Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a déposé deux griefs pour contester sa suspension sans solde pour une période indéterminée, en attendant une enquête, ainsi que la décision subséquente de l’employeur de la licencier pour un grave abus de confiance. La Commission a conclu qu’elle avait compétence à l’égard du grief concernant la suspension, car elle a déterminé que la suspension était de nature disciplinaire. La Commission a conclu en outre que la suspension et le licenciement faisaient partie du même processus disciplinaire et étaient donc assujettis à une seule analyse. La Commission a conclu que le licenciement n’était pas justifié et que le lien de confiance n’avait pas été irrémédiablement rompu. Même si la Commission a reconnu la gravité de l’inconduite de la fonctionnaire s’estimant lésée, elle a conclu que ses circonstances uniques et son dossier antérieur permettaient sa réhabilitation et sa réintégration. La Commission a ordonné l’annulation du licenciement et l’a remplacée par une suspension de deux ans.

Griefs accueillis en partie.

Contenu de la décision

Date:  20191217

Dossier:  566-02-13725, 13726 et 13727

 

Référence:  2019 CRTESPF 123

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

DANIELLE CAMPEAU

Fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL

(Agence des services frontaliers du Canada)

 

défendeur

 

Répertorié

Campeau c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant :  Linda Gobeil, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée :  Goretti Fukamusenge, Alliance de la Fonction  publique du Canada

Pour le défendeur :  Zorica Guzina, avocate

 

Affaire entendue à Québec (Québec)

Du 26 au 29 avril 2019.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

I.  Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

[1]  Danielle Campeau, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), a déposé trois griefs contre les décisions de son employeur, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).

[2]  Le premier grief a été signé le 18 avril 2016. Dans ce grief, elle conteste la décision de l’employeur de la suspendre pour une période indéterminée sans solde lorsque sa cote de sécurité a été suspendue (dossier no 566‑02‑13725). Dans son deuxième grief, signé le 16 août 2016, elle conteste la décision de l’employeur en date du 9 août 2016, de la suspendre de nouveau pour une période indéterminée à compter du 18 juillet 2016 en attendant une enquête (dossier no 566‑02‑13726). Enfin, dans son troisième grief signé le 27 septembre 2016, elle conteste la décision de l’employeur de mettre fin à son emploi le 20 septembre 2016, rétroactivement au 18 juillet 2016 (dossier no 566‑02‑13727).

[3]  Au début de l’audience, la représentante de la fonctionnaire a retiré le premier grief (dossier no 566‑02‑13725). Pour cette raison, la présente décision ne porte que sur les deux autres griefs, qui traitent de sa deuxième suspension pour une période indéterminée et son licenciement, respectivement.

[4]  Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (LRTSPF).

II.  Résumé de la preuve

A.  Pour l’employeur

[5]  Au début, l’avocate de l’employeur a donné un aperçu des arguments de l’employeur. Elle a d’abord reconnu que le premier grief (concernant la suspension de la cote de sécurité de la fonctionnaire) avait été retiré. Elle a ensuite indiqué que le grief concernant la suspension pour une période indéterminée pendant l’enquête était de nature théorique ou administrative et que, par conséquent, je n’avais pas compétence à son égard. Elle a également soutenu que, en fin de compte, la preuve établirait que le licenciement était justifié parce que la fonctionnaire avait commis un grave abus de confiance. Dans les circonstances, l’employeur n’avait d’autre choix que de mettre fin à son emploi.

[6]  Neuf témoins ont témoigné pour l’employeur. Leurs témoignages sont indiqués dans le même ordre qu’ils ont comparu à l’audience.

[7]  Encore une fois, au début, l’avocate de l’employeur, avec le consentement de la représentante de la fonctionnaire, a déposé un cahier comprenant 25 pièces. Plus tard, elle a déposé sept autres pièces.

1.  Alain Surprenant

[8]  M. Surprenant est le directeur adjoint des activités d’application de la loi et du renseignement de l’ASFC. Il occupe ce poste depuis huit ans. Dans le cadre de ses fonctions, il est chargé de superviser les agents des services frontaliers et d’établir et de maintenir des communications avec les partenaires, comme la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et la Sûreté du Québec (SQ). Son rôle consiste notamment à communiquer des renseignements avec ces partenaires, surtout sur les activités aux différents points d’entrée des marchandises.

[9]  M. Surprenant a témoigné en disant que le 26 février 2016, il a été informé qu’un M. Denis Blanchard de la GRC communiquerait avec lui au sujet d’un incident qui aurait eu lieu récemment concernant un agent des services frontaliers de l’ASFC. Le lundi 29 février 2016, il a appelé M. Surprenant pour l’informer que la fonctionnaire, qui était alors une agente des services frontaliers de l’ASFC située à Sept‑Îles, au Québec, s’était présentée au bureau de poste local le 5 février 2016 pour prendre un colis qui avait été envoyé à son adresse personnelle. L’employé du bureau de poste a refusé de lui remettre le colis parce qu’il sentait la drogue. La fonctionnaire est alors apparue nerveuse et a quitté les lieux. Selon M. Blanchard, elle a communiqué avec la SQ le même jour. À cet égard, M. Blanchard a dit à M. Surprenant que le policier Monger de la SQ pourrait lui donner plus de renseignements. Le 1er mars 2016, M. Blanchard a envoyé un courriel à M. Surprenant dans lequel il a décrit l’incident du 5 février 2016 (l’« incident du 5 février 2016 »), concernant la fonctionnaire. Plus particulièrement, le courriel indiquait qu’une enquête criminelle avait été lancée (pièce E‑1, onglet 1). Le 7 mars 2016, M. Surprenant a présenté une demande officielle à la SQ pour obtenir le rapport sur l’incident du 5 février 2016 (pièce E‑1, onglet 3). Je remarque qu’après l’enquête, aucune accusation criminelle n’a été portée contre la fonctionnaire.

[10]  M. Surprenant a témoigné en disant que l’enquête avait révélé que le colis envoyé à l’adresse de la fonctionnaire et détenu par le bureau de poste contenait 12 g de hachisch, ce que la fonctionnaire n’a pas contesté à l’audience.

[11]  Le 3 mars 2016, M. Surprenant a envoyé une lettre à ses collègues de l’ASFC, dont Eric Lapierre, leur demandant d’organiser une réunion avec la fonctionnaire et la GRC. Puisque la fonctionnaire portait une arme dans le cadre de son rôle d’agente des services frontaliers, M. Surprenant a indiqué que, conformément aux procédures applicables à une telle situation, il a demandé que son arme lui soit enlevée (pièce E‑1, onglet 2).

2.  M. Lapierre

[12]  M. Lapierre est le directeur exécutif du Collège de Rigaud de l’ASFC depuis novembre 2016. À ce titre, il a indiqué qu’il s’occupe de la formation au Canada de toutes les recrues qui souhaitent devenir des agents des services frontaliers.

[13]  Pour commencer, M. Lapierre a expliqué que le processus de recrutement consiste d’abord en une formation en ligne de quatre semaines. Les personnes qui suivent cette formation avec succès sont invitées à suivre une autre séance de formation de 18 semaines au Collège de Rigaud. Lorsque cette formation est terminée avec succès, elles font ensuite l’objet d’une période de stage de 12 à 18 mois, au cours de laquelle elles sont évaluées.

[14]  Dans son témoignage, M. Lapierre a précisé que, lorsque les recrues suivent leur formation, elles apprennent à connaître le « Code de conduite » de l’ASFC (pièce E‑1, onglet 25) et le « Code de valeurs et d’éthique du secteur public » (pièce E‑4). Les recrues sont également informées de la manière d’intervenir dans certaines situations et elles participent à des jeux de rôles, dans le cadre desquels elles sont exposées à une situation qui mettent leur intégrité à l’épreuve. Plusieurs intervenants viennent également leur parler au sujet de la consommation de drogues et d’alcool pendant et en dehors des heures de travail.

[15]  Dans le cadre de son témoignage concernant la situation de la fonctionnaire, M. Lapierre a indiqué que le 2 mars 2016, M. Surprenant l’a informé de l’incident du 5 février 2016. Il a affirmé qu’il ne connaissait pas la fonctionnaire, qui relevait du surintendant Louis Berberie à ce moment‑là. M. Lapierre a indiqué qu’au moment de l’incident du 5 février 2016, la fonctionnaire était affectée à Sept‑Îles avec un collègue et que leur supérieur, M. Berberie, était situé à Québec. M. Lapierre a déclaré que M. Berberie relevait de Marc Banville, qui à son tour était sous sa supervision.

[16]  M. Lapierre a témoigné en disant qu’il a rencontré la fonctionnaire au Québec le 10 mars 2016 pour discuter de l’incident du 5 février 2016 (pièce E‑1, onglets 10, 11 et 12). Cette réunion faisait suite à sa rencontre antérieure avec M. Banville le 4 mars 2016 (pièce E‑1, onglet 9). Je remarque que M. Banville n’a pas témoigné en l’espèce.

[17]  À la réunion, M. Lapierre est retourné à la discussion de la fonctionnaire du matin du 4 mars 2016 avec M. Banville. Cette réunion avait été suivie d’une autre réunion dans l’après‑midi avec elle et Simon Côté de la GRC (pièce E‑1, onglet 11).

[18]  Dans son témoignage, M. Lapierre a raconté ce qui s’est passé lors de la réunion du 10 mars 2016, en commençant par un examen de ce que la fonctionnaire et M. Banville avaient dit le 4 mars 2016. Puisqu’il n’était pas présent le 4 mars 2016, il souhaitait confirmer auprès de la fonctionnaire ce qu’elle et M. Banville avaient dit ce jour‑là. Par conséquent, il est revenu au fait que le 4 mars 2016, M. Banville a profité de l’occasion pour récupérer l’arme de la fonctionnaire et pour l’informer qu’elle serait affectée à des tâches administratives en attendant l’issue de l’enquête. Selon M. Lapierre, les réunions du 4 mars 2016 de la fonctionnaire, le matin avec M. Banville et l’après‑midi avec la GRC, n’avaient pas été concluantes. Il a dit que la fonctionnaire ne souhaitait pas coopérer. Essentiellement, elle était restée silencieuse.

[19]  M. Lapierre a témoigné en disant que ce n’est que le 10 mars 2016 que la fonctionnaire a [traduction] « véritablement » fourni sa version de ce qui s’est produit le 5 février 2016 (pièce E‑1, onglet 11). Selon lui, elle a alors révélé que le 2 février 2016 ou vers cette date, son ami « N. », qui était son petit ami sporadique et avec qui elle avait déjà vécu, vivait à Montréal. Il lui a dit au téléphone qu’il avait envoyé un colis à sa maison à Sept‑Îles. Il n’est pas un employé de l’ASFC. Elle a affirmé qu’au début, elle avait des doutes quant au contenu du colis. Elle a ensuite admis à M. Lapierre que le matin du 5 février 2016, elle était au courant du contenu du colis que son ami, N., avait envoyé. Elle a dit que N. se préparait à déménager et qu’il ne voulait pas que ses parents, qui visitaient Montréal, voient le hachisch, alors il a choisi de le lui envoyer à Sept‑Îles. Selon elle, il avait l’intention de récupérer le contenu du colis la prochaine fois qu’il l’aura rejoint à Sept‑Îles.

[20]  M. Lapierre a déclaré en outre que la fonctionnaire lui avait dit que lorsque l’employé du bureau de poste avait retenu le colis parce qu’il sentait la drogue, elle avait paniqué et s’était rendue au poste de la SQ pour leur dire ce qui venait de se produire.

[21]  Le 10 mars 2016, la fonctionnaire a dit à M. Lapierre que le policier Monger de la SQ l’avait assurée que ce qu’elle avait dit était confidentiel. Il lui a également donné une brochure sur la prévention du suicide et lui avait suggéré de communiquer avec un avocat, ce qu’elle a fait le lundi suivant. La fonctionnaire a informé M. Lapierre que, selon les conseils de son avocat, elle ne devait rien dire ni rien faire au motif que cela pourrait aider N. (pièce E‑1, onglet 12, page 2). La fonctionnaire a choisi de ne pas parler à la GRC parce qu’elle craignait nuire à N. Elle a déclaré que cela aurait été comme « le poignarder dans le dos » (pièce E‑1, onglet 10).

[22]  M. Lapierre a témoigné en disant qu’il avait demandé à la fonctionnaire la raison pour laquelle elle ne voulait rien dire à ses rencontres avec M. Banville et la GRC le 4 mars 2016 (pièce E‑1, onglet 12, page 2). Elle lui aurait dit qu’elle souhaitait parler à N. d’abord afin de le protéger; elle ne voulait pas le trahir. Son avocat lui avait également conseillé de ne rien dire puisque cela pourrait également aider N. (pièce E‑1, onglets 11 et 12). Le matin du 5 février 2016, N. lui aurait en fait dit que s’ils ne récupéraient pas le contenu du colis [traduction] « ils auraient des ennuis » (pièce E‑1, onglet 12).

[23]  La fonctionnaire a également soutenu qu’elle ne l’avait pas soulevé auprès de ses supérieurs parce qu’elle était déprimée, qu’elle était seule à Sept‑Îles, loin de sa famille et de ses amis, et qu’elle ne souhaitait pas nuire à la crédibilité de l’Agence (pièce E‑1, onglet 11).

[24]  Selon M. Lapierre, au cours de la rencontre du 10 mars 2016, la fonctionnaire a reconnu que le fait qu’elle était une employée de l’ASFC et le fait que son ami N. consomme une drogue illicite constituaient un problème. Elle a également dit que c’était la première fois qu’elle recevait de tels contenus, ce qui constituait l’une des raisons pour lesquelles elle avait rompu avec N.; elle était en situation de conflit d’intérêts. Elle a affirmé que, dans le passé, elle avait rarement consommé des substances illicites et qu’elle n’en avait pas consommé depuis son entrée au Collège de Rigaud en tant que recrue en 2013.

[25]  Lors de la rencontre du 10 mars 2016, la fonctionnaire a également indiqué qu’elle s’était confiée à sa seule collègue, Jenny Blais, le 7 mars 2016 après sa rencontre avec M. Banville.

[26]  À la rencontre du 10 mars 2016, la fonctionnaire a accepté de fournir une déclaration écrite (pièce E‑1, onglet 12). La déclaration et les notes de sa rencontre avec M. Lapierre ce jour‑là ont ensuite été envoyées à Hervé Dominique à la Section des enquêtes relatives aux normes professionnelles de l’ASFC et à Pierre Provost, un directeur exécutif de l’ASFC (pièce E‑1, onglets 8 et 12).

[27]  Dans son témoignage, M. Lapierre a déclaré qu’il a consulté la Division des normes professionnelles de l’ASFC et sa Division des relations de travail quant au sujet de la thèse à adopter dans le cadre de cette affaire. Il s’est ensuite rendu à Sept‑Îles avec M. Banville le 18 avril 2016 pour rencontrer de nouveau la fonctionnaire, qui était accompagnée cette fois‑ci de sa représentante syndicale. L’objet était de l’informer du fait que sa cote de fiabilité avait été suspendue et qu’en conséquence, elle ne satisfaisait plus aux conditions d’emploi requises pour le poste d’agente des services frontaliers. M. Lapierre a expliqué que, jusqu’au 18 avril 2016, la fonctionnaire était soit en vacances soit affectée à des tâches légères en raison d’un certificat médical.

[28]  M. Lapierre a témoigné en disant que, le 18 avril 2016, il a donné à la fonctionnaire des lettres de Pierre Giguère, le directeur général de la sécurité de l’ASFC, et de Benoit Chiquette, le directeur général régional de l’ASFC, l’informant de la suspension de sa cote de fiabilité et de sa suspension sans solde à compter du 18 avril 2016 (pièce E‑1, onglet 6).

[29]  En ce qui concerne sa prochaine intervention, M. Lapierre a témoigné en disant qu’il a assisté à la réunion disciplinaire du 25 juillet 2016. L’objet était d’informer la fonctionnaire que, même si sa cote de fiabilité avait été rétablie (pièce E‑1, onglet 18), l’enquête menée par M. Dominique des Enquêtes relatives aux normes professionnelles avait révélé que trois allégations étaient fondées, soit tenter de recueillir le colis contenant 12 g de hachisch, l’omission de signaler l’incident à ses supérieurs et l’omission de faire preuve d’honnêteté et de sincérité. Dans les circonstances, M. Lapierre et ses collègues souhaitaient lui donner l’occasion de formuler des commentaires sur ces trois allégations et de fournir des renseignements supplémentaires à titre de facteurs atténuants.

