Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a contesté la décision de l’employeur de recouvrer les crédits de congé annuel qu’il lui avait accordé en trop – elle a pris des vacances en 2010 et l’employeur a omis de les consigner et, par conséquent, on lui a crédité une année entière de crédits de congé annuel supplémentaire – n’ayant pas connaissance de son erreur, l’employeur a continué d’approuver les demandes de congé de la fonctionnaire s’estimant lésée en se fondant sur le solde de crédits annuels reporté de l’année précédente – la fonctionnaire s’estimant lésée a pris la totalité des congés annuels auxquels elle avait droit au début de l’exercice 2010‑2011, mais les 252 heures sont demeurées dans son solde de crédits de congé – l’employeur a tenté de recouvrer les heures de congé en trop – l’employeur et les employés ont une responsabilité partagée en matière de gestion des congés – il incombe principalement à l’employeur de tenir et de vérifier correctement les dossiers des employés – la fonctionnaire s’estimant lésée ne s’est pas fiée à son employeur à son détriment – elle aurait dû savoir qu’il existait une erreur importante, et elle aurait dû vérifier le solde de ses crédits de congé.

Grief rejeté.

Contenu de la décision

Date : 20191129

Dossier : 566‑02‑12219

 

Référence : 2019 CRTESPF 114

Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la Commission des relations de  travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

entre

 

Lisa Laybolt

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(ministère des Pêches et des Océans)

 

employeur

Répertorié

Laybolt c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant :  Nancy Rosenberg, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée :  Douglas Hill, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l’employeur :  Kieran Dyer, avocat

Décision rendue sur la base d’arguments écrits

déposés le 10 juillet et le 12 août 2019.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION  (Traduction de la CRTESPF)

I.  Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1]  Lisa Laybolt, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), est une employée de la Garde côtière canadienne, flotte de l’Atlantique, ministère des Pêches et des Océans (l’« employeur »). Au moment de ces événements, elle occupait un poste pour une durée indéterminée en tant que magasinière, à St. John’s, à Terre‑Neuve.

[2]  Lorsque la fonctionnaire a pris ses vacances en 2010, l’employeur a omis de les consigner. Par conséquent, on lui a crédité par erreur  une année entière de crédits de congé annuel supplémentaires, auxquels elle n’avait pas droit. Comme l’employeur n’avait pas connaissance de son erreur, il a continué d’approuver les demandes subséquentes de congé annuel de la fonctionnaire, en se fondant sur le solde de crédits annuels reporté de l’année précédente. Après avoir découvert son erreur, en 2013, l’employeur a tenté de recouvrer les heures de congé en trop qui avaient été prises.

[3]  La fonctionnaire conteste la décision de l’employeur de recouvrer les congés en trop. Elle soutient qu’elle s’était fondée de bonne foi sur l’approbation de l’employeur de ses demandes de congé et que le recouvrement à la suite d’un délai de trois ans était déraisonnable.

[4]  Je conclus que, dans les circonstances en l’espèce, il n’était pas déraisonnable pour l’employeur de recouvrer le congé supplémentaire. En conséquence, j’ai rejeté le grief.

II.  Contexte

[5]  L’employeur utilise le système MariTime pour consigner les soldes et les demandes de congé des employés de flotte. Les demandes de congé sont présentées à l’aide de feuille de contrôle des présences. Chaque employé a un registre personnel comprenant des feuilles de contrôle des présences numérotées. Chaque feuille compte trois feuilles autocopiantes afin de conserver des copies des demandes présentées.

[6]  La fonctionnaire a reporté trois heures de vacances à l’exercice 2010‑2011. Le 17 mars 2017, elle a présenté une demande de congé pour la période du 15 avril 2010 au 6 mai 2010, ce qui équivalait à un total de 252 heures de congé (le nombre total des heures de congé auquel elle avait droit au cours de l’exercice 2010‑2011). Le 18 mars 2010, l’employeur a approuvé la demande et le 1er avril 2010, 252 heures ont été portées au crédit de congé de la fonctionnaire. Elle a pris le congé prévu du 15 avril au 6 mai 2010.

[7]  En 2013, une vérification nécessaire à des fins administratives routinières a révélé une erreur dans le dossier de congé de la fonctionnaire, soit que son congé du 15 avril 2010 au 6 mai 2010 n’avait jamais été saisi dans le système MariTime. En conséquence, son solde de congé comptait 252 heures en trop. Les jours de relâche ne sont pas accumulés pendant un congé. Toutefois, puisque le congé de la fonctionnaire n’avait pas été consigné, on lui a crédité automatiquement 21 jours de relâche pour cette période.

