Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée, une gestionnaire, a déposé un grief dans lequel elle allègue que son employeur a fait preuve de discrimination à son endroit en fonction de sa race, de son origine nationale ou ethnique, de sa couleur et de son sexe – après que des employés dans son équipe ont présenté des plaintes de harcèlement contre elle, l’employeur a mené une enquête, qui a entraîné sa mutation – la Commission a conclu que le milieu de travail pendant la courte période où elle occupait ce poste était très négatif et que les éléments de preuve ont démontré que, parfois, les employés étaient irrespectueux envers elle – la Commission a déterminé que les Ressources humaines ont offert un encadrement à la fonctionnaire s’estimant lésée en matière de gestion de conflits dans le milieu de travail – la Commission a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas établi que l’employeur a fait preuve de discrimination à son endroit en fonction de la race.

Grief rejeté.

Contenu de la décision

Date:  20191219

Dossier:  566 02 11533

 

Référence:  2019 CRTESPF 124

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Vivienne Edwards

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(ministère de la Santé)

 

employeur

Répertorié

Edwards c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant :  Catherine Ebbs, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée :  Douglas Hill, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l’employeur :  John Craig, Services juridiques, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada

 

 

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),

Les 5 et 6 mars 2019.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION  (TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1]  Vivienne Edwards, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), a déposé un grief dans lequel elle allègue que son employeur, le Conseil du Trésor (ministère de la Santé) (l’« employeur »), a fait preuve de discrimination à son endroit en fonction de sa race, de son origine nationale ou ethnique, de sa couleur et de son sexe. L’employeur a rejeté le grief au deuxième et au troisième paliers.

[2]   L’affaire a ensuite été renvoyée à l’arbitrage à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral le 15 septembre 2015.

[3]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que la fonctionnaire n’a pas établi que l’employeur a fait preuve de discrimination à son endroit en fonction de la race, de l’origine nationale ou ethnique, de la couleur ou du sexe.

[4]  Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

II.  Contexte

[5]  La fonctionnaire a commencé sa carrière au sein de la fonction publique fédérale en 2002. Elle a occupé des postes dotés pour une période indéterminée à titre d’analyste et de conseillère auprès de Services publics et Approvisionnement Canada, du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et de Service Canada.

[6]  Le 16 décembre 2013, la fonctionnaire a commencé à occuper un poste doté pour une période indéterminée auprès de Santé Canada à titre de directrice du Programme national de la gestion de la continuité des activités (PNGCA) de la Direction générale des services de gestion. Elle relevait de Louis Lahaie, le directeur exécutif et agent de sécurité du ministère de la Division de la gestion de la sécurité (à la date d’audience, M. Lahaie était décédé). Le PNGCA faisait partie de la Direction des biens immobiliers et de la sécurité, dont le Dr Martin Tomkin était le directeur général.

[7]  Cinq employés relevaient de la fonctionnaire, soit Marilou Ouellet, Michelle Lavigne, Diane Levesque, Cheryl Cameron et Sharon Howard.

[8]  La fonctionnaire était la seule personne de race noire parmi ses subalternes et ses supérieurs.

[9]  Dès les premiers jours, la relation de la fonctionnaire avec les employés du PNGCA n’était pas positive.

[10]  En janvier 2014, la fonctionnaire a informé M. Lahaie de ses préoccupations. Elle estimait que certains employés ne convenaient pas à leur poste. De plus, il y avait eu plusieurs cas où les employés avaient eu un comportement conflictuel et avaient été irrespectueux.

[11]  Vers la fin de janvier 2014, la fonctionnaire a été orientée vers la section des Relations de travail de l’employeur. Elle a rencontré Daniel Aubry, un conseiller principal en relations de travail, et Sabina Suljic, une conseillère en relations de travail. Elle a discuté avec eux des problèmes auxquels elle était confrontée avec les employés.

[12]  Après cette réunion, la fonctionnaire a demandé régulièrement de l’aide de Mme Suljic.

[13]  Au cours de la même période, peu après l’arrivée de la fonctionnaire, les employés du PNGCA tenaient des listes de ce qu’ils considéraient comme des actes inappropriés de sa part. Il s’agissait d’allégations d’abus de pouvoir et de harcèlement, ainsi qu’un certain nombre de questions opérationnelles. Une des employés, Mme Cameron, a discuté de certains d’entre eux avec un autre directeur, qui en a fait part à M. Lahaie.

[14]  M. Lahaie a tenu des réunions privées avec les employés du PNGCA et il leur a ensuite demandé qu’ils lui fassent part de leurs préoccupations par écrit.

[15]  Le 13 mars 2014, M. Lahaie a rencontré la fonctionnaire et les employés. Dans un courriel envoyé le lendemain, il lui a demandé de régler les questions opérationnelles et l’a informé qu’une enquête administrative serait amorcée relativement aux allégations d’abus de pouvoir et de harcèlement des employés.

[16]  Véronique Tremblay a dirigé l’enquête. Elle était une conseillère au Bureau du respect en milieu de travail de l’employeur. Le 31 mars 2014, Gary Lacey a signé le mandat d’enquête. Il était alors le directeur général de la Direction des biens immobiliers et de la sécurité. (Au moment de publication du rapport final, le Dr Tomkin l’avait remplacé.) Le mandat de l’enquête était de [traduction] « […] déterminer si [la fonctionnaire] s’était mal comportée ou avait harcelé les employés relevant d’elle en milieu de travail ».