[30]  En faisant référence à ses notes, M. Lapierre a témoigné en disant qu’à la réunion du 25 juillet 2016, la fonctionnaire a reconnu qu’elle avait fait preuve d’un mauvais jugement lorsqu’elle s’est placée dans une situation difficile et lorsqu’elle a impliqué l’ASFC. Elle a répété qu’elle était seule et sans famille à Sept‑Îles, que son père était alors très malade et que, même si ses réponses pouvaient parfois sembler contradictoires, c’était parce qu’elle subissait des attaques de panique et qu’elle était vulnérable au stress. Elle a également soutenu que, lorsqu’elle s’est rendue à la SQ le 5 février 2016, après avoir tenté de récupérer le colis, elle estimait qu’elle s’était acquittée de son obligation de divulgation (pièce E‑1, onglet 20).

[31]  À la question de savoir pourquoi l’employeur avait décidé de rétablir la cote de fiabilité de la fonctionnaire le 18 juillet 2016, M. Lapierre n’a pas été en mesure de répondre et a laissé à M. Giguère, le directeur général de la sécurité de l’ASFC, d’expliquer cette décision.

[32]  M. Lapierre a indiqué qu’à la suite de la réunion disciplinaire du 25 juillet 2016, l’employeur avait consulté les Relations de travail. Le 9 août 2016, M. Provost a envoyé une lettre à la fonctionnaire pour l’informer qu’à la suite de l’enquête de M. Dominique et que malgré le fait que sa cote de fiabilité avait été rétablie, elle était suspendue sans solde rétroactivement au 18 juillet 2016, la date à laquelle sa cote de fiabilité avait été rétablie (pièce E‑1, onglet 21). Elle n’a fourni aucun nouveau renseignement ou commentaire après avoir reçu cette lettre (pièce E‑1, onglet 22).

[33]  En contre‑interrogatoire, M. Lapierre a reconnu que le superviseur immédiat de la fonctionnaire, M. Berberie, n’avait pas participé au processus disciplinaire parce que l’intention était d’assurer la confidentialité, dans la mesure du possible, et parce que la fonctionnaire ne souhaitait pas que ces renseignements soient publics. De plus, étant donné la gravité de l’acte et le fait que les partenaires, comme la GRC et la SQ étaient concernées, il devait y participer et non M. Berberie.

[34]  À la question de savoir de quelle manière la fonctionnaire n’avait pas été honnête, M. Lapierre a expliqué que, lors de la rencontre du 4 mars 2016, elle aurait dû avoir coopéré et donné sa version des faits. Elle a préféré ne pas coopérer; et cet après‑midi‑là, elle ne souhaitait pas fournir de renseignements à la GRC. Selon M. Lapierre, elle a simplement refusé de divulguer ce qu’elle savait. Elle a préféré demeurer silencieuse plutôt que de coopérer. En ce qui concerne les explications qu’elle a fournies après la réunion disciplinaire du 25 juillet 2016, M. Lapierre a conclu en affirmant que les faits étaient connus en juillet 2016. Toutefois, il a reconnu que la fonctionnaire avait des regrets et qu’elle avait admis à maintes reprises qu’elle était désolée.

3.  M. Dominique

[35]  M. Dominique est un conseiller principal à la Division du renseignement de l’ASFC. Il travaille à l’ASFC depuis 30 ans. En 2016, il était un enquêteur principal à la Division des normes professionnelles et ses fonctions consistaient à mener des enquêtes administratives lorsque des allégations étaient présentées à l’égard d’employés de l’ASFC.

[36]  Le 4 mars 2016, M. Dominique a été informé qu’un colis postal contenant du hachisch aurait été envoyé à une agente des services frontaliers. Par conséquent, il a commencé à communiquer avec les personnes concernées, notamment M. Lapierre, M. Banville, les employés du bureau de poste de Sept‑Îles, M. Coté de la GRC et le policier Monger de la SQ, afin de déterminer s’il y avait lieu d’enquêter. Il a également obtenu les rapports de M. Banville et de M. Lapierre, ainsi qu’un document de la SQ (pièce E‑1, onglets 9, 10, 12 et 13). Il a également vérifié sur Facebook pour confirmer certains liens. Il a également obtenu une déclaration de la fonctionnaire du 31 mars 2016 (pièce E‑1, onglet 12). Par conséquent, le même jour, M. Dominique a décidé qu’il disposait suffisamment de renseignements pour lancer une enquête.

[37]  Dans le cadre de son enquête, M. Dominique a rencontré la fonctionnaire, Jenny Blais (la collègue de la fonctionnaire à Sept‑Îles), le policier Monger de la SQ, M. Coté de la GRC, M. Banville et M. Lapierre. M. Dominique a également rencontré N., l’ami de la fonctionnaire.

[38]  M. Dominique a indiqué qu’il avait invité la fonctionnaire à une rencontre le 11 avril 2016. Elle a choisi de ne pas y assister avec un observateur et semblait nerveuse, stressée et émotionnelle. Les notes de cette rencontre ont été déposées en preuve (pièce E‑1, onglet 14).

[39]  M. Dominique a expliqué qu’après avoir recueilli les faits et après ses rencontres avec les personnes concernées, il a retenu deux allégations contre la fonctionnaire, soit celle indiquant qu’elle avait tenté de récupérer le colis contenant une substance illégale (12 g de hachisch) et qu’elle avait omis de signaler rapidement l’incident du 5 février 2016 à ses supérieurs, ce qui contrevenait au Code de conduite.

[40]  Selon M. Dominique, la version de la fonctionnaire fournie à la rencontre du 11 avril 2016 était parfois contradictoire. Il a témoigné en disant qu’au départ, elle avait dit qu’elle ne savait pas ce que contenait le colis. Elle a ensuite modifié sa version en déclarant qu’elle avait eu des doutes et qu’elle avait estimé qu’il pourrait s’agir de fleurs parce que le 5 février 2016 était simplement quelques jours avant la Saint‑Valentin. Toutefois, selon M. Dominique, elle a apparemment reconnu, en fin de compte, qu’elle était au courant du contenu du colis qu’elle souhaitait récupérer, après l’avoir renvoyée à sa déclaration à M. Banville du 10 mars 2016 dans laquelle elle avait reconnu avoir été au courant du contenu du colis.

[41]  Selon M. Dominique, la fonctionnaire était également évasive en ce qui concerne les dates auxquelles elle avait consommé de la drogue. Elle aurait d’abord dit qu’elle n’avait jamais consommé de drogues et ensuite indiqué qu’elle en avait consommé quelques fois au secondaire et que la dernière fois était en 2008‑2009. En ce qui concerne N., qu’elle fréquentait depuis 2012 et avec qui elle était encore en contact, elle savait qu’il consommait des substances illicites de temps à autre. À la question de savoir si elle avait divulgué ce fait au moment où l’ASFC l’a embauché, elle a répondu qu’elle n’avait probablement rien divulgué. Lors de l’entrevue du 11 avril 2016, elle a admis que le fait qu’elle fréquentait une personne qui consommait des substances illicites pouvait avoir une incidence négative sur l’ASFC et qu’elle était en situation de conflit d’intérêts (pièce E‑1, onglet 14, page 4). Elle aurait également dit que même si N. consommait des drogues, il n’en avait jamais consommé devant elle parce qu’il savait qu’elle n’approuverait pas.

[42]  M. Dominique a estimé que sa version des faits était contradictoire en ce qui concerne le nombre de fois qu’elle a tenté de ramasser le colis le 5 février 2016. À ce sujet, selon la déclaration du policier Monger de la SQ, elle a déclaré qu’elle s’était rendue deux fois au bureau de poste le matin et l’après‑midi du 5 février, en dehors de ses heures de travail (pièce E‑1, onglet 13).

[43]  M. Dominique a également témoigné en disant que, lors de la même rencontre du 11 avril 2016, la fonctionnaire aurait déclaré qu’elle avait paniqué lorsque l’employé du bureau de poste avait refusé de lui donner le colis dans l’après‑midi du 5 février 2016, qu’elle devait absolument parler à quelqu’un, ce qui explique la raison pour laquelle elle s’est rendue volontairement à la SQ le même jour et que le policier lui aurait dit que sa déclaration était confidentielle. Son avocat, avec qui elle a communiqué le lundi 8 février 2016 suivant, lui aurait conseillé de ne rien dire et aurait déclaré qu’elle n’avait pas à s’inquiéter parce que son nom ne figurait pas sur le colis, simplement son adresse.

[44]  La fonctionnaire aurait admis qu’elle ne voulait pas que l’incident soit connu et qu’elle avait honte. Il semble qu’elle ait dit qu’elle ne voulait pas que l’ASFC en soit informé, mais qu’en même temps, elle lui en aurait informé si elle y avait pensé. Elle a indiqué qu’elle n’avait rien dit à la rencontre avec M. Banville le 4 mars 2016 parce qu’elle était encore sous le choc et ne voulait pas envoyer N. « sous l’autobus ». Apparemment, elle souhaitait clarifier toute l’affaire avec N. et l’avertir avant d’en discuter avec M. Banville le 4 mars 2016. Elle avait demandé lors de la rencontre si elle pouvait rencontrer des représentants de l’ASFC plus tard pour tout expliquer et qu’elle avait été assurée qu’elle le pourrait (pièce E‑1, onglet 14, page 6).

[45]  M. Dominique a également soutenu que la fonctionnaire lui avait dit que, si la GRC n’avait pas signalé l’incident du 5 février 2016 à l’employeur, elle ne l’aurait pas soulevé de son chef (pièce E‑1, onglet 14, page 6). En résumé, il a affirmé qu’il avait constaté qu’à la rencontre du 11 avril 2016, elle avait donné des réponses évasives et contradictoires et qu’elle n’avait pas fait preuve d’honnêteté et de sincérité. Dans les circonstances, il a décidé d’ajouter une troisième allégation contre elle, soit le fait de ne pas avoir été honnête ni sincère pendant l’enquête. Par conséquent, il a conclu qu’elle ne s’était pas acquittée de ses engagements de franchise et d’honnêteté énoncés dans le Code de conduite à l’article 8.1, à la page 18 (pièce E‑1, onglet 25).

[46]  Dans le cadre de son enquête, M. Dominique a déclaré qu’il avait tenu compte du Code de conduite (pièce E‑1, onglet 25), y compris le chapitre 4, page 13, qui renvoie à la conduite d’un employé en dehors des heures de travail et qui donne plusieurs exemples de choses à ne pas faire, comme la participation à des activités criminelles. Il a également souligné que le code précise clairement que si un employé est arrêté, détenu ou accusé, il doit signaler immédiatement l’incident à son supérieur, même pour des incidents mineurs. Je fais remarquer qu’aucune de ces situations ne s’applique en l’espèce. Le code énonce également que l’employé doit signaler tout contact ou toute association avec des individus qui sont soupçonnés d’être liés à des activités criminelles (pièce E‑1, onglet 25, page 13). Par conséquent, à son avis, la fonctionnaire aurait dû avoir déclaré sa relation avec N. puisqu’il consommait des substances illicites (pièce E‑1, onglet 25, page 13).

[47]  Selon M. Dominique, la situation de la fonctionnaire était encore plus grave, étant donné qu’elle avait le statut d’agente de la paix et que son travail en tant qu’agente des services frontaliers auprès de l’ASFC consistait à saisir des substances illégales, comme le hachisch.

[48]  Selon M. Dominique, la norme de conduite est plus élevée dans les cas où le rôle de l’employé consiste à appliquer la loi. En l’espèce, les actes de la fonctionnaire contrevenaient au Code de conduite (pièce E‑1, onglet 25, page 9).

[49]  M. Dominique a conclu son rapport d’enquête en concluant essentiellement que la fonctionnaire avait tenté de ramasser le colis contenant une substance illicite, qu’elle avait manqué à son obligation d’en informer immédiatement ses supérieurs et qu’elle n’avait pas été honnête ni sincère au sujet de l’incident du 5 février 2016, ce qui contrevenait au Code de conduite. Le rapport d’enquête a été présenté à Benoit Chiquette, un directeur général régional de l’ASFC, le 10 juin 2016 (pièce E‑1, onglet 15).

[50]  En contre‑interrogatoire, M. Dominique a précisé qu’il avait formulé personnellement les trois allégations contre la fonctionnaire en indiquant que l’obligation de signaler une infraction sans délai, comme celle du 5 février 2016, à l’ASFC signifiait que son employeur devait en être informé immédiatement. Il a témoigné en disant que, même si ce jour‑là, soit le 5 février 2016, elle a fait une déclaration auprès de la SQ, cette déclaration n’éliminait pas son obligation de divulgation à son employeur. À son avis, le fait qu’elle a insisté auprès du policier Monger de la SQ pour demander si sa déclaration demeurerait confidentielle a clairement démontré son intention de cacher l’incident de son employeur parce qu’elle comprenait la gravité de ses actes (pièce E‑1, onglet 10, page 3).

[51]  Lorsqu’il a été interrogé au sujet de la discussion avec le policier Monger de la SQ, M. Dominique a convenu que le policier avait décrit la fonctionnaire comme traumatisée lorsqu’elle est venue le voir au poste le 5 février 2016, au point que le policier estimait qu’il devait lui donner une brochure sur la prévention du suicide. M. Dominique a répondu qu’il n’avait pas été en mesure de déterminer si le stress l’avait empêchée de se confier à son employeur.

[52]  Dans son témoignage, M. Dominique n’a pas été en mesure de confirmer si N. avait un casier judiciaire.

[53]  Lors de sa rencontre avec N., M. Dominique a confirmé que N. lui avait fait part d’une relation difficile avec la fonctionnaire, surtout parce qu’il consommait des substances illicites, ce qu’elle n’acceptait pas.

[54]  M. Dominique a reconnu que, à sa connaissance, l’incident du 5 février 2016 n’avait pas fait la manchette. Il ne savait pas si les employés de l’ASFC en avaient discuté. Il a conclu que tout au long de son entrevue avec la fonctionnaire, il n’avait pas l’impression qu’elle était sincère à ce sujet.

4.  M. Provost

[55]  M. Provost a pris sa retraite de la fonction publique fédérale en juillet 2018 à la suite de 31 ans de service. Lors de l’incident du 5 février 2016, il était directeur exécutif de l’ASFC pour sa région du Québec depuis 2013. Plus particulièrement, il était l’agent de liaison entre cette région et la Section des enquêtes relatives aux normes professionnelles de l’ASFC en ce qui concerne toute inconduite professionnelle au Québec.

[56]  M. Provost a également expliqué qu’en l’espèce, il était non seulement le directeur exécutif de la région du Québec par intérim, mais également, en juillet 2016, le directeur général régional par intérim, puisqu’il devait prendre une décision pendant qu’il remplaçait temporairement M. Chiquette.

[57]  À ce stade, il convient d’expliquer qu’un autre témoin pour l’employeur, M. Giguère, qui était un directeur général à l’ASFC pendant la période pertinente, a annulé la cote de fiabilité de la fonctionnaire à l’aide d’une lettre non datée (pièce E‑1, onglet 6). (Je souligne que dans son témoignage, M. McCarthy a précisé que la lettre était du 18 avril 2016 et il a indiqué qu’il était le directeur de la Division de la sécurité et des normes professionnelles en 2016.) Après que M. Dominique a communiqué son rapport d’enquête, M. Giguère a demandé à la fonctionnaire, dans une autre lettre non datée, de présenter des commentaires sur les énoncés et les conclusions concernant les « préoccupations de sécurité » figurant dans le rapport de M. Dominique (pièce E‑1, onglet 16). Elle l’a fait dans une lettre non datée reçue par le bureau de M. Giguère le 18 juillet 2016. Satisfait de ses explications, il a décidé de rétablir sa cote de fiabilité à compter du 18 juillet 2016 (pièce E‑1, onglets 6, 7 et 18).

[58]  Toutefois, je souligne que même si la cote de fiabilité de la fonctionnaire avait été rétablie, la lettre de M. Giguère indiquait que la décision de la rétablir était indépendante de toute décision que la direction pourrait prendre compte tenu du caractère disciplinaire de l’affaire (pièce E‑1, onglet 18).