[8]  À l’automne 2013, Darryl Landry, surintendant adjoint de la flotte, a rencontré la fonctionnaire et son représentant syndical pour l’informer des résultats de la vérification. L’employeur l’a informé qu’une erreur avait été commise et qu’il fallait recouvrer le congé en trop utilisé. Il lui a donné des copies des renseignements sur les congés et lui a demandé de les examiner par rapport à ses dossiers de congés et de l’informer de tout écart.

[9]  Le 23 avril 2014, M. Landry, Shannon Pittman (qui assumait le poste de surintendante adjointe de la flotte) et Noreen Madore (la commis du système MariTime) ont rencontré la fonctionnaire et son représentant syndical. M. Landry a examiné le cas de surutilisation des congés. La fonctionnaire a indiqué qu’elle avait examiné les renseignements qui lui avaient été fournis et a confirmé que tous les congés avaient été pris conformément à ce qui était indiqué dans les feuilles de temps et à l’approbation de la direction.

[10]  Une vérification finale effectuée en juillet 2014 a permis de conclure que la surutilisation des congés s’élevait à 19,964 jours de relâche et à 221,381 heures de congé comme suit : 10,381 heures en 2010‑2011, 198 heures en 2011‑2012 et 13 heures en 2012‑2013. L’employeur avait approuvé chacune de ces demandes de congés.

[11]  Le 23 février 2015, la fonctionnaire a déposé un grief qui a été rejeté au premier palier le 2 avril 2015. Le 16 juin 2015, le grief a été accueilli en partie au deuxième palier, lorsque l’employeur a convenu que la surutilisation des jours de relâche ne serait pas recouvrée. Le 6 janvier 2016, l’employeur et la fonctionnaire ont convenu du plan de recouvrement suivant : 1,381 heure de congé serait recouvrée immédiatement et 55 heures supplémentaires seraient recouvrées au cours de chacun des quatre exercices suivants, à compter de 2016‑2017.

[12]  Le 22 janvier 2016, le grief a été rejeté au dernier palier et le 1er mars 2016, il a été renvoyé à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (« CRTEPF »), maintenant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »).

III.  Question en litige

[13]  La Commission doit déterminer si la décision de l’employeur de recouvrer les 252 heures supplémentaires de crédits de congé annuel était raisonnable.

IV.   Argument du syndicat

[14]  Le syndicat invoque trois décisions de 2009 aux fins d’examen. Ces décisions ont été rendues par l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (« CRTFP ») et elles concernaient toutes le recouvrement de congés annuels. Il s’agit de Lachapelle c. Canada (Agence du revenu), 2009 CRTFP 173, qui concernait le recouvrement après une période de 15 ans, Lafrance‑Legault c. Canada (Agence du revenu), 2009 CRTFP 162, qui concernait le recouvrement après une période de 14 ans, et Turgeon c. Canada (Agence du revenu), 2009 CRTFP 172, qui concernait le recouvrement après une période de trois ans.

[15]  Le syndicat fait remarquer que dans ces trois décisions, l’arbitre de grief a conclu que l’employeur était en mesure de vérifier les crédits chaque fois qu’un congé était approuvé. Par conséquent, ses erreurs administratives ne le libéraient pas de son devoir de diligence de gérer les dossiers des employés. Même dans Turgeon, dans laquelle la période de recouvrement ne remontait qu’à trois ans, l’arbitre de grief a conclu que le délai de trois ans était déraisonnable parce que l’employeur avait induit la fonctionnaire s’estimant lésée en erreur quant au solde de ses crédits de congé.

[16]  L’arbitre de grief a également conclu que la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. 1985, ch. F‑11) conférait à la direction un pouvoir discrétionnaire pour recouvrer les trop‑payé et qu’en vertu de la convention collective, l’employeur pouvait accorder un congé payé pour d’autres raisons. En conséquence, l’arbitre de grief a conclu que l’employeur, dans ces affaires, n’était pas tenu de recouvrer les trop‑payés et disposait d’un pouvoir discrétionnaire et d’une procédure lui permettant de s’abstenir de le faire.

[17]  Le syndicat soutient que le même raisonnement devrait s’appliquer en l’espèce. L’erreur administrative commise par l’employeur de ne pas saisir le congé de la fonctionnaire dans le système MariTime a donné lieu à cette situation. De plus, comme dans les affaires citées, l’employeur était en mesure de vérifier le solde des crédits de congé chaque fois qu’une demande était présentée. Toutefois, il a approuvé toutes les demandes subséquentes de la fonctionnaire. Le syndicat fait valoir que l’erreur administrative de l’employeur ne le libérait pas de son devoir de diligence et qu’il était déraisonnable et injuste de reprendre le congé annuel après une période de trois ans.