[17]  Un rapport préliminaire a été publié le 28 juillet 2014, auquel la fonctionnaire a répondu. Le rapport final a été publié le 25 novembre 2014.

[18]  Mme Tremblay a conclu que les 6 allégations suivantes de 15 étaient fondées :

[Traduction]

[…]

[…] De décembre 2013 à avril 2014, Mme Edwards a restreint la communication des employés entre eux et avec leurs clients (y compris la rétention de renseignements qui empêchait ses employés de faire leur travail).

[…] Le 13 février 2014, Mme Edwards a embarrassé Mme Ouellet devant ses collègues lors d’une réunion d’équipe concernant un procès‑verbal consigné.

[…] Le 31 décembre 2013, Mme Edwards a haussé la voix et a répondu de façon agressive à Mme […] Ouellet en disant : [traduction] « ce n’est pas ce que j’ai dit, j’ai dit que je répondrai à tous les courriels dès qu’ils arrivent, ne mettez pas des mots dans ma bouche ».

[…] Le 10 février, Mme Edwards a grossièrement informé Mme Ouellet de ne pas utiliser une bouilloire dans la zone POD [qui avait été placée sur un classeur].

[…]

[…] De décembre 2013 à avril 2014, Mme Edwards [a fait] des commentaires négatifs au sujet des activités du programme, de la formation offerte par les membres de l’équipe, de la structure des services à la clientèle et des produits livrables incomplets ou incorrects.

[…]

[…] De décembre 2013 à avril 2014, il se peut que Mme Edwards ait fait preuve d’un abus de pouvoir lorsqu’elle a changé les rôles et responsabilités [de Mme Levesque] […] et lorsqu’elle [l’a] empêchée d’exercer les fonctions de son poste.

[…]

[19]  Voici les neuf allégations qu’elle a déterminées ne pas être fondées :

[Traduction]

[…]

[…] Le 10 février 2014, Mme Edwards est intervenue dans l’élimination d’un bac de recyclage.

[…] De décembre 2013 à avril 2014, Mme Edwards n’a pas respecté les plans de formation approuvés de ses employés.

[…] En février 2014, Mme Edwards a modifié la date de formation de ses employés en gestion du rendement sans en informer ses employés.

[…] De décembre 2013 à avril 2014, Mme Edwards a présenté à maintes reprises des demandes urgentes ou inutiles à l’égard desquelles aucune mesure n’a été prise.

[…] De décembre 2013 à avril 2014, Mme Edwards n’a pas respecté l’horaire de travail des employés lorsqu’elle a fixé des réunions et a demandé des produits livrables pendant l’heure de repas ou après les heures de travail.

[…]

[…] Le 4 février 2014, Mme Edwards a allégué faussement avoir reçu des plaintes des clients au sujet de [Mme] Ouellet.

[…]

[…] Le 24 février 2014, Mme Edwards [a retiré de l’équipe] l’accès au lecteur :L [les privant de l’outil nécessaire à l’exécution de leur travail].

[…]

[…] De décembre 2013 à avril 2014, Mme Edwards a souvent utilisé la phrase [traduction] « Ce n’est pas que vous êtes stupide » lorsqu’elle s’adressait à [Mme] Cameron.

[…] Le 9 avril 2014, Mme Edwards a dénigré Mme Cameron lorsqu’elle a indiqué à un client de Mme Cameron que [un autre employé] était beaucoup mieux placé pour répondre à ses questions.

[20]  Le 20 mai 2014, avant la conclusion de l’enquête, M. Lahaie a muté la fonctionnaire de son poste afin qu’elle travaille sur un projet spécial dans un autre endroit.

[21]  La fonctionnaire a pris un congé de maladie à compter du 27 novembre 2014, qui a été prolongé à plusieurs reprises. Le 16 juin 2016, elle a démissionné de la fonction publique.

III.  La nature du grief

[22]  La fonctionnaire a allégué que l’employeur a fait preuve de discrimination à son endroit du fait de sa race, de son origine nationale ou ethnique, de sa couleur et de son sexe, ce qu’elle déclarait être contraire à la fois à la convention collective et à la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H‑6; LCDP).

[23]  La convention collective applicable a été conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour le groupe Services des programmes et de l’administration qui est venue à échéance le 20 juin 2014. La clause 19.01 énonce ce qui suit :

19.01 Il n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un employé‑e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine nationale ou ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, son adhésion à l’Alliance ou son activité dans celle‑ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle l’employé‑e a été gracié.

[24]  L’article 7 de la LCDP dispose ce qui suit :

7 Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu;

b) de le défavoriser en cours d’emploi.

[25]  En vertu de la LCDP (par. 3(1)), la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur et le sexe sont tous des motifs de distinction illicite.

[26]  Selon la Loi, la Commission peut interpréter et appliquer la LCDP relativement à toute affaire qui lui a été renvoyée. L’article 226 de la Loi se lit comme suit :

226 (1) Pour instruire toute affaire dont il est saisi, l’arbitre de grief peut exercer les pouvoirs prévus à l’alinéa 16d) de la présente loi et aux articles 20 à 23 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral.

