Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a déposé un grief alléguant que l’employeur avait fait preuve de mauvaise foi dans sa décision de mettre fin à son emploi en raison de son rendement insatisfaisant pendant sa période de stage – la Commission a conclu que le grief ne comportait pas d’allégation de discrimination de manière à suggérer une demande de réparation sous la forme de dommages en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne – la Commission a déterminé qu’elle avait compétence sur le renvoi en cours de stage puisqu’il constituait un subterfuge et du camouflage et qu’il a été effectué de mauvaise foi.

Grief accueilli.

Contenu de la décision

Date: 20200210

Dossier: 566-02-12248

 

 Référence: 2020 CRTESPF 9

 

Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

ENTRE

 

Victoria Alexis

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

 

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL

(Gendarmerie royale du Canada)

 

défendeur

Répertorié

Alexis c. Administrateur général (Gendarmerie royale du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant :  John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Raphaëlle Laframboise-Carignan, avocate

Pour le défendeur : John Craig, avocat

 

 

Affaire entendue à Edmonton (Alberta) et à Ottawa (Ontario),

du 13 au 16 août et le 6 septembre 2019.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉcision  (TRaduction de la crtespf)

I.  Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1]  Victoria Alexis, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), était employée par le Conseil du Trésor (CT ou l’« employeur ») à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et occupait un poste d’assistante aux services du détachement (ASD) classifié au groupe et au niveau CR-04, au sein du groupe Services des programmes et de l’administration, au détachement de Mayerthorpe, en Alberta, dans le district de l’Ouest de l’Alberta de la GRC. Dans une lettre du 5 juin 2015 (la « lettre du 5 juin »), la fonctionnaire a été licenciée, à compter de ce même jour.

[2]  Les parties pertinentes de la lettre du 5 juin indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Comme il était indiqué dans votre lettre d’offre, votre nomination initiale à la fonction publique, le 29 décembre 2014, était assujettie à une période de stage de 12 mois, conformément aux dispositions essentielles du Conseil du Trésor. J’ai conclu que, malgré les efforts déployés pour porter votre rendement à un niveau acceptable, vous n’avez pas démontré que vous pouviez exercer de façon satisfaisante les fonctions d’assistante aux services du détachement.

Par conséquent, conformément aux pouvoirs qui me sont délégués par le commissaire, ainsi qu’à l’article 62 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, par les présentes vous êtes licenciée de votre poste d’assistante aux services du détachement en cours de stage, parce que vous n’avez pas démontré les compétences requises. Plus particulièrement, vous ne vous montrez pas capable de suivre les directives et/ou les instructions, d’établir des priorités, de répondre efficacement aux questions de nature policière, de saisir des données en faisant un minimum d’erreurs et de travailler en collaboration avec les autres.

Une rétroaction sur votre rendement a été présentée régulièrement, et une formation, un encadrement et un mentorat ont été offerts afin de vous permettre d’acquérir les compétences nécessaires pour exercer vos fonctions. Votre chef de détachement vous a avisée verbalement, et aussi par écrit dans une lettre en date du 2015-05-08, que le défaut de répondre aux attentes risquait d’entraîner votre renvoi en cours de stage. À ce jour, nous n’avons constaté aucune amélioration indiquant que vous serez en mesure de démontrer les compétences requises pour avoir un bon rendement au travail.

[…]

[3]  Le 23 juin 2015, la fonctionnaire a déposé un grief contestant son licenciement. Le grief a été rejeté à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs. Le 9 mars 2016, le grief a été renvoyé à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP) pour arbitrage, en vertu de l’alinéa 209(1)b) et du sous‑alinéa 209(1)c)(i) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, article 2; LRTFP).

[4]  Le 1er avril 2016, l’employeur s’est opposé à la compétence d’une formation de la CRTEFP pour entendre le grief, au motif que l’article 211 de la LRTFP n’autorisait pas le renvoi à l’arbitrage d’un grief portant sur un licenciement effectué sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, articles 12 et 13; la LEFP).

[5]  Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, de la LRTFP et du Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi ») et le Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (le « Règlement »).

[6]  Le mercredi 7 août 2019, la fonctionnaire a adressé à la Commission un avis de renvoi à l’arbitrage modifié.

[7]  L’employeur a cité trois témoins : Patricia Lakeman, le sergent (serg.) Scott McAuley et Marianne Ryan. La fonctionnaire a témoigné et cité un témoin, la gendarme (gend.) Lindsay Paddick.

A.  Résumé de la preuve

[8]  La fonctionnaire est membre de la Nation sioux des Nakota d’Alexis. À l’époque de l’audience et des questions mises en cause dans le présent grief, elle résidait dans la réserve de la Nation sioux des Nakota d’Alexis (« Alexis »). Alexis se trouve à environ 50 km de la municipalité de Mayerthorpe, en Alberta, les deux localités étant situées au nord‑est d’Edmonton. La fonctionnaire a déclaré que sa langue était le stoney (la langue de la Nation sioux des Nakota d’Alexis). En plus de son diplôme d’études secondaires, elle détient les diplômes et certificats suivants :

  • un diplôme de secrétaire juridique et commis‑dactylo du Grant McEwan College d’Edmonton (1991);
  • un diplôme du programme spécialisé en toxicomanie autochtone du Keyano College d’Edmonton (2010);
  • un certificat en services à l’enfance et à la famille autochtones du Keyano College (2009).

[9]  Toujours à Edmonton, la fonctionnaire a aussi achevé deux années du programme d’études autochtones de l’Université de l’Alberta (2003 à 2005), une année en administration des affaires à l’Academy of Learning (2007), ainsi qu’une année du programme de passage à l’université au Yellowhead Tribal College (1992).

[10]  Juste avant mai 2013, la fonctionnaire était employée à temps plein au centre de santé d’Alexis.

[11]  Peu de temps avant le 3 mai 2013, la Nation sioux des Nakota d’Alexis a annoncé un poste d’ASD basé au bureau du détachement de la GRC à Alexis, qui était un bureau satellite du détachement de Mayerthorpe. Le poste annoncé ne relevait pas de la fonction publique; l’employeur n’était pas le CT, mais la Nation sioux des Nakota d’Alexis. Le 3 mai 2013, la fonctionnaire a présenté sa candidature. Selon l’une des conditions de l’embauche, la candidate ou le candidat retenu devait faire l’objet d’un processus d’autorisation sécuritaire de la GRC.

[12]  Dans un courriel en date du 21 octobre 2013, le serg. Ryan Comaniuk, qui était chef du détachement de Mayerthorpe de la GRC à l’époque, a informé la fonctionnaire qu’elle répondait aux exigences du poste et qu’il avait l’intention de l’embaucher. Il l’a avisée qu’il présenterait cette recommandation au chef et au conseil de la Nation sioux des Nakota d’Alexis.

[13]  La fonctionnaire a déclaré qu’au printemps 2014 (elle n’arrivait pas à se souvenir de la date précise), elle avait rencontré le serg. Comaniuk. À cette occasion, ils ont discuté de la date de début de son emploi. Elle lui a dit qu’elle devait donner un préavis de deux semaines à son présent emploi. La fonctionnaire a ensuite déclaré qu’il avait été convenu qu’elle entrerait en fonction le 2 mai 2014. Par conséquent, le 17 avril 2014, elle a donné son préavis de deux semaines au centre de santé d’Alexis et a démissionné à compter du 2 mai 2014.

[14]  Pour des motifs qui n’ont pas été éclaircis à l’audience, à un moment donné, après que la fonctionnaire eut reçu le courriel du serg. Comaniuk daté du 21 octobre 2013 et après le 24 avril 2014, un accord a été conclu entre le gouvernement du Canada, la province de l’Alberta et la Nation sioux des Nakota d’Alexis, en vertu duquel certaines conditions ont été convenues concernant les services de police qu’offrait la GRC à Alexis. Aucune copie de l’accord n’a été présentée à l’audience.

[15]  Le poste d’ASD auquel la fonctionnaire devait être embauchée a disparu. À sa place, un nouveau poste d’ASD, relevant de la fonction publique et ayant le CT pour employeur, a été créé. Ce poste se trouvait à la GRC. Malheureusement pour la fonctionnaire, il semble que personne, au sein de la Nation sioux des Nakota d’Alexis ou de la GRC, ne l’en ait avisée avant qu’elle présente sa démission au centre de santé d’Alexis et, le 2 mai 2014, elle s’est retrouvée au chômage.

[16]  La fonctionnaire devait présenter sa candidature au nouveau poste d’ASD du CT, ce qu’elle a fait le 10 octobre 2014. Dans une lettre en date du 16 décembre 2014, elle a été avisée qu’elle était la candidate retenue et s’est vu offrir le poste. Jointes à cette lettre, les conditions d’emploi indiquaient, entre autres choses, ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Salaire :

L’échelle salariale du groupe et niveau CR-04 s’étend de 45 189 $ à 48 777 $ par année, et votre salaire au moment de votre nomination sera de 45 189 $ par année.

Entente de rendement :

Veuillez prendre note qu’une entente de rendement entre votre superviseur et vous sera élaborée. Elle énoncera vos principaux engagements permanents et les mesures de rendement.

[…]

Période de stage :

Conformément à l’article 61 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, les employés provenant de l’extérieur de la fonction publique sont soumis à une période de stage de 12 mois, à l’exclusion des périodes de congé non payé, de la formation linguistique à temps plein ou des congés payés de plus de trente jours consécutifs, ainsi que des périodes de repos dans le cas des employés saisonniers.

[…]

[17]  La fonctionnaire a accepté l’offre le 18 décembre 2014. Son premier jour de travail a été le 29 décembre 2014.

[18]  Au moment de l’audience, Mme Lakeman occupait encore un poste d’ASD classifié au groupe et niveau CR-05 au détachement de Mayerthorpe, et elle possédait 34 années de service, dont 22 à Mayerthorpe.

[19]  Au moment de l’audience, le serg. McAuley était chef sortant du détachement de Mayerthorpe. Il est entré en fonction en 2013. Il s’est joint à la GRC en 2004. Avant son affectation à Mayerthorpe, le serg. McAuley avait été affecté à Rossburn, au Manitoba, à titre de chef de service, puis à titre de gendarme à Langenburg, en Saskatchewan, ainsi qu’à Okotoks et à Lac la Biche, en Alberta. Avant de se joindre à la GRC, il travaillait auprès du service de police de Calgary.

[20]  Au moment de l’audience, Mme Ryan exerçait les fonctions d’ombudsman de l’Alberta et de commissaire à l’intérêt public depuis juillet 2017. Elle a été nommée à ce poste après avoir pris sa retraite de la GRC en mars 2017, après 35 ans de service. Son dernier poste a été celui de chef de service de la GRC en Alberta, qu’elle a occupé de février 2014 jusqu’à son départ à la retraite. Entre janvier 2011 et février 2014, Mme Ryan a été l’officière responsable des enquêtes criminelles pour la GRC en Alberta (de facto le poste no 2 à la GRC dans cette province) et, entre septembre 2009 et janvier 2011, elle a occupé un poste d’officière responsable des ressources humaines auprès de la GRC pour la Colombie‑Britannique et le Yukon.

[21]  Au moment de l’audience, la gend. Paddick était membre (agente de police) de la GRC, même si elle était en congé. Elle a déclaré qu’elle avait commencé à travailler à Mayerthorpe en juin 2014 et que, en mai ou juin 2015, elle avait exercé des fonctions administratives jusqu’à son départ en congé au début de novembre 2015.

[22]  Le détachement de Mayerthorpe était chargé des services de police pour la municipalité de Mayerthorpe, la région de Lac St. Ann et Alexis. La population de la région comptait autour de 11 000 ou 12 000 habitants, dont une proportion de 50 à 60 p. 100 habitait Alexis. Le détachement maintenait un bureau satellite à Alexis, que le serg. McAuley a qualifié de bureau de quartier. Selon la preuve, ce bureau n’était pas toujours ouvert.

[23]   Le serg. McAuley a déclaré que, selon l’organigramme, le détachement devait disposer de 10 membres de la GRC et de trois fonctionnaires (« civils »), et qu’il pouvait embaucher des employés occasionnels. Toutes les personnes qui travaillaient à Mayerthorpe (et par extension, à Alexis), tant les membres de la GRC que le personnel civil, relevaient directement ou indirectement du serg. McAuley.

[24]  Selon la preuve, lorsque la fonctionnaire est entrée en fonction le 29 décembre 2014, le serg. McAuley était en congé. Il est revenu en janvier 2015 (la date précise n’a pas été établie clairement). Le moment où il a fait la connaissance de la fonctionnaire et discuté de son emploi n’a pas été précisé non plus.

[25]  La fonctionnaire a déclaré qu’à son arrivée au travail le premier jour, son serment avait été administré par le caporal (cap.) Poetrabenko, et qu’on lui avait remis un guide des politiques volumineux, qu’elle devait examiner, ce qu’elle a fait au cours de sa première semaine selon son témoignage. La fonctionnaire a aussi affirmé ce qui suit :

  • · le cap. Poetrabenko lui a fait visiter le bureau;

  • · la majorité des employés semblaient être en congé pour les vacances de Noël;

  • · on ne lui a pas dit qui était son superviseur ni qui lui donnerait une formation;

  • · elle n’a reçu aucune orientation;

  • · personne ne lui a expliqué ses fonctions.

[26]  Même si le serg. McAuley était le superviseur direct de la fonctionnaire, selon les témoignages de ce dernier et de Mme Lakeman, celle‑ci devait être la mentore de la fonctionnaire. Mme Lakeman a confirmé que le serg. McAuley lui avait demandé d’être la mentore de la fonctionnaire. Celle‑ci a déclaré que, lorsqu’elle avait commencé à travailler, le serg. McAuley ne l’avait pas dirigée, puisqu’il n’était pas là. Elle a ajouté qu’on ne lui avait pas dit que Mme Lakeman serait sa mentore avant mars 2015. La fonctionnaire a dit que toute personne disponible au détachement lui donnait un enseignement ou une formation. Le serg. McAuley a affirmé qu’il avait affecté Mme Lakeman à la formation de la fonctionnaire à l’arrivée de celle‑ci au détachement. Toutefois, ultérieurement dans son témoignage, il a déclaré qu’à l’entrée en fonction de la fonctionnaire, il était en congé jusqu’à la mi‑janvier 2015.

[27]  Une copie de la description de travail générique d’un poste d’ASD CR-04 a été déposée en preuve. Mme Lakeman et le serg. McAuley l’ont identifiée comme étant la description de poste de la fonctionnaire. Celle‑ci a déclaré qu’elle n’en avait jamais reçu copie. En contre‑interrogatoire, Mme Lakeman a identifié la description de travail, les activités principales lui ont été soulignées, et elle n’a pas déclaré avoir remis cette description à la fonctionnaire. Le serg. McAuley a déclaré que la description avait été remise à la fonctionnaire au moment de son embauche. Toutefois, aucune copie n’était jointe à la lettre d’offre, et rien n’indiquait que le serg. McAuley ou qui que ce soit d’autre l’a remise à la fonctionnaire.

[28]  Les parties pertinentes de la description de travail indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Activités principales

1. Recevoir les demandes générales, les plaintes et les demandes de renseignements (p. ex., sur les initiatives policières mixtes ou communautaires, les vérifications de casiers judiciaires, les lois, etc.) et de services (p. ex., les constats de collisions routières, la réception et le catalogage des armes à feu, les services dactyloscopiques, etc.) présentées par le grand public au comptoir d’accueil et par téléphone, les évaluer et y répondre.

2. Présenter des renseignements, des conseils et des options aux clients à l’interne afin de les aider à comprendre les politiques, les directives, les procédures et les processus administratifs et opérationnels et à s’y conformer.

3. Prendre les appels d’urgence et ceux reçus du centre de contrôle des opérations ou du 911, noter les précisions relatives à la plainte (lieu, circonstances, nombre de personnes, témoins, armes en cause) et aviser et/ou dépêcher les intervenants compétents.

4. Chercher, saisir, modifier, manipuler, retracer, analyser, extraire et supprimer des données et des renseignements dans divers systèmes de gestion des dossiers opérationnels (SGDO) automatisés et d’autres systèmes automatisés, par exemple : le CIPC, la liste des articles d’habillement et accessoires, le SIRRJ, l’ENR III, le SRPC, le SIRP, le système PRIME, l’OIGSR, le SBID, le CIIDS, la BDCN, JUSTIN et le système TEAM1 et des systèmes de classement manuels, et extraire des données statistiques.

5. Rester en contact radio avec les membres réguliers afin de fournir des renseignements pertinents extraits des banques de données, des documents historiques pertinents, par exemple, concernant la possibilité de violence, les tendances suicidaires, la relève sur appel et d’autres formes d’assistance aux membres, et de protéger le bien‑être et la sécurité des membres, des citoyens et des victimes.

6. Recevoir et enregistrer des sommes d’argent (p. ex., les amendes, les frais de service de dactyloscopie et des copies de constats d’accident), préparer des factures et gérer la petite caisse.

7. Acheter et entretenir des fournitures et du matériel de bureau, prévoir les réparations et l’entretien du matériel et des installations, et tenir l’inventaire des fournitures et du matériel.

8. Offrir une vaste gamme de soutiens administratifs et de services tels que les suivants : recevoir, trier, classer et distribuer le courrier; retenir des services de messagerie; faciliter le stockage et la garde sécuritaire des pièces et des éléments de preuve, lorsque ces tâches sont assignées; transcrire la correspondance interne et externe, et exécuter les demandes d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels sous la direction du superviseur.

[…]

1 Centre d’information de la police canadienne (CIPC); liste des articles d’habillement et accessoires; Système intégré de récupération de renseignements judiciaires (SIRRJ ); ENR III (outil de gestion des cas graves); Système de renseignements protégés sur la criminalité (SRPC); Système d’incidents et de rapports de police (SIRP); Environnement de gestion de l’information des dossiers de police (système PRIME); outil d’information de gestion pour la Sécurité routière (OIGSR); Système de bande d’information de la Division (SBID); Système intégré de répartition de l’information (CIIDS); Base de données des crimes nationaux (BDCN); les systèmes intégrés d’information de justice (JUSTIN) externes; le système TEAM, terme qui désigne le système de gestion des actifs de la GRC.

[…]

[29]  La fonctionnaire a été priée d’examiner ces activités principales. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas mené les activités nos 2, 3, 5, 6 et 7. Elle a affirmé avoir vu la description de travail pour la première fois dans la pile de documents qu’un représentant de l’agent négociateur lui avait fournie pour se préparer à l’audience.

