vous mis fin à cet emploi?

R :  On m’a forcé à transférer 210 000 $.

Q :  Vous êtes parti parce que vous soupçonniez de la fraude?

R :  On m’a licencié deux mois plus tard.

Q :  Vous avez été licencié?

R :  Oui et il y a aussi eu une agression. Je l’ai signalée à la GRC. J’ai été agressé par la gestionnaire des ressources humaines, qui est liée au chef. J’ai appelé Affaires indiennes et du Nord Canada et on m’a dit que c’était ma décision [au sujet du transfert de l’argent], alors je ne l’ai pas transféré.

[94]  Aucun document ne concerne le contrat d’emploi du fonctionnaire avec cette Première Nation (malgré son témoignage selon lequel le chef est venu en avion de Fond du Lac avec un contrat) et il n’y a pas de documents au sujet de la résiliation de son contrat ou de l’agression alléguée. Interrogé sur la question de savoir s’il avait intenté une action contre cette Première Nation pour congédiement abusif ou l’agression, il a répondu qu’il ne l’avait pas fait.

b.  Precise Parking, Surrey, C.-B.

[95]  La DR et l’AC de 2014 du fonctionnaire et le T4 de Precise Parking révèlent qu’il y a travaillé en 2014 et qu’il a gagné 648 $. Bien qu’aucune date ne figure sur d’autres documents pour indiquer à quel moment il y a travaillé, le seul moment où il aurait pu le faire était après avoir quitté la Première Nation dénée Hatchet Lake au début de mai 2014 et avant de commencer un nouveau poste comme directeur de l’éducation pour la nation Tl’azt’en à Tachie (Fort St. James), en C.-B.

4.  2015

a.  Nation Tl’azt’en, région centrale, C.-B.

[96]  Selon la liste des emplois après le licenciement, le fonctionnaire a commencé à occuper le poste de directeur de l’éducation pour la nation Tl’azt’en le 26 août 2014 et ce, jusqu’en février 2015. Toutefois, sa DR de 2014 ne comprend pas de T4 délivré par la nation Tl’azt’en pour cette année-là, et le T4 délivré par cette dernière et inclus dans la preuve ne visait que l’année 2015. De plus, sa DR et son AC de 2014 n’indiquent pas qu’il y a travaillé ou qu’il a reçu une rémunération de cette dernière en 2014. Il a fait une erreur au sujet du moment où elle l’a employé ou il n’a pas déclaré son revenu de cette dernière dans sa DR pour cette année-là.

[97]  La DR de 2015 du fonctionnaire et le T4 de la nation Tl’azt’en ont révélé qu’il a reçu une rémunération de 22 430,73 $ pour cette année-là.

[98]  Lorsqu’on a demandé au fonctionnaire comment il avait obtenu l’emploi à la nation Tl’azt’en, il a dit qu’il avait postulé en ligne. À la question de savoir combien de temps il a occupé ce poste, il a dit quelques mois. Lorsqu’on a insisté, il a dit trois ou quatre mois. Interrogé pour savoir si en plus de son revenu il avait reçu des avantages, il a répondu : [traduction] « Dentaires et médicaux. Je ne peux me rappeler. Je suppose. »

[99]  En contre-interrogatoire, en réponse à une question de l’avocate de l’employeur sur l’endroit où il a vécu en 2014, il a dit qu’il avait vécu à la maison (faisant référence à la propriété de Surrey) jusqu’à ce qu’il déménage à Fort St. James le 26 août 2014. On lui a dit qu’il avait déclaré que la propriété avait été vendue et que la vente s’était conclue en juillet 2014. Il a répondu qu’il avait probablement une maison de deux chambres en chemin. Puis il a rapidement dit qu’il avait loué un logement dans un sous-sol dans la ville (Vancouver?), puis il a dit qu’il ne savait pas. On lui a dit qu’il avait vécu dans la propriété de Surrey jusqu’au 31 juillet 2014, puis il l’a louée après cette date, ce à quoi il a répondu : [traduction] « C’est possible; je n’étais pas à la maison. »

[100]  Lorsque l’avocate de l’employeur a demandé au fonctionnaire pourquoi il a quitté l’emploi auprès de cette nation, il a dit qu’un jour, il a eu une discussion avec un conseiller et que le lendemain il est parti. Lorsqu’on lui a laissé entendre qu’on lui avait demandé de partir, il a répondu [traduction] « Non », mais il a déclaré qu’il était toujours en période d’essai. Il a dit que tout allait bien, puis qu’il a reçu une lettre et qu’il est parti. Aucune copie de la lettre n’a été déposée à l’audience et son contenu n’a pas été divulgué.

b.  Northern Lakes College, nord de l’Alberta

[101]  La liste des emplois après le licenciement indique que le fonctionnaire a travaillé au Northern Lakes College en tant que directeur de campus et instructeur du 29 août 2015 à décembre 2015. Un T4 pour l’année 2015 délivré par le Northern Lakes College indique que sa rémunération s’élevait à 18 640,30 $. La DR de 2015 indique qu’il a travaillé à High Level, en Alberta; toutefois, le revenu de Northern Lakes College ne semble pas être celui qu’il a déclaré.

[102]  Pour ce qui est du Northern Lakes College, le fonctionnaire a déclaré qu’il a postulé au poste par l’entremise d’Education Canada. À la question de savoir combien de temps il a occupé ce poste, il a dit : [traduction] « Je pense quelques mois. Je ne sais pas. Elle indique trois ou quatre [faisant référence à la liste des emplois après le licenciement]. » Interrogé sur le type d’avantages qu’il avait reçus alors qu’il occupait ce poste, il a répondu : [traduction] « Instructeur de niveau collégial? Je suppose. Je crois dentaires et médicaux? »

[103]  Lorsque le fonctionnaire a été interrogé sur la raison pour laquelle son emploi au Northern Lakes College a pris fin, il a répondu : [traduction] « Je ne peux me rappeler. Je ne crois pas que j’étais en période d’essai. Je vais devoir y réfléchir. » Interrogé sur ce qu’il faisait au Northern Lakes College, il a répondu qu’il dressait l’horaire de tous les cours et qu’il a donné un cours de première année par Internet. Il a ensuite dit qu’il croyait avoir conclu un contrat. À la question de savoir s’il s’agissait d’un poste à durée déterminée, il a répondu : [traduction] « Probablement, il pouvait être temporaire. Je me rappelle une lettre de licenciement. Quelques courriels. Je ne crois pas qu’il y a eu une lettre de licenciement. » L’avocate de l’employeur lui a ensuite demandé s’il y avait des discussions au sujet de son rendement. Il a répondu qu’il n’avait pas eu de problème de rendement.

[104]  Lorsque l’avocate du défendeur a insisté auprès du fonctionnaire en déclarant qu’il n’avait pas travaillé pendant plusieurs mois avant d’obtenir l’emploi au Northern Lakes College et qu’il était parti sans raison, il a dit qu’il existait une politique qu’il n’approuvait pas et qu’il était donc parti. Lorsque l’avocate a insisté sur ce sujet, il a dit : [traduction] « Eh bien, ils allaient mettre en œuvre une politique et je n’étais pas d’accord, alors j’ai été licencié. » L’avocate lui a alors demandé de préciser ce qu’était la politique pour laquelle il a été licencié parce qu’il ne l’approuvait pas. Il y a répondu que c’était une politique liée à la santé. Après d’autres questions, il a déclaré que son employeur voulait qu’il subisse une évaluation psychiatrique, mais qu’il en avait déjà obtenu une d’une infirmière qui avait déclaré qu’il allait bien. Toutefois, ses superviseurs n’étaient pas satisfaits de l’évaluation et ils voulaient qu’il en subisse une autre. Il a choisi de ne pas le faire puis il a dit que son emploi a pris fin par courriel.

[105]  L’avocate a demandé au fonctionnaire si Northern Lakes College lui avait donné une raison pour mettre fin à son emploi. Il a répondu : [traduction] « Je ne sais pas. Probablement pour ne pas m’être conformé à la deuxième demande [d’évaluation psychiatrique] ou ne pas m’être conformé à la politique. » Il a ensuite dit à l’audience qu’il avait été informé de son licenciement à une réunion puis il a dit : [traduction] « Qui sait? Il a pu y avoir une lettre ou un courriel. »

[106]  Aucune lettre ni aucun courriel ou document n’ont été déposés en preuve en ce qui concerne les événements que le fonctionnaire a décrits lorsqu’il a quitté son emploi au Northern Lakes College.

c.  Roman de Wayne Reece

[107]  La liste des emplois après le licenciement indique qu’en 2015, le fonctionnaire a travaillé comme éditeur et promoteur pour un roman de « Wayne Reece ». Toutefois, dans son témoignage, il a admis qu’il n’a reçu aucune rémunération pour cet emploi.

5.  2016

a.  École Natuashish, Labrador

[108]  Selon la liste des emplois après le licenciement, après avoir quitté son emploi au Northern Lakes College, le fonctionnaire a été titulaire de classe et professeur d’anglais pour les 7e et 9e années à l’école Natuashish à Mushuau Innu au nord du Labrador du 29 août à septembre 2016. Il a déclaré que dans le cadre de son contrat d’emploi, comme avantage, il avait droit à une maison de trois chambres et qu’il croyait qu’il avait aussi droit à une couverture médicale et dentaire (après quelques mois). Il a ensuite dit qu’il ne croyait pas qu’il y avait été pour plus de deux mois. Selon la liste des résidences, il a vécu chez un enseignant du 28 août au 15 septembre 2016 (un peu moins de trois semaines).

[109]  Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait postulé à ce poste probablement par l’entremise d’Education Canada, qu’il avait passé une entrevue téléphonique et qu’il s’était vu offrir un emploi. Il a dit qu’il a signé un contrat d’emploi, qu’il a pris l’avion depuis la C.-B. et qu’il a habité dans une maison de trois chambres fournie par son employeur et qu’il a enseigné l’anglais de la 7e à la 9e année. À la question de savoir pourquoi il était parti, il a dit que c’était parce qu’il n’avait pas de contrat et donc pas d’emploi. Il a dit qu’il avait demandé une copie signée de son contrat. Comme aucune ne lui a été fournie après deux semaines, il est parti. L’avocate du défendeur lui a demandé s’il avait eu des problèmes avec d’autres employés ou un problème de rendement. Il a répondu par la négative aux deux questions. Il a dit que la seule raison pour laquelle il était parti était que l’employeur n’avait pas signé le contrat d’emploi.

[110]  Aucun contrat d’emploi, ni aucune copie de l’offre d’emploi écrite ni l’acceptation du fonctionnaire n’ont été déposés à l’audience.