(2) L’arbitre de grief et la Commission peuvent, pour instruire toute affaire dont ils sont saisis :

a) interpréter et appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne, sauf les dispositions de cette loi sur le droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes, ainsi que toute autre loi fédérale relative à l’emploi, même si la loi en cause entre en conflit avec une convention collective;

b) rendre les ordonnances prévues à l’alinéa 53(2)e) ou au paragraphe 53(3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne;

c) dans le cas du grief portant sur le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire, adjuger des intérêts au taux et pour la période qu’ils estiment justifiés.

IV.  Le critère de discrimination

[27]  Afin d’établir la discrimination fondée sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur ou le sexe, un fonctionnaire s’estimant lésé doit établir d’abord une preuve prima facie. La Cour suprême du Canada (la « Cour suprême ») a défini une preuve prima facie comme suit dans Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons‑Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536, au par. 28 :

28. […] Dans les instances devant un tribunal des droits de la personne, le plaignant doit faire une preuve suffisante jusqu’à preuve contraire qu’il y a discrimination. Dans ce contexte, la preuve suffisante jusqu’à preuve contraire est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l’absence de réplique de l’employeur intimé

 […]

  • [28] Au paragraphe 18, la Cour suprême a confirmé qu’une preuve prima facie de discrimination dépend des trois conditions suivantes :

  • 1) le plaignant doit établir qu’il a une caractéristique personnelle spéciale qui relève de l’un des motifs de distinction illicite;

  • 2) le plaignant doit avoir subi un traitement défavorable préjudiciable;

  • 3) la caractéristique personnelle spéciale du plaignant qui relève d’un motif de distinction illicite constituait un facteur dans le traitement défavorable préjudiciable.

[29]  Si la fonctionnaire établit une preuve prima facie, il incombe alors à l’employeur d’expliquer ses actes. Ce concept est décrit dans Peel Law Assn. v. Pieters, 2013 ONCA 396, aux par. 65 et 66, comme suit :

[Traduction]

[65] Comme l’avocat des défendeurs l’a soutenu, le critère de la preuve prima facie définit ce qui est nécessaire pour établir une discrimination réelle. Il n’est pas différent de tous les autres éléments de preuve. Puisqu’une preuve prima facie concerne des éléments de preuve qui, si on y fait foi, permettraient d’établir la demande, un défendeur confronté à une preuve prima facie à la fin de l’argumentation doit présenter une preuve afin d’éviter une conclusion défavorable.

[66] Un défendeur peut éviter une conclusion défavorable en présentant des éléments de preuve démontrant que ses agissements ne sont pas discriminatoires ou en invoquant un moyen de défense prévu par la loi qui justifie la discrimination.

[30]  Dans Morin c. Canada (Procureur général), 2005 TCDP 41, aux par. 190 et 191, le Tribunal canadien des droits de la personne a établi les principes clés suivants dans les affaires de discrimination :

  • 1) Il n’est pas nécessaire que la discrimination constitue le seul motif sous‑jacent au traitement préjudiciable. Il suffit qu’elle soit l’un des facteurs.

  • 2) Dans les affaires de discrimination, la norme de preuve est celle qui s’applique dans les causes civiles, soit la prépondérance des probabilités.

  • 3) La discrimination est rarement un phénomène qui se manifeste ouvertement. Comme le tribunal a déclaré, « [o]n peut conclure à la discrimination quand la preuve présentée à l’appui rend cette conclusion plus probable que les autres conclusions ou hypothèses possibles […] ».

[31]  Au paragraphe 191, le tribunal a déclaré ce qui suit :

[191] […] la discrimination n’est pas un phénomène qui se manifeste ouvertement, comme on serait porté à le croire. Il est rare en effet qu’on puisse prouver par des preuves directes qu’un acte discriminatoire a été commis intentionnellement. Le tribunal doit donc tenir compte de toutes les circonstances pour déterminer s’il existe de « subtiles odeurs de discrimination » […]

V.  Questions en litige

[32]  Voici les questions en litige :

  1. La fonctionnaire a‑t‑elle établi une preuve prima facie de discrimination fondée sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur et le sexe?
  2. Dans l’affirmative, l’employeur a‑t‑il démontré que ses agissements n’étaient pas discriminatoires ou que la discrimination était justifiée?

A.  La fonctionnaire a‑t‑elle établi une preuve prima facie de discrimination fondée sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur et le sexe?

