Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief dans lequel il a dit avoir droit à la rémunération de son temps de déplacement en vertu de la convention collective – il a été affecté à trois lieux différents au cours de deux ans environ – il a soutenu qu’il était à l’extérieur de sa zone d’affectation pour toutes les affectations étant donné qu’à chaque fois, la distance entre le Palais de justice, qu’il considérait comme le lieu de son poste d’attache, et le lieu d’affectation était de plus de 16 km – l’employeur a soutenu que le fonctionnaire s’estimant lésé se rendait à son lieu de travail habituel pour le temps que durait son affectation – il n’était ni en service commandé ni hors de sa zone d’affectation – la Commission a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé ne travaillait pas hors de sa zone d’affectation lorsqu’il était en affectation; il travaillait dans une nouvelle zone d’affectation – il assumait les fonctions du poste dans ces endroits pendant la période de temps établie – pendant le temps que le fonctionnaire s’estimant lésé travaillait dans un autre bureau que celui de son poste d’attache, son lieu habituel de travail devenait ce bureau – la Commission a conclu que les déplacements réclamés par le fonctionnaire s’estimant lésé ne satisfaisaient pas aux critères énoncés dans la convention collective.

Grief rejeté.

Contenu de la décision

Date:  20191209

Dossier:  566-02-05944

 

Référence:  2019 CRTESPF 120

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Frédéric Campeau

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Service correctionnel du Canada)

 

employeur

 

Répertorié

Campeau c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant :  Marie-Claire Perrault, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Lindsay Cheong, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l’employeur:  Patrick Turcot, avocat

 

Décision rendue sur la base d’arguments écrits

Deposes le 28 mars, le 16 avril, le 6 mai et le 28 mai 2019.


MOTIFS DE DÉCISION

I.  Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1]  Frédéric Campeau, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a déposé un grief le 27 février 2009, dans lequel il dit avoir droit à la rémunération de son temps de déplacement en vertu de l’article 32 de la convention collective conclue entre son agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada et l’employeur, le Conseil du Trésor, pour le groupe Services des programmes et de l’administration (date d’expiration 20 juin 2011) (la « convention collective »). Le grief a été rejeté à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs, et il a été renvoyé à l’arbitrage le 23 septembre 2011.

[2]  Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

[3]  Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et les titres de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la  « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

[4]  La Commission a décidé de procéder par voie d’audience sur dossier. Les parties ont fourni leurs arguments écrits conformément à l’échéancier établi

II.  Résumé de la preuve

  • [5] Les parties se sont entendues pour déposer un énoncé conjoint des faits, que je reprends dans les paragraphes qui suivent, avec quelques modifications de style et ajouts de précisions.

  • [6] Le fonctionnaire travaillait au Service correctionnel du Canada pour toutes les périodes pertinentes au grief. Pendant ce temps, il résidait à la même adresse, dans une municipalité située au nord de Montréal.

  • [7] Les parties conviennent que le fonctionnaire était en affectation aux endroits et dates suivants :

1) du 12 février 2007 au 22 janvier 2008 : Ville de Laval;

2) du 10 mars au 1er mai 2008 : Administration régionale du Québec, 3, place Laval, Chomedey, Ville de Laval;

3) du 2 juin 2008 au 28 février ou 12 mars 2009 (les parties ne sont pas d’accord sur la  date de la fin de l’affectation), CCC (Centre correctionnel communautaire) Laferrière, Saint-Jérôme.

  • [8] L’employeur a refusé de rémunérer le temps de déplacement réclamé par le fonctionnaire; le grief a été rejeté aux trois paliers de la procédure de règlement des griefs. Au premier palier, l’employeur a donné comme motif qu’il fallait moins de temps pour le fonctionnaire pour se rendre à son lieu d’affectation par rapport au lieu de son poste d’attache. Au deuxième palier, la réponse était que le temps de déplacement pour se rendre au lieu d’affectation ne causait aucun préjudice au fonctionnaire. Au dernier palier, le grief a été rejeté parce que le fonctionnaire était réputé l’avoir abandonné.

  • [9] Par ailleurs, dans l’énoncé conjoint des faits, les parties font état d’un désaccord quant aux faits suivants.

  • [10] Les parties ne sont pas d’accord sur le lieu du poste d’attache du fonctionnaire. D’après le fonctionnaire, son poste d’attache était situé au Palais de justice au 1, rue Notre-Dame Est, à Montréal. Selon l’employeur, le poste d’attache du fonctionnaire était situé au Bureau de district au 3155, chemin Côte-de-Liesse, dans le quartier Saint-Laurent à Montréal.