[111]  Le fonctionnaire n’a pas été en mesure de fournir sa DR de 2016. Selon son AC de 2016 et les T4 pour cette année-là, il a gagné 2 199,03 $ de l’école Natuashish.

b.  École Sakku, Coral Harbour, Nunavut

[112]  Selon la liste des emplois après le licenciement, après avoir quitté son emploi à l’école Natuashish, l’emploi suivant du fonctionnaire a été professeur de 5e et de 8e année à l’école Sakku à Coral Harbour, au Nunavut, entre le 1er novembre et le 19 décembre 2016. Il a dit qu’il a obtenu ce poste par l’entremise d’Education Canada et qu’il y a travaillé pendant six semaines. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait obtenu des avantages en même temps que l’emploi, il a répondu qu’il ne le savait pas. Il a ensuite dit qu’il croyait avoir eu un appartement d’une chambre. Lorsqu’il a été interrogé sur la raison pour laquelle il a quitté ce poste, il a dit qu’il croyait qu’il y avait un problème de contrat puisque l’employeur ne voulait pas lui en fournir un.

[113]  L’avocate du défendeur a demandé au fonctionnaire s’il avait eu des problèmes d’emploi. Il a répondu par la négative.

[114]  Un T4 délivré par le gouvernement du Nunavut pour l’année d’imposition 2016 indiquait que le fonctionnaire avait reçu un revenu d’emploi de 10 983,06 $. Toutefois, ce montant ne figure pas comme revenu dans l’AC de 2016.

c.  Autre

[115]  Un T4 du gouvernement de l’Alberta de 2 209,34 $ a aussi été déposé en preuve. Lorsque le fonctionnaire a été interrogé à ce sujet, il n’a pas pu fournir d’explication. Toutefois, il a laissé entendre qu’il avait probablement travaillé comme enseignant quelque part. Il a dit que cette information aurait dû figurer sur la liste des emplois après le licenciement, ce n’est pas le cas. Ce revenu ne figure pas dans l’AC de 2016.

[116]  Alors qu’elle parlait des emplois du fonctionnaire en 2016, l’avocate du défendeur lui a demandé s’il se rappelait une organisation appelée Auctus Group Inc. Il a répondu qu’il y avait travaillé comme consultant, à commission; toutefois, il n’a pas reçu de montant.

6.  2017

a.  École Chateh Community, nord de l’Alberta

[117]  Selon la liste des emplois après le licenciement, en septembre 2017, le fonctionnaire travaillait à l’école Chateh Community dans le nord de l’Alberta, en tant que directeur. À la question de savoir combien de temps il avait occupé ce poste, il a répondu qu’il ne l’avait pas fait très longtemps, que personne ne voulait signer un contrat et que personne ne lui parlait. Il a dit qu’il n’a occupé cet emploi que pendant quelques jours.

[118]  À la question de savoir comment il avait obtenu l’emploi, le fonctionnaire a répondu qu’il n’était pas certain que c’était par l’entremise d’Education Canada. Lorsqu’il a été interrogé pour savoir s’il avait eu des avantages, il a répondu qu’il n’en avait pas eu, puis il a dit qu’il avait obtenu une maison mobile de deux chambres où il résidait pendant qu’il se trouvait là-bas. Lorsqu’on lui a demandé comment il s’était déplacé pour cet emploi, il a dit qu’il s’y était rendu en voiture. Lorsqu’il a été interrogé sur la raison pour laquelle il est parti, il a dit que la seule raison pour laquelle il est parti est qu’il n’avait pas eu de contrat. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait été payé, il a répondu par la négative.

[119]  Interrogé davantage au sujet de cet emploi, il a dit qu’il était directeur et qu’il avait rencontré le directeur de l’éducation et qu’il avait mangé avec lui. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait reçu une lettre de licenciement, le fonctionnaire a répondu par la négative. Lorsqu’on a indiqué au fonctionnaire qu’il était simplement parti, il a répondu [traduction] « Non » et qu’il avait dit à une personne (il ne pouvait plus se rappeler de qui il s’agissait) ce s’il n’y avait pas de contrat qu’il partirait.

[120]  Il n’y a pas de T4 de l’école Chateh Community pour 2017. Toutefois, sa DR de 2017 comprend une demande de déduction de frais déménagement où il indique qu’il a déménagé de la propriété de Port Alberni vers Chateh, en Alberta, le 22 septembre 2017 et indique qu’il a commencé à travailler le 25 septembre 2017. Sa déclaration de déménagement comprenait une distance parcourue de 8 000 km et visait un déplacement d’un jour et d’une nuit. Dans une autre partie de la même section, la distance indiquée entre les deux endroits est de 4 800 km. Il a déclaré des frais de déménagement de 3 500 $.

[121]  La distance en voiture de Port Alberni à Chateh varie entre 1 824 km et 2 118 km, selon le trajet emprunté. La distance de 4 800 km est environ celle entre Port Alberni et Ottawa, en Ontario, par l’autoroute.

b.  Première nation Seabird Island, Chilliwack, C.-B.

[122]  Selon la liste des emplois après le licenciement, le fonctionnaire a obtenu un emploi auprès de la Première Nation Seabird Island en novembre 2017 comme professeur à l’école Seabird Island Community située à l’est de Chilliwack, en C.-B. Lorsque l’avocate du défendeur lui a demandé pendant combien de temps il avait occupé cet emploi, il a répondu deux ou trois semaines, puis il a dit que c’était peut-être pendant plus longtemps. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait obtenu des avantages, il a répondu qu’il ne le savait pas. Il a dit qu’il était parti parce qu’il n’avait pas eu de contrat. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait obtenu une lettre d’offre, il a répondu que c’était le cas. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait accepté la lettre d’offre, il a répondu qu’il l’avait fait. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait été payé, il a répondu qu’il l’avait été. L’avocate de l’employeur lui a demandé : [traduction] « Alors un matin, vous vous êtes réveillé et vous avez décidé de retourner à Port Alberni? » Il a répondu [traduction] « Oui ».

[123]  À la question de savoir s’il avait parlé à quelqu’un avant de quitter l’école Seabird Island Community, il a répondu ce qui suit : [traduction] « Oui. Je ne sais pas. Je crois que j’ai parlé au directeur. Je crois que j’ai parlé au responsable des ressources humaines. Je ne connais pas les noms. J’ai dit que j’avais tout présenté et qu’ils ne pouvaient rien signer. » Il a dit que l’employeur ne faisait que tergiverser. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait reçu une lettre de licenciement, il a répondu que plusieurs semaines après le fait, il avait reçu un courriel. Il n’a pas dit ce qu’il y avait dans le courriel et il n’en a pas produit de copie à l’audience.

[124]  Selon la DR de 2017 du fonctionnaire et un T4 délivré par la Première Nation Seabird Island, il a gagné 773,50 $.

c.  Marcus and Millichap, Vancouver

[125]  Selon la liste des emplois après le licenciement, de mars 2017 à janvier 2018, il a travaillé pour Marcus and Millichap, une société immobilière de Vancouver en tant qu’agent d’immeubles commerciaux. À la question de savoir pendant combien de temps il y avait travaillé, il a répondu que c’était pendant un an, puis il a dit que c’était peut-être pendant 10 mois. Il a dit qu’il travaillait à la commission et que son secteur allait de Surrey à Chilliwack. Il a dit qu’il n’avait reçu aucune rémunération parce qu’il n’avait rien vendu. Il a dit qu’il n’avait pas reçu d’avantages. La DR de 2017 a révélé une perte de 25 512 $ liée à son emploi ainsi que des frais de scolarité de 1 030 $ associés à un cours d’agent d’immeubles.

7.  2018

a.  Gilco Real Estate, Surrey

[126]  Selon la liste des emplois après le licenciement, de février à mai 2018, le fonctionnaire est retourné à Gilco Real Estate à Surrey où il était employé avant de travailler pour le SCC. Il a déclaré qu’il n’a rien gagné et qu’il a subi des pertes d’entreprise.

b.  Première Nation Dease River, C.-B.

[127]  La liste des emplois après le licenciement indique qu’entre mai et juillet 2018, il travaillait pour la Première Nation Dease River à Good Hope Lake en tant qu’administrateur de bande. Le fonctionnaire a déclaré qu’il a commencé en avril 2018, qu’il est resté deux mois et que l’emploi a pris fin en juillet. Il n’était pas certain de la date de fin en juillet 2018, même s’il pensait que ce pouvait être le 13 juillet. Il a témoigné à ce sujet le 2 août 2018.

[128]  À la question de savoir pourquoi il avait quitté cet emploi, le fonctionnaire a répondu que la période d’essai avait duré trois mois. On lui a demandé s’il avait été licencié. Il a répondu par la négative. À la question de savoir si le chef de la bande a eu une discussion avec lui, le fonctionnaire a répondu [traduction] « Oui ». Interrogé sur la question de savoir s’il avait reçu une lettre de licenciement, il a maintenu qu’il n’avait pas été licencié. Il a dit qu’il avait envoyé une lettre de réprimande à un conseiller de la bande, qui lui a dit : [traduction] « On récolte ce que l’on sème. »

[129]  Le fonctionnaire n’a pas témoigné quant à son salaire reçu de cette Première Nation.

III.  Résumé de l’argumentation

A.  Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

[130]  Le fonctionnaire a présenté 34 pages d’arguments écrits qui n’ont pas été utiles en ce qui concerne les questions que je dois trancher. Toutefois, certains de ses arguments méritent d’être mentionnés parce qu’ils sont pertinents pour aborder les allégations ou d’autres questions soulevées pendant l’audience ou dans les arguments.

[131]  Le fonctionnaire a soutenu que même s’il ne s’opposait pas à la réintégration, il ne voulait pas travailler pour le SCC ni vivre à Edmonton.

[132]  Dans ses arguments écrits, le fonctionnaire a répété, plus d’une fois, les réparations qu’il a indiquées dans son document des réparations demandées.

[133]  Le fonctionnaire a aussi demandé, plus d’une fois, des dommages totaux de 11,7 millions de dollars ainsi que plusieurs autres montants de dommages pour différents éléments tout au long de ses arguments écrits.

[134]  Plusieurs des arguments écrits du fonctionnaire étaient répétitifs. En plus de ne pas être pertinents en soi, il a souvent tenté de présenter une preuve après le fait. Il a aussi formulé à répétition des arguments qui auraient été plus appropriés si la question concernait la compétence en fonction de l’opposition de l’employeur selon laquelle le licenciement était un renvoi en cours de stage en vertu de la LEFP. Toutefois, cette question a déjà été tranchée dans Gill no 1 et elle n’est pas pertinente pour les arguments portant sur la réparation.