1.  Remarques préliminaires

a.  Principe de transparence judiciaire

[33]  La Commission a un processus ouvert, ce qui signifie que toutes les décisions et tous les dossiers sont à la disposition du public. Pour ce motif, la Commission s’engage à ne mentionner que les renseignements personnels qui sont nécessaires. En l’espèce, certaines pièces contiennent des renseignements personnels de la fonctionnaire qui ne sont pas nécessaires, notamment son adresse de domicile et son code d’identification de dossier personnel. Je tiens à rappeler aux parties que, à moins que les renseignements ne soient nécessaires à leur preuve, elles doivent veiller à protéger ces renseignements lorsqu’elles présentent des pièces à la Commission. De manière exceptionnelle, la Commission prendra des mesures en l’espèce pour ordonner au Secrétariat de la Commission de caviarder les renseignements personnels des pièces; les copies caviardées seront conservées dans le dossier et les documents originaux seront renvoyés à l’employeur.

b.  Grief

[34]  Dans son grief, la fonctionnaire allègue une discrimination du fait de sa race, de son origine nationale ou ethnique, de sa couleur et de son sexe. En ce qui concerne la discrimination fondée sur le sexe, sa seule preuve était qu’en mai 2014, lorsque M. Lahaie l’a muté à un projet spécial à un autre endroit, elle a été remplacée par un homme blanc. Je ne peux trouver de discrimination fondée sur le sexe uniquement sur cette base, car il existe d’autres explications de cet agissement qui sont tout aussi probables.

[35]  En ce qui concerne les autres motifs, la fonctionnaire n’a fait aucune distinction entre la race, l’origine nationale ou ethnique ou la couleur en tant que motifs distincts. Elle les a traités plutôt comme une seule entité. Je suivrai cette façon de procédé dans mon analyse et je ferai référence aux trois motifs de distinction illicite comme la discrimination fondée sur la race.

[36]  Je remarque que dans son grief, la fonctionnaire a fait des allégations de discrimination qu’elle n’a pas présentées à l’audience. Je n’aborderai que les allégations à l’égard desquelles elle a présenté des éléments de preuve.

[37]  Les parties ont présenté un certain nombre de décisions à l’appui de leurs positions. J’ai lu chacune de celles‑ci. Toutefois, je ne mentionnerai que celles qui revêtent une importance particulière aux fins de cette analyse.

2.  Le témoignage de la fonctionnaire sur le traitement défavorable préjudiciable

[38]  Il n’est pas contesté que la fonctionnaire est une membre d’un groupe protégé par la LCDP en raison de sa race, de son origine nationale ou ethnique, de sa couleur et de son sexe.

[39]  La fonctionnaire a témoigné pour son compte. Elle n’a cité aucun autre témoin.

[40]  Après que la fonctionnaire a commencé son emploi, une séance d’orientation à titre de nouvelle employée de Santé Canada ne lui a jamais été offerte. Elle n’a reçu aucun document d’information. En d’autres termes, elle n’a pas été présentée à l’organisation et ne s’est jamais sentie comme elle en faisait partie.

[41]  La fonctionnaire a formulé des opinions au sujet des employés du PNGCA au début de son mandat de directrice. Elle a dit que dès le premier jour, elle a reconnu que son équipe ne possédait pas d’expérience et que presque aucun des employés n’était formé. Elle a également expliqué qu’ils ne comprenaient pas les principes fondamentaux de la planification de la continuité des activités et qu’elle devrait leur enseigner.

[42]  Lors de la réunion du 13 mars 2014 avec M. Lahaie et les employés du PNGCA, la fonctionnaire a appris pour la première fois qu’il avait eu des cafés-rencontres avec eux. Il n’était jamais allé la voir pour discuter de leurs préoccupations avant le lancement de l’enquête. Un autre directeur avait discuté avec M. Lahaie au sujet des préoccupations des employés du PNGCA concernant la fonctionnaire, mais il n’était jamais allé la voir pour en discuter.

[43]  La fonctionnaire estimait que cela était inéquitable. Elle se sentait exclue et marginalisée. Elle était surprise que M. Lahaie eût rencontré ses employés à son insu et qu’elle n’eût pas eu l’occasion d’être entendue avant le lancement de l’enquête. À son avis, cela constituait une preuve de discrimination fondée sur sa race. Les directeurs et les employés du PNGCA étaient tous blancs et elle était la seule personne de race noire du groupe.

[44]  En janvier 2014, avant le lancement de l’enquête administrative, la fonctionnaire a rencontré M. Lahaie. Elle lui a dit que ses employés faisaient preuve d’un comportement répréhensible. Elle a témoigné en disant qu’il avait dit qu’il n’avait jamais reçu de plaintes à l’égard des employés et que, à titre de gestionnaire, elle devrait aborder les préoccupations. On lui a demandé de discuter avec les conseillers en relations de travail.

[45]  La fonctionnaire a discuté avec M. Aubry en présence de Mme Suljic. Dans son témoignage, la fonctionnaire a déclaré que M. Aubry lui avait dit qu’il n’était au courant d’aucun problème à l’égard des employés du PNGCA et qu’il était trop tôt au cours de son mandat pour que des problèmes soient survenus.

[46]  Une semaine plus tard, Mme Suljic a commencé à l’aider à régler les problèmes à l’égard de ses employés. Elle a fourni des conseils au cours des trois mois et demi suivants. Ensuite, la fonctionnaire a été envoyée à un encadrement spécial en gestion de conflits. Elle a convenu que les conseillers en relations de travail lui avaient donné des conseils, mais qu’elle n’était pas satisfaite de ce type de soutien. Elle se sentait isolée. Ses superviseurs ne lui ont offert ni un soutien ni une orientation. Elle estimait que la direction aurait dû en avoir fait davantage pour démontrer aux employés du PNGCA qu’elle était une membre estimée de l’organisation et qu’elle faisait partie de leur équipe.