  • [11] Les parties ne sont pas tout à fait d’accord sur les affectations, et le différend relatif à ces affectations peut se résumer comme suit :

1) Affectation du 15 mai 2006 au 2 septembre 2006, Centre régional de réception, à Sainte-Anne-des-Plaines : les parties conviennent des dates et du lieu, mais l’employeur est d’avis que cette affectation n’est pas visée par le grief.

2) Affectation du 12 février 2007 au 22 janvier 2008, à Laval : les parties conviennent que l’affectation a eu lieu au Centre fédéral de formation, mais le fonctionnaire donne l’adresse comme étant 600, Montée Saint-François, alors que l’employeur soutient que l’adresse est 1300, Montée Saint-François.

3) Affectation au CCC Laferrière, à Saint-Jérôme : le fonctionnaire est d’avis que la période d’affectation était du 2 juin 2008 au 12 mars 2009, alors que l’employeur soutient que l’affectation s’est terminée le 28 février 2009. Dans une déclaration assermentée jointe au dossier, le fonctionnaire affirme que la date devrait être en fait le 31 mars 2009.

  • [12] Enfin, le fonctionnaire a affirmé que l’employeur avait accordé des frais de kilométrage pour les affectations en question.

  • [13] Le grief, déposé le 23 février 2009, est rédigé comme suit :

L’employeur m’a remboursé mes frais de déplacement pour mes détachements de février 2007 à février 2008, mars 2008 à mai 2008, octobre 2008 ainsi que mon détachement actuel au SCC Laurentides. Les déplacements requis sont à l’extérieur de ma Zone d’affectation. Or l’article 32 de ma convention collective prévoit que j’ai droit à du temps de déplacement lorsque je voyage à l’extérieur de ma zone d’affectation. L’employeur refuse de rémunérer mon temps de déplacement et ce faisant il contrevient à l’article 32 de ma convention collective.

[14]  Les parties conviennent que l’employeur n’a pas payé le temps de déplacement.

III.  Résumé de l’argumentation

A.  Pour le fonctionnaire

[15]  Le fonctionnaire précise d’abord que son poste d’attache était bien situé au Palais de justice sur la rue Notre-Dame, comme en font foi les documents suivants : l’évaluation du rendement de novembre 2004 à septembre 2005; le courriel des Services financiers qui constate que le poste d’attache est situé au Palais de justice; la déclaration assermentée du fonctionnaire.

[16]  Les dates pour les affectations sont telles qu’énoncées plus haut. Divers documents sont présentés à l’appui de cette affirmation.

[17]  Le fonctionnaire, dans une déclaration assermentée datée du 15 avril 2019, affirme que toutes les périodes d’affectation (y compris pour 2006) étaient visées par son grief.

[18]  Le fonctionnaire soutient que la zone d’affectation est définie par l’employeur comme étant à l’intérieur de 16 km du lieu de travail permanent de l’employé. Il était donc à l’extérieur de sa zone d’affectation pour toutes les affectations, car chaque fois, la distance entre le Palais de justice et le lieu d’affectation était de plus de 16 km.

[19]  En vertu de la clause 32.04 de la convention collective, l’employé a droit à la rémunération de son temps de déplacement lorsqu’il est tenu de se rendre à l’extérieur de sa zone d’affectation. Si le temps de déplacement dépasse les heures normales de travail, l’employé a droit à une rémunération au tarif prévu par l’article 28 sur les heures supplémentaires.

[20]  Le fonctionnaire prône une interprétation de la convention collective qui se fonde sur le texte même de celle-ci. Selon lui, l’article 32 n’est pas ambigu. Les motifs de l’employeur pour refuser de verser la rémunération pour le temps de déplacement ne sont pas pertinents.

B.  Pour l’employeur

  • [21] L’employeur s’oppose à ce que la Commission tienne compte, pour les fins de la présente décision, de la déclaration assermentée que le fonctionnaire a déposé avec ses arguments, puisqu’il n’y a pas eu contre-interrogatoire sur cet élément de preuve.

  • [22] Selon l’employeur, son interprétation de la clause 32.04 de la convention collective n’est pas déraisonnable. La disposition prévoit la rémunération du temps de déplacement lorsqu’un employé doit se rendre à un lieu hors de sa zone d’affectation en service commandé à la demande de l’employeur.

  • [23] La Directive sur les voyages (la « Directive ») du Conseil national mixte, qui fait partie intégrante de la convention collective, selon la clause 7.03a) de celle-ci, définit « zone d’affectation » et « voyage en service commandé ». Si l’on considère ces définitions, on constate que la clause 32.04 ne s’applique pas.