[135]  Au premier paragraphe de la page 2 de ses arguments écrits, le fonctionnaire a déclaré ce qui suit : [traduction] « Je crois aussi que le SPE et la GRC ont parlé à l’arbitre de différends séparément et qu’ils ont pu avoir une incidence négative sur la décision, y compris l’absence de règlement ».

[136]  Dans le deuxième paragraphe complet de la page 2, le fonctionnaire a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

Je crois également qu’il y a un léger conflit d’intérêts puisque le bureau de M. Jaworski est de l’autre côté de la rue de celui de Mme St-Amant-Roy à Ottawa et peut-être que M. Jaworski a travaillé pour le Conseil du Trésor et que Mme St‑Amant-Roy pourrait être une arbitre de différends dans le futur. Et ils se voient dans le cadre d’affaires juridiques tout le temps et je ne les vois que pendant environ deux semaines, non des mois ou des années à travailler ensemble, ce qui entraîne de la familiarité et un respect mutuel. Je préférerais que mon bureau soit de l’autre côté de la rue de celui de M. Jaworski et nous pourrions manger ensemble, s’agirait-il d’un conflit d’intérêts? Je ne suis pas un avocat.

 

[137]  À la page 3, il a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

Un autre conflit d’intérêts concerne à mon avis le fait que M. Jaworski et Rose (Waskowich) Logozar sont ukrainiens. Est-ce la raison pour laquelle le témoignage de Rose est tellement plus facile à croire que le mien et que ma crédibilité est remise en question, alors qu’elle a clairement commis un parjure. Il existe un numéro de dossier à la GRC de Wollaston Lake, en Saskatchewan, où la gestionnaire des RH qui voulait avoir tous mes avantages de PDG m’a agressé devant la porte du chef, plutôt que de me contourner, elle a tenté de passer par-dessus moi, et le chef est son cousin et tout le reste, alors il n’y a pas eu d’accusation pour voies de fait. Lorsque j’ai eu trois accidents de voiture, ICBC ne m’a même pas interrogé, moi, un enseignant et une « minorité visible », ils ont posé des questions seulement aux conducteurs caucasiens et les ont crus et j’ai perdu chaque fois. Heureusement pour moi, lorsque les deux constables dans la voiture du service de police de Vancouver m’ont frappé, un témoin a dit que j’allais tout droit à une lumière verte, mais l’agent du SPV a dit qu’elle était jaune, 50-50!

Bien sûr qu’il y a eu des différences entre mes deux feuilles de calculs quant aux dates, aux endroits où j’ai vécu et pendant combien de temps. Certaines étaient dues à des problèmes de mémoire après avoir pris des médicaments antipsychotiques et d’autres au fait de travailler un jour ou deux à un endroit et d’améliorer la situation sur une feuille de calcul ou un curriculum vitae parce que c’est embarrassant. Le Dr […] à White Rock m’a dit de « dire aux employeurs potentiels que j’avais un problème évident ». Mais si je disais ça avant d’obtenir un emploi et de signer un contrat, je n’avais jamais d’emploi!

[…]

Enfin, j’aimerais dire que le dirigeant du NPD fédéral, Jagmeet Singh, est un avocat et qu’il s’est porté candidat à Burnaby au niveau provincial en C.-B. Mais les Canadiens se sont prononcés et la majorité a voté pour ne jamais élire un premier ministre du Canada portant un turban […]

B. Pour le défendeur

1. Ordonnance de mise sous scellés

[138]  Le défendeur a fait valoir que l’ensemble de documents du SPE (pièce E-8) ainsi que les renseignements financiers du fonctionnaire devaient être mis sous scellés. Il m’a renvoyé au critère Dagenais/Mentuck indiqué dans Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835, et R. c. Mentuck, 2001 CSC 76.

2.  Réparation

[139]  Le fonctionnaire ne devrait pas être réintégré dans le lieu de travail, et le montant approprié d’indemnisation tenant lieu de réintégration équivaudrait à quatre ou six mois de salaire et d’avantages.

[140]  Le défendeur a soutenu qu’il faut examiner les deux questions suivantes :

  i.  le caractère approprié d’une compensation tenant lieu de réintégration;

  ii.  le montant de l’indemnité tenant lieu de réintégration.

[141]  Selon le témoignage et les arguments du fonctionnaire, pendant la période de sept ans depuis son licenciement, il n’a pas occupé un poste plus longtemps qu’un an.

a.  La réintégration n’est pas appropriée

[142]  Dans Alberta Union of Provincial Employees c. Lethbridge Community College, 2004 CSC 28, la Cour suprême du Canada a fait remarquer que la rémunération tenant lieu de réintégration devrait se produire uniquement si les conclusions de l’arbitre de différends permettent de douter de la viabilité de la relation employeur-employé. L’arbitre peut, à cet égard, tenir compte de toutes les circonstances pertinentes pour apporter une solution durable et définitive au différend.

[143]  Comme l’indiquent Lâm c. Administrateur général (Agence de la santé publique du Canada), 2011 CRTFP 137, Bahniuk c. Agence du revenu du Canada, 2014 CRTFP 73, infirmé pour d’autres motifs, 2016 CAF 127, et l’article 228 de la Loi, un arbitre de grief a le pouvoir d’accorder une indemnisation tenant lieu de réintégration dans les circonstances appropriées. Dans Énergie atomique du Canada Ltée c. Sheikholeslami, [1998] 3 CF 349, la Cour d’appel fédérale a établi que la réintégration n’est pas un droit, même lorsque le congédiement est jugé injuste.

[144]  Dans ses arguments écrits, le fonctionnaire a déclaré : [traduction] « Le rétablissement est la dernière option que je veux […] Je ne suis pas opposé à la réintégration, mais je ne veux plus travailler pour le SCC et je ne veux pas vivre à Edmonton […] » Il a déclaré que même s’il ne souhaitait pas fermer la porte, il préférerait recevoir une compensation monétaire plutôt que d’être réintégré dans un environnement de travail qu’il a qualifié de discriminatoire.

[145]  Le critère le plus communément accepté pour déterminer si la relation d’emploi a été minée ou s’est détériorée irrémédiablement a été établi dans DeHavilland Inc. v. CAW Canada, Local 112 (1999), 83 L.A.C. (4e) 157, qui a aussi été mentionné dans Highland Ford Sales Ltd. v. CAW- Canada, Local 4502 (2007), 160 L.A.C. (4e) 132. Elle indique ce qui suit :

  • a. le refus de collègues de travailler avec le fonctionnaire;

  • b. le manque de confiance entre le fonctionnaire et l’employeur;

  • c. l’incapacité ou le refus du fonctionnaire d’assurer la responsabilité de tout acte répréhensible;

  • d. le comportement et l’attitude du fonctionnaire à l’audience;

  • e. l’animosité du fonctionnaire à l’égard de la direction ou des collègues;

  • f. le risque d’une atmosphère de travail « toxique ».

[146]  L’employeur a fait valoir que la plupart, si ce n’est l’ensemble, des facteurs indiqués dans DeHavilland Inc. sont présents et que la relation d’emploi s’est rompue. Selon la preuve non contredite, le fonctionnaire n’a pu établir une saine relation d’emploi avec ses collègues puisqu’il faisait des blagues déplacées, qu’il était hypervigilant et qu’il avait porté des accusations saugrenues contre eux. De plus, il ne pouvait pas travailler selon le niveau requis et il avait des problèmes de rendement. Comme l’a indiqué sa lettre de licenciement, [traduction] « […] la direction n’a aucune confiance en votre capacité à exercer de manière efficace et professionnelle vos fonctions d’employé du SCC ». Il n’a pas pu assumer la responsabilité d’un acte répréhensible, comme le fait de dormir au travail, ou d’admettre son emploi inacceptable du système de courriel de l’employeur. De plus, il n’a assumé aucune responsabilité quant aux renseignements figurant dans ses rapports écrits.

[147]  À l’audience, le fonctionnaire était confus et il a fourni des renseignements trompeurs et incorrects. Il a été méprisant à l’égard du point de vue de sa superviseure. Plutôt que de démontrer de l’introspection sur ses lacunes ou une volonté de s’améliorer, il a formulé plusieurs allégations de conflit d’intérêts dans ses arguments écrits à mon sujet et de parjure contre certains témoins.

[148]  Le fonctionnaire a accusé l’employeur d’être responsable de l’avoir envoyé dans un établissement de santé mentale et pour ses orteils cassés. Il a aussi soutenu que l’un des témoins l’avait agressé sexuellement. Il est évident qu’il ne fait pas confiance à l’employeur et qu’il a formulé de graves allégations non justifiées. De plus, il est manifeste qu’il croit que l’environnement de travail est toxique, comme il l’a décrit dans ses autres allégations fournies en février 2018.

[149]  Ces circonstances, associées à la période écoulée depuis que le fonctionnaire a été licencié, rendraient plus qu’improbable le rétablissement d’une relation de travail viable. L’employeur a demandé à la Commission d’ordonner une compensation tenant lieu de réintégration.

b.  Montant de la compensation tenant lieu de réintégration

[150]  Le défendeur a fait valoir qu’il existe trois différentes approches à suivre pour déterminer le montant approprié à attribuer au lieu de la réintégration qui sont les suivantes :

a.  les décisions de common law sur la rémunération tenant lieu d’avis, comme la prédécesseure de la Commission a utilisé;

b.  une analyse fondée sur « Bahniuk, Lâm et Hay River » (l’« approche fondée sur les pertes économiques »);

c.  l’approche contractuelle ou d’examen des dommages.

[151]  Le défendeur a soutenu que l’approche de common law sur la rémunération tenant lieu d’avis a fourni des principes bien établis qui donnent un résultat clair et équitable et que la prédécesseure de la Commission a utilisé cette approche. De plus, l’emploi du fonctionnaire a été très court et ce dernier avait 41 ans au moment de son congédiement. L’approche fondée sur les pertes économiques nécessite un niveau élevé de spéculation, qui ne tient pas compte des impondérables et qui laisse les parties aux prises avec potentiellement un résultat douteux.

c. Décisions de common law sur la rémunération tenant lieu d’avis

[152]  En common law, une indemnité pécuniaire est ordonnée pour indemniser un employé licencié qui s’est vu priver à tort du droit à un avis qu’il allait perdre son emploi. Le montant visé par l’avis doit correspondre à la durée qu’il aura fallu à l’employé pour obtenir un emploi comparable. Les tribunaux ont élaboré des paramètres pour calculer une période d’avis pour les licenciements sans cause juste et suffisante en fonction de l’âge, des années de service et des qualifications de l’employé ainsi que du poste occupé par ce dernier. Le défendeur m’a renvoyé à Bardal v. Globe & Mail Ltd. (1960), 24 D.L.R. (2e) 140, à Filice v. Complex Services Inc., 2018 ONCA 625 et à Lâm.

