Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a déposé deux formules distinctes concernant sa plainte, qui portait sur un manquement au devoir de représentation équitable et incluait des chronologies des événements – le défendeur a répondu que les chronologies du plaignant indiquaient que la plainte avait été déposée en dehors du délai de 90 jours – la Commission a conclu que le seul événement pour lequel le plaignant avait documenté une contravention défendable du devoir de représentation équitable était la façon dont le défendeur a traité son grief portant sur le licenciement – la Commission a déterminé que l’affaire avait cessé bien avant le délai de 90 jours prescrit pour déposer une plainte, en considérant l’une ou l’autre des formules – par conséquent, la Commission a conclu que la plainte était hors délai.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date : 20200211

Dossier : 561-02-38956

 

 Référence : 2020 CRTESPF 12

Loi sur la Commission des relations

de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi dans

le secteur public fédéral

ENTRE

 

Richard Manning

plaignant

 

et

Dave Clark, président national, Union canadienne des employés des transports (Alliance de la Fonction publique du Canada)

 

défendeur

Répertorié

Manning c. Clark, Union canadienne des employés des transports (Alliance de la Fonction publique du Canada)

Affaire concernant une plainte déposée en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant :  D. Butler, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant :  Michael Scherr, avocat

Pour le défendeur :  Pamela Sihota, Alliance de la Fonction publique du Canada

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 6 juillet et le 23 août 2018.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Plainte devant la Commission

[1]  Le 18 avril 2018, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») a reçu une plainte déposée en vertu des alinéas 190(1)e), f) et g) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), au moyen du formulaire 16, de Richard Manning (le « plaignant »). Dans sa plainte, il a nommé Dave Clark, président national de l’Union canadienne des employés des transports (UCET), en tant que défendeur.

[2]  Les Services du greffe de la Commission ont écrit au plaignant le 8 mai 2018, énonçant que l’objet de son plaidoyer semblait être le devoir de représentation équitable, ce qui comprenait une plainte en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi. Les Services du greffe lui ont demandé de fournir des précisions au plus tard le 8 juin 2018, en utilisant un formulaire fourni par la Commission à cette fin.

[3]  Le 6 juillet 2018, le plaignant a déposé une nouvelle formule 16, citant à nouveau les alinéas 190(1)e), f) et g) de la Loi, et désignant de nouveau M. Clark en tant que défendeur. Il a également présenté l’énoncé des précisions demandé par les Services du greffe ainsi qu’un document intitulé [traduction] « Chronologie des événements de novembre 2013 à mars 2018 » et daté du 28 juin 2018.

[4]  Le 18 juillet 2018, les Services du greffe ont écrit au plaignant pour lui demander de préciser si la plainte au moyen de la formule 16 en date du 6 juillet 2018 était une nouvelle plainte remplaçant celle déposée le 18 avril 2018. Les Services du greffe ont également fait remarquer que les renseignements qu’il avait fournis n’indiquaient pas clairement les mesures prises par le défendeur dans les 90 jours prescrits avant la date de dépôt qui ont donné lieu à sa plainte. Les Services du greffe ont demandé une [traduction] « [...] déclaration(s) concise(s), indiquant quelle(s) action(s) du défendeur a ou ont violé l’alinéa 190(1)g) de la Loi, et la date à laquelle vous avez eu connaissance ou auriez dû avoir connaissance de cette action ».

[5]  Quant à savoir si la formule 16 en date du 6 juillet 2018 comprenait une nouvelle plainte, le plaignant a répondu comme suit le 2 août 2018 : [traduction] « Donc, bien que les renseignements fournis soient exactement les mêmes que ma demande initiale, je pense que la formule différente que j’ai présentée peut constituer une substitution de la plainte initiale d’avril 2018 ».

[6]  En ce qui concerne la mesure qui a donné lieu à sa plainte, le plaignant a poursuivi comme suit :

[Traduction]

[...]

J’ai donné de nombreux exemples dans ma « Chronologie des événements » du 28 juin 2018 qui indique la conduite arbitraire de mon agent négociateur. Ces exemples datent de mai 2016, soit un mois après ma suspension, et se poursuivent à ce jour.

L’exemple le plus récent du comportement arbitraire de mon agent négociateur ou du défendeur porte sur le fait de ne pas me fournir la clôture de mon dossier malgré le fait que j’ai demandé ces renseignements. Par conséquent, le défendeur n’a pas pris les mesures nécessaires. Leur mesure consiste à ignorer ma demande de renseignements supplémentaires sur l’état de mon dossier. Je n’ai rien reçu qui indique que leur « Devoir de représentation équitable » a cessé. Pas plus tard que la semaine dernière, j’ai demandé quel était l’état de mon affaire et j’ai demandé de l’aide pour obtenir l’indemnité de départ qui m’est due.