[30]  Selon les témoignages de la fonctionnaire et de Mme Lakeman, il semble que les fonctions et responsabilités de la fonctionnaire aient été en grande partie les suivantes :

  • répondre aux appels téléphoniques reçus au détachement et recueillir des renseignements;
  • assurer une présence au comptoir d’accueil du détachement et recueillir les renseignements fournis par des particuliers;
  • créer des fichiers dans un système de données informatisé qu’on appelle le « Système d’incidents et de rapports de police » (SIRP) et y consigner des renseignements;
  • effectuer des vérifications de casiers judiciaires;
  • transcrire les déclarations ou entrevues enregistrées par les agents de police;
  • créer des dossiers papier et y classer des documents;
  • communiquer avec les agents de police au moyen d’un poste radio émetteur‑récepteur;
  • traiter le courrier.

[31]  Selon la preuve, les renseignements fournis à la GRC étaient diversifiés et concernaient des accidents de la route, des activités criminelles, des problèmes familiaux et des personnes disparues.

[32]  Le SIRP est un système de classement que la GRC utilise partout au Canada, sauf en Colombie‑Britannique. Mme Lakeman a précisé qu’il était essentiel pour le travail de la GRC et d’un bureau de détachement, puisque tous les renseignements recueillis y sont consignés. Elle a déclaré que, s’il survient un incident ou qu’une personne se présente au bureau ou téléphone, un fichier est créé et les renseignements fournis y sont versés. Compte tenu du travail de la GRC, il est important que les données soient exactes et précises, puisque les erreurs peuvent entraîner des conséquences graves. La GRC offre le cours de formation au SIRP, que la fonctionnaire a suivi pendant quatre jours entre le 3 et le 6 février 2015, à Edmonton, et qu’elle a achevé avec succès.

[33]  L’acronyme « CIPC » signifie : « Centre d’information de la police canadienne ». Il s’agit d’un système d’information sur ordinateur pancanadien, qui est utilisé par les organismes d’application de la loi, y compris la GRC. Selon la preuve, la formation portant sur ce système comprenait deux parties, dont l’une en ligne, qui devait être achevée en premier et était suivie d’une séance en personne offerte en classe. Le serg. McAuley a déclaré que la fonctionnaire avait achevé la partie en ligne, mais qu’elle n’avait pas participé à la séance en personne. Lorsqu’on lui a demandé pour quelles raisons elle n’y avait pas participé, il a répondu ce qui suit : [traduction] « De nombreux facteurs. La disponibilité. Et elle ne [l’]a jamais suivie. Sans me reporter au calendrier, je ne peux pas vous dire à quel moment les séances de formation étaient prévues. »

[34]  Dans son témoignage, la fonctionnaire a déclaré qu’elle devait d’abord suivre la formation sur le CIPC offerte en ligne avant de pouvoir assister à la formation en personne offerte en classe, qui était prévue en septembre 2015.

[35]  Une copie du dossier de formation de la fonctionnaire a été déposée en preuve, ce qui a permis d’établir qu’elle avait suivi ce qui semblait être la formation en ligne sur le CIPC entre le 6 et le 30 mars 2015. On ne m’a donné aucune autre précision sur cette formation.

[36]  Dans la description de travail, sous le titre « Activités principales », au quatrième point, plusieurs autres données, renseignements et systèmes automatisés étaient énumérés, et il était indiqué que la fonctionnaire devait les utiliser pour chercher, saisir, modifier, retracer, analyser, extraire et supprimer des données et des renseignements. Ces systèmes ont été identifiés comme étant les SGDO, la liste des articles d’habillement et accessoires, le SIRRJ, l’ENR III, le SRPC, le système PRIME, l’OIGSR, le SBID, le CIIDS, la BDCN, JUSTIN et le système TEAM. Rien n’indique que la fonctionnaire a reçu ou qu’on lui a offert une formation officielle ou informelle sur l’un ou l’autre de ces systèmes. Son dossier de formation ne signale aucune formation à cet égard.

[37]  Une copie d’un document imprimé par ordinateur que Mme Lakeman avait créé (les « notes Lakeman ») et dont elle a affirmé s’être servi pour relater des questions ou des incidents mettant en cause la fonctionnaire a été déposée en preuve. Les notes Lakeman comprenaient des inscriptions aux dates suivantes, qui se situent toutes en 2015 :

  • · les 9, 12, 16, 23, 24 et 25 février;

  • · les 2 et 20 mars;

  • · les 1er, 2, 3 et 8 avril et la « fin d’avril 2015 »;

  • · les 1er et 29 mai;

  • · les 1er, 2 et 3 juin.

[38]  Mme Lakeman a affirmé qu’elle n’avait communiqué ses notes qu’au serg. McAuley, et cela en deux occasions distinctes, la première fois à la fin de la rédaction des six premières pages (dont la dernière inscription, à la page 6, s’appliquait au 1er mai 2015), et la deuxième fois à la fin de la rédaction des six dernières pages (dont la dernière inscription s’appliquait au 3 juin 2015). Le serg. McAuley a confirmé avoir reçu les notes. Toutefois, rien n’indiquait à quel moment précis elles lui avaient été fournies. Lorsqu’on lui a demandé s’il les avait communiquées à la fonctionnaire, il a répondu : [traduction] « Non ».

[39]  Une copie de notes manuscrites que le serg. McAuley (les « notes McAuley ») avait créées, et dont il a affirmé qu’il s’agissait d’un ensemble de notes continues relatant des problèmes liées à la fonctionnaire, a été déposée en preuve. L’avocat en a fourni une copie dactylographiée, par souci de commodité. Dans son témoignage, le serg. McAuley a confirmé qu’il n’avait communiqué ses notes à personne. Ces notes comprennent des inscriptions aux dates suivantes :

  • · le 25 septembre 2014;

  • · le 30 janvier 2015;

  • · les 9, 10, 19 et 26 février 2015;

  • · le 4 mars 2015;

  • · le 30 avril 2015;

  • · les 4 et 8 mai 2015 (sous le numéro « 1633 »).

[40]  À part la fonctionnaire, Mme Lakeman était la seule autre civile employée à temps plein à Mayerthorpe. Les trois autres civiles étaient employées comme occasionnelles ou à temps partiel : Sherry Jackson, Julie Rah et Margaret Thibault.

[41]  Selon le témoignage du serg. McAuley, Mme Jackson ou Mme Rah lui a présenté par écrit des commentaires sur le rendement de la fonctionnaire; toutefois, aucun de ces commentaires n’a été produit en preuve.

[42]  Aucune des dames Jackson, Rah ou Thibault n’a témoigné.

[43]  À part les notes Lakeman, aucune autre mention écrite que ce soit (notes, courriels, notes de service ou lettres) n’indique, le cas échéant, ce que Mme Lakeman aurait dit au serg. McAuley à propos du rendement de la fonctionnaire, ni à quel moment ces discussions auraient eu lieu.

[44]  L’ensemble de la preuve concernant les discussions de Mme Lakeman et du serg. McAuley est ressorti du contre‑interrogatoire, lorsque l’avocate de la fonctionnaire a demandé au serg. McAuley à quelle fréquence il avait discuté du rendement de la fonctionnaire avec Mme Lakeman, question à laquelle il a répondu : [traduction] « Assez régulièrement. Pas de manière officielle, mais nous ne sommes pas un détachement important. Probablement toutes les semaines. »

[45]  Au cours de son interrogatoire principal, Mme Lakeman a déclaré qu’elle avait rencontré la fonctionnaire dès son entrée en fonction et qu’elle lui avait donné une formation. Toutefois, ultérieurement, elle a affirmé qu’elle avait supervisé la formation de la fonctionnaire. Les deux premières inscriptions des notes Lakeman étaient datées des 9 et 12 février 2015, et ni l’une ni l’autre ne traitaient du rendement au travail, mais concernaient plutôt les horaires de travail et les congés. La première inscription concernant le rendement au travail de la fonctionnaire est datée du 16 février 2015.

[46]  Mme Lakeman a aussi affirmé qu’elle avait interagi quotidiennement avec la fonctionnaire; selon la preuve, toutefois, l’une de ses responsabilités principales consistait à assurer la liaison avec les tribunaux, ce qui, à son dire, l’obligeait à travailler à l’extérieur du détachement un jour par semaine, habituellement le lundi. Elle a aussi révélé qu’elle n’était pas au bureau un vendredi sur deux, puisqu’elle travaillait selon un horaire comprimé.

[47]  Mme Lakeman a déclaré que, dans le passé, elle avait formé d’autres employés. Lorsqu’on lui a demandé ce qu’elle avait fait pour donner une formation à la fonctionnaire, elle a répondu qu’elle l’avait accompagnée au comptoir et lui avait indiqué quelles mesures prendre.

[48]  En contre‑interrogatoire, Mme Lakeman a affirmé qu’elle n’était pas la seule personne qui avait formé la fonctionnaire; Mmes Rah et Jackson l’avaient fait aussi. La fonctionnaire a déclaré qu’à son entrée en fonction, elle avait reçu des instructions de quiconque se trouvait sur place. Elle a affirmé que, jusqu’en février environ, Mme Lakeman n’était pas intervenue. Elle a ajouté qu’elle avait reçu la plus grande partie de sa formation initiale de Mmes Rah et Jackson; cependant, elle était parfois la seule employée civile au détachement. Elle a dit se rappeler que Mme Rah s’y trouvait les lundis, mardis et mercredis. Elle a affirmé qu’en l’absence d’employés civils au détachement, si elle avait des questions, elle les posait aux membres de la GRC.

[49]  La fonctionnaire et Mme Lakeman ont confirmé qu’aucun document, programme ou manuel de formation n’expliquait ou ne précisait quoi faire et comment le faire. La fonctionnaire a affirmé qu’elle se contentait de suivre les autres et d’observer comment ils faisaient les choses. Elle a affirmé que la première chose qu’on lui avait enseignée, c’était le classement, Mmes Rah et Jackson lui ayant donné cet enseignement. Elle a affirmé qu’elle devait gérer par elle‑même les questions qui se posaient au comptoir d’accueil et qu’aucun autre membre du personnel n’était sur place. Elle a affirmé qu’en ce qui concernait les appels téléphoniques, on lui avait dit d’y répondre et de noter le nom et les coordonnées de l’appelant, ainsi que le motif de l’appel. Encore une fois, elle a affirmé que Mmes Rah et Jackson lui avaient dit comment s’y prendre.

[50]  À un moment donné, en janvier 2015, une autre employée civile (anonymisée dans la présente décision comme étant « Mme A ») a été engagée au détachement dans le cadre d’un processus prioritaire. Ce renseignement est ressorti du contre‑interrogatoire de Mme Lakeman. Mme A avait déjà travaillé pour la GRC. Mme Lakeman a confirmé que, pendant que Mme A se trouvait à Mayerthorpe, elle lui avait donné une formation, parce qu’elle s’initiait aux fonctions de liaison avec les tribunaux. Ni Mme Rah ni Mme Jackson n’ont offert quelque formation que ce soit à Mme A. Mme Lakeman a confirmé que la formation qu’elle donnait à Mme A l’empêchait d’en donner une à la fonctionnaire. En contre‑interrogatoire, Mme Lakeman a affirmé ce qui suit : [traduction] « Victoria [la fonctionnaire] travaillait surtout avec Julie et Sherry [Mmes Rah et Jackson]. »

[51]  À plusieurs reprises durant son contre‑interrogatoire, la fonctionnaire a affirmé que Mme Lakeman n’avait pas été là souvent.

[52]  Tous les fonctionnaires sont censés avoir une entente de rendement définissant les paramètres en fonction desquels leur travail doit être évalué. Une évaluation aurait dû être effectuée à l’égard de la période d’emploi de la fonctionnaire allant de la date de son entrée en fonction jusqu’au 31 mars 2015. Selon la preuve, le serg. McAuley lui a envoyé un courriel le 11 février 2015, concernant l’accès à un programme informatique du CT dans lequel elle devait créer un portail et ajouter le nom du serg. McAuley à titre de superviseur, ce qui était requis afin qu’un profil d’appréciation du rendement puisse être créé et que le processus d’évaluation puisse être effectué. Le courriel indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Ouvrez l’application, créez votre profil et ajoutez mon nom à titre de superviseur. C’est nécessaire, car j’ai besoin que ce soit fait pour effectuer votre évaluation.

Le lien à l’application se trouve ici : https://portal-portail.tbs-sct.gc.ca/home-eng.aspx

[…]

[53]  Le serg. McAuley a déclaré que la fonctionnaire n’avait pas créé son profil. Par conséquent, il ne pouvait pas lui fournir une appréciation du rendement. Selon son témoignage, la fonctionnaire en avait créé un.

[54]  Les courriels suivants, qui ont été échangés entre le serg. McAuley et la fonctionnaire les 24 et 25 février 2015, ont été déposés en preuve :

[Traduction]

[La fonctionnaire au serg. McAuley, le 24 février à 15 h 59 :]

Vous m’avez demandé si j’avais besoin d’une plus ample formation au SIRP, où puis‑je le faire? Et puis‑je aussi suivre une formation en gestion de l’information (GI)?

[Le serg. McAuley à la fonctionnaire, le 24 février à 16 h 05 :]

[…]

Avez‑vous le sentiment d’avoir besoin d’une formation supplémentaire sur le SIRP? Je peux m’enquérir auprès du service responsable du SIRP afin de voir ce que nous pouvons organiser. Vous ne pourrez pas obtenir la formation en GI avant d’avoir maîtrisé l’utilisation du SIRP de base.

[La fonctionnaire au serg. McAuley, le 25 février à 11 h 23 :]

Si vous pouviez organiser une formation au SIRP pour moi, je vous en serais très reconnaissante.

De plus, je voulais savoir s’il vous est possible d’organiser pour moi la visite d’un autre détachement de la GRC situé dans une réserve, éventuellement celle d’Hobbema ou d’Enoch? J’aimerais seulement voir s’il y a des circonstances particulières que je devrais connaître au sujet du travail dans un détachement situé dans une réserve.

[…]

[Le serg. McAuley à la fonctionnaire, le 25 février à 11 h 27 :]

[…]

Je peux appeler le service des professionnels afin de voir s’ils peuvent aider. Comme les activités quotidiennes d’un bureau satellite seront les mêmes qu’à Mayerthorpe, je n’appuierai pas votre deuxième requête.

[…]

[55]  Selon la preuve, il existait plusieurs niveaux de formation portant sur le SIRP et la fonctionnaire n’a reçu que la première partie. Selon le serg. McAuley, avant de pouvoir accéder au niveau suivant, elle devait acquérir une certaine compétence.

[56]  Un courriel de Desaree Crowe (la responsable de la formation sur le SIRP à Edmonton) au serg. McAuley, ainsi qu’un autre en date du 25 février 2015 dans lequel il semble que le serg. McAuley ait transmis le courriel de Mme Crowe à la fonctionnaire, ont été déposés en preuve. L’estampille temporelle du courriel de Mme Crowe indiquait le 25 février à 12 h 35, alors que le courriel d’expédition du serg. McAuley semble avoir été estampillé à 11 h 29 le même jour. Personne n’a expliqué l’incompatibilité. Les courriels sont rédigés en ces termes :

[Traduction]

[Mme Crowe au serg. McAuley, à 12 h 35 :]

[…]

Pour obtenir de plus amples directives sur le SIRP, les utilisateurs peuvent consulter la base de données d’instruction, plutôt que celle des opérations, afin d’avoir la possibilité de perfectionner leurs compétences dans l’utilisation du SIRP.

La capture d’écran ci‑jointe montre comment se connecter à la base de données d’instruction. Les scénarios présentés dans le cours peuvent être utilisés pour offrir une formation approfondie. La base de données de la formation disparaît à la fin de chaque semaine. De plus, la fonction F1 (aide en ligne) est un bon outil pour les nouveaux utilisateurs aux fins de l’accès. Cette fonction constitue un bon guide pratique lorsqu’il s’agit d’exécuter les fonctions qui relèvent du SIRP.

[…]

[Le serg. McAuley à la fonctionnaire, à 11 h 29 :]

[…]

Ainsi que vous me l’avez demandé, voici des possibilités de revoir ce que vous avez appris en classe et les scénarios présentés. Si vous avez des préoccupations, cela peut faire l’objet d’un examen.

[…]

[57]  Aucune capture d’écran n’était jointe à la chaîne de courriels déposée en preuve, même si le courriel de Mme Crow en fait mention.

[58]  Des courriels échangés entre la fonctionnaire et le serg. McAuley les 25 et 26 février 2015 ont été déposés en preuve; ils sont rédigés en ces termes :

[La fonctionnaire au serg. McAuley, le 25 février à 16 h 30 :]

Je me demandais simplement si vous pouviez approuver ma demande de congé pour vendredi.

Mon fils a congé d’école jeudi et vendredi et j’ai beaucoup de choses à faire pour lui vendredi.

[…]

[Le serg. McAuley à la fonctionnaire, le 26 février à  9 h 14 :]

[…]

Conformément à notre discussion, je vous invite à préciser votre horaire pour le présent exercice, car il se peut que nous devions modifier le code de congé si vous êtes à court.

J’ai joint le document énonçant les fonctions et responsabilités de base afin que vous l’examiniez. Comme vous en êtes encore à l’étape de l’apprentissage, il est possible qu’elles ne s’appliquent pas toutes à vous en ce moment, mais c’est ce que vous devriez viser.

[…]

[59]  Personne n’a expliqué l’absence de lien entre les deux courriels, dans la mesure où celui de la fonctionnaire concernait une demande de congé et la réponse traitait des fonctions et responsabilités liées à son emploi.

[60]  Le document joint au courriel du serg. McAuley en date du 26 février 2015 est rédigé en ces termes :

[Traduction]

Fonctions et responsabilités des adjoints administratifs (fonction publique) du détachement

Les commis de détachement sont responsables devant le chef de détachement (serg.) et sont chargés des fonctions suivantes, qui sont obligatoires. Des fonctions supplémentaires peuvent être assignées aux ASD à titre personnel :

1) surveiller et tenir à jour les enregistrements dans le SIRP, le PSPS, le SIRRJ et le CIPC

2) traiter le courrier d’entrée et de sortie et les besoins en télécopie

3) répondre aux demandes de renseignements présentées par téléphone et au comptoir de façon à offrir un soutien élémentaire

4) enregistrer les plaintes et utiliser la radio de la police

5) entretenir les appareils et le matériel de bureau

6) offrir d’autres services d’ordre administratif et de soutien de bureau à tous les membres

7) répondre dans les délais prévus aux demandes déposées dans la corbeille de dactylographie

8) administrer toutes les soumissions locales et surveiller l’achèvement des travaux

9) offrir un soutien de bureau direct au S.-off. resp.