[153]  À l’aide de ce cadre, comme le fonctionnaire avait 41 ans et un an de service sans responsabilité de gestion, ses services ne justifient pas une indemnisation à un niveau élevé. Une indemnité pécuniaire de quatre à six mois tenant lieu de réintégration est appropriée. Ce montant est obtenu à la suite d’un examen des décisions suivantes de la jurisprudence : Hartley c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), dossier de la CRTFP 166-2-17326 (19880308), [1988] C.R.T.F.P.C. no 72 (QL); Ashby v. EPI Environmental Products Inc. (2005), 43 C.C.E.L. (3e) 90; Bellini v. Ausenco Engineering Alberta Inc. (2016), 1187 A.P.R. 107; Lutes c. Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166‑2‑26706 (19951221), [1995] C.R.T.F.P.C. no 118 (QL); Atkey v. Valley Reefer Services, a Division of Kenbrent Holdings Ltd., [1994] C.L.A.D. No. 1234 (QL); Daoust-Savoie v. South Okanagan Montessori School Society (2008), 68 C.C.E.L. (3e) 104; Michela v. St. Thomas of Villanova Catholic School, 2015 ONSC 15; Doucette c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2003 CRTFP 106.

[154]  Il est reconnu que l’approche de common law porte sur la rémunération tenant lieu d’avis et non sur la rémunération tenant lieu de réintégration. Toutefois, selon les faits du présent cas, cette distinction n’a aucune incidence importante parce que la preuve laisse entendre que le fonctionnaire ne serait pas demeuré à l’emploi du CT au SCC en raison de la possibilité qu’il soit licencié pour inconduite ou mauvais rendement.

d.  L’approche de la perte économique

[155]  Cette approche a été développée pour indemniser les employés syndiqués de la perte de revenus et d’avantages sociaux. Elle consiste à projeter et à estimer la valeur approximative de ce que l’employé aurait gagné s’il était resté au travail jusqu’à sa date de retraite, puis à actualiser ce chiffre pour tenir compte des éventualités, qui comprennent ce que l’on peut appeler « les incertitudes de la vie ».

[156]  Les éventualités comprennent le risque de mise à pied, de maladie ou de départ pour un autre travail ou une autre situation personnelle. Le montant est ensuite actualisé pour tenir compte de l’obligation pour l’employé d’atténuer les conséquences en obtenant un autre emploi au cours de la période déterminée. De plus, des facteurs tels que l’âge du fonctionnaire, son niveau d’éducation et ses antécédents d’emploi sont également pris en compte. La Commission a adopté cette approche dans Bahniuk et Lâm, et l’analyse dans Lâm était fondée sur la décision du secteur privé dans Hay River Health and Social Services Authority v. Public Service Alliance of Canada (2010), 201 L.A.C. (4e) 345 (« Hay River »). De plus, le défendeur m’a renvoyé à George Brown College of Applied Arts and Technology v. Ontario Public Service Employees Union, [2011] O.L.A.A. No. 459 (QL).

[157]  Le défendeur a fait valoir que l’approche de l’analyse des pertes économiques ne devrait pas être utilisée en l’espèce pour les raisons suivantes :

·  cela nécessite une certaine quantité d’hypothèses et de subjectivité; les éventualités liées aux incertitudes de la vie sont nécessairement des « meilleures suppositions »;

·  contrairement à Lâm, où la fonctionnaire s’estimant lésée avait 59 ans et 8 années de service, et à Bahniuk, où le fonctionnaire s’estimant lésé avait 52 ans et 24 années de service, il existe très peu de renseignements sur lesquels fonder toute prévision;

·  l’obligation d’atténuation du fonctionnaire et la probabilité d’une atténuation entre l’âge de 41 ans et le départ à la retraite est si élevée qu’il faut accorder une importance considérable aux éventualités de manière à rendre la formule inapplicable;

·  il y a un problème sous-jacent dans le critère Hay River, car l’accent est mis sur la sécurité de l’emploi dans un environnement syndiqué avec certaines protections liées à l’ancienneté. Cette formule ne s’applique pas à la fonction publique fédérale, dans laquelle il n’y a pas de sécurité d’emploi fondée sur l’ancienneté, et les mises à pied sont régies par une politique de réaménagement des effectifs.

[158]  Par conséquent, l’approche de l’analyse de la perte économique se prête mal au secteur public fédéral et ne devrait être utilisée qu’avec prudence.

3. Autres formes de réparation

[159]  Le présent cas n’est pas approprié pour l’attribution de dommages. Il n’y a pas de grief alléguant la discrimination; le fonctionnaire n’a pas non plus donné un avis convenable auprès de la Commission canadienne des droits de la personne, comme l’exigent la Loi et son Règlement pour donner suite à un tel grief. Il n’était pas représenté par son agent négociateur et, par conséquent, la clause de l’élimination de la discrimination de la convention collective pertinente n’a pas été soumise à la Commission. La Commission n’a pas compétence pour accorder des dommages en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H‑6).

[160]  Il n’y a pas lieu d’accorder des dommages, car l’arbitre de grief n’a formulé aucune conclusion de mauvaise foi et l’employeur a nié toute responsabilité pour les dommages punitifs, car il n’y avait aucune mauvaise foi de sa part.

[161]  La Commission n’a pas compétence pour adjuger des dépens. Le défendeur a invoqué Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 53; Tipple c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 158 et Grant c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2016 CRTEFP 37.

[162]  Il conviendrait d’accorder des intérêts en vertu du règlement de l’Alberta Judgment Interest Regulation, Alta Reg 215/2011, conformément à la loi de l’Alberta Judgment Interest Act (RSA 2000, c. J-1), car la relation de travail était établie en Alberta et que l’audience s’y déroulait. Le défendeur m’a renvoyé à Bahniuk.

C. Réponse du fonctionnaire s’estimant lésé

[163]  Le fonctionnaire a soumis 89 pages d’arguments  en réplique, accompagnés d’une table des matières de 9 pages (qui semblait contenir également des arguments en réplique) et d’un classeur de 2 pouces comportant 69 onglets remplis d’une façon désordonnée; 42 de ces onglets étant vides.

[164]  En grande partie, cela ne consistait pas des arguments en réplique adéquats, puisque le fonctionnaire répétait ce qui avait déjà exposé dans ses arguments. De plus, il a également incorporé à ces arguments des documents réels (et non des extraits de preuves versées au dossier ou des citations de lois ou de jurisprudence) qui n’avaient pas été déposés en preuve. Ils ne semblaient pas non plus avoir de rapport avec l’affaire que je dois trancher.

[165]  Le fonctionnaire m’a renvoyé à R. v. M.Y., 2004 SKPC 147; Smith v. Rover’s Rest, 2013 HRTO 700; Alliance de la capitale nationale sur les relations inter-raciales c. Canada (Santé et Bien-être social), 1997 CanLII 1433 (TCDP); R. v. A.J.B., 2007 MBCA 95; Hamel v. Prather, 1974 CanLII 292 (AB QB); Curling v. Victoria Tea Co Ltd., 2000 CanLII 20870 (ON HRT); Millott (Estate) v. Reinhard, 2002 ABQB 761; Bageya v. Dyadem International, 2010 HRTO 1589; Fish, Food and Allied Workers v. Molson Coors Canada, 2015 CanLII 82086 (NL LA); Saskatchewan Association of Health Organizations v. Health Sciences Association of Saskatchewan, 2011 CanLII 20278; Tobin c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 76; Chambers v. Axia Netmedia Corporation, 2004 NSSC 24; Canadian Union of Public Employees, Local 1975 v. First Nations University of Canada, 2005 CanLII 78432 (SK LA); Boutziouvis c. Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, 2010 CRTFP 135; Schmidt v. Katz, 1954 CanLII 154 (SK QB); Alberta (Attorney General) v. Alberta (Provincial Court), 1983 ABCA 1; Fowler v. North American Life Assurance Company, 1998 CanLII 13307 (NL SC); North v. McCready, 2016 BCSC 2016; Banque d’Amérique du Canada c. Société de Fiducie Mutuelle, 2002 CSC 43; Pepper c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2008 CRTFP 71; Fisher v. Fisher, 1983 CanLII 2021 (SK QB); Kareway Homes Ltd. v. 37889 Yukon Inc., 2014 YKSC 35.

[166]  Je n’ai pas tenté de résumer les arguments en réplique du fonctionnaire, car ils prêtent à confusion et font le plus souvent ce qui suit :

·  ils donnent une interprétation erronée de la preuve qui m’a été soumise;

·  ils tentent d’insérer des preuves qui ne m’avaient pas été soumises;

·  ils essaient d’établir des liens entre les allégations et les faits qui ne peuvent être faits;

·  ils essaient d’établir des liens entre les allégations et les faits qui ne peuvent être faits parce que les faits ne m’ont pas été présentés;

·  ils sont tout simplement hors de propos;

·  ils présentent une jurisprudence non pertinente.

[167]  J’ai déduit de ses arguments que le fonctionnaire était en désaccord avec les arguments et la jurisprudence du défendeur et qu’il souhaite recevoir l’intégralité de son salaire et de ses prestations perdus à compter du moment où il a été licencié jusqu’à la date de fin de la poursuite de l’audience (le 2 août 2018),
ainsi que les intérêts, qui, selon lui, devraient être ajustés selon le taux d’inflation et composés.
Il a également demandé des dommages importants pour les préjudices qu’il a, selon lui, subis au cours de son emploi au sein du SCC.

[168]  Le fonctionnaire a effectivement demandé que la trousse de documents du SPE (pièce E-8), ainsi que ses DR, AC et feuillets T4, soient mis sous scellés.

IV.  Motifs

A. Demande de mise sous scellés de documents

[172]  Dans Basic c. Association canadienne des employés professionnels, 2012 CRTFP 120, aux paragraphes 9 à 11, la CRTFP s’est prononcée comme suit :

[9] La mise sous scellés de documents ou de dossiers déposés en vue d’une audience judiciaire ou quasi judiciaire va à l’encontre du principe fondamental consacré dans notre système de justice selon lequel les audiences sont publiques et accessibles. La Cour suprême du Canada a statué que l’accès du public aux pièces et aux autres documents déposés dans le cadre d’une procédure judiciaire était un droit protégé par la Constitution en vertu des dispositions sur la « liberté d’expression » de la Charte canadienne des droits et libertés; voir Société Radio-Canada c. Nouveau-Brunswick (Procureur général), [1996] 3 R.C.S. 480; Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835; R. c. Mentuck, 2001 CSC 76, Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41 (CanLII).