À mon avis, étant donné la subjectivité de la date à laquelle j’« avais ou aurais dû avoir connaissance de cette mesure », la période de 90 jours a commencé la semaine dernière. Depuis mai 2016, il y a eu de nombreuses autres mesures que je savais que l’agent négociateur n’avait pas prises, à savoir : enquêter ou traiter mes griefs et mon affaire de manière suffisante et ne pas s’être livré à un processus rationnel de prise de décision, mais la date à laquelle j’estime avoir eu connaissance de l’incompétence des agents négociateurs est indiquée à la première ligne de ce paragraphe.

 

[7]  Dans son énoncé des précisions, le plaignant a précisé la nature de sa plainte en cochant deux options : [traduction] « Le grief n’a pas été soumis à la procédure de règlement des griefs », et [traduction] « Le grief n’a pas été renvoyé à l’arbitrage ».

[8]  Le plaignant a décrit la conduite arbitraire alléguée comme suit :

[Traduction]

J’ai été licencié pour 6 lignes de courriel que j’ai envoyées à un ancien collègue de travail en novembre ou décembre 2014. Même si j’ai enfreint la politique de Transports Canada, le licenciement est une mesure beaucoup trop lourde compte tenu de la jurisprudence dans d’autres affaires présentées devant la CRTEFP. Les 6 lignes de courriel que j’ai envoyées étaient dans l’intérêt de la sécurité aérienne et ont fourni des renseignements de sécurité préalables à une alerte à la sécurité de l’Aviation civile (ASAC) qui a été publiée au début d’avril 2015. Il ne s’agissait pas là d’un coup de tête. Je n’ai jamais été informé d’aucun processus à suivre. J’ai fourni de nombreux cas ayant fait jurisprudence qui étaient beaucoup plus graves que le mien et justifiaient une sanction sévère. Lorsque j’ai présenté mon énoncé, j’ai rarement reçu une réponse de l’AFPC ou de l’UCET. Lorsque je recevais des réponses, elles étaient très brèves et leur contenu était parfois cryptique. L’enquête sur mon affaire a duré 13 mois. J’ai cinq lettres qui m’ont indiqué qu’elle serait traitée rapidement. L’AFPC n’a pas interrogé la direction de Transports Canada (TC) quant à la lenteur de l’enquête. Lors de ma deuxième entrevue avec la sécurité de TC, l’AFPC n’a pas pu trouver de représentant pour assister à la réunion. Je n’ai jamais été informé que je devais reporter la réunion. De façon générale, l’AFPC et l’UCET n’ont pas été à la hauteur pendant toute la période de l’enquête.

 

[9]  Le plaignant a indiqué qu’il ne s’agissait ni de conduite discriminatoire ni de conduite de mauvaise foi dans son cas.

II.  La réponse du défendeur

[10]  Le 23 août 2018, les Services du greffe ont demandé une réponse du défendeur à la plainte.

[11]  Au nom du défendeur, Pamela Sihota a écrit ce qui suit le 7 septembre 2018 :

[Traduction]

[...]

1. M. Manning a fourni deux chronologies, l’une datée du 6 mars 2018, et une version révisée datée du 5 avril 2018 (collectivement les « Chronologies »). Toutes les allégations et tous les événements cités dans les Chronologies se sont produits entre novembre 2013 et décembre 2017.

2. M. Manning a déposé sa plainte le 18 avril 2018.

3. Le paragraphe 190(2) de la LRTSPF indique que « [...] les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu – ou, selon la Commission, aurait dû avoir – connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu ». La Commission a toujours déterminé qu’elle n’avait aucun pouvoir discrétionnaire, en vertu de la LRTSPF, de proroger le délai de 90 jours prescrit au paragraphe 190(2) : voir, par exemple, Castonguay c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 78 (CanLII), au paragraphe 55.

4. La plainte a été déposée en dehors du délai de quatre-vingt-dix jours.

5. Pour les motifs susmentionnés, l’AFPC soutient respectueusement que la plainte devrait être rejetée sans audience [...]

[...]

[12]  Le 13 septembre 2018, les Services du greffe ont demandé au plaignant de répondre à la position du défendeur d’ici le 27 septembre 2018. Ni lui ni son avocat n’ont répondu.

