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Date : 20191206

Dossier : 566-02-11334

 

 Référence : 2019 CRTESPF 119

Loi sur la Commission des relations

de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral et Loi sur

les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi dans

le secteur public fédéral

ENTRE

 

Stella Yeo

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL

(ministère de l’Emploi et du Développement social)

 

défendeur

Répertorié

Yeo c. Administrateur général (ministère de l’Emploi et du Développement social)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant :  Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée :  Abudi Awaysheh, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour le défendeur :  Joel Stelpstra, avocat

Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique),

du 12 au 15 février et les 7 et 8 août 2019.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION  (TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1]  Stella Yeo, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), occupait le poste d’agente des services de paiement (ASP) au ministère de l’Emploi et du Développement social (l’« employeur »). Elle a allégué que son licenciement au motif de son rendement était extrêmement injuste et déraisonnable et qu’il s’agissait d’un acte de mauvaise foi de la part de l’employeur, étant donné qu’elle n’avait été autorisée à exercer qu’une partie des fonctions de son poste d’attache pendant une période de cinq ans (de 2008 à 2012) sans que l’employeur n’exprime aucune préoccupation. Ce n’est qu’en 2012 que l’employeur l’a informée qu’elle ne satisfaisait pas aux attentes en matière de rendement.

[2]  Entre la fin de 2013 et le printemps 2014, la fonctionnaire était tenue d’achever une série de quatre plans d’action sur le rendement (PAR) qui ont duré 14 semaines. À ce moment-là, on lui a indiqué que, si elle ne pouvait pas s’acquitter de toutes les fonctions de son poste, son emploi continu chez l’employeur était en danger. Lorsqu’elle n’était pas en mesure de satisfaire aux attentes de l’employeur, elle a été licenciée, ce qui, selon lui, était justifié, en raison de son rendement insatisfaisant.

[3]  La fonctionnaire a allégué que son licenciement constituait un acte de mauvaise foi de la part de l’employeur et qu’il s’agissait d’un subterfuge, car l’employeur cherchait à éliminer des postes pour atteindre ses objectifs de réduction des coûts pendant la période où le « Plan d’action pour la réduction du déficit » (PARD) était en vigueur.

II.  Résumé de la preuve

[4]  En général, la situation qui a donné lieu à la situation difficile de la fonctionnaire peut être décrite comme suit. Elle sera davantage examinée plus loin dans la présente décision.

[5]  L’employeur a embauché la fonctionnaire à titre d’ASP (poste classifié PM-01) dans son bureau de Burnaby (Colombie-Britannique), en octobre 2008. Le travail qu’elle devait accomplir exigeait qu’elle suive deux phases de formation et de suivi, au cours desquelles elle devait accomplir les tâches requises pour son niveau, à savoir le paiement des prestations d’assurance-emploi.

[6]  Elle a suivi la formation de niveau 1, phase 1 (N1P1) et en a terminé la partie du suivi en décembre 2008. Avec ce niveau, elle ne pouvait effectuer que le travail de N1P1. En mai 2009, elle a terminé avec succès la formation de niveau 1, phase 2 (N1P2), mais sans la partie du suivi. Par conséquent, elle a continué de n’effectuer que le travail de N1P1. En octobre 2009, elle a terminé avec succès sa période de stage probatoire.

[7]  Selon son témoignage, la fonctionnaire a continué d’effectuer le travail de N1P1 jusqu’en janvier 2011, sans aucune indication de l’employeur que son rendement n’était pas acceptable. En janvier 2011, elle a de nouveau été envoyée à la formation N1P2, qu’elle a de nouveau réussie. Cependant, une fois de plus, elle n’a pas terminé la partie de la surveillance. Par conséquent, encore une fois, on ne lui a attribué que du travail de N1P1, et encore une fois, selon elle, on ne lui a pas fait savoir que son travail était inacceptable.

[8]  En novembre 2011, la fonctionnaire a été transférée du bureau de l’employeur à Burnaby à son bureau de Vancouver (C.-B.), où, encore une fois, on ne lui a attribué qu’un travail de N1P1, qu’elle exécutait. Entre février et juin 2012, elle a été affectée en tant qu’agente des services aux citoyens (ASC), où elle travaillait directement avec le public, ce qui n’était pas particulièrement à son goût. En juillet 2012, elle est retournée à son poste d’attache de PM-01 et s’attendait à ce qu’elle soit autorisée à effectuer son travail de N1P1, comme elle l’avait fait depuis le début. Elle l’a fait jusqu’en septembre 2013. Selon la fonctionnaire, à ce moment-là, on l’a informée que l’employeur s’attendait maintenant à ce qu’elle exécute toutes les tâches de PM-01 et qu’elle devait de nouveau terminer la formation de N1P2.

[9]  Encore une fois, la fonctionnaire a terminé avec succès la partie cours, mais non la partie du suivi. On lui a autorisé de continuer à n’effectuer que le travail de N1P1 jusqu’à la fin de 2013, et à ce moment-là on lui a dit qu’elle devait être placée sur un PAR. Elle a passé par une série de trois chefs d’équipe qui ont évalué son rendement et elle a été placée sur une série de quatre PAR à exécuter à compter d’octobre 2013 pour remédier à ses lacunes en matière de rendement, période au cours de laquelle ses cotes de rendement ont augmenté. La seule chose qui était différente après chaque examen du PAR, c’est que l’employeur augmentait ses cotes de rendement.

[10]  Selon la fonctionnaire, bien qu’elle ait tout fait pour réussir, elle n’a pas pu satisfaire aux exigences de l’employeur. Elle n’a reçu aucune rétroaction sur ce qu’elle faisait de répréhensible, et ses lacunes n’ont pas été portées à son attention. Selon elle, personne ne lui a jamais expliqué les problèmes ni montré comment rectifier ses erreurs d’une manière qu’elle pouvait comprendre. De même, selon elle, elle a demandé plus de formation et de surveillance ainsi que l’occasion d’être jumelée à un collègue. Chacune de ces demandes a été refusée. Les demandes qu’elle a adressées à son conseiller en expertise opérationnelle (CEO), pour qu’elle discute avec un chef d’équipe concernant ses préoccupations au sujet du processus de surveillance ont été ignorées.

[11]  Après n’avoir été autorisée qu’à effectuer le travail de N1P1 pendant environ cinq ans (selon la fonctionnaire, cela se produisait sans aucune indication que son travail était inadéquat), après avoir achevé avec succès sa période de stage probatoire, et après ne pas avoir atteint les objectifs et les cotes énoncées dans les quatre PAR d’octobre 2013 à septembre 2014 (au cours desquels ses appels à l’aide et ses demandes de formation supplémentaires ont été ignorés), la fonctionnaire a été licenciée le 19 septembre 2014, par Michael Gardiner, sous-ministre adjoint, Région de l’Ouest du Canada et des territoires, Service Canada. Elle ne l’avait jamais rencontré et il n’avait jamais participé au processus d’évaluation.

[12]  M. Gardiner a indiqué lors de son témoignage que sa décision de licencier la fonctionnaire était fondée sur un examen de son dossier et de ses évaluations du rendement. Il s’est appuyé entièrement sur les évaluations des personnes de sa voie hiérarchique qui étaient directement responsables de l’évaluation de son travail pour conclure qu’elle n’était pas capable de satisfaire aux normes de rendement requises pour son poste. Grâce à l’examen, il était convaincu qu’il ne s’agissait pas d’une affaire disciplinaire et qu’aucune autre allégation ne lui posait problème.

[13]  D’après les notes d’information qu’il a reçues de ses subordonnés lorsqu’ils ont demandé son approbation pour mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire, il semblait clair à M. Gardiner qu’elle avait connaissance des normes de rendement auxquelles elle devait satisfaire et qu’elle avait suivi toutes les formations nécessaires pour l’aider à les satisfaire. Il s’est assuré que le problème de son rendement était qualitatif et non quantitatif. L’exactitude de son travail était particulièrement préoccupante, car le mandat de l’employeur était de fournir des renseignements exacts aux Canadiens et Canadiennes qui appelaient afin qu’ils reçoivent les bonnes prestations.

[14]  Avant de prendre des mesures, M. Gardiner a vérifié que toutes les évaluations du rendement de la fonctionnaire avaient été faites correctement et qu’elle avait été évaluée en fonction des normes nationales de rendement. Après avoir examiné les lettres d’avertissement, il a conclu qu’elle n’avait aucune chance réaliste de satisfaire aux normes. L’employeur devait aller de l’avant, et il a donc décidé que son licenciement était justifié. Il était convaincu que toutes les mesures nécessaires avaient été prises pour lui permettre de conserver son emploi.

[15]  En tant que sous-ministre adjoint, M. Gardiner ne supervisait pas les employés subalternes, tels que la fonctionnaire et ses superviseurs immédiats. Il s’attendait à ce qu’on lui ait fourni les ressources et le temps nécessaires pour l’aider à s’améliorer. Ce n’est que si elle a atteint des plateaux ou si aucun progrès n’a été accompli qu’une décision de licenciement aurait été nécessaire. Il s’attendait à un effort ardu de la part de tous ceux qui participent au processus d’évaluation.

[16]  Le directeur général responsable de la région où la fonctionnaire était employée était responsable de l’intégrité du processus. M. Gardiner a admis qu’il n’était pas un expert dans le régime d’évaluation du rendement, car il ne relevait pas de sa compétence. Il s’est appuyé sur l’expertise du directeur général et de ses subordonnés pour protéger et assurer l’intégrité du processus d’évaluation, dont la preuve a montré qu’il consistait de quatre PAR d’une durée totale de 14 semaines. Ses décisions étaient fondées sur l’assurance donnée par le directeur général que cela avait été fait. Il s’est appuyé sur les assurances qu’il a reçues de Carolyn Young, la gestionnaire des services de la fonctionnaire, et de Wendy McMurray, la directrice de l’assurance-emploi à Vancouver.

[17]  Alison Davies a indiqué lors de son témoignage qu’elle était la première CEO à avoir tenté d’aider la fonctionnaire à satisfaire aux attentes de l’employeur après son retour de son affectation d’OSC et pendant son premier PAR. Une fois que la fonctionnaire a de nouveau terminé la formation N1P2, Mme Davies a été affectée à titre de CEO pendant la phase de surveillance. Son rôle de CEO était de suivre la fonctionnaire et de lui fournir des conseils et une orientation sur le sujet traité dans le N1P2 de la formation. Elle devait évaluer ce que la fonctionnaire avait appris, et déterminer si elle pouvait le mettre en œuvre dans une situation pratique. La fonctionnaire devait remplir des dossiers et les présenter à sa CEO aux fins d’examen.