[59]  En faisant référence à la décision de M. Giguère de rétablir la cote de fiabilité de la fonctionnaire en juillet 2016, M. Provost a témoigné en disant qu’il avait néanmoins décidé de suspendre la fonctionnaire sans solde pendant une période indéterminée à compter du 18 juillet 2016, la date à laquelle M. Giguère avait rétabli sa cote de sécurité. La lettre de M. Provost indiquait qu’elle était suspendue en attendant l’issue de l’enquête disciplinaire qui, comme l’aspect sécuritaire de cette affaire, était fondée sur le rapport sur les normes professionnelles de M. Dominique.

[60]  M. Provost a justifié sa décision de suspendre la fonctionnaire sans solde le 9 août 2019 à l’aide du fait que, même si l’aspect de la sécurité avait été réglé pour l’ASFC, l’enquête disciplinaire n’était pas achevée. Puisqu’il avait en main le rapport de M. Dominique sur les normes professionnelles, il estimait que l’incident du 5 février 2016 était suffisamment grave pour la suspendre jusqu’à la fin de l’enquête disciplinaire.

[61]  Dans son témoignage, M. Provost a précisé que le processus de suspension de la cote de fiabilité et le processus disciplinaire sont deux mesures distinctes et indépendantes. Elles sont effectuées en parallèle. Par exemple, la Division de la sécurité et des normes professionnelles est chargée de rendre une décision sur l’annulation d’une cote de fiabilité. Toutefois, pour ce qui est de l’aspect disciplinaire, il incombe au gestionnaire compétent, en l’espèce le directeur général régional, soit M. Chiquette, de rendre la décision et de prendre les mesures appropriées.

[62]  Lorsqu’il a été interrogé quant à la gravité de l’incident du 5 février 2016, M. Provost a expliqué que, d’abord et avant tout, le mandat de l’ASFC consiste à appliquer la loi et à assurer la sécurité des Canadiens et Canadiennes, surtout en ce qui concerne la circulation des marchandises dans le pays. Selon lui, si des marchandises illicites circulent dans le pays, l’ASFC doit prendre des mesures. Par conséquent, toute inconduite incompatible avec son mandat doit être sanctionnée, puisqu’elle porte atteinte à la crédibilité de l’ASFC, surtout lorsqu’elle concerne des drogues interdites par le Code criminel.

[63]  M. Provost a précisé que le rôle des agents des services frontaliers consiste précisément à intercepter la circulation de drogues illicites et qu’ils sont tenus de signaler immédiatement de telles transactions. En l’espèce, la fonctionnaire a non seulement tenté de participer à une activité illégale, mais elle n’a pas non plus informé immédiatement ses supérieurs de la situation, ce qu’elle aurait dû faire. Il estimait donc qu’il devrait la suspendre de ses fonctions jusqu’à ce qu’une décision soit prise relativement à ses actes.

[64]  Selon M. Provost, la fonctionnaire a terni la réputation de l’ASFC par ses actes. Il a expliqué que l’ASFC fait partie d’un portefeuille de la sécurité publique qui comprend des organisations comme le Service correctionnel du Canada, le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et les corps policiers comme la GRC et la SQ. L’ASFC doit travailler et collaborer avec ces organisations. Il s’agit d’une question de réputation et d’intégrité professionnelle. Par conséquent, il est normal que les attentes soient plus élevées à l’égard des agents de l’ASFC, car il s’agit de la réputation de l’employeur auprès des partenaires et des Canadiens et Canadiennes. Dans les circonstances, selon M. Provost, il y a une tolérance zéro.

[65]  Selon le témoin, les actes de la fonctionnaire avaient une incidence directe sur le lien de confiance de l’ASFC avec elle. En l’espèce, elle a tenté d’intercepter le colis, sachant pleinement qu’il contenait des stupéfiants. Elle a agi en toute connaissance de cause de manière à protéger son ami qui commettait un acte illégal, ce qui l’a aussi rendue vulnérable à de futures tentatives de corruption.

[66]  M. Provost a expliqué qu’il avait décidé de suspendre la fonctionnaire le 9 août 2016, rétroactivement au 18 juillet 2016. Puisque sa cote de fiabilité avait été rétablie, il ne voulait pas qu’elle retourne à ses fonctions avant que l’enquête disciplinaire ne soit achevée et qu’une décision soit prise à son égard.

[67]  En contre‑interrogatoire, M. Provost a indiqué qu’avant de suspendre la fonctionnaire, il avait consulté non seulement le rapport d’enquête de M. Dominique, mais également les notes de sa rencontre avec M. Lapierre, le Code de conduite, la Division des ressources humaines et la Division des normes professionnelles. Il n’a pas consulté M. Berberie, son superviseur immédiat ni sa collègue, Mme Blais.

[68]  À la question de savoir pourquoi la cote de fiabilité de la fonctionnaire avait été rétablie en juillet 2016 mais, toujours en fonction de l’incident du 5 février 2016, il a été décidé qu’elle serait suspendue sans solde le 9 août 2016, M. Provost a soutenu qu’il s’agissait de deux processus différents comportant différents critères d’évaluation. Toutefois, il n’a pas été en mesure de préciser les critères plus stricts, c.‑à‑d. ceux liés à la sécurité ou ceux appliqués aux normes disciplinaires.

5.  M. Blais

[69]  Pendant la période pertinente, Mme Blais, qui comptait environ 30 années de service dans la fonction publique, était la seule collègue de la fonctionnaire en tant qu’agente des services frontaliers à Sept‑Îles. Mme Blais se rappelait que ses fonctions comprenaient, entre autres, la fouille de navires et d’aéronefs à des fins de contrebande ou de matières illicites et que le travail était accompli par deux agents. Dans le cadre de leurs fonctions, les bureaux des services frontaliers doivent travailler avec les membres de la GRC et de la SQ.

[70]  Mme Blais a confirmé qu’elle était également une représentante du Programme d’aide aux employés, mais qu’elle avait clairement indiqué dans ses discussions avec la fonctionnaire qu’elle n’agissait pas dans le cadre du Programme, mais à titre de collègue et d’employée. Mme Blais a également déclaré que beaucoup de personnes lui avaient posé « énormément » de questions au sujet de l’incident du 5 février 2016 et de la participation de la fonctionnaire, mais elle n’avait jamais répondu à ces questions. Elle estimait que la fonctionnaire était une bonne collègue, qu’elle était excellente dans l’administration et dans la fouille en général et qu’elle « n’avait rien à dire contre elle ».

[71]  Mme Blais connaissait la fonctionnaire depuis que celle‑ci avait rejoint l’ASFC en 2015.

[72]  Mme Blais a raconté que le dimanche 6 mars 2016, un mois après l’incident du 5 février 2016, la fonctionnaire avait communiqué avec elle chez‑elle pour lui demander de venir de bonne heure le lendemain, car elle souhaitait discuter avec elle. Le lundi matin, la fonctionnaire était en état de panique et lui a dit qu’elle n’était pas fière d’elle-même et qu’elle avait pleuré. Elle a raconté à Mme Blais sa version de ce qui s’était passé le 5 février 2016 et précisé que son avocat lui avait dit qu’elle ne devrait rien dire et qu’elle devrait rencontrer la GRC uniquement en présence d’un avocat. Mme Blais a fait part de sa rencontre avec la fonctionnaire le 7 mars 2016 dans une note préparée à la demande de M. Banville (pièce E‑1, onglet 7).

[73]  Mme Blais a témoigné en disant que, le 9 mars 2016, n’ayant pas eu de nouvelles de la fonctionnaire, elle a communiqué avec M. Banville parce qu’elle était très inquiète de la sécurité de la fonctionnaire. Elle a convenu avec M. Banville qu’elle devrait vérifier la fonctionnaire chez‑elle. Elle y est allée le même jour. Mme Blais a indiqué que N. a ouvert la porte pour elle. Même si au début, elle était furieuse de sa présence, elle a dit qu’en même temps, elle était rassurée de voir que la fonctionnaire n’était pas seule parce que Mme Blais était très inquiète de sa sécurité personnelle, étant donné l’état émotionnel de la fonctionnaire lorsqu’elles se sont rencontrées le 7 mars.

6.  M. Chiquette

[74]  En février 2016, M. Chiquette était le directeur général régional de l’ASFC au Québec, poste qu’il a continué d’occuper jusqu’à la fin d’octobre 2016. Il occupait donc le poste le plus élevé de l’ASFC au Québec. Il a expliqué que, à ce titre, il avait le pouvoir délégué relativement aux licenciements dans la région du Québec. Il a expliqué qu’il avait participé à plusieurs cas. En ce qui concerne le grief de la fonctionnaire, il y a participé assez tôt, étant donné que ses prétendus actes étaient graves.

[75]  En ce qui concerne la lettre de M. Giguère informant la fonctionnaire de la suspension de sa cote de fiabilité (pièce E‑1, onglet 6), M. Chiquette a témoigné en disant que l’ASFC n’avait pas d’autre choix que de la suspendre de ses fonctions sans solde pendant la période d’examen puisqu’elle ne répondait plus à une condition essentielle de son emploi, soit la détention d’une cote de fiabilité.

[76]  M. Chiquette a soutenu que, même si plus tard la cote de fiabilité de la fonctionnaire a été rétablie, soit le 18 juillet 2016, l’ASFC n’avait pas d’autres choix que d’envisager une mesure disciplinaire dans le cas, ce qui a donné lieu à la suspension sans solde pendant une période indéterminée à compter du 18 juillet 2016.

[77]  Dans son témoignage sur les motifs de sa décision de licencier la fonctionnaire, M. Chiquette a souligné la gravité des allégations contre elle. Selon lui, il était clair que, lorsqu’elle est allée ramasser le colis le 5 février 2016, elle savait qu’il contenait une substance illégale – hachisch. Toutefois, ses fonctions consistaient précisément à saisir des substances illégales, comme le hachisch. Par conséquent, l’infraction alléguée était très grave et portait atteinte à la crédibilité de l’ASFC.

[78]  Selon M. Chiquette, les actes du 5 février 2016 ont rompu la relation de confiance entre la fonctionnaire et son employeur. Il ne s’agissait pas d’une zone grise. Il a également indiqué qu’elle avait pris du temps avant d’admettre sa faute. Même si elle avait d’abord reconnu sa faute au policier Monger de la SQ, elle avait ensuite été réticente à faire part de ce qui s’était passé à son employeur. À son avis, elle semblait se soucier plus de protéger son ami N., que de discuter avec son employeur.

[79]  En plus de la SQ et de la GRC, qui étaient maintenant au courant de l’infraction de la fonctionnaire, M. Chiquette a indiqué que les employés au bureau de poste de Sept‑Îles étaient également au courant de l’infraction et que l’ASFC collaborait avec eux concernant toutes les affaires liées à l’interception de substances illégales, comme les drogues. Dans ces circonstances, l’ASFC a dû prendre des mesures à l’égard de la fonctionnaire afin de préserver sa crédibilité et sa collaboration avec ses partenaires. M. Chiquette a également mentionné qu’un incident comme celui du 5 février 2016 devient rapidement connu par le public et, par conséquent, il jetait toujours le discrédit sur le travail de l’ASFC, même si aucune accusation criminelle n’avait été portée contre la fonctionnaire.

[80]  M. Chiquette a expliqué que, pour ces raisons, l’ASFC doit avoir une confiance totale dans ses employés, surtout puisque, dans ce cas, la fonctionnaire était dans une région éloignée et son superviseur immédiat était situé à Québec. Il était donc important qu’on lui fasse confiance.

[81]  À la question de savoir s’il avait tenu compte de facteurs atténuants dans sa décision de licencier la fonctionnaire, M. Chiquette a répondu qu’il comprenait qu’elle avait exprimé des regrets, mais qu’il était trop tard; le lien de confiance avait été rompu. En premier lieu, elle n’aurait jamais dû s’associer avec une personne comme N., qui consommait des substances illicites. De plus, elle cherchait toujours à le protéger au lieu d’être transparente avec son employeur. M. Chiquette était d’avis que, par ses actes, elle s’est placée dans une situation de vulnérabilité à l’égard de tiers, ce qui aurait pu avoir des conséquences pour son employeur. Selon lui, même s’il a reconnu qu’elle avait communiqué avec la SQ le jour de l’infraction, elle aurait dû avoir informé M. Banville de ce qui s’était passé le jour de l’incident, même un mois plus tard, soit le 4 mars 2016. Elle a préféré ne pas coopérer. Elle a également préféré de ne rien dire à la GRC ce même jour. Ce faisant, elle a manqué aux obligations énoncées aux pages 9 à 13 et 18 du Code de conduite (pièce E‑1, onglet 25).

[82]  En contre-interrogatoire, M. Chiquette a expliqué qu’il devait suspendre la fonctionnaire sans solde parce qu’en perdant sa cote de fiabilité, elle ne satisfaisait plus aux conditions de son emploi. De plus, puisqu’une cote de fiabilité est obligatoire pour tous les emplois de la fonction publique, il ne pouvait pas l’affecter à d’autres fonctions. Il a également mentionné que les allégations portées contre elle étaient suffisamment graves pour ne pas la rémunérer pendant l’enquête.

[83]  Afin de justifier sa décision de suspendre la fonctionnaire sans solde et d’ensuite mettre fin à son emploi, M. Chiquette a soutenu qu’il s’en était tenu aux faits et qu’il avait tenu compte des éléments essentiels, comme l’honnêteté et l’intégrité. Il a également déclaré qu’il avait respecté les conclusions énoncées dans le rapport d’enquête de M. Dominique reçu le 10 juin 2016, selon lesquelles le lien de confiance entre la fonctionnaire et l’employeur avait été rompu (pièce E‑1, onglet 15).

[84]  À la question de savoir pourquoi l’ASFC avait décidé de procéder à la suspension pour une période indéfinie et, en septembre 2016, au licenciement, étant donné que l’ASFC avait jugé approprié quelques mois plus tôt, soit le 18 juillet 2016, de rétablir la cote de fiabilité de la fonctionnaire, M. Chiquette a répondu qu’il avait examiné principalement ses actes du point de vue de l’inconduite et que l’aspect de sécurité était différent de l’aspect disciplinaire. Toutefois, il n’a pas expliqué cette différence (pièce E‑1, onglet 18).

[85]  En contre‑interrogatoire, la représentante de la fonctionnaire a cherché à comprendre pourquoi, compte tenu des facteurs d’honnêteté et d’intégrité, l’employeur avait décidé d’une part de rétablir la cote de sécurité de la fonctionnaire, tandis que, d’autre part, en se fondant sur ces deux mêmes facteurs, il avait finalement décidé de la licencier. M. Chiquette a répondu qu’il ne connaissait pas les critères que M. Giguère avait pris en considération lorsqu’il a rétabli sa cote de fiabilité en juillet 2016 et que, pour sa part, il avait décidé de la licencier le 20 septembre 2016 en fonction des renseignements dont il disposait. M. Chiquette a déclaré qu’il avait décidé que le licenciement serait rétroactif à la date à laquelle elle avait été suspendue sans solde pour une deuxième fois le 18 juillet 2016.

[86]  M. Chiquette a convenu qu’aucune mesure disciplinaire ne figurait au dossier de la fonctionnaire, sauf celle liée à l’incident du 5 février 2016. À son avis, même si cela aurait pu constituer un facteur atténuant, il n’en demeure pas moins que la gravité de ses actes et son manque de transparence à l’égard de la direction signifiaient que le licenciement constituait la mesure disciplinaire appropriée dans les circonstances. Il a insisté sur le fait que l’ASFC n’avait été informée de l’incident du 5 février 2016 qu’indirectement par l’intermédiaire de la GRC. De plus, elle aurait dû avoir coopéré avec ses supérieurs ou la GRC, qui l’ont rencontré le 4 mars 2016. Elle a plutôt préféré protéger son ami N., ce qui a eu comme conséquence de rompre le lien de confiance. Pour M. Chiquette, sa gestion des événements à la suite de l’incident du 5 février 2016, notamment son manque de transparence ou de coopération, a pesé lourdement dans sa décision de la licencier.