[10] Cependant, la liberté d’expression et le principe de transparence et d’accessibilité publique des audiences judiciaires et quasi judiciaires doivent parfois être soupesés en fonction d’autres droits importants, dont le droit à une audience équitable. Bien que les cours de justice et les tribunaux administratifs aient le pouvoir discrétionnaire d’accorder des demandes d’ordonnance de confidentialité, de nonpublication et de mise sous scellés de pièces, ce pouvoir discrétionnaire est limité par lexigence de soupeser ces droits et intérêts concurrents. Dans Dagenais et Mentuck, la Cour suprême du Canada a énuméré les facteurs à prendre en considération pour déterminer s’il convient d’accepter une demande de restriction de l’accès aux procédures judiciaires ou aux documents déposés dans le cadre de ces procédures. Ces décisions ont mené à ce que nous connaissons aujourd’hui comme étant le critère Dagenais/Mentuck.

[11] Le critère Dagenais/Mentuck a été établi dans le cadre de demandes d’ordonnance de nonpublication dans des instances criminelles. Dans Sierra Club of Canada, la Cour suprême du Canada a précisé le critère en réponse à une demande d’ordonnance de confidentialité dans le cadre d’une procédure civile. Le critère adapté est le suivant :

[…]

[…]

[173]  La trousse du SPE est une série de documents pour lesquels les effets bénéfiques d’une ordonnance de confidentialité l’emportent sur les effets préjudiciables. Ces documents contiennent des informations sur des personnes qui ne savaient pas qu’elles faisaient l’objet d’un rapport ou d’une éventuelle enquête, et elles n’ont aucune idée que ces informations ont été utilisées à l’audience. Par conséquent, j’ordonne leur mise sous scellés.

[174]   Une grande partie de l’information contenue dans les DR, AC et feuillets T4 du fonctionnaire lui est propre et n’a aucune pertinence pour la présente instance. L’information relative à la présente instance a été reproduite dans la présente décision. Les effets bénéfiques d’une ordonnance de confidentialité l’emportent sur ses effets préjudiciables en ce qui a trait aux renseignements personnels contenus dans ces documents. Par conséquent, j’ordonne la mise sous scellés des DR, AC et feuillets T4 déposés en tant que pièces G-12, G-15 et E-12.

B.  Les allégations de conflit d’intérêts du fonctionnaire s’estimant lésé dans ses arguments

[175]  Avant de traiter du fond de la partie de la réparation du grief, je suis obligé de répondre à certaines allégations formulées par le fonctionnaire dans ses arguments.

[176]  Le fonctionnaire a témoigné au cours des deux phases de l’audience, sur une période de quatre jours. Son témoignage principal tout comme son contre-interrogatoire ressemblaient beaucoup à un afflux de conscience verbalisé. Il passait souvent d’un point à l’autre sans faire de lien entre ses déclarations ou ses réponses. Il était assez évident qu’il ne pensait guère au fait qu’il essayait d’établir ou à la question qui lui était posée. Il faisait souvent l’affirmation d’un fait lié à un événement particulier, tel que le lieu et le moment où il vivait ou travaillait, pour ensuite la modifier quelques instants plus tard et la changer à nouveau peu de temps après. Il supposait souvent des choses, même si l’avocate de l’employeur lui demandait de ne pas le faire et même si je lui disais de ne pas faire de suppositions et de simplement dire qu’il ne le savait pas. Les informations qu’il a fournies au moyen de documents qu’il a créés contredisaient souvent son témoignage oral et parfois d’autres documents qu’il avait créés ou produits à l’audience. En bref, il était extrêmement difficile de déterminer si quelque chose était exact quand cela venait du fonctionnaire.

[177]  Par conséquent, je me suis largement appuyé sur des faits exposés dans des documents qui ont pour origine une source autre que le fonctionnaire et sur des informations qu’il a fournies uniquement lorsqu’il n’y avait aucune autre source relative à ces informations.

[178]  Cette conduite semble avoir été maintenue tout au long des arguments initiaux et en réplique du fonctionnaire, dans lesquels il a formulé de graves allégations non seulement à l’égard de mon intégralité, mais aussi à l’égard de celle d’autres personnes, y compris l’avocate de l’employeur et les membres du SPE et de la GRC, dont trois doivent être abordées.

[179]  Dans ses arguments, le fonctionnaire laisse entendre que les agents du SPE ou de la GRC et moi-même avons parlé de son cas en dehors de l’audience. Aucun membre de la GRC n’a témoigné à l’audience ni n’a communiqué avec moi ou, à ma connaissance, avec la Commission ou ses services de soutien au sujet du fonctionnaire ou de son cas. Le sergent Harrison du SPE a témoigné le 15 mars 2018. Il ne m’a pas parlé en dehors du témoignage qu’il a donné ce jour-là; je ne l’ai pas vu ni ne lui ai parlé après qu’il ait été congédié en tant que témoin ce jour-là. À ma connaissance, ni le sergent Harrison, ni personne d’autre du SPE, n’a communiqué avec le personnel de la Commission ou de ses services de soutien pour discuter du fonctionnaire ou de son cas.

[180]  Le fonctionnaire a également allégué que, d’une certaine manière, je me trouvais dans une situation de conflit d’intérêts parce que les bureaux de la Commission étaient situés en face de celui de l’avocate de l’employeur. Cela est non seulement insultant, mais également absurde et inexact. L’avocate de l’employeur a des bureaux au centre-ville d’Ottawa. Cependant, ils ne se trouvent pas en face des bureaux de la Commission. Mme St-Amant-Roy n’a comparu devant moi que deux fois dans le cadre de cette affaire, les deux fois à Edmonton. Elle et moi n’avons jamais travaillé ensemble, mangé ensemble ou passé du temps ensemble en dehors du temps où elle était dans la salle d’audience à Edmonton au cours des journées d’audience du fonctionnaire.

[181]  Le fonctionnaire a également allégué que d’une certaine façon, je me trouvais dans une situation de conflit d’intérêts, car il présumait que le patrimoine et les antécédents de ma famille étaient les mêmes que ceux de l’un de ses témoins, Mme Waskowich. Son allégation est qu’en raison de ce lien du fait d’un patrimoine commun, j’ai accepté son témoignage plutôt que le sien. Il l’a appelée comme témoin et son témoignage n’était pas pertinent pour les questions que je dois trancher. Avant l’audience, je ne l’avais jamais rencontrée et ne connaissais personne portant ce nom. Encore une fois, son allégation est inexacte, insultante et absurde.

C.  Pertes alléguées et demandes de dommages pour des choses qui se sont produites pendant que le fonctionnaire travaillait pour le SCC

[182]  Le processus de règlement des griefs dans la fonction publique fédérale est actuellement défini dans le Règlement et est une continuation du processus en place, pratiquement inchangé, depuis des décennies. Le processus a initialement été mis en place par la prédécesseure de la Commission, la Commission des relations de travail dans la fonction publique, en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P-35) et a ensuite été poursuivi en vertu de la LRTFP et maintenant de la Loi.

[183]  Le processus établi par le Règlement prévoit que si un employé qui a déposé un grief individuel n’est pas satisfait d’une décision prise à un palier de la procédure de règlement des griefs, il peut renvoyer le grief au palier suivant de la procédure jusqu’à la fin de celle-ci. Lorsque cela se produit, selon la nature du grief, le fonctionnaire peut le renvoyer à la Commission pour décision, si la Commission a compétence à ce sujet (actuellement, en vertu de l’art. 209 de la Loi).

[184]  Alors que l’art. 208 de la Loi autorise le dépôt de griefs portant sur pratiquement tous les aspects de la relation employeur-employé, l’art. 209 limite les questions pouvant être portées devant la Commission pour arbitrage. Les griefs déposés en vertu de l’art. 208 ne relèvent pas tous de la compétence de la Commission.

[185]  L’alinéa 209(1)a) de la Loi autorise les griefs qui supposent l’interprétation ou l’application à l’égard d’un employé d’une disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale. L’alinéa 209(1)b) confère à la Commission compétence sur une mesure disciplinaire entraînant un licenciement, une rétrogradation, une suspension ou une sanction pécuniaire. Le sous-alinéa 209(1)c)(i) confère à la Commission compétence dans le cas d’un employé de l’administration publique centrale à l’égard d’une rétrogradation ou d’un licenciement en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la LGFP pour un rendement insatisfaisant ou en vertu de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour tout autre motif qui n’est pas lié à un manquement à la discipline ou une inconduite. Le sous-alinéa 209(1)c)(ii) confère à la Commission compétence en matière de mutation sans le consentement de l’employé et n’est donc pas pertinent en l’espèce.

[186]  Les conditions d’emploi énoncées dans une convention collective ne peuvent faire l’objet d’un grief en vertu de l’art. 208 de la Loi que si le fonctionnaire s’estimant lésé a obtenu l’approbation de l’agent négociateur de l’unité de négociation à laquelle s’applique la convention collective et est représenté par cet agent. Ces griefs peuvent être renvoyés à la Commission pour arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)a), qui confère compétence pour statuer sur des questions relatives à la violation d’une clause d’une convention collective, uniquement si le fonctionnaire s’estimant lésé a obtenu l’accord de son agent négociateur pour le représenter dans la procédure d’arbitrage.

[187]  De plus, le Règlement prévoit que la procédure de règlement des griefs exige que les employeurs, liés par la Loi, aient un maximum de trois paliers de procédure de règlement des griefs. Un fonctionnaire s’estimant lésé doit déposer un grief contre son employeur dans un délai spécifié et à un palier spécifié, faute de quoi il est empêché de le faire sans demander une prorogation de délai conformément au Règlement.

[188]  Le Règlement prévoit en outre que si un grief est déposé dans les délais impartis au palier approprié, l’employeur est tenu d’y répondre dans un délai spécifié. Une fois ce délai écoulé (même si l’employeur n’a pas répondu), le fonctionnaire s’estimant lésé dispose d’un délai dans lequel il doit transmettre son grief au palier suivant. Ce processus pour faire passer un grief au palier suivant et y répondre est répété à chaque palier de la procédure de règlement des griefs jusqu’à ce que le dernier palier soit atteint. Là encore, l’employeur dispose d’un délai précis pour répondre au grief, après quoi le fonctionnaire s’estimant lésé dispose d’un délai précis pour le renvoyer à la Commission pour arbitrage, en supposant que la Commission soit compétente pour l’entendre.

