Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’agent négociateur a présenté un renvoi à la Commission en vertu de l’art. 70 de la LRTP alléguant que l’employeur n’avait pas mis en œuvre les dispositions de la convention collective entre eux dans le délai précisé dans la convention collective, contrairement au par. 43(1) de la LRTP – dans sa réponse, l’employeur a reconnu qu’il n’avait pas pleinement mis en œuvre l’entente dans le délai de 90 jours et a demandé une prorogation du délai pour mettre en œuvre les augmentations, conformément au pouvoir discrétionnaire de la Commission – la Commission n’a pas accordé la prorogation puisque l’employeur avait l’obligation de lui présenter une demande de prorogation du délai le plus rapidement possible avant la fin du délai de 90 jours et assez tôt pour permettre à la Commission d’évaluer pleinement les positions des parties – l’employeur a soulevé la perspective d’une prorogation pour la première fois seulement dans sa réponse au renvoi – à titre d’ordonnance préliminaire, la Commission a déclaré que l’employeur était en contravention du par. 43(1) puisqu’il n’avait pas mis en œuvre l’entente dans le délai de 90 jours prescrit – la Commission est demeurée saisie de la question afin de trancher si, dans les circonstances, la contravention constituait une violation des obligations de l’employeur conformément à l’art. 70 et déterminer le redressement qui convient, selon les faits.

Renvoi en suspens et demande de prorogation du délai refusée.

Contenu de la décision

Date:  20200107

Dossier: 461-PP-40504

 

Référence:  2020 CRTESPF 1

 

Loi sur les relations de travail

Au Parlement

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

agent négociateur

 

et

 

SERVICE DE PROTECTION PARLEMENTAIRE

 

employeur

Répertorié

Alliance de la fonction publique du Canada c. Service de protection parlementaire

Affaire concernant un renvoi en vertu de l’article 70 de la Loi sur les relations de travail au Parlement visant à faire respecter les obligations qui découleraient de la convention collective, et

 

affaire concernant une demande de l’employeur de proroger les délais en vertu de l’alinéa 43(1)b) de la Loi sur les relations de travail au Parlement visant à mettre en œuvre les dispositions de la convention collective.

Devant :  David Olsen, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour l’agent négociateur :  Amy Kishek, conseillère juridique

Pour l’employeur :  Sebastien Huard, avocat

Affaire entendue au moyen d’arguments écrits déposés

le 29 mai, les 5 et 24 juillet, le 22 août, les 9 et 16 septembre et les 10 et 18 décembre 2019.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION (Traduction de la CRTESPF)

I.  Affaire devant la Commission

[1]  L’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») a présenté un renvoi en vertu de l’art. 70 de la Loi sur les relations de travail au Parlement (L.R.C. (1985), ch. 33 (2e suppl.); « LRTP ») le 29 mai 2019, dans lequel elle a soutenu que le Service de protection parlementaire (l’« employeur ») n’avait pas mis en œuvre les dispositions d’un protocole d’entente concernant une augmentation économique pour ses membres pour la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2017, intégré dans la convention collective pertinente, en violation du par. 43(1) de la LRTP, qui exigeait qu’il soit mis en œuvre dans les 90 jours suivant la date de son exécution.

[2]  L’employeur a répondu le 5 juillet 2019. Il a indiqué en partie qu’il n’avait pas été en mesure de mettre en œuvre les augmentations économiques en raison des difficultés qu’il avait éprouvées à préparer les nouvelles fourchettes de salaire et des problèmes liés au nouveau système de paie Phénix. Il a demandé une prorogation du délai pour mettre en œuvre les augmentations jusqu’au 31 août 2019, conformément au pouvoir discrétionnaire de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») en vertu de l’al. 43(1)b) de la LRTP.

II.  Contexte

[3]  L’agent négociateur est une organisation syndicale qui a été accrédité à titre d’agent négociateur pour environ 120 employés de la détection travaillant pour l’employeur qui sont appelés dans le certificat de négociation opérateurs de scanographe et superviseurs de la scanographie.