7.  Erik Paradis

[87]  M. Paradis a expliqué qu’il avait remplacé M. Lapierre par intérim en septembre 2016 et qu’à ce titre, il avait invité la fonctionnaire à assister à une rencontre le 26 septembre 2016. La rencontre avait pour objet de l’informer de la décision qui avait été prise après l’audience disciplinaire du 25 juillet 2016. M. Paradis a assisté à la rencontre avec un représentant des Ressources humaines, la fonctionnaire et sa représentante syndicale. La lettre de licenciement signée par M. Chiquette et datée du 20 septembre 2016 a alors été remise à la fonctionnaire, qui l’a lue (pièce E‑1, onglets 23 et 24). Elle n’a posé aucune question à la rencontre. À la question de savoir si la décision de licencier la fonctionnaire avait déjà été prise le 26 septembre 2016, étant donné que la lettre avait été signée le 20 septembre 2016, M. Paradis a répondu que son rôle ce jour‑là consistait simplement à lui remettre la lettre; il n’a fait aucun commentaire.

8.  M. McCarthy

[88]  À titre de directeur de la Division de la sécurité et des normes professionnelles, en 2016, M. McCarthy a géré une équipe dont M. Dominique était membre. M. McCarthy compte 30 ans de service dans la fonction publique. Dans son témoignage, il a expliqué que, entre autres, il était chargé du contrôle des employés à l’ASFC et des enquêtes portant sur des questions de sécurité. Il a expliqué qu’au fil des ans, lui et son équipe avaient élaboré une trousse de formation sur la sensibilisation à l’intégrité professionnelle. Cette trousse est donnée aux recrues de l’ASFC à Rigaud. Il a déjà dirigé les cours connexes, qui ont été donnés en février et en août 2013, soit l’année au cours de laquelle la fonctionnaire s’est jointe à l’ASFC. Il a indiqué que, le 22 août 2013, une séance de sensibilisation avait été offerte en anglais à Rigaud dans le cadre du module de formation de 18 semaines. La séance dure normalement deux heures et toutes les recrues doivent y assister. Aucune recrue ne s’en est absentée.

[89]  M. McCarthy a expliqué que la trousse de formation s’inspirait des leçons apprises et de l’expérience des employés de l’ASFC. Des centaines d’employés, y compris les recrues, ont suivi une formation à l’égard de la trousse; essentiellement, elle a pour but de leur enseigner comment éviter les ennuis.

[90]  M. McCarthy a expliqué que, lors de ces séances d’instruction, les recrues et les employés reçoivent une explication de ce que signifient les valeurs et les éthiques pour l’ASFC. Des discussions ont lieu sur les comportements irrespectueux, les associations criminelles, l’utilisation non autorisée de renseignements, entre autres. On a également rappelé aux employés et aux recrues le fait que leur conduite en dehors des heures de travail pourrait également constituer un problème et ils sont informés des risques liés aux associations criminelles qui pourraient donner lieu à un chantage. M. McCarthy a expliqué que les recrues sont exposées à plusieurs exemples dans lesquels, par exemple, les membres de la famille pourraient faire partie du problème. Toutefois, même lorsque les membres de la famille sont concernés, les employés n’ont pas d’autre choix que d’en informer leurs gestionnaires.

[91]  M. McCarthy a mentionné que, par exemple, on a rappelé aux recrues la nécessité d’informer immédiatement leurs supérieurs lorsqu’un problème survient. Selon lui, on a clairement rappelé aux recrues l’importance de l’autodivulgation à la direction lorsqu’elles sont confrontées à une situation qui pourrait les toucher ou toucher leurs familles ou tout membre de leurs proches. Par exemple, si un membre de la famille est arrêté, l’employé doit en informer son superviseur.

[92]  M. McCarthy a également indiqué que les séances de sensibilisation soulignent qu’il existe un danger réel de s’associer à des personnes qui participent à des activités criminelles et qu’il est toujours difficile de rompre ces associations. Dans son témoignage, il a fait référence au paragraphe 3, à la page 5 du Code de valeurs et d’éthique du secteur public (pièce E‑4). De plus, le Code de conduite (pièce E‑1, onglet 25, pages 7 à 9, 13 et 18) énonce clairement à l’article 8.1 que les employés doivent être francs et sincères lorsqu’une situation les concerne. En l’espèce, M. McCarthy a indiqué que la fonctionnaire n’a pas coopéré lorsqu’elle a rencontré la direction et M. Dominique dans le cadre de son enquête.

[93]  M. McCarthy a expliqué qu’il avait été informé de la présente affaire lorsque son équipe est devenue concernée dans le cadre de son rôle consistant à enquêter l’incident du 5 février 2016. Le 31 mars 2016, selon les renseignements fournis par M. Dominique, il a rédigé une note à l’intention de M. Giguère, qui était alors l’agent de sécurité du Ministère. Il avait donc le pouvoir de décider si la cote de fiabilité de la fonctionnaire devait être suspendue. Dans sa note, M. McCarthy a recommandé à M. Giguère de suspendre sa cote de fiabilité pendant l’enquête de M. Dominique (pièce E‑1, onglet 4). Le 18 avril 2016, M. McCarthy a rédigé une lettre aux fins de signature par M. Giguère visant à informer la fonctionnaire que sa cote de fiabilité était suspendue pendant l’enquête de M. Dominique (pièce E‑1, onglet 6).

[94]  En ce qui concerne le filtrage de sécurité, M. McCarthy a expliqué qu’afin d’occuper leur poste, les employés de la fonction publique fédérale doivent détenir une cote de fiabilité. Il s’agit de l’exigence fondamentale. Plus simplement, sans cette cote, une personne ne peut occuper aucun poste de la fonction publique fédérale.

[95]  M. McCarthy a reçu une copie du rapport d’enquête de M. Dominique, qui l’a ensuite acheminé à M. Chiquette le 10 juin 2016. Une copie a été acheminée à la fonctionnaire et elle a ensuite fourni ses commentaires le 18 juillet 2016 (pièce E‑1, onglets 15 à 17). Tel qu’il a été indiqué dans les autres témoignages, une fois qu’il a reçu ses commentaires, M. Giguère a décidé de rétablir sa cote de fiabilité (pièce E‑1, onglet 18).

[96]  M. McCarthy a témoigné en disant que les risques qui avaient été déterminés lorsqu’il a décidé de suspendre la cote de fiabilité de la fonctionnaire le 18 avril 2016 étaient le fait qu’elle n’avait pas été franche avec la direction au sujet de l’incident du 5 février 2016, qu’à un certain moment, qu’elle avait dit qu’elle ne connaissait pas le contenu du colis que N. avait envoyé et qu’elle avait été associée avec N., qui participait à des activités criminelles. Il y avait également le fait qu’elle avait été incohérente quant au moment où elle avait consommé de la drogue. Enfin, elle avait agi contrairement au bon comportement attendu d’une agente de l’ASFC.

[97]  Dans son témoignage, M. McCarthy a souligné les normes que l’ASFC prend en considération lorsqu’elle évalue une personne et lorsqu’elle décide si une cote de fiabilité devrait être accordée à cette personne (pièce E‑1, onglet 5).

[98]  À la question de savoir pourquoi le 18 juillet 2016, après avoir reçu les commentaires de la fonctionnaire, il a été décidé de rétablir sa cote de fiabilité, M. McCarthy a reconnu que même s’il incombait à M. Giguère de prendre cette décision, il lui avait néanmoins recommandé de rétablir la cote sous réserve qu’elle suive avec succès une séance de formation. M. McCarthy a expliqué qu’il avait tenu compte des faits selon lesquels, à la date de l’incident, la fonctionnaire vivait loin de chez‑elle, à Sept‑Îles, et qu’elle avait exprimé des regrets et des remords. Toutefois, il a insisté sur le fait qu’il n’avait examiné que l’aspect de la sécurité du problème. Il ne s’est pas prononcé d’un point de vue disciplinaire (pièce E‑1, onglets 6 et 18).

9.  M. Giguère

[99]  M. Giguère a pris sa retraite de la fonction publique fédérale en 2017 et travaille maintenant dans le secteur privé.

[100]  En février 2016, M. Giguère était le directeur général des Normes professionnelles et sécurité depuis 2012. Avant cette date, il avait été membre de la GRC.

[101]  Notamment, en 2016, il était responsable du filtrage de sécurité des employés, de l’examen des demandes de cote de fiabilité pour les demandeurs de l’ASFC, des enquêtes administratives liées au Code de conduite et de la sécurité physique des employés et des bâtiments de l’ASFC. Il était également responsable de la sécurité informatique à l’ASFC.

[102]  M. Giguère a témoigné en disant qu’il avait été informé de l’incident du 5 février 2016 concernant la fonctionnaire en avril 2016. Il a indiqué qu’il avait suspendu sa cote de fiabilité en se fondant sur les renseignements fournis par M. McCarthy, peut‑être sur les notes de M. Banville (pièce E‑1, onglets 4 et 9) et les renseignements fournis par ses employés.

[103]  M. Giguère a expliqué que chaque employé de la fonction publique fédérale doit obtenir une cote de fiabilité; un emploi dans la fonction publique fédérale ne peut être obtenu sans une telle cote. Il a distingué la cote de fiabilité de la cote de sécurité. La cote de fiabilité est accordée à la suite d’une consultation avec la GRC et d’une évaluation des facteurs comme l’évaluation du crédit, les associations d’une personne, entre autres. En ce qui concerne la cote de sécurité, comme le niveau secret, le SCRS est chargé de procéder à l’évaluation nécessaire, principalement en tenant compte de la sécurité nationale. M. Giguère a témoigné en disant que son sous‑ministre lui avait conféré le pouvoir délégué nécessaire pour suspendre la cote de fiabilité de la fonctionnaire. Toutefois, un sous‑ministre ne peut pas déléguer le pouvoir de suspendre ou de révoquer une cote de sécurité.

[104]  M. Giguère a expliqué les trois facteurs qui sont pris en compte lors de l’octroi ou de la suspension de la cote de fiabilité, soit l’honnêteté et l’intégrité et la question de savoir si la personne est digne de confiance. Il a expliqué qu’il avait décidé de suspendre la cote de fiabilité de la fonctionnaire en avril 2016 au motif que le mandat principal de l’ASFC consiste à appliquer la loi. Lorsqu’il a examiné l’incident du 5 février 2016, sans connaître ses explications à l’époque, il a conclu qu’il existait un risque pour l’ASFC. Il a expliqué qu’à ce moment‑là, il estimait qu’elle pourrait être vulnérable en raison de son association avec une personne qui consommait des substances illégales, étant donné que le rôle d’un agent des services frontaliers consiste particulièrement à surveiller et à contrôler la circulation des drogues. De plus, elle n’avait pas informé elle‑même son employeur de la situation. Elle avait choisi de ne rien dire, de protéger son ami. M. Giguère était d’avis que, ce faisant, elle pouvait devenir une menace interne à la sécurité de l’ASFC. Craignant la sécurité de l’ASFC et selon le fait qu’elle devait interagir avec la GRC et la SQ dans le cadre de ses fonctions et, par conséquent, l’importance d’être crédible avec ces partenaires, il a décidé de suspendre sa cote de fiabilité après avoir consulté la Norme sur le filtrage de sécurité (pièce E‑5, page 5).

[105]  Après avoir suspendu la cote de fiabilité de la fonctionnaire en avril 2016, M. Giguère a témoigné en disant qu’il avait reçu le rapport d’enquête de M. Dominique, qu’il lui avait envoyé dans une lettre non datée. Dans la lettre, il lui a demandé de répondre aux préoccupations soulevées dans le rapport d’enquête de M. Dominique (pièce E‑1, onglet 16).

[106]  M. Giguère a expliqué qu’il avait reçu les commentaires de la fonctionnaire le 18 juillet 2016 (pièce E‑1, onglet 17). Il a déclaré que ce dont il avait compris de ces commentaires était que le 5 février 2016, elle était seule, loin de sa famille et sans amis. Son père était également très malade pendant cette période, ce qui, selon M. Giguère, avait aggravé son stress. De plus, il a expliqué que, puisque sa relation avec son ami n’était pas viable, l’influence négative de son ami qui avait suscité au départ les préoccupations selon lesquelles elle était dans une situation vulnérable et qui avaient donné lieu à la suspension de sa cote de fiabilité ne constituait plus un facteur. M. Giguère a également expliqué qu’il avait lu les notes de M. Banville, qui avait discuté du sort de la fonctionnaire avec son superviseur immédiat, M. Berberie. Il avait fait preuve de tristesse à l’égard de la situation, car la fonctionnaire avait éprouvé des difficultés au moment pertinent, et, après tout, elle était une bonne employée et une bonne personne (pièce E‑1, onglet 9, page 8).

[107]  M. Giguère a dit qu’il avait tenu compte de tous ces facteurs, y compris le fait que, selon lui, la fonctionnaire n’était pas tenue de coopérer avec la GRC le 4 mars 2016, étant donné qu’elle n’était pas tenue de s’incriminer. À cet égard, il a indiqué qu’il était d’avis qu’elle n’était pas tenue de discuter avec la GRC l’après‑midi du 4 mars et qu’elle n’était pas tenue de se présenter à la SQ ce jour‑là. Il a ensuite indiqué qu’il s’était demandé s’il serait disposé à inclure une personne comme elle dans son équipe. Il a déterminé que même si, à son avis, elle avait certainement fait preuve d’un manque de jugement, elle ne présentait pas nécessairement un risque à la sécurité de l’ASFC. Dans les circonstances, il a témoigné en disant qu’il n’aurait aucun problème à ce qu’elle fasse partie de son équipe.

[108]  Même si M. Giguère a déclaré qu’il était convaincu que la fonctionnaire ne présentait aucun risque pour l’ASFC, il a précisé qu’il n’avait pas pris la décision concernant l’aspect disciplinaire de cette affaire. D’une part, il a signalé que sa lettre non datée à l’intention de la fonctionnaire indiquait que même si une cote de fiabilité lui avait été octroyée de nouveau, cette question était distincte de toute décision que la direction pouvait prendre quant à la mesure disciplinaire à imposer (pièce E‑1, onglet 18).

[109]  À la question de savoir pourquoi, selon les mêmes facteurs que ceux exprimés dans les lettres de suspension de sa cote de fiabilité et de licenciement, il a été conclu que la fonctionnaire était fiable, honnête, intègre et digne de confiance du point de vue de la sécurité, mais non du point de vue des relations de travail (pièce E‑1, onglets 6 et 24), il a souligné qu’il avait pris sa décision en tenant compte du facteur d’intégrité à la lumière du risque qu’elle puisse ou non présenté pour l’ASFC, alors que ses collègues qui devaient décider s’il fallait la licencier devaient tenir compte de la question de savoir si elle était apte à occuper un poste d’agente des services frontaliers.

B.  Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

[110]  Avant de citer à témoigner son seul témoin, soit la fonctionnaire, sa représentante a fait une déclaration préliminaire.

[111]  La représentante a soutenu que la question à poser en l’espèce consiste à savoir si la sanction imposée à la fonctionnaire pour l’incident du 5 février 2016 était trop sévère. En fait, la représentante a déclaré que les allégations contre la fonctionnaire n’étaient pas contestées. Elle a indiqué qu’il s’agissait plutôt de déterminer si toute cette affaire justifiait le licenciement ou si, comme M. Giguère a conclu, la fonctionnaire a simplement fait preuve d’un manque de jugement, que le licenciement était déraisonnable et qu’il constituait une sanction beaucoup trop sévère dans les circonstances.

[112]  Tel que cela a été indiqué, à l’audience, la représentante de la fonctionnaire a retiré le premier grief portant sur la suspension pour une période indéfinie de la fonctionnaire à la suite de la suspension de sa cote de fiabilité le 18 avril 2016. Sa représentante a fait valoir le fait qu’à compter du 18 juillet 2016, la date à laquelle la cote de fiabilité de la fonctionnaire a été rétablie, aucune autre mesure disciplinaire n’aurait dû être prise à son égard.

[113]  La représentante a soutenu que, le 18 juillet 2016, lorsque M. Giguère a conclu que la fonctionnaire ne présentait aucun risque pour l’ASFC et que les préoccupations concernant son honnêteté et sa fiabilité avaient été réglées, l’employeur n’avait aucune raison de la suspendre de nouveau ou, évidemment, de la licencier.