[47]  La fonctionnaire a déclaré que lorsqu’elle a soulevé ses préoccupations au sujet des employés du PNGCA, on lui a dit qu’il était trop tôt pour prendre des mesures. Toutefois, la décision de lancer une enquête au sujet de leurs allégations à son égard a été prise en mars 2014, à peine trois mois suivant son arrivée.

[48]  La publication du rapport final de l’enquête a causé beaucoup de stress chez la fonctionnaire. Elle était anxieuse et déprimée. Elle était sidérée du fait que Mme Tremblay a conclu que six allégations étaient fondées. La fonctionnaire estimait qu’elle encourageait la communication au sein de son équipe. En ce qui concerne bon nombre des allégations, elle avait seulement exercé son pouvoir de gestion et elle n’avait pas utilisé un ton inapproprié avec les employés. Au contraire, ils étaient grossiers et irrespectueux envers elle.

[49]  La fonctionnaire a indiqué qu’elle avait été embauchée en vue d’améliorer et de modifier le PNGCA, de créer de meilleurs processus et procédures et d’appuyer et d’habiliter les employés afin d’améliorer leur service à la clientèle. Elle en a discuté avec les employés de manière respectueuse. Elle n’était pas négative pour être négative. Aucun des employés ne lui avait dit qu’il ou elle considérait ses commentaires comme négatifs. La fonctionnaire était choquée du fait que les employés considéraient la façon dont elle s’exprimait comme problématique.

[50]  La fonctionnaire estimait que l’enquête avait été menée de manière inéquitable. L’enquêtrice a accepté des déclarations non étayées des employés plutôt que les affirmations de la fonctionnaire qui étaient étayées par des éléments de preuve. Elle l’a attribué à la discrimination de la part de Mme Tremblay fondée sur la race. De plus, l’enquête a été amorcée en mars, mais la période visée s’est prolongée jusqu’en avril 2014.

[51]  La fonctionnaire était surprise que le Dr Tomkin, le supérieur de M. Lahaie, et non M. Lahaie lui ait envoyé une lettre pour l’informer qu’il acceptait les conclusions du rapport et qu’il mènerait un processus pour déterminer les mesures correctives appropriées. Jusqu’à ce qu’elle reçoive cette lettre, la fonctionnaire ne savait pas que le Dr Tomkin était concerné. Elle a trouvé cela choquant, bouleversant et injuste. Elle s’est opposé davantage au fait qu’il a rendu la décision au deuxième palier, étant donné qu’il était nommé dans le grief.

[52]  En février 2015, le représentant syndical de la fonctionnaire et le Dr Tomkin ont accepté le 18 février 2015 en tant que date de l’audience disciplinaire de la fonctionnaire. Lorsqu’elle a reçu l’invitation à y assister, elle se sentait seule, ciblée et humiliée publiquement. L’audience disciplinaire n’a jamais été tenue parce qu’elle a pris un congé de maladie prolongé et a ensuite quitté la fonction publique.

[53]  La fonctionnaire a témoigné en disant qu’elle avait subi des préjudices en raison du traitement préjudiciable et du milieu de travail toxique dès son arrivée en décembre 2013. L’expérience a eu de graves conséquences pour sa santé.

c.  L’analyse de la Commission du traitement défavorable préjudiciable

[54]  La fonctionnaire a déclaré que les actes ou les cas d’omission d’agir suivants constituaient une discrimination fondée sur la race dont a fait preuve son employeur :

  • à son arrivée, elle n’a reçu ni une orientation ni des documents d’information;
  • la mise en place de son bureau avait été retardée;
  • l’enquête a été menée de manière inéquitable;
  • le Dr Tomkin, et non M. Lahaie, était le gestionnaire qui devait décider les mesures correctives à prendre à la suite du rapport d’enquête;
  • lorsqu’elle, une personne de race noire, a exprimé ses préoccupations au sujet des employés du PNGCA, qui étaient blancs, auprès de M. Lahaie et des conseillers en relations de travail, aucune mesure n’a été prise; toutefois, lorsque les employés du PNGCA ont présenté des plaintes à M. Lahaie à son sujet, il a lancé une enquête administrative;
  • le Dr Tomkin, qui était nommé dans le grief, a rendu la décision au deuxième palier concernant ce grief.

[55]  Je conclus que la fonctionnaire n’a pas établi un traitement défavorable préjudiciable en ce qui concerne ses quatre premières allégations. Toutefois, je conclus qu’elle a établi que les cinquième et sixième allégations constituaient un traitement défavorable préjudiciable au moyen d’une preuve prima facie.

[56]  La fonctionnaire a déclaré qu’elle n’avait suivi aucune séance d’orientation et que la mise en place de son bureau avait été retardée. Je conclus que de tels retards ne sont pas inhabituels, étant donné qu’elle est arrivée juste avant la semaine de Noël en 2013. De plus, je ne peux pas dire que le fait qu’elle n’ait reçu aucun document d’information constituait un traitement préjudiciable puisque rien dans la preuve ne porte sur les processus normaux à l’égard des nouveaux employés.