[4]  L’employeur est l’organisme central de gestion de la sécurité du Parlement
du Canada. Il a été conçu pour améliorer la sécurité et les interventions en cas de crise en fusionnant tous les groupes liés à la sécurité dans la zone parlementaire sous une seule direction.

[5]  Le 17 décembre 2018, les parties sont parvenues à un accord provisoire pour traiter de la convention collective à l’époque et des augmentations économiques pour la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2017, pour les membres de l’unité de négociation. La convention collective a été ratifiée le 20 décembre 2018.

[6]  Conformément au par. 43(1) de la LRTP, étant donné qu’il n’y avait aucune disposition dans la convention collective concernant une date de mise en œuvre, elle devait être mise en œuvre dans les 90 jours suivant son exécution.

[7]  À la date du présent renvoi à la Commission, les modalités du protocole d’entente n’avaient pas été mises en œuvre, et les membres de l’unité de négociation continuaient de toucher la même rémunération qu’en 2014.

[8]  L’agent négociateur a indiqué qu’il avait communiqué avec l’employeur le 16 avril 2019 pour lui faire part de l’échéance de mise en œuvre manquée.

[9]  L’agent négociateur a indiqué que, le 23 avril 2019, l’employeur l’avait informé qu’il n’avait pas respecté la date limite de mise en œuvre.

[10]  L’employeur a indiqué qu’il avait eu des retards dans le traitement des augmentations économiques et qu’il n’avait pas été en mesure d’effectuer le paiement dans les 90 jours prévus. Il a indiqué que les retards étaient dus en partie à la préparation de la grille salariale par la Chambre des communes aussi bien qu’à des problèmes liés au système de paie Phénix.

[11]  L’employeur a déclaré avoir reçu confirmation du fait que les augmentations économiques seraient mises en œuvre au plus tard le 31 août 2019. Compte tenu de toutes les circonstances, il a indiqué qu’il serait raisonnable que la Commission accorde une période plus longue pour la mise en œuvre du protocole d’entente, conformément à l’al. 43(1)b) de la LRTP. Cet alinéa octroie à la Commission le pouvoir de prolonger le délai de mise en œuvre d’une disposition d’une convention collective, si la Commission l’estime raisonnable.

[12]  L’agent négociateur a répondu. Il a allégué que l’employeur n’avait pas présenté de demande de prorogation du délai à la Commission, tel que le précise l’al. 43(1)b) de la LRTP, avant la fin du délai de la mise en œuvre des dispositions de la convention collective.

[13]  Le 22 août 2019, l’employeur a informé la Commission de retards supplémentaires dans le traitement des augmentations économiques et a indiqué que les rajustements ne seraient téléchargés que pendant la fin de semaine du 14 et 15 septembre 2019. Par conséquent, les employés recevraient les augmentations le 2 octobre 2019. Ce retard est dû à l’obligation du Centre des services de paye de la fonction publique de traiter un nombre important d’augmentations salariales mises à jour ou autres.

[14]  L’employeur a demandé une prorogation du délai de mise en œuvre des augmentations économiques jusqu’au 2 octobre 2019, conformément au pouvoir discrétionnaire de la Commission en vertu de l’al. 43(1)b) de la LRTP. Le 30 août 2019, l’employeur a écrit à l’agent négociateur que la plupart des employés verraient leurs modifications salariales d’ici le 2 octobre, et que les quelques autres employés ayant des questions en suspens recevraient vraisemblablement le reste de leurs paiements rétroactifs d’ici le 16 octobre 2019.

[15]  Une conférence préparatoire à l’audience a eu lieu le 30 août 2019, au cours de laquelle la Commission a tranché en disant qu’elle rendrait une décision, au moyen d’arguments écrits, sur la demande de prorogation du délai de mise en œuvre des augmentations économiques présentée par l’employeur.