V.  Argumentation de l’employeur

[18]  L’employeur soutient que l’argument du syndicat repose entièrement sur les trois décisions citées, notamment Turgeon, Lafrance‑Legault et Lachapelle. Toutes les trois faisaient partie d’un groupe de 12 griefs tranchés par le même arbitre de grief par voie d’arbitrage accéléré. Une note introductive à chacune de ces décisions énonce qu’elle « ne peut constituer un précédent ». En conséquence, l’employeur fait valoir que la Commission ne devrait pas s’y fier et il invoque Burgess c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2017 CRTESPF 20.

[19]  En plus de ne pas avoir de valeur jurisprudentielle, l’employeur indique également que ces décisions sont distinctes. Dans Lafrance‑Legault et Lachapelle, le délai était beaucoup plus long que le délai en l’espèce et la durée a été un facteur important à la décision. Les délais de 14 et de 15 ans, respectivement, ont été jugés déraisonnables puisque ces longues périodes ont empêché les fonctionnaires s’estimant lésés de contester les réclamations contre eux. L’employeur souligne que, contrairement aux décisions citées par le syndicat, la fonctionnaire en l’espèce avait une feuille de contrôle des présences et avait eu l’occasion de comparer sa feuille à celle de l’employeur lorsque l’erreur a été constatée.

[20]  L’employeur conteste également l’affirmation du syndicat selon laquelle l’arbitre de grief a conclu que le délai de trois ans dans Turgeon était déraisonnable parce que l’employeur avait induit la fonctionnaire s’estimant lésée en erreur quant au solde de ses crédits de congé. L’employeur déclare que l’arbitre de grief dans Turgeon a indiqué ce qui suit au sujet du retard de trois ans : « […] le délai [n’est] pas aussi excessif que dans les autres griefs qui ont été traités dans le cadre de cette procédure accélérée […] ». L’employeur soutient que, dans Turgeon, ce n’était pas le délai, mais plutôt les difficultés financières subies par la fonctionnaire s’estimant lésée et causées par le recouvrement de l’employeur qui ont été jugées déraisonnables.

[21]  L’employeur indique également que l’employeur dans Paquet c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (Bureau de la traduction)), 2016 CRTEFP 30, a été autorisé à recouvrer un congé qui avait été découvert à la suite d’une période de neuf ans (même si, en raison d’un délai de prescription, seuls les congés des six dernières années ont été recouvrés), ce qui appuie davantage sa thèse selon laquelle le délai de trois ans en l’espèce n’était pas déraisonnable. De plus, l’employeur dans Paquet n’a informé la fonctionnaire s’estimant lésée que 10 mois après la découverte de l’erreur et a continué d’autoriser d’autres congés pendant cette période. L’employeur a été autorisé à recouvrer les congés qui avaient été autorisés avant que l’erreur ne soit découverte, mais pas les congés autorisés après cette découverte. En l’espèce, tous les congés ont été autorisés et pris avant que l’erreur ne soit révélée à l’automne 2013 et l’employeur a informé rapidement la fonctionnaire lorsque l’erreur a été constatée.

[22]  L’employeur fait valoir que les employés partagent avec lui la responsabilité de la gestion des congés et que conclure le contraire imposerait un fardeau déraisonnable à l’employeur. Cette conclusion permettrait aux employés qui sont ou qui devraient être au courant d’une surattribution de crédits de congé de profiter de toute erreur commise de bonne foi.

[23]  Dans Paquet, l’ancienne Commission a distingué Murchison c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement, 2010 CRTFP 93, dans laquelle la fonctionnaire s’estimant lésée a présenté une demande de renseignements précisément sur ses soldes de crédits de congé; l’employeur lui avait assuré que le solde était exact. L’ancienne Commission a fait remarquer que, contrairement à Murchison, la fonctionnaire s’estimant lésée (Mme Paquet), savait combien de crédits de congé annuel lui étaient accordés chaque année et n’avait jamais présenté une demande de renseignements précise ou été informée que son solde était exact.