  • [24] Selon l’employeur, les décisions Hamilton c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 91 et Hutchison c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2015 CRTEFP 32, s’appliquent en l’espèce.

  • [25] Dans la décision Hamilton, deux employés en situation de détachement réclamaient également leurs frais de déplacement puisqu’ils étaient, selon eux, hors de leur zone d’affectation. L’arbitre de grief a plutôt jugé que la zone d’affectation désignait la zone entourant le lieu de travail habituel, qui dans leur cas, avait été modifié pour le temps de leur détachement, soit une période de trois ans. N’étant pas hors de leur zone d’affectation, ils n’avaient pas droit au dédommagement de leurs frais de déplacement. La décision peut être résumée par le passage suivant du paragraphe 33 :

[…] Il est entendu qu’il incombe à chaque fonctionnaire de se présenter au travail à son lieu de travail régulier à moins que, pour une raison indiquée dans la Directive sur les voyages, il y ait eu un changement de son lieu de travail. Le fait de se déplacer pour se présenter à son travail n’équivaut pas à voyager en service commandé. […]

 

  • [26] De plus, au paragraphe 9 de cette même décision, l’employeur indique que la Commission a conclu que les fonctionnaires n’étaient pas en droit de recevoir une rémunération de leurs frais de déplacement étant donné qu’ils ne rencontraient pas la définition de « service commandé » :

9 Selon la définition, lorsqu’un fonctionnaire voyage en service commandé, il ou elle se rend à un lieu de travail différent de son lieu de travail régulier, afin d’y représenter un ministère ou un organisme gouvernemental ou pour y effectuer du travail pour le compte de ce ministère ou de l’organisme gouvernemental en question. Dans le cas des fonctionnaires, […] ils ne faisaient que voyager tous les jours pour se rendre à leur lieu de travail et en revenir, ce qui ne correspond pas à la définition de voyage en service commandé…

[27]  La décision Hutchison traite d’une autre problématique, soit le temps mobilisé à bord d’un bateau, mais elle est utile pour le passage suivant :

41 De façon générale, le temps pris par un employé pour se déplacer à destination et en provenance de son lieu de travail normal n’est pas rémunéré, sous réserve de toute disposition prévoyant le contraire dans une convention collective. […]

42 Il existe trois exceptions fondamentales à cette règle générale. Il s’agit de situations dans lesquelles le concept de travail a été élargi afin de couvrir la période au cours de laquelle un employé n’effectue pas activement ses fonctions d’emploi normales.

43 La première exception s’applique lorsque le déplacement est un incident nécessaire à la tâche précise requise par l’employeur (par exemple transporter une personne expulsée vers le pays où elle est expulsée). Dans de tels cas, les arbitres et les tribunaux ont conclu que les temps de déplacement nécessaires pour accomplir cette tâche précise ainsi que le trajet de retour et toute période d’attente avant d’entreprendre le retour seront considérés comme du travail et seront rémunérés comme tels […]

44 Une deuxième exception survient lorsqu’un employé est tenu d’être en disponibilité, prêt et apte à effectuer une tâche requise. Ces employés peuvent être considérés comme étant au travail, même si le moment de la tâche à effectuer n’est pas connu et même si l’employé est par ailleurs libre de faire ce qu’il veut jusqu’à la tâche à effectuer (dans la mesure où il demeure apte et prêt à faire la tâche) […]  

45 La troisième exception s’applique lorsque la nature du travail oblige l’employé à passer des périodes prolongées loin de son lieu de travail normal. Un exemple est le cas d’un préposé à l’entretien qui est affecté à un navire dans le but d’effectuer des tests ou des réparations sur le navire en mer. La tâche précise en question peut nécessiter uniquement quelques heures du temps de l’employé, mais la tâche en soi doit être effectuée en mer. Ainsi, afin de se rendre au lieu où le travail sera effectué et d’en revenir, l’employé doit passer plusieurs autres heures à bord. Dans de tels cas, les arbitres de grief ont conclu que les employés sont « mobilisés » par leur employeur, au sens où leur temps libre ne leur appartient plus à strictement parler […]

  • [28] En l’espèce, le fonctionnaire se rendait à son lieu de travail habituel, pour le temps que durait son affectation. Il n’était ni en service commandé ni hors de sa zone d’affectation.

[29]  Par conséquent, le grief devrait être rejeté. Par ailleurs, si la Commission devait juger que le fonctionnaire a droit à la rémunération du temps de déplacement, cette décision ne devrait pas s’appliquer à la période de 2006, puisqu’elle n’était pas mentionnée, ni dans le grief ni dans les réponses de l’employeur au grief. Il est donc plus que douteux que cette période ait été incluse dans le grief original. Le principe de l’arrêt Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109, selon lequel une nouvelle question ne peut être soulevée à l’arbitrage de grief, s’appliquerait ici.