[18]  Pour chaque domaine de travail enseigné à la fonctionnaire, elle devait maintenir un taux d’exactitude de 80 % avant d’être libérée de la phase de suivi, ce qu’elle n’a jamais accompli. La période habituelle de surveillance du N1P2 était de six semaines, avec une augmentation de l’exactitude au cours de cette période. Au cours de la période, Mme Davies rencontrait la fonctionnaire et son chef d’équipe deux fois par semaine pour examiner son progrès.

[19]  Selon Mme Davies, la fonctionnaire avait besoin d’une aide considérable pour remplir les réclamations. Mme Davies a indiqué qu’elle en était au point où, avec toutes les questions de la fonctionnaire, c’était Mme Davies qui finissait par traiter les demandes. Au lieu de suivre un échantillon des demandes de la fonctionnaire, Mme Davies s’est retrouvée à surveiller 100 % de ses demandes effectuées. Pour toutes ces raisons, Mme Davies a conclu que la fonctionnaire n’avait pas une bonne compréhension du travail du N1P1, de sorte que les erreurs dans ses calculs de base compliquaient les calculs ultérieurs. En fin de compte, la fonctionnaire n’a pas terminé avec succès la phase de surveillance évaluée par Mme Davies.

[20]  Lorsque Mme Davies l’a informée du risque lié au fait qu’elle n’a pas réussi l’étape du suivi, la fonctionnaire a demandé si on pouvait lui autoriser de ne travailler que sur des dossiers simples, qu’elle pouvait effectuer sans erreur. Cela lui aurait permis d’atteindre son objectif de 80 % sans erreurs. Mme Davies a expliqué qu’il n’était pas possible de le faire, car la technologie permettait de calculer automatiquement les demandes dites « faciles », de sorte qu’il n’y avait pas besoin d’ASP pour travailler sur ces dossiers.

[21]  Le résultat de la période de suivi de la fonctionnaire n’était pas la décision de Mme Davies. Elle a recommandé à la direction que la fonctionnaire fasse l’objet d’un suivi supplémentaire au moyen d’un autre PAR, ainsi qu’un encadrement supplémentaire. Il était clair pour Mme Davies que la fonctionnaire ne pouvait être libérée de la phase de mentorat de sa formation de N1P2.

[22]  Si la fonctionnaire ne comprenait pas la recherche de faits qu’il fallait pour remplir une demande, elle ne comprendrait pas non plus les questions soulevées par une demande. Il semblait clair pour Mme Davies que la fonctionnaire ne comprenait pas quels renseignements il fallait obtenir des demandeurs pour effectuer le travail sur les demandes de prestations. Ses erreurs se sont traduites par des prestations d’assurance-emploi inexactes pour les prestataires ou par le non-paiement des prestations. Des ASP tels que la fonctionnaire doivent recevoir une formation exhaustive, doivent être en mesure de mener à bien toute étape d’une réclamation, et doivent reconnaître les questions liées aux réclamations lorsqu’elles surviennent.

[23]  Lorsque Mme Davies est devenue la CEO de la fonctionnaire au cours de son premier PAR, elle savait que la fonctionnaire n’avait pas réussi à terminer la partie de suivi de sa formation de N1P2 au moins à deux reprises. Elle savait aussi que la fonctionnaire avait terminé sa formation de N1P1 avec succès, même si elle croyait qu’il y avait de sérieuses lacunes à ce niveau qui empêchaient la fonctionnaire d’effectuer le travail de N1P2 avec succès. Selon le témoignage de Mme Davies, elle a indiqué à Mme Young, la gestionnaire des services de la fonctionnaire, ainsi qu’aux chefs d’équipe de la fonctionnaire, qu’il y avait des indications que la fonctionnaire ne comprenait pas le travail de N1P1, ce qui l’empêchait d’effectuer le travail de N1P2. Mme Davies a recommandé le recyclage au niveau N1P1.

[24]  Les employés placés sur un PAR doivent travailler de façon indépendante et sans aide. Ils sont tenus de demander des conseils s’il y a lieu. Au lieu de cela, Mme Davies passait beaucoup de temps avec la fonctionnaire chaque matin à discuter des réclamations qu’elle devait traiter ce jour-là et à renvoyer aux manuels de référence. Les deux se rencontraient régulièrement au cours de la période de suivi pour examiner les progrès réalisés par la fonctionnaire. Une fois ce PAR terminé, Mme Davies n’avait plus de rôle à jouer dans le suivi du travail de la fonctionnaire. Harmesh Toor, une autre CEO, a pris la relève.

[25]  Mme Toor a indiqué lors de son témoignage qu’au moment d’examiner les réclamations au cours de la phase du suivi d’un employé, y compris celle de la fonctionnaire, sa pratique consistait à fournir une rétroaction par courriel le lendemain dans lequel elle indiquait les corrections nécessaires. Elle pouvait ou non faire référence à la politique ou au règlement applicable, selon le nombre de fois où une même erreur avait été commise. Si les lacunes ou les observations étaient compliquées, elle demandait à l’employé de se présenter à son bureau pour obtenir une explication personnelle des raisons pour lesquelles la réclamation devait être corrigée. Une rétroaction était fournie sur chaque réclamation au cours de la période de suivi. Les employés devaient lui présenter leurs questions par écrit seulement après avoir terminé leurs recherches.

[26]  Selon Mme Toor, la fonctionnaire devait atteindre deux objectifs au cours de sa période de suivi du PAR : la productivité (le nombre de réclamations traitées par semaine à présenter aux fins d’examen) et la qualité (le pourcentage de réclamations traitées sans lacunes). La norme d’efficacité de 80 % devait être appliquée à tous les types de fichiers, et non seulement à un type précis.

[27]  Si la fonctionnaire avait des questions au sujet de son travail, elle devait les présenter à Mme Toor, mais uniquement par écrit. Selon Mme Toor, cette exigence lui permettait d’analyser le nombre et les types de questions afin qu’elle puisse déterminer s’il y avait un manque de connaissances ou si la fonctionnaire était simplement incapable de trouver le matériel de référence dont elle avait besoin. On a indiqué à la fonctionnaire qu’elle devait traiter au moins 20 dossiers par semaine et que si elle avait une question pour Mme Toor, elle devait l’envoyer par courriel et passer à un autre dossier, en attendant la réception d’une réponse. Les questions ouvertes n’étaient pas autorisées.

[28]  Mme Toor a commencé à suivre la fonctionnaire en mars 2014, et a continué à le faire pendant environ trois périodes de quatre semaines (il se peut qu’il s’agissait de deux périodes; elle ne pouvait pas s’en souvenir). L’exigence d’exactitude commençait à 80 % parce que c’était la norme nationale pour une personne qui avait été formée et suivie. Tous les PAR commencent par la norme nationale. Elle utilisait la même méthode de suivi pour chaque PAR. Les seules choses qui changeaient étaient les objectifs à atteindre, qui étaient fixés par la direction. Ils augmentaient chaque semaine, malgré les résultats de la semaine précédente.

[29]  Le premier problème que Mme Toor a remarqué concernant le rendement de la fonctionnaire était qu’elle avait des difficultés à communiquer avec les clients et les employeurs qui appelaient au centre. Un autre problème identifié par Mme Toor était que la fonctionnaire ne pouvait déterminer si un dossier présentait des lacunes en matière de renseignements. Son travail consistait à déterminer si l’information d’une source contredisait celle d’une autre et, dans l’affirmative, laquelle était exacte. Elle acceptait des renseignements sans procéder à aucune analyse critique pour déterminer si elle avait un sens par rapport au reste des renseignements contenus dans le dossier. Elle commettait ce type d’erreurs à plusieurs reprises.

[30]  Mme Toor a fait part de ces préoccupations à la fonctionnaire lorsqu’elle apportait les corrections et lui retournait le dossier par courriel. Elle devait alors corriger le dossier et le retourner à Mme Toor. Souvent, les dossiers étaient incomplets lors du deuxième examen. La fonctionnaire avait apporté les mauvais changements, commis des erreurs lors des changements, n’avait pas apporté les changements nécessaires, et n’avait pas effectué la recherche des faits nécessaire. Selon Mme Toor, le fait que la fonctionnaire n’était toujours pas en mesure de corriger les dossiers après avoir reçu des instructions indiquait qu’elle ne comprenait pas les concepts derrière le calcul des réclamations.

[31]  À l’occasion, Mme Toor s’asseyait avec la fonctionnaire et répondait à ses questions en personne, selon son témoignage. Lorsqu’elle le faisait, elle expliquait à la fonctionnaire les concepts derrière le calcul d’une réclamation. Malgré tous ses efforts, la fonctionnaire commettait les mêmes erreurs à plusieurs reprises.

[32]  Mme Toor avait plusieurs préoccupations au sujet du travail de la fonctionnaire. Elle commettait des erreurs dans son travail de N1P1 aussi bien que son travail de N1P2. Souvent, son travail nécessitait qu’elle corrige ses corrections. Les questions qu’elle posait à Mme Toor pendant les périodes de suivi étaient difficiles à comprendre. Selon Mme Toor, elles étaient trop générales et inappropriées. Elles nécessitaient souvent que Mme Toor traite une réclamation pour y répondre. Elle ne donnait aucune indication à Mme Toor qu’elle avait fait des recherches sur une question avant de la poser.

[33]  On a demandé à Mme Toor de s’asseoir avec la fonctionnaire, l’observer lorsqu’elle traitait une réclamation, et lui fournir des commentaires et un encadrement pendant qu’elle travaillait, ce qu’elle a fait. Mme Toor choisissait un dossier qui nécessitait une enquête. Elle s’asseyait avec la fonctionnaire et prenait des notes pendant que la fonctionnaire travaillait. L’une de ses principales observations concernant le travail de la fonctionnaire était que lorsqu’elle était confuse, elle allait de l’avant, mais ne prenait aucune note pour clarifier ce qu’elle n’avait pas compris avant de passer à la suite. Selon son témoignage, Mme Toor n’est pas intervenue lorsqu’elle a vu la fonctionnaire le faire, étant donné qu’elle souhaitait observer la démarche de la fonctionnaire du début à la fin.

[34]  En général, les ASP documentent les questions à mesure qu’ils procèdent à l’examen d’une réclamation. La fonctionnaire ne le faisait pas, ce qui, selon Mme Toor, rendait difficile l’évaluation des réclamations. C’était très inquiétant pour Mme Toor. L’absence de méthode de la fonctionnaire était transférée à son approche de recherche des faits, ce qui était également très déconcertant pour Mme Toor.

