Décisions de la CRTESPF

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Date: 20200122

Dossier: EMP-2016-10659

 

Référence: 2020 CRTESPF 6

 

Loi sur la Commission

des relations de travail et de

l’emploi dans le secteur public

fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation

de la Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Travis Palmquist

plaignant

 

et

 

PRÉSIDENT DE L’Agence des services frontaliers du Canada

 

intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié

Palmquist c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Affaire concernant une plainte d’abus de pouvoir aux termes de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Devant :  Nathalie Daigle, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant :  Travis et Randy Palmquist

Pour l’intimé :  Holly Hargreaves, avocate

Pour la Commission de la fonction publique :  Claude Zaor, analyste principal

 

Affaire entendue à Winnipeg (Manitoba),

les 14 et 15 août 2019.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION  (TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Introduction

[1]  Travis Palmquist, le plaignant, a déposé une plainte pour abus de pouvoir après la nomination de sept candidats à des postes de surintendant, classifiés FB-05 (les « postes FB-05 »), auprès de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« ASFC »).

[2]  Le plaignant a allégué que le président de l’ASFC (l’« intimé ») a abusé de son pouvoir lors de l’évaluation des critères de mérite essentiels dans le processus de nomination en question. En particulier, il a allégué qu’il n’a pas été évalué de façon équitable et transparente à l’étape de l’entrevue pour la compétence [traduction] « Valeurs et éthique ». De plus, il a allégué que les membres du comité d’évaluation avaient fait preuve de partialité à son égard parce qu’ils avaient été mis au courant d’un incident négatif lié à lui qui a eu lieu dans le passé pendant que les évaluations étaient en cours.

[3]  L’intimé a nié qu’un abus de pouvoir a eu lieu. Il a indiqué que le plaignant a été évalué correctement à l’étape de l’entrevue et dans le cadre du processus de nomination en général et qu’il n’y avait aucune partialité à son égard.

[4]  La Commission de la fonction publique n’a pas comparu à l’audience, mais a présenté des arguments écrits dans lesquels elle a traité de ses politiques et lignes directrices pertinentes. Elle ne s’est pas prononcée sur le bien-fondé de la plainte.

[5]  Pour les motifs qui suivent, la plainte est rejetée. Le plaignant n’a pas établi que l’intimé a abusé de son pouvoir dans le cadre du processus de nomination en cause.

II.  Contexte

[6]  En mai 2016, l’intimé a entamé un processus de nomination interne annoncé (numéro 16-IA-PRA-CAD-FB05-75) pour doter les postes FB-05 à titre intérimaire et pour une période indéterminée. Le processus visait à créer un bassin de candidats qualifiés pour doter des postes dans sa région des Prairies.

[7]  Les méthodes d’évaluation utilisées dans le processus de nomination consistaient à examiner les demandes en vue de valider l’éducation et l’expérience, ensuite à passer un examen écrit à la maison, une entrevue, et une vérification des références.

[8]  Le 27 juin 2016, le plaignant a été informé par courriel qu’il avait été éliminé du processus de nomination à la suite de sa participation à l’étape de l’entrevue, étant donné qu’il n’avait pas obtenu la note de passage établie pour la compétence Valeurs et éthique. La note de passage était de 6/10 et sa note était de 4/10.

[9]  Le 24 août 2016, la « Notification de nomination ou de proposition de nomination » pour les nominations pour une période indéterminée des personnes nommées a été affichée sur le site de l’emploi du gouvernement fédéral, offrant un droit de recours entre le 24 août et le 8 septembre 2016. Le plaignant a déposé une plainte contre la nomination de toutes les personnes nommées dans les délais prescrits.

[10]  Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale. Elle a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique pour qu’il devienne la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »).

III.  Questions en litige

[11]  Je dois trancher les deux questions suivantes :

  • 1. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans son évaluation des critères de mérite essentiels, particulièrement à l’étape de l’entrevue en ce qui concerne la compétence Valeurs et éthique?

  • 2. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en faisant preuve de partialité parce qu’il avait été mis au courant d’un incident négatif lié au plaignant qui a eu lieu dans le passé pendant que les évaluations étaient en cours?

IV.  Analyse

[12]  Le paragraphe 77(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP) prévoit qu’une personne qui est dans la zone de recours peut présenter à la Commission une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination à cause d’un abus de pouvoir. Bien que la LEFP ne prévoie aucune définition du terme « abus de pouvoir », elle indique ce qui suit au par. 2(4) : « Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par abus de pouvoir la mauvaise foi et le favoritisme personnel. »

[13]  Dans une plainte d’abus de pouvoir, le fardeau de la preuve incombe au plaignant. Voir Tibbs c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, aux par. 48 à 55.

A.  L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans son évaluation des critères de mérite essentiels, particulièrement à l’étape de l’entrevue en ce qui concerne la compétence Valeurs et éthique?

[14]  Le plaignant a témoigné à l’audience pour son propre compte.

[15]  L’intimé a appelé Greg Valentine, qui, au moment du processus de nomination en cause, était le chef des opérations dans le district du Centre de l’Alberta de l’ASFC (aéroport international d’Edmonton), et Benjamin Tame, qui était à l’époque le chef des opérations, Emerson Traffic (Manitoba). Les comités de présélection et d’évaluation pour le processus de nomination étaient composés de M. Valentine, M. Tame, Ana Maria Coutu (chef des opérations, Calgary (Alberta)) et Nina Patel (directrice, district du Centre de l’Alberta).

[16]  Le plaignant a expliqué qu’il travaille pour l’intimé depuis 2006. En 2016, il était un agent des services frontaliers (ASF) affecté à l’aéroport international de Calgary. Il a ajouté qu’au moment du processus de nomination, il agissait souvent en tant que mentor et chef d’équipe. Il effectuait également un large éventail de travaux. Il a postulé en mai 2016 à un poste de surintendant, mais il a été informé peu après qu’il avait été éliminé du processus parce qu’il n’avait pas obtenu la note de passage établie pour la compétence Valeurs et éthique. Il a ensuite déposé sa plainte. Son poste d’attache, depuis janvier 2018, est un poste d’ASF au port d’entrée de Boissevain au Manitoba.

[17]  Le plaignant a expliqué que, le 27 juin 2016, il avait reçu un courriel d’un conseiller en ressources humaines l’informant qu’il n’avait pas obtenu la note de passage pour la question 5 de l’entrevue et qu’il avait la possibilité de demander une discussion informelle sur son élimination du processus.

[18]  La question 5 de l’entrevue, la question en cause, qui évaluait [traduction] « Valeurs et éthique – service empreint d’intégrité et respect », se lisait comme suit :

[Traduction]

Question 5

Veuillez décrire une situation récente où vous vous êtes retrouvé face à un défi éthique difficile en milieu de travail. Dites-nous :

i) En quoi était-ce un défi éthique?

ii) Quels problèmes avez-vous rencontrés et comment avez-vous géré la situation, y compris le résultat?

iii) Comment vos collègues et votre superviseur décriraient vos valeurs à titre d’employé de l’ASFC?

iv) Veuillez décrire la façon dont vos valeurs et votre éthique personnelles et professionnelles vous ont préparé à assumer le poste de gestionnaire d’une équipe de l’ASFC.