C.  Réplique du fonctionnaire

  • [30] Pour les fins de ma décision, je retiens deux arguments soulevés dans la réplique.

  • [31] Le premier argument a trait à l’application de la décision Hamilton aux faits en l’espèce. Outre le fait, d’après le fonctionnaire, qu’il y a une distinction à faire entre un détachement de trois ans et une affectation temporaire pour interpréter l’article 32 de la convention collective, le fonctionnaire avance ce qui suit :

[…]

26. […] Avec respect, nous avons de la difficulté à comprendre comment l’objet et portée de la Directive s’applique [sic] à l’article 32 lorsque ce dernier ne fait pas partie de la Directive. […]

  • [32] Le fonctionnaire signale également que la clause 32.02 de la convention collective exclut spécifiquement le temps de déplacement pour se rendre à des séances de formation. Puisque la convention collective exclut spécifiquement la formation, elle n’exclut pas le déplacement du lieu de résidence au lieu de travail temporaire, lorsque celui-ci est hors de la zone d’affectation.

  • [33] Le deuxième argument a trait à la clause 32.05b) de la convention collective. Le fonctionnaire soutient ce qui suit :

[…]

30. Finalement, nous soumettons respectueusement que l’emphase et l’isolation du terme « en service commandé » par l’employeur dans le cadre de l’article 32 ne prend pas en compte du fait que l’alinéa 32.05(b) prévoit explicitement le remboursement pour le temps de déplacement entre le domicile d’un fonctionnaire et son lieu de travail. […]

[34]  Dans sa réplique, le fonctionnaire ajoute qu’adopter le point de vue de l’employeur annulerait l’effet de la clause 32.05b) de la convention collective, ce qui irait à l’encontre des principes d’interprétation des conventions collectives.

IV.  Analyse

  • [35] Lorsqu’une décision est rendue sur la base d’arguments écrits, la Commission s’attend généralement à ce que les parties conviennent de tous les faits. Sinon, il peut être nécessaire de tenir une audience pour que les parties puissent interroger leurs témoins et contre-interroger les témoins de l’autre partie.

  • [36] En l’espèce, toutefois, je ne pense pas qu’il soit nécessaire de tenir une audience, malgré certaines contradictions dans les faits avancés, parce que finalement, mon raisonnement demeurerait le même. Il n’est donc pas nécessaire d’établir avec précision l’adresse du poste d’attache du fonctionnaire, ni les dates exactes de son affectation de juin 2008 à mars 2009. J’accepte, pour les fins de la décision, que les lieux des affectations sont à plus de 16 km du lieu du poste d’attache permanent.

  • [37] L’employeur m’a demandé de rejeter la déclaration assermentée du fonctionnaire, puisque le contre-interrogatoire n’était pas possible. Dans la mesure où la déclaration assermentée ne correspond pas à l’énoncé conjoint des faits, je ne peux y accorder le moindre poids. Par ailleurs, l’élément de la déclaration assermentée qui établit le fait que l’affectation de 2006 faisait partie du grief, ne correspond ni au texte du grief ni aux réponses de l’employeur dans la procédure de règlement des griefs. Je conclus que l’employeur n’a pas été saisi de cette question au moment de la procédure interne de règlement du grief, et par conséquent, aux termes de Burchill, je n’ai compétence sur cet aspect du grief.

  • [38] La détermination du présent grief tient dans l’interprétation de l’article 32 de la convention collective, dont je reproduis ci-dessous les passages pertinents :

32.02 La rémunération que prévoit le présent article n’est pas versée pour le temps que met l’employé-e à se rendre à des cours, à des séances de formation, à des conférences et à des séminaires, sauf s’il est tenu par l’Employeur d’y assister.

 

32.03 Aux fins de la présente convention, le temps de déplacement n’est rémunéré que dans les circonstances et dans les limites prévues par le présent article.