10) tenir à jour l’ordre de classement des dossiers opérationnels papier

11) administrer les fichiers en vrac mensuels des vérifications de casier judicaire

12) administrer les initiatives mensuelles de recouvrement des coûts

13) gérer et administrer le parc de véhicules

14) gestionnaire de l’information versé dans la connaissance du SIRP pour le service

15) gestion des archives du détachement

16) tenue à jour de la liste téléphonique du détachement

17) tenue à jour de l’épuration nécessaire du SIRRJ  

18) tenue à jour de l’ordre de classement des dossiers opérationnels papier

19) administrer les fichiers en vrac mensuels des vérifications de casier judicaire

20) vérifications du SIRP

21) vérifications du SALVAC

[…]

[61]  À l’audience, personne n’a précisé la source de ce document ni expliqué s’il existait déjà ou si quelqu’un l’avait créé au détachement de Mayerthorpe ou ailleurs.

[62]  À l’audience, personne n’a expliqué en quoi consistait le « SALVAC », et aucun document ne permet d’établir ce que c’est. À l’audience, personne n’a expliqué en quoi consiste une « vérification du SIRP », ni si la formation que la fonctionnaire avait reçue en traitait.

[63]  Une partie de l’inscription figurant dans les notes McAuley en date du 4 mars 2015 est rédigée comme suit :

[Traduction]

2015/03/04

Courriel de Victoria concernant : présence au bureau d’Alexis

Suis allé au bureau satellite d’Alexis et ai parlé à Victoria au sujet des préoccupations.

A affirmé avoir le sentiment que Pat. [Mme Lakeman] la harcelait.

A affirmé avoir le sentiment qu’on lui remettait des renseignements contradictoires et qu’elle faisait l’objet de sabotage.

[…]

[64]  Cette inscription a été présentée à la fonctionnaire. Celle‑ci a confirmé qu’elle avait passé ce commentaire au serg. McAuley et a expliqué qu’elle avait eu le sentiment que Mme Lakeman n’était pas juste. La fonctionnaire a affirmé que ce qu’elle voulait dire par [traduction] « injuste », c’était que beaucoup d’erreurs que Mme Lakeman lui attribuait lorsqu’elle travaillait aux dossiers n’étaient pas les siennes, mais qu’elles existaient déjà avant qu’elle ait touché aux dossiers. Elle a ajouté que Mme Lakeman n’avait pas de temps à lui consacrer lorsqu’elle posait des questions. Elle a affirmé qu’une personne lui avait montré comment faire les choses et qu’ultérieurement, Mme Lakeman lui avait dit que ce n’était pas la bonne façon. Elle a affirmé que Mmes Rah et Jackson lui avaient montré comment procéder aux vérifications de casiers judiciaires, mais que, selon Mme Lakeman, il y avait d’autres étapes. La fonctionnaire a déclaré que Mme Lakeman lui demandait de faire quelque chose en présumant qu’on lui avait montré comment faire. Mais qu’on ne lui avait pas montré.

[65]  La fonctionnaire a affirmé qu’elle demandait de l’aide à toutes les personnes disponibles y compris les membres. Elle a affirmé que les renseignements contradictoires qu’elle recevait étaient frustrants, parce que différentes personnes faisaient les choses différemment.

[66]  La fonctionnaire a déclaré que, pour autant qu’elle le savait, le serg. McAuley n’avait rien fait à la suite de la discussion qu’elle avait eue avec lui le 4 mars 2015, au sujet de Mme Lakeman; il n’avait jamais donné suite auprès d’elle non plus, afin de voir si la situation avait évolué. La fonctionnaire a affirmé qu’elle n’avait jamais rencontré le serg. McAuley et Mme Lakeman afin de parler de ce problème et de le régler. Elle a affirmé que sa relation avec Mme Lakeman n’avait jamais changé.

[67]  Le jeudi 30 avril 2015, la fonctionnaire a commencé à travailler au bureau d’Alexis trois jours par semaine. Elle a déclaré que, le lundi suivant (le 4 mai 2015), alors qu’elle se trouvait au détachement de Mayerthorpe, elle avait demandé au serg. McAuley si elle pouvait travailler quatre jours par semaine à Alexis. Il a rejeté sa demande.

[68]  La fonctionnaire a déclaré qu’elle avait ignoré que Mmes Lakeman, Rah et Jackson présentaient une rétroaction au serg. McAuley.

[69]  Le vendredi 8 mai 2015, à la fin de sa journée de travail, la fonctionnaire a rencontré le serg. McAuley (la « rencontre du 8 mai »). Il lui a remis une lettre en date de ce jour‑là (la « lettre du 8 mai »). Les parties pertinentes de cette lettre indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La présente lettre confirme notre discussion du 2015-05-04 concernant les préoccupations au sujet de votre rendement au travail.

  Vous devez effectuer les tâches qui vous sont assignées et suivre les directives données sans y déroger.

  Vous êtes affectée au détachement de Mayerthorpe, ainsi qu’au bureau satellite de la Nation sioux des Nakota d’Alexis.

  À l’heure actuelle, vous devez travailler à Alexis les mardis, mercredis et jeudis, et à Mayerthorpe les lundis et vendredis. Je déciderai quand cet horaire sera modifié en fonction de votre rendement et de votre capacité à travailler de façon plus indépendante.

  Vous devez acquérir la connaissance du SIRP et les compétences connexes en participant à des activités de perfectionnement, comme nous en avons déjà discuté.

  Vous devez démontrer que vous avez acquis les compétences de base exigées à la fonction publique fédérale, notamment travailler efficacement avec les autres, faire preuve d’intégrité et de respect, bien réfléchir, faire preuve d’initiative et être orientée vers l’action (voir la pièce jointe).

Le défaut de répondre à ces attentes risque d’entraîner votre renvoi en cours de stage.

[…]

[70]  Un document intitulé [traduction] « Compétences de base » était joint à la lettre du 8 mai. Il semble avoir été extrait d’un autre document et comprend quatre encadrés où sont énoncées les compétences ci‑dessous, dont le titre est indiqué à la droite de chacun des encadrés : [traduction] « Faire preuve d’intégrité et de respect »; « Travailler efficacement avec les autres »;  Bien réfléchir »; « Faire preuve d’initiative et être orienté vers l’action ». Au‑dessus des quatre encadrés, il est indiqué ce qui suit :

[Traduction]

COMPÉTENCES DE BASE

Ces compétences sont précisées dans l’entente de rendement et ne sont pas susceptibles de modifications. Elles exposent les comportements essentiels nécessaires pour effectuer efficacement les tâches à titre de fonctionnaire fédéral. Tous les employés doivent être évalués en fonction de ces compétences, indépendamment de leur groupe ou niveau. Les critères comportementaux représentatifs sont indiqués ci‑dessous.

[71]  Voici, en détail, les critères spécifiques qui sont énoncés dans les quatre encadrés :

[Traduction]

Faire preuve d’intégrité et de respect

  Afficher des comportements conformes au Code de valeurs et d’éthique du secteur public.

  Mener ses activités au travail d’une manière qui témoigne de son engagement envers l’excellence du service.

  Contribuer de manière active au bien-être au travail et à un milieu de travail sûr, sain et respectueux.

  Appuyer et valoriser la diversité et le bilinguisme.

  Agir en toute transparence et en toute équité.

  Faire preuve de respect à l’égard des biens et des ressources du gouvernement et les utiliser de manière responsable, notamment en prenant connaissance des politiques gouvernementales pertinentes et en les appliquant.

Travailler efficacement avec les autres

  Partager de l’information avec ses collègues.

  Écouter les points de vue des autres d’une oreille attentive, les prendre en considération et les intégrer.

  Reconnaître les contributions et célébrer les réussites des autres.

  Travailler en collaboration et interagir efficacement avec les autres et être prêt à défendre et à valoriser la diversité.

  Démontrer sa compréhension du rôle, des responsabilités et de la charge de travail des collègues et être disposé à mettre ses besoins personnels en balance avec ceux des autres membres de l’équipe.

  Se montrer digne de confiance, en particulier en respectant ses engagements.

  Gérer de manière proactive les questions d’ordre personnel ou relationnel susceptibles de nuire à son rendement.

  Gérer sa propre conciliation travail-vie privée et respecter celle des autres.

Bien réfléchir

  Planifier et ajuster son travail après avoir examiné consciencieusement les priorités opérationnelles de son unité et ses propres objectifs de travail, en demandant des éclaircissements et des instructions en cas d’incertitude ou de confusion.

  Tenir compte de l’information provenant de multiples sources avant de formuler un point de vue ou une opinion.

  Faire preuve de jugement et obtenir les faits pertinents avant de prendre une décision.

  Analyser les revers et demander des rétroactions pour apprendre de ses erreurs.

Faire preuve d’initiative et être orienté vers l’action

  Se tenir au fait des objectifs, des méthodes de travail et des objectifs de rendement de l’équipe.

  Traduire des instructions en activités de travail concrètes, en tirant le maximum du temps et des ressources à sa disposition.

  Adopter en tout temps une attitude constructive face au changement, aux revers ou aux situations stressantes, et faire preuve d’ouverture à l’égard de solutions ou d’approches différentes ou nouvelles.

  Communiquer des idées, des points de vue et des préoccupations de manière efficace et respectueuse et participer activement à des échanges d’idées avec les autres.

  Repérer rapidement des signes de problèmes potentiels et en avertir le gestionnaire ou superviseur et d’autres personnes, au besoin.

  Adopter le changement et rechercher activement des occasions d’apprendre et de se perfectionner sur les plans personnel et professionnel.

  Contribuer et participer aux améliorations apportées aux processus et aux nouvelles approches.

  Rechercher les gains en efficience opérationnelle, en démontrant une appréciation de l’importance d’optimiser les ressources, notamment en adoptant de bon gré des façons de faire nouvelles et plus efficientes.

[72]  Rien n’indique que ce document a déjà été remis à la fonctionnaire sous une forme quelconque avant qu’elle l’ait reçu en pièce jointe à la lettre du 8 mai. Sa source n’a pas été fournie à l’audience et ne se trouve dans aucun autre document déposé en pièce à l’audience.

[73]  Le serg. McAuley a déclaré qu’il avait rédigé la lettre du 8 mai après avoir parlé avec Michelle Revet à la dotation de la fonction publique (l’équivalent des ressources humaines à la GRC), et qu’il s’était fondé sur les notes qu’il avait prises lors de la rencontre du 8 mai, qui indiquaient ce qui suit :

[Traduction]

[…]

1633 Ai signifié le document concernant Victoria. Ignorait mes préoccupations – a déclaré ne pas se rappeler – ai avisé que nous avions eu quatre réunions dont je me rappelais spontanément. Ai conseillé d’examiner encore une fois le document d’embauche au cours de la fin de semaine et de revenir lundi afin de répondre aux questions ou préoccupations.

A demandé ce que signifiait renvoi en cours de stage. Ai avisé que si nous ne pouvions pas trouver un endroit où elle pouvait remédier aux lacunes elle serait licenciée.

[…]

[74]  Pendant son interrogatoire principal, le serg. McAuley a été prié de dire ce qu’il se rappelait d’autre au sujet de la rencontre du 8 mai. En faisant renvoi à la lettre du 8 mai, il a déclaré que la fonctionnaire lui avait demandé ce que cela voulait dire. Il a affirmé lui avoir dit que cela signifiait son licenciement. Il a ajouté qu’elle lui avait dit qu’elle ignorait qu’il y avait des lacunes et qu’elle était mécontente d’avoir reçu la lettre du 8 mai.

[75]  Pendant son interrogatoire principal, le serg. McAuley a été prié de dire si le rendement de la fonctionnaire s’était amélioré après qu’elle avait reçu la lettre du 8 mai. Il a répondu que son rendement avait régressé. On lui a demandé ce qu’il avait décidé de faire. Il a répondu qu’en consultation qu’avec la responsable de la dotation de la fonction publique (Mme Revet), il avait recommandé de renvoyer la fonctionnaire en cours de stage.

[76]  Mme Lakeman a déclaré qu’elle n’avait jamais vu la lettre du 8 mai.

[77]  La fonctionnaire a déclaré qu’après la remise de la lettre du 8 mai, personne chez l’employeur ne l’avait aidée à surmonter les difficultés précisées par le serg. McAuley. Elle a dit que ce dernier ne lui avait pas expliqué ce qu’elle ne faisait pas correctement, ni comment y remédier. Elle a affirmé n’avoir reçu aucune formation après avoir reçu la lettre. Elle a dit que personne ne s’était entretenu avec elle et ne lui avait apporté de l’aide d’une façon ou d’une autre.

[78]  La fonctionnaire et la gend. Paddick ont toutes deux déclaré que les employées civiles du détachement de Mayerthorpe avaient une attitude discriminatoire envers les Autochtones en général, ce qui se traduisait habituellement par des blagues ou des commentaires inappropriés. La gend. Paddick a déclaré que tous les membres, y compris le serg. McAuley, devaient le savoir.

[79]  À l’audience, la gend. Paddick ne s’est pas identifiée comme étant une Autochtone ni comme un membre d’une Première Nation.

[80]  La fonctionnaire et la gend. Paddick ont donné en exemple une injure raciste qui visait continuellement une personne d’origine autochtone en particulier (autre que la fonctionnaire). La gend. Paddick a déclaré que le bureau de détachement était petit et que tout le monde entendait tout. Elle a déclaré que l’injure qui visait cette personne était bien connue et que tous les membres le savaient, y compris le serg. McAuley. Ce dernier et Mme Lakeman ont tous deux nié avoir entendu cette injure. Ils ont laissé entendre que la fonctionnaire et la gend. Paddick avaient sorti de leur contexte des commentaires qui avaient pu sembler désobligeants envers les Autochtones ou certaines personnes en particulier.

[81]  La gend. Paddick a déclaré qu’elle ne se sentait pas à l’aise pour témoigner à l’audience, parce qu’elle avait déposé une plainte de harcèlement contre le serg. McAuley. Les détails de la plainte et les conclusions à cet égard ne m’ont pas été fournis, bien que la gend. Paddick ait déclaré qu’il avait été établi que la plainte était fondée.

[82]  La gend. Paddick a déclaré qu’à un moment donné (elle ne se souvenait pas quand exactement), le serg. McAuley avait enjoint expressément à la fonctionnaire de ne pas aider ou guider la fonctionnaire, parce qu’elle devait être congédiée. Dans son témoignage, la fonctionnaire a confirmé que la gend. Paddick le lui avait dit à ce moment‑là, c’est‑à‑dire, en mai 2015 ou aux alentours de cette date.

[83]  La gend. Paddick a aussi déclaré avoir porté à l’attention du serg. McAuley des préoccupations concernant le traitement dont la fonctionnaire avait fait l’objet au bureau et dont elle avait été témoin; à son avis Mmes Rah et Lakeman ne lui donnaient pas de bonnes directives et ne l’aidaient pas. La gend. Paddick a affirmé que le serg. McAuley avait réagi en déclarant que la fonctionnaire n’était pas futée et qu’elle serait congédiée.

[84]  La fonctionnaire a déclaré qu’elle avait entendu le serg. McAuley dire à quel point il aurait été formidable que la GRC n’ait pas à se soucier d’Alexis. Lorsqu’on lui a demandé quand elle l’avait entendu dire cela, la fonctionnaire a répondu que ce devait être en mars 2015. Elle a ajouté qu’elle avait trouvé cette remarque blessante, parce que, si c’était ce qu’il pensait de la population d’Alexis, cela la visait aussi, parce qu’elle venait de là.

[85]  Une copie d’une chaîne de courriels a été déposée en preuve. Le premier courriel était adressé par l’inspectrice Honey Dwyer de la GRC à Crystal Borden, responsable du programme pour le respect en milieu de travail au Bureau des relations employeur‑employés de la Division K de la GRC à Edmonton, et éventuellement à d’autres personnes (le courriel ne l’indique pas clairement). Le dernier courriel était celui du serg. McAuley à Mme Revet. Voici la chaîne de courriels :

[Traduction]

[Inspectrice Dwyer à Mme Borden, le 2 juin 2015 à 11 h 34 :]

Bonjour tout le monde,

Le présent courriel est envoyé au nom de Victoria Alexis qui est fonctionnaire à Alexis (détachement de Mayerthorpe). Victoria aimerait régler des problèmes en milieu de travail et qu’une personne de l’extérieur du bureau médie. De plus, Victoria aimerait qu’une personne travaillant aux RH de la FP lui fasse part de ses fonctions, car elle déclare que cela ne lui a pas été communiqué clairement au moment de son embauche.

Une copie du présent courriel est transmise à Victoria puisqu’elle sait que je l’envoie pour elle.

Si vous avez des questions, n’hésitez pas à communiquer avec moi directement.

 

[Mme Borden à des destinataires non précisés, le 2 juin 2015 à 11 h 49 :]

[…]

Merci d’avoir porté ce renseignement à notre attention. Je consulterai mon superviseur au sujet d’un médiateur.

[Le serg. McAuley à Mme Revet, le 2 juin 2015 à 11 h 59 :]

Michelle,

Quand vous aurez une minute, pourriez‑vous m’appeler au bureau?

Scott

[…]

[86]  On a montré cette chaîne de courriels à la fonctionnaire et on lui a demandé si elle connaissait le contexte qui l’entourait. Elle a déclaré qu’elle avait pris contact avec Alex Coutreville, aux Services des relations avec les Autochtones de la Division K de la GRC. Elle a affirmé l’avoir fait parce qu’elle avait le sentiment de n’avoir personne à qui s’adresser au détachement. Elle a dit que M. Coutreville lui avait suggéré de parler de ses préoccupations concernant Mme Lakeman avec le serg. McAuley, mais qu’en raison du fait que cela n’avait rien donné, il lui avait communiqué les coordonnées de l’inspectrice Dwyer. La fonctionnaire a dit qu’elle avait emprunté cette voie parce qu’elle n’avait pas le sentiment qu’on prêtait une oreille attentive à ses préoccupations  au sujet du travail et du détachement, notamment les remarques sur les Autochtones et les difficultés qu’elle éprouvait avec Mme Lakeman.

[87]  La fonctionnaire a déclaré qu’elle n’avait jamais pu faire part à quiconque de ces préoccupations parce qu’elle avait été licenciée le 5 juin 2015.

[88]  Dans leur témoignage, le serg. McAuley et Mme Lakeman ont tous deux laissé entendre que, pour dire les choses brièvement, la fonctionnaire était difficile et affichait un comportement impoli et agressif. Les notes McAuley en date du 25 septembre 2014 indiquent ce qui suit :

[Traduction]

2014/09/25

(9 h 30) Ai parlé à Victoria Alexis concernant la place de la FP à Alexis. S’est montrée très émotive et agressive au sujet du poste et allait faire le suivi du poste actuel et communiquer […] (s.é.-m.). Message laissé.