1. Mme Campeau

[114]  Mme Campeau était le seul témoin du syndicat. Elle a témoigné brièvement.

[115]  Elle a expliqué qu’à l’heure actuelle, elle a 27 ans et qu’elle avait 24 ans le 5 février 2016. Elle vit toujours à Sept‑Îles. Depuis son congédiement de l’ASFC en septembre 2016, elle travaille à temps plein depuis 2017 comme conseillère auprès des jeunes dans un refuge pour femmes victimes de violence. Avant cette date, elle a travaillé comme éducatrice dans une garderie pendant une certaine période, comme serveuse dans un restaurant et comme préposée aux bénéficiaires. Elle a témoigné en disant qu’après avoir été licenciée, elle a dû vendre sa maison en novembre 2017.

[116]  Elle a indiqué qu’elle est arrivée à Sept‑Îles pour travailler pour l’ASFC en 2014 à la suite d’un stage de 14 mois à l’aéroport Jean Lesage à Québec. Elle a obtenu son diplôme du collège de Rigaud en décembre 2013.

[117]  À la question de savoir pourquoi elle n’avait pas informé ses supérieurs de l’incident du 5 février 2016, la fonctionnaire a déclaré que même si elle avait présenté ses excuses 100 fois, rien ne pouvait expliquer son état d’esprit pendant cette période. Elle a témoigné en disant qu’elle avait souffert d’anxiété chronique depuis le secondaire. Elle a indiqué qu’elle était seule pendant la période qu’elle était à Sept‑Îles, qu’elle se sentait isolée et qu’elle n’avait personne à qui parler. Elle a dit que même si le policier Monger de la SQ et son avocat lui avaient donné des conseils, elle était confuse quant à ce qu’elle devait faire. La déclaration écrite du 31 mars 2016 a été faite sur les conseils de son avocat (pièce E‑1, onglet 12).

[118]  À la question de savoir pourquoi elle avait mis son emploi en péril en ramassant le colis contenant du hachisch le 5 février 2016, elle a répondu que [traduction] « à l’époque, [elle] ne pensait pas clairement », et qu’elle n’avait pas songé au Code de conduite ni à la formation qu’elle avait suivie.

[119]  Dans son témoignage, la fonctionnaire a souligné qu’elle souhaitait être rétablie dans ses fonctions, qu’elle était une employée fière qui avait commis une erreur et un manque de jugement et qu’elle estimait qu’elle avait déjà payé le prix de ses actes.

[120]  En contre‑interrogatoire, elle a reconnu qu’en 2015, elle avait reçu une lettre d’offre qui soulignait l’obligation de tout employé de l’ASFC de se conformer au Code de valeurs et d’éthique du secteur public (pièce E‑7). Toutefois, elle ne se souvenait pas d’avoir vu sa description de travail (pièce E‑8). Elle a indiqué qu’en 2013, elle avait probablement assisté à la séance de sensibilisation que M. McCarthy a décrite dans son témoignage. Elle a également répété qu’elle maintenait la déclaration faite le 18 juillet 2015 et elle a ajouté qu’à l’époque de l’incident du 5 février 2016, elle était confrontée à un grand nombre de facteurs externes, dont la maladie de son père. Sa situation était instable et elle avait du mal à se rappeler des détails. Elle était stressée (pièce E‑1, onglet 17). Elle a expliqué qu’elle avait été diagnostiquée comme souffrant d’anxiété au cours des mois précédents. Elle a indiqué qu’elle avait consulté son syndicat à la mi‑avril 2016.

[121]  En réponse à mes questions, la fonctionnaire a témoigné en disant qu’elle vit toujours à Sept‑Îles et qu’elle avait « refait sa vie ». Elle a également reconnu qu’elle avait découvert le matin du 5 février 2016 le contenu du colis que N. lui avait envoyé. Elle a précisé qu’elle avait consulté son avocat à Sept‑Îles et qu’elle n’avait pas songé de parler à un représentant syndical lorsque les choses ont commencé à se défaire. Elle ne savait pas à qui s’adresser.

III.  Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

[122]  L’avocate de l’employeur a commencé par le deuxième grief concernant la suspension de la fonctionnaire sans solde en attendant l’issue de l’enquête du 18 juillet jusqu’à son licenciement le 20 septembre 2016. L’avocate a soutenu que ce grief est théorique parce que le licenciement était rétroactif à la première date de suspension, en l’espèce, le 18 juillet 2016, et que l’employeur pouvait mettre fin rétroactivement à son emploi. Subsidiairement, l’avocate a fait valoir le fait que, si je ne suis pas d’accord pour dire qu’il est théorique, je devrais conclure qu’il est de nature administrative et que, par conséquent, je n’ai toujours pas compétence à son égard. L’avocate a fait référence au témoignage de M. Provost dans le cadre duquel il a expliqué qu’en juillet 2016, la fonctionnaire présentait un risque pour l’employeur et qu’il n’avait donc d’autre choix que de la suspendre sans solde en attendant le résultat. L’avocate m’a renvoyé aux al. 7(1)e) et 12(1)c) de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F‑11) et aux décisions suivantes : Gravelle c. Administrateur général (ministère de la Justice), 2014 CRTFP 61; Bahniuk c. Agence du revenu du Canada, 2012 CRTFP 107; Brazeau c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2008 CRTFP 62, au par. 154; Shaver c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 43, au par. 80; Lapostolle c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 134 (confirmée dans 2013 CF 895); Richer c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 10; Dionne c. Conseil du Trésor (Solliciteur général – Service correctionnel Canada), 2003 CRTFP 69.

[123]  En ce qui a trait au licenciement de la fonctionnaire, l’avocate a demandé si l’inconduite s’était produite et, dans l’affirmative, si le congédiement avait été approprié. L’avocate a passé en revue les faits de l’affaire, commençant par le fait que la fonctionnaire s’était présentée deux fois au bureau de poste de Sept‑Îles pour récupérer le colis qu’elle savait contenir une substance illégale. L’avocate a ensuite passé en revue ses rencontres avec la direction, notamment les 4 et 10 mars 2016, ainsi qu’une avec la GRC et une avec l’enquêteur, M. Dominique, le 11 avril 2016. L’avocate a conclu qu’elle n’avait jamais fait preuve de transparence et qu’elle avait préféré protéger son petit‑ami, N.

[124]  L’avocate a insisté sur le fait que, non seulement la direction avait été informée de l’incident du 5 février 2016 par l’intermédiaire de l’un de ses partenaires près d’un mois après qu’il est survenu, mais également que la fonctionnaire n’avait pas été franche et avait essentiellement refusé de collaborer. Par conséquent, l’avocate a conclu que les trois raisons invoquées aux fins du congédiement dans la lettre de M. Chiquette du 20 septembre 2016 étaient toutes clairement établies, notamment, la fonctionnaire avait tenté de récupérer le colis contenant des drogues, elle n’en avait pas informé immédiatement la direction et elle avait été malhonnête (pièce E‑1, onglet 24).

[125]  L’avocate a souligné que, malgré sa déclaration initiale selon laquelle elle ne le savait pas, la fonctionnaire savait très bien ce qu’on lui avait demandé de faire le 5 février 2016, soit récupérer le colis contenant une drogue illégale. Elle l’a fait et a omis d’en informer la direction. Par conséquent, l’ASFC était justifiée de mettre fin à son emploi; le lien de confiance entre l’employeur et elle était rompu.

[126]  L’avocate a ensuite demandé si le congédiement constituait la sanction appropriée dans les circonstances. L’avocate a déclaré qu’elle l’était et a justifié la décision de la direction en insistant sur le fait que l’ASFC était responsable de la circulation des personnes et des marchandises à l’intérieur et à l’extérieur du pays. L’interception des marchandises illégales est au cœur de son mandat. À titre d’agente des services frontaliers et d’agente de la paix, comme l’a expliqué M. Dominique, la fonctionnaire était chargée de fouiller et de récupérer les substances illégales et non de contribuer à leur circulation. L’avocate m’a renvoyé aux décisions suivantes : Newman c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2012 CRTFP 88, au par. 728; Stokaluk c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2015 CRTEFP 24; Stead c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 87, au par. 67; McKenzie c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 26, aux par. 75 à 81.

[127]  L’avocate a soutenu qu’il s’agissait plus qu’un manque de jugement; il s’agissait d’un abus de confiance très grave. Elle a insisté sur le fait que, comme tout agent des services frontaliers, la fonctionnaire était tenue de respecter une norme plus élevée, étant donné son rôle d’application de la loi tout en assurant la sécurité publique. Ses actes le 5 février 2016 ne pouvaient pas être tolérés et ils étaient entièrement incompatibles avec ses fonctions. Elle a simplement omis de s’acquitter de ses responsabilités. Selon l’avocate de l’employeur, il est inadmissible qu’une agente des services frontaliers qui est également une agente de la paix et dont la principale responsabilité consiste à procéder à des fouilles afin de trouver des drogues et de la contrebande aide un ami à recueillir ses drogues. Voir Richer.

[128]  L’avocate est d’avis que la fonctionnaire a fait preuve d’un manque d’intégrité dans l’exécution de son travail, et elle a aggravé la situation en n’informant pas la direction. L’avocate a fait valoir le fait que ce que la fonctionnaire a sciemment fait le 5 février 2016 était contraire au mandat de base de l’employeur. Par conséquent, la sanction aurait dû viser à dissuader.

[129]  L’avocate a insisté sur le fait que l’ASFC a été informée de l’incident non pas par la fonctionnaire, mais par l’intermédiaire de son partenaire, soit la GRC, ce qui est troublant et ajoute à l’embarras de toute l’affaire. L’avocate a soutenu que les actes de la fonctionnaire avaient des répercussions sur la réputation de l’employeur auprès de ses partenaires et qu’il n’avait d’autre choix que de prendre une mesure sérieuse s’il souhaitait maintenir sa crédibilité et sa réputation auprès d’autres organismes d’application de la loi. L’avocate m’a renvoyé à Simoneau c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), 2003 CRTFP 57. L’avocate était d’avis que l’employeur doit être en mesure de faire confiance à son employée et ne devrait pas avoir à se demander si, à l’avenir, l’employée agira à l’encontre de ses intérêts. L’avocate a soutenu que, en l’espèce, le lien de confiance entre l’employeur et la fonctionnaire était irrémédiablement rompu; voir Yarmolinsky c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2005 CRTFP 6. L’avocate de l’employeur a déclaré que, non seulement la fonctionnaire occupait un poste de confiance, mais également qu’elle était tenue de respecter les obligations du Code de conduite (pièce E‑1, onglet 25). L’avocate a soutenu qu’elle avait été récemment recrutée, bien au courant de ses obligations et qu’elle avait suivi la formation nécessaire. L’avocate a déclaré que, par exemple, il est clair qu’une recrue ou un employé ne peut, conformément à ce code, s’associer avec des personnes qui participent à des activités criminelles. En l’espèce, en plus d’avoir participé directement à l’incident du 5 février 2016, la fonctionnaire a choisi de continuer de s’associer avec N., même si elle savait parfaitement bien qu’il consommait des substances illégales. Selon l’avocate de l’employeur, cela contrevenait directement au code, qui exige que les employés se conduisent au travail ou à l’extérieur du travail d’une manière qui tient compte des valeurs et de l’éthique de l’employeur. Plus particulièrement, le code interdit les activités illégales ou l’association avec des personnes qui participent à des activités illicites et il impose clairement aux employés l’obligation de signaler sans délai tout acte ou comportement douteux (pièce E‑1, onglet 25, pages 7, 8 (paragraphe 13), 9, 13 et 18).

[130]  L’avocate a également insisté sur le fait que le comportement de la fonctionnaire demeurait douteux même après que l’employeur était au courant de l’incident du 5 février 2016 au début du mois de mars, presque un mois plus tard. L’avocate a soutenu qu’elle était demeurée presque silencieuse lors des rencontres du 4 mars 2016, d’abord avec M. Banville, puis avec la GRC dans l’après‑midi. Elle l’a fait pour protéger son ami, N. De plus, le fait qu’elle avait d’abord dit à maintes reprises, y compris dans sa déclaration du 4 mars 2016 et lorsqu’elle a rencontré M. Dominique au cours de l’enquête, qu’elle ne connaissait pas le contenu du colis avant d’essayer de le récupérer et qu’elle a ensuite changé d’avis et a admis qu’elle le savait. Tout cela laisse entendre qu’une sanction sérieuse s’imposait, car elle est évidemment restée évasive et non transparente. L’avocate m’a renvoyée à Hughes c. Agence Parcs Canada, 2015 CRTEFP 75, aux par. 142 et 143. L’avocate a également indiqué que la fonctionnaire n’avait jamais eu l’intention d’être franche; elle a admis à M. Dominique qu’elle n’aurait pas informé la direction si la GRC ne l’avait pas fait. En fait, elle a admis qu’elle ne souhaitait pas que l’ASFC soit informée de l’incident du 5 février 2016 (pièce E‑1, onglet 15, page 11, alinéa 23h)). Elle n’a commencé à l’admettre que lorsqu’elle a été mise au pied du mur et l’avocate a soutenu que, même à ce moment‑là, elle a souvent donné des renseignements contradictoires et incomplets.

[131]  L’avocate m’a renvoyée au témoignage de M. Chiquette dans lequel il a exprimé de graves préoccupations au sujet du fait qu’il a fallu presque un mois pour la fonctionnaire d’admettre l’incident et que le passage du temps en l’espèce a sérieusement érodé la confiance en elle. L’avocate a expliqué que M. Chiquette a raison d’estimer que l’ASFC ne peut plus avoir confiance en elle et qu’il serait difficile de lui faire confiance à nouveau, surtout étant donné que son superviseur est éloigné, soit à Québec. L’avocate était d’accord avec M. Chiquette pour dire que, même si la fonctionnaire a fait ce qu’elle devait faire lorsqu’elle s’est présentée à la SQ le 5 février 2016, la façon dont elle a géré la situation par la suite, en n’étant pas transparente, rend douteux son rétablissement futur.

[132]  L’avocate a fait valoir le fait que, même lorsqu’elle s’est présentée à la SQ immédiatement après l’incident du 5 février 2016, la fonctionnaire se préoccupait plus d’assurer la confidentialité que d’être honnête avec son employeur. Elle souhaitait parler à N. avant de discuter avec la GRC le 4 mars 2016; encore une fois, elle s’intéressait plus à protéger son ami que de s’expliquer à ses supérieurs, même si elle savait à ce moment‑là que ses actes pouvaient entraîner son congédiement (pièce E‑1, onglet 9, page 4).

[133]  L’avocate a également indiqué un autre sujet de préoccupation. Même lorsqu’elle se savait dans le pétrin, la fonctionnaire n’a jamais rompu ses liens avec N., qui, encore une fois, consommait des substances illégales. Il lui a rendu visite en mars 2016 à Sept‑Îles et était présent lorsque Mme Blais s’est présentée de manière inattendue à la résidence de la fonctionnaire. Selon l’avocate, il s’agit d’un autre sujet de préoccupation qui contrevient clairement au Code de conduite qui énonce que les employés de l’ASFC doivent éviter et divulguer à la direction ces associations (pièce E‑1, onglet 25, page 9).

[134]  En réponse à l’explication de la fonctionnaire selon laquelle elle souffre d’anxiété chronique, l’avocate a soutenu qu’elle n’a été diagnostiquée que l’année dernière et qu’il n’existe aucune preuve médicale de son existence lors de l’incident du 5 février 2016. L’avocate a insisté sur le fait que la direction avait pris sa décision en septembre 2016 en fonction des renseignements disponibles à cette date.

[135]  Dans ses observations, l’avocate a fait une distinction entre l’aspect de sécurité de l’infraction et ses conséquences disciplinaires. Ce sont deux domaines différents. L’avocate a expliqué que M. Giguère avait examiné l’aspect de la sécurité de l’ASFC du point de vue de la fiabilité, en tenant compte des politiques particulières. Il ne l’a pas examiné du point vu de l’aptitude; c.‑à‑d., si la personne était apte au travail. L’avocate a soutenu qu’en ce qui concerne M. Chiquette, il a tenu compte du Code de conduite et a conclu que la fonctionnaire avait contrevenu à de nombreux aspects de celui‑ci.