[16]  Le 10 décembre 2019, l’agent négociateur a informé la Commission que l’employeur n’avait pas rémunéré ses membres avec la rémunération rétroactive exacte établie dans l’entente du 20 décembre 2018 entre les parties et que ses membres l’avaient informé de l’existence d’écarts importants dans la rémunération rétroactive des heures supplémentaires. Il a indiqué que l’employeur avait demandé une prorogation du délai, affirmant qu’il achèverait les paiements rétroactifs d’ici le 16 octobre 2019. Toutefois, cette date était passée depuis longtemps et, par conséquent, l’agent négociateur a demandé qu’une ordonnance préliminaire soit rendue.

[17]  Le 18 décembre 2019, l’employeur a répondu en confirmant que les employés avaient en fait reçu leurs augmentations rétroactives le 23 octobre 2019, et que les augmentations négociées avaient été intégralement appliquées. L’employeur a ajouté qu’étant donné les préoccupations au sujet d’éventuels écarts, son personnel de la rémunération et des prestations sociales procédait à un examen de chaque dossier du personnel afin de s’assurer que les paiements rétroactifs étaient exacts et de procéder aux ajustements nécessaires. L’employeur a indiqué qu’en raison de la complexité de ces questions, l’examen nécessiterait plus de temps pour être terminé. L’employeur a soutenu qu’il s’était conformé à son obligation de mettre en œuvre les augmentations économiques et que toute erreur potentielle de rémunération ne constituait pas une contravention à l’al. 43(1)b) de la LRTP. Il a soutenu qu’aucune autre mesure de réparation ne conviendrait et ne serait nécessaire

III.  Résumé des arguments relatifs à la demande de prorogation du délai

A.  Les arguments de l’employeur

[18]  La Commission a la compétence nécessaire pour accorder la prorogation de délai demandée en vertu de l’art. 43(1)b) de la LRTP. L’employeur a suivi le processus et les délais nécessaires pour demander une prorogation. En particulier, la LRTP et son règlement ne prévoient pas de processus de demande spécifique et il n’est pas nécessaire de déposer une demande distincte indépendante; il n’y a pas non plus de délai prescrit pour présenter une demande. Le fait que la demande de prorogation du délai a été déposée après le délai de 90 jours pour la mise en œuvre des augmentations économiques n’empêche pas la Commission de l’accorder pour une période plus longue qui pourrait lui paraître raisonnable.

[19]  Compte tenu de toutes les circonstances, il serait raisonnable que la Commission accorde une période plus long pour mettre en œuvre les augmentations économiques négociées. En particulier, l’employeur a toujours agi de bonne foi et a toujours été transparent avec l’agent négociateur. L’employeur a toujours effectué un suivi auprès de la Chambre des communes et du Centre des services de paye de la fonction publique afin de s’assurer que la mise en œuvre soit effectuée aussi rapidement que possible.

[20]  Malgré tous ses efforts, les problèmes liés au système de paye Phénix et les retards causés par le Centre des services de paye de la fonction publique ont continué de retarder la mise en œuvre.

[21]  Le retard de la mise en œuvre est tout à fait indépendant de la volonté de l’employeur. Il convient que la Commission accorde la prorogation du délai. L’employeur a pris toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que le paiement est traité le plus rapidement possible.

B.  Les arguments de l’agent négociateur

[22]  L’employeur a contrevenu au par. 43(1) de la LRTP, ce qui constitue une « infraction de responsabilité stricte ». La demande de prorogation du délai de mise en œuvre de l’entente ratifiée le 20 décembre 2018 est prématurée et manifestement déraisonnable dans les circonstances.

[23]  L’employeur n’a pas présenté sa demande en temps utile. Une demande de prolongation de la période de mise en œuvre n’est pas une prorogation du délai à accorder une fois les 90 premiers jours déjà passés. Il s’agit d’une demande pour une période supérieure au minimum légal de 90 jours, lorsqu’elle est estimée raisonnable par la Commission.

[24]  L’employeur n’a pas présenté de demande indépendante pour une prorogation du délai. Il a attendu d’avoir enfreint la LRTP et il a attendu que l’agent négociateur ait renvoyé l’affaire à la Commission en vertu de l’art. 70.