[89]  Mme Ryan a déclaré qu’avant de licencier la fonctionnaire, elle ne l’avait jamais rencontrée. Elle a affirmé que sa première intervention à l’égard de la situation d’emploi de la fonctionnaire avait eu lieu après qu’elle eut reçu une note de synthèse de Mme Revet, qui n’a pas été produite en preuve.

[90]  Mme Ryan a précisé que les problèmes touchaient la capacité de la fonctionnaire à gérer les tâches habituelles exigées d’un ASD, qui consistent notamment à recueillir des renseignements sur les accidents de la circulation, à saisir des données dans le SIRP, à recevoir des renseignements au téléphone, ainsi qu’à assurer la rigueur des renseignements qu’elle recueillait. Mme Ryan a déclaré que, de façon générale, la fonctionnaire n’était pas au niveau exigé pour occuper le poste.

[91]  Tout en précisant le processus qui l’avait amenée à prendre la décision de licencier la fonctionnaire, Mme Ryan a affirmé qu’une pareille décision est grave et exige une analyse et une réflexion approfondies. Elle a dit qu’elle avait voulu s’assurer que la fonctionnaire avait reçu la formation appropriée et qu’elle avait eu la possibilité de poser des questions et de réussir. Mme Ryan a déclaré qu’après avoir reçu des renseignements indiquant que la fonctionnaire avait bénéficié d’une formation et d’une supervision et qu’elle possédait une bonne compréhension de ce que comportait le poste, elle avait eu le sentiment qu’il fallait la licencier.

[92]  Mme Ryan a reconnu la lettre du 5 juin et a déclaré que les motifs qui y étaient énoncés concordaient avec l’analyse qu’elle avait fournie dans son témoignage à l’audience. Bien qu’elle ait déclaré avoir été au courant de la lettre du 8 mai, elle a confirmé qu’elle ne l’avait jamais vue.

[93]  En contre‑interrogatoire, Mme Ryan a déclaré que la décision de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire avait été la sienne, et que les renseignements utilisés pour la licencier se fondaient sur la note de synthèse et les renseignements que Mme Revet avait présentés. Mme Ryan a déclaré qu’elle n’avait pas discuté de la question avec le serg. McAuley, et qu’elle croyait que Mme Revet avait rédigé la note de synthèse.

[94]  Mme Revet n’a pas témoigné.

[95]  Une copie des « Lignes directrices concernant le licenciement ou la rétrogradation pour rendement insatisfaisant; le licenciement ou la rétrogradation pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite; et le licenciement en cours de stage » du CT a été déposée en preuve. Ses parties pertinentes indiquent ce qui suit :

1. Contexte

Les présentes lignes directrices remplacent les lignes directrices suivantes publiées le 1er avril 2005 :

[…]

Lignes directrices sur le renvoi en cours de stage

[…]

Les présentes lignes directrices appuient les principes énoncés dans le Cadre de politique pour la gestion des personnes en fournissant des conseils visant à promouvoir une gestion judicieuse des ressources humaines dans toute l’administration publique centrale

[…]

2. Public cible et but

Les présentes lignes directrices aident les conseillers en ressources humaines de l’administration publique centrale à s’acquitter de leur rôle consistant à fournir des conseils et des avis à la direction relativement à la gestion de situations comme les suivantes :

 […]

le licenciement en période de stage est envisagé.

[…]

3. Généralités

 […]

c. Lorsqu’on prend la décision de licencier un employé en cours de stage, les principes directeurs suivants doivent s’appliquer :

  l’employé en stage connaît les fonctions et les exigences particulières du poste;

  l’employé en stage est au courant des normes de rendement et de conduite;

  l’employé en stage est avisé lorsqu’il doit améliorer son rendement ou sa conduite;

  l’employé en stage reçoit la formation nécessaire pour exercer les fonctions du poste.

La période de stage sert à déterminer si l’employé est apte à occuper le poste auquel elle a été nommée [sic]. L’évaluation peut comporter une appréciation de l’un ou l’autre des éléments suivants, selon le cas :

  la fiabilité de l’employé, notamment son assiduité;

  la compatibilité de l’employé avec ses collègues ou avec les clients;

  la capacité de l’employé de satisfaire aux exigences de l’emploi, y compris celles inhérentes à la charge de travail;

  la capacité de l’employé d’observer les politiques, procédures et pratiques établies, de même que les codes de conduite.

N’oubliez pas de tenir compte de la jurisprudence établie, à savoir que la décision de licencier l’employé en cours de stage doit être fondée sur des motifs objectifs démontrables, et qu’elle ne doit pas être prise de façon arbitraire ni discriminatoire, ni être entachée de mauvaise foi. Cela signifie que le gestionnaire ou le superviseur doit être persuadé que l’employé ne convient pas pour le poste et doit être capable de démontrer qu’il a agi de bonne foi en se fondant sur le fait que l’employé ne convenait pas pour le poste. Les motifs sur lesquels une telle décision peut s’appuyer incluent un rendement insatisfaisant ou une inconduite.

Le gestionnaire délégataire doit informer l’employé par écrit de la décision de le licencier en cours de stage et préciser le motif et la date d’effet de la décision.

[…]

[96]  Une copie des lignes directrices a été présentée à Mme Ryan. Elle a déclaré qu’elle les connaissait. Toutefois, elle ne pouvait pas affirmer qu’elle les avait consultées lorsqu’elle avait décidé de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire.

[97]  Mme Ryan a affirmé qu’elle avait décidé de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire en mai ou juin 2015. Lorsqu’on lui a demandé quand elle avait signé la lettre du 5 juin, on lui a montré un courriel de Mme Revet au serg. McAuley en date du 20 mai 2015 à 18 h 44, qui indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Le chef de service a approuvé la lettre et l’a déjà signée. Serg. McAuley, lorsque vous serez de retour au bureau la semaine prochaine, achevons le processus et préparons‑nous à présenter la lettre le 5 juin, comme prévu (bon, à moins qu’elle n’ait accompli un revirement complet et que vous décidiez de ne pas la renvoyer tout de suite).

[…]

[98]  À la vue de ce courriel, Mme Ryan a confirmé qu’elle avait signé la lettre du 5 juin le 20 mai 2015, qui tombait un mercredi.

[99]  Dans cette même chaîne de courriels, qui incluait le courriel cité expédié le  20 mai, il y avait un échange de courriels antérieur entre Mme Revet et le serg. McAuley, des 19 et 20 mai 2015. Ces courriels sont ainsi rédigés :

[Traduction]

 

[Mme Revet au serg. McAuley, le 19 mai 2015 à 18 h 2 :]

[…]

Pourriez‑vous examiner la NS [note de synthèse] et la lettre adressée au chef de service avant que je les mette au point et les envoie? Le contenu vous satisfait‑il, ou  souhaitez‑vous que des modifications et/ou des révisions y soient apportées?

[…]

[Le serg. McAuley à Mme Revet, le 20 mai 2015 à 9 h 21 :]

Je suis au Manitoba afin d’assister une procédure judiciaire. J’ai examiné ce qui est écrit et j’en suis satisfait.

[…]

[100]  En contre‑interrogatoire, on a aussi demandé à Mme Ryan si elle avait cru comprendre qu’elle devait signer la lettre du 5 juin, que cette lettre ne serait pas délivrée, et que l’employeur pouvait décider de maintenir la fonctionnaire en poste. Elle a répondu ceci : [traduction] « Selon moi, ils me l’auraient fait savoir s’il y avait eu du nouveau. »

[101]  Toujours en contre‑interrogatoire, on a demandé à Mme Ryan si sa décision aurait été différente, si elle avait su à l’époque que la fonctionnaire n’avait reçu ni formation ni encadrement complémentaire. Elle a déclaré ce qui suit : [traduction] « J’ose espérer que les efforts dans le sens de la collaboration avec elle et de son perfectionnement se seraient poursuivis et que cela n’aurait pas été un exercice sur papier. » En contre‑interrogatoire, Mme Ryan a confirmé qu’elle ignorait que la fonctionnaire n’avait eu aucun plan de rendement. Lorsqu’on lui a demandé si son avis aurait été différent si elle l’avait su, elle a affirmé ce qui suit : [traduction] « Pas nécessairement; je me serais attendue à ce qu’il y ait des documents faisant état des lacunes et des buts établis. Je ne sais pas exactement à quoi ressemblerait le plan de rendement d’une stagiaire. »

[102]  Il n’y a pas d’inscriptions postérieures à la remise de la lettre du 8 mai à la fonctionnaire dans les notes McAuley.

[103]  Bien que les notes Lakeman renferment des inscriptions en date du 29 mai et du 1er au 3 juin, rien n’indique qu’à la suite de la rencontre du 8 mai Mme Lakeman a rencontré le serg. McAuley ou l’ait informé du rendement de la fonctionnaire, avant que Mme Ryan ne signe la lettre du 5 juin.

[104]  Rien n’indique que le serg. McAuley a rencontré la fonctionnaire à la suite de la rencontre du 8 mai et avant de présenter sa recommandation à Mme Revet, qui avait rédigé la note de synthèse et la lettre du 5 juin que Mme Ryan devait examiner et signer.

[105]  À l’audience, la lettre du 5 juin a été examinée avec le serg. McAuley. Lorsque celui‑ci a été questionné au sujet des directives et de la supervision, auxquelles il est fait allusion dans la lettre, il a déclaré qu’elles avaient été assurées par Mme Lakeman et lui, ainsi qu’au moyen de la formation sur le SIRP. Il a affirmé qu’il avait le sentiment qu’une aide, des directives et une supervision raisonnables avaient été offertes à la fonctionnaire.

[106]  En contre‑interrogatoire, lorsqu’on a fait remarquer au serg. McAuley qu’il était d’avis que le rendement de la fonctionnaire ne s’était pas amélioré, il a rétorqué en disant que son rendement ne s’était pas amélioré autant qu’il l’aurait fallu. Puis il a déclaré ce qui suit : [traduction] « Il devait s’agir de son [celui de Mme Ryan] examen du dossier. » Lorsque l’avocate lui a demandé s’il s’agissait bien de son avis, le serg. McAuley a déclaré ce qui suit : [traduction] « J’ai recommandé, mais c’est sa décision. J’ai présenté une recommandation par le truchement d’une note de synthèse. »

[107]  En contre‑interrogatoire, lorsqu’on a demandé au serg. McAuley ce qu’il avait fait afin de s’assurer que la fonctionnaire recevrait une formation, des directives et une supervision supplémentaires, il a déclaré qu’il devait s’agir de la rétroaction de Mme Lakeman. Lorsqu’on a fait remarquer au serg. McAuley que Mme Lakeman n’était pas au courant de la lettre du 8 mai, il a rétorqué que c’était peu probable, mais possible.

[108]  Selon la preuve, la fonctionnaire a reçu l’équivalent de deux semaines de paye pour la période du 4 au 17 juin 2015.

[109]  Le grief était rédigé comme suit :

[Traduction]

Énoncé du grief :

Je présente un grief pour contester la lettre de licenciement datée du 15-06-05 qui porte la signature M. C. Marianne Ryan, M.O.M. La consultation de mon agent des relations du travail est demandée à l’égard du présent grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

Mesure corrective demandée :

Je demande que la lettre susmentionnée soit immédiatement retirée et que toutes ses copies soient détruites en ma présence. Je demande aussi ma réintégration sans perte de rémunération ni d’avantages sociaux et le versement d’un dédommagement intégral.

[110]  Le grief a été renvoyé à la CRTEFP pour arbitrage le 9 mars 2015, par le dépôt, au titre du Règlement, de la Formule 21, dont les parties pertinentes indiquent ce qui suit :

[…]

12.  Disposition de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique en vertu de laquelle le grief individuel est renvoyé à  l’arbitrage :

209(1)b)    Mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire.

209(1)c)(i)  Rétrogradation ou licenciement d’un fonctionnaire de l’administration publique centrale imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de  l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite.

[…]

[111]  Le 15 mars 2016, le greffe de la Commission a écrit aux parties au moyen d’un modèle normalisé, afin d’accuser réception du renvoi du grief à l’arbitrage par l’intermédiaire de l’agent négociateur de la fonctionnaire, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC). La lettre indiquait également ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La partie à un grief qui soulève une question liée à l’interprétation ou à l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne doit présenter un avis à la Commission canadienne des droits de la personne (Formule 24 au titre du Règlement) en vertu du paragraphe 92(1) du Règlement.

[…]

[112]  Le 3 juin 2016, l’employeur a présenté une copie de ses réponses aux deuxième et dernier paliers de la procédure de règlement des griefs. La réponse au deuxième palier est datée du 8 septembre 2015, et ses parties pertinentes indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[…]

J’ai examiné les arguments que vous et votre représentant syndical, Lois Greenhalgh, avez présentés, ainsi que les documents à l’appui que vous aviez soumis auparavant et durant l’audience de grief tenue le 26 août 2015.

Afin de me préparer à rendre ma décision, j’ai examiné avec soin les circonstances qui ont entraîné votre licenciement en cours de stage. J’ai confirmé que la direction vous avait avisé des fonctions particulières et des exigences du poste, que vous aviez été informée des normes de rendement exigées et de la conduite appropriée, que vous aviez reçu une rétroaction lorsque votre rendement et votre conduite demandaient des améliorations, et que vous aviez reçu une formation pour occuper le poste. J’ai conclu que la présente décision se fondait sur des motifs objectifs et démontrables et n’était pas prise arbitrairement. À ce titre, je demeure persuadé de ma décision de mettre fin à votre emploi pour des motifs d’inaptitude.

[…]

[113]  La réponse au grief au dernier palier est datée du 2 février 2016, et ses parties pertinentes indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Je conclus que votre équipe de supervision vous a avisé des préoccupations concernant votre rendement à de multiples reprises au cours de votre période d’emploi, et que vous avez eu de nombreuses possibilités d’améliorer votre rendement et de suivre une formation supplémentaire. Je suis persuadé que la décision de mettre fin à votre emploi en cours de stage se justifiait pour des raisons d’inaptitude fondées sur des motifs objectifs et démontrables, et que nous ne l’avons pas prise arbitrairement, de manière discriminatoire ou de mauvaise foi.

[…]

[114]  La présente affaire a initialement été mise au rôle du 18 au 21 octobre 2016, à Edmonton. Toutefois, en raison d’incidents imprévus, elle a été remise à une date ultérieure.

[115]  Le 7 août 2019, l’agent négociateur a adressé à la Commission une lettre pratiquement identique à une autre datée du 9 mars 2015, qui avait signifié le renvoi du grief à l’arbitrage. La dernière lettre comportait les différences précisées ci‑dessous :

·  Dans le premier paragraphe, où il est fait allusion à [traduction] « […] deux copies de la Formule 21 aux fins du renvoi à l’arbitrage […] », en pièces jointes, après les mots « la Formule 21 » les mots [traduction]  « et la Formule 24 » ont été ajoutés (le passage en évidence l’est dans l’original).

·  Un nouveau deuxième paragraphe, rédigé comme suit, a été ajouté :

[Traduction] 

Comme le présent grief soulève une question liée à l’interprétation ou à l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne, nous avons transmis la Formule 24 à la Commission canadienne des droits de la personne.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

·  Le dernier paragraphe a été modifié en changeant l’identité de la personne‑ressource, qui était à l’époque Mme Laframboise-Carignan.

[116]  La Formule 24 jointe à la lettre du 7 août 2019 indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Question liée à l’interprétation ou à l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne et description de l’acte ou de la ligne de conduite discriminatoire allégué :

Des attitudes préjudiciables envers les Autochtones étaient répandues dans le milieu de travail. Ces attitudes préjudiciables ont influencé l’évaluation du rendement de la fonctionnaire qu’a effectuée l’employeur et ont joué un rôle dans la décision de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire.

Motif de distinction illicite dont il est question :

Les motifs de distinction illicite dont il est question sont les suivants : la race et l’origine nationale ou ethnique.

Mesure de réparation recherchée :

Que le grief soit accueilli et accompagné d’une ordonnance exigeant la réintégration de la fonctionnaire et un dédommagement intégral.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

[117]  Le 16 août 2019, la Commission a reçu de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) une lettre indiquant qu’elle ne participerait pas à la présente affaire.

II.  Résumé de l’argumentation

A.  Pour le défendeur

1.  L’objection de employeur à l’avis de renvoi à l’arbitrage modifié

[118]  La fonctionnaire n’a pas pu élargir la portée du grief. À la toute dernière minute, elle a tenté de l’élargir et de la reformuler. Cela s’est produit le 7 août 2019, lorsque son agent négociateur a transmis la Formule 24 à la CCDP et à la Commission. Il était allégué ce qui suit sur la Formule 24 : [traduction] « [d]es attitudes préjudiciables envers les Autochtones étaient répandues dans le milieu de travail. Ces attitudes préjudiciables ont influencé l’évaluation du rendement de la fonctionnaire qu’a effectuée l’employeur et ont joué un rôle dans la décision de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire. »

[119]  Le défendeur m’a renvoyé à Boudreau c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2010 CRTFP 100, au paragraphe 35, qui indiquait ce qui suit : « À titre de règle générale de justice naturelle, l’employeur ne devrait pas, au stade de l’arbitrage de grief, être tenu de se défendre contre une qualification des questions nettement différente de celle à laquelle il a été confronté pendant la procédure de règlement des griefs. » L’allégation doit être appuyée de manière à ce que l’employeur connaisse les questions en litige et l’affaire contre laquelle il doit assurer sa défense. Le défendeur m’a aussi renvoyé à Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109 (C.A.).

2.  L’objection de l’employeur à la compétence de la Commission en vertu de l’article 211 de la Loi

[120]  Les articles 61 et 62 de la LEFP reconnaissent à l’employeur le droit à une période de stage. L’article 211 de la Loi précise que tout licenciement prévu sous le régime de la LEFP ne peut être renvoyé à l’arbitrage en vertu de la Loi. La Cour suprême du Canada a reconnu dans Jacmain c. Procureur général (Canada) et autre, [1978] 2 RCS 15 que l’employeur possède le droit général de renvoyer un employé en cours de stage. La compétence de la Commission est très limitée en pareil cas.

[121]  La question à laquelle il convient de répondre est de savoir si la fonctionnaire a été renvoyée en cours de stage sous le régime de la LEFP. Le défendeur m’a renvoyé à  Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429 (C.A.), où il est prévu que, dans un cas de renvoi en cours de stage, un arbitre de grief est autorisé, sous le régime de la Loi, à établir s’il s’agit bien de ce que cela semble être, et rien d’autre.