[136]  Quant à savoir si le licenciement constituait la mesure disciplinaire appropriée, l’avocate a fait valoir le fait qu’en raison de la gravité de l’infraction, le manque de transparence de la fonctionnaire, le fait qu’elle était une agente des services frontaliers et les répercussions sur la réputation de l’ASFC et sa collaboration future avec ses partenaires, le licenciement semble approprié dans les circonstances. L’avocate a proposé le fait que toute autre forme de mesure disciplinaire ne ferait que banaliser cette affaire et a conclu en me demandant de rejeter les deux griefs. L’avocate m’a exhortée à ne pas atténuer la sanction puisqu’elle est raisonnable, compte tenu des circonstances. Voir Ranu c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 89, et Cooper c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 119.

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

[137]  À la suite de ses remarques préliminaires avant le témoignage de la fonctionnaire, sa représentante a d’abord contesté la qualification de la deuxième suspension pour une période indéterminée imposée à la fonctionnaire comme théorique ou de nature administrative. Elle a été imposée dans une lettre provenant de M. Provost du 9 août 2016 après que la décision a été prise de rétablir sa cote de fiabilité le 18 juillet 2016. La représentante a insisté sur le fait qu’il s’agissait manifestement d’une mesure disciplinaire et que par conséquent, en vertu de l’al. 209(1)b) de la LRTSPF, j’ai compétence pour trancher ce grief. Elle a ensuite insisté sur le fait que la suspension était clairement de nature punitive, que le rapport de M. Dominique avait déjà été communiqué à cette date et que l’employeur était déjà au courant des conclusions et des recommandations disciplinaires figurant dans ce rapport. La représentante a soutenu que cette suspension n’était ni théorique ni de nature administrative simplement parce que l’ASFC en avait décidé ainsi. Elle m’a renvoyée aux décisions suivantes : Baptiste c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 127; Canada (Procureur général) c. Basra, 2010 CAF 24; Canada (Procureur général) c. Frazee, 2007 CF 1176; Bétournay c. Agence du revenu du Canada, 2017 CRTESPF 37; Féthière c. Administrateur général (Gendarmerie royale du Canada), 2016 CRTEFP 16.

[138]  La représentante a également fait valoir le fait qu’il n’existait aucun argument pour justifier la suspension disciplinaire en juillet 2016 puisque l’employeur avait décidé de rétablir la cote de fiabilité de la fonctionnaire. La représentante a donc demandé comment la mesure disciplinaire aurait pu être imposée rétroactivement à la fonctionnaire s’il n’existait aucune raison de le faire. La représentante a soutenu que la mesure disciplinaire doit être justifiée lorsqu’elle est imposée. À l’appui de ses arguments, elle m’a renvoyée à Bétournay.

[139]  En ce qui concerne le licenciement de la fonctionnaire le 20 septembre 2016, la représentante a soutenu que la fonctionnaire avait expliqué les circonstances de l’incident du 5 février 2016, y compris son état d’esprit et les faits qu’elle était isolée et que son père était malade. Selon la représentante, il faut retenir du témoignage de M. Giguère qu’il s’agissait d’un manque de jugement. La représentante était d’avis qu’on ne devrait pas reprocher à la fonctionnaire, comme l’a fait M. Chiquette, de ne pas avoir informé immédiatement l’ASFC. Elle avait été dépassée par les événements à ce moment‑là; elle était traumatisée. De plus, selon la représentante, il n’existe aucun délai normal pour informer l’employeur d’une situation donnée. Tout cela est subjectif; les circonstances doivent être prises en compte. Avec le recul, il est facile de dire ce qu’une personne dans une situation semblable aurait dû faire. Cependant, personne n’était à la place de cette personne. Selon la représentante, il n’est pas nécessaire d’être médecin pour comprendre qu’une personne, confrontée à une situation telle que celle du 5 février 2016, peut commettre une erreur. En ce qui concerne la fonctionnaire, étant donné son état et sa situation familiale difficile, la situation était trop compliquée et elle l’a mal jugée. Selon la représentante, si le rapport d’enquête de M. Dominique est examiné, il déclare que la fonctionnaire a discuté de tout et qu’elle était manifestement dépassée par les événements. Le fait que certains de ses commentaires semblent contradictoires indique qu’elle était dépassée plutôt que d’essayer de dissimuler des faits.

[140]  La représentante a insisté sur le fait que la fonctionnaire s’était présentée à la SQ immédiatement après l’incident et qu’à ce moment‑là, son avocat lui avait conseillé de garder le silence. Même si elle n’avait pas informé l’ASFC au cours des trois premières semaines, rien dans la preuve ne permet de conclure qu’elle avait tenté de cacher les renseignements.

[141]  La représentante a soutenu que la fonctionnaire n’aurait pas dû être licenciée et que la thèse de l’employeur pendant toute l’affaire était contradictoire. Selon la représentante, le 18 juillet 2016, après réflexion, l’ASFC a décidé de rétablir la cote de fiabilité de la fonctionnaire après avoir tenu compte de facteurs, comme sa fiabilité et son honnêteté. Toutefois, en septembre 2016, l’employeur a décidé de la licencier en fonction des mêmes facteurs. La représentante a fait référence au témoignage de M. Giguère lorsqu’il a déclaré que la fonctionnaire était une bonne personne et qu’il était prêt à la rétablir dans ses fonctions avec une formation, tel que cela est énoncé dans sa lettre de juillet 2016 (pièce E‑1, onglet 18). La représentante a demandé comment, d’une part, l’employeur était prêt à rétablir la fonctionnaire dans ses fonctions et, d’autre part, il a décidé de la licencier. La représentante était d’avis que le raisonnement de l’employeur selon lequel les deux décisions doivent être distinctes ne peut être retenu puisque les deux étaient fondées sur les mêmes faits et critères.

[142]  La représentante a répété que, même si les faits ne sont pas vraiment contestés en l’espèce, il n’en demeure pas moins que la mesure imposée était beaucoup trop sévère et que plusieurs facteurs doivent être pris en considération avant de licencier une personne. En répétant les facteurs énoncés dans Baptiste, au par. 312, la représentante a insisté sur le fait qu’aucune mesure disciplinaire ne figurait au dossier de la fonctionnaire en février 2016, qu’elle avait éprouvé des remords, telle que le démontre sa note à M. Giguère le 18 juillet 2016 (pièce E‑1, onglet 17), qu’il s’agissait d’un incident isolé qui avait eu une incidence économique sur elle et que son superviseur estimait qu’elle était une bonne employée. Selon la représentante, l’employeur aurait dû tenir compte de ces facteurs atténuants et n’aurait pas dû l’avoir licenciée. Elle m’a renvoyée aux décisions suivantes : Ville de Sorel‑Tracy c. Syndicat des pompiers du Québec, section locale de Sorel, 2002 LNSARTQ 52; La Fraternité des policiers et policières de la Régie de police Thérèse de Blainville c. Régie intermunicipale de police Thérèse de Blainville, 2006 QCCRT 76.

[143]  Compte tenu du caractère excessif du licenciement en l’espèce, la représentante a soutenu que l’ASFC aurait dû plutôt appliquer le principe de la discipline progressive et imposer une mesure appropriée visant à corriger et non à punir. Elle m’a renvoyée aux décisions suivantes : Grant c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2016 CRTEFP 37, au par. 145; Pronovost c. Agence du revenu du Canada, 2017 CRTEFP 43, aux par. 57, 99 et 100.

IV.  Motifs

[144]  Même si les faits en l’espèce ne sont pas contestés en soi, j’estime qu’il est préférable de donner une brève chronologie des événements qui ont mené au licenciement de la fonctionnaire.

[145]  Le 5 février 2016, la fonctionnaire, qui était une agente des services frontaliers à Sept‑Îles, s’est présentée deux fois au bureau de poste local, en dehors de ses heures de travail, pour ramasser un colis envoyé par son petit‑ami, qui vivait à Montréal. Il contenait une substance illégale, soit 12 g de hachisch. Après un certain temps, elle a reconnu que, le matin du 5 février 2016, elle a pris connaissance du contenu du colis avant d’aller le ramasser. Lorsque l’employé du bureau de poste a refusé de lui donner le colis, elle a paniqué et s’est rendue au poste de police de la SQ pour lui signaler ce qu’elle avait fait. Toutefois, elle a décidé de ne pas informer son employeur de cet incident.

[146]  L’employeur a été informé de l’incident un mois plus tard par l’intermédiaire de ses personnes‑ressources à la GRC. Après avoir convoqué deux rencontres avec la fonctionnaire, l’ASFC a décidé d’annuler sa cote de fiabilité en avril 2016. En conséquence, elle ne pouvait plus occuper un poste dans la fonction publique puisqu’une cote de fiabilité est une condition essentielle d’emploi pour tous les postes de la fonction publique fédérale.

[147]  Après avoir reçu les explications de la fonctionnaire le 18 juillet 2016, la personne chargée de la sécurité à l’ASFC était convaincue et a décidé de rétablir sa cote de fiabilité.

[148]  Toutefois, le 9 août 2016, les représentants de l’ASFC chargés de décider si l’incident du 5 février 2016 constituait un manquement à la discipline estimaient qu’il convenait d’imposer (pièce E‑1, onglet 21) une suspension pour une période indéfinie sans solde pour s’assurer que la fonctionnaire ne retourne pas au travail avant qu’une décision définitive soit prise quant à la mesure disciplinaire à imposer, le cas échéant. Le 20 septembre 2016, l’ASFC, par l’intermédiaire de son directeur général régional, M. Chiquette, a décidé de la licencier rétroactivement au 18 juillet 2016 la justifiant particulièrement en déclarant que le lien de confiance entre l’employeur et la fonctionnaire avait été irrémédiablement rompu.

[149]  Avant de formuler des commentaires quant aux faits de l’espèce, je trancherai d’abord la question de savoir si j’ai compétence pour entendre et trancher le grief concernant la suspension pour une période indéterminée à compter du 18 juillet 2016.

[150]  L’avocate de l’employeur a soutenu que je n’avais pas compétence pour me prononcer sur la suspension pour une période indéfinie qui avait été imposée après que l’employeur a décidé de rétablir la cote de fiabilité de la fonctionnaire le 18 juillet 2016. L’avocate a soutenu que la décision était théorique ou de nature administrative et que je n’avais donc pas compétence pour trancher la question. D’autre part, la représentante de la fonctionnaire a fait valoir le fait que la suspension était de nature disciplinaire et que j’avais donc compétence pour la trancher.

[151]  Il est vrai qu’une fois que la cote de fiabilité de la fonctionnaire a été rétablie le 18 juillet 2016, l’employeur l’a informée au moyen d’une lettre du 9 août 2016 de sa décision de la suspendre pendant une période indéfinie, rétroactivement au 18 juillet 2016, afin de prendre le temps nécessaire pour décider si une mesure disciplinaire serait imposée. Dans son témoignage, M. Provost a déclaré qu’il a imposé cette mesure afin de l’empêcher de retourner au travail avant qu’une décision ne soit prise. Le 20 septembre 2016, M. Chiquette a décidé de la licencier rétroactivement au 18 juillet 2016, soit le jour de sa suspension.

[152]  Comme nous l’avons vu dans la décision de la Cour d’appel fédérale dans Procureur général du Canada c. Bétournay, 2018 CAF 230, la question de savoir si une suspension est de nature administrative ou disciplinaire relève de la compétence de la Commission pour trancher le grief. Par conséquent, il doit être tranché.

[153]  L’employeur a allégué que la suspension imposée le 9 août 2016, rétroactive au 18 juillet 2016, était de nature administrative. Selon le raisonnement de la Cour fédérale, Section de première instance, dans Sa Majesté la Reine c. Rinaldi, (1997) 127 F.T.R. 60, afin de démontrer qu’elle n’était pas de mesure administrative la fonctionnaire devrait établir que les conditions requises étaient en fait absentes pendant la période visée. Dans ce contexte, afin de répondre à la question de savoir si elle était réellement de nature administrative, il faut tenir compte de sa date d’entrée en vigueur et des conditions à ce moment‑là.

[154]  La lettre de suspension, communiquée le 9 août 2016, indiquait que la suspension entrait en vigueur rétroactivement au 18 juillet 2016. Lorsqu’il a été décidé de suspendre la fonctionnaire, sa cote de fiabilité avait déjà été rétablie; le risque qu’elle posait pour la sécurité avait été réévalué à la suite de l’incident visé et l’employeur avait décidé qu’elle ne lui présentait pas un risque. Par conséquent, elle pouvait maintenant remplir une condition de l’emploi puisqu’elle détenait une cote de fiabilité valide.

[155]  Comme la fonctionnaire ne présentait pas un risque qui aurait pu expliquer la nécessité de l’empêcher de retourner au travail, quelle était la véritable raison pour imposer la suspension? Malgré le fait que sa cote de fiabilité approfondie avait été rétablie, M. Provost a témoigné clairement en disant qu’il ne voulait pas qu’elle retourne au travail avant qu’une décision soit prise concernant l’aspect disciplinaire de l’espèce. Le 9 août 2016, l’employeur était au courant de l’ampleur de son inconduite, avait achevé son enquête et avait tenu la réunion disciplinaire du 25 juillet 2016 avec elle, à laquelle il a reçu sa réponse aux résultats de l’enquête disciplinaire. Aucun fait n’a été recueilli après le 25 juillet 2016; à ce moment‑là, l’employeur disposait de tous les renseignements dont il avait besoin pour évaluer la situation.

[156]  Tout cela m’amène à conclure que M. Provost avait décidé qu’une mesure disciplinaire serait prise. Il restait à déterminer la mesure disciplinaire particulière à imposer. Je ne suis pas d’accord pour dire que la suspension pourrait être qualifiée d’administrative à ce stade. À compter du 25 juillet 2016, je conclus qu’en fait, la suspension était de nature disciplinaire. À la lumière de cette décision, je conclus que j’ai compétence sur cette partie de la suspension.

[157]  Puisque j’ai conclu qu’une partie de la suspension était de nature disciplinaire, quelle analyse doit être faite? Je souligne que, dans la décision de la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Heyser, 2017 CAF 113, que la Commission a suivi récemment dans Jassar c. Agence du revenu du Canada, 2019 CRTESPF 54, la Cour a conclu que, lorsqu’un employeur a prétendument licencié un employé pour des motifs non disciplinaires, il ne lui est pas loisible de changer la nature du licenciement à l’audience; c’est‑à‑dire, il ne peut pas changer de tactique et affirmer que, subsidiairement, le licenciement devrait être considéré comme ayant été imposé pour des motifs disciplinaires. Par conséquent, une fois que la Commission a conclu qu’un prétendu licenciement administratif était de nature disciplinaire, il n’est pas nécessaire d’aller plus loin; elle accueille le grief.

[158]  Toutefois, je conclus que la situation qui m’est présentée diffère de celle dans Heyser et dans Jassar. Comme dans Bétournay, même si la suspension était prétendument administrative, les faits sur lesquels elle était fondée sont les mêmes que ceux sur lesquels le licenciement subséquent est fondé. Par conséquent, je conclus que la suspension et le licenciement subséquent faisaient partie du même processus disciplinaire. Par conséquent, je n’ai qu’une seule évaluation à en faire, qui s’appliquera à la suspension préliminaire qui s’est transformée en licenciement; dans ces circonstances, l’analyse est la même.

[159]  Je souligne que l’analyse décrite plus tôt quant à l’aspect rétroactif de la suspension s’applique également au grief concernant le licenciement. Étant donné que j’ai conclu que la suspension ne pouvait être qualifiée de disciplinaire qu’à compter du 25 juillet 2016, le licenciement disciplinaire ne pouvait pas être rétroactif à une date ultérieure à celle‑ci.

[160]  En tirant cette conclusion, je souligne qu’avant de poursuivre une mesure disciplinaire, un employeur devrait toujours avoir la possibilité de recueillir tous les faits pertinents. Je conclus que le 18 juillet 2016, l’employeur n’avait pas fini de recueillir tous les faits dont il avait besoin pour déterminer une sanction.