[25]  La demande de prorogation du délai est déraisonnable étant donné que l’employeur a admis qu’il n’avait pas mis en œuvre les augmentations économiques négociées dans les délais prévus par la loi. Une fois qu’une infraction a eu lieu, elle ne peut pas être corrigée au moyen d’une modification de la période de la mise en œuvre après l’infraction. Une telle mesure serait inéquitable et déraisonnable.

[26]  Les difficultés que l’employeur prétendait avoir rencontrées n’étaient pas
imprévisibles. Il savait pertinemment qu’il devrait faire participer la Chambre des communes à l’établissement de la grille salariale et qu’il devrait traiter les modifications apportées au système de paye Phénix. Le lieu qui convient pour soulever les questions et les défis en ce qui concerne la mise en œuvre est à la table de négociation avant la mise en œuvre de l’entente.

[27]  L’employeur n’a pas tenu compte de ces réalités à la table de négociation ou en présentant une demande appropriée en temps opportun à la Commission pour une prorogation du délai.

[28]  Les membres de l’unité de négociation ont droit à des dommages pour la violation par l’employeur de la LRTP et des conditions implicites de l’entente du 20 décembre 2018. La situation en l’espèce n’est pas différente des nombreuses plaintes concernant la mise en œuvre dont la Commission a été saisie concernant la fonction publique fédérale dans laquelle elle a accueilli des déclarations que le Conseil du Trésor (l’employeur dans ces cas) a enfreint les dispositions de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365), est demeurée saisie de la question des mesures de redressement, et a établi un échéancier pour la mise en œuvre des dispositions des conventions collectives respectives par les parties.

IV.  Motifs

A. La demande de prorogation de délai

[29]  Le par. 43(1) de la LRTP se lit comme suit :

43(1) Sous réserve de l’affectation par le Parlement, ou sous son autorité, des crédits nécessaires, les parties à une convention collective commencent à l’appliquer :

a) au cours du délai éventuellement prévu à cette fin dans la convention;

b) en l’absence d’un délai de mise en application, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date de la signature de la convention ou dans le délai plus long estimé raisonnable par la Commission et accordé sur demande de l’une ou l’autre des parties à la convention.

 

[30]  Comme l’a fait remarquer l’arbitre de grief Jaworski dans Conseil du Trésor c. Conseil de l’est des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral, 2014 CRTFP 13, au par. 64, la jurisprudence dans ce domaine est mince et date de nombreuses années. Néanmoins, un examen des décisions des prédécesseurs de la Commission s’est avéré instructif.

[31]  Dans Conseil du Trésor c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, dossier de la CRTFP 151-02-4 (19691118), [1969] C.R.T.F.P.C. no 11 (QL), la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) a examiné une demande de l’employeur dans ce cas en vertu du par. 56(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P-35; LRTFP) demandant que la CRTFP prolonge les délais pour la mise en œuvre de certaines dispositions d’une convention collective.

[32]  Le par. 56(1) de la LRTFP se lisait comme suit :

56. (1) Les dispositions d’une convention collective doivent, sous réserve de l’affectation par le Parlement ou sous son autorité des crédits dont l’employeur peut avoir besoin à cette fin, être mises en œuvre par les parties,

a) lorsque la convention collective spécifie un délai pour la mise en œuvre de la convention collective, au cours de ce délai; et

b) lorsque aucun délai de mise en œuvre n’est ainsi spécifié,

(i) dans les quatre-vingt-dix jours de la date de sa signature, ou

(ii) dans tel autre délai plus long que la Commission peut, à la requête de l’une ou l’autre des parties à la convention, estimer raisonnable.