[19]  À l’audience, le plaignant a donné un aperçu de sa réponse à cette question au cours de l’entrevue. Son défi ou son dilemme éthique difficile était de savoir s’il fallait relâcher son ami ou le renvoyer à l’inspection secondaire. Il a expliqué qu’il était ASF à l’aéroport de Winnipeg (Manitoba), à l’étape de l’« inspection primaire », lorsqu’un client s’est présenté au comptoir des douanes. Le plaignant avait grandi avec lui, et ils étaient amis. Il connaissait les antécédents de son ami, et qu’il se livrait au trafic de drogues. Son ami était heureux de le voir. Il a décidé d’envoyer son ami à l’« inspection secondaire ». Pendant que son ami attendait ses bagages, le plaignant a informé son surintendant que son ami [traduction] « consommait de la cocaïne et la revendait ». Il l’a donc renvoyé à l’inspection secondaire dans le but [traduction] « d’obtenir des renseignements ou de trouver de la drogue ». Le surintendant a remercié le plaignant.

[20]  Le plaignant a expliqué qu’à l’entrevue, il avait l’impression que Mme Patel semblait frustrée par sa réponse. Elle a arrêté d’écrire et lui a demandé d’expliquer le dilemme.

[21]  Le plaignant a expliqué que son dilemme était de savoir s’il fallait relâcher son ami, qui cachait peut-être quelque chose. L’autre option était de le renvoyer à une inspection. Il a expliqué que suivre les instructions de l’ASFC revêtait pour lui une importance. Il a donc décidé d’envoyer son ami à l’inspection.

[22]  Le plaignant a poursuivi l’entrevue et a répondu aux sous-questions iii) et iv). La sous-question iv) se lit comme suit : [traduction] « Veuillez décrire la façon dont vos valeurs et votre éthique personnelles et professionnelles vous ont préparé à assumer le poste de gestionnaire d’une équipe de l’ASFC? » Pour décrire ses valeurs et son éthique personnels et professionnels, il a parlé de son expérience vécue et du fait que sa famille et lui possèdent des immeubles de location. Il a déclaré qu’il n’avait pas fait gonfler le montant de ses frais d’exploitation. Il a indiqué qu’il se souvenait qu’après avoir donné cette réponse, un membre du comité (Mme Coutu) avait ri. Il lui avait demandé pourquoi elle avait ri. Elle lui avait dit de poursuivre tout simplement. Il avait continué d’expliquer pourquoi il se considérait prêt à occuper un poste de gestionnaire d’équipe à l’ASFC. À la fin de l’entrevue, le comité d’évaluation l’a remercié.

[23]  Le plaignant a déposé en preuve les notes du comité d’évaluation de sa réponse à la question 5. Un membre avait écrit qu’il n’avait pas laissé passer un voyageur à cause d’une amitié personnelle. Le dilemme énoncé dans les notes était le suivant : [traduction] « Dois-je le laisser passer [le voyageur] à cause de notre amitié personnelle ou le renvoyer à l’inspection en raison de la connaissance personnelle de la personne? » Un autre membre avait aussi noté que son exemple portait sur l’amitié, tandis que les deux autres membres avaient écrit qu’il avait parlé d’une connaissance.

[24]  Après avoir été informé que sa candidature avait été éliminée du processus le 27 juin 2016, le plaignant a demandé une rétroaction.

[25]  M. Tame a fourni au plaignant une rétroaction lors d’une conversation téléphonique. Selon le plaignant, M. Tame l’a informé que la seule raison pour laquelle sa demande avait été rejetée était que le comité d’évaluation n’avait pas considéré son exemple comme un dilemme éthique. Toujours selon lui, M. Tame a indiqué que sa candidature avait été rejetée uniquement pour cette raison. Il a indiqué que pendant la conversation, M. Tame a reconnu que si le comité d’évaluation avait considéré son exemple comme un dilemme éthique, il aurait été considéré comme qualifié pour le processus en cause.

[26]  Le plaignant a déposé en preuve les notes écrites que M. Tame a prises après leur discussion du 5 juillet 2016. Dans une note au dossier, M. Tame a résumé leur conversation comme suit :

[Traduction]

Commentaires pour Travis Palmquist pour le poste FB‑05

15 h 37 le 5 juillet 2016

J’ai communiqué mes commentaires à l’ASF Travis Palmquist par téléphone le 5 juillet 2016 de 15 h 37 à environ 16 h 10.

J’ai expliqué à l’ASF Palmquist qu’il s’était bien débrouillé dans l’ensemble pendant son entrevue. J’ai fait part de commentaires généraux et j’ai également passé en revue chaque question avec lui. J’ai cerné les domaines dans lesquels il a excellé et j’ai également décrit les domaines qui pourraient être améliorés à l’avenir.

En discutant de la question numéro cinq, j’ai constaté que l’exemple qu’il a donné n’était pas suffisamment détaillé et complexe. Plus important encore, il n’a pas réussi à clarifier pour le comité le défi éthique auquel il était confronté dans la situation donnée. Il n’a pas indiqué les valeurs concurrentes et la façon dont elles se recoupaient avec les valeurs de l’ASFC. De plus, il n’a pas répondu de façon suffisante aux parties iii et iv de la question. Par conséquent, il n’a pas obtenu les points requis pour réussir la composante liée aux valeurs et à l’éthique de l’évaluation.

L’ASF Palmquist a indiqué qu’après l’entrevue, il pensait qu’il pouvait avoir échoué à la question 5. J’ai indiqué que j’étais heureux que notre évaluation lui semble exacte.

La rétroaction a été bien reçue par l’ASF Palmquist. Il m’a remercié pour mon temps et nous avons discuté des options de déploiement dans le district du sud du Manitoba.

[27]  Le plaignant croit que le comité d’évaluation n’a pas reconnu l’ampleur du dilemme auquel il avait été confronté et qu’il avait expliqué au comité.

[28]  Le 14 juillet 2016, le plaignant a eu une discussion avec Mme Coutu, ainsi qu’avec son représentant de l’agent négociateur. Selon le plaignant, Mme Coutu a confirmé que l’information qu’il avait reçue de M. Tame lors de sa première séance de rétroaction était une représentation exacte de la raison pour laquelle il avait échoué à la question 5 de l’entrevue — le comité d’évaluation avait déterminé que son exemple n’était pas considéré comme un dilemme éthique. Le plaignant n’était pas d’accord. Il a demandé des éclaircissements, étant donné qu’à son avis, il était impossible qu’un exemple personnel d’un dilemme éthique ne soit pas interprété comme tel. S’il avait l’impression qu’il avait été dans un véritable dilemme à ce moment-là, aucun tiers ne pouvait en décider autrement.

[29]  Selon le plaignant, à ce moment-là, Mme Coutu a ajouté une autre raison pour laquelle il avait échoué à la question 5 qui, à son avis, constituait une modification par rapport à la première séance de rétroaction. Selon lui, elle a indiqué qu’il n’avait pas fourni suffisamment de détails sur son dilemme et ses conséquences pour obtenir une note de passage sur cette question. Dans une note au dossier, elle avait résumé leur conversation du 14 juillet 2016 comme suit :

[Traduction]

Notes sur la discussion d’information

ASF Travis Palmquist

Représentant syndical Russel Hay

[…]

Nous avons discuté de sa réponse. En particulier, j’ai expliqué qu’il ne nous avait pas donné de renseignements suffisants concernant son scénario pour expliquer clairement quel était le conflit et ce qui en faisait un défi éthique. Il a indiqué qu’il croyait qu’il s’agissait d’un dilemme éthique et qu’il ne comprenait pas comment le comité pouvait lui dire que ce n’était pas le cas, puisqu’un dilemme éthique est la façon dont une personne ressent la situation. Il ressentait bien de son côté qu’il s’agissait d’un dilemme éthique.