[57]  Une grande partie du témoignage de la fonctionnaire portait sur la façon dont Mme Tremblay a mené l’enquête. Je ne constate aucun traitement inapproprié ou défavorable dans cette conduite. Je suis convaincue qu’une enquêtrice formée a mené l’enquête, qu’elle a agi de manière équitable et qu’elle a respecté les politiques applicables. La fonctionnaire a eu toute possibilité d’être entendue et de répondre aux témoignages des autres, dont elle a tiré pleinement parti. Mme Tremblay a fait remarquer qu’en plus d’être interrogée, la fonctionnaire lui a fourni des documents, dont quatre grands classeurs. Le rapport d’enquête final fait référence aux réponses de la fonctionnaire à chacune des allégations.

[58]  La fonctionnaire a déclaré que Mme Tremblay était partiale en ce qu’elle acceptait toujours les versions des employés blancs plutôt que les siennes. Je ne crois pas que c’était le cas. Dans le rapport écrit, Mme Tremblay a expliqué en détail la façon dont elle est parvenue à ses conclusions à l’égard de chacune des allégations. Elle a également affirmé qu’elle était consciente du fait que la fonctionnaire avait soutenu que les employés avaient fait preuve de collusion. J’ajoute en outre qu’elle n’a pas toujours privilégié les éléments de preuve des employés par rapport à ceux de la fonctionnaire : des 15 allégations, Mme Tremblay a conclu que seulement 6 étaient fondées.

[59]  La fonctionnaire estime que l’enquête aurait dû viser uniquement la période de décembre 2013 à mars 2014, mais qu’elle visait également avril 2014. Le mandat de l’enquête ne précisait aucune période particulière. J’ai examiné les renseignements sur les allégations fondées. Il semble que presque tous les renseignements, sinon tous, consignés au sujet des allégations sont survenus d’ici la fin de mars 2014. Qui plus est, la fonctionnaire n’a pas été surprise par cela. Elle a eu toute la possibilité de répondre à toutes les allégations. Je souligne en outre qu’il ne semble pas qu’elle ait mentionné à l’enquêtrice sa préoccupation au sujet de la période visée.

[60]  La fonctionnaire estimait qu’il était discriminatoire que le gestionnaire qui devait mener l’audience disciplinaire fût le Dr Tomkin, le supérieur de M. Lahaie, et non M. Lahaie. Je ne peux conclure que cela constituait un traitement défavorable. La fonctionnaire n’a présenté aucun élément de preuve me permettant de déterminer que cela différait de la pratique habituelle.

[61]  Toutefois, je conclus que la fonctionnaire a établi que les cinquième et sixième allégations constituaient un traitement défavorable préjudiciable au moyen d’une preuve prima facie.

[62]  En premier lieu, la fonctionnaire a déclaré qu’elle avait fait l’objet d’un traitement défavorable parce que lorsqu’elle, une personne de race noire, a fait part à M. Lahaie de ses préoccupations au sujet du comportement des employés du PNGCA, aucun soutien n’a été offert pour régler les problèmes. Toutefois, lorsque les employés blancs du PNGCA ont fait part de leurs préoccupations, M. Lahaie a lancé une enquête administrative relative à ses agissements.

[63]  En deuxième lieu, même s’il était nommé dans le grief, le Dr Tomkin a rendu la décision au deuxième palier. Cela était très irrégulier. Sans aucune autre explication, cette pratique était différente et préjudiciable.

3.  Le témoignage de la fonctionnaire au sujet d’un lien entre la race et le traitement défavorable préjudiciable

[64]  La fonctionnaire a déclaré qu’elle n’avait pas fait l’objet de commentaires offensants, de propos racistes ou d’actes offensants fondés sur la race. Sa conclusion, selon laquelle elle a été victime de discrimination, était fondée sur sa vaste expérience en tant que femme de race noire en interaction avec des personnes non de race noire et sur le racisme dont elle avait été victime dans d’autres endroits.

[65]  La fonctionnaire a ajouté que, d’après son expérience, la grande partie du racisme ne provient pas d’actes manifestes. Le racisme découle d’actes secrets, comme les réunions tenues sans elle et le fait qu’elle n’ait pas eu l’occasion de répondre aux préoccupations avant le lancement de l’enquête. De plus, on n’a pas tenu compte de ses préoccupations.

a.  L’analyse de la Commission d’un lien entre la race et le traitement défavorable préjudiciable

[66]  Comme il est indiqué dans Pieters, au par. 73 : [traduction] « Une “preuve affirmative [relativement] faible” est nécessaire avant qu’une conclusion de discrimination ne soit permise. De plus, la norme de preuve exige uniquement que la conclusion soit plus probable que le contraire. »

[67]  La fonctionnaire a allégué qu’elle avait fait l’objet d’un traitement défavorable parce que lorsqu’elle, une personne de race noire, a soulevé des préoccupations au sujet des employés du PNGCA, la direction n’a pris aucune mesure. Toutefois, lorsque les employés blancs du PNGCA ont soulevé des préoccupations à son égard, la direction a lancé une enquête administrative. La fonctionnaire estime que la discrimination fondée sur la race était la cause de l’intervention différente. Sa conviction est fondée sur le fait qu’elle est une femme de race noire qui a été la cible de racisme dans le passé.