[35]  Une fois que la fonctionnaire avait terminé l’examen du dossier choisi par Mme Toor et que cette dernière avait souligné les lacunes, elle appelait la fonctionnaire à son bureau et lui montrait la façon dont la réclamation aurait dû être traitée. Mme Toor expliquait à la fonctionnaire qu’elle devait élaborer sa propre méthode uniforme pour examiner les dossiers étant donné qu’elle venait de démontrer sa méthode à la fonctionnaire.

[36]  Malgré tous les efforts de Mme Toor, la fonctionnaire prenait toujours plus de temps que la normale pour traiter les demandes et n’était toujours pas en mesure de satisfaire à l’exigence d’exactitude de 80 %. Normalement, lorsque la productivité baissait, l’exactitude augmentait, mais ce n’était pas le cas pour la fonctionnaire. Elle ne savait tout simplement pas ce qu’elle faisait et ne comprenait pas quoi faire de l’information qu’elle recevait. Elle ne comprenait pas la façon de calculer les prestations. Elle mémorisait les questions à poser, mais ne savait déterminer lesquelles étaient nécessaires pour quels types de réclamations. Elle posait des questions qui n’étaient pas nécessaires pour certains types de réclamations parce qu’elle ne comprenait pas le processus de calcul.

[37]  Les règles concernant les questions que la fonctionnaire avait le droit d’envoyer à Mme Toor étaient strictes. Elles ne pouvaient être formulées de manière ouverte, mais de manière qu’on puisse y répondre par « oui » ou par « non ». Certaines des questions de la fonctionnaire à l’intention de Mme Toor étaient très simples. Elle aurait dû connaître les réponses, étant donné qu’elle avait été formée et suivie au N1P1. Elle demandait également quelles questions Mme Toor jugeait inappropriées. Par exemple, elle demandait à Mme Toor d’examiner une réclamation avant qu’elle ne soit présentée pour un suivi, de sorte que Mme Toor puisse lui dire si elle avait manqué quelque chose.

[38]  Mme Toor ne se souvenait pas si elle répondait aux questions de la fonctionnaire le plus rapidement possible ou dans un délai d’un jour. D’après la façon dont la fonctionnaire effectuait son travail, il semblait clair à Mme Toor que la fonctionnaire avait de la difficulté à déterminer les questions à poser. Selon Mme Toor, il était peu probable que le fait de suivre de nouveau la formation de N1P1 aide la fonctionnaire à déterminer les questions à poser, compte tenu des types de questions et des problèmes qu’elle rencontrait. Elle avait reçu une formation, un suivi et un encadrement très complets, qui n’avaient entraîné aucune amélioration. Selon Mme Toor, il était peu probable que la répétition de la formation N1P1 modifie les résultats.

[39]  Mme Toor a indiqué dans son témoignage qu’elle avait également eu des préoccupations au sujet des interactions de la fonctionnaire avec les clients. À titre d’exemple, elle a décrit une situation dans laquelle un client n’était pas d’accord avec le délai d’attente. La fonctionnaire ne comprenait pas les options du client et ne savait pas que le client pouvait demander un réexamen, ce qui avait été enseigné pendant la première semaine de formation de N1P1. Au lieu de cela, elle a acheminé la réclamation à un arbitre du deuxième niveau, même si la question de la période d’attente était parfaitement claire.

[40]  Mme Toor a indiqué dans son témoignage qu’elle n’avait jamais reçu de demande de la part de la fonctionnaire de discuter avec son chef d’équipe. Le cas échéant, elle l’aurait documenté. Si la fonctionnaire avait des problèmes avec le suivi qu’elle a reçu, Mme Toor n’en avait pas connaissance.

[41]  Selon Mme Toor, au cours de la dernière période de suivi du PAR, la fonctionnaire n’a atteint aucun des objectifs de productivité ou d’exactitude fixés pour elle au cours des semaines du PAR. Elle commettait des erreurs dans les calculs de base qui reproduisaient celles observées au cours du deuxième et du troisième PAR. Elle continuait de commettre des erreurs dans ses corrections. Elle continuait d’avoir des problèmes de communication et ne reconnaissait pas les conséquences de ses erreurs. Même si elle travaillait sur une réclamation qui était strictement au N1P1, elle ne la comprenait pas entièrement. Selon Mme Toor, il était difficile de trouver des réclamations qui étaient strictement au N1P1, étant donné que des prestations du N1P2 peuvent apparaître sur n’importe quelle réclamation.

[42]  Selon Mme Toor, le travail de N1P2 nécessitait une compréhension solide du travail du N1P1, que la fonctionnaire n’avait pas. Si elle ne comprenait pas comment calculer une réclamation de N1P1, on ne pouvait s’attendre à ce qu’elle calcule une réclamation de N1P2. Il était clair que cette partie essentielle de sa formation lui manquait, mais Mme Toor ne se rappelait pas que Mme Davies l’ait informée que la fonctionnaire n’avait pas cette compréhension.

[43]  Selon l’expérience de Mme Toor, le recyclage n’est pas efficace parce que la raison pour laquelle la matière n’a pas été comprise la première fois était la même. Les problèmes de la fonctionnaire étaient difficiles à résoudre en répétant la formation. Il fallait qu’elle ait les capacités de se souvenir de ce qu’elle avait appris en formation et de le mettre en œuvre.

[44]  Eugene Wong était le chef d’équipe de la fonctionnaire au cours de ses PAR. Son rôle était de s’assurer que les ASP qui relevaient de lui satisfaisaient aux normes nationales et qu’ils faisaient du bon travail et étaient heureux de venir au travail. Il a commencé à travailler avec la fonctionnaire à son retour de son affectation d’ASC. Il avait estimé qu’elle avait besoin d’une formation de recyclage dans le travail de N1P2, qui a eu lieu en septembre 2013. Elle n’a pas eu de succès au cours de la période de suivi subséquente. Elle n’a mentionné à aucun moment qu’elle avait besoin de mesures d’adaptation.

[45]  À titre de chef d’équipe de la fonctionnaire, il ne suivait pas son travail, mais il organisait des réunions hebdomadaires pour discuter du rapport de suivi de la semaine précédente, préparé par le CEO qui lui était attribué. Il a demandé ses commentaires sur les rapports et lui a demandé ce qui pouvait être fait pour l’aider à s’améliorer. Malgré cela, les PAR n’étaient pas réussis. Après l’échec du premier PAR, la fonctionnaire a signalé que son poste de travail se trouvait dans une zone à forte circulation dans un lieu de travail à aire ouverte. Elle a signalé à M. Wong que cela la distrayait. Il a demandé à son gestionnaire s’il pouvait répondre à cette préoccupation. Elle a été transférée à un autre poste de travail comme elle l’avait demandé, mais il n’y a eu aucune amélioration.

[46]  La fonctionnaire a informé M. Wong qu’elle n’aimait pas être suivie et qu’elle trouvait les PAR très stressants. Après le premier PAR, elle a demandé quelles étaient ses options et si une rétrogradation était possible. M. Wong et Mme Young (la gestionnaire des services) lui ont dit que la démission était sa seule option réelle. Si elle choisissait de rester, elle devait participer au PAR. Elle l’a fait, et le deuxième PAR a été mis en place, avec Mme Toor à titre de CEO. M. Wong a créé le PAR en consultation avec la CEO et Mme Young.

[47]  Au cours de l’examen du deuxième PAR, la fonctionnaire a demandé à être jumelée à un ASP expérimenté. M. Wong a indiqué dans son témoignage qu’il avait pris des arrangements pour cela, mais qu’en fin de compte, cela n’a pas eu lieu parce que Mme Young estimait que la fonctionnaire apprendrait davantage de séances avec Mme Toor, qui, elles, ont eu lieu. La fonctionnaire a également eu l’occasion de voir la façon dont Mme Toor examinait les réclamations de la fonctionnaire. Normalement, ce genre de jumelage durait une demi-journée, mais M. Wong a approuvé une journée complète pour la fonctionnaire.

[48]  En fin de compte, le rapport final de suivi du deuxième PAR n’était pas reluisant à l’égard de la fonctionnaire, selon M. Wong. Il a indiqué dans son témoignage qu’au cours de l’examen, il lui a expliqué comment il travaillerait sur une réclamation. Elle lui semblait réceptive. Il lui a demandé si elle pouvait imaginer une solution viable qu’ils pourraient proposer. Sa seule suggestion était qu’elle ne soit autorisée qu’à effectuer le travail de N1P1, ce qui n’était pas une option. Le lieu de travail n’avait de la place que pour les ASP pleinement opérationnels. Le fait de la garder uniquement pour effectuer du travail de N1P1 aurait rendu très difficile l’attribution de ses tâches. Lorsque l’inventaire de travail de N1P1 était faible, on ne pouvait lui attribuer d’autres tâches, en raison de son profil. Cela aurait signifié de prendre le travail des stagiaires, ce qui aurait mis fin au processus de formation. Cela aurait également fait perdre à l’employeur sa capacité d’attribuer du travail à ce niveau aux fins de recyclage ou de formation d’appoint.

[49]  En fin de compte, après les quatre PAR, malgré tous les efforts de l’employeur, la fonctionnaire ne satisfaisait pas à la norme nationale. M. Wong n’a joué aucun rôle dans la décision de mettre fin à son emploi, si ce n’est d’informer son gestionnaire de ses progrès. Il était conscient du fait qu’elle ne comprenait pas bien le travail de N1P1, ce qui constituait un obstacle à la réussite de ses PAR. Il a indiqué dans son témoignage qu’il aurait discuté de cette question avec Mme Young, étant donné qu’il discutait de chacun de ses rapports de suivi avec elle.

[50]  M. Wong ne se rappelait pas si l’employeur avait pris des mesures pour aider la fonctionnaire à mieux comprendre le travail de N1P1. Elle lui a indiqué à plusieurs reprises, ainsi qu’à Mme Young, qu’elle possédait les connaissances requises pour effectuer le travail de N1P1. Si elle avait besoin d’un recyclage dans ce domaine, c’était à elle de le demander. Jusqu’au moment où elle a été affectée au poste d’ASC, la fonctionnaire n’avait effectué que du travail de N1P1. Elle n’a jamais indiqué à M. Wong qu’elle avait de la difficulté à les comprendre.

[51]  Lorsqu’on lui a demandé quelle était la contribution de la fonctionnaire à la rédaction des PAR, M. Wong a indiqué qu’elle n’en avait pas. Le chef d’équipe rédige les PAR. La fonctionnaire pouvait exprimer ses préoccupations lorsqu’on lui en remettait un, mais ses commentaires se limitaient à cela. Mme Young lui présentait les PAR. Chacun était la suite du précédent; chacun reprenait après le précédent, par conséquent, les cotes de productivité et d’exactitude augmentaient avec chaque semaine de chaque PAR. M. Wong a décrit son rôle dans le processus comme étant d’aider la fonctionnaire à réussir. Il ne se rappelait pas que Mme Toor ne lui ait jamais indiqué qu’aucune formation ne résoudrait les problèmes de la fonctionnaire.