Nous avons examiné son exemple et j’ai indiqué que pour lui, il s’agissait peut-être d’un dilemme éthique, mais qu’il n’avait pas su articuler le défi avec suffisamment de profondeur devant le comité pour que nous puissions l’évaluer favorablement.

Nous avons passé en revue certains des éléments qui manquaient à sa réponse à travers différents exemples de la façon de démontrer clairement ce qu’était ce défi, ce qu’il a fait et quel en était le résultat. Nous avons examiné en détail la relation avec la personne et la raison pour laquelle la décision de renvoyer cette personne à l’inspection lui posait un défi éthique.

À la fin de la discussion, il a affirmé qu’il comprenait, mais qu’il envisagerait tout de même à interjeter appel du processus.

Fin de la discussion informelle.

[…]

[30]  Le 17 août 2016, la « notification de candidature retenue » (NCR) a été publiée. Elle comprenait les noms des personnes envisagées pour les postes FB-05.

[31]  Le 18 août, le plaignant a communiqué avec Mme Patel pour l’informer qu’il allait déposer une plainte. Il était d’avis qu’une discussion informelle devrait avoir lieu puisque la NCR avait été publiée. Il a envoyé le courriel suivant à Mme Patel :

[Traduction]

[…]

Je vous prie de considérer la présente comme mon appel formel de la notification de candidature retenue susmentionnée.

Comme vous le savez, j’ai demandé une séance de rétroaction sur ce processus. Au cours de cette séance, on m’a informé que la seule raison pour laquelle je n’avais pas réussi était que mon exemple sur les valeurs et l’éthique n’était pas considéré comme un dilemme éthique. De plus, l’examinateur a confirmé que si l’exemple avait été considéré comme un dilemme éthique, j’aurais été considéré comme qualifié pour le processus.

Par la suite, mon représentant syndical et moi-même avons rencontré une chef des opérations à Calgary qui était également membre du comité. Au cours de cette réunion, elle a d’abord confirmé les renseignements reçus de l’examinateur. Elle a finalement reconnu et confirmé que mon exemple était en fait un dilemme éthique et que [traduction] « c’était un bon exemple de dilemme éthique ». Elle a ensuite défendu sa position en donnant une explication différente de la raison pour laquelle je n’ai pas réussi.

Compte tenu de ces réponses contradictoires et changeantes, je ne peux que conclure que je n’ai pas été traité de façon équitable et éthique dans ce processus jusqu’à présent.

[…]

[32]  Mme Patel a répondu qu’il avait déjà eu une discussion informelle avec Mme Coutu.

[33]  Le plaignant a également indiqué dans son témoignage que sa réponse à la question 5 était meilleure que celle d’un autre candidat. Il m’a fourni les notes du comité d’évaluation de la réponse de l’autre candidat, qui indiquent qu’il avait dû signaler un membre de l’équipe à son superviseur parce qu’il avait observé que le membre de l’équipe avait commis une inconduite possible. La note du candidat était 6/10. Selon le plaignant, sa réponse, contrairement à celle de l’autre candidat, respectait tous les éléments inclus dans la grille de réponse, de sorte que sa note aurait dû être 10/10.

[34]  Le plaignant a ajouté qu’il avait demandé une autre discussion informelle, étant donné que la NCR indiquait qu’une personne dans la zone de sélection pouvait en demander une. Toutefois, Mme Patel a répondu qu’il en avait déjà eu une.

[35]  M. Valentine a indiqué dans son témoignage qu’il avait été membre du comité d’évaluation et qu’il avait mené les entrevues avec les autres membres. Il a expliqué qu’un guide d’évaluation avait été préparé à l’avance. Ce guide avait des directives pour les réponses recherchées et une échelle de cotation. L’une des qualifications essentielles était Valeurs et éthique. Une question d’entrevue y était consacrée, dont la note maximale était de 10, et la note de passage de 6. Selon l’échelle de cotation, la note était 10 pour une réponse exceptionnelle, 9 pour une réponse supérieure, 8 pour une très bonne réponse, 7 pour une bonne réponse, 6 pour une réponse passable, 5 pour une réponse standard ou inférieure au standard, 3 ou 4 pour une réponse faible, et 1 ou 2 pour une réponse médiocre. Chaque catégorie est décrite dans l’échelle de cotation.

[36]  Il a expliqué que les critères suivants figuraient dans le guide d’évaluation de la question 5 :

[Traduction]

Valeurs et éthique – Service empreint d’intégrité et de respect

Respecte les valeurs et l’éthique, y compris le Code, dans son comportement personnel

Intègre les valeurs et l’éthique, y compris le Code, dans les pratiques de travail du personnel

Fait preuve d’engagement à l’égard des citoyens et des clients dans ses propres activités et dans celles du personnel

Favorise un climat de transparence, de confiance et de respect entre le personnel et les partenariats

Incorpore des pratiques équitables à la gestion des RH

Favorise le bilinguisme et la diversité en se fondant sur les politiques sur les LO [langues officielles] et l’EE [équité en matière d’emploi]

Façonne et préconise un milieu de travail sécuritaire, sain et respectueux

Sait déceler le harcèlement et la discrimination et agit rapidement au besoin

Gère les activités de travail et les transactions avec transparence et justice

[37]  M. Valentine a expliqué que les candidats avaient 30 minutes pour examiner les questions et 60 minutes pour l’entrevue.

[38]  M. Valentine a expliqué que le plaignant avait obtenu 4/10 pour sa réponse à la question 5, ce qui constituait un consensus parmi les membres du comité d’évaluation. M. Valentine a cité les notes qu’il avait prises lors de l’entrevue du plaignant.  Il a expliqué qu’elles n’étaient pas reproduites verbatim. Les notes se lisent comme suit :

[Traduction]

Q5 Voyageur @ LIP [ligne d’inspection primaire] je savais. Il revend de la cocaïne. amitié. Renvoi Discuté avec agent de l’inspection secondaire. discuté avec surintendant Pas accusé de partialité. Resté loin de l’inspection.

Collègues m’ont remercié surintendant a été informé

Maintenir V&E. Milieu de travail/travailleurs respectueux/culture soutient collègues.

Biens de location, déclarer tout mon revenu. Vie personnelle.

Les connaissais et c’était

Défendre les valeurs et l’éthique Soutenir les personnes/être meilleures à leur travail

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[39]  M. Valentine a expliqué qu’après avoir revu toutes leurs notes ensemble, les évaluateurs ont conclu que le plaignant n’avait pas présenté suffisamment de renseignements valides pour satisfaire à la qualification. Pour obtenir une note de passage de 6/10, le comité devait conclure que la réponse satisfaisait aux critères suivants, soit la définition de « passable » dans l’échelle de cotation : [traduction] « Une proportion satisfaisante de critères ou de réponses attendues ont été traités. Une proportion satisfaisante des réponses fournies étaient appropriées. Certaines lacunes ont été observées dans les compétences ou les comportements évalués, mais aucune n’est très préoccupante. »

[40]  Le plaignant a été noté à 4/10 parce que sa réponse était jugée faible. La définition d’une réponse « faible » (de 3 à 4/10) dans l’échelle de cotation se lisait comme suit : [traduction] « Peu de critères ou de réponses attendues ont été traités. Peu de réponses fournies étaient pertinentes. Des lacunes existent dans les comportements et les compétences évalués, et certaines sont très problématiques. »

[41]  M. Valentine a également fourni un contexte plus étendu concernant le milieu de travail du plaignant et la situation qu’il a décrite dans sa réponse à la question 5. M. Valentine a expliqué que les voyageurs arrivant au Canada passent par une ligne d’inspection primaire. Dans l’exemple du plaignant, il avait été ami avec le voyageur. Il a décidé de renvoyer le voyageur à une deuxième inspection, où des questions plus détaillées sont posées à un voyageur, et l’ASF peut examiner les bagages du voyageur. Son intention était d’éviter toute apparence de partialité. Il n’a pas participé à la deuxième inspection.