[122]  Le défendeur m’a aussi renvoyé à Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, 2001 CFPI 529; Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 134; Ducharme c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2010 CRTFP 136; Dyck c. Administrateur général (ministère des Transports), 2011 CRTFP 108; Boyce c. Canada (Conseil du Trésor), 2004 CRTFP 39.

[123]  La fonctionnaire a été licenciée en cours de stage et a reçu un dédommagement tenant lieu de préavis. Le défendeur s’est acquitté de son fardeau de prouver qu’elle n’était pas apte à occuper le poste. Selon lui, la fonctionnaire n’a pas démontré que le licenciement constituait un trompe‑l’œil ou du camouflage, ou que cette décision avait été prise de mauvaise foi, ou de façon arbitraire. Elle n’a pas établi non plus la distinction fondée sur le motif illicite de la race ou de l’origine nationale.

[124]  Le défendeur a soutenu qu’il ne revient pas à la Commission d’examiner les procédures. Il m’a renvoyé à McMorrow c. Conseil du Trésor (Anciens combattants),  dossier de la CRTFP 166-02-23967 (19931119), [1993] C.R.T.F.P.C. no 192.

[125]  La fonctionnaire doit établir qu’il y a eu de la mauvaise foi selon la prépondérance des probabilités. Le défendeur m’a renvoyé à Chaudhry c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 72, ainsi qu’à Kagimbi c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 74, où il a été posé en principe que l’employeur doit croire de bonne foi que le ou la fonctionnaire n’était pas à la hauteur de la tâche.

[126]  Melanson c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 33 confirme le principe selon lequel il n’est pas nécessaire de prouver chacun des motifs d’un licenciement ou d’un renvoi en cours de stage. Il y est aussi posé en principe que le fait qu’un fonctionnaire n’a pas été avisé qu’il pouvait être licencié durant la période de stage ne suffit pas pour justifier l’annulation d’un renvoi en cours de stage, et qu’il suffit qu’un stagiaire ait été suffisamment averti des préoccupations liées au rendement.

[127]  Maqsood c. Conseil du Trésor (ministère de l’Industrie), 2009 CRTFP 175 confirme le principe selon lequel un employeur est en droit de définir les critères au regard desquels la capacité du stagiaire sera évaluée, de même que d’établir le processus servant à déterminer s’il satisfait à ces critères. En l’espèce, la fonctionnaire avait reçu la liste de ses fonctions et responsabilités; aucun processus d’examen officiel visant à définir les critères n’était requis.

[128]  Maqsood permet aussi d’affirmer que le fardeau de la preuve qui incombe à la fonctionnaire diffère de celui de l’employeur. La fonctionnaire doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que le renvoi en cours de stage constituait un trompe‑l’œil ou du camouflage et que l’employeur a agi de mauvaise foi.

[129]  Ricard c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2014 CRTFP 72 établit que la période de stage a pour but d’évaluer l’aptitude d’un nouvel employé à occuper un poste. Comme il est énoncé dans Penner et Tello, l’évaluation ne se limite pas au rendement au travail ni à la production, mais peut aussi porter sur le caractère et l’aptitude générale.

[130]  Les tâches rigoureuses et sensibles au temps ne collaient pas aux compétences de la fonctionnaire. Le serg. McAuley et Mme Ryan ont tous deux évoqué les motifs du renvoi en cours de stage et ont déclaré qu’il s’agissait des seuls. Les faiblesses de la fonctionnaire qui ont été relevées à l’égard de certaines tâches lui ont été mentionnées. Elle éprouvait de la difficulté à suivre les directives et à établir les priorités. Il était difficile pour elle de répondre aux demandes de renseignements élémentaires par téléphone, et elle avait de la difficulté à utiliser le logiciel du SIRP et à effectuer des transcriptions. Elle éprouvait également de la difficulté à travailler en collaboration. Elle a reçu des conseils en continu, mais son travail ne s’est pas amélioré. Selon l’évaluation de l’employeur, elle n’était pas à la hauteur de la tâche.

[131]  Mme Lakeman a été affectée comme mentore de la fonctionnaire. Elle occupait un poste classifié CR-05; à ce moment‑là, elle possédait 30 ans d’expérience. Mme Lakeman a témoigné et a produit les notes Lakeman. Elle a travaillé quotidiennement avec la fonctionnaire et a communiqué ses préoccupations au serg. McAuley. Elle a qualifié la fonctionnaire d’ergoteuse et a déclaré qu’elle s’offusquait si on lui donnait des conseils.

[132]  Mme Lakeman a déclaré qu’elle accordait une chance égale à tous, et que la race de la fonctionnaire n’avait rien à voir avec cela. Mme Lakeman apprécie au plus haut point la précision et l’exactitude. La fonctionnaire éprouvait un certain nombre de problèmes en rapport avec les affectations et les tâches.

[133]  La fonctionnaire a reçu une formation intensive en cours d’emploi et des instructions précises. Mme Lakeman est intervenue très souvent. On a enjoint à la fonctionnaire de ne pas se dérober à Mme Lakeman. La relation entre elles s’est tendue; la fonctionnaire estimait que Mme Lakeman la harcelait et la ciblait. Cependant, Mme Lakeman n’a pas agi autrement que de bonne foi et voulait s’assurer que le travail était effectué correctement.

[134]  La fonctionnaire a reçu une formation officielle et une formation informelle. En ce qui concerne la formation sur le SIRP, le serg. McAuley a appris que la fonctionnaire avait eu du mal.

[135]  Le serg. McAuley a déclaré que la fonctionnaire n’avait pas démontré les compétences exigées, qu’elle n’était pas réceptive à la rétroaction, et qu’il lui arrivait de se montrer ergoteuse. Selon la preuve, le serg. McAuley a rencontré la fonctionnaire à quatre reprises. Il est également ressorti de la preuve que le serg. McAuley avait offert à la fonctionnaire une plus ample formation sur le SIRP. Il lui a remis une liste de ses fonctions et responsabilités. Il a déclaré qu’il n’avait constaté aucune amélioration notable dans son rendement. Il a ajouté que la fonctionnaire était agressive et qu’elle acceptait mal la critique.

[136]  Le serg. McAuley a décidé que la fonctionnaire n’était pas apte à occuper le poste et a pris, conjointement avec les responsables des relations de travail, la décision de la renvoyer en cours de stage. La décision se fondait sur des motifs liés à l’emploi que le défendeur a démontrés.

[137]  Les allégations de discrimination raciale de la fonctionnaire sont graves et ne doivent pas être prises à la légère. Le défendeur m’a renvoyé à Taticek c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2015 CRTEFP 12. Il incombait à la fonctionnaire de produire une preuve prima facie. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), 2015 CSC 39, précise en quoi consiste une preuve prima facie, question dont traite aussi la décision rendue par la Commission dans Kirlew c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTESPF 28.

[138]  Le défendeur a reconnu que des attitudes préjudiciables avaient été évoquées et que certains éléments de preuve démontraient que des commentaires désobligeants avaient été formulés. Toutefois, aucune preuve prima facie n’a été produite. Il faut établir un lien démontrant que la race de la fonctionnaire est entrée en ligne de compte dans le renvoi en cours de stage. Rien ne reposait sur le fait que celle‑ci était une Autochtone.

[139]  Les témoins du défendeur étaient dignes de foi.

[140]  Le serg. McAuley ne se souvenait pas d’avoir formulé les commentaires qu’on lui attribuait au sujet d’une femme autochtone disparue et des fonds budgétaires. Il n’a jamais ignoré une affaire, ni retenu des ressources. En ce qui concerne les commentaires qu’on lui attribuait selon lesquels sa vie serait plus facile si la réserve de la Nation sioux des Nakota d’Alexis ne faisait pas partie des responsabilités du détachement, il a expliqué ce commentaire et a déclaré qu’il avait été sorti de son contexte. Il supervisait un grand nombre d’employés, y compris ceux des Premières Nations. Il était dans l’intérêt de la GRC qu’une employée autochtone occupe le poste en question, puisque le bureau satellite de Mayerthorpe se trouvait dans la réserve de la Nation sioux des Nakota d’Alexis.

[141]  Le défendeur m’a renvoyé à Dawson c. Société canadienne des postes, 2008 TCDP 41. Cette affaire confirme le principe selon lequel la conviction qu’une personne est victime de discrimination ne permet pas en droit de conclure à l’existence de discrimination ni n’établir une preuve prima facie de discrimination.

[142]  Le défendeur s’est acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait. La fonctionnaire ne s’est pas acquittée du sien, et le défendeur a demandé que le grief soit rejeté pour défaut de compétence.

B.  Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

1.  L’objection de l’employeur à l’avis de renvoi à l’arbitrage modifié

[143]  En 2016, l’agent négociateur a avisé l’employeur des commentaires qui étaient formulés au sujet de la race et des origines de la fonctionnaire.

2.  L’objection de l’employeur à la compétence de la Commission en vertu de l’article 211 de la Loi

[144]  La fonctionnaire était la seule employée d’origine autochtone au détachement de Mayerthorpe. Après qu’un membre des Premières Nations eut quitté le bureau satellite d’Alexis, elle a été la seule à l’un et l’autre endroits.

[145]  La fonctionnaire relevait du serg. McAuley; toutefois, celui‑ci a affecté Mme Lakeman à titre de mentore auprès d’elle. La fonctionnaire a reçu la plus grande partie de sa formation de deux employées à temps partiel, Mmes Rah et Jackson. À un moment donné, Mme Lakeman a commencé à assigner des tâches à la fonctionnaire.

[146]  La fonctionnaire et le serg. McAuley ont eu des discussions informelles. La fonctionnaire n’a jamais eu l’impression que son rendement était inacceptable avant d’avoir reçu la lettre du 8 mai. Auparavant, elle avait soulevé des problèmes auprès du serg. McAuley concernant sa relation avec Mme Lakeman, dans la mesure où elle avait le sentiment que celle‑ci l’avait harcelée et traitée différemment des autres employées. Le serg. McAuley n’a pris aucune mesure.

[147]  En plus de vivre une relation tendue avec Mme Lakeman, la fonctionnaire avait le sentiment de ne pas être la bienvenue. La gend. Paddick lui a dit que le serg. McAuley lui avait dit de ne pas l’aider, et qu’il avait affirmé que sa vie serait plus facile s’il n’avait pas à gérer les Autochtones. Ces commentaires ont mis la fonctionnaire mal à l’aise, parce qu’elle était une Autochtone et vivait à Alexis.

[148]  Le serg. McAuley s’est emporté contre la fonctionnaire lorsqu’elle a demandé de travailler quatre jours par semaine au bureau satellite d’Alexis. Quatre jours après cela, il lui a remis la lettre du 8 mai.

[149]  Aucun plan d’amélioration n’a été présenté à la fonctionnaire. Aucune discussion avec elle n’a eu lieu afin de remédier aux lacunes. Après la remise de la lettre du 8 mai, la situation s’est envenimée à tel point que la fonctionnaire a communiqué avec le bureau responsable du respect en milieu de travail. Trois jours plus tard, elle était licenciée.

[150]  Bien que Mme Lakeman ait déclaré avoir été affectée à titre de mentore de la fonctionnaire et chargée de sa formation, et avoir rendu compte du rendement de la fonctionnaire au serg. McAuley, elle était absente du bureau deux jours sur cinq toutes les semaines. En réalité, Mmes Rah, Jackson et Thibault ont formé la fonctionnaire en grande partie. Bien que Mme Lakeman ait affirmé avoir dirigé la formation de la fonctionnaire, elle a aussi reconnu qu’elle avait été dégagée de cette formation à l’arrivée de Mme A, peu de temps après l’entrée en fonction de la fonctionnaire.

[151]  Il n’existait aucune liste de contrôle d’une formation normalisée. Mme Lakeman n’a pas pu établir avec précision sur quoi portait la formation de la fonctionnaire, ni comment ceux qui se trouvaient au bureau y pourvoyaient. En ce qui a trait aux demandes de renseignements téléphoniques, la fonctionnaire n’a reçu aucun document traitant des questions à poser.

[152]  Mme Lakeman a concédé qu’elle n’avait pas pris de notes telles que les notes Lakeman à l’égard des autres employés.

[153]  Mme Lakeman ignorait que la fonctionnaire avait reçu la lettre du 8 mai.

[154]  Le serg. McAuley a affirmé qu’il avait affecté Mme Lakeman à titre de mentore auprès de la fonctionnaire et qu’il avait reçu une rétroaction de Mmes Lakeman, Rah et Jackson au sujet du rendement de la fonctionnaire, mais qu’il n’avait jamais soulevé de préoccupations auprès de cette dernière. Il n’a évoqué que des thèmes communs. Les notes Lakeman n’ont jamais été communiquées à la fonctionnaire, et Mmes Rah ou Jackson ne lui ont jamais présenté des commentaires ou des notes.

[155]   Le serg. McAuley a confirmé qu’à part la lettre du 8 mai, la fonctionnaire n’avait reçu aucun avis officiel concernant les lacunes sur le plan de son rendement. Aucun examen officiel n’a été mis en place, ni aucun plan visant à l’aider à améliorer son rendement. Lorsqu’elle a soulevé des préoccupations au sujet de sa relation tendue avec Mme Lakeman, le serg. McAuley lui a dit de s’adresser à Mme Lakeman pour obtenir des directives, après quoi il a remis la lettre du 8 mai évoquant trois problèmes de rendement.

[156]  En contre‑interrogatoire, le serg. McAuley a reconnu ce qui suit :

  • une employée devrait se voir offrir la possibilité de remédier aux lacunes;
  • il n’a organisé aucune formation supplémentaire à l’intention de la fonctionnaire;
  • il a laissé à Mme Lakeman le soin de fournir une rétroaction à la fonctionnaire;
  • il n’a pas rencontré la fonctionnaire après lui avoir remis la lettre du 8 mai et avant qu’elle soit licenciée;
  • il a recommandé le licenciement de la fonctionnaire.

[157]  Mme Ryan a déclaré que la décision de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire avait été la sienne. Elle a affirmé qu’elle avait signé la lettre du 5 juin le 20 mai 2015, ce qui avait eu pour effet de l’approuver. Elle n’a jamais offert un mentorat ou des directives à la fonctionnaire. La décision de licencier la fonctionnaire se fondait sur les renseignements qu’elle avait reçus de la dotation de la fonction publique, qui les avait reçus du serg. McAuley. Mme Ryan n’a pas discuté de cette question avec le serg. McAuley, ni avec la fonctionnaire.

[158]  Mme Ryan ignorait que la fonctionnaire n’avait reçu aucune formation supplémentaire après avoir reçu la lettre du 8 mai. Elle ignorait aussi qu’aucun plan de rendement n’avait été mis en place à l’intention de la fonctionnaire.

[159]  La gend. Paddick a déclaré que Mmes Lakeman et Jackson étaient condescendantes envers la fonctionnaire et qu’elles ne l’aidaient pas. Lorsqu’elle a soulevé la question auprès du serg. McAuley, il lui a dit de ne pas aider la fonctionnaire, qu’elle n’était pas futée et qu’elle serait congédiée. La gend. Paddick a également déclaré que le serg. McAuley avait une attitude discriminatoire envers les Autochtones, tout comme d’autres fonctionnaires. Elle a ajouté qu’elle avait entendu des blagues inappropriées au sujet des Autochtones et d’une personne en particulier (autre que la fonctionnaire).

[160]  Le témoignage de la fonctionnaire était crédible. Même si, par moments, elle a eu de la difficulté à se remémorer certains détails, compte tenu du temps écoulé, elle pensait avoir fait son travail correctement, même si elle a reconnu qu’elle avait éprouvé des difficultés. Elle a déclaré qu’elle avait reçu sa formation de quiconque était disponible; qu’il n’y avait ni horaire ni processus établi. Cela voulait dire que, si elle avait des questions, elle les posait à quiconque se trouvait sur place. Selon son témoignage, Mmes Rah et Jackson lui avaient donné la plus grande partie de sa formation, alors que Mme Thibault lui avait enseigné comment effectuer les transcriptions. Son unique formation officielle a porté sur le SIRP.

[161]  Bien que Mme Lakeman ait commencé à assigner des tâches à la fonctionnaire en février 2015 et lui ait signalé des erreurs, elle n’a pas indiqué comment effectuer les tâches correctement. Le serg. McAuley a soulevé des problèmes de manière informelle et n’a jamais dit à la fonctionnaire que son rendement était inacceptable; il ne l’a fait qu’au moment de lui remettre la lettre du 8 mai. On n’a jamais montré à la fonctionnaire les commentaires sur son rendement que Mmes Lakeman, Rah et Jackson avaient portés à l’attention du serg. McAuley. La fonctionnaire a déclaré que ce dernier n’avait jamais expliqué les problèmes expressément, ce qu’elle devait faire afin de s’améliorer à l’égard du SIRP, ni comment devenir plus compétente.

[162]  Après réception de la lettre du 8 mai, la situation relative au travail de la fonctionnaire a empiré. Ni le serg. McAuley ni Mme Lakeman n’ont effectué un suivi afin de préciser pour elle les aspects à améliorer. La fonctionnaire a affirmé avoir eu de la difficulté à composer avec le milieu de travail tendu, à l’égard duquel rien n’était fait, malgré le fait qu’elle a soulevé des problèmes. Après que la fonctionnaire eut entendu les commentaires sur les Premières Nations et sur elle qu’on a attribués au serg. McAuley, l’ambiance est devenue inconfortable pour elle.

[163]  La fonctionnaire m’a renvoyé à Penner; McMorrow; Dhaliwal c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Services correctionnels), 2004 CRTFP 109; Dyson c. Administrateur général (ministère des Pêches et Océans), 2015 CRTEFP 58; Frezza c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2018 CRTESPF 18.

[164]  Il est indiqué dans la lettre du 5 juin qu’on s’est efforcé d’améliorer le rendement de la fonctionnaire et qu’une rétroaction a été présentée. Comme il est établi dans Dyson, le motif fourni doit être légitime et non uniquement lié à l’emploi; il doit s’appuyer sur un fondement. La fonctionnaire a commis des erreurs en cours d’apprentissage; Mme Lakeman a admis que tout le monde commettait des erreurs. Cependant, à l’insu de la fonctionnaire, l’employeur a utilisé ces erreurs pour créer un dossier en vue de la renvoyer en cours de stage. Même si le serg. McAuley a soulevé des aspects à améliorer, comme il n’a fourni à la fonctionnaire aucun moyen de réagir, elle n’a pas pu s’améliorer. Contrairement à ce qui a été dit dans la lettre du 5 juin, la fonctionnaire ne s’est vu offrir aucune formation.