[189]  L’article 225 de la Loi limite en outre la compétence de la Commission en énonçant ce qui suit :

Compétence

Observation de la procédure

225 Le renvoi d’un grief à l’arbitrage ne peut avoir lieu qu’après la présentation du grief à tous les paliers requis conformément à la procédure applicable.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

[190]  L’article 225 signifie que, en tant que condition préalable à la compétence de la Commission pour statuer sur un grief, celui-ci doit d’abord être présenté à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs. Cela signifie que même si un fonctionnaire s’estimant lésé a initialement déposé son grief correctement et dans les délais impartis, s’il ne passe pas au palier suivant dans les délais prescrits par le Règlement, il ne peut avancer dans le processus sans le consentement de l’autre partie (dans le présent cas, l’administrateur général du SCC) ou une ordonnance de la Commission.

[191]  De plus, l’art. 236 de la Loi prévoit que le droit d’un employé de demander réparation au moyen d’un grief pour tout différend relatif à ses conditions d’emploi remplace le droit d’action que l’employé peut avoir à l’égard de tout acte ou omission donnant lieu au différend. Cela s’applique que l’employé se prévale ou non de son droit de présenter un grief dans un cas particulier et que le grief puisse ou non être renvoyé à l’arbitrage.

[192]  Le fonctionnaire a formulé un certain nombre d’allégations au sujet de choses qui lui sont arrivées ou qui, selon lui, lui sont arrivées pendant qu’il était employé au SCC, qu’il croit être de la responsabilité du SCC ou de l’employeur et qui, selon lui, lui donnent droit à une indemnisation. Rien n’indique qu’il a déposé un grief à propos de l’une de ces choses, et encore moins qu’il les a soumises à la procédure de règlement des griefs. Pour ces motifs, exposés plus en détail plus loin dans la présente décision, je n’ai pas compétence pour les traiter.

1.  Le SCC était responsable du fait que l’équipe PIC du SPE soit allée chercher le fonctionnaire et qu’il ait été admis à l’hôpital contre son gré

[193]  Le fonctionnaire a allégué que le SCC était responsable du fait que le SPE soit allé le chercher et qu’il ait été admis contre son gré à l’Alberta Hospital en vertu de la Mental Health Act de la province.

[194]  Les éléments de preuve ont révélé que l’équipe PIC du SPE était préoccupée par la santé mentale du fonctionnaire, à tel point qu’elle a pris contact avec la direction de l’Établissement et lui a demandé de réserver une salle dans laquelle l’équipe pourrait le rencontrer. Le SCC a accepté cette demande. Une rencontre s’est tenue. L’équipe a évalué le fonctionnaire et il a été admis contre son gré à l’Alberta Hospital. Bien qu’il ait laissé entendre qu’il y ait séjourné contre son gré pendant environ six semaines, les éléments de preuve ont révélé que, même si c’était initialement le cas, la majeure partie de son séjour à l’hôpital après son admission était volontaire.

[195]  Les éléments de preuve ont également révélé que l’interaction de l’équipe PIC avec le fonctionnaire résultait du fait que celui-ci l’avait contactée à propos de dommages présumés causés à son véhicule, puis de ses suggestions selon lesquelles il était poursuivi.

[196]  À part le fait que Mme Leslie a mis à disposition une salle de réunion pour que l’équipe PIC puisse rencontrer le fonctionnaire, je ne vois pas en quoi cela est lié à son emploi. Même si c’était le cas, son recours approprié consistait à déposer un grief, ce qu’il n’a pas fait. S’il en avait déposé un, pour que la Commission ait compétence, le fonctionnaire aurait dû faire avancer ce grief à travers les étapes de la procédure de règlement des griefs et, s’il n’était toujours pas satisfait du résultat à l’étape finale, le renvoyer à la Commission pour arbitrage si ce grief relevait de la compétence énoncée à l’art. 209 de la Loi. Étant donné que rien de tout cela ne s’est produit et que le seul grief qu’il a déposé visait la cessation de son emploi, je n’ai aucune compétence pour traiter de cette question.

2.  Le SCC était responsable des orteils fracturés du fonctionnaire s’estimant lésé

[197]  Le fonctionnaire a allégué que le SCC était responsable de deux orteils qu’il s’était fracturés à son domicile, vraisemblablement à cause de médicaments prescrits par son psychiatre soit lorsqu’il séjournait à l’hôpital de l’Alberta, soit lors de son congé de l’hôpital au début de février 2012.

[198]  Selon le fonctionnaire, on lui a prescrit des médicaments expérimentaux soit lorsqu’il séjournait à l’hôpital de l’Alberta, soit lors de son congé de l’hôpital. Il a déclaré avoir demandé une faible dose, mais avoir reçu une dose modérée ou moyenne. Une lettre envoyée au SCC par son psychiatre traitant de cet hôpital indiquait que, même si le fonctionnaire s’était vu prescrire un médicament qu’il devait prendre au petit-déjeuner et au dîner, ce médicament n’aurait aucun effet sur sa capacité à faire son travail.

[199]  Je n’ai reçu aucun témoignage d’une personne qualifiée pour parler du médicament.

[200]  L’allégation du fonctionnaire repose essentiellement sur le fait que, d’une manière ou d’une autre, l’employeur est responsable des dommages qu’il aurait pu subir en se fracturant un orteil à son domicile, et non au travail au SCC, alors qu’il prenait volontairement les médicaments prescrits par son médecin. Il semble tenter de faire porter la responsabilité à l’employeur en raison de son action initiale consistant à mettre à disposition une salle pour que l’équipe PIC puisse le rencontrer à l’Établissement. Il n’y a absolument aucun lien entre ses orteils fracturés et sa relation d’emploi avec le CT et le SCC. Même s’il y en avait un, son recours aurait été de déposer un grief en vertu de la Loi, ce qu’il n’a pas fait. Par conséquent, je n’ai aucune compétence pour trancher cette question.

3.  Le SCC était responsable de l’agression du fonctionnaire s’estimant lésé au travail

[201]  Le fonctionnaire a affirmé qu’à un moment donné au cours de son emploi, alors qu’il était dans la bibliothèque de l’institution, une collègue l’a tapé dans le derrière.

[202]  Le fonctionnaire n’a pas présenté un grief ou une plainte de harcèlement à ce sujet. La Commission et les arbitres de grief nommés en vertu de la Loi ne sont pas des tribunaux investis d’une compétence inhérente. Ils n’ont pas le pouvoir d’aborder et de traiter tous les problèmes qui se produisent dans la fonction publique fédérale, mais uniquement ceux que le législateur a définis dans la Loi.

[203]  Bien que le harcèlement et les agressions sur le lieu de travail fussent certainement des choses pour lesquelles le fonctionnaire aurait pu déposer un grief et qu’il aurait peut-être dû renvoyer à l’arbitrage en raison d’une violation de la clause de l’élimination de la discrimination de la convention collective no 1, il ne l’a pas fait. Même s’il l’avait fait, il n’est pas représenté par son agent négociateur. Pour cette raison, il aurait été empêché de déposer un grief de cette nature parce que cela nécessite l’accord et le soutien de son agent négociateur. Étant donné que rien de tout cela n’a eu lieu, je n’ai aucune compétence pour traiter de cette question.

4.  Le SCC devrait payer des dommages au fonctionnaire parce que d’autres employés et personnes le traitaient de manière discriminatoire

[204]  Le fonctionnaire a laissé entendre que les agents correctionnels, et plus particulièrement le vice-président local de l’agent négociateur des agents correctionnels, faisaient preuve de discrimination à son égard, en particulier en raison de sa race et de son origine ethnique. Un exemple de cette discrimination est qu’il s’est vu refuser l’accès à des unités au sein de l’Établissement lui permettant de remplir ses obligations professionnelles en tant qu’éducateur en milieu correctionnel.

[205]  L’employeur a reconnu certaines difficultés pour accéder aux unités. Peut-être que dans le cas du fonctionnaire, de la discrimination était en cause. Cependant, encore une fois, le recours approprié aurait été qu’il dépose une plainte de harcèlement, un grief ou les deux. Il n’a rien fait de cela. Comme indiqué précédemment, la Commission et les arbitres de grief nommés en vertu de la Loi ont la compétence qui leur est conférée par le législateur. Le seul grief qu’il a déposé portait sur son congédiement. Par conséquent, je n’ai aucune compétence pour trancher cette question.

5.  Le SCC devrait payer des dommages au fonctionnaire parce que sa voiture a été endommagée dans son aire de stationnement

[206]  Le fonctionnaire a allégué que sa voiture a été endommagée dans l’aire de stationnement du SCC par d’autres employés du SCC. À part son témoignage à ce sujet, rien ne prouve que les dommages aient été causés dans l’aire de stationnement du SCC et que d’autres employés du SCC les ont faits. Il ne s’agit que d’une conjecture de sa part.  

[207]  S’il s’agissait d’un présumé harcèlement, le fonctionnaire aurait alors dû déposer une plainte de harcèlement, un grief ou les deux. Encore une fois, comme il n’a rien fait de cela, je n’ai pas compétence pour traiter cette question.

6.  Le SCC devrait payer au fonctionnaire des dommages parce qu’il était obligé de rester au travail après l’apparition d’une éruption cutanée ou d’urticaire

[208]  Le fonctionnaire a allégué qu’on lui a dit qu’il ne pouvait pas quitter son travail en raison d’une éruption cutanée ou d’urticaire. J’ai de la difficulté à accepter cela. S’il avait vraiment été trop malade pour travailler, il aurait dû en informer sa superviseure et rentrer chez lui. Il a déclaré que Mme Leslie lui avait dit qu’il ne pouvait pas rentrer chez lui alors qu’elle a indiqué que, s’il lui avait dit qu’il était malade, elle lui aurait dit de rentrer chez lui.

[209]  L’utilisation des congés de maladie est une question qui relève de la convention collective n° 1 et le fonctionnaire aurait pu déposer un grief lorsque cela s’est produit. Comme il ne l’a pas fait, je n’ai pas compétence pour traiter cette question.

7.  Le SCC devrait payer des dommages au fonctionnaire parce qu’il avait fait preuve de discrimination à son égard en ne lui attribuant pas le poste de gestion de CORCAN

[210]  Le fonctionnaire a allégué que dans les six semaines suivant son arrivée au SCC, au début de septembre 2011, il s’était vu proposer un poste de gestionnaire avec CORCAN et l’avait accepté. Bizarrement, il n’y a aucune preuve de cela autre que son témoignage, qui au mieux était sommaire.