[42]   Toutefois, M. Valentine a expliqué que, lorsqu’un ASF connaît un voyageur, l’ASF doit aviser son superviseur, qui renverra le voyageur à un autre ASF ou à une deuxième inspection. Sinon, il y aurait une apparence de conflit d’intérêts.

[43]  M. Valentine a expliqué que le plaignant n’avait pas obtenu la note de passage à cette question parce qu’il a simplement résumé le processus à suivre, tandis que le comité d’évaluation recherchait un choix difficile entre deux valeurs importantes et concurrentes. Dans sa réponse, le plaignant n’a pas mentionné un tel choix. Il a résumé la procédure à suivre lorsqu’un ASF connaît une personne aux douanes. Par conséquent, il n’a pas décrit une situation récente où il s’est retrouvé [traduction] « […] face à un défi éthique difficile en milieu de travail ».

[44]  Lors de son contre-interrogatoire, M. Valentine a également indiqué que dans ses réponses aux sous-questions 5i) et ii), le plaignant n’avait pas démontré suffisamment en détail l’ampleur du dilemme qu’il avait vécu. Il devait répondre à chaque sous-question. Ses réponses aux autres étaient peut-être adéquates, mais celles à 5i) et ii) n’étaient pas suffisantes. En ce qui concerne la sous-question iv), M. Valentine a ajouté plus tard qu’à son avis, le plaignant n’avait pas fourni suffisamment de renseignements. Le fait d’indiquer qu’il déclarait son revenu commercial n’était pas suffisant pour répondre correctement à la question. Il fallait que le candidat ou la candidate décrive comment ses valeurs et son éthique personnelles et professionnelles l’avaient préparé à occuper un poste de gestionnaire d’équipe à l’ASFC.

[45]  M. Valentine a ajouté que la note de 4/10 pour la question 5 était une note globale pour les réponses aux 4 sous-questions. Il a précisé qu’il était clair que, dans l’ensemble, ces quatre réponses étaient jugées insuffisantes. Selon l’échelle de cotation, cela signifiait que sa note serait de 3 à 4 puisque, comme indiqué dans l’échelle, [traduction] « [p]eu de critères ou de réponses attendues ont été abordés ».

[46]  M. Tame a également expliqué la raison pour laquelle le plaignant avait obtenu 4/10 pour sa réponse à la question 5. On a montré à M. Tame les notes qu’il a prises pendant l’entrevue du plaignant, qui ne sont pas une compilation verbatim de la réponse du plaignant. Les notes se lisent comme suit :

[Traduction]

- @ Inspection primaire

- Connaissait client - CONNAISSANCE

- Sait qu’il revend de la cocaïne

- Renvoyé la personne

- Parlé av. inspection secondaire pour les avertir

- Parlé av. surintendant aussi - je connais la personne

- Aucune participation à l’inspection

iii) - Respecter V+E

- milieu de travail sécuritaire et respectueux est une priorité importante pour moi

- Appuyer la diversité

- religion, culture, antécédents

- Soutenir collègues - mentor, formateur

iv) - Déclarer revenus supplémentaires au moment de l’impôt - biens de location.

-V+E dans la vie personnelle.

[47]  M. Tame a expliqué que le plaignant avait obtenu une note de 4/10 pour sa réponse à la question 5 parce qu’elle manquait de profondeur et de complexité — le scénario était très noir et blanc, car la bonne chose à faire était relativement évidente. Les deux valeurs concurrentes ne présentaient que peu de tension. En d’autres termes, dans sa réponse, il n’a pas donné suffisamment de profondeur pour montrer qu’il avait utilisé les valeurs et l’éthique dans une situation très difficile.

[48]  M. Tame a également confirmé à l’audience que les termes [traduction] « discussion informelle » et [traduction] « séance de rétroaction » étaient utilisés de façon interchangeable. Selon l’intimé, ils sont équivalents et renvoient à une [traduction] « discussion informelle ».

[49]  Le plaignant a soutenu que le comité d’évaluation ne l’avait pas traité de façon équitable et transparente et qu’il avait abusé de son pouvoir dans l’application du principe du mérite pour les motifs suivants.

[50]  Premièrement, il a soutenu que la question 5 comprend quatre sous-questions. Il a indiqué que, dans leurs témoignages et à leur avis, les deux témoins de l’intimé ont confirmé que le comité d’évaluation était parvenu à un consensus sur le fait que sa réponse ne soulevait pas de questions d’éthique, ce qui lui avait déjà été communiqué au cours des séances de rétroaction. Étant donné le consensus, qui, selon lui, reposait sur une évaluation erronée, l’évaluation des quatre sous-questions était viciée. Les renseignements qu’il a fournis aux sous-questions ii) à iv) n’ont pas été évalués correctement.

[51]  Pour être plus précis, il a soutenu que, selon la méthode d’évaluation utilisée, le comité devait attribuer une note globale pour la question 5 après avoir tenu compte des réponses aux quatre sous-questions. Il croit que le comité l’a pénalisé en ne l’évaluant pas sur les sous-questions parce qu’il a conclu que le défi éthique posé aux sous-questions i) et ii) n’était pas satisfaisant. Par conséquent, il a été sous-évalué. Le comité était préoccupé par le fait que sa réponse n’était pas très détaillée, mais ce n’était pas l’essentiel de la question. Il considère que son évaluation finale était viciée parce qu’en décidant qu’il n’avait pas décrit un dilemme éthique, le comité n’a évalué que deux parties de la question et l’a noté à 4/10.

[52]  Deuxièmement, le plaignant a soutenu que la grille de correction préparée à l’avance ne comportait pas de définition de [traduction] « défi éthique ». Pourtant, il n’appartenait pas au comité d’interpréter ce terme de façon restrictive. Si un candidat prétend qu’une situation constituait un défi éthique pour lui, le comité d’évaluation ne peut pas la rejeter et ne lui accorder aucun poids. Le candidat a vécu cette situation, et il est le seul à connaître les émotions en question. Il a ajouté que plus tard, Mme Coutu a reconnu que la situation qu’il a décrite aurait pu être un dilemme éthique pour lui.

[53]  Il a insisté sur le fait que la question 5 ne demandait pas aux candidats d’identifier deux valeurs concurrentes. Elle demandait plutôt de décrire un défi éthique qu’ils ont trouvé difficile, ce qu’il a fait. Le comité ne pouvait pas le pénaliser pour avoir répondu à la question telle qu’elle était formulée.

[54]  Le plaignant a ajouté qu’il avait fourni un exemple de ce qui constituait selon lui un défi éthique, d’après son expérience et ses valeurs. Il croit que M. Valentine a reconnu que les défis éthiques sont des leçons de vie et qu’ils ne sont pas les mêmes pour tous. Ainsi, le plaignant a soutenu que le comité ne s’était pas mis à sa place correctement lorsqu’il a conclu que ses réponses aux parties i) et ii) de la question 5 ne décrivaient pas un défi éthique, mais qu’il ne faisait que son travail.