[13]  Par conséquent, la position du défendeur n’est pas contestée.

III.  La question à trancher

[14]  Étant donné que le plaignant n’a pas contesté l’objection du défendeur concernant le délai de présentation de sa plainte, la Commission pourrait prendre une décision uniquement sur cette base. Cependant, j’ai décidé de ne pas suivre cette voie. Au contraire, étant donné le libellé de son énoncé du 6 juillet 2018, discuté plus loin dans la présente décision, je partirai du principe qu’il soutient qu’il y a une question opportune à trancher.

[15]  J’ai également déterminé que le contenu du dossier constituait un fondement factuel suffisant pour statuer sur la plainte sans tenir d’audience orale. Le pouvoir de la Commission de trancher toute affaire sans tenir d’audience est énoncé explicitement à l’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365), qui se lit comme suit : « La Commission peut trancher toute affaire dont elle est saisie sans tenir d’audience. »

[16]  En outre, dans sa lettre du 8 mai 2018, les Services du greffe ont averti le plaignant que [traduction] « [...] la Commission peut rendre sa décision en s’appuyant sur les documents déjà au dossier, sans autre communication avec vous ».

[17]  Une plainte déposée en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi allègue une pratique déloyale de travail sous la forme d’une contravention de l’article 187, qui se lit comme suit :

 Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

[18]  Le délai pour déposer une plainte est prévu au paragraphe 190(2) de la Loi, qui se lit comme suit :

190 (2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

[19]  En fait, le défendeur s’est opposé à la compétence de la Commission d’examiner la plainte au motif que le plaignant ne l’avait pas déposée dans le délai de 90 jours prévu par le paragraphe 190(2) de la Loi. Tel qu’indiqué dans Castonguay c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 78, citée par le défendeur dans sa réponse, et comme il a été conclu de façon constante dans d’autres décisions de la Commission et de ses prédécesseurs, le délai de 90 jours ne peut pas être prorogé.

[20]  La question de savoir si la plainte a été déposée en temps opportun est fondamentale. Si la Commission détermine qu’elle n’a pas été déposée dans le délai de 90 jours prévu au paragraphe 190(2) de la Loi, aucune autre enquête n’est nécessaire et la plainte doit être rejetée.

[21]  Pour les motifs qui suivent, j’accepte l’objection du défendeur et conclus que la plainte n’a pas été présentée en temps opportun.

IV.  Analyse

[22]  Le fait que le plaignant a déposé deux formules 16, la première reçue par la Commission le 18 avril 2018 et la seconde le 6 juillet 2018, ajoute une certaine complexité à cette affaire. Le défendeur a fondé sa réponse et son opposition concernant le respect des délais sur l’acceptation du 18 avril 2018 en tant que date de dépôt.

[23]  Je dois respectueusement exprimer mon désaccord. Le 2 août 2018, en réponse à la demande de clarification des Services du greffe, le plaignant a indiqué ce qui suit [traduction] : « [...] que la formule différente que j’ai présentée constituerait une substitution de la plainte initiale d’avril 2018 ». À mon avis, ses instructions doivent être respectées. Il indique clairement que sa nouvelle formule 16, déposée le 6 juillet 2018, remplace la formule 16 initiale, déposée le 18 avril 2018. Il l’a fait en sachant pertinemment que la Loi prévoit un délai de 90 jours. La lettre des Services du greffe en date du 8 mai 2018 était directe et sans ambiguïté sur ce point, comme suit :

[Traduction]

[...]

Veuillez noter que ce type de plainte doit être présenté à la Commission dans les 90 jours civils qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu, ou aurait dû avoir, connaissance des mesures ayant donné lieu à la plainte. Veuillez noter que la Commission ne peut proroger ce délai.

[...]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

[24]  Les observations supplémentaires du plaignant dans son courriel du 2 août 2018 contestent les activités du défendeur depuis mars 2018, et, en particulier, soutiennent que [traduction] « [...] la période de 90 jours a commencé la semaine dernière ».

[25]  La question est donc de savoir si la plainte a été présentée dans les délais prescrits en fonction de la date de dépôt du 6 juillet 2018. L’événement ou les circonstances qui lui ont donné lieu se sont-ils produits dans les 90 jours précédant le 6 juillet 2018, plus précisément entre le 7 avril et le 6 juillet?