[52]  La fonctionnaire a demandé à M. Wong à plusieurs reprises ce qui arriverait si elle ne satisfaisait pas aux normes nationales. Dès le début du processus des PAR, il lui a fait savoir qu’elle pourrait être licenciée. Il s’est rappelé qu’elle lui a demandé à plusieurs reprises, selon ses termes [traduction] « souvent », pourquoi il ne la licenciait pas tout simplement, puisque c’était ce que l’employeur souhaitait. Cependant, il ne se souvient pas exactement combien de fois elle lui a posé la question ou s’il lui a répondu.

[53]  Mme Young était la gestionnaire des services à l’emplacement du Harbour Centre de l’employeur à Vancouver. Elle était responsable de M. Wong, des CEO et de la fonctionnaire, entre autres. Lorsque la fonctionnaire est revenue de son affectation d’ASC, Mme Young a reçu des commentaires de Service Canada en raison desquels elle s’est demandé pourquoi la fonctionnaire revenait à son poste d’ASP. Mme Young n’était pas certaine de la raison pour laquelle l’affectation avait pris fin, mais seulement qu’elle s’était terminée brusquement. La fonctionnaire était maintenant dans une position où elle retournait à un emploi pour lequel Mme Young ne pensait pas qu’elle convenait. Et, à la suite du PARD et de l’automatisation, l’emploi n’existait pas tel qu’il était lorsque la fonctionnaire l’avait quitté. D’autre part, Mme Young considérait que la fonctionnaire convenait mieux au travail d’ASC.

[54]  À l’époque, Mme Young était d’avis qu’au lieu de retourner à son poste d’ASP, la fonctionnaire devrait chercher activement un emploi ailleurs. Lorsqu’elle a reçu des commentaires de M. Wong selon lesquels la fonctionnaire avait commis une erreur qui avait fait en sorte qu’un client n’avait pas reçu de prestations pendant 56 jours alors que la norme du service était de 28 jours, elle lui a demandé d’examiner la façon dont la fonctionnaire effectuait son travail. Par conséquent, on ne lui attribuait que du travail de N1P1, avec des cotes de production inférieures à la norme nationale. Le résultat était qu’au lieu d’augmenter, sa productivité a baissé.

[55]  Malgré cela, on a envoyé la fonctionnaire à une formation de N1P2, et elle a été assujettie au processus de suivi au cours duquel le chef d’équipe a identifié la lacune dans sa compréhension du travail de N1P1. Mme Young a élaboré un plan concernant la façon de régler ce problème et a rencontré la fonctionnaire et M. Wong pour livrer le premier des nombreux PAR officiels. Le chef d’équipe, la CEO et Mme Young ont élaboré le PAR conjointement. Il contenait des objectifs spécifiques élaborés par la CEO, fondés sur des normes nationales.

[56]  Mme Young a informé la fonctionnaire qu’étant donné que la période de supervision se poursuivait et qu’elle n’avait pas atteint les objectifs fixés pour elle, un PAR était nécessaire. Elle devait avoir un accès direct au CEO au cours du PAR, mais elle ne devait pas consulter ses collègues ni leur demander conseil. M. Wong devait se réunir avec la fonctionnaire chaque semaine, ce qu’il faisait souvent, après quoi il informait Mme Young.

[57]  Les PAR n’étaient pas considérés comme des périodes de recyclage, étant donné que la fonctionnaire avait déjà suivi à trois reprises la partie de la formation de N1P1 en classe. Les PAR étaient un environnement contrôlé dans lequel elle devait démontrer qu’elle était en mesure de faire son travail. On lui a donné des réclamations à terminer, qui devaient montrer qu’elle avait appris à faire son travail et qu’elle pouvait l’effectuer en respectant les normes nationales. Les réunions de rétroaction avec le CEO et M. Wong devaient l’informer de ses progrès.

[58]  Lorsqu’elle n’a pas satisfait aux exigences du premier PAR et qu’elle était confrontée à un autre PAR, la fonctionnaire a demandé une rétrogradation volontaire ou, à défaut, qu’elle soit autorisée à revenir à son profil antérieur, soit de n’effectuer que du travail de N1P1. Lors de la réunion avec Mme Young, elle est même allée jusqu’à dire à ceux qui assistaient à la réunion : [traduction] « Vous n’avez qu’à me virer maintenant. » Au lieu de cela, Mme Young a insisté sur un deuxième PAR et a souligné les conséquences de ne pas satisfaire à ses exigences.

[59]  On a offert à la fonctionnaire un accès au programme d’aide aux employés et on lui a demandé si elle avait besoin de mesures d’adaptation en milieu de travail. Elle n’a indiqué aucun besoin de mesures d’adaptation ni aucune raison pour laquelle elle n’était pas en mesure de satisfaire à la norme nationale. Dans le PAR qui a suivi la deuxième réunion d’avertissement, elle était tenue de travailler à respecter la norme nationale de qualité de 80 % pendant toute la durée de ce PAR.

[60]  En raison des absences de la fonctionnaire, le deuxième PAR n’a commencé qu’en mars 2014. Lorsqu’elle a demandé à être déplacée dans un bureau plus calme avec moins de distractions, M. Wong a répondu à sa demande. Malgré cela, à la fin de la deuxième période d’examen, elle n’a de nouveau pas satisfait aux normes du PAR. Un troisième avertissement et un autre PAR encore étaient nécessaires.

[61]  Au cours de ce PAR, la fonctionnaire a bien fait preuve d’une certaine amélioration, mais ce n’était pas soutenu. Elle se plaignait que les autres étaient traités différemment et que les attentes étaient plus grandes à son égard qu’à l’égard des autres, bien que les attentes pour les deux fussent fondées sur la norme nationale. Elle a officiellement demandé une mutation. On la lui a refusée parce que, selon Mme Young, aucun gestionnaire n’envisagerait d’accepter la fonctionnaire pendant qu’elle était assujettie à un PAR.

[62]  Mme Young n’était pas étonnée que la fonctionnaire n’ait pas réussi son troisième PAR. Un quatrième et dernier PAR a été préparé et lui a été remis avec l’avertissement que si elle échouait cette fois-ci, son emploi prendrait fin (pièce 2, onglet 49). Ce PAR était pour une période de trois semaines plutôt que pour la période habituelle de quatre semaines. Le rapport de Mme Toor (pièce 2, onglet 54) à la fin de ce PAR exprimait des préoccupations concernant la compréhension des réclamations, l’exactitude du traitement, les compétences en communication et les faux renseignements que la fonctionnaire fournissait à la clientèle. Une fois que Mme Young l’a lu et qu’elle a compris que la fonctionnaire n’avait aucune chance de réussir, elle a recommandé le licenciement de la fonctionnaire à sa gestionnaire, Mme McMurray.

[63]  Selon Mme Young, il importait peu que la fonctionnaire pense qu’elle faisait du bon travail; il n’en était rien. Mme Young a déterminé que la fonctionnaire n’avait pas atteint les objectifs en matière de qualité ni de quantité du travail qui lui était attribué. Selon la comparaison faite par Mme Young entre les compétences de la fonctionnaire et celles requises pour le poste, la fonctionnaire ne satisfaisait pas aux qualités requises pour l’emploi.

[64]  Mme Young ne savait pas comment la fonctionnaire avait réussi à passer la période de stage probatoire sans avoir terminé la partie L1P2 de la formation et de suivi. Elle a fait observer que d’autres personnes dans des situations similaires auraient été licenciées. La fonctionnaire était la seule personne dont elle n’ait jamais entendu qu’elle avait réussi à passer de cette façon.

[65]  Mme McMurray était directrice de l’assurance-emploi à Vancouver lorsque Mme Young a communiqué avec elle au sujet de la fonctionnaire. Elle avait été informée du progrès des PAR. Au moment de l’examen du quatrième PAR, Mme McMurray a informé le directeur général afin que M. Gardiner soit informé de la probabilité que cette situation soit bientôt portée à son attention. À la fin de l’été 2014, Mme McMurray a appuyé la recommandation de Mme Young que la fonctionnaire soit licenciée et l’a transmise aux échelons supérieurs pour approbation.

[66]  Mme McMurray a indiqué dans son témoignage que le licenciement est la seule solution pour une personne qui n’est pas en mesure de s’acquitter de l’ensemble des fonctions d’ASP. Avant d’envisager le licenciement, elle a demandé à Mme Young d’explorer d’autres options. Le Centre des services aux citoyens a indiqué que la fonctionnaire ne convenait pas pour le travail. Le programme des travailleurs étrangers temporaires n’avait pas de postes à pourvoir. Les options au centre d’appel d’Edmonton, en Alberta, ont été examinées et rejetées. Les effets du PARD signifiaient qu’il n’y avait aucun poste vacant; une importante réduction des effectifs avait eu lieu dans l’ensemble du gouvernement fédéral, y compris dans le lieu de travail de la fonctionnaire. L’automatisation avait repris des tâches, y compris de nombreuses tâches exécutées au N1P1. Le personnel a dû passer au travail N1P2, ce que la fonctionnaire ne pouvait pas faire.

[67]  Il était mauvais pour le moral au travail de permettre à la fonctionnaire de n’effectuer que le travail de N1P1, alors que d’autres employés rémunérés au même taux devaient s’acquitter de toutes les tâches. De plus, selon Mme McMurray, ce n’était pas une bonne gestion des fonds publics. Mme McMurray a nié qu’elle savait que la fonctionnaire avait été autorisée à le faire pendant 14 mois, depuis son retour en 2012 jusqu’à ce qu’elle soit envoyée à la formation de N1P2 en 2013. Elle ne savait pas non plus qu’à aucun moment, depuis son retour, la fonctionnaire n’avait reçu une formation d’appoint de N1P1.

[68]  Le témoignage de la fonctionnaire était très émotif. Selon elle, malgré tous les efforts qu’elle a déployés pour répondre aux attentes de l’employeur, elle n’a pas pu le faire et, par conséquent, elle a été licenciée. De plus, selon elle, elle a tout essayé pour réussir et satisfaire son employeur. Elle a demandé des formations supplémentaires, du mentorat et un jumelage avec un collègue, mais l’employeur a refusé tout ce qu’elle demandait. On lui a refusé une rétrogradation ainsi qu’une mutation.