[161]  Tel que cela a été indiqué antérieurement dans la présente décision, l’employeur a rencontré la fonctionnaire de nouveau le 25 juillet 2016 pour déterminer s’il existait d’autres facteurs qui devraient être pris en considération. Je ne dispose d’aucun élément de preuve me permettant de conclure qu’entre le 25 juillet et le 9 août (la date à laquelle la sanction a été imposée), l’employeur a recueilli de nouveaux renseignements. On peut dire la même chose pour la période entre le 9 août et le 20 septembre, soit la date de la lettre de licenciement. Pour ces motifs, je conclus qu’une fois que la rencontre avec la fonctionnaire a pris fin, l’employeur a conclu son enquête et sa collecte de renseignements; il disposait de tous les faits pertinents qui lui permettraient de décider légitimement s’il imposerait une mesure disciplinaire. Avant la rencontre du 25 juillet 2016, toute mesure disciplinaire que l’employeur aurait pu prendre aurait été fondée sur des faits incomplets et aurait pu être arbitraire en droit. Toutefois, à compter de cette date, il envisageait clairement une voie disciplinaire. En ce qui concerne la première partie de la suspension – du 18 juillet au 24 juillet 2016, inclusivement – j’ai examiné les facteurs établis par la Commission dans Basra c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2007 CRTFP 70 (confirmée dans 2010 CAF 24), y compris les répercussions possibles de la durée d’une suspension sur l’employée. Je conclus que la durée de cette première partie de la suspension n’était pas aussi longue pour la qualifier de disciplinaire.

[162]  La suspension préliminaire, qui est devenue disciplinaire le 25 juillet, a abouti à la décision de licencier la fonctionnaire. Cette décision était fondée sur des faits dont l’employeur était au courant lorsqu’il a imposé la suspension. Je conclus que le raisonnement de la Cour dans Bétournay s’applique en l’espèce de manière à permettre un licenciement disciplinaire rétroactif au moment où tous les faits étaient connus.

[163]  L’autorisation de la suspension, qui était de nature disciplinaire, et le licenciement subséquent d’entrer en vigueur avant le 25 juillet 2016 porterait atteinte aux principes de bonne gestion de ressources humaines et du règlement juste et crédible de questions qui surviennent relativement aux conditions d’emploi, telles qu’elles sont énoncées dans le préambule de la LRTSPF.

[164]  Avant d’amorcer l’évaluation de la mesure disciplinaire imposée, je tiens à faire quelques commentaires sur le recours aux suspensions administratives ou disciplinaires.

[165]  Sans aucun doute, il existe des cas appropriés pour imposer des suspensions administratives sans solde, comme dans les cas où un employé présente un risque impossible à gérer et ne peut pas demeurer dans le lieu de travail ou où un employé a perdu une exigence essentielle, comme un permis particulier.

[166]  Toutefois, dans des circonstances comme celles de l’affaire dont je suis saisie dans lesquelles l’employeur disposait de tous les faits – l’inconduite est connue, l’enquête avait été achevée, la réunion disciplinaire avait été tenue et la réponse de la fonctionnaire aux conclusions de l’enquête était connue – et la seule question à trancher consistait à déterminer la mesure disciplinaire à prendre, l’imposition d’une suspension administrative sans solde à ce stade constituerait un subterfuge, à moins que l’employeur puisse démontrer un risque impossible à gérer pour ses activités ou une raison administrative valable qui empêcherait la fonctionnaire de travailler. Lorsque l’employeur a clairement formé l’intention d’imposer une mesure disciplinaire et qu’il tente simplement d’évaluer sa forme, le meilleur plan d’action consisterait à donner un avis clair à l’employé selon lequel il fait l’objet d’une suspension disciplinaire préliminaire, en attendant la décision finale quant à la sanction à imposer pour les actes à l’étude et que la sanction pourrait comprendre le licenciement.

[167]  De cette façon, on peut dire que l’employeur agit d’une manière conforme à ses obligations de bonne foi et d’équité envers ses employés (voir les décisions de la Cour suprême du Canada dans Wallace c. United Grain Growers Ltd., [1997] 3 R.C.S. 701 et Honda Canada Inc. c. Keays, 2008 CSC 39). L’employé a une idée précise de ce qui pourrait l’attendre. De plus, étant donné la nature véritablement disciplinaire de la suspension, contrairement à une nature administrative, les droits de l’employé en vertu de la convention collective applicable dans le cadre d’un processus disciplinaire entrent en jeu.

[168]  Pour en revenir aux faits de l’espèce, il me semble qu’il faut trancher les questions suivantes.

A.  A. La fonctionnaire a‑t‑elle tenté de ramasser le colis contenant 12 g de haschich le 5 février 2016 et a‑t‑elle ensuite refusé de collaborer avec l’employeur?

[169]  Tel que cela a été indiqué dès le début, les faits de l’espèce ne sont pas contestés. Il ressort des éléments de preuve que la fonctionnaire, une agente des services frontaliers, a tenté, à deux reprises, le 5 février 2016, en dehors des heures de travail, de récupérer un colis que son petit‑ami de l’époque avait envoyé à son adresse par la poste. Il contenait 12 g de hachisch, dont elle n’avait été informée que ce matin‑là. Elle était au courant du contenu avant d’essayer de le ramasser. Par conséquent, je conclus que, à cette date, elle a tenté, sans succès, de recueillir un colis dont elle savait qu’il contenait une drogue illégale.

[170]  Je n’estime pas qu’il est nécessaire que je m’attarde longtemps sur le fait que l’essentiel du travail d’un agent des services frontaliers consiste à chercher et à saisir des marchandises illégales au Canada. Par conséquent, le fait de tenter de recueillir un colis pour un ami qui contient une certaine quantité de drogue illégale, même s’il s’agissait d’une petite quantité, va complètement à l’encontre des principales raisons d’employer des agents des services frontaliers. Par conséquent, dans les cas où un agent des services frontaliers facilite la circulation de marchandises illégales, selon les facteurs et les circonstances, le licenciement pourrait certainement constituer une sanction appropriée. Les Canadiens et Canadiennes s’attendent à juste titre à ce que leurs agents des services frontaliers respectent les normes d’éthique et d’honnêteté les plus élevées dans l’exercice de leurs fonctions.

[171]  Toutefois, en l’espèce, après un examen long et très approfondi, je conclus que les circonstances de l’espèce sont très particulières et uniques et qu’elles justifient un résultat différent de celui du licenciement.

[172]  Même s’il est vrai que la fonctionnaire a tenté de recueillir le colis le 5 février 2016, je dois souligner qu’elle ne l’a jamais demandé et n’en a jamais bénéficié. Elle ne savait pas non plus que son ami lui enverrait le colis; il ne l’avait jamais fait auparavant. Elle a donc simplement réagi le matin du 5 février. Le colis avait déjà été envoyé à son adresse. Elle estimait que le simple fait de recevoir une substance illégale la rendait coupable. Par conséquent, seule et en détresse, elle ne savait pas quoi faire et elle a paniqué.

[173]  Elle aurait pu évidemment refuser de ramasser le colis, mais il ressort de la preuve que ce n’est que le matin du 5 février qu’elle a été informée de ce qui lui avait été envoyé. Selon les éléments de preuve incontestés, elle avait eu peur lorsqu’elle a été informée qu’il avait été envoyé à son adresse et qu’elle et son petit‑ami [traduction] « auraient des ennuis » si elle ne le ramassait pas.

[174]  Habituellement, cet ensemble d’événements ne serait pas suffisamment convaincant pour justifier l’annulation d’une décision de licenciement. Comme je l’ai dit, chaque cas est examiné en fonction de ses faits et son bien‑fondé et chacun doit être évalué avant de conclure à la sanction appropriée.

[175]  Cependant, en l’espèce, j’ai trouvé deux choses particulièrement troublantes.

[176]  En premier lieu, même s’il ressort clairement des éléments de preuve que la fonctionnaire a tenté de ramasser le colis le 5 février 2016, je n’estime pas qu’elle était dans le bon état physique et mental à la suite de l’incident et peu après. Par conséquent, pour les motifs que je vais exposer en détail, je n’estime pas qu’elle ait omis d’agir avec honnêteté et sincérité, tel que cela est allégué dans la troisième raison énoncée dans sa lettre de licenciement.

[177]  En deuxième lieu, comme je l’expliquerai plus loin, je ne peux tout simplement pas comprendre pourquoi en l’espèce, en se fondant sur les mêmes faits et critères de confiance et d’honnêteté, la fonctionnaire pourrait être considérée comme apte à être rétablie dans ses fonctions du point de vue de la sécurité de l’ASFC, alors qu’elle ne pouvait être rétablie dans ses fonctions du point de vue disciplinaire. Même si je suis certainement d’accord pour dire qu’une personne peut être apte du point de vue de la sécurité, mais ne peut pas, d’autre part, être apte à travailler; il faut l’expliquer, surtout en cas de licenciement. En l’espèce, les témoins de l’employeur n’ont offert aucune explication quant à la raison pour laquelle la fonctionnaire semblait être digne de confiance et transparente dans le cadre de l’examen des risques pour la sécurité de l’ASFC, mais non du point de vue des relations de travail. Par exemple, M. Chiquette, qui a signé la lettre de licenciement, a témoigné en disant qu’il ne connaissait pas les critères que M. Giguère a pris en considération lorsqu’il a conclu que la fonctionnaire ne présentait pas un risque et qu’elle était digne de confiance et honnête.

B.  La preuve étaye‑t‑elle l’allégation selon laquelle la fonctionnaire n’a pas agi honnêtement et sincèrement en ce qui concerne l’incident du 5 février 2016?

[178]  Il ressort de la preuve qu’immédiatement après que le commis des postes ait refusé de donner le colis à la fonctionnaire, celle‑ci s’est rendue immédiatement à la SQ, en larmes, pour l’informer de ce qui venait de se passer. Comme tout le monde en a convenu à l’audience, la situation aurait probablement été différente si après cela, elle avait poursuivi cette approche et en avait informé son employeur. Malheureusement, elle ne l’a pas fait et a consulté un avocat qui lui a conseillé de ne rien dire, afin d’éviter des ennuis pour elle et son petit‑ami d’alors.

[179]  Dans leurs témoignages, certains des témoins de l’employeur ont décrit la réaction de la fonctionnaire après sa visite à la SQ comme une tentative de dissimuler ses actes et d’éviter de coopérer avec l’enquête de l’employeur sur ce qui s’est passé le 5 février 2016. De plus, j’estime qu’il est juste de dire que son licenciement était fondé en grande partie sur le fait qu’on a perçu qu’elle avait refusé de collaborer et qu’elle n’avait pas été transparente au cours de ses discussions avec les représentants de l’employeur. M. Lapierre, M. Dominique et M. Chiquette ont insisté sur le fait qu’elle n’avait pas été franche et qu’elle avait tenté de protéger son ami.

[180]  À mon avis, même si les témoins de l’employeur ont reconnu qu’à la date de l’incident, la fonctionnaire était fragile et vivait des moments difficiles au point que certains d’entre eux s’inquiétaient de sa sécurité personnelle, ils ne semblaient toutefois pas se rendre compte qu’elle était complètement étonnée et dépassée par la situation. Elle était seule, sans expérience, elle avait des problèmes médicaux et, selon son témoignage, elle n’a reçu aucun soutien; elle ne savait pas quoi faire.

[181]  Par exemple, immédiatement après s’être rendu compte qu’elle ne ramasserait pas le colis, la fonctionnaire s’est rendue immédiatement au poste de la SQ, en larmes. Tel que cela a été indiqué, elle était dans un tel état que le policier de la SQ lui a remis une brochure sur le suicide. Après sa première rencontre avec M. Banville le 4 mars 2016, le 6 mars, la fonctionnaire a appelé sa collègue, Mme Blais, pour lui dire ce qui s’était passé le 5 février. Dans son témoignage et dans sa déclaration du 15 mars 2016, à M. Banville, Mme Blais a décrit sa réunion avec la fonctionnaire ce jour‑là. Elle a déclaré que la fonctionnaire pleurait sans cesse, qu’elle était complètement bouleversée, « dans tous ses états » et « semblait sur la dépression » (voir la pièce E‑1, à l’onglet 7, page 2 de l’employeur). La fonctionnaire a ensuite exprimé le désir de parler, mais en présence d’un avocat.

[182]  Trois jours plus tard, Mme Blais, qui n’avait pas entendu parler de la fonctionnaire, était tellement inquiète qu’elle est allée voir la fonctionnaire chez‑elle. Elle s’inquiétait de l’état physique et mental de la fonctionnaire et a déclaré ce qui suit : « J’ai paniqué et j’ai communiqué avec Marc Banville vers 14 h 45 car j’avais peur au suicide. Elle était tellement mal en point à son départ le 7 mars 2016 que je craignais le pire » (voir la pièce E‑1 à l’onglet 7, page 2 de l’employeur).

[183]  Dans son témoignage, M. Lapierre a soutenu que la fonctionnaire avait refusé de collaborer au cours des rencontres tenues le matin du 4 mars 2016 avec M. Banville. Même s’il est vrai qu’elle est restée essentiellement silencieuse, M. Banville, qui n’a pas témoigné, a indiqué dans ses notes qu’à la rencontre, la fonctionnaire, qui était seule, était bouleversée, ainsi ce qui suit : « […] [e]lle semble ébranlée et tente de contenir ses larmes » (voir la pièce E‑1, onglet 9, page 2 de l’employeur).

[184]  De plus, même si l’employeur a soutenu que la fonctionnaire n’était pas prête à collaborer, il faut souligner que malgré le fait que cela n’a pas été mentionné dans les témoignages, la note de M. Banville indique clairement que la fonctionnaire a demandé le 4 mars 2016 s’il était possible d’en discuter à une date ultérieure. Elle a ensuite été rassurée qu’une autre rencontre pouvait être fixée une semaine plus tard, au cours de laquelle elle pourrait s’expliquer (pièce E‑1, onglet 9, page 5).

[185]  Selon les notes de M. Banville, encore une fois, la fonctionnaire n’a rien dit lorsqu’elle a rencontré les représentants de la GRC dans l’après‑midi. Toutefois, elle a présenté la même demande à l’agent de la GRC pour une rencontre une semaine plus tard, qui a également été acceptée. Tout cela m’incite à me demander pourquoi les témoins de l’employeur ont soutenu qu’elle avait refusé de collaborer. Encore une fois, elle a demandé si elle pouvait parler à l’employeur et à la GRC une semaine plus tard et la réponse était affirmative. En fait, elle a communiqué avec eux et a assisté à la rencontre du 10 mars 2016 au cours de laquelle elle n’a pas nié ce qui s’était passé et a offert une explication.

[186]  En d’autres termes, après avoir écouté le témoignage de M. Lapierre et examiné les notes de M. Banville (pièce E‑1, onglet 9), je ne peux conclure que la fonctionnaire a refusé de collaborer aux deux rencontres en mars 2016. À mon avis, il était clair qu’à l’époque, la fonctionnaire, qui avait 24 ans, n’avait pas d’expérience, était souffrante et seule. Elle avait été laissée seule et n’avait absolument aucune idée où aller pour obtenir de l’aide quant aux mesures à prendre pour régler la situation. Elle n’était pas seulement étonnée, mais il ne faut pas oublier non plus que, même s’il est vrai qu’elle est principalement demeurée silencieuse au sujet de l’incident du 5 février 2016 lors de la rencontre, elle n’a jamais tenté de nier ou de mentir quant à ce qui s’est passé à cette date.

[187]  Dans son témoignage, la fonctionnaire a indiqué qu’à l’incident du 5 février 2016, et plus tard, au cours des rencontres avec M. Banville, M. Coté et M. Dominique, elle ne pouvait pas penser clairement et éprouvait des difficultés physiques, mentales et familiales. Je souligne que, le 7 mars 2016, lorsqu’il a été informé de la situation, le superviseur immédiat de la fonctionnaire, M. Berberie, a indiqué à M. Banville qu’il se préoccupait de la situation puisqu’elle était une très bonne employée qui travaillait fort. Elle vivait des moments difficiles dans lesquels son père souffrait d’une maladie et, malgré la distance, elle essayait d’appuyer sa famille.

[188]  En ce qui concerne plus particulièrement la rencontre du 10 mars 2016 entre la fonctionnaire, M. Banville et M. Lapierre, je souligne, encore une fois, qu’elle a donné suite à la suggestion qu’elle a présentée à la réunion du 4 mars 2016, qui a été acceptée par M. Banville, soit de se rencontrer de nouveau et de discuter de ce qui s’était passé le 5 février 2016 (pièce E‑1, onglet 9, page 3). Elle a indiqué clairement qu’elle était seule à Sept‑Îles, avec peu d’amis, et elle a discuté de sa situation difficile. Elle a fait référence à « SOS Suicide » (pièce E‑1, onglet 9, page 3).