[33]  Au paragraphe 5 de la décision, la CRTFP a donné son avis sur l’obligation de l’employeur dans ce cas de mettre en œuvre les dispositions d’une convention collective comme suit :

5. On remarquera que le délai de quatre-vingt-dix jours mentionné à l’article 56(1)b)(i) ne s’applique que lorsque aucun délai de mise en œuvre n’est spécifié dans la convention collective. On pourrait donc s’attendre à ce que l’employeur, lorsqu’il négocie une convention collective, étudie les moyens dont il dispose pour la mettre en œuvre et essaie de faire adopter une date de mise en œuvre qui tienne compte de ces ressources. Lorsque la convention collective ne spécifie aucun délai de mise en œuvre, on conclurait normalement que l’employeur, après avoir fait un bilan de ses moyens, les trouve suffisants pour lui permettre de mettre en œuvre la convention dans le délai de quatre-vingt-dix jours qui lui est imparti aux termes de l’article 56(1)b)(i). La "soupape de sécurité" prévue par l’article 56(1)b)(ii) n’a été instituée que pour tenir compte de situations normalement imprévisibles au moment de la signature de la convention, ou de situations qui se développent par la suite et qui sont indépendantes de la volonté de l’employeur. Il peut aussi se produire des cas où les parties se mettent d’accord pendant les négociations sur le fait qu’il ne sera pas possible de mettre en œuvre certaines dispositions de la convention pendant le délai de quatre-vingt-dix jours, mais sont dans l’impossibilité de déterminer à ce moment-là quel serait le délai nécessaire pour la aise en œuvre de ces dispositions. L’article 56 (1)b)(ii) permet à la Commission, dans un cas justifié, d’accorder une prolongation de délai adaptée aux circonstances qui se sont manifestées après la signature de la convention. Il n’était pas prévu qu’il devînt un instrument de routine pour permettre le cas échéant à l’employeur, ou à l’agent négociateur, de se soustraire aux conséquences qu’entraîne le manque d’un minimum de prévoyance.

 

[34]  La CRTFP a ajouté en partie ce qui suit au paragraphe 8 :

8. […] si l’employeur est dans l’impossibilité de se libérer de ses obligations concernant la mise en œuvre d’une convention collective dans les délais impartis par l’article 56(1)b)(i), il doit s’efforcer d’obtenir le consentement de la Commission pour prolonger ce délai de mise en œuvre. Avant de demander ce consentement, l’employeur devrait faire connaître aux représentants de l’agent négociateur intéressé tous les faits et toutes les circonstances qui le mettent dans l’impossibilité de mettre en œuvre les conventions dans le délai de quatre-vingt-dix jours. Les parties devraient alors discuter les problèmes soulevés en s’efforçant de bonne foi d’aboutir à un accord sur le temps de prolongation nécessaire. Si les parties parviennent à s’entendre sur la prolongation du délai de mise en œuvre d’une convention, il est peu probable que la Commission ne donne pas aussi son accord, sauf circonstances exceptionnelles. Si les parties ne réussissent pas a trouver un compromis, il faut adresser à la Commission la demande de prolongation rapidement et suffisamment tôt pour permettre à la Commission de procéder aux auditions nécessaires pour se rendre compte si les circonstances nécessitent l’octroi d’une prolongation de délai.

 

[35]  Dans Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada, dossier de la CRTFP 151-02-7 (19760716), concernant une autre demande par l’employeur dans ce cas en vertu du sous-alinéa 56(1)b)(ii) de la LRTFP pour une prorogation du délai de mise en œuvre d’une convention collective en raison de la reconnaissance que la rémunération globale fournie dans cette convention pouvait dépasser les lignes directrices de la Commission de lutte contre l’inflation qui était en place à cette époque, la CRTFP a de nouveau cité les extraits précités et a indiqué qu’elle était d’accord avec tous les avis exprimés dans la décision antérieure.