[55]  Le plaignant a également soutenu que, finalement, Mme Coutu a modifié son explication quant à la raison pour laquelle il n’a pas répondu correctement à la question 5. Il a soutenu que ce manque de transparence et ce changement de position constituaient un abus de pouvoir direct. Lors de la première séance de rétroaction, il a été informé qu’il avait échoué à la question 5 parce qu’il n’avait pas décrit un véritable dilemme éthique. Par la suite, Mme Coutu lui a dit que sa réponse ne contenait pas suffisamment de profondeur et de complexité pour permettre au comité de conclure qu’il satisfaisait au critère Valeurs et éthique. À son avis, ces raisons sont irréconciliables et démontrent un abus de pouvoir. Essentiellement, il a été trompé. Le manque de transparence dans la raison pour laquelle le comité d’évaluation l’a fait échouer à la question 5 porte également atteinte à la crédibilité du comité.

[56]  Troisièmement, le plaignant a fait valoir que, puisque sa réponse était plus complète que celle de l’autre candidat, qui a été examinée à l’audience, l’intimé a abusé de son pouvoir en lui attribuant la note de 4/10 pour sa réponse tout en attribuant à l’autre candidat la note de 6/10.

[57]  Enfin, le plaignant a allégué qu’après la publication de la NRC, il avait droit à une discussion informelle, comme l’indique la NRC, mais Mme Patel l’a refusée. Selon lui, il en avait le droit parce que la NRC précisait ce qui suit : [traduction] « Vous pouvez demander une discussion informelle si vous vous trouvez dans la zone de sélection suivante et avez participé au processus annoncé. »

[58]  Il a soutenu que le refus de Mme Patel de lui fournir une discussion informelle indiquait un manque d’engagement à répondre à ses préoccupations concernant le processus de nomination. Autrement, cela aurait permis au comité et à lui de répondre à ces préoccupations non résolues. Il s’agissait là d’une autre erreur du comité, en plus des erreurs énumérées plus haut, qui amènent à la conclusion que, dans l’ensemble, un abus de pouvoir a été commis dans le processus de dotation.

[59]  Pour tous ces motifs, le plaignant a soutenu que le comité d’évaluation ne l’avait pas traité de façon équitable et transparente et qu’il avait abusé de son pouvoir dans l’application du principe du mérite.

[60]  Pour sa part, l’intimé a soutenu que M. Valentine et M. Tame ont confirmé qu’ils avaient reçu une formation appropriée avant de procéder au processus de dotation. Les membres du comité qui ont témoigné ont confirmé que les outils d’évaluation avaient été préparés à l’avance. Le comité a évalué les réponses du plaignant peu après son entrevue et a conclu qu’il n’avait pas réussi la question 5 parce qu’il n’avait pas démontré dans sa réponse comment il appliquait les valeurs et l’éthique. On lui a demandé de décrire une situation au travail où il s’est retrouvé face à un défi éthique difficile. La situation qu’il a décrite n’était pas suffisante pour permettre au comité d’évaluer son approche en ce qui concerne les valeurs et l’éthique. De plus, il n’a pas fourni assez de renseignements en réponse aux sous-questions iii) et iv) de la question 5.

[61]  L’intimé a ajouté que M. Tame avait assisté à une séance de rétroaction avec le plaignant. Il a expliqué que le plaignant avait obtenu une note de 4/10 pour la question 5 parce que sa réponse manquait de profondeur et de complexité. M. Tame a ajouté que le plaignant avait apprécié la rétroaction.

[62]  L’intimé a soutenu que le plaignant n’avait pas réussi à la question 5 parce qu’il n’avait pas fourni suffisamment de renseignements dans sa réponse. Dans Broughton c. le sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2007 TDFP 20, le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le « Tribunal ») a conclu que son rôle consistait à déterminer s’il y a eu abus de pouvoir dans le contexte du processus de nomination, mais non à reprendre le processus de nomination en examinant les qualifications du plaignant afin de déterminer, à la suite d’un second regard, si ses qualifications ont été évaluées correctement par le comité d’évaluation.

[63]  L’intimé a également soutenu que des discussions informelles sont tenues afin que les candidats non reçus aient l’occasion d’apprendre pourquoi ils n’ont pas été qualifiés. Il a soutenu que le plaignant avait eu cette possibilité deux fois, la première fois le 5 juillet 2016, avec M. Tame, et la deuxième fois le 14 juillet 2016, avec Mme Coutu. Tous deux avaient été membres du comité d’évaluation et avaient évalué son entrevue.

[64]  L’intimé a soutenu qu’au cours de la première réunion, M. Tame a expliqué au plaignant que l’exemple qu’il avait donné pour démontrer ses valeurs et son éthique n’avait pas une profondeur et une complexité suffisantes et qu’il n’avait pas précisé au comité le défi éthique auquel il avait été confronté dans cette situation. De plus, il n’avait pas fourni suffisamment de réponses aux parties iii) et iv) de la question 5 et, par conséquent, il ne pouvait pas se voir attribuer suffisamment de points pour réussir cette qualification essentielle.

[65]  L’intimé a précisé qu’à la deuxième réunion, Mme Coutu a indiqué que le plaignant n’avait pas fourni suffisamment de renseignements à l’entrevue pour démontrer clairement que son exemple était en fait un dilemme éthique. Par conséquent, les membres du comité ont jugé que sa réponse ne satisfaisait pas à la norme requise pour réussir.

[66]  L’intimé a soutenu qu’aux termes de l’art. 36 de la LEFP, les gestionnaires subdélégataires disposent d’un pouvoir discrétionnaire considérable dans la sélection et l’utilisation des méthodes d’évaluation pour déterminer si une personne satisfait aux qualifications essentielles (voir Visca c. le sous-ministre de la Justice, 2007 TDFP 24, au par. 51).

[67]  Il a soutenu que, dans Portree c. l’administrateur général de Service Canada, 2006 TDFP 14, le Tribunal a déclaré que le comité d’évaluation était le mieux placé pour évaluer s’il avait suffisamment de renseignements sur un candidat pour évaluer les qualifications de façon exacte. Le Tribunal a également indiqué que « [l]e simple fait de rejeter le résultat final ne constitue pas une preuve d’acte répréhensible de la part du comité d’évaluation » et que son rôle ne consistait pas à réévaluer un plaignant. Ainsi, le Tribunal a indiqué qu’à moins qu’il ne soit « […] de nature grave, un acte répréhensible sous la forme d’erreur, d’omission ou de conduite irrégulière n’est pas suffisant pour constituer un abus de pouvoir ».

[68]  L’intimé a également soutenu que le plaignant avait reçu une rétroaction cohérente et appropriée pour l’aider à comprendre pourquoi il avait échoué à la question 5. S’appuyant sur Rozka c. le sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2007 TDFP 46, au par. 76, il a soutenu que la discussion informelle n’a pas lieu en vue de réévaluer un candidat. Toutefois, si l’on découvre qu’une erreur a été faite, la discussion informelle donne l’occasion au gestionnaire de la corriger. Il n’y avait toutefois aucune erreur à corriger en l’espèce.

[69]  Je conclus que le plaignant n’a pas démontré que l’intimé a abusé de son pouvoir dans son évaluation de sa réponse à la question 5, qui évaluait la compétence Valeurs et éthique. Il ne fait aucun doute que le plaignant est un employé très compétent. Cependant, je ne saurais conclure que le comité d’évaluation a commis une erreur lors de l’évaluation de sa réponse.