[24]  L’employeur affirme que rien dans la preuve en l’espèce n’indique que la fonctionnaire avait été informée que son solde de crédits de congé gonflé était exact. Elle avait une copie de sa feuille de contrôle des présences. En conséquence, comme dans Paquet, elle savait ou aurait dû connaître le solde approprié de ses crédits de congé et aurait dû informer l’employeur de l’erreur consignée dans le système MariTime. Elle ne devrait pas profiter d’une erreur qu’elle aurait dû connaître, mais qu’elle n’a pas portée à l’attention de l’employeur.

[25]  De même, dans Prichard c. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la CRTFP 166-02-14277 (19840724),[1984] C.R.T.F.P.C no 121 (QL), le fonctionnaire s'est vu créditer par accident 225,5 jours de congé de maladie alors qu'il ne pouvait en bénéficier que de 15 par année financière. L'ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) a conclu qu'il aurait dû se rendre compte qu'il avait été surcrédité.

[26]  Enfin, dans Veilleux c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 152, la CRTFP a examiné le cas de plusieurs employés qui avaient été surpayés pour des congés entre 2002 et 2006. Le retard dans la découverte de l’erreur découlait du fait qu’un des représentants de l’employeur était en retard relativement à son horaire de travail. La CRTFP a conclu que même si l’employeur n’avait pas fait preuve de diligence dans le calcul des heures de congé, les fonctionnaires s’estimant lésés ne s’étaient pas non plus acquittés de leur responsabilité d’informer la direction du trop‑payé.

VI.  Motifs de décision

A.  Valeur jurisprudentielle des décisions tranchées selon la méthode d’arbitrage accéléré

[27]  L’employeur s’oppose aux trois décisions invoquées par le syndicat, en citant Burgess à cet égard. Je suis d’accord que la jurisprudence invoquée par le syndicat n’a aucune valeur jurisprudentielle. La note suivante a été inscrite clairement à chacune de ces décisions :

[…]

Note : Les parties ont convenu de traiter le grief selon une méthode d’arbitrage accéléré. Cette décision finale et exécutoire ne peut constituer un précédent ni être renvoyée pour contrôle judiciaire à la Cour fédérale.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

[28]  Dans Burgess, on a demandé à la Commission d’examiner une décision rendue après une audience accélérée et de formuler des commentaires, comme suit :

[…]

19 […] D’autre part, et plus important encore, il s’agit d’une décision qui a été rendue dans le cadre d’une audience accélérée. Une note a été ajoutée à la page couverture de Boudreau, précisant ce qui suit :

Note : Les parties ont convenu de traiter le grief selon une méthode d’arbitrage accéléré. Cette décision finale et exécutoire ne peut constituer un précédent ni être renvoyée pour contrôle judiciaire à la Cour fédérale.

20 Cette décision a‑t‑elle donc force de précédent?

21 Après avoir pris cette note en considération et avoir examiné attentivement les dispositions pertinentes de la convention collective et les arguments des parties, je conclus que Boudreau ne peut constituer un précédent puisqu’il est le résultat d’une audience accélérée à laquelle les parties ont consenti de participer dans le but de favoriser un règlement rapide du différend. Il n’y a donc pas eu de débat contradictoire complet sur la question. Ainsi, je suis d’avis que le poids d’une telle décision ne peut l’emporter sur celui d’une décision qui est prononcée après un débat contradictoire complet.

22 De plus, je note qu’en ce qui concerne ses propres décisions, la CRTESPF n’est pas tenue de respecter le principe de stare decisis, qui signifie « s’en tenir à ce qui a été décidé », bien qu’elle s’efforce d’être aussi cohérente que possible, et qu’elle reconnaît que toute modification d’une conclusion formulée préalablement doit être solidement justifiée et faire l’objet d’un examen rigoureux.

23 Je décide donc de ne pas tenir compte de ladite décision.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

[29]  Je souscris aux commentaires de la Commission dans Burgess. Les trois affaires invoquées par le syndicat comportent une note identique énonçant que les parties ont convenu à une procédure accélérée. À mon avis, il est important de respecter cet accord et de ne pas leur accorder une valeur jurisprudentielle. Étant donné l’augmentation au cours des dernières décennies de la durée et de la complexité des audiences d’arbitrage de griefs et des délais d’attente qui en découlent, des modes substitutifs de règlement des différends comme l’arbitrage accéléré doivent être encouragés et utilisés, au besoin. Si une valeur jurisprudentielle était accordée à de telles décisions, malgré l’accord explicite des parties de ne pas le faire, elle pourrait avoir une incidence négative sur la volonté des parties de participer à de tels efforts. Par conséquent, je conclus que ces décisions n’ont aucune valeur jurisprudentielle.