[36]  Dans les circonstances du cas devant elle, la CRTFP a indiqué ce qui suit au paragraphe 8 de cette décision :

8. Comme nous l’avons signalé plus haut, l’employeur et l’agent négociateur savaient que les augmentations prévues dans la convention collective du groupe de l’enseignement excédaient les indicateurs de la Commission de lutte contre l’inflation. En outre, la preuve démontre qu’au moment où il a conclu la convention collective, l’employeur se proposait de renvoyer ladite convention devant la Commission de lutte contre l’inflation pour obtenir son approbation avant de mettre en œuvre les clauses salariales, de sorte qu’il aurait certainement dû, dès ce moment, obtenir l’accord de l’agent négociateur pour prolonger le délai imparti pour mettre en œuvre la convention, soit au moyen d’une clause insérée dans la convention elle-même, soit au moyen d’un document séparé, immédiatement après la signature de la convention. En tout état de cause, le fait que l’employeur a attendu jusqu’à l’avant‑dernier jour de la période de 90 jours pour présenter une demande de prolongation préoccupe la Commission. En tardant ainsi à faire sa demande, l’employeur s’accordait par ce fait même une prolongation du délai pour mettre en œuvre les clauses salariales de la convention collective.

[37]  Elle a indiqué ce qui suit au paragraphe 11 :

11. […] si, comme cela semble avoir été le cas dans la présente affaire, l’employeur est convaincu que l’adoption d’une telle démarche n’est pas possible [la mise en œuvre de la convention collective dans la mesure permise par la Commission de lutte contre l’inflation], il devrait alors négocier, au renouvellement de la convention ou après, un délai de mise en œuvre des clauses salariales. S’il ne peut en arriver à une entente avec l’agent négociateur, l’employeur a, à notre avis, l’obligation d’adresser le plus tôt possible à la Commission des relations de travail une requête pour prolongation du délai et ce bien avant l’expiration des 90 jours. En tout état de cause, la requête devrait être présentée suffisamment tôt pour accorder à la Commission le temps d’évaluer pleinement les positions respectives des parties. On ne peut pas dire que l’employeur ait rempli cette obligation dans la présente affaire.

 

[38]  Le libellé du par. 43(1) de la LRTP est très semblable à celui du par. 56(1) de la LRTFP et, quant au fond, pratiquement identique. Les deux dispositions indiquent que, lorsque les parties précisent une période dans une convention collective pendant laquelle la convention doit être mise en œuvre, elle doit être mise en œuvre pendant cette période. Si aucun délai de mise en œuvre n’est prévu dans l’entente, elle doit être mise en œuvre dans les 90 jours suivant son exécution. Les deux lois prévoient qu’une période de mise en œuvre plus longue pourrait se produire, avec l’approbation de la Commission.

[39]  L’alinéa 43(1)b) de la LRTP indique ce qui suit : « […] dans le délai plus long estimé raisonnable par la Commission et accordé sur demande de l’une ou l’autre des parties à la convention ».

[40]  Le sous-alinéa 56(1)b)(ii) de la LRTFP indiquait ce qui suit : « […] dans tel autre délai plus long que la Commission peut, à la requête de l’une ou l’autre des parties à la convention, estimer raisonnable ».

[41]  Bien que les dispositions soient structurées différemment, le libellé utilisé est identique et, à mon avis, le sens est le même.

[42]  Je trouve que le raisonnement de la CRTFP dans ces décisions est convaincant et applicable aux questions présentées en l’espèce.

[43]  Selon la formulation de la LRTP, j’ai déterminé que l’employeur était tenu de présenter une demande de prorogation du délai à la Commission le plus rapidement possible avant la fin du délai de 90 jours et assez tôt pour permettre à la Commission d’évaluer pleinement les positions des parties.

[44]  En appliquant ces principes aux faits de l’espèce, l’employeur n’a pas demandé à la Commission de proroger le délai de la mise en œuvre de la convention collective jusqu’après l’expiration du délai de 90 jours pour sa mise en œuvre. Il n’a pas demandé non plus à proroger le délai avant que l’agent négociateur ne dépose le présent renvoi à la Commission en vertu de l’art. 70, le 29 mai 2019. L’employeur a soulevé la perspective d’une prorogation pour la première fois dans sa réponse au renvoi, le 5 juillet 2019.

[45]  Manifestement, la demande de l’employeur de proroger le délai de mise en œuvre des dispositions de la convention collective n’a pas été présentée conformément à l’al. 43(1)b) et, par conséquent, elle n’est pas accordée.