[70]  Je souligne qu’au moment d’examiner une plainte selon laquelle une qualification n’a pas été évaluée correctement, il ne m’appartient pas de substituer mon évaluation des qualifications d’un candidat à celle d’un gestionnaire ou d’un comité d’évaluation (voir Edwards c. le sous-ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, 2011 TDFP 10, au par. 34). Mon rôle consiste à examiner le processus suivi par l’intimé en vue de m’assurer qu’il n’y a pas eu d’abus de pouvoir.

[71]  Le comité d’évaluation avait pour tâche d’évaluer la qualité de sa réponse à la lumière du guide de réponses, qui indiquait qu’une réponse correcte à la question 5 signalerait un certain nombre de caractéristiques concernant le candidat, telles que :

  1. a fait preuve de valeurs et d’éthique et a respecté le code de l’ASFC dans son comportement personnel;

  2. a intégré les valeurs et l’éthique dans les pratiques du travail;

  3. a fait preuve d’engagement à l’égard des citoyens et des clients dans ses propres activités et dans celles du personnel;

  4. a favorisé un climat de transparence, de confiance et de respect entre le personnel et dans les partenariats;

  5. a incorporé des pratiques équitables à la gestion des Ressources humaines;

  6. a favorisé le bilinguisme et la diversité en se fondant sur les politiques sur les langues officielles et l’équité en matière d’emploi;

  7. a façonné et préconisé un milieu de travail sécuritaire, sain et respectueux;

  8. a su déceler le harcèlement et la discrimination et a agi rapidement;

  9. a géré les activités de travail et les transactions avec transparence et équité.

[72]  Dans la situation qu’il a décrite dans l’entrevue, le plaignant a indiqué qu’il avait choisi de renvoyer son ami à l’inspection secondaire, mesure qui s’est avérée être une pratique professionnelle établie, plutôt que de laisser carte blanche à son ami. Le comité a évalué sa réponse et a conclu que sa situation n’avait pas vraiment soulevé un dilemme éthique puisqu’il n’avait pas été obligé de choisir entre deux propositions contradictoires ou opposées, qui étaient toutes les deux normalement insatisfaisantes, mais entre lesquelles il était obligé de choisir. Suivre la procédure établie n’était pas vraiment une proposition insatisfaisante. Par conséquent, compte tenu de cette réponse et des renseignements supplémentaires qu’il a fournis en réponse aux sous-questions iii) et iv), le comité a conclu qu’il n’avait pas démontré qu’il était en mesure de faire preuve des valeurs et de l’éthique dans son comportement personnel ou dans ses pratiques de travail. Sa réponse a obtenu la note de 4/10.

[73]  Je conclus qu’il n’y a aucune preuve d’erreur ou d’omission graves dans la façon dont le plaignant a été évalué. Par conséquent, je conclus que le plaignant n’a pas prouvé que l’intimé a abusé de son pouvoir dans son évaluation de sa candidature.

[74]  Je suis également d’avis que le plaignant n’a pas démontré que Mme Coutu a modifié son explication quant à la raison pour laquelle il n’a pas réussi à la question 5. À son avis, l’intimé a fourni deux motifs pour expliquer la raison pour laquelle il n’a pas réussi à cette question : 1) il n’avait pas décrit un véritable dilemme éthique; 2) sa réponse ne contenait pas assez de profondeur et de complexité pour permettre au comité de conclure qu’il satisfaisait au critère Valeurs et éthique. Je ne trouve pas ces explications irréconciliables. Au contraire, je conclus qu’elles se complètent et qu’elles sont conformes aux caractéristiques énoncées dans le guide de réponse.

[75]  Je conclus également que le plaignant a eu deux occasions de discuter des raisons de son élimination, lors de discussions informelles le 5 juillet 2016 avec M. Tame et le 14 juillet 2016 avec Mme Coutu. Par conséquent, je conclus qu’il n’a pas démontré que l’intimé a abusé de son pouvoir en ne lui offrant pas de discussion informelle après la publication de la NCR.

[76]  Pour tous les motifs susmentionnés, je conclus qu’il n’a pas été établi que l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’application du mérite.

B.  L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en faisant preuve de partialité parce qu’il avait été mis au courant d’un incident négatif lié au plaignant qui a eu lieu dans le passé pendant que les évaluations étaient en cours?

[77]  Une crainte raisonnable de partialité peut constituer un abus de pouvoir. (Voir Denny c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 29, au par. 125 qui renvoie à Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l’énergie), [1978] 1 R.C.S. 369 à la page 394.) Dans Denny, le Tribunal a indiqué ce qui suit au paragraphe 124 : « Il ne suffit pas de soupçonner ou de supposer qu’il y ait eu partialité : celle-ci doit être réelle, probable ou raisonnablement évidente. »

[78]  Toujours dans Denny, le Tribunal cite également la décision de la Cour suprême du Canada dans Newfoundland Telephone Co c. Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] A.C.S. no 21 (QL), au par. 22, qui a défini le critère de la crainte raisonnable de partialité comme suit : « Ce critère consiste à se demander si un observateur relativement bien renseigné pourrait raisonnablement percevoir de la partialité chez un décideur. » Ce critère s’applique également aux membres du comité d’évaluation, étant donné qu’ils ont le devoir d’agir de manière équitable.

[79]  Le plaignant a indiqué que le comité d’évaluation avait modifié son comportement lorsqu’il a répondu à la question 5. Il a indiqué que ses membres avaient cessé d’écrire. Il avait l’impression qu’ils avaient déjà tiré la conclusion que sa réponse n’était pas suffisante pour qu’il réussisse cette question.

[80]  Il a appris plus tard qu’un autre ASF, un candidat au processus de dotation, avait utilisé une situation à laquelle le plaignant avait pris part pour répondre à la question 5. Le candidat avait décrit un dilemme consistant à hésiter à dénoncer un collègue (le plaignant) pour une erreur présumée qu’il avait commise dans le passé. Le plaignant croit que cela a eu une incidence sur ses résultats en ce sens qu’il a échoué à la question d’entrevue.

[81]  Le plaignant a expliqué qu’après l’entrevue, l’intimé a entamé une enquête sur l’erreur alléguée, que M. Valentine avait le mandat de mener.

[82]  Le plaignant a expliqué qu’après l’entrevue de dotation du 17 juin 2016, il a pris un congé de paternité de six mois. Lorsqu’il est revenu en 2017, M. Valentine l’a contacté pour lui dire qu’il enquêtait sur l’erreur. Le plaignant et son superviseur ont été interrogés.

[83]  Le plaignant a ajouté que, lorsque M. Valentine l’a appelé à une première réunion, on lui a demandé de ne pas porter son équipement d’outils, ce qui lui a paru étrange. Il était confus parce qu’il ne connaissait pas l’objet de la réunion. Une fois la réunion commencée, il a découvert que l’enquête portait sur lui et sur un incident qui a eu lieu dans le passé.

[84]  Au cours de la réunion, M. Valentine lui a demandé s’il avait volé de l’argent à un voyageur dans le passé. Le plaignant était confus; il ne savait pas pourquoi on lui avait posé cette question. À la fin de la réunion, il a compris qu’un autre candidat dans le processus de dotation, M. H (son nom est anonymisé dans la présente décision), avait donné comme exemple d’un dilemme éthique son expérience de la décision difficile de signaler ou non le comportement suspect d’un des membres de son équipe. Je fais remarquer que, selon les notes des membres du comité d’évaluation prises au cours des entrevues, M. H n’a pas nommé le membre de l’équipe. Le plaignant a ensuite déduit qu’il s’agissait de lui.