 

32.04 Lorsque l’employé-e est tenu de se rendre à l’extérieur de sa zone d’affectation en service commandé, au sens donné par l’Employeur à ces expressions, l’heure de départ et le mode de transport sont déterminés par l’Employeur, et l’employé-e est rémunéré pour le temps de déplacement conformément aux paragraphes 32.05 et 32.06. […]

 

32.05 Aux fins des paragraphes 32.04 et 32.06, le temps de déplacement pour lequel l’employé-e est rémunéré est le suivant :

[…]

b) si l’employé-e utilise un moyen de transport privé, le temps normal, déterminé par l’Employeur, qu’il lui faut pour se rendre de son domicile ou de son lieu de travail, selon le cas, directement à sa destination et, au retour, directement à son domicile ou à son lieu de travail;

 

[Je mets en évidence]

 

  • [39] Par ailleurs, il faut tenir compte du fait que la Directive, établie par le Conseil national mixte, fait partie intégrante de la convention collective, comme l’énonce la clause 7.03a) de la convention collective :

7.03

a) Les directives suivantes, qui peuvent être modifiées de temps à autre par suite d’une recommandation du Conseil national mixte et qui ont été approuvées par le Conseil du Trésor du Canada, font partie de la présente convention :

[…]

Directive sur les voyages

[…]

 

  • [40] La Directive comprend certaines définitions qui sont essentielles pour interpréter les termes utilisés dans la clause 32.04, soit « zone d’affectation » et « service commandé », afin de leur donner le sens que leur donne l’employeur. La Directive définit comme suit ces deux termes :

Zone d'affectation (headquarters area) – aux fins de la présente directive, région qui s’étend sur 16 kilomètres du lieu de travail assigné en empruntant la route terrestre la plus directe, sûre et praticable.

Voyage en service commandé (government travel) – désigne tous les voyages autorisés par l’employeur. L’expression est utilisée en rapport avec les circonstances dans lesquelles les dépenses prévues dans la présente directive peuvent être payées ou remboursées par les fonds publics.

 

  • [41] Je ne peux retenir l’argument du fonctionnaire selon lequel la clause 32.05b) de la convention collective prévoit expressément le déplacement du domicile au lieu de travail. Elle prévoit plutôt le déplacement à partir soit du domicile, soit du lieu de travail pour se rendre à la destination visée par le service commandé. Le texte de la clause 32.05b) se lit comme suit :

32.05 Aux fins des paragraphes 32.04 et 32.06, le temps de déplacement pour lequel l'employé-e est rémunéré est le suivant :

a) [...];

b) si l'employé-e utilise un moyen de transport privé, le temps normal, déterminé par l'Employeur, qu'il lui faut pour se rendre de son domicile ou de son lieu de travail, selon le cas, directement à sa destination et, au retour, directement à son domicile ou à son lieu de travail;

  • [42] Je suis d’avis que le raisonnement dans la décision Hamilton résout entièrement la question en l’espèce. Le fonctionnaire ne travaillait pas hors de sa zone d’affectation lorsqu’il était en affectation; il travaillait dans une nouvelle zone d’affectation. Il assumait les fonctions du poste dans ces endroits pendant la période de temps établie. Le service commandé signifie tous voyages autorisés par l’employeurailleurs qu’au lieu habituel de travail. Pendant le temps que le fonctionnairetravaillait dans un autre bureau que celui de son poste d’attache, son lieu habituel de travail (« lieu de travail assigné », selon la définition de la zone d’affectation) devenait ce bureau. Il ne s’agit pas de service commandé, qui vise, comme l’indique assez clairement le titre de la Directive, les voyages. La rémunération pour le déplacement hors de la zone d’affectation ne peut s’appliquer alors que le fonctionnaire reste dans sa zone d’affectation, qui peut être temporaire, mais qui est caractérisée par le fait que c’est la zone qui entoure le lieu habituel de travail, l’endroit où le fonctionnaire exécute ordinairement ses tâches.

  • [43] Comme le souligne la décision Hutchison, l’employeur ne rémunère pas le temps que prend l’employé pour se rendre au travail, parce que l’employé n’est pas au travail. Il peut y avoir des exceptions, où l’employé est rémunéré même s’il n’est pas en train de travailler. L’arbitre de grief énumère ces exceptions comme suit : le déplacement dans le cadre de l’exécution d’une tâche assignée hors du lieu de travail habituel, le fait d’être tenu en disponibilité, et le temps dans un espace d’où l’employé ne peut partir, comme un bateau par exemple. Il n’y a aucune commune mesure avec la situation du fonctionnaire, qui, pendant un an, se rend à un nouveau lieu de travail. L’employeur n’a pas à le rémunérer pour ce déplacement à son lieu de travail assigné, qui pour le temps de l’affectation, est son lieu de travail habituel.

[44]  Je conclus que les déplacements réclamés par le fonctionnaire ne satisfont pas aux critères énoncés à l’article 32 de la convention collective.

[45]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V.  Ordonnance

[46]  Le grief est rejeté.

Le 09 décembre 2019.

Marie-Claire Perrault,

Une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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