[69]  Elle a échoué à un PAR après l’autre, mais rien n’a changé. Rien n’était fait différemment pour l’aider à réussir. Les seuls changements étaient apportés à ses cotes, qui augmentaient pour la qualité et la quantité du travail, une semaine après l’autre. Lorsqu’elle a demandé à chaque réunion de PAR que l’on fasse quelque chose autrement, on lui indiquait qu’elle savait ce qu’elle devait faire, alors elle n’avait qu’à le faire. Lorsqu’elle a demandé un autre CEO que Mme Toor, ses demandes ont été ignorées. La seule chose qui se faisait de façon constante, c’était d’augmenter ses cotes chaque semaine avec chaque PAR. Toutes ses suggestions sont tombées dans l’oreille d’un sourd.

[70]  Lorsque la fonctionnaire a demandé d’être jumelée à un collègue, on lui a dit de se réunir avec Mme Toor pendant deux quarts de travail (au départ, il ne s’agissait que d’un seul quart). La fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’elle n’était pas en mesure de communiquer avec Mme Toor, mais l’employeur n’était pas disposé à en prendre note. Mme Young a indiqué à la fonctionnaire qu’il ne lui serait pas utile de s’asseoir avec une collègue et de porter ses problèmes de rendement à l’attention des autres.

[71]  Mme Toor ne permettait pas à la fonctionnaire de poser des questions ouvertes, un format que la fonctionnaire comprenait. Selon la fonctionnaire, étant donné qu’elle ne comprenait pas le travail, elle ne pouvait pas poser les questions selon le format requis, ce qui signifiait que Mme Toor refusait de communiquer avec elle, malgré ses demandes d’aide. Elle a indiqué dans son témoignage qu’elle avait besoin d’aide pour déterminer quelles questions poser aux clients, mais que Mme Toor n’était pas intéressée ni disposée à l’entendre ou à l’aider. Mme Toor répondait aux questions qu’elle présentait dans le format approprié dans les 24 heures, habituellement le lendemain matin, ce qui signifiait que les réclamations sur lesquelles elle travaillait ne pouvaient être terminées que le lendemain, ce qui avait une incidence sur sa productivité.

[72]  La seule rétroaction reçue par la fonctionnaire tout au long de tous les PAR était la rétroaction normale attendue au cours d’une période de suivi normale, selon son témoignage. Le rapport de suivi hebdomadaire était sous un format différent de ce qu’elle aurait considéré comme une rétroaction visant à corriger et à améliorer son rendement sous le régime d’un PAR. Le rapport de suivi n’était qu’une liste de ce qui devait être corrigé dans les dossiers qu’elle avait examinés. La rétroaction d’un PAR aurait dû être de nature à l’aider à terminer une réclamation, et plus détaillé que ce que tous les ASP recevaient concernant les dossiers suivis par le CEO.

[73]  La formation offerte par l’employeur ne visait pas à aider la fonctionnaire à combler ses lacunes. Elle ne servait qu’à les renforcer, tout comme le mentorat de Mme Toor. La fonctionnaire a admis qu’elle ne convenait peut-être pas à son poste, mais dans les circonstances, elle n’a pas eu la chance de vraiment apprendre. Selon elle, l’employeur n’avait jamais voulu qu’elle réussisse. Mme Young, M. Wong et Mme Toor ont simplement pris les mesures nécessaires pour mettre fin à son emploi. Mme Young souhaitait que la fonctionnaire parte; elle n’a jamais souhaité qu’elle revienne de son affectation d’ASC, ce qui lui aurait permis de se débarrasser de la fonctionnaire.

[74]  Lors des réunions d’examen du PAR, la fonctionnaire recevait une litanie de toutes les erreurs qu’elle avait commises pendant la durée de ce PAR. On ne lui a indiqué aucune amélioration à aucun moment lorsqu’il y en avait. Aucune aide n’a été offerte. Elle n’a reçu aucune suggestion sur la façon dont elle pouvait s’améliorer. À chaque réunion, Mme Young indiquait à la fonctionnaire que si elle échouait, elle serait rétrogradée ou licenciée, mais lorsque la fonctionnaire a demandé une rétrogradation, Mme Young a refusé la demande. Cela signifiait clairement que la seule option était le licenciement.

[75]  Selon la fonctionnaire, Mme Young n’était pas intéressée à aider la fonctionnaire et n’a rien fait pour l’aider. Tous les appels à l’aide de la fonctionnaire ont été ignorés, et la preuve de ce fait se trouve dans le procès-verbal des réunions au cours desquelles les résultats du PAR étaient examinés (pièce 1, onglets 30 et 35). En fait, à une réunion, Mme Young a admis à la fonctionnaire qu’elle ne faisait que suivre les étapes nécessaires pour mettre fin à son emploi (pièce 1, onglet 35, page 3).

[76]  Il en résulte que le processus du PAR, dont le but était de préparer la fonctionnaire pour la réussite, a fait tout le contraire. Elle s’est sentie petite, stupide et intimidée par Mme Toor, M. Wong et Mme Young. Personne ne le lui a demandé lorsqu’elle a été licenciée.

[77]  La fonctionnaire a communiqué avec Susan Lang, une déléguée syndicale de l’Alliance de la Fonction publique du Canada, concernant les problèmes qu’elle avait à l’égard des niveaux de production que l’employeur avait établis pour elle dans le cadre des PAR. Mme Lang a assisté à trois réunions avec la fonctionnaire au cours desquelles les résultats des PAR étaient discutés. La première était le 7 mai 2014. La fonctionnaire a expliqué à Mme Young à cette réunion qu’elle était très stressée parce que la compréhension et la rétention de l’information nécessaire pour effectuer le travail posaient problème, et qu’elle avait besoin d’aide supplémentaire. Mme Young a accepté que Mme Toor examine les documents avec la fonctionnaire.

[78]  C’est lors de cette réunion que la fonctionnaire a demandé la possibilité d’être jumelée à un collègue. Mme Young a refusé, car la fonctionnaire pouvait apprendre quelque chose d’inexact en regardant un ASP expérimenté. La seule option qui lui était offerte était de s’asseoir avec Mme Toor, qui devait passer en revue le traitement d’une réclamation avec elle. Mme Young était d’avis que c’était suffisant. La fonctionnaire a répondu qu’il lui aurait été de loin préférable et plus facile de s’asseoir avec le manuel d’utilisation en suivant le travail d’un ASP expérimenté. Sa demande a tout de même été refusée.

[79]  Selon Mme Lang, chaque fois que la fonctionnaire formulait une suggestion ou une demande pendant la réunion, la réponse immédiate de Mme Young était de la refuser. À aucun moment, la fonctionnaire n’a demandé son avis sur le processus ou sur la façon dont cela se déroulait pour elle. L’employeur n’a pas demandé ses commentaires sur le processus du PAR lorsque Mme Lang était présente.

[80]  Les résultats de rendement de la fonctionnaire étaient pris comme une moyenne des quatre semaines du PAR. Si elle avait eu une semaine particulièrement mauvaise, il importait peu à l’employeur que la production des trois autres semaines satisfaisait à la norme, étant donné que la moyenne globale des quatre semaines n’y satisfaisait pas. Selon Mme Lang, la fonctionnaire réussissait ou échouait à ses PAR selon cette méthode d’évaluation plutôt que par l’entremise d’un examen honnête des résultats hebdomadaires.

[81]  Mme Lang a assisté à la réunion de licenciement avec la fonctionnaire au cours de laquelle elle a été licenciée après six ans d’avoir suivi les instructions qu’on lui donnait pour garder son emploi. C’était une bonne employée qui a fait tout son possible pour satisfaire son employeur, mais l’employeur l’a mise dehors. Elle savait que la cause fondamentale de ses problèmes de rendement était sa mauvaise compréhension du travail de N1P1, qui est le fondement de tout traitement de réclamations. Elle ne pouvait réussir si elle ne comprenait pas la façon de calculer les prestations au niveau de base avant de prendre des décisions au sujet d’autres prestations spécialisées. Elle avait besoin d’un recyclage dès le début, ce qu’elle et Mme Davies avaient indiqué à l’employeur. Ce dernier n’a rien fait pour l’aider.

[82]  David Saba a assisté aux réunions de présentation du grief avec la fonctionnaire à titre de représentant syndical national pour le SEIC (Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada). Il a présenté des observations en son nom et a soutenu que l’évaluation de l’employeur avait été inéquitable et qu’elle avait été faite de mauvaise foi. Les PAR étaient d’une durée totale extrêmement courte (14 semaines). C’était contraire à la « Directive sur la gestion du rendement » de l’employeur, qui stipule que les PAR peuvent prendre jusqu’à 18 mois. Les conseillers en relations de travail de l’employeur, qui devaient être consultés avant que ses représentants ne puissent aller de l’avant avec le licenciement, ont formulé une recommandation contre le licenciement, étant donné que c’était prématuré (pièce 1, onglet 39). La rapidité avec laquelle les lettres d’avertissement ont été remises à la fonctionnaire était punitive et décourageante. Comment pouvait-elle s’en remettre et faire preuve d’amélioration alors que deux semaines plus tard, elle recevait une autre lettre d’avertissement? Il était clair que, dès le début, l’employeur avait l’intention de la licencier, comme il est manifeste dans un courriel envoyé par Mme Young le 22 octobre 2013, indiquant que son travail de N1P1 présentait des lacunes [traduction] « ce qui pose problème » et se demandant [traduction] « pendant combien de temps devrait-on envisager le suivi si elle n’atteint pas les objectifs fixés en matière de qualité ni de quantité en ce moment » (pièce 1, onglet 11) et aussi, le courriel envoyé par Mme Young le 11 décembre 2013, dans lequel elle a écrit à Mme Murray : [traduction] « […] un plan d’action pour deux semaines […] ne sera pas considéré comme une période suffisante accordée à l’employé pour faire preuve d’amélioration. Notre position sera plus forte avec un plan d’action de 4 semaines, mais si vous souhaitez agir plus rapidement, Barb a indiqué que nous pourrions faire un plan d’action de 3 semaines et ensuite remettre une lettre […] » (pièce 1, onglet 16).

III.  Résumé de l’argumentation

A.  Pour l’employeur

[83]  Sur une période de cinq ans, la fonctionnaire a reçu une formation normalisée, des objectifs normalisés, du mentorat et de l’encadrement. Elle a reçu des avertissements clairement communiqués. En fin de compte, elle ne pouvait pas satisfaire aux exigences de son poste. L’employeur a conclu raisonnablement qu’il devait mettre fin à son emploi. Il n’y a aucune preuve de mauvaise foi.

[84]  Le critère que la Commission doit appliquer est de savoir s’il était raisonnable que l’employeur juge que le rendement de la fonctionnaire était insatisfaisant (voir Raymond c. Conseil du Trésor, 2010 CRTFP 23). En vertu de l’article 230 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003 ch. 22, art. 2, la « Loi »), l’arbitre de grief doit être axé sur l’évaluation du rendement. Les PAR étaient l’aboutissement de cinq années d’évaluation du rendement de la fonctionnaire.