[189]  Même si la fonctionnaire a confirmé à M. Banville que le 5 février 2016 elle a tenté de ramasser le colis tout en sachant qu’il contenait du hachisch, elle lui a également dit qu’elle s’était sentie tellement mal par la suite qu’elle devait se confier au policier de la SQ. À la question de savoir pourquoi elle n’avait pas alors informé son employeur, elle a dit à M. Banville et à M. Lapierre qu’elle consommait un « calmant – antidépresseur », ce qu’elle ne voulait pas que les gens sachent. Elle leur a également dit qu’elle était suivie par un Centre intégré de santé et de services sociaux (pièce E‑1, onglet 9, pages 2 et 3).

[190]  De plus, elle a expliqué qu’une fois qu’elle s’est rendu compte que le colis contenant du hachisch avait été envoyé à son adresse, elle estimait qu’elle serait automatiquement tenue responsable. Elle a également expliqué que l’avocat qu’elle a consulté le lundi 8 février 2016 lui avait conseillé de ne rien dire, afin de protéger N (pièce E‑1, onglet 12, page 4).

[191]  À mon avis, tout cela indique que, même si la fonctionnaire n’était manifestement pas dans un état d’esprit approprié, elle était dépassée et a fait de son mieux pour collaborer avec les représentants de l’employeur ce jour‑là et qu’elle n’avait tenté de cacher rien.

[192]  Tel que cela a été mentionné, un des principaux arguments de l’employeur pour justifier le licenciement de la fonctionnaire était qu’après qu’il a été informé de l’incident et qu’il l’avait confrontée, elle est demeurée évasive et a omis d’agir honnêtement et sincèrement au sujet de ce qui s’était passé. M. Dominique est parvenu à la même conclusion; il était chargé de l’enquête officielle. Il l’a rencontrée le 11 avril 2016. Essentiellement, elle lui a raconté ce qui s’était passé le 5 février 2016 et a expliqué que, lorsqu’elle avait rencontré M. Banville le 4 mars, elle était en état de choc.

[193]  Le 26 juillet 2016, M. Dominique a présenté son rapport à M. Chiquette aux fins de décision. Essentiellement, M. Dominique a conclu que deux allégations étaient fondées. Il s’agissait du fait que la fonctionnaire avait tenté de ramasser le colis contenant une drogue illégale et qu’elle avait omis d’en informer immédiatement son employeur. Tel que cela a été indiqué, ces faits ne sont pas contestés. Il a également conclu qu’une troisième allégation était fondée, à savoir principalement qu’elle ne s’était pas conduite honnêtement et sincèrement en ce qui concerne l’incident du 5 février 2016 (pièce E‑1, onglet 15, page 15). Je ne souscris pas à cette conclusion.

[194]  Encore une fois, même si M. Dominique a cité certains événements dont la version de la fonctionnaire diffère, en ce qui concerne l’essentiel de ce qui s’est passé le 5 février 2016, elle est demeurée cohérente et n’a tenté de ne rien cacher. De plus, tel que cela a été indiqué, pendant tout le mois précédent sa rencontre avec M. Dominique, elle est demeurée seule, avait des problèmes médicaux et n’avait personne pour la guider. Selon son aveu à l’audience, elle ne pouvait pas penser clairement, avait besoin d’aide, était dépassée par l’incident et avait des problèmes médicaux et familiaux. Par conséquent, même si la version des événements qu’elle a donnée à M. Dominique a pu contenir un certain nombre de divergences, je suis d’avis qu’aucune de celles‑ci ne visait le cœur de l’espèce. Elle n’a jamais tenté de nier ou de minimiser ce qui s’était passé le 5 février 2016.

C.  Les décisions de l’employeur de rétablir la cote de sécurité de la fonctionnaire et, en même temps, de conclure qu’elle est inapte au travail peuvent‑elles être conciliées?

[195]  Dans son témoignage, M. Giguère, qui était pendant la période visée le directeur général de la sécurité de l’employeur, a indiqué que compte tenu de ce qui s’est passé le 5 février 2016, le 18 avril 2016, il a décidé de suspendre la cote de fiabilité de la fonctionnaire, en attendant une enquête. Dans sa lettre à l’intention de la fonctionnaire, il a soulevé le fait que ses actes avaient suscité des préoccupations en matière de sécurité relativement à son honnêteté, à son intégrité et à sa fiabilité. Comme on le sait maintenant, en se fondant sur son explication du 18 juillet 2016, M. Giguère a décidé de rétablir sa cote de fiabilité (pièce E‑1, onglets 6, 17 et 18). Je dois maintenant indiquer que ses explications dans sa réponse à M. Giguère étaient les mêmes que celles qu’elle a fournies lors de la rencontre du 10 mars 2016 – elle ne niait pas les faits du 5 février et elle a mentionné des problèmes médicaux, l’isolation et la santé de son père.

[196]  Je dois également souligner qu’à l’audience, M. Giguère semblait très crédible. Il est un ancien agent de la GRC et a pris sa retraite de la fonction publique. Dans son témoignage, il a expliqué qu’il avait rétabli la cote de sécurité de la fonctionnaire le 18 juillet 2016 en se fondant sur les recommandations de M. McCarthy, qui était alors le superviseur de M. Dominique. Avant de rendre sa décision, il a également consulté les notes de M. Banville et de M. Lapierre des rencontres des 10 et 14 mars, ainsi que le rapport d’enquête de M. Dominique.

[197]  M. Giguère a expliqué qu’il avait d’abord suspendu la cote de fiabilité de la fonctionnaire parce qu’il craignait qu’elle puisse être en contact avec des amis qui exerçaient des activités illégales ou qu’elle fasse l’objet de menaces, entre autres. Il s’est rendu compte que ni l’un ni l’autre n’était vrai et, par conséquent, elle ne présentait aucun risque pour l’employeur. Il a indiqué que, dans le cadre de son évaluation de la question de savoir s’il fallait rétablir sa cote de fiabilité, il a tenu compte des trois critères suivants : son honnêteté, son intégrité et sa fiabilité. Il a conclu que, de son point de vue, elle y avait répondu.

[198]  M. Giguère a expliqué que, lorsqu’il a lu les commentaires de la fonctionnaire, il comprenait qu’elle était seule, qu’elle n’avait pas d’amis et qu’elle n’avait pas eu la possibilité d’obtenir de l’aide ou de discuter avec quiconque de ce qu’elle devait faire. Il a également compris qu’elle était stressée et qu’elle avait des problèmes médicaux et que sa situation familiale, soit la maladie de son père, ajoutait à son stress. Il a également expliqué que même si d’autres pouvaient constater des divergences dans ses versions des événements, il estimait qu’elles découlaient de son état d’esprit et du stress de vivre une situation très difficile.

[199]  M. Giguère était également d’avis que la fonctionnaire était une bonne personne qui avait commis une erreur. Il a déclaré qu’elle n’avait pas tenté de cacher quelque chose. Il a insisté sur le fait qu’à l’aide d’une formation supplémentaire et ciblée, elle pourrait retourner au travail. Il a même affirmé qu’il n’aurait aucun problème si elle retournait dans son équipe. Il était d’avis que la fonctionnaire avait fait preuve d’un sérieux manque de jugement, mais qu’elle pouvait être réhabilitée.

[200]  Lorsqu’on a demandé à M. Giguère de préciser pourquoi, lorsque son collègue a examiné les mêmes critères d’honnêteté, d’intégrité et de fiabilité, M. Chiquette est parvenu à une conclusion différente et a décidé que la fonctionnaire ne pouvait pas être rétablie dans ses fonctions, M. Giguère a dit qu’il ne pouvait pas formuler de commentaires du point de vue des relations de travail; qu’il ne les avait examinés que du point de vue de la sécurité.

[201]  À l’inverse, lorsque la même question a été posée à M. Chiquette, il a répondu que les critères diffèrent en ce qui concerne la sécurité et l’inconduite, mais il n’a pas expliqué la différence par rapport aux faits de l’espèce. Il a également ajouté qu’il ne connaissait pas les facteurs dont M. Giguère a tenu compte et qu’il avait fondé sa décision sur les renseignements disponibles à ce moment‑là.

[202]  Même si, comme je l’ai dit, je comprends certainement que, dans certaines situations, effectivement, une personne peut être considérée comme digne de confiance et honnête du point de vue de la sécurité, mais non du point de vue des relations de travail, il n’en demeure pas moins que deux conclusions différentes doivent être expliquées lorsqu’elles sont fondées sur le même ensemble de faits. Il ne suffit certainement pas de déclarer simplement qu’il existe une différence lorsque l’avenir de l’emploi d’une personne est en jeu. Il incombe à l’employeur de concilier cette divergence.

[203]  Je suis d’avis qu’il est certainement possible qu’un gestionnaire puisse rétablir la cote de fiabilité d’un employé, alors qu’un autre gestionnaire décide de mettre fin à l’emploi de l’employé. Toutefois, une explication minimale est nécessaire. Une telle explication est encore plus nécessaire en l’espèce, étant donné qu’un témoin chevronné, M. Giguère, a conclu son témoignage en déclarant qu’après avoir examiné les circonstances et le comportement et la condition de la fonctionnaire, il l’aurait accueillie au sein de son équipe.

D.  L’employeur a-t-il tenu compte des facteurs atténuants?

[204]  Même si M. Chiquette a indiqué qu’il a tenu compte du fait que la fonctionnaire était isolée, qu’elle ne faisait l’objet d’aucune supervision directe et que son père était malade, je ne suis pas certaine qu’un poids suffisant a été accordé à son état général et à son manque de soutien. Tout au long de la procédure, l’employeur a soutenu qu’elle n’était pas transparente et que, essentiellement, elle a aggravé la situation lorsqu’elle a refusé de collaborer. Comme je l’ai dit, j’estime que les éléments de preuve ont plutôt révélé qu’elle était sans ressource et même si elle a certainement commis une grave erreur de jugement, au moment pertinent, il se peut qu’elle ne fût pas en mesure de comprendre sa situation. Au lieu d’essayer d’obtenir une aide indépendante véritable, elle s’est appuyée essentiellement sur le processus prescrit par l’employeur et l’a suivi.

[205]  Je tiens également à souligner le fait que, même s’il est vrai que ce n’est qu’à l’audience que la fonctionnaire a indiqué qu’elle souffrait d’une anxiété chronique, il est très clair d’après presque tous les témoins de l’employeur que le comportement dont elle a fait preuve au cours de la séquence des événements à la suite de l’incident du 5 février 2016 a révélé qu’elle éprouvait des difficultés. Les représentants de l’employeur ont exprimé, à deux reprises, leur crainte quant à sa sécurité personnelle. De plus, le 10 mars 2016, elle a informé M. Banville et M. Lapierre qu’elle consommait des médicaments. Je suis donc d’avis que dès le début, l’employeur savait qu’elle éprouvait un état physique et mental difficile.

E.  Compte tenu des faits de l’espèce, le licenciement était‑il approprié?

[206]  Les actes de la fonctionnaire le 5 février 2016 étaient très graves. Le travail des agents des services frontaliers consiste à empêcher la circulation de marchandises et de drogues illégales au Canada. Ils ne peuvent tout simplement pas participer à de telles activités. Comme je l’ai dit, habituellement, le licenciement serait certainement envisagé à l’égard d’un tel acte. Je dois également insister sur le fait que, même si je ne souscris pas à la conclusion finale à laquelle les représentants de l’employeur sont parvenus, je dois indiquer que je suis convaincue que tous les intervenants en l’espèce ont agi de bonne foi.

[207]  À mon avis, le licenciement constituait une sanction trop sévère, compte tenu de toutes les circonstances. Même si, encore une fois, la fonctionnaire a fait preuve d’une inconduite et a agi contrairement aux exigences de son Code de conduite, il faut comprendre que, pendant la période visée, elle était très jeune, sans expérience et entièrement seule; elle était dépassée et a vécu des périodes difficiles sur le plan émotionnel qui concernaient également sa famille. Sa collègue, Mme Blais, son superviseur direct, M. Berberie, et M. Giguère estimaient qu’elle était une bonne employée qui semblait être appréciée.

[208]  J’ai expliqué que je suis d’avis que la fonctionnaire n’allait pas bien sur le plan émotionnel lorsqu’elle traitait avec les représentants de l’employeur. À mon avis, la preuve de l’employeur selon laquelle elle a pleuré continuellement, semblait déprimée et qu’on lui avait recommandé de consulter un conseiller en suicide indique qu’elle était complètement dépassée et qu’elle ne savait pas quoi faire. Contrairement à ce que l’employeur a allégué, elle n’a pas refusé de coopérer. Sur ce point, comme je l’ai dit, rien ne me permet de conclure qu’elle était évasive et malhonnête dans le cadre de ses discussions avec l’employeur. Comme M. Giguère a déclaré, son comportement lors des rencontres pouvait s’expliquer par le stress et le manque de soutien.

[209]  Même si j’estime que la fonctionnaire était honnête et que son état d’esprit pendant la période visée pouvait expliquer son comportement, je demeure également très préoccupée par le fait que les témoins de l’employeur ne pouvaient pas expliquer pourquoi, du point de vue de la sécurité, elle pouvait être employée, mais pas du point de vue de l’inconduite, lorsque les mêmes critères – honnêteté, intégrité et fiabilité – ont été pris en considération.

[210]  Comme je l’ai dit, cette affaire est unique. Je suis certaine que dans certains autres cas, les différences pourraient être expliquées et que le recours au licenciement en tant que sanction pourrait donc être justifié dans ces cas. Toutefois, pour les motifs exposés plus haut, je ne suis pas convaincue que le licenciement serait justifié en l’espèce ou que le lien de confiance a été rompu irrémédiablement.

[211]  Compte tenu de tout cela, j’estime que le licenciement devrait être annulé. Il faut donc décider maintenant la sanction appropriée. Comme je l’ai dit, les actes de la fonctionnaire le 5 février 2016 étaient très graves et elle doit tirer des leçons de cette expérience très malheureuse.

[212]  Je comprends d’après son témoignage qu’elle a commencé une nouvelle vie et qu’après l’incident, elle a commencé à recevoir une aide professionnelle.

[213]  Je suis d’avis qu’une suspension de deux ans, à compter de la date à laquelle j’ai conclu que la suspension disciplinaire de la fonctionnaire a commencé, soit le 25 juillet 2016, permettrait de souligner la gravité de ce qu’elle a fait tout en lui donnant une autre chance de prouver, en ses mots [traduction] « qu’[elle] a commis une erreur grave qui ne se reproduira jamais ».

[214]  Je recommanderai également que, comme cela est suggéré dans la lettre de M. Giguère, la fonctionnaire suive la formation nécessaire prescrite par l’employeur et qu’elle prenne également les mesures appropriées pour s’assurer qu’à l’avenir, elle ne se retrouve pas dans des situations qui pourraient compromettre son emploi.

[215]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V.  Ordonnance

[216]  Les griefs sont accueillis en partie.

[217]  J’ordonne que l’administrateur général fasse ce qui suit :

a.  remplacer la suspension et le licenciement de la fonctionnaire (dossiers de la Commission 566‑02‑13726 et -13727) par une suspension de deux ans sans solde;

b.  dans les 60 jours suivant la présente décision, rétablir le salaire de la fonctionnaire aux groupe et niveau FB‑03, avec un salaire et sans perte d’avantages sociaux, à compter du 25 juillet 2018;

c.  dans les 60 jours suivant la présente décision, indemniser la fonctionnaire en ce qui concerne le salaire et les avantages sociaux aux groupe et niveau FB‑03, à compter du 25 juillet 2018, moins les retenues habituelles.

[218]  J’invite les parties à se réunir en vue de s’entendre sur le poste dans lequel la fonctionnaire sera rétablie.

[219]  Je demeure saisie pendant 90 jours au cas où les parties ne seraient pas en mesure de s’entendre sur un poste pour la fonctionnaire ou sur le calcul du montant qui lui est dû au titre de rémunération et d’avantages sociaux.

Le 17 décembre 2019.

Traduction de la CRTESPF

 

Linda Gobeil,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

 

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