[165]  Le serg. McAuley n’a pas rencontré la fonctionnaire après qu’elle eut reçu la lettre du 8 mai et avant qu’elle ne soit licenciée. Il en a laissé le soin à Mme Lakeman, mais n’a jamais avisé celle‑ci de la lettre du 8 mai. Même s’il a convenu que les stagiaires devaient se voir accorder la possibilité de corriger leur rendement, comment le peuvent‑ils si aucune mesure n’est prise afin de leur indiquer ce qui cloche et comment régler les problèmes? Comment la fonctionnaire pouvait‑elle corriger ses erreurs, si 12 jours après la remise de la lettre du 8 mai il était mis fin à son emploi?

[166]  Même si un employeur peut démontrer un motif lié à l’emploi pour justifier un renvoi en cours de stage, si la mauvaise foi peut être démontrée, elle l’emporte sur ce motif.

[167]  La fonctionnaire a soutenu que la mauvaise foi avait été attestée dans les faits indiqués ci‑dessous :

  • aucune formation pertinente quelconque ne lui a été offerte;
  • la formation a été offerte de manière ad hoc, en fonction des personnes disponibles;
  • Mme Lakeman, sa mentore, était absente deux jours par semaine, et des employées occasionnelles ou à temps partiel lui ont donné sa formation;
  • elle n’avait personne à qui s’adresser aux fins de la formation et se tournait vers les personnes disponibles, par suite de quoi elle recevait des renseignements contradictoires et faisait les choses différemment, ce que Mme Lakeman a invoqué comme motif pour affirmer que son rendement n’était pas à la hauteur;
  • aucune ligne directrice n’assurait l’uniformité de la formation;
  • Mme Lakeman et elle éprouvaient des problèmes personnels;
  • la lettre du 8 mai indiquait qu’il y avait trois aspects à améliorer, mais après que l’employeur lui eut remis la lettre, il n’a rien fait pour l’aider, notamment en offrant un soutien ou une formation supplémentaire ou en effectuant un suivi afin de voir comment elle allait;
  • après la remise de la lettre du 8 mai, personne ne lui a signalé qu’elle avait des problèmes de rendement, puisqu’il n’y a aucune allusion à ces problèmes dans les notes McAuley ou les notes Lakeman;
  • le serg. McAuley a fondé sa décision de la licencier sur un incident lié au nettoyage, ce qui ne constituait certainement pas un problème de rendement ni l’une des fonctions d’une ASD;
  • la décision de la licencier a été prise 12 jours après la remise de la lettre du 8 mai, sans lui laisser suffisamment de temps pour améliorer son rendement;
  • la lettre du 5 juin a été remise immédiatement après qu’elle eut pris contact avec le bureau responsable du respect en milieu de travail au sujet de son environnement de travail;
  • elle n’était pas à l’aise dans son milieu de travail en raison des commentaires du serg. McAuley sur les Autochtones en général et sur elle plus particulièrement;
  • l’employeur n’a pas suivi ses lignes directrices en matière de licenciement des fonctionnaires en cours de stage.

[168]  Comme il est établi dans Dhaliwal, le défaut de l’employeur de se conformer à ses propres lignes directrices peut être un signe de mauvaise foi.

[169]  L’attitude de l’employeur envers les Autochtones a nui à la formation de la fonctionnaire, en comparaison de celle des autres employées qui n’étaient pas autochtones et ont reçu une plus ample formation de la part de Mme Lakeman. Les attitudes envers les Autochtones ont influencé le traitement dont la fonctionnaire a fait l’objet de la part des collègues, ce qui alimente l’argument selon lequel le renvoi en cours de stage a été effectué de mauvaise foi.

[170]  La décision de licencier la fonctionnaire n’a pas seulement été prise de mauvaise foi; il s’agissait aussi d’une mesure disciplinaire camouflée parce que la fonctionnaire avait fait ce qui suit :

  • elle avait soulevé les difficultés qu’elle éprouvait avec Mme Lakeman auprès du serg. McAuley;
  • elle avait demandé au serg. McAuley si elle pouvait travailler quatre jours par semaine à Alexis;
  • elle avait signalé les difficultés qu’elle éprouvait dans le milieu de travail au bureau responsable du respect en milieu de travail.

[171]  La fonctionnaire a soutenu que la Commission a compétence pour entendre le grief. Elle demande la réintégration dans son poste d’ASD à Mayerthorpe et à Alexis, ainsi que le dédommagement de toutes les pertes qu’elle a subies.

C.  La réplique du défendeur

[172]  En ce qui concerne l’incident lié au nettoyage, selon le serg. McAuley, c’était la goutte qui a fait déborder le vase. Il ne s’agissait pas du nettoyage, mais de la  désobéissance de la fonctionnaire aux directives. Il s’agissait de cela et de son incapacité à collaborer.

[173]  En ce qui concerne la formation pertinente et la rétroaction, la Commission devrait tenir compte des notes prises à l’époque, à savoir les notes Lakeman, dans lesquelles Mme Lakeman a indiqué qu’elle avait assigné des tâches à la fonctionnaire puis avait surveillé ses progrès.

[174]  L’employeur a contesté l’affirmation selon laquelle la fonctionnaire n’a reçu aucune précision. Sa description de travail et la liste de ses fonctions lui ont été fournies, et elle a régulièrement reçu une rétroaction, tel que cela est indiqué dans les notes Lakeman.

III.  Motifs

A.  L’objection de l’employeur à l’avis de renvoi à l’arbitrage modifié

[175]  L’article 209 de la Loi traite du renvoi des griefs à l’arbitrage. Le délai dans lequel un fonctionnaire doit renvoyer un grief à l’arbitrage est précisé à l’article 90 du Règlement, qui indique ce qui suit :

Délai pour le renvoi d’un grief à l’arbitrage

90 (1) Sous réserve du paragraphe (2), le renvoi d’un grief à l’arbitrage peut se faire au plus tard quarante jours après le jour où la personne qui a présenté le grief a reçu la décision rendue au dernier palier de la procédure applicable au grief.

Exception

(2) Si la personne dont la décision constitue le dernier palier de la procédure applicable au grief n’a pas remis de décision à l’expiration du délai dans lequel elle était tenue de le faire selon la présente partie ou, le cas échéant, selon la convention collective, le renvoi du grief à l’arbitrage peut se faire au plus tard quarante jours après l’expiration de ce délai.

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

[176]  Rien, dans la Loi ou le Règlement, ne traite expressément de la modification d’un avis de renvoi à l’arbitrage. Toutefois, l’art. 61 du Règlement indique ce qui suit :

Prorogation de délai

61 Malgré les autres dispositions de la présente partie, tout délai, prévu par celle-ci ou par une procédure de grief énoncée dans une convention collective, pour l’accomplissement d’un acte, la présentation d’un grief à un palier de la procédure applicable aux griefs, le renvoi d’un grief à l’arbitrage ou la remise ou le dépôt d’un avis, d’une réponse ou d’un document peut être prorogé avant ou après son expiration :

a) soit par une entente entre les parties;

b) soit par la Commission ou l’arbitre de grief, selon le cas, à la demande d’une partie, par souci d’équité.

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

[177]  L’article 210 de la Loi indique ce qui suit :

Avis à la Commission canadienne des droits de la personne

210 (1) La partie qui soulève une question liée à l’interprétation ou à l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne dans le cadre du renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel en donne avis à la Commission canadienne des droits de la personne conformément aux règlements.

Observations de la Commission

(2) La Commission canadienne des droits de la personne peut, dans le cadre de l’arbitrage, présenter ses observations relativement à la question soulevée.

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

[178]  Le paragraphe 92(1) du Règlement traite de l’avis à la CCDP et indique ce qui suit :

Avis à la Commission canadienne des droits de la personne

92 (1) L’avis prévu aux paragraphes 210(1), 217(1) ou 222(1) de la Loi est donné à la Commission canadienne des droits de la personne selon la formule 24 de l’annexe et est accompagné d’une copie du grief en cause et de l’avis de renvoi du grief à l’arbitrage.

Copies de l’avis

(2) La partie qui donne l’avis en envoie une copie à l’autre partie, aux intervenants, à la Commission et à toute personne ayant reçu copie de l’avis de renvoi du grief à l’arbitrage en application de l’article 4, à moins qu’elle n’ait fait savoir par écrit à la Commission qu’elle ne souhaitait pas recevoir copie des documents déposés subséquemment.

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

[179]  L’article 93 du Règlement porte sur les mesures que doit prendre la CCDP une fois qu’elle a reçu l’avis. Cet article indique ce qui suit :

Délai de présentation de l’avis d’intention

93 (1) Au plus tard quinze jours après avoir reçu l’avis prévu aux paragraphes 210(1), 217(1) ou 222(1) de la Loi, la Commission canadienne des droits de la personne peut aviser la Commission, selon la formule 25 de l’annexe, de son intention de présenter ou non des observations relativement à la question soulevée dans l’avis.

Documents à joindre

(2) La Commission canadienne des droits de la personne joint à son avis une copie du grief en cause et de l’avis de renvoi du grief à l’arbitrage.

Envoi de copies

(3) À la réception de l’avis, la Commission en envoie une copie aux parties et aux intervenants.

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

[180]  Rien, dans la Loi ou le Règlement, ne précise le délai applicable à la présentation de l’avis à la CCDP concernant une question relative aux droits de la personne. Cet avis est présenté parce que la Commission peut être saisie d’une question qui touche la CCDP et sa législation applicable. Compte tenu du mandat de la CCDP, l’avis lui permet de décider si elle souhaite formuler des observations sur l’affaire.

[181]  L’article 226 de la Loi énonce les pouvoirs d’un arbitre de grief ou d’une formation de la Commission à l’égard d’une affaire qui lui est renvoyée pour arbitrage. L’alinéa 226(2)b) traite des pouvoirs particuliers en matière de redressement sous le régime de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6; la « LCDP ») et indique ce qui suit :

Pouvoirs de l’arbitre de grief et de la Commission

226 (2) L’arbitre de grief et la Commission peuvent, pour instruire toute affaire dont ils sont saisis :

[…]

b) rendre les ordonnances prévues à l’alinéa 53(2)e) ou au paragraphe 53(3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne […]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

[182]  L’article 53 de la LCDP définit les pouvoirs du Tribunal canadien des droits de la personne à l’égard d’une affaire qui lui est soumise pour enquête. L’alinéa 53(2)e) et le paragraphe 53(3) prévoient le redressement qui peut être accordé si une plainte est fondée et ils indiquent ce qui suit :

53 (2) À l’issue de l’instruction, le membre instructeur qui juge la plainte fondée, peut, sous réserve de l’article 54, ordonner, selon les circonstances, à la personne trouvée coupable d’un acte discriminatoire :

[…]

e) d’indemniser jusqu’à concurrence de 20 000 $ la victime qui a souffert un préjudice moral.

Indemnité spéciale

(3) Outre les pouvoirs que lui confère le paragraphe (2), le membre instructeur peut ordonner à l’auteur d’un acte discriminatoire de payer à la victime une indemnité maximale de 20 000 $, s’il en vient à la conclusion que l’acte a été délibéré ou inconsidéré.

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

[183]  Le processus de dépôt d’un grief et les étapes de la procédure de règlement des griefs, éventuellement jusqu’à l’arbitrage, sont demeurés largement inchangés depuis la création du prédécesseur de la Commission, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP), et des successeurs de cette ancienne Commission, soit la nouvelle Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) et la CRTEFP. À vrai dire, les règlements régissant le processus sont aussi demeurés les mêmes en grande partie. Cela a été résumé, en ces termes, dans Boiko c. Conseil national de recherches du Canada, 2018 CRTESPF 11, aux paragraphes 871 et 872 :

[871] Suivant la procédure de règlement des griefs établie sous le régime de l’ancienne LRTFP et du Règlement et des règles de procédure de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (le « Règlement de la CRTFP »), un fonctionnaire s’estimant lésé peut forcer l’acheminement d’un grief en quelques jours ou quelques mois. Cette procédure est demeurée largement statique au fil des ans et dans le cadre des modifications législatives apportées avec l’adoption de la nouvelle LRTFP, de la LCRTESPF et de la Loi.

[872] Les articles 71 à 77 du Règlement de la CRTFP prévoyaient les délais dans lesquels un fonctionnaire s’estimant lésé pouvait déposer un grief initialement, puis l’acheminer à travers divers paliers de grief, jusqu’à la CRTFP pour arbitrage en dernier ressort. À chaque palier, l’employeur devait présenter une réponse au fonctionnaire. Si le fonctionnaire n’était pas satisfait de la réponse, il pouvait acheminer le grief au palier suivant de la procédure. Si le fonctionnaire était mécontent de la réponse obtenue au palier final, il pouvait alors renvoyer le grief à la CRTFP (maintenant la Commission).

[184]  Les articles 64 à 73 du Règlement prévoient le processus et les délais applicables au dépôt des griefs et au franchissement des étapes de la procédure de règlement des griefs. Le processus est mené en grande partie par un fonctionnaire s’estimant lésé, quoiqu’il arrive que l’employeur y collabore. Le fonctionnaire peut porter le grief aux diverses étapes de la procédure de règlement des griefs en l’absence d’audience, ou une décision peut être prise à l’un ou l’autre palier, y compris le dernier. Le grief peut être renvoyé à la Commission pour arbitrage en l’absence d’audience au dernier palier, ou une décision peut être prise ou confirmée.

[185]  Le présent grief a été déposé au premier palier de la procédure de règlement des griefs le 23 juin 2015 et a été renvoyé à l’arbitrage le 9 mars 2016. À première vue, il ne donne pas à penser qu’une question relative aux droits de la personne est en litige. Cela dit, le 16 mars 2016, lorsque la réception de l’avis de renvoi à l’arbitrage a été confirmée aux parties, celles‑ci ont été avisées que, si l’affaire soulevait une question touchant la LCDP, un avis devait être présenté à la CCDP au moyen de la formule appropriée en vertu du Règlement.

[186]  Même si aucun délai n’est prévu pour la présentation de cet avis, l’AFPC a représenté la fonctionnaire tout au long de ce processus. Cet agent négociateur représente les fonctionnaires devant notre Commission et ses prédécesseurs depuis des décennies. L’AFPC renvoie des centaines de griefs à la Commission chaque année. Assurément, l’AFPC n’ignore pas que, si la Commission est saisie d’une question relative aux droits de la personne, elle doit présenter l’avis prévu à l’article 210 de la Loi en temps raisonnable, à tout le moins dans un délai suffisant avant l’audience, afin de permettre à la CCDP d’examiner l’affaire et de décider si elle formulera des observations.

[187]  Dans la présente affaire, l’AFPC n’a présenté un avis à la CCDP que plus de trois ans après avoir renvoyé le grief à l’arbitrage, quatre jours ouvrables avant le début de l’audience seulement, comme par hasard, et bien après que l’affaire eut été initialement mise au rôle pour arbitrage, en octobre 2016. De plus, dans l’avis de renvoi à l’arbitrage déposé en mars 2015, il n’était pas allégué qu’il y avait eu violation de la convention collective pertinente, qui aurait certainement pu être utilisée aussi pour renvoyer le grief à l’arbitrage, puisqu’elle contient une clause de non‑discrimination.

[188]  Par ailleurs, on ne m’a soumis aucune preuve relative à une mention qui aurait été faite ou à une allégation qui aurait été soulevée à l’égard d’une pratique discriminatoire associée aux origines autochtones de la fonctionnaire durant la procédure de règlement des griefs, ou sur laquelle se serait fondé son licenciement. Le ou les représentants de l’AFPC qui ont participé à cette procédure n’ont pas témoigné, et aucune note ou observation dactylographiée durant la procédure n’a été présentée en preuve. La fonctionnaire n’a pas témoigné de la procédure non plus. Le grief a été instruit aux deuxième et dernier paliers, et les réponses qui y ont été présentées ne donnent assurément aucun indice des questions qui y ont été soulevées ou soumises, en dehors de l’argument de la fonctionnaire selon lequel elle n’aurait pas dû être licenciée.

[189]  Au mieux, j’ai appris que les parties avaient débattu de la question de la discrimination liée aux origines autochtones de la fonctionnaire à un moment donné, après le licenciement de cette dernière et le dépôt du grief. Cependant, on ne m’a pas précisé qui avait débattu quoi, avec qui, quand et dans quel contexte.

[190]  Le renvoi à la Commission est l’étape du processus qui doit être franchie pour que la Commission ait compétence sur le grief. La question que la Commission doit trancher à l’arbitrage correspond à l’énoncé du grief. Si le grief est porté contre un licenciement, la Commission doit alors trancher cette question. Les faits détaillés sont rarement énoncés dans le grief, voire jamais; ils ressortent habituellement de la procédure de règlement des griefs.

[191]  Cela nous amène à Burchill, dont l’élément applicable est le paragraphe 5, qui indique ce qui suit :

5  À notre avis, après le rejet de son seul grief présenté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, le requérant ne pouvait présenter à l’arbitrage un nouveau grief ou un grief différent, ni transformer son grief en un grief contre une mesure disciplinaire entraînant le congédiement au sens du paragraphe 91(1). En vertu de cette disposition, seul un grief présenté et réglé conformément à l’article 90 ou visé à l’alinéa 91(1) a) ou b) peut être renvoyé à l’arbitrage. À notre avis, puisque le requérant n’a pas énoncé dans son grief la plainte dont il aurait voulu saisir l’arbitre, à savoir que sa mise en disponibilité n’était, en vérité, qu’une mesure disciplinaire camouflée, rien ne vient donner à l’arbitre compétence pour connaître du grief en vertu du paragraphe 91(1). Par conséquent, l’arbitre n’a pas compétence.

[192]  Depuis cette époque, la Commission et ses prédécesseurs ont régulièrement instruit et tranché des affaires qui découlaient d’un licenciement, et dans lesquelles l’une des questions préalables était l’objection d’un employeur à la compétence de la Commission en vertu de l’article 211 de la Loi, parce que le licenciement consistait en un renvoi en cours de stage. L’article 211 était rédigé en ces termes aux époques pertinentes :

211 L’article 209 n’a pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur :

a) soit tout licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique;

b) soit toute mutation effectuée sous le régime de cette loi, sauf celle du fonctionnaire qui a présenté le grief.