[85]  Selon le paragraphe 123 de Raymond, l’employeur est dans une meilleure position qu’un arbitre de grief pour apprécier la qualité du rendement d’un fonctionnaire. L’arbitre de grief n’a pas à substituer son opinion à celle de l’employeur quant à l’appréciation du rendement du fonctionnaire. M. Gardiner savait que la fonctionnaire avait suivi trois fois la formation de N1P2 et que le résultat des PAR était le même chaque fois. Il a conclu que le licenciement était approprié, malgré les conseils contraires de la section des relations de travail de l’employeur. Il a conclu que c’était la sanction appropriée. Aux termes du paragraphe 124 de Raymond, l’arbitre de grief n’a pas le mandat d’apprécier le caractère approprié de cette sanction.

[86]  Le critère que l’arbitre de grief doit appliquer se trouve au paragraphe 130 de Raymond, et se lit comme suit :

[…] Lorsque l’employeur veut licencier un fonctionnaire pour incompétence, il doit montrer

– qu’il a agi de bonne foi;

– qu’il a fixé des normes de rendement appropriées qui ont été clairement communiquées au fonctionnaire;

– qu’il a donné au fonctionnaire les outils, la formation et l’encadrement nécessaires pour qu’il puisse atteindre les normes fixées dans un délai raisonnable;

– qu’il a averti le fonctionnaire par écrit que s’il n’atteignait pas les normes fixées dans le délai- qui doit être raisonnable – fixé, il serait licencié;

– que le fonctionnaire n’a pas satisfait à ces normes.

[87]  La justification dans Raymond est réitérée dans Plamondon c. Administrateur général (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2011 CRTFP 90. Dans Forner c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 136, la Cour d’appel fédérale a statué qu’un arbitre n’aurait pas dû faire sa propre analyse du rendement. La question est le rendement, et non le caractère raisonnable de la décision de licenciement (voir Mazerolle c. Administrateur général (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CRTFP 6).

[88]  La fonctionnaire a reconnu qu’elle n’avait pas réussi. Elle n’a contesté que son licenciement. En tant qu’arbitre de grief, pour conclure la présence de mauvaise foi dans une évaluation du rendement, il faut répondre aux trois questions suivantes : Les normes ont-elles été communiquées? Une formation a-t-elle été fournie? Son évaluation était-elle équitable? (Voir Mazerolle, aux paragraphes 141 à 144; Reddy c. Bureau du surintendant des institutions financières, 2012 CRTFP 94; Kalonji c. Administrateur général (Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada), 2016 CRTEFP 31; Williams c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTFP 39.)

[89]  La mauvaise foi doit être établie en fonction des faits du cas (voir Hamilton Public Library c. CUPE, Local 932 (2013), 238 L.A.C. (4e) 116). Il incombe au fonctionnaire s’estimant lésé de démontrer que l’employeur était motivé par l’hostilité, la malveillance, la mauvaise volonté ou la malhonnêteté ou qu’il avait une motivation inappropriée. L’essence de la mauvaise foi est la malhonnêteté de l’intention.

[90]  Tous les témoins de l’employeur ont déclaré un message cohérent. Trois d’entre eux ont participé à la supervision et au mentorat de première ligne de la fonctionnaire. On lui a donné des chances avant l’introduction des PAR. Lorsqu’elle est revenue de son affectation d’ASC, la situation n’était plus tenable. Les éléments de preuve montrent que les représentants de l’employeur ont interagi pendant la période de suivi. Bien qu’il soit vrai que la fonctionnaire ne pouvait pas communiquer avec Mme Toor, il est également vrai qu’elle avait des problèmes de communication en général.

[91]  La fonctionnaire travaillait de mémoire, mais le traitement des réclamations ne peut se faire ainsi. Si elle n’avait pas une compréhension fondamentale des concepts de base, elle ne pouvait pas faire son travail. Il était question du travail N1P1 chaque fois qu’un problème de N1P2 était abordé. La personnalité de Mme Toor est hors de propos. Elle est peut-être axée sur le processus, mais ce qu’elle a souligné à l’employeur, c’est le manque d’approche systématique de la fonctionnaire à l’égard de son travail.

[92]  Les cinq années au cours desquelles la fonctionnaire n’a pas fonctionné au niveau requis devraient être au centre du présent grief, et non les quatre PAR. Peu importe la conséquence, la réalité était qu’elle n’était pas capable de faire son travail. Au cours des trois dernières semaines d’un PAR, même si elle avait atteint ses objectifs, elle aurait été une employée peu performante qui ne convenait pas à son poste. Le problème fondamental était qu’elle ne pouvait pas démontrer la qualité requise ni s’acquitter de l’ensemble de ses fonctions.

[93]  La nature de l’environnement de travail a changé en 2012 avec le PARD. Il n’était plus tenable pour l’employeur de la maintenir en poste en ne remplissant qu’une partie de son travail. Le travail de N1P1 avait été éliminé avec l’automatisation. La rétrogradation ne fait pas partie du critère juridique. Les lignes directrices du Conseil du Trésor sont une pratique exemplaire et non la loi telle qu’elle est exprimée par la Commission.

[94]  Des gestionnaires de trois niveaux ont évalué le rendement de la fonctionnaire, à savoir, Mme Young, Mme McMurray et M. Gardiner. Ils ont examiné bien plus que les résultats du PAR. Leur évaluation globale a examiné si la fonctionnaire convenait au poste d’ASP. M. Gardiner a déterminé qu’il était peu probable qu’une formation supplémentaire aboutisse à une conclusion différente. Malgré tous ses efforts, au bout de cinq ans, la fonctionnaire ne s’acquittait pas de toutes les tâches d’ASP.

[95]  Il était facile de mesurer le travail dans ce milieu de travail, avec des objectifs de rendement clairs. Les processus étaient automatisés, par conséquent, les employés devaient résoudre les problèmes que les processus automatisés ne pouvaient résoudre. Tous les CEO qui ont pris part au suivi de la fonctionnaire ont indiqué que la source du problème était qu’elle n’avait pas d’approche méthodologique, ce qui a entraîné des corrections, et des corrections aux corrections. Les objectifs de rendement clairement établis doivent être atteints de manière exhaustive, et non seulement dans l’ensemble.

[96]  M. Gardiner a demandé si une formation complémentaire ferait une différence. Lorsqu’il n’était pas en mesure de conclure qu’une nouvelle tentative de formation aboutirait à un résultat différent, il a décidé qu’il convenait de licencier la fonctionnaire. Il a posé les bonnes questions et a conclu qu’il n’était pas possible de parvenir à un résultat différent. La question n’est pas de savoir si le licenciement était le bon choix ou si la rétrogradation était possible, mais de savoir si l’évaluation était raisonnable.

B.  Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

[97]  Le présent cas se distingue de Kalonji. En l’espèce, la fonctionnaire a été autorisée à exécuter une partie de son travail pendant cinq ans sans être critiquée par son employeur. Ensuite, soudainement, elle a été assujettie à une série de PAR totalisant 14 semaines et ensuite a été licenciée. Selon Williams, 18 mois sont un délai raisonnable pour satisfaire aux normes requises. Alors, comment un délai de 14 semaines pourrait-il être raisonnable?

[98]  Au paragraphe 128, Raymond définit le « caractère raisonnable » en utilisant la définition donnée dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9. Selon Dunsmuir, la décision doit appartenir aux issues possibles acceptables. Toutefois, dans Grant c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTEFP 59, au paragraphe 109, l’arbitre du grief a conclu que la mauvaise foi, s’il est prouvé qu’elle a entaché l’évaluation du rendement, peut mener à une conclusion de caractère déraisonnable en vertu de l’art. 230 de la Loi.

[99]  La Commission et ses prédécesseures ont conclu que l’employeur avait fait preuve de mauvaise foi lorsqu’il n’a pas trouvé un autre emploi pour le fonctionnaire s’estimant lésé, bien que son Manuel lui impose l’obligation d’explorer d’autres solutions (voir Nnagbo c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2001 CRTFP 1, au paragraphe 58). C’était le cas en l’espèce, tout comme le fait que l’employeur n’a pas pris en considération les demandes de rétrogradation de la fonctionnaire.

[100]  La surveillance étroite à laquelle elle a été assujettie visait à documenter ses échecs plutôt qu’à l’aider à les surmonter. L’avertissement qu’elle a reçu à plusieurs reprises était que l’épée de Damoclès était suspendue au-dessus de sa tête. Les PAR l’ont mise sur la voie de l’échec; comment aurait-elle pu accomplir davantage si elle ne pouvait pas s’acquitter de la charge de travail de base?

[101]  L’employeur a peut-être le droit de licencier un employé, mais il doit le faire de façon raisonnable et équitable. Cependant, en l’espèce, on n’a jamais donné à la fonctionnaire la possibilité de réussir. Dès le début, Mme Davies a indiqué que la fonctionnaire ne comprenait pas le travail de N1P1, et l’employeur n’a rien fait pour y remédier. Elle a été libérée de son suivi de N1P1 et a été autorisée à terminer sa période de stage probatoire sans avoir terminé avec succès le suivi du N1P2. Comment était-ce possible si elle était incapable de faire le travail? Elle a été autorisée à ne rien faire d’autre que de travailler au N1P1 pendant cinq ans, et aucun problème ne s’est posé. Comment cela s’est-il produit? Ensuite, lorsqu’elle est retournée sur le lieu de travail après une affectation en tant qu’ASC, après le PARD, c’était une crise, et elle a dû partir.

[102]  La fonctionnaire a demandé à être rétrogradée parce qu’elle a senti le danger imminent. Elle avait l’impression de n’avoir aucun soutien. Elle est revenue de son affectation et on lui a permis d’effectuer des travaux de N1P1 pendant une autre année avant que tout ne se produise. Les gestionnaires savaient à son retour que ce n’était pas dans son intérêt, mais ils n’ont rien dit et lui ont permis de reprendre son profil de travail initial.

[103]  Les PAR sont obligatoires lorsque les employés n’atteignent pas les objectifs de leur poste. La fonctionnaire n’atteignait pas ses objectifs depuis 2008, mais l’employeur n’a rien fait avant 2013. Une bonne gestion du rendement et la réussite d’une PAR nécessitent une rétroaction continue sur la façon de réussir. La fonctionnaire a satisfait à ses obligations sous le régime du PAR. Elle y a participé et a proposé des solutions, mais l’employeur n’a rien fait pour l’aider à surmonter ses lacunes. Il n’a pas envisagé d’autres solutions raisonnables, même lorsqu’elle les a proposées. Il ne l’a pas appuyée d’une façon raisonnable qui visait le succès.