B. Préclusion promissoire et responsabilité partagée

[30]  L’employeur fait valoir que la fonctionnaire ne peut pas invoquer la préclusion promissoire et une confiance préjudiciable à l’égard de l’approbation des congés par l’employeur, si elle savait ou aurait dû savoir que son solde de crédits de congé était gonflé. Selon l’employeur, les employés doivent partager la responsabilité de gérer les demandes de congé et de veiller à ce qu’ils disposent d’un nombre de crédits suffisant pour les couvrir.

[31]  Dans Veilleux et Paquet, cette conclusion était fondée sur le fait que les employés avaient accès à des dossiers à l’aide desquels ils auraient pu s’informer de leur solde de crédits de congé, mais qui ont plutôt pris des congés en trop.

[32]  Dans Murchison, la CRTFP a conclu que le recouvrement de l’employeur des crédits de congé en trop était déraisonnable, alors que la fonctionnaire s’estimant lésée avait remis en question, à maintes reprises, le solde de ses crédits de congé et avait été assurée par l’employeur qu’il était exact :

[69] Puisque rien dans la loi ni dans la convention collective ne porte sur cette question, les droits généraux de la direction prévalent, et ces droits donnent à l’employeur une grande latitude pour corriger ses erreurs. Il reste que son pouvoir discrétionnaire doit être exercé raisonnablement, et le recouvrement d’une dette résultant de la négligence de l’employeur qu’on a laissé s’accumuler pendant des années en dépit des demandes de la fonctionnaire pour qu’on détermine ses droits est un exercice déraisonnable de ce pouvoir. Dans le cas de la fonctionnaire, la créance désavantageuse est évidente du fait qu’elle a pris des congés auxquels elle était convaincue d’avoir droit.

 

[33]  Dans Prichard, la conclusion quant à la responsabilité de l’employé était fondée sur la nature flagrante de l’erreur. L’employé savait ou aurait certainement dû savoir qu’il prenait des congés de maladie auxquels il n’avait pas droit :

[…]

L’employé s’estimant lésé, M. Prichard, aurait dû se rendre compte qu’on avait commis une erreur en lui attribuant 225,5 jours de congé de maladie pour l’année 1977‑1978, car il savait bien qu’il n’avait droit qu’à 15 jours de congé de maladie par année financière. Il savait également que, au cours des ans, il avait pris quelques jours de congé de maladie. En outre, on l’avait informé chaque année du nombre des jours de congé de maladie inscrit à son crédit. En 1976‑1977, il avait à son crédit 22,5 jours de congé de maladie. Une hausse à 225,5 en un an était manifestement extraordinaire et difficilement compréhensible, surtout lorsqu’on sait n’avoir droit qu’à 15 jours de congé de maladie par année financière.

[…]

[34]  À mon avis, il est important de souligner que même s’il existe une certaine responsabilité partagée en matière de gestion des congés, il incombe principalement à l’employeur de tenir et de vérifier correctement les dossiers des employés. L’employeur a commis l’erreur initiale. Il était en mesure de vérifier les dossiers en tout temps et il a approuvé chacune des demandes de congé subséquentes présentées par la fonctionnaire au cours d’une période de trois ans. À mon avis, l’employeur ne s’est pas acquitté de son devoir de diligence envers la fonctionnaire à ces égards.

[35]  Cela dit, la fonctionnaire a pris la totalité des congés annuels auxquels elle avait droit au début de l’exercice 2010‑2011, mais les 252 heures sont demeurées dans son solde de crédits de congé. Il ne s’agit pas d’une erreur aussi flagrante que l’erreur « manifestement extraordinaire et difficilement compréhensible » décrite dans Prichard, mais il s’agissait d’un écart important. Contrairement à la fonctionnaire s’estimant lésée dans Murchison, il n’est pas clair que la fonctionnaire s’est fiée, à son détriment, aux approbations de congé subséquentes de l’employeur. Il est clair qu’elle n’a pas remis en question ni cherché à vérifier le solde de ses congés et elle n’a jamais été informée par son employeur que le solde était correct. À mon avis, les employés ne sont pas tenus de remettre en question chacune des erreurs qui peuvent figurer à leur dossier de congés. Toutefois, selon les faits en l’espèce, la fonctionnaire aurait dû savoir qu’il existait une erreur importante et prendre des mesures pour vérifier le solde de ses crédits de congé.

[36]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VII.  Ordonnance

[37]  Le grief est rejeté.

Le 29 novembre 2019.

Traduction de la CRTESPF

Nancy Rosenberg,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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