[68]  Les circonstances décrites par la fonctionnaire ont soulevé une conclusion factuelle selon laquelle un traitement défavorable a eu lieu en ce que la direction n’a pas abordé ses préoccupations de la même manière qu’elle a abordé les préoccupations des employés du PNGCA. Comme on sait très peu des raisons pour lesquelles la direction a agi comme elle l’a fait, il est raisonnable de conclure que la discrimination fondée sur la race constituait au moins un facteur.

[69]  Je parviens à la même conclusion relativement au fait que même s’il est nommé dans le grief, le Dr Tomkin a rendu la décision au deuxième palier.

B.  L’employeur a‑t‑il démontré que ses agissements n’étaient pas discriminatoires ou que la discrimination était justifiée?

[70]  Comme je l’ai déjà indiqué, j’ai conclu qu’il existait deux cas où la fonctionnaire a établi une preuve prima facie du fait qu’elle a fait l’objet d’un traitement défavorable préjudiciable pour lequel la discrimination fondée sur la race constituait un facteur.

[71]  Toutefois, après avoir examiné les éléments de preuve de l’employeur, je conclus que les agissements de la direction ne constituaient pas un traitement défavorable et, par conséquent, ils n’étaient pas discriminatoires.

1.  Le témoignage de l’employeur

[72]  L’employeur a cité à témoigner quatre témoins : Mme Cameron, Mme Suljic, le Dr Tomkin et Mme Tremblay.

[73]  Lorsque la fonctionnaire a rencontré M. Lahaie pour l’informer de ses préoccupations au sujet des employés du PNGCA, elle a été renvoyée aux Relations de travail. Peu après, elle a rencontré M. Aubry et Mme Suljic. Mme Suljic a témoigné en disant que lors de leur première réunion, la fonctionnaire a discuté de certains défis à l’égard de son équipe. Elle avait des questions au sujet du rendement des employés et souhaitait obtenir des conseils quant à la façon de muter certains de ceux‑ci à l’extérieur du PNGCA et de la façon à recruter de nouvelles personnes.

[74]  Après la première réunion, Mme Suljic a continué d’aider la fonctionnaire, sur demande. Elle a communiqué avec la fonctionnaire au moins deux fois par semaine, parfois à maintes reprises le même jour. Dans le cadre de son rôle de conseillère en relations de travail, elle devait conseiller et guider les gestionnaires à tous les niveaux dans des domaines comme le soutien aux griefs, la gestion du rendement, les mesures d’adaptation, l’interprétation de la convention collective, entre autres. Mme Suljic préparait parfois des ébauches des notes d’allocution et de courriels pour la fonctionnaire. Elle a suggéré que la fonctionnaire explique à son équipe ce qu’elle faisait, qu’elle fixe ses attentes et qu’elle discute des problèmes. La fonctionnaire a également participé à un encadrement portant sur la façon de mener des conversations difficiles et de gérer les conflits en milieu de travail.

[75]  Au cours de la même période, les employés du PNGCA ont fait part à M. Lahaie de leurs préoccupations au sujet de la fonctionnaire. Mme Cameron a témoigné en disant que les employés se sentaient intimidés et harcelés. Elle a dit que lorsque M. Lahaie a pris connaissance du fait que les employés du PNGCA avaient des préoccupations, il les a rencontrés chacun en personne et leur a demandé une liste écrite de leurs allégations. À la suite de cela, il a lancé l’enquête.

[76]  Mme Tremblay a été choisie pour mener l’enquête. Elle était une directrice du Bureau du respect en milieu de travail de Santé Canada et avait suivi une formation considérable sur la tenue d’enquêtes. Elle a suivi à la fois la « Politique sur les enquêtes administratives » d’octobre 2010 de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) et le « Guide d’enquête pour l’application de la Politique sur la prévention et la résolution du harcèlement et la Directive sur le processus de traitement des plaintes de harcèlement » du Conseil du Trésor. Lorsqu’il existait des différences entre ces deux documents, elle a suivi la politique de l’ASPC, qui avait été adoptée par Santé Canada.

[77]  Mme Tremblay a déclaré qu’elle a effectué ce qui suit dans le cadre de son enquête :

  • examiné les documents sur toutes les allégations et rencontré ensuite chacun des employés qui avaient des préoccupations;
  • leur a demandé, ainsi qu’à la fonctionnaire, s’il existait d’autres documents ou témoins;
  • fourni à chaque employé des notes de l’entrevue aux fins d’examen et de signature;
  • envoyé une lettre à la fonctionnaire et lui a fait parvenir les documents pertinents, y compris un dossier des allégations et la déclaration d’entrevue de chacun des employés;
  • demandé à la fonctionnaire d’y répondre au plus tard le 19 mai 2014;
  • interrogé la fonctionnaire;
  • communiqué les notes d’entrevue à la fonctionnaire après l’entrevue, aux fins d’examen et de signature;
  • rédigé un rapport préliminaire du 28 juillet 2014 qui a été communiqué à la fonctionnaire qui a fourni ses commentaires;
  • examiné les observations de la fonctionnaire et rédigé le rapport d’enquête final du 25 novembre 2014.