[104]  L’employeur s’est contenté de la laisser effectuer le travail de N1P1 pendant cinq ans. Il lui a permis de terminer sa période de stage probatoire sans rien faire d’autre. Il l’a transférée d’un bureau à l’autre et lui a toujours permis de ne rien faire d’autre. Il l’a ramenée d’une affectation et l’a retournée au travail de N1P1. Ensuite, un an plus tard, il a exigé qu’elle commence à faire le travail de N1P2, à cause de l’automatisation. Elle a de nouveau réussi la partie de la formation en classe, mais a échoué la partie du suivi; cette fois, elle a été assujettie à un PAR.

[105]  Les suggestions de Mme Davies découlant de son examen du premier PAR ont été ignorées. Les trois autres PAR étaient des doublons, à l’exception des objectifs à atteindre. À aucun moment n’a-t-on demandé l’avis de la fonctionnaire sur les PAR. L’employeur a clairement fait preuve de mauvaise foi lorsqu’il lui a attribué du travail de N1P2 tout en sachant qu’elle n’avait pas une bonne compréhension du travail de N1P1, qui était nécessaire pour le travail de N1P2.

[106]  M. Gardiner a admis qu’il le savait. Mme Davis a soulevé la question. Mme Toor savait que les erreurs de la fonctionnaire étaient causées par son incompréhension du travail de N1P1, ce qu’elle a inclus dans son examen final. La fonctionnaire commettait des erreurs dans ses corrections parce qu’elle ne comprenait pas pourquoi elle apportait ces corrections. Malgré cela, l’employeur lui a refusé la formation, le jumelage et le traitement approprié. Les actes de l’employeur ont renforcé son sentiment qu’elle était stupide.

[107]  M. Gardiner a indiqué dans son témoignage que c’était la seule fois qu’il avait licencié quelqu’un pour faible rendement. Il a indiqué qu’il avait examiné les lettres et conclu que la fonctionnaire ne réussirait jamais. Il s’est appuyé sur le raisonnement que les autres avaient fait leur travail correctement, ce qui n’était pas le cas. Les personnes concernées savaient que la fonctionnaire avait des problèmes, mais elles ne l’aidaient pas à les surmonter.

[108]  La charge de travail de la fonctionnaire au cours des PAR n’était pas appropriée; elle n’aurait jamais été en mesure de l’accomplir, mais on l’a évaluée en fonction de cette charge de travail. La charge de travail augmentait avec chaque PAR, mais les lacunes dans les connaissances demeuraient les mêmes. L’administration des PAR était défectueuse. On lui a parlé des erreurs, mais on ne l’a pas aidée à les corriger ni à comprendre pourquoi elles étaient des erreurs.

[109]  L’employeur a communiqué des normes de rendement qui étaient impossibles à respecter par la fonctionnaire. Il l’a mise dans une situation où elle ne pouvait pas réussir, en vue d’atteindre son objectif de la retirer du milieu de travail, ce qui est l’exemple même de la mauvaise foi. Le présent grief devrait être accueilli, et la fonctionnaire devrait être réintégrée.

IV.  Motifs

[110]  Contrairement aux arguments de l’avocat de l’employeur, à mon avis, les PAR n’étaient pas le résultat de cinq années d’évaluation du rendement de la fonctionnaire. Elles étaient plutôt le résultat de son retour de l’affectation d’ASC. Face à une fonctionnaire dont le rendement n’avait pas été géré correctement tout au long de sa carrière, une sous-performante qu’on avait laissée languir, et dans les affres du PARD et de ses répercussions, l’employeur n’était pas sûr de quelle façon la traiter.

[111]  Il ressort clairement des éléments de preuve que Mme Young espérait que le problème serait réglé par le fait que la fonctionnaire accepte l’affectation d’ASC.

[112]  Mme Young n’était pas certaine de la raison pour laquelle l’affectation d’ASC avait pris fin, mais seulement qu’elle s’était terminée brusquement. La fonctionnaire était alors dans une position où elle retournait à un emploi pour lequel Mme Young ne pensait pas qu’elle convenait. D’autre part, Mme Young considérait que la fonctionnaire convenait mieux au travail d’ASC. À l’époque, Mme Young était d’avis qu’au lieu de retourner à son poste d’ASP, la fonctionnaire devrait chercher activement un emploi ailleurs. Au lieu de cela, Mme Young a dû composer avec une employée de son organisation qui ne convenait pas.

[113]  La fonctionnaire a demandé à M. Wong à plusieurs reprises ce qui arriverait si elle ne satisfaisait pas aux normes nationales. Il lui a fait savoir qu’elle pouvait être licenciée. Il s’est rappelé qu’elle lui a demandé à plusieurs reprises, selon ses dires [traduction] « souvent », pourquoi il ne la licenciait pas tout simplement, puisque c’était ce que l’employeur souhaitait, mais il ne se rappelait pas combien de fois exactement elle avait posé cette question. Mon appréciation des faits, comme je les ai entendus pendant près de deux semaines de témoignage, est que la fonctionnaire avait raison; c’était exactement le but de l’employeur.

[114]  Mme Toor a indiqué dans son témoignage que la fonctionnaire n’avait pas demandé à discuter avec son chef d’équipe et n’avait documenté aucune demande de ce type. Si elle avait des problèmes concernant le suivi qu’elle a reçu, Mme Toor n’en avait pas connaissance. La version de Mme Toor de son mentorat n’est pas crédible. De toute évidence, elle n’avait aucune conscience du stress qu’éprouvait la fonctionnaire au cours des PAR qu’elle supervisait, et elle n’a pris aucune mesure raisonnable pour aider la fonctionnaire à réussir. Ses actes constituaient ceux d’un surveillant à un examen, rien de plus. Cela n’atteint pas le seuil d’offrir une aide adéquate à la fonctionnaire dans une tentative honnête de l’aider à réussir.

[115]  Les règles concernant les questions que la fonctionnaire avait le droit d’envoyer à Mme Toor étaient excessivement strictes et ne tenaient pas compte de son incapacité à communiquer avec Mme Toor. Elles ne pouvaient être formulées de manière ouverte, mais de manière qu’on puisse y répondre par « oui » ou par « non ». Autrement, selon Mme Toor, elle aurait été incapable d’évaluer si la fonctionnaire s’était acquittée de son travail ou si elle demandait à Mme Toor de lui donner la réponse.

[116]  Je trouve ce raisonnement insondable, étant donné que, selon toutes les descriptions, la fonctionnaire était incapable d’exécuter même les tâches les plus élémentaires. Je crois qu’il est plus vraisemblable que Mme Toor aurait simplement supposé que la fonctionnaire n’eût pas compris la tâche ou qu’elle avait fait le travail avant de poser une question, et qu’elle n’a pas demandé la confirmation qu’elle était sur la bonne voie. À mon avis, cela a empêché la fonctionnaire à demander des conseils, ce qui était contraire à l’objectif du mentorat, du jumelage et du processus du PAR.

[117]  Il a été communément admis que la racine du problème de la fonctionnaire pour comprendre le travail de N1P2 était sa faible compréhension du travail de N1P1. Mme Toor a aussi mentionné la même chose lors de sa surveillance des PAR. Toutefois, bien que la fonctionnaire ait suivi une nouvelle formation pour le travail de N1P2 en 2013, elle n’a à aucun moment reçu une formation d’appoint, malgré le fait admis par tous que c’était la cause fondamentale de son incapacité à comprendre ce travail.

[118]  Lorsqu’on lui a demandé quelle était la contribution de la fonctionnaire à la rédaction des PAR, M. Wong a indiqué qu’elle n’en avait pas. Le chef de l’équipe rédige les PAR. La fonctionnaire pouvait exprimer ses préoccupations lorsqu’on lui en remettait un, mais ses commentaires se limitaient à cela. Mme Young lui présentait les PAR. Chacun était la suite du précédent; chacun reprenait après le précédent, par conséquent, les objectifs en matière de productivité et d’exactitude augmentaient avec chaque PAR. M. Wong a décrit son rôle dans le processus comme étant d’aider la fonctionnaire à réussir. Il ne se rappelait pas que Mme Toor ne lui ait jamais indiqué qu’aucune formation ne résoudrait les problèmes de la fonctionnaire.

[119]  La demande de rétrogradation de la fonctionnaire n’a reçu aucune considération, sérieuse ou autre. Bien que la réaffectation à un travail de N1P1 ne soit pas une demande raisonnable, ni conforme à la politique de l’employeur, la rétrogradation l’était, et aurait dû être envisagée sérieusement, en particulier étant donné qu’elle l’a demandée. Elle ne l’a pas été, simplement parce qu’elle ne correspondait pas au plan global de l’employeur, qui était de la renvoyer.

[120]  J’accepte le témoignage de la fonctionnaire que lors des réunions d’examen des PAR, on ne lui a indiqué que toutes les erreurs qu’elle avait commises pendant la durée de ce PAR précis. J’accepte également qu’elle n’a jamais eu aucune offre d’aide honnête, et qu’aucune suggestion utile ne lui ait été donnée sur la façon dont elle pouvait améliorer son rendement. Je crois qu’à chaque réunion, Mme Young indiquait à la fonctionnaire que si elle échouait, elle serait rétrogradée ou licenciée, parce que c’est conforme aux pièces justificatives, et que lorsque la fonctionnaire a demandé la rétrogradation, Mme Young la lui a refusée. Cela signifiait clairement que la seule option envisagée était le licenciement, qui était manifestement un acte de mauvaise foi.

[121]  J’accepte également les observations de M. Saba selon lesquelles les PAR étaient d’une durée extrêmement courte (14 semaines au total). C’était contraire à la Directive du Conseil du Trésor sur la gestion du rendement, qui indique que les PAR peuvent durer jusqu’à 18 mois. Les conseillers en relations de travail de l’employeur, qui devaient être consultés avant que ses représentants ne puissent aller de l’avant avec le licenciement, ont formulé une recommandation contre le licenciement, étant donné que c’était prématuré (pièce 1, onglet 39). La rapidité avec laquelle les lettres d’avertissement ont été envoyées à la fonctionnaire était manifestement punitive et décourageante, d’après son témoignage selon lequel elle se sentait [traduction] « petite, stupide et intimidée ». Comment pouvait-elle s’en remettre et faire preuve d’amélioration alors que deux semaines plus tard, elle recevait une autre lettre d’avertissement? Il était clair que, dès le début, l’employeur avait l’intention de la licencier (pièce 1, onglet 11).