[193]  La jurisprudence en la matière est abondante. Il est bien établi en vertu de l’article 211 de la Loi (qui est analogue à la mesure législative remontant à l’époque de la CRTFP) que la Commission n’a pas compétence pour juger un licenciement sous le régime de la LEFP. Cette jurisprudence, qu’on appelle familièrement les « affaires de renvoi en cours de stage », s’est établie au fil des décennies et se présente toujours selon le même schéma. L’employeur licencie ostensiblement un fonctionnaire s’estimant lésé en le renvoyant en cours de stage. Ensuite, ce fonctionnaire dépose un grief pour contester ce licenciement et le renvoie éventuellement à la Commission pour arbitrage. Dans ces affaires de renvoi en cours de stage, le fonctionnaire doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que son licenciement constituait un trompe‑l’œil ou du camouflage ou qu’il a été fait de mauvaise foi, et qu’à ce titre, il relève de la compétence de la Commission (habituellement en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi, parce que le fonctionnaire a renvoyé son grief à la Commission pour arbitrage en vertu de cet alinéa, en alléguant qu’il s’agissait d’une mesure disciplinaire).

[194]  Aucun mystère n’entoure la façon dont la Commission est saisie de ces affaires ou les questions à trancher. La jurisprudence est bien établie. Les parties connaissent la nature du grief et savent en quoi consiste ce qu’elles doivent établir, respectivement,  pour convaincre la Commission du bien‑fondé de leur position. Les griefs exposent rarement en détail, pour ne pas dire jamais, le trompe‑l’œil, le camouflage ou la mauvaise foi qui sont allégués par le fonctionnaire.

[195]  Bien que l’art. 61 du Règlement autorise la Commission à proroger le délai nécessaire pour franchir les étapes de la procédure de règlement des griefs comme le prévoit une convention collective, ou dans le cadre de la procédure de règlement des griefs devant la Commission, il n’énonce aucun critère que la Commission devrait respecter, sauf pour indiquer, à l’al. 61b), que cela devrait être par souci d’équité. Cela dit, au fil des ans, la Commission et ses prédécesseurs ont établi une jurisprudence en matière de prorogation de délais.

[196]  Ni l’employeur ni le défendeur n’ont consenti à une prorogation du délai de renvoi du grief à l’arbitrage sous une forme modifiée. Aucune demande n’a été présentée à cet égard. Cela laisse entièrement à la Commission le soin d’autoriser la modification, de son plein gré, si je suis persuadé que cela favoriserait l’équité.

[197]  Comme je ne dispose d’aucune preuve claire et convaincante du fait que l’employeur en était au courant durant la procédure de règlement des griefs ou au moment du renvoi à l’arbitrage, je ne suis pas convaincu que la fonctionnaire ait allégué ou maintenu que son licenciement avait été fait dans un but discriminatoire lié à ses origines autochtones.

[198]  Par conséquent, j’estime qu’en fonction des faits dont je suis saisi, même s’il a été porté contre le licenciement, le grief qui a été présenté dans le cadre de la procédure de règlement des griefs n’allègue pas la discrimination de manière à laisser croire à une demande de redressement sous la forme des dommages‑intérêts prévus à l’al. 226 (2)b) de la Loi, ce qui comprend des dommages‑intérêts au titre de l’alinéa 53(2)e) et du par. 53(3) de la LCDP.

B.  L’objection de l’employeur à la compétence de la Commission en vertu de l’art. 211 de la Loi

[199]  La première question dont je suis saisi est celle de la compétence. Comme je l’ai déjà établi dans les présents motifs, en vertu de l’art. 211 de la Loi, la Commission n’a pas compétence sur le licenciement sous le régime de la LEFP.

[200]  La jurisprudence dans ce domaine est assez bien établie. La Cour fédérale a énoncé succinctement les critères généralement reconnus dans Chaudry c. Canada (Procureur Général), 2007 CF 389, aux paragraphes 51 et 53 :

[51] Dans ces circonstances, l’employeur a convaincu l’arbitre qu’il s’était acquitté du fardeau l’obligeant à montrer qu’il y avait une preuve quelconque d’un motif lié à l’emploi pour procéder à un renvoi en cours de stage. Voir à cet égard la décision Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi (2001), 205 F.T.R. 238, au paragraphe 37, où le juge Lemieux a écrit ce qui suit :

Plus spécifiquement, l’employeur n’a pas à produire une preuve prima facie d’un motif déterminé valable, mais seulement à produire un minimum de preuve que le renvoi est lié à l’emploi et non à un autre motif.

[…]

[53] Une fois que l’employeur s’était acquitté de son fardeau, il incombait à l’employé de démontrer la mauvaise foi de ce dernier. À cet égard, l’arbitre a conclu que le demandeur n’avait pas prouvé que le renvoi en cours de stage était une imposture ou qu’il s’agissait d’une mesure prise de mauvaise foi.

[201]  Dans Kagimbi c. Canada (Procureur général), 2014 CF 400, en confirmant la décision de la CRTFP, la Cour fédérale a déclaré que la LEFP avait été rédigée de manière à ce que l’employeur jouisse de beaucoup de flexibilité pendant la période de stage « […] justement pour qu’il puisse évaluer les compétences d’un employé potentiel ». La Cour a ajouté que la décision de l’employeur de congédier l’employée avait été prise de bonne foi, en disant ce qui suit : « […] c’est-à-dire, qu’elle est fondée sur une insatisfaction quant aux capacités de l’employée de faire le travail en question ».

[202]  Bien qu’elle ne soit généralement pas en litige, la première question à laquelle il faut répondre est celle de savoir quand prend fin la période de stage. Cela est important, parce que le fondement du licenciement était le par. 62(1) de la LEFP, et que la fonctionnaire a déposé le grief contre cette mesure de l’employeur, ce qui dicte le processus à suivre. Dans la présente affaire, il ne semble pas contesté que la fonctionnaire a été licenciée durant sa période de stage.

[203]  Le processus applicable aux griefs qui portent sur un renvoi en cours de stage est demeuré en grande partie le même sous le régime de la Loi, de la LRTFP et de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P‑35), jusqu’à la décision rendue dans Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 134, qui a eu pour effet de le modifier quelque peu.

[204]  Avant Tello, le processus s’enclenchait lorsque l’employeur établissait un motif lié à l’emploi valable pour justifier le renvoi d’un fonctionnaire en cours de stage, comme il est établi dans Leonarduzzi, ci‑dessous, au paragraphe 42 citant Penner, au paragraphe 438 :

[42] […]

Dans l’affaire Smith (dossier No. 166-2-3017 de la Commission), l’arbitre Norman exprime sans détours sa pensée à ce sujet :

En effet, une fois que l’employeur a présenté à l’arbitre une preuve concluante indiquant un motif de renvoi valable à première vue, l’audition sur le fond dans l’affaire de congédiement ne peut alors aboutir qu’à une impasse soudaine. L’arbitre perd ainsi tout pouvoir pour ordonner que l’employé s’estimant lésé soit réintégré dans ses fonctions en faisant valoir à cet égard que l’employeur n’a pas donné de motif valable pour le congédiement […]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

[205]  Avant Tello, une fois que l’employeur avait établi une cause de renvoi valable, la jurisprudence considérait ce qui suit : « […] il revient ensuite au fonctionnaire de démontrer que les actions de l’employeur sont effectivement un trompe-l’œil ou du camouflage et qu’elles sont par conséquent contraires à l’article 28 de la LEFP » (le passage en évidence l’est dans l’original, à savoir Leonarduzzi, au paragraphe 45).

[206]  Tello a eu pour effet de modifier légèrement le contexte jurisprudentiel, en prévoyant que, dans ce genre d’audience devant la Commission (ou ses prédécesseures, la CRTFP et la CRTEFP), les griefs déposés par des employés renvoyés en cours de stage n’obligent plus l’employeur à établir un motif lié à l’emploi valable pour justifier le renvoi. Il suffit à l’employeur d’établir que le fonctionnaire a été licencié au cours de la période de stage, qu’on lui a remis une lettre de licenciement énonçant le motif de la décision, et qu’il a reçu un dédommagement tenant lieu de préavis.

[207]  Mme Ryan a décidé de licencier la fonctionnaire pour les motifs précisés dans la lettre du 5 juin. Les motifs satisfaisaient aux critères énoncés dans Tello et, à ce titre, permettent de s’acquitter du fardeau principal, soit de prouver que la décision de licencier la fonctionnaire se fondait sur des motifs liés à l’emploi. Toutefois, cela ne met pas fin à l’enquête. Comme il est établi dans la jurisprudence, un fonctionnaire s’estimant lésé peut réussir à convaincre un arbitre de grief ou une formation de la Commission qu’il ou elle a compétence, si, selon la prépondérance des probabilités, il peut établir que le licenciement n’a pas été fait pour un motif lié à l’emploi légitime, mais pour un motif artificiel, ou qu’il s’agissait d’une mesure disciplinaire déguisée, d’un trompe‑l’œil, de camouflage ou de mauvaise foi. Le paragraphe 127 de Tello indique ce qui suit :

[127] Comme le fonctionnaire a été incapable d’établir que la décision de le renvoyer en cours de stage était arbitraire, il lui incombe de prouver que le licenciement est un subterfuge ou du camouflage. Tel qu’il a été mentionné par la Cour d’appel fédérale dans un autre contexte (Dansereau c. Canada (1990), [1991] 1 C.F. 444 (CA), à la page 462, on ne peut présumer de la mauvaise foi et un employé qui tente de fournir une preuve de mauvaise foi « […] a une tâche particulièrement difficile à accomplir. […] ». Dans McMorrow c. Conseil du Trésor (Anciens combattants), dossier de la CRTFP 166–02–23967 (19931119), un arbitre de grief a mentionné, à la page 14, qu’à son avis :

[…]

[…] si on peut démontrer que l’employeur a tiré une conclusion arbitraire sur les faits lorsqu’il a décidé effectivement de renvoyer la personne en cours de stage, alors cette décision est nulle. […]

[…] Il est banal d’affirmer que pour établir s’il y a eu ou non bonne foi il faut examiner toutes les circonstances entourant l’affaire. Les faits qui peuvent justifier une conclusion de mauvaise foi peuvent se présenter de multiples façons […] en tenant pour acquis, bien sûr, que l’on doit toujours, en partant, présumer de la bonne foi de l’employeur. […]

[…]

[208]  Dans Canada (Procureur général) c. Heyser, 2017 CAF 113, aux paragraphes 73 à 77, la Cour d’appel fédérale s’est penchée en ces termes sur la compétence de la Commission :

[73] Premièrement, il ne fait aucun doute, en raison des décisions rendues par notre Cour dans les arrêts Bergey et Féthière, que la Commission a compétence, en vertu de l’alinéa 209(1)c) de la Loi ainsi que de l’alinéa 12(1)e) et du paragraphe 12(3) de la LGFP, pour statuer sur le bien‑fondé des décisions prises par un employeur de révoquer la cote de fiabilité d’un employé. À mon avis, compte tenu des modifications légales qui ont été apportées depuis 1993, comme l’a souligné la juge Gleason dans l’arrêt Bergey, la loi n’étaye pas la thèse du procureur général en l’espèce.

[74] J’irais même plus loin en affirmant que cette jurisprudence, à laquelle renvoient la juge Gleason dans l’arrêt Bergey (au paragraphe 45) et le juge Boivin dans l’arrêt Féthière (au paragraphe 23), n’est plus valide, car elle repose sur une interprétation déraisonnable des dispositions pertinentes.

[75] Même si je suis lié par la décision explicite de notre Cour sur cette question dans l’arrêt Féthière, j’aimerais ajouter que je partage entièrement l’opinion du juge Boivin. Autrement dit, pour examiner les licenciements résultant de mesures non disciplinaires, il n’est plus nécessaire que la Commission invoque le concept des mesures disciplinaires déguisées pour faire valoir sa compétence en vertu de l’alinéa 209(1)b), puisque l’alinéa 209(1)c) lui reconnaît pleine compétence en matière de licenciements pour motifs non disciplinaires. Par conséquent, le point de vue exprimé par l’arbitre au paragraphe 134 des motifs de la Commission (et cité précédemment au paragraphe 17 des présents motifs) est la seule approche raisonnable à prendre pour examiner les licenciements, qu’ils résultent de mesures disciplinaires ou non disciplinaires.

[76] Dans des circonstances semblables à celles ayant mené au présent litige, il appartient donc à la Commission de décider si le licenciement pour motif non disciplinaire était motivé. Pour y parvenir, la Commission doit décider, en se basant sur les faits pertinents ayant mené à la révocation et sur les politiques pertinentes adoptées par le Conseil du Trésor en sa qualité d’employeur, si le licenciement est motivé, ce qui signifie qu’elle doit faire enquête pour décider si la révocation est justifiée par des motifs légitimes et valables.

[77] Je suis d’avis que, si la révocation est justifiée eu égard aux politiques pertinentes, le licenciement qui en résulte est motivé. Autrement dit, lorsque l’employeur licencie un employé pour des motifs non disciplinaires, par exemple parce que l’employé a perdu sa cote de fiabilité, comme c’est le cas en l’espèce, la Commission doit décider si la révocation à l’origine du licenciement était justifiée. Si c’est le cas, alors l’employeur a démontré que le licenciement était motivé. Si, au contraire, l’employeur ne réussit pas à démontrer que la révocation était fondée sur des motifs valables, alors le licenciement n’est pas justifié et l’employé, comme l’a ordonné l’arbitre en l’espèce, doit être réintégré dans ses fonctions.

[209]  Selon moi, la jurisprudence qui suit Tello et celle qui découle de Heyser (voir aussi Bergey c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 30 et Canada (Procureur général) c. Féthière, 2017 CAF 66) ne s’excluent pas mutuellement et peuvent s’appliquer parallèlement.

[210]  Pour les motifs énoncés ci‑dessous, j’estime qu’il a été mis fin à l’emploi de la fonctionnaire pour des motifs autres que légitimes et liés à l’emploi. Le renvoi en cours de stage constituait un trompe-l’œil et du camouflage et a été effectué de mauvaise foi. Il équivalait au licenciement de la fonctionnaire en vertu du s.‑al. 209(1)c)(i) de la Loi, plutôt que de l’art. 62 de la LEFP.

[211]  La jurisprudence indique clairement que la bonne foi doit être présumée. Pour les motifs énoncés ci‑dessous, j’estime que, selon la preuve, les représentants du défendeur et de l’employeur ont agi d’une façon que nous ne pouvons qualifier que de mauvaise foi.

[212]  Dans son témoignage, Mme Ryan a déclaré que la décision de licencier la fonctionnaire était la sienne, et qu’elle se fondait sur une note de synthèse rédigée par Mme Revet. La preuve a démontré que Mme Ryan avait reçu la note de synthèse et l’ébauche de la lettre du 5  juin le mercredi 20 mai 2015, après 9 h 21 (heure à laquelle le serg. McAuley a approuvé les ébauches et avisé Mme Revet) et avant 18 h 44 (heure à laquelle Mme Revet a confirmé au serg. McAuley que Mme Ryan avait signé la lettre du 5 juin).

[213]  Il est ressorti de la correspondance par courriel entre le serg. McAuley et Mme Revet qu’une note de synthèse et l’ébauche de la lettre du 5  juin avaient été présentées au serg. McAuley le 19 mai 2015, à 18 h 2. Le 20 mai 2015, à 9 h 21, le serg. McAuley a confirmé à Mme Revet qu’il avait revu les deux documents et que ce qui y était écrit le satisfaisait. Leur correspondance par courriel a aussi confirmé que Mme Ryan avait signé la lettre du 5 juin le 20 mai 2015, à 18 h 44.

[214]  La lettre du 5 juin indiquait que le renvoi en cours de stage était attribuable au fait que la fonctionnaire n’avait pas démontré son aptitude à s’acquitter des fonctions d’une ASD; plus particulièrement, elle ne se montrait pas capable de :

  • suivre les directives et les instructions;
  • établir des priorités;
  • répondre efficacement aux questions de nature policière;
  • saisir des données en faisant un minimum d’erreurs;
  • travailler en collaboration avec les autres.

[215]  La lettre du 5 juin indiquait aussi que la fonctionnaire avait reçu régulièrement une rétroaction sur son rendement, et qu’une formation, un encadrement et un mentorat avaient été mis en œuvre afin de lui permettre d’acquérir les compétences requises pour exécuter ses fonctions. Il était indiqué plus loin dans la lettre que, le 8 mai, la fonctionnaire avait été avisée verbalement et dans une lettre que le défaut de répondre aux attentes risquait d’entraîner son renvoi en cours de stage. En dernier lieu, il était indiqué qu’en date du 5 juin aucune amélioration notable ne laissait penser qu’elle pourrait démontrer les compétences requises pour avoir un bon rendement au travail.

[216]  Mme Revet n’a pas témoigné, et la note de synthèse n’a pas été produite en preuve non plus. Rien n’indique que Mme Revet, qui travaille aux ressources humaines, a déjà rencontré la fonctionnaire ou supervisé son travail.

[217]   Mme Ryan a déclaré qu’elle n’avait pas parlé au serg. McAuley et n’avait  jamais vu la lettre du 8 mai.

[218]  Rien n’indique que Mme Ryan a déjà discuté avec Mme Lakeman, qui a déclaré qu’elle n’avait fait part des notes Lakeman à personne d’autre qu’au serg. McAuley. Selon la preuve, les notes Lakeman que le serg. McAuley devait avoir vues au moment de la signature (le 20 mai 2015) de la lettre du 5 juin ne couvraient que la période allant jusqu’au 1er mai 2015 inclusivement.

[219]  Selon la preuve, le serg. McAuley a remis la lettre du 8 mai à la fonctionnaire à la fin de cette journée‑là. Au mieux, la période écoulée entre la remise de la lettre et la recommandation et la décision de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire était de cinq jours ouvrables, du lundi 11 au vendredi 15 mai 2015. Comme le lundi 18 mai 2015 était le jour de la fête de la Reine, il s’agissait d’un jour férié où la fonctionnaire ne travaillait pas.

[220]  Mme Revet a rédigé la note de synthèse et la lettre du 5 juin. Elle les a fait parvenir au serg. McAuley pour examen avant qu’elles ne soient transmises à Mme Ryan. Même si rien n’indiquait à quel moment précis Mme Revet les avait rédigées, il est raisonnable de présumer qu’elle avait probablement reçu des instructions du serg. McAuley durant la semaine du 11 au 15 mai 2015, qu’elle avait commencé à rédiger les documents à ce moment‑là et les avait probablement achevés le mardi 19 mai 2015, puisque c’est à cette date qu’elle les a remis au serg. McAuley pour approbation, à la fin de cette journée‑là. Elle a reçu l’approbation du serg. McAuley le lendemain, tôt en matinée, et les documents ont été remis à Mme Ryan. Celle‑ci a signé la lettre du 5 juin au cours de la journée du mercredi 20 mai 2015.