B. Demande d’ordonnance préliminaire déclarant qu’en ne mettant pas en œuvre l’entente dans le délai de 90 jours, l’employeur a contrevenu au par 43(1)

[46]  Il n’est pas contesté qu’à la date de la demande, le 29 mai 2019, jusqu’au moins le 23 octobre 2019, les conditions du protocole d’entente n’avaient pas été mises en œuvre et que les membres de l’unité de négociation ont continué à toucher la même rémunération qu’en 2014.

[47]  L’employeur a indiqué qu’il avait eu des retards lors du traitement des augmentations économiques, qu’il n’avait pas été en mesure d’émettre le paiement dans les 90 jours comme prévu et que les retards étaient dus en partie à la préparation de la grille salariale par la Chambre des communes et à des problèmes liés au système de paye Phénix.

[48]  La Commission a rendu un certain nombre d’ordonnances préliminaires dans d’autres cas concernant des retards causés par la mise en œuvre du système de paye Phénix. Ces cas concernaient des plaintes présentées par l’agent négociateur de l’espèce ainsi que d’autres agents négociateurs à la Commission en vertu de dispositions analogues (voir l’art. 117) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) alléguant que le Conseil du Trésor, à titre d’employeur de la fonction publique, n’a pas mis en œuvre les dispositions des conventions collectives. Voir, par exemple, Association professionnelle des agents du service extérieur c. Conseil du Trésor, 2019 CRTESPF 69. L’agent négociateur a demandé qu’une ordonnance préliminaire semblable soit rendue en l’espèce.

[49]  Bien que la Commission ait accordé ces ordonnances préliminaires avec le consentement du Conseil du Trésor, les circonstances factuelles sont pratiquement les mêmes, et je ne vois aucune raison de s’écarter de l’approche adoptée dans ces cas.

[50]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V.  Ordonnance

[51]  L’agent négociateur a présenté un renvoi à la Commission en vertu de l’art. 70 de la LRTP alléguant que l’employeur n’a pas mis en œuvre les dispositions de la convention collective entre eux dans le délai précisé dans la convention collective, contrairement au par. 43(1) de la LRTP.

[52]  L’employeur a reconnu dans sa réponse qu’il n’avait pas pleinement mis en œuvre l’entente avant la date limite du 20 mars 2019.

[53]  Par conséquent, il est déclaré qu’en ne mettant pas en œuvre la convention ratifiée le 20 décembre 2018, dans le délai de 90 jours prescrit au par. 43(1) de la LRTP, l’employeur a contrevenu à cette loi.

[54]  Afin de gérer efficacement la détermination des questions en suspens en l’espèce, y compris la question de savoir si la violation du par. 43(1) de la LRTP constitue une violation d’une obligation de l’employeur conformément à l’art. 70, la Commission demeurera saisie de la question pour trancher si, dans les circonstances, la contravention a constitué une violation des obligations de l’employeur conformément à l’art. 70 et pour déterminer le redressement qui convient selon les faits.

[55]  À cette fin, une conférence préparatoire à l’audience aura lieu à une date à déterminer, à laquelle l’employeur devra confirmer à l’agent négociateur si la convention collective signée le 20 décembre 2018 a été pleinement mise en œuvre pour tous les employés et, le cas échéant, à quelle date.

[56]  Si la mise en œuvre n’est pas terminée, l’employeur doit aviser 
l’agent négociateur du nombre d’employés pour lesquels elle n’a pas été mise en œuvre.

[57]  Les parties sont encouragées à se réunir entre-temps pour régler toutes les questions en suspens et parvenir à un règlement mutuellement acceptable.

[58]  Au cours de la conférence préparatoire à l’audience, les parties devront fournir à la Commission un rapport d’étape sur les progrès accomplis, le cas échéant, pour régler toutes les questions en suspens, y compris la détermination de la mesure de redressement appropriée.

[59]  Les dates d’audience en ce qui concerne les parties en suspens du renvoi seront fixées à la fin de l’échange de renseignements susmentionné, si nécessaire.

Le 7 janvier 2020.

Traduction de la CRTESPF

David Olsen,

Une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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