[122]  Il ressort clairement aussi des notes des réunions qu’en réponse aux commentaires de la fonctionnaire que le fait d’être assujettie à un PAR était très stressant, tout comme le fait d’assister aux réunions d’examen, Mme Young lui a indiqué que c’était peut-être stressant, mais que c’était le protocole qu’il fallait suivre pour renvoyer quelqu’un (pièce 1, onglet 35, page 3). Mme Young n’a pas nié avoir fait ce commentaire à la barre, ce qui, selon l’avis de la Commission, témoignait de son intention et de la mauvaise fois avec laquelle, en tant que gestionnaire responsable de ce processus, elle a entamé le processus de gestion du rendement, qui a finalement abouti au licenciement de la fonctionnaire.

[123]  Je fais remarquer que la Directive sur la gestion du rendement énonce ce qui suit :

5.1 Objectif

La présente directive vise à valoriser l’importance attachée par les gestionnaires, les employés et leurs organismes au maintien d’une culture axée sur la recherche d’un rendement élevé au sein de la fonction publique.

5.2 Résultats escomptés

5.2.1. Créer un milieu de travail sain respectant les valeurs de la fonction publique et favorisant le leadership, la détermination et l’obtention de résultats;

5.2.2 Veiller à ce que les employés soient productifs, qu’ils fournissent un excellent service aux Canadiens et qu’ils possèdent les connaissances, les habiletés, les comportements, les compétences et la détermination nécessaires afin de s’acquitter de leurs tâches;

5.2.3 Examiner et régler rapidement les cas de rendement insatisfaisant dans les organismes […]

[…]

[Je mets en évidence]

[124]  Les mesures prises par les personnes qui ont participé au licenciement de la fonctionnaire pour des problèmes de rendement n’ont pas satisfait aux principes les plus fondamentaux de la directive de l’employeur. L’employeur n’a pas favorisé un engagement à un rendement élevé, n’a pas examiné rapidement la question du rendement insatisfaisant (en fait, l’employeur a laissé le problème se poursuivre pendant au moins cinq ans), n’a pas favorisé un milieu de travail sain, et n’a pas agi conformément au Code de valeurs et d’éthique du secteur public. L’argument de l’employeur selon lequel la Commission devrait considérer sa directive comme une pratique exemplaire est fallacieux alors qu’il a soutenu avec vigueur, dans des affaires dont j’étais saisie dans le passé, que les directives de l’employeur doivent être suivies à la lettre en milieu de travail.

[125]  Le fait de procéder à un PAR et d’une manière qui vise précisément à retirer de l’emploi d’un employeur dans les plus brefs délais une personne qui ne répond pas aux attentes de l’employeur en matière de rendement, sans formation adéquate, sans rétroaction, sans l’écouter, et sans donner à la personne la possibilité de réussir dans un environnement solidaire, la laissant avec un sentiment d’être rabaissée, sans valeur et intimidée, constitue un abus de pouvoir interdit par le Code de valeurs et d’éthique du secteur public. Tout processus de ce genre doit avoir été mené de mauvaise foi et ne peut résister à l’examen de la Commission.

[126]  Selon Hamilton Public Library, la mauvaise foi doit être établie s’appuyant sur les faits du cas. Il incombe au fonctionnaire s’estimant lésé de démontrer que l’employeur était motivé par l’hostilité, la malveillance, la mauvaise volonté ou la malhonnêteté ou qu’il avait une motivation inappropriée. En l’espèce, même si je ne peux conclure que les représentants de l’employeur étaient motivés par l’hostilité, la malveillance, la mauvaise volonté ou la malhonnêteté, leur motivation était certainement inappropriée. Je suis convaincue par la démonstration de la fonctionnaire que le seul but de l’employeur dans la poursuite du processus d’évaluation était qu’il était nécessaire pour mettre fin à son emploi. L’employeur n’a jamais eu l’intention que le processus fasse partie d’une stratégie de rétention.

[127]  Selon Mazerolle, je dois répondre aux trois questions suivantes pour déterminer si les actes de l’employeur étaient de mauvaise foi : Les normes ont-elles été communiquées? C’était le cas en l’espèce. Une formation a-t-elle été fournie? Je ne le crois pas. De nombreuses personnes participant au processus d’évaluation ont souligné la nécessité d’une formation de N1P1, mais elle n’a pas été fournie. Une maison bâtie sans fondations adéquates est condamnée à s’effondrer, ce qui s’est produit dans ce cas. De plus, offrir un surveillant n’équivaut pas à l’offre d’un mentor ou d’une personne pour guider et aider à l’apprentissage, au besoin. Aussi, toutes les demandes de mentorat et de jumelage auprès d’une personne avec laquelle la fonctionnaire pourrait communiquer ont été refusées. L’avocat de l’employeur a reconnu dans sa plaidoirie que la fonctionnaire ne pouvait communiquer avec Mme Toor, ce qu’il a reconnu, mais il n’a apporté aucun changement pour l’aider. En raison du fait que l’employeur n’a pas fourni à la fonctionnaire une formation adéquate et appropriée, qu’il avait bien jugée essentielle à sa réussite, il ne lui a donné aucune chance de réussir. C’était manifestement un acte de mauvaise foi.

[128]  La troisième question est de savoir si elle avait été évaluée de façon équitable. Aucune évaluation effectuée de mauvaise foi n’est équitable. La façon dont elle a été évaluée, le délai dans lequel l’évaluation a été effectuée, le manque de possibilité de poser des questions qui correspondent à sa capacité d’apprendre, le retard dans la réponse à toutes les questions qu’elle posait, le manque de formation et de mentorat approprié, toutes les autres lacunes du processus, et l’objectif manifeste de licenciement ont servi d’assurance qu’elle n’a pas été évaluée correctement. Cet objectif clair a fermement enraciné le processus dans la mauvaise foi.

[129]  Les éléments de preuve vont à l’encontre de l’argument de l’avocat de l’employeur selon lequel M. Gardiner a évalué le rendement de la fonctionnaire et a conclu de façon indépendante qu’il fallait la licencier. Dans son témoignage, il était très clair qu’il s’appuyait sur le processus mené par Mme Young et ses subordonnés. Ce processus a été mené de mauvaise foi, et il a été conclu qu’il avait enfreint le Code de valeurs et d’éthique du secteur public et était défectueux dès le départ. Par conséquent, toute décision qu’il a prise en s’appuyant sur ce processus est également défectueuse et a perpétué la mauvaise foi dans laquelle il a été mené. Il n’y avait qu’un seul objectif dans les nombreuses périodes d’évaluation auxquelles la fonctionnaire a été assujettie : le licenciement de la fonctionnaire.

[130]  Comme l’a soutenu l’avocat de l’employeur, le critère que doit appliquer un arbitre de grief dans ce type de cas se trouve au paragraphe 131 de Raymond. J’ai conclu que le délégué de l’administrateur général a agi de mauvaise foi en s’appuyant entièrement sur un processus mené de mauvaise foi, contrairement à la politique de l’employeur et au Code de valeurs et d’éthique du secteur public. Des normes appropriées n’ont pas été établies; les normes progressives qui augmentaient sans cesse, l’employeur sachant qu’elles étaient impossibles à respecter sans comprendre les principes fondamentaux du niveau N1P1, n’étaient pas raisonnables. Le fait que l’on n’a pas offert à la fonctionnaire la formation ni le mentorat nécessaires et qu’elle était surveillée par une personne avec laquelle elle ne pouvait communiquer, à savoir, Mme Toor, ne peut être considéré comme approprié. L’employeur savait que, dans ces circonstances, la fonctionnaire ne pouvait pas satisfaire aux normes, quel que soit le temps qu’il lui avait accordé. Son seul but était de suivre les étapes nécessaires pour procéder à son licenciement.

[131]  Comme c’était le cas dans Grant, il a été démontré que l’évaluation du rendement était empreinte de mauvaise foi, ce qui me mène à conclure qu’elle était déraisonnable, en vertu de l’article 230 de la Loi.

[132]  Pour ces motifs, le grief est accueilli. Toutefois, je dois également me pencher sur la réparation raisonnable. La fonctionnaire m’a demandé de la réintégrer à n’importe quel autre poste à son niveau, ce que je n’ai pas le pouvoir de faire. L’employeur m’a demandé de laisser la question de la réparation aux parties. J’ordonne que la fonctionnaire soit réintégrée à un poste de PM-01 dont les parties peuvent convenir mutuellement (voir Procureur général du Canada c. O’Leary, 2008 CF 212, aux paragraphes 13 à 15).

[133]  Sinon, s’il n’existe pas de poste de ce type, je laisserai aux parties le soin de déterminer un règlement approprié au lieu de la réintégration pour la période à compter de la date du licenciement de la fonctionnaire jusqu’à la date à laquelle elle a commencé un emploi permanent à temps plein ailleurs, moins toutes les déductions législatives ou autres, y compris le salaire gagné pendant la période de tout autre emploi. Le règlement doit inclure un taux d’intérêt approprié pour couvrir les périodes d’avant le jugement et d’après le jugement.

[134]  Je demeurerai saisie de l’affaire pour déterminer le règlement approprié en remplacement de la réintégration si les parties ne sont pas en mesure de régler la question par elles-mêmes.

[135]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V.  Ordonnance

[136]  Le grief est accueilli.

[137]  La fonctionnaire doit être réintégrée à un poste de PM-01 convenu mutuellement par les parties dans les 90 jours de la présente décision, sauf si elles parviennent à une autre entente sur un paiement en remplacement de la réintégration.

[138]  On versera à la fonctionnaire toute la rémunération et toutes les prestations rétroactivement à la date de son licenciement, moins toutes les déductions législatives ou autres exigées par la loi ou une convention collective et la déduction de tout montant réclamé à titre de revenu d’emploi sur son impôt sur le revenu pour la même période.

[139]  La fonctionnaire aura le droit à des intérêts sur le montant net qui lui est dû en vertu du paragraphe 139 au taux d’intérêt approprié, conformément aux lois de la Colombie-Britannique, tel que prévu au paragraphe 36(1) de la Loi sur les Cours fédérales (L.R.C. (1985), ch. F-7), les intérêts d’avant le jugement doivent être calculés à compter de la date du licenciement jusqu’à la date de la présente décision et après cela, à compter de la date du présent jugement jusqu’à la date de paiement au taux après jugement.

[140]  Je demeurerai saisie de l’affaire pour déterminer le montant dû à la fonctionnaire en tant que paiement en remplacement d’une réintégration si les parties ne sont pas en mesure de régler la question par elles-mêmes.

[141]  Je demeurerai saisie de l’exécution de toute ordonnance en vertu de la présente décision pour une période de six mois à compter de la date de cette ordonnance.

Le 6 décembre 2019.

Traduction de la CRTESPF

Margaret T. A. Shannon,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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