[221]  La dernière inscription des notes McAuley concernant la fonctionnaire était datée du 8 mai 2015 et ne faisait aucune allusion à son rendement, à l’exception d’un renvoi à la lettre du 8 mai. Pendant son témoignage, lorsqu’on a demandé au serg. McAuley s’il avait vu une amélioration dans le rendement de la fonctionnaire après lui avoir remis la lettre du 8 mai, non seulement il a affirmé ne pas en avoir vu, mais il a ajouté qu’il en avait constaté la régression. Toutefois, dans son témoignage, le serg. McAuley n’a donné aucune précision.

[222]  En outre, il n’y a absolument aucune preuve documentaire que ce soit du rendement de la fonctionnaire après le 8 mai 2015 et avant que Mme Ryan n’ait signé la lettre du 5 juin, le 20 mai 2015. La dernière allusion figurant dans les notes McAuley avant le 8 mai était datée du 4 mai 2015. Dans les notes Lakeman, le mois de mai 2015 ne comptait que deux inscriptions, l’une en date du 1er mai et l’autre du 29. Rien n’indiquait que Mme Lakeman a parlé au serg. McAuley à un moment ou un autre entre le 1er et le 20 mai 2015 (date à laquelle Mme Ryan a signé la lettre du 5 juin), et à plus forte raison avant le licenciement, le 5 juin 2015.

[223]  Après le 20 mai 2015, date à laquelle Mme Ryan a reçu la note de synthèse et signé la lettre du 5 juin, rien n’indique qu’il y a eu une communication entre le serg. McAuley et Mme Ryan ou Mme Revet; rien n’indique non plus qu’il y a eu une communication entre Mme Revet et Mme Ryan.

[224]  Selon la preuve dont je dispose, il semblerait que, le vendredi 8 mai, à la fin de la journée de travail, le serg. McAuley ait remis à la fonctionnaire la lettre du 8 mai l’avertissant que, si son rendement ne s’améliorait pas, elle perdrait son emploi. Au cours des cinq jours ouvrables qui ont suivi, il a manifestement été décidé de recommander à Mme Ryan de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire, parce que le sixième jour, soit le mardi 19 mai, Mme Revet avait déjà rédigé une note de synthèse et la lettre du 5 juin à l’intention de Mme Ryan, puisqu’elle les a transmises au serg. McAuley afin d’obtenir ses commentaires, et que celui‑ci les a approuvées le mardi 20 mai en début de journée. À un moment donné avant la fin de la journée du 20 mai, Mme Ryan a pris la décision de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire et a signé la lettre du 5 juin.

[225]  Dès le début de l’audience, j’ai rendu une ordonnance excluant les témoins. Le serg. McAuley a témoigné avant Mme Ryan, et ni l’un ni l’autre n’étaient présents au moment du témoignage de l’autre.

[226]  Mme Ryan a maintenu que la décision de licencier la fonctionnaire était la sienne et qu’elle s’était fondée sur la note de synthèse. Elle a affirmé aussi qu’elle avait postdaté la lettre de licenciement au 5 juin 2015, afin de permettre à la fonctionnaire d’améliorer son rendement, de sorte que le licenciement devenait apparemment inutile. Toutefois, rien n’indiquait que cela avait été communiqué au serg. McAuley. Autrement dit, Mme Ryan a signé la lettre du 5 juin à la condition que le rendement de la fonctionnaire ne s’améliore pas. Le serg. McAuley a également déclaré que la décision de licencier la fonctionnaire avait été celle de Mme Ryan.

[227]  Toute personne raisonnable qui entendrait ou saurait ce qu’a affirmé Mme Ryan l’interpréterait au sens où la fonctionnaire se voyait accorder la possibilité d’améliorer son piètre rendement présumé. Le jour où Mme Ryan a signé la lettre du 5 juin, la fonctionnaire travaillait pour la GRC depuis moins de cinq mois. Sa période de stage était d’un an. Grosso modo, cela laissait plus de sept mois au cours desquels la fonctionnaire aurait pu améliorer son rendement. Cela ne signifie pas qu’on aurait dû lui accorder tout le reste de sa période de stage pour démontrer une amélioration; toutefois, on aurait pu s’attendre à ce qu’elle se voit accorder suffisamment de temps pour démontrer une amélioration. La période que l’employeur a accordée était terriblement courte.

[228]  Si la décision était celle de Mme Ryan et uniquement la sienne, et si celle‑ci escomptait que la fonctionnaire aurait encore la possibilité de renverser la situation, je me serais attendu à ce que Mme Ryan en avisât le serg. McAuley ou Mme Revet (qui aurait pu le communiquer à ce dernier). Cependant, rien n’indiquait que c’était le cas. De plus, si cela avait le cas, assurément quelqu’un aurait dû en rendre compte à Mme Ryan et lui dire qu’en réalité, le rendement de la fonctionnaire ne s’était pas amélioré mais avait plutôt régressé, comme en a témoigné le serg. McAuley. Les témoignages du serg. McAuley et de Mme Ryan ne concordent pas sur ce point.

[229]  D’après la preuve, la période que la fonctionnaire s’est vu accorder pour améliorer son rendement entre la remise de la lettre du 8 mai et la décision de Mme Ryan de la licencier a été de cinq jours ouvrables. Le 8 mai était un vendredi, et la fin de semaine du 16 au 18 était la longue fin de semaine de la fête de la Reine; par conséquent, la fonctionnaire a disposé de la période du lundi 11 au vendredi 15 mai. Dans son témoignage, Mme Ryan a affirmé que, le 8 mai, la fonctionnaire avait été avertie que, si son rendement ne s’améliorait pas, elle risquait d’être licenciée en étant renvoyée en cours de stage. Quelle preuve y a‑t‑il de son rendement du 8 au 20 mai 2015? Aucune!

[230]  Il n’y a absolument aucune preuve des éléments suivants :

  • le rendement de la fonctionnaire entre le 8 et le 20 mai 2015;
  • le fait que quiconque a donné des instructions, des directives, une formation ou un mentorat à la fonctionnaire sous une forme quelconque entre le 8 et le 20 mai 2015;
  • le fait que le serg. McAuley ou Mme Lakeman a donné des instructions, des directives, une formation ou un mentorat à la fonctionnaire entre le 8 et le 20 mai 2015;
  • le fait que quiconque a communiqué des renseignements sur le rendement de la fonctionnaire à Mme Ryan entre le 20 mai et le 5 juin 2015;
  • le fait que Mme Ryan a possédé des renseignements sur le rendement de la fonctionnaire entre le 20 mai et le 5 juin 2015.

[231]  En réalité, selon le témoignage de la fonctionnaire, personne ne lui a donné des instructions, des directives, une formation ou un mentorat sous une forme quelconque après qu’elle eut reçu la lettre du 8 mai.

[232]  La fonctionnaire a été employée pendant un peu moins de cinq mois. Dans son témoignage et dans la lettre du 5 juin, Mme Ryan a déclaré que la fonctionnaire avait reçu une formation appropriée. J’estime que ce n’est pas vrai. Il était indiqué dans la description de travail du poste de la fonctionnaire qu’elle devait être en mesure de chercher, saisir, manipuler, retracer, analyser, extraire et supprimer des données et des renseignements, au moyen de 14 systèmes électroniques différents. Selon la preuve, elle n’a reçu qu’une formation portant sur un seul système, le SIRP.

[233]  L’une des tâches dont la fonctionnaire était chargée était la vérification des casiers judicaires. Pour autant que je sache, cette information se trouve dans le système du CIPC. Selon la preuve, la formation à l’utilisation du système du CIPC se déroulait en deux parties, dont un premier cours en ligne qui devait être achevé avant de pouvoir suivre la deuxième partie, une séance en classe. La fonctionnaire a achevé le cours en ligne, mais n’a pas reçu la formation en classe. Il y en a une excellente preuve dans son dossier de formation, à savoir qu’elle a assisté au cours en ligne durant le mois de mars et l’a achevé le 30 mars 2015. Cette date marquait la fin des trois premiers mois de sa période d’emploi de quatre mois qui précède la recommandation du serg. McAuley de la licencier. Je n’ai appris dans les témoignages ni quand ni comment la fonctionnaire s’était vu allouer du temps pour suivre la formation en ligne sur le CIPC, ou si elle avait été laissée à elle‑même, afin de suivre le cours dans ses temps libres. Le seul témoignage indiquant à quel moment la formation en classe sur le CIPC était offerte a été celui de la fonctionnaire, qui a précisé que cette formation n’était pas offerte avant septembre.

[234]  Selon les témoignages de la fonctionnaire et de Mme Lakeman, il n’y avait ni manuel, ni programme, ni liste de contrôle applicable à la formation ou aux tâches que la fonctionnaire devait effectuer. Il est également ressorti d’une excellente preuve que la fonctionnaire n’a jamais reçu copie de sa description de travail. Bien que le serg. McAuley et Mme Lakeman aient tous deux affirmé que la fonctionnaire en avait reçu copie au moment de son entrée en fonction (à la fin décembre 2014), il n’y en a aucune preuve, et ni le serg. McAuley ni Mme Lakeman n’étaient présents lorsque la fonctionnaire a commencé à travailler. Aucun document n’a été produit afin de démontrer que la fonctionnaire l’avait reçue, et celle‑ci a déclaré qu’elle ne l’avait reçue que longtemps après avoir été licenciée, au moment où elle se préparait à la présente audience.

[235]  La fonctionnaire avait également droit à un plan de rendement et à une évaluation. Un plan de rendement aurait dû être élaboré à son intention lorsqu’elle a commencé à travailler au détachement. Selon la preuve, rien n’a été fait avant le mois de février, quand le serg. McAuley a envoyé à la fonctionnaire un courriel contenant les instructions qui permettaient d’accéder à un portail informatique et de prendre les mesures nécessaires. Enfin, selon la preuve, aucun plan de rendement n’a été créé à l’intention de la fonctionnaire. Le serg. McAuley le lui a reproché, en disant qu’elle devait prendre certaines mesures afin de s’assurer que son nom à lui serait indiqué à titre de superviseur. La fonctionnaire a déclaré qu’elle avait fait ce qu’on lui avait dit.

[236]  À la fin de la journée, les gestionnaires doivent prendre les mesures nécessaires pour s’assurer qu’un plan de rendement est mis en place et que les tâches et les attentes en fonction desquelles un employé doit être évalué lui sont présentées clairement. Le serg. McAuley devait s’assurer que cela était fait. Si des problèmes se sont posés, il aurait dû les corriger. La fonctionnaire était en droit de savoir ce qu’on attendait d’elle et comment elle devait effectuer les tâches dont elle était chargée. Ces renseignements ne lui ont jamais été fournis.

[237]  Pour ajouter l’insulte à l’injure, lorsque le serg. McAuley a présenté la lettre du 8 mai à la fonctionnaire, le document énonçant les compétences de base y était joint. Rien n’indiquait sa source. D’où provenait‑il? Faisait‑il partie de la description de travail de la fonctionnaire? Faisait‑il partie d’un document de classification? S’agissait‑il d’un document créé par la GRC? S’agissait‑il d’un document produit par le Secrétariat du CT? Était‑il joint à l’énoncé des critères de mérite qui accompagnait l’avis d’emploi initial? On ne m’a fourni aucun renseignement. Si ce document était pertinent à l’exécution des fonctions du poste qu’occupait la fonctionnaire, il aurait certainement fallu le lui fournir et le lui expliquer clairement dès le début de son emploi, ou à tout le moins peu de temps après son entrée en fonction. Le fait de l’avoir présenté à la fonctionnaire avec la lettre du 8 mai me démontre encore l’ampleur de la mauvaise foi dont le défendeur et l’employeur ont fait preuve à l’égard de la fonctionnaire.

[238]  L’employeur a soutenu que la fonctionnaire avait bénéficié d’un mentorat; toutefois, j’estime là encore que ce n’est pas vrai, et qu’en toute franchise, cette affirmation est fallacieuse. Bien que le serg. McAuley ait affirmé qu’il avait affecté Mme Lakeman à titre de mentore de la fonctionnaire, et qu’on espérait peut‑être qu’une telle relation se développerait, il est évident que cela ne s’est pas produit.

[239]  Dans la deuxième édition du Canadian Oxford Dictionary, un mentor est défini en ces termes : [traduction] « un conseiller et un guide de confiance expérimenté ». Il ressort clairement de la preuve que la fonctionnaire et Mme Lakeman ne s’entendaient pas. De son point de vue, la fonctionnaire avait le sentiment que Mme Lakeman la harcelait, ce qu’elle a soulevé auprès du serg. McAuley. Cela est consigné dans les notes de McAuley en date du 4 mars 2015. Selon la preuve, le serg. McAuley n’a rien fait. Rien n’ayant été fait, la preuve indique qu’en avril 2015, la fonctionnaire s’est tournée vers le bureau de la GRC chargé des services de police aux Autochtones, à Edmonton.

[240]  Selon la preuve, à son entrée en fonction, la fonctionnaire s’est vu remettre une pile de documents de politique à examiner et, ultérieurement, toutes les personnes disponibles lui ont enseigné les tâches. Bien que Mme Lakeman ait initialement déclaré avoir donné une formation à la fonctionnaire, elle a déclaré ultérieurement que Mmes Rah et Jackson en avaient donné la plus grande partie. Cela concordait avec les déclarations de la fonctionnaire. En outre, Mme Lakeman a affirmé avoir travaillé quotidiennement avec la fonctionnaire. Toutefois, cela n’est pas exact, parce que Mme Lakeman était chargée des fonctions de liaison avec les tribunaux, ce qui exigeait qu’elle s’absente du bureau le lundi. De plus, elle travaillait selon un horaire comprimé, en raison de quoi elle n’était pas au bureau un vendredi sur deux.

[241]  Mme Lakeman a également reconnu qu’après l’arrivée de Mme A en janvier 2015, laquelle devait s’acquitter des fonctions de liaison avec les tribunaux, elle‑même avait alloué son temps à la formation de Mme A. Lorsqu’elle a livré son témoignage sur ce point, Mme Lakeman a déclaré ce qui suit : [traduction] « Victoria [la fonctionnaire] travaillait surtout avec Julie et Sherry [Mmes Rah et Jackson]. » Cela concorde avec la déclaration de la fonctionnaire dans son témoignage, selon lequel elle a reçu un plus ample enseignement de ces dames que de Mme Lakeman. Mmes Rah et Jackson étaient des ASD à temps partiel ou occasionnelles. Elles n’ont pas témoigné; je n’ai pas non plus la moindre idée des qualifications qu’elles possédaient pour enseigner à la fonctionnaire ou lui donner une formation, le cas échéant. Il est également ressorti de la preuve que Mmes Rah et Jackson n’étaient pas toujours au travail lorsque la fonctionnaire y était.

[242]  En outre, les notes Lakeman ne débutent qu’en date du 9 février 2015, qui marque le début de la septième semaine de travail de la fonctionnaire. La première notation concernant le rendement de la fonctionnaire n’a pas été consignée avant le 16 février 2015.

[243]  Il est difficile de comprendre qu’on puisse escompter d’une personne qu’elle effectue des tâches sans en avoir reçu la formation. On peut difficilement reprocher à la fonctionnaire d’être incapable d’effectuer des tâches, alors qu’on ne lui a pas fourni les outils nécessaires, qu’elle n’a pas reçu la formation requise et que cette formation n’a pas été offerte.

[244]  Dans leur témoignage, le serg. McAuley et Mme Lakeman ont soulevé des questions au sujet du comportement de la fonctionnaire, en laissant croire qu’elle était belliqueuse ou agressive dans sa façon de se conduire auprès d’eux. La fonctionnaire a été devant moi pendant quatre jours. En plus d’entendre son témoignage devant moi, je l’ai vu interagir dans la salle d’audience et réagir durant le témoignage des autres témoins. Elle n’a certainement pas affiché le genre de comportement que je qualifierais de belliqueux, agressif, impoli, impatient ou irrespectueux. Elle a semblé discrète, polie et respectueuse envers toutes les personnes présentes à l’audience, en dépit du fait que, durant cette audience, les témoignages s’attaquaient à ses capacités, à son rendement, et que son caractère y était vertement critiqué.

[245]  J’estime qu’il sort de l’ordinaire que le serg. McAuley ait mentionné que la fonctionnaire avait été belliqueuse lors d’un appel téléphonique, environ quatre mois avant qu’elle n’ait commencé à travailler pour l’employeur et ne soit embauchée. En quoi cela pouvait‑il être pertinent à l’égard de son rendement? Et pourquoi le serg. McAuley aurait‑il passé une remarque au sujet d’une personne qui n’était même pas employée à l’époque?

[246]  Il ne fait pas de doute pour moi que l’employeur et le défendeur ont agi de mauvaise foi en prenant la décision de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire. La preuve m’a convaincu que le licenciement reposait sur une invocation factice de l’art. 62 de la LEFP. À ce titre, j’ai compétence pour entendre le grief sous le régime de la Loi. Il est fait droit au grief.

[247]  La fonctionnaire demande à être réintégrée à son poste d’ASD à Mayerthorpe et à Alexis, et à être dédommagée de toutes les pertes qu’elle a subies. L’employeur n’a formulé aucune observation au sujet du redressement. Au titre du par. 228(2) de la Loi, je dois rendre l’ordonnance que j’estime appropriée dans les circonstances.

[248]  J’ai jugé que la réintégration dans les fonctions était appropriée. La fonctionnaire doit être réintégrée à son poste d’ASD à Mayerthorpe et à Alexis. Elle a également droit à un dédommagement au titre du salaire et des avantages perdus, ainsi qu’à des intérêts sur le salaire perdu.

[249]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


IV.  Ordonnance

[250]  J’ai compétence pour entendre la présente affaire.

[251]  Il est fait droit au grief.

[252]  La fonctionnaire doit être réintégrée à son poste d’ASD à Mayerthorpe et à Alexis.

[253]   L’employeur doit dédommager la fonctionnaire au titre du salaire et des avantages au groupe et au niveau CR-04, moins les retenues obligatoires et les cotisations syndicales, rétroactivement au 5 juin 2015.

[254]  L’employeur doit verser des intérêts à la fonctionnaire sur le montant net après les retenues susmentionnées dans la présente décision, au taux d’intérêt approprié conformément aux lois de la province de l’Alberta, comme le prévoit le par. 36(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, ce taux devant être calculé et composé chaque année à compter du 5 juin 2015, jusqu’à ce que le paiement soit complet.

[255]  Dans les 60 jours suivant la présente décision, l’employeur devra réintégrer la fonctionnaire dans ses fonctions et la dédommager selon les conditions établies aux paragraphes 253 et 254, ci‑dessus.

[256]  Je demeurerai saisi de la présente décision pendant 90 jours pour toute question liée au redressement.

Le 10 février 2020.

Traduction de la CRTESPF

 

John G. Jaworski,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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