[26]  Si je devais strictement m’en tenir aux dires du plaignant, le critère serait plutôt de savoir s’il y a eu un événement ou une circonstance dans la semaine avant le 6 juillet 2018 qui pourrait être considéré comme le motif pour son dépôt d’une plainte en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi. Il indique ce qui suit dans son courriel du 2 août 2018 :

[Traduction]

[...]

L’exemple le plus récent du comportement arbitraire de mon agent négociateur ou du défendeur porte sur le fait de ne pas me fournir la clôture de mon dossier malgré le fait que j’ai demandé ces renseignements. Par conséquent, le défendeur n’a pas pris les mesures nécessaires. Leur mesure consiste à ignorer ma demande de renseignements supplémentaires sur l’état de mon dossier. Je n’ai rien reçu qui indique que leur « Devoir de représentation équitable » a cessé. Pas plus tard que la semaine dernière, j’ai demandé quel était l’état de mon affaire et j’ai demandé de l’aide pour obtenir l’indemnité de départ qui m’est due.

[...]

[27]  Tout au moins, on peut voir une certaine confusion de la part du plaignant concernant l’application du délai de 90 jours prévu au paragraphe 190(2) de la Loi. Il qualifie les événements récents d’« exemple le plus récent » d’une mesure donnant lieu à sa plainte, ce qui sous-entend qu’il y avait eu des exemples antérieurs, mais en même temps il suggère que la période de 90 jours « a commencé la semaine dernière ». Étant donné la possibilité évidente que le plaignant ait mal compris l’application du délai de 90 jours en ce qui concerne une plainte, je choisis de me concentrer sur l’analyse de toute la période de 90 jours précédant le 6 juillet 2018, afin de ne pas exclure autre chose que l’« exemple le plus récent » comme source potentielle de la plainte.

[28]  Malheureusement, il se peut que la confusion ne s’arrête pas là. Le défendeur a fait allusion aux « Chronologies », qui ont été déposées par le plaignant en même temps que sa première formule 16,  soit deux versions de l’historique de ses préoccupations, en date du 6 mars et du 5 avril respectivement. J’ai examiné ces documents de près, en supposant qu’ils soient exacts sur le plan factuel à cette fin. Il convient de souligner que dans la première version, le dernier événement concret dont il discute a eu lieu [traduction] « début juin 2017 ». La deuxième version « révisée », beaucoup plus détaillée que la première, contient l’entrée importante suivante :

[Traduction]

[...]

30 novembre 2017 - Appel téléphonique de Shawn Fields, grief au troisième palier annulé. Son motif était le suivant : il n’y avait aucune raison de poursuivre parce que ma date de licenciement a été antidatée au 18 avril 2016. Il m’a informé que j’avais 25 jours pour présenter un autre grief après mon licenciement et que je ne l’ai pas fait. Je n’ai à aucun moment reçu ce conseil de l’UCET après la réunion de licenciement de mai 2017. J’ai demandé des conseils pour la suite et n’ai reçu aucune réponse d’aucun de mes courriels dans les mois qui ont précédé cette décision. J’ai considéré que c’était la fin de ma relation avec l’UCET.

[...]

[je souligne]

[29]  Le défendeur a soutenu que [traduction] « [t]outes les allégations et tous les événements cités dans les Chronologies se sont produits entre novembre 2013 et décembre 2017 ». Je conclus que la position du défendeur est bien étayée. Il ressort clairement d’un examen des documents que la véritable source de préoccupation du plaignant à l’égard de la conduite du défendeur était son traitement d’un grief contre son licenciement en 2016, qui a abouti à la décision du défendeur de cesser sa représentation au motif que le plaignant n’a pas déposé de grief dans le délai prescrit en 2016, expliquée le 30 novembre 2017 par Shawn Fields, un représentant du défendeur.

[30]  Le plaignant confirme que le traitement du grief portant sur le licenciement constitue la véritable source de ses préoccupations dans son énoncé des précisions présenté le 6 juillet 2018. Il a coché deux options sous la section 2 [traduction] (« Veuillez indiquer la nature de votre plainte contre le défendeur ou les défendeurs ») : « Le grief n’a pas été soumis à la procédure de règlement des griefs », et [traduction] « Le grief n’a pas été renvoyé à l’arbitrage ».