[211]  Lorsqu’un poste est doté selon le processus annoncé dans la fonction publique fédérale, une affiche indiquant le poste et les détails tels que le lieu de travail, la durée, les exigences linguistiques et le salaire, ainsi qu’un énoncé des critères de mérite établissant les qualifications requises est créée. Le processus exige généralement que les candidats postulent et prouvent dans leur demande qu’ils possèdent les qualifications requises. Il y a généralement une date limite pour postuler. Après la date de clôture, il pourrait également y avoir des entrevues et des vérifications des antécédents avant qu’une offre écrite formelle ne soit faite, laquelle devrait être acceptée par le candidat retenu. Une fois qu’une personne est sélectionnée aux fins de nomination, des notifications de candidatures retenues et de nomination ou de nomination proposée sont publiées. Ces notifications sont émises même si le processus de nomination n’est pas annoncé.

[212]  Rien n’indique que cela se soit produit, ni même que le fonctionnaire ait présenté une demande.

[213]  Parmi les rares preuves produites figuraient deux courriels datés des 2 et 5 mars 2012, soit peu après le retour du fonctionnaire au travail après son congé de maladie prolongé. Le premier consiste en un courriel adressé à l’ensemble du personnel de l’Établissement au sujet d’une nomination intérimaire à titre de gestionnaire des opérations de CORCAN, accompagné d’un document. La pièce jointe n’a pas été produite à l’audience. Le second est un courriel dans lequel le fonctionnaire a transmis le courriel du 2 mars à son adresse courriel personnelle, avec une note à son intention indiquant qu’il devait présenter une demande à Mme Moorehead. Il n’y a aucun autre document. Il n’existe aucune preuve concernant la durée de la nomination, à l’exception de celle de Mme Leslie. Selon elle, la durée était de deux semaines.

[214]  Les recours en matière de dotation sont traités en vertu de la LEFP. À l’heure actuelle, les plaintes relatives à la dotation sont soumises à la Commission. Cependant, en 2011 et 2012, elles étaient présentées au TDFP. Hormis le témoignage du fonctionnaire selon lequel on lui a offert ce poste pour se faire dire ensuite qu’il ne pouvait pas l’avoir, il n’existe absolument aucune preuve qu’il y avait même un poste à combler, pour quelque motif que ce soit, ou qu’il a postulé et qu’on le lui a offert. Les seuls documents qu’il a produits datent de mars 2012, bien après la période où, selon lui, le processus de nomination interrompu a eu lieu.

[215]  Si le fonctionnaire avait posé sa candidature à un emploi avec CORCAN et que quelque chose s’était produit, comme il le suggère, son recours aurait été de déposer une plainte selon le processus établi dans la LEFP. Rien ne prouve qu’il ait déposé une telle plainte. Bien que le dépôt d’un grief ne soit pas le recours approprié en ce qui concerne une question de dotation, rien ne prouve non plus qu’il ait déposé un grief. Par conséquent, je n’ai aucune compétence pour trancher cette question.

1.  Dommages au lieu de la réintégration

[216]  La preuve a révélé que le fonctionnaire a été congédié de son poste au sein du SCC de façon inappropriée le 18 septembre 2012. Il ressort clairement de ses commentaires au cours de la reprise de l’audience en juillet et août 2018 et de ses arguments écrits qu’il ne souhaite pas être réintégré dans son poste d’enseignant classé au groupe et au niveau ED-EST-01 à l’Établissement; et qu’il ne souhaite pas non plus vivre à Edmonton. De même, l’employeur a indiqué qu’il préférerait qu’il ne retourne pas à son emploi. Je suis prêt à accepter ces souhaits et je ne ferai pas en sorte que le fonctionnaire soit réintégré. Il me reste donc à déterminer les dommages, le cas échéant, au lieu de la réintégration, qui découlent du caractère inapproprié de la cessation de son emploi (voir Lâm; Bahniuk).

[217]  D’après les éléments de preuve dont je dispose, le fonctionnaire était un demandeur d’emploi prolifique. Il semblait postuler constamment pour des emplois, même quand il venait juste d’obtenir un emploi et d’en commencer un. D’après les informations dont je dispose, je ne doute pas qu’il a activement cherché du travail après la cessation de son emploi au SCC. De plus, selon la preuve dont je dispose, il semblerait qu’il n’ait pas trouvé d’emploi avant d’être embauché par la Première nation de Fond du Lac et d’avoir commencé à travailler avec celle-ci le 26 août 2013.

[218]  La preuve a révélé que le fonctionnaire était à Fond du Lac du 26 août au 1er novembre 2013 et qu’il avait gagné 19 893,72 $ au cours de cette période. Le 26 août était un lundi et le 1er novembre, un vendredi. Il n’est pas possible de déterminer avec certitude s’il a commencé à travailler le 26 août. Cependant, si c’est le cas, il aurait passé 10 semaines au sein de la Première nation de Fond du Lac.

[219]  En utilisant ces données et en les extrapolant sur un an, le fonctionnaire aurait gagné 103 447,24 $. S’il n’a pas travaillé pendant la première semaine de son séjour à la Première nation de Fond du Lac, mais a travaillé seulement 9 semaines, une extrapolation sur une année complète porterait son salaire à 114 941,32 $. Si je me trompe en supposant qu’il a été payé pour une période complète de 52 semaines, si je réduisais les montants de 20 % (pour refléter une année scolaire de 10 mois), l’échelle de traitement fondée sur la preuve dont je dispose aurait été comprise entre 82 757,79 $ et 91 953,06 $. En outre, il a indiqué dans son témoignage qu’il avait reçu à titre de logement une maison de deux chambres à coucher.

[220]  Si le fonctionnaire était resté dans son poste d’éducateur correctionnel, en septembre 2013, son salaire aurait été de 78 002,40 $ par an. En supposant qu’il réponde aux critères établis pour l’année entière pour l’Indemnité de facteur pénologique, son revenu annuel brut au SCC aurait été de 80 002,40 $.

[221]  Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait volontairement quitté la Première nation de Fond du Lac après avoir été activement recruté par le chef de la Première nation des Dénés de Hatchet Lake. Selon son témoignage, le chef est arrivé par avion pour lui offrir un contrat de directeur des finances de cette Première nation.

[222]  Il est clair que, en obtenant son poste auprès de la Première nation de Fond du Lac, compte tenu de la preuve, le fonctionnaire a indiqué qu’il gagnait beaucoup plus par année, soit 103 447,24 $ (ou 82 757,79 $), soit 114 941,32 $ (ou 91 953,06 $), par rapport aux 80 002,40 $ qu’il aurait gagnés avec le SCC. De plus, son emploi au sein de la Première nation de Fond du Lac comprenait également l’avantage de disposer d’un logement, ce qu’il n’avait pas reçu du SCC et qu’il payait quand il vivait à Edmonton.

[223]  Par conséquent, le fonctionnaire avait pleinement atténué ses dommages lorsqu’il a obtenu le poste auprès de la Première nation de Fond du Lac. Il a ensuite volontairement quitté cet emploi pour un autre avec la Première nation des Dénés de Hatchet Lake.

[224]  Les antécédents professionnels du fonctionnaire, avant et après son emploi au SCC, révélaient une tendance à obtenir différents emplois dans lesquels il restait pendant une période relativement courte et qu’il quittait volontairement ou dont il était congédié. Sa situation professionnelle après le SCC a été marquée par une tendance frappante à postuler et à se voir proposer des emplois en enseignement dans tout le pays, pour ensuite les quitter parce qu’il estimait qu’il n’avait pas de contrat. D’après le peu d’informations qu’il a fournies, il semble qu’il s’agissait d’emplois bien rémunérés, qu’il quittait de façon soudaine la plupart du temps. Bien que cela n’ait pas été le cas pour tous les emplois, cela s’est produit au moins quatre fois. Au moins trois fois, sur une période de presque deux ans, il s’est engagé dans des entreprises qui ne lui rapportaient rien. Cependant, il a pris part à ces actions après avoir quitté volontairement son emploi au sein de la Première nation de Fond du Lac, où son revenu était supérieur à ce qu’il aurait gagné si son emploi avec l’employeur avait été maintenu. À mon avis, en quittant cet emploi, le fonctionnaire a agi de manière déraisonnable et n’a pas raisonnablement évité une perte de revenu future (voir Michaels c. Red Deer College, 1976, 2 RCS 324, à la page 331). Ainsi, toute responsabilité pour dommages ou pertes liés au revenu a cessé à compter du jour où il est arrivé à son emploi à la Première nation de Fond du Lac, le vendredi 24 août 2013.

[225]  Compte tenu des circonstances uniques dans lesquelles le fonctionnaire s’est trouvé, j’estime que la réparation appropriée à lui accorder est des dommages tenant lieu de réintégration, calculés à partir de la date à laquelle il a reçu le dernier traitement du CT jusqu’au dernier jour précédant le début de son emploi au sein de la Première nation de Fond du Lac.

[226]  Il n’est pas rare devant la Commission, dans les cas de cessation d’emploi où un grief contre une cessation d’emploi a été accueilli et où le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas réussi à obtenir un emploi après la cessation d’emploi, que l’arbitre de grief, en plus de réintégrer le fonctionnaire s’estimant lésé dans son poste précédent auprès de l’employeur, lui accorde des dommages égaux à la valeur du salaire et des avantages perdus, y compris l’ajustement des prestations de retraite qui auraient été gagnées et payées, ainsi que les congés.

[227]  Ces dommages seraient fondés sur le salaire ou d’autres avantages pécuniaires auxquels le fonctionnaire aurait droit en vertu de la convention collective en vigueur à la date pertinente, comme indiqué dans la section suivante de la présente décision.

2.  Calcul des dommages

[228]  Les éléments de preuve ont révélé qu’à son licenciement (le 18 septembre 2012), le fonctionnaire avait reçu 30 jours de salaire à titre d’indemnité de préavis. Comme il travaillait une semaine de travail normale de 37,5 heures, du lundi au vendredi, les 30 jours de salaire à titre d’indemnité de préavis couvraient la période se terminant le 31 octobre 2012. Par conséquent, la période de perte du fonctionnaire serait du jeudi 1er novembre 2012 au vendredi 23 août 2013. Cela équivaut à 42 semaines et 2 jours.