[85]  Le plaignant a produit en preuve les notes des membres du comité d’évaluation pour la question 5 de l’entrevue de M. H. L’un des membres avait écrit que M. H avait expliqué qu’il avait été témoin d’une inconduite de la part d’un membre de son équipe qui était aussi son ami. Il savait que dénoncer son ami pouvait entraîner une mesure disciplinaire, par exemple, une suspension. Il croyait que son ami avait pris de l’argent à un voyageur. Il avait mis de côté son amitié pour dénoncer l’acte de son ami; selon lui, il aurait été coupable s’il ne l’avait pas divulgué, par conséquent, il l’a signalé au surintendant. Quant au résultat, il n’en était pas tout à fait certain. Un autre membre du comité d’évaluation a pris des notes semblables, mais a remarqué que l’allégation était que l’ami de M. H avait accidentellement pris de l’argent à un voyageur.

[86]  Selon le plaignant, ce qui s’est passé en 2014, et qui faisait l’objet de l’enquête, c’est qu’un voyageur n’avait pas signalé le mouvement de devises d’un montant supérieur à 10000 $ vers l’étranger en vertu de la loi applicable. Par conséquent, il était passible d’une pénalité ou d’une saisie. Le plaignant avait découvert qu’en fait, le voyageur transportait 15 000 $ en espèces. Il avait demandé au voyageur pourquoi il avait prétendu transporter moins de 10 000 $ en espèces. Selon la procédure, il avait ensuite compté l’argent devant le voyageur et lui avait présenté l’amende, qui était de 250 $ à l’époque. La procédure exigeait que le plaignant dépose les 250 $ dans la caisse et qu’il donne un reçu au voyageur. Toutefois, puisque le voyageur souhaitait être relâché pour ne pas manquer son avion, le plaignant avait proposé d’accepter une adresse afin de pouvoir envoyer un reçu au voyageur. Mais le voyageur avait dit qu’il n’avait pas d’adresse. Finalement, il avait donné une adresse de case postale en Thaïlande.

[87]  Le voyageur était donc parti et avait pris son avion. Plus tard, le plaignant s’était rendu au comptoir de caisse. À ce moment-là, lui et le caissier avaient remarqué qu’un billet supplémentaire de 50 $ ou 100 $ avait été pris par erreur. Le plaignant en avait discuté avec ses collègues, y compris M. H et son surintendant. Il s’est rappelé à l’audience qu’il avait été convenu que l’argent serait envoyé au voyageur, avec le reçu. Toutefois, il s’était rendu compte qu’il ne pouvait pas envoyer de l’argent dans une enveloppe à l’adresse fournie, avec le reçu.

[88]  Le plaignant s’est rappelé à l’audience que lui, son collègue et le surintendant en avaient discuté. Il avait été décidé que le reçu de l’amende serait placé dans une enveloppe contenant l’argent supplémentaire et que l’enveloppe serait scellée et placée dans un tiroir de bureau verrouillé. De la sorte, si le voyageur déposait une plainte ou demandait un remboursement, un remboursement pourrait être effectué.

[89]  Le plaignant était absent en congé de paternité pendant les six derniers mois de 2016. À son retour, il avait oublié l’enveloppe qui, à ce moment-là, était dans le tiroir verrouillé, selon lui, depuis deux ans; c’est-à-dire depuis 2014.

[90]  Au cours de l’enquête, le plaignant s’est rendu au bureau commercial où il avait laissé l’enveloppe deux ans plus tôt, mais elle n’y était plus. Il n’avait aucune idée de ce qui lui était arrivé, mais il a affirmé qu’il n’en avait pas pris l’argent. À la fin de l’enquête, il a été conclu qu’il n’y avait aucune trace de l’argent et que le plaignant n’avait pas suivi la procédure recommandée.

[91]  Le plaignant a expliqué qu’une fois l’enquête terminée, il a examiné le rapport d’enquête et les notes de l’enquêteur. Il a compris que pendant qu’il était en congé, M. H avait trouvé la clé du tiroir dans lequel l’enveloppe était située, avait pris l’argent et l’avait retourné à son superviseur. Le plaignant s’est senti offusqué parce qu’il avait reçu une mesure disciplinaire — à savoir, une suspension de deux jours — pour cet incident, bien qu’il n’avait pas pris l’argent et que quelqu’un d’autre avait admis l’avoir donné au superviseur.

[92]  Il a expliqué que cet incident avait sensiblement nui à sa carrière. Depuis, il n’a plus eu la possibilité d’agir en tant que superviseur, ni d’être affecté à des projets intéressants, tels que maître de chien, par exemple. Il a également été exclu de l’équipe d’exécution. Il a soutenu que la partialité à son égard qui avait commencé pendant le processus de nomination s’est poursuivi ensuite.

[93]  M. Valentine a expliqué qu’il ne connaissait pas bien le plaignant au moment du processus de dotation parce qu’ils n’avaient jamais travaillé dans la même ville. Il ne connaissait pas bien M. H non plus, pour la même raison.

[94]  À l’audience, le plaignant a porté à l’attention de M. Valentine les notes qu’il a prises lorsque M. H a répondu à la question 5 de l’entrevue, qui se lisaient comme suit :

[Traduction]

Q5 Inconduite Amitié/Discipline. Conscient de la conduite, croit collègue et a signalé. Ce n’était pas fait. Mis l’amitié de côté. Impliqué et coupable. Ne connait pas le résultat. Discuté résultat non communiqué. Argent pris accidentellement au voyageur R [Respect] I [Intégrité] P [Professionnalisme] R [Respect] des valeurs de la législation a reconnu erreurs Respect mutuel [pour collègue]. Remercié d’avoir divulgué l’information. Amitié en a souffert

[95]  M. Valentine a expliqué que le dilemme éthique de M. H était qu’il avait été obligé de choisir entre deux options contraires, à savoir, s’il devait ou non signaler l’acte apparent inapproprié d’un membre de son équipe d’avoir pris de l’argent à un voyageur. Il avait choisi la loyauté envers son employeur parce qu’il estimait qu’il serait tenu coupable s’il ne le signalait pas, au détriment de son amitié avec le membre de l’équipe. M. H n’a pas divulgué l’identité du membre de l’équipe lors de l’entrevue. Il a signalé que son amitié avec son collègue en avait souffert.

[96]  L’entrevue de dotation a été menée le 17 juin 2016. M. Valentine a expliqué que l’évaluation des réponses de l’entrevue a été effectuée immédiatement après ou dans les heures qui ont suivi. Il a confirmé que le comité a évalué les réponses du plaignant, y compris à la question 5, sans connaître l’identité de la personne à laquelle M. H avait fait allusion. M. Valentine a insisté sur le fait que le comité n’avait aucun moyen d’établir le lien entre le membre de l’équipe de M. H et le plaignant parce que M. H n’avait pas nommé la personne ni l’équipe.

[97]  M. Valentine a expliqué que, plus tard, le directeur du district du Centre de l’Alberta lui a donné le mandat, ainsi qu’à une autre personne qui n’a pas participé au processus de dotation, de mener ce qu’il a appelé des entrevues d’établissement des faits avec le plaignant et d’autres personnes. L’objectif était de recueillir des faits pour voir si la preuve étayait l’allégation de M. H.