[31]  Lorsque le plaignant décrit la conduite arbitraire alléguée, il confirme une fois de plus que l’objet de la plainte est le traitement du grief portant sur le licenciement, comme suit :

[Traduction]

J’ai été licencié pour 6 lignes de courriel que j’ai envoyées à un ancien collègue de travail en novembre ou décembre 2014. Même si j’ai enfreint la politique de Transports Canada, le licenciement est une mesure beaucoup trop lourde compte tenu de la jurisprudence dans d’autres affaires présentées devant la CRTEFP. Les 6 lignes de courriel que j’ai envoyées étaient dans l’intérêt de la sécurité aérienne et ont fourni des renseignements de sécurité préalables à une alerte à la sécurité de l’Aviation civile (ASAC) qui a été publiée au début d’avril 2015. Il ne s’agissait pas là d’un coup de tête. Je n’ai jamais été informé d’aucun processus à suivre. J’ai fourni de nombreux cas ayant fait jurisprudence qui étaient beaucoup plus graves que le mien et justifiaient une sanction sévère. Lorsque j’ai présenté mon énoncé, j’ai rarement reçu une réponse de l’AFPC ou de l’UCET. Lorsque je recevais des réponses, elles étaient très brèves et leur contenu était parfois cryptique. L’enquête sur mon affaire a duré 13 mois. J’ai cinq lettres qui m’ont indiqué qu’elle serait traitée rapidement. L’AFPC n’a pas interrogé la direction de Transports Canada (TC) quant à la lenteur de l’enquête. Lors de ma deuxième entrevue avec la sécurité de TC, l’AFPC n’a pas pu trouver de représentant pour assister à la réunion. Je n’ai jamais été informé que je devais reporter la réunion. De façon générale, l’AFPC et l’UCET n’ont pas été à la hauteur pendant toute la période de l’enquête.

 

[32]  La décision du défendeur de cesser la représentation, communiquée le 30 novembre 2017, qui est la mesure que le plaignant a décrite comme [traduction] « [...] la fin de ma relation avec l’UCET », a indiscutablement eu lieu en dehors du délai de 90 jours prescrit pour une plainte déposée le 6 juillet 2018. Je dois également souligner que, si j’avais plutôt accepté le 18 avril 2018 en tant que date du dépôt, la décision du défendeur de ne pas donner suite au grief du plaignant se situerait tout de même en dehors du délai prescrit de 90 jours.

[33]  Il ressort clairement de ce qui précède que la plainte n’a pas été présentée en temps opportun. La poursuite du grief portant sur le licenciement du plaignant par le défendeur s’est terminée incontestablement en dehors du délai de 90 jours prescrit pour présenter un grief.

[34]  Par excès de prudence, j’ai pris la mesure supplémentaire d’examiner les documents présentés par le plaignant dans l’éventualité qu’il y ait eu un événement plus récent, ou une circonstance plus récente dans sa relation avec le défendeur qui aurait pu donner lieu à une plainte en temps opportun. Que dit-il des événements plus récents?

[35]  Dans la chronologie révisée que le plaignant a présentée le 6 juillet 2018 avec sa formule 16, il ne mentionne pas la discussion avec M. Fields survenue le 30 novembre 2017. Il a également supprimé la déclaration : [traduction] « J’ai considéré que c’était la fin de ma relation avec l’UCET ». Voici le contenu intégral de la chronologie pour la période qui suit le 30 novembre 2017 :

Le 7 décembre 2017 – Le rapport de départ anticipé suite au licenciement a finalement été soumis à la direction à cette date, car le premier a été perdu au bureau de la rémunération d’Ottawa il y a quelques mois.

Les 19 et 25 janvier 2018 Envoi par courriel d’une demande d’aide concernant l’indemnité de départ. Aucune réponse ou mesure de l’UCET.

À ce jour, je n’ai rien reçu qui indique que mon dossier a été fermé par l’UCET/l’AFPC.

- Je n’ai pas reçu l’indemnité de départ appropriée. Le calcul est erroné en fonction de l’information antérieure que j’ai de TC. L’UCET n’a jamais répondu au courriel au sujet de ce problème.

- J’ai reçu un feuillet T4 pour mon revenu de 2017. C’est impossible puisque j’ai été suspendu sans salaire en avril 2016.

Le 19 février 2018 – Rencontre avec l’avocate Sarah Klinger

Le 1er mars 2018 Rencontre avec l’avocate Jennifer Cameron

Le 7 mars 2018 Rencontre avec l’avocat Michael Scherr

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

[36]  La version de la chronologie du 5 avril 2018 est globalement semblable :

[...]

Le 7 décembre 2017 - Le rapport de départ anticipé suite au licenciement a finalement été soumis à la direction à cette date, car le premier a été perdu au bureau de la rémunération d’Ottawa il y a quelques mois.

Le 19 février 2018 - Sarah Klinger m’a