[229]  Selon la convention collective no 1, le traitement annuel du fonctionnaire au moment de la cessation de son emploi était de 73 429,20 $. S’il n’avait pas été licencié de manière injustifiée, il aurait bénéficié d’une augmentation de salaire à la date d’anniversaire de son emploi, soit le 9 août 2013, ce qui aurait porté son salaire annuel à 78 002,40 $. Par conséquent, il a droit à une perte de salaire pour la période du 1er novembre 2012 au 8 août 2013, calculée selon son traitement annuel de 73 429,20 $, et pour la période du 9 août 2013 au 26 août 2013, selon son traitement annuel de 78 002,40 $. La perte de salaire totale pour la période allant du 1er novembre 2012 au 26 août 2013 est la suivante :

Du 1er novembre 2012 au 8 août 2013

56 766,42 $

Du 9 août 2013 au 26 août 2013

3 300,11 $

Total

60 066,53 $

[230]  Selon les conventions collectives et la lettre d’offre du fonctionnaire, il avait également le droit de recevoir une indemnité de facteur pénologique ne dépassant pas la somme de 2 000 $ par an pour tout mois au cours duquel il avait été rémunéré pendant au moins 10 jours. Les 42 semaines et 2 jours se décomposent en 10 mois. Par conséquent, il a droit au montant de 1 666,66 $. La perte totale en salaire et en indemnité de facteur pénologique est de 61 733,19 $.

[231]  Les éléments de preuve ont révélé qu’en 2012 et 2013, le fonctionnaire avait touché des prestations d’assurance-emploi, à savoir 3 880 $ en 2012 et 14 162 $ en 2013, pour un total de 18 042 $. Les AC du fonctionnaire pour 2012 et 2013 indiquent qu’il s’agissait de montants bruts. Conformément au paragraphe 46(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (L.C. 1996, ch. 23), l’employeur sera tenu de retenir ces prestations et de les remettre à Service Canada.

[232]  Ainsi, le fonctionnaire recevra la somme de 61 733,19 $ moins le trop-payé de prestations d’AE reçues en 2012 et 2013, ainsi que les déductions normales et autres (tous les impôts, les retenues d’AE et les cotisations syndicales qui auraient normalement été retenues et versées à son agent négociateur).

[233]  Bien que cela ne soit pas tout à fait clair, il semble que le fonctionnaire ait encaissé la valeur versée à sa pension de la fonction publique. Toutefois, compte tenu de mes conclusions et de ma décision, il aurait été bénéfique pour lui de cotiser à cette pension et son employeur aurait versé sa contribution. Par conséquent, j’ordonne au défendeur de verser au fonctionnaire la somme qui aurait autrement été versée dans sa pension et qu’il pourrait encaisser, ce montant correspondant à ce que l’employeur n’aurait dû payer que pour la période de 42 semaines et de 2 jours au taux qui aurait été applicable entre le 1er novembre 2012 et le 23 août 2013.

[234]  Si le fonctionnaire avait été réintégré dans ses fonctions, il aurait également été crédité de congés de maladie et de congés annuels, et aurait eu droit à une journée personnelle qu’il aurait pu prendre au cours de cette période, ce qui lui aurait valu le droit de prendre congé sans perte de salaire. Cependant, comme il ne travaillait pas réellement et que le montant total de sa rémunération n’aurait pas été supérieur, aucune valeur n’est accordée à la perte de congé. Par conséquent, je n’accorde aucune somme pour une perte de congé.

[235]  Le fonctionnaire a le droit de percevoir des intérêts sur le montant net de cette indemnité, après les déductions prévues par la loi et les cotisations syndicales, au taux (ou aux taux) d’intérêt conformément aux lois de la Colombie-Britannique, comme le prévoit le paragraphe 36(1) de la Loi sur les Cours fédérales (L.R.C. (1985), ch. F-7), en date du 26 août 2013.

3.  Autres dommages réclamés par le fonctionnaire qui découleraient de la cessation de l’emploi

a.  Dépens

[236]  Il est bien établi que la Commission et un arbitre de grief nommé pour entendre des affaires en vertu de la Loi n’ont pas le pouvoir d’attribuer les dépens (voir Mowat, Tipple et Grant). Comme cela a été établi par la Cour suprême du Canada dans Mowat :

[L]e terme « dépens » possède un sens bien défini qui diffère de celui d’indemnité ou de dépenses.

[…]

« [U]n mot ou une expression qui, du fait de son emploi par les professionnels du droit, a acquis un sens juridique distinct » […] Les « dépens » s’entendent habituellement d’une indemnité accordée pour les frais de justice engagés et les services juridiques retenus dans le cadre d’une instance.

[240]  Par conséquent, je ne peux pas ordonner le paiement des dépens réclamés par le fonctionnaire.

b.  Difficultés financières : divorce et échec du mariage

[241]  Le fonctionnaire a soutenu que les difficultés financières entraînent 90 % des divorces et que son licenciement par le SCC a contribué à l’échec de son mariage. En dehors de cette affirmation, aucun élément de preuve n’existe à cet égard. Selon la preuve, lui-même et son épouse possèdent la propriété de Surrey, alors qu’il semble avoir passé une grande partie de son temps à l’extérieur avant et après leur séparation.

[242]  Selon l’instance civile, le fonctionnaire et son épouse ont commencé à vivre séparément le 11 janvier 2014. C’était 18 mois après la perte de son emploi d’enseignant en milieu correctionnel et après être déménagé de Surrey à Fond du Lac en août 2013 puis à Wollaston Lake. Selon son témoignage, à compter d’août 2009, jusqu’à ce que le défendeur le licencie en septembre 2012, il a eu des emplois à temps plein à l’extérieur de la région métropolitaine de Vancouver, y compris à Surrey, comme suit :

·  d’août 2009 à juillet 2010, à Wujiang, en Chine;

·  d’août 2010 à avril (ou mai) 2011, à Valleyview, en Alberta;

·  d’août 2011 à septembre 2012, à Edmonton.

[243]  Le fonctionnaire n’a présenté aucune preuve sur la façon dont la perte du poste d’enseignant en milieu correctionnel après un peu plus d’un an a été différente de la perte d’emplois en Chine ou à Valleyview, qui ont aussi duré de 9 et 12 mois. Il semble aussi qu’il ait été à Surrey pendant un certain temps après avoir perdu son emploi au SCC avant d’aller enseigner dans le nord de la Saskatchewan.

[244]  En effet, la preuve fournie par le fonctionnaire, y compris ses CV, la liste des emplois après le licenciement ainsi que ses DR, AC et T4, indiquent clairement que pour une raison quelconque, il a eu de la difficulté à conserver un emploi pendant plus d’un an.

[245]  Comme aucun élément de preuve n’appuie la prétention du fonctionnaire selon laquelle la perte du poste d’enseignant en milieu correctionnel a eu un lien avec l’échec de son mariage, cette prétention est rejetée.

c.  Frais pour les occasions manquées pour perte de temps : valeur

[246]  Bien que le fonctionnaire ait produit des documents d’impôt sur le revenu sous forme de DR, d’AC et de T4, il n’a fourni aucun élément de preuve de sa situation financière, à l’exception de certains renseignements sur le revenu de location qu’il a obtenu des propriétés de Surrey et d’Edmonton.

[247]   Sous cet intitulé des dommages, le fonctionnaire renvoie dans son document des réparations demandées au double du prix des maisons à Surrey. Sa déclaration était vague et elle ne contenait aucun autre renseignement ou détail. À partir de la très faible quantité de renseignements qu’il a fournis, la propriété de Surrey a été vendue en conséquence de l’échec du mariage. Lorsque la propriété a été vendue à l’été 2014, il y avait presque deux ans que le fonctionnaire avait été licencié de son emploi au SCC.

[248]  La preuve a révélé qu’au moment de la vente de la propriété du Surrey, le fonctionnaire a reçu un paiement important qui, selon lui, lui a permis d’acheter la propriété de Port Alberni sans hypothèque.

[249]  Le fonctionnaire a aussi fait référence au fait qu’il a consacré beaucoup de temps et d’argent, avec son épouse, au cours des années pour se rendre en Inde et en Grèce en ce qui concerne des procédures in vitro pour tenter de concevoir un enfant. Un voyage a eu lieu au cours de l’été 2012, alors qu’il travaillait toujours pour le SCC.

[250]  Étant donné la quantité limitée de renseignements que le fonctionnaire a fournis, il est difficile de comprendre exactement quelle perte, le cas échéant, il soutient avoir subie par la perte de possibilités et la valeur.

d.  Frais médicaux, dentaires et de médicaments divers

[251]  Parfois, pendant l’audience et après son achèvement ainsi qu’après la présentation des arguments, le fonctionnaire a formulé des commentaires sur les problèmes médicaux et dentaires et il a déclaré qu’il avait des problèmes qui devaient être réglés.

[252]  Le fonctionnaire est responsable de prendre soin de sa santé. Si des procédures, médicales ou dentaires, étaient requises, il lui revenait de les faire réaliser. S’il l’avait fait et si elles avaient été couvertes par une protection médicale ou dentaire offerte par l’employeur, elles auraient alors pu être réglées selon la preuve dont j’ai été saisi au moment de me pencher sur la réparation. Toutefois, il n’a fourni aucun détail ni facture.

[253]  De plus, du moins en ce qui concerne les témoignages du fonctionnaire, dans certains des postes qu’il a occupés après son licenciement par le SCC, il a bénéficié de protections supplémentaires médicales et dentaires. Tout cela n’était pas clair.

[254]  Comme le fonctionnaire a choisi de ne pas faire réaliser de procédures ou qu’il n’a pas présenté la preuve requise pour établir que le travail a été accompli et qu’il aurait par ailleurs été couvert par son Régime de soins de santé de la fonction publique, il n’y a pas dommages à accorder.

[255]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V.  Ordonnance

[256]  Le fonctionnaire ne sera pas réintégré dans son poste ED-EST-01 d’enseignant en milieu correctionnel ou dans un autre poste auprès de l’employeur.

[257]  Le fonctionnaire recevra la somme de 61 733,19 $, moins la somme équivalant au paiement en trop de prestations d’AE, qui sera versée par l’employeur à Service Canada, et moins toute déduction légale habituelle (y compris l’impôt et l’AE) ainsi que les cotisations syndicales, qui auraient toutes par ailleurs été déduites de sa rémunération lorsqu’il l’aurait reçue.

[258]  Le fonctionnaire recevra des intérêts sur le montant net après les déductions susmentionnées dans la présente décision et au taux d’intérêt approprié conformément aux lois de la Colombie-Britannique, en vertu du paragraphe 36(1) de la Loi sur les Cours fédérales, les intérêts avant jugement devant être calculés du 26 août 2013 jusqu’à la date de la présente décision et les intérêts après jugement par la suite.

[259]  Les pièces G-12, G-15, E-8 et E-12 seront mises sous scellés.

Le 11 octobre 2019.

Traduction de la CRTESPF

John G. Jaworski,

Une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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