[78]  Le Dr Tomkin n’occupait pas son poste lorsque l’enquête relative à la conduite de la fonctionnaire a été lancée, mais il a reçu le rapport d’enquête final en novembre 2014. Il a conclu que l’enquête avait été menée de façon équitable, conformément aux politiques applicables. Plus particulièrement, il était convaincu que la fonctionnaire avait eu toute la possibilité d’être entendue. Dans une lettre qui lui est adressée, il l’a informé que, à titre de gestionnaire délégué, il acceptait les conclusions et qu’un processus serait tenu pour déterminer les mesures correctives appropriées. Il avait l’intention de la rencontrer dès son retour au travail.

VI.  L’analyse de la Commission

[79]  Je conclus que lorsqu’elle a rencontré M. Lahaie et les conseillers en relations de travail, la fonctionnaire a demandé de l’aide pour traiter avec les employés qui avaient fait preuve d’un comportement irrespectueux. À titre de gestionnaire, il lui incombait de gérer le rendement de toute lacune de la part des employés. La direction lui a répondu en lui offrant un soutien en relations de travail, dont elle a pleinement tiré parti. Mme Suljic a répondu à ses questions, lui a donné des conseils et lui a suggéré un libellé pour les courriels et les conversations. La fonctionnaire a également participé à un encadrement en matière de gestion des conflits.

[80]  Il n’y a aucune preuve que la fonctionnaire s’est plainte auprès de la direction de sa réponse ou qu’elle a communiqué le fait qu’elle ne pouvait pas exercer ses fonctions de supervision et qu’elle souhaitait que d’autres mesures soient prises. Il ne ressort pas non plus de la preuve que les gestionnaires d’une autre race auraient obtenu une réponse différente de l’employeur.

[81]  L’employeur a également fourni d’autres éléments de preuve au sujet de l’enquête lancée à l’égard des allégations des employés du PNGCA. Il s’agissait d’un contexte tout à fait différent. Ils ont fourni à M. Lahaie une liste de ce qu’ils croyaient être des exemples d’abus de pouvoir et de harcèlement de la part de leur gestionnaire. La direction était tenue de prendre des mesures relativement à ces graves allégations, ce qu’elle a fait en lançant l’enquête administrative.

[82]  Je ne sais pas pourquoi M. Lahaie n’a pas discuté avec la fonctionnaire au sujet de ce que les employés du PNGCA lui avaient dit avant de décider de lancer l’enquête. Je suis consciente du fait que son rôle n’a pas été pleinement expliqué à la Commission parce qu’il était malheureusement décédé au moment de l’audience. Évidemment, il aurait été souhaitable qu’il aborde ces questions avec la fonctionnaire à titre de première étape. Toutefois, les éléments de preuve n’indiquent pas que la façon dont il a agi dans ce cas différait de la façon dont il a traité les questions avec d’autres gestionnaires. Il est tout aussi probable que cela se soit produit en raison d’une communication inadéquate que d’un acte de discrimination fondée sur la race.

[83]  Dans le deuxième cas de traitement défavorable préjudiciable, le Dr Tomkin a rendu la décision relative au grief au deuxième palier même s’il était nommé dans le grief. Il est ressorti de la preuve que le représentant de la fonctionnaire a soulevé cette préoccupation auprès de l’employeur avant que cette décision soit rendue et que l’employeur lui avait fourni la justification. Puisque la question n’a pas été soulevée de nouveau, il semble qu’après cette communication, il a été convenu de poursuivre ainsi. Quoi qu’il en soit, aucun lien entre cette décision et la discrimination fondée sur la race ne ressort de la preuve. En fait, selon la correspondance entre l’employeur et le représentant de la fonctionnaire, la décision que le Dr Tomkin rende la décision au deuxième palier était fondée sur l’interprétation de l’employeur de la convention collective pertinente. Par conséquent, je conclus que la discrimination ne constituait pas un facteur dans ce cas.

VII.  Conclusion

[84]  La Cour suprême a énoncé ce qui suit dans Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), [2012] 3 RCS 360, au par. 60 :

[60] […] La question est la même dans chaque cas : La pratique impose-t-elle au plaignant des obstacles arbitraires – ou injustifiés – du fait de son appartenance à un groupe protégé? Dans l’affirmative, la discrimination a été établie.

[85]  La preuve a démontré que le milieu de travail pendant la courte période pendant laquelle la fonctionnaire était la directrice du PNGCA était très négatif et elle confirme son affirmation selon laquelle les employés du PNGCA étaient parfois irrespectueux envers elle.

[86]  Toutefois, après avoir examiné tous les éléments de preuve, je conclus que la fonctionnaire n’a pas établi que l’employeur a fait preuve de discrimination à son endroit au motif de la race.

[87]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VIII.  Ordonnance

[88]  Le grief est rejeté.

[89]  Le Secrétariat de la Commission caviardera l’adresse et le code d’identification de dossier personnel de la fonctionnaire des pièces suivantes : E‑1, E‑23, E‑52, E‑69, E‑79, E‑88, E‑89, E‑98, E‑101, E‑103 et E-104. Les documents originaux seront retournés à l’employeur.

Le 19 décembre 2019.

Traduction de la CRTESPF

Catherine Ebbs,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

 

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