[98]  On a demandé à M. Valentine à quel moment on lui avait demandé de mener les entrevues. Il a répondu que c’était peu avant le 15 juillet 2016, date de l’entrevue d’établissement des faits du plaignant et environ un mois après les entrevues relatives au processus de dotation. M. Valentine a mentionné qu’il avait également mené des entrevues avec les autres membres de l’équipe d’exécution de l’aéroport de Calgary, avec M. H et M. M (nom anonymisé aux fins de la présente décision).

[99]  M. Tame a également témoigné concernant l’allégation de partialité. À l’audience, le plaignant a porté à son attention les notes suivantes, qu’il a prises lorsque M. H a répondu à la question 5 de l’entrevue :

[Traduction]

Q5 - Témoin d’inconduite d’un membre d’équipe - ami, pourrait entraîner mesure disciplinaire si divulgue au superviseur.

- mettre amitié de côté pour le faire; je serais coupable si je ne divulguais pas

- J’ai signalé au surintendant. - $ pris à un voyageur

- Résultat

- pas tout à fait certain

iii) - Intégrité, professionnalisme + respect de la législation que nous appliquons.

iv) - Démontrer valeurs, avouer erreurs + prêt à montrer.

[100]  M. Tame a confirmé que l’identité du membre de l’équipe n’avait pas été communiquée au comité d’évaluation.

[101]  À l’audience, les notes d’un autre membre du comité d’évaluation ont été présentées à M. Tame. Il les a examinées et a confirmé qu’elles résumaient la situation décrite par M. H concernant un membre de l’équipe dont l’identité n’a pas été révélée.

[102]  En réponse à une question du plaignant, M. Tame a indiqué que la réponse de M. H à cette question était acceptable étant donné qu’elle décrivait un choix difficile de dénoncer ou non un ami et un membre de l’équipe, qui avait peut-être commis une inconduite, sachant que l’inconduite était peut-être contraire au code d’éthique de l’intimé.

[103]  On a demandé à M. Tame si, à l’entrevue, il savait qui faisait partie de l’équipe d’exécution dont M. H était membre. Il a répondu qu’il ne le savait pas étant donné qu’il ne travaillait pas à Calgary. De plus, il aurait pu s’agir d’un membre de n’importe quelle équipe, par exemple, une personne faisant partie d’une équipe qui effectue la rotation des horaires de travail.

[104]  Le plaignant a soutenu que l’entrevue de M. H dans le cadre du processus de nomination interne annoncé a eu lieu un jour avant la sienne et qu’il est probable que le comité d’évaluation a établi un lien entre le membre de l’équipe que M. H a dénoncé et lui, bien que M. H n’ait pas nommé le membre de l’équipe qu’il a dénoncé. Deux membres du comité d’évaluation, Mme Patel et Mme Coutu, auraient pu raisonnablement établir une relation entre le plaignant et le membre de l’équipe qui avait commis l’inconduite possible. Elles avaient travaillé au même endroit que le plaignant. Elles connaissaient la composition de l’équipe d’exécution dont M. H faisait partie; elle ne comptait que trois membres.

[105]  Le plaignant a soutenu que M. Valentine et M. Tame ont tous deux confirmé qu’ils considéraient l’inconduite décrite et dénoncée par M. H comme importante et que s’ils avaient connu l’identité du membre de l’équipe en question, une possibilité de partialité aurait pu être soulevée.

[106]  Le plaignant a soutenu que, étant donné que le comité d’évaluation lui avait donné des raisons différentes pour justifier son échec à la question 5, il est probable qu’il n’a pas été correctement évalué parce que le comité avait fait preuve de partialité à son égard. Le fait que l’intimé ait refusé une troisième séance de rétroaction pour l’aider à comprendre pourquoi il avait échoué montre également sa partialité.

[107]  Pour conclure, le plaignant a demandé l’appui nécessaire pour parvenir à une solution positive aux préoccupations qu’il a soulevées dans sa plainte. Il a demandé que des mesures jugées appropriées soient prises.

[108]  D’autre part, l’intimé a soutenu que M. Valentine a confirmé qu’il n’avait ni travaillé ni eu de contact avec le plaignant avant l’entrevue. En outre, M. Valentine n’était au courant d’aucun conflit entre le plaignant et les membres du comité. De plus, il a confirmé que M. H n’avait pas mentionné le nom du plaignant au cours de son entrevue. Enfin, aucune des notes des membres prises pendant l’entrevue de M. H ne contient son nom.

[109]  L’intimé a soutenu que M. Tame a également confirmé que M. H n’avait pas mentionné le nom du plaignant dans son entrevue et qu’aucune des notes des membres du comité d’évaluation ne contenait son nom. Il a également ajouté qu’il n’avait jamais eu aucun conflit avec le plaignant. De plus, il n’était au courant d’aucun conflit entre le plaignant et les membres du comité d’évaluation.

[110]  L’intimé a soutenu que le plaignant n’a pas démontré que les membres du comité d’évaluation avaient une partialité à son égard parce qu’ils avaient été mis au courant d’un incident négatif lié à lui pendant que les évaluations étaient en cours.

[111]  Lors des entrevues, les candidats devaient fournir des exemples démontrant comment ils satisfaisaient à chaque critère. En fait, un candidat, M. H, a mentionné une situation impliquant un collègue. Toutefois, d’après les notes prises au cours de l’entrevue et les renseignements fournis par M. Valentine et M. Tame, aucune preuve n’indique que M. H a divulgué le nom du plaignant dans son exemple.

[112]  Par conséquent, les membres du comité ne savaient pas que M. H faisait allusion au plaignant. M. Valentine a confirmé qu’il avait été impossible pour lui et pour les autres membres du comité d’associer l’allusion de M. H au plaignant étant donné que M. H n’avait pas nommé l’équipe. L’utilisation de son exemple n’avait pu influer sur l’évaluation du plaignant. À ce titre, l’intimé a soutenu que le plaignant n’avait pas établi qu’il avait été évalué de façon inéquitable.

[113]  Je conclus que la preuve n’est pas suffisante pour appuyer une conclusion de crainte raisonnable de partialité. Même si le plaignant pourrait avoir perçu l’existence d’une partialité du comité d’évaluation à son égard, je ne conclus pas qu’un observateur relativement bien informé pourrait raisonnablement percevoir de la partialité dans ces circonstances.

[114]  Selon les éléments de preuve, M. H n’a pas divulgué l’identité de son collègue et n’a pas nommé l’équipe. Je n’ai aucune preuve non plus que deux membres du comité d’évaluation ont associé ce collègue au plaignant. Son hypothèse selon laquelle ces deux membres auraient pu faire cette association n’était pas étayée par des éléments de preuve indépendants.

[115]  De plus, l’enquête de M. Valentine sur l’inconduite possible du plaignant a eu lieu près d’un mois après qu’il a été interviewé et évalué dans le processus de nomination. La preuve indique qu’il a été évalué en fonction de la réponse qu’il a fournie et du guide de cotation utilisé pour évaluer tous les candidats.

[116]  Par conséquent, je conclus que le plaignant n’a pas prouvé une crainte raisonnable de partialité de la part du comité d’évaluation en ce qui concerne sa décision de lui attribuer la note de 4/10 à la question 5.

[117]  Pour tous les motifs susmentionnés, je conclus qu’il n’a pas été établi que l’intimé a abusé de son pouvoir en agissant de façon partiale.

[118]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V.  Ordonnance

[119]  La plainte est rejetée.

Le 22 janvier 2020.

Traduction de la CRTESPF

Nathalie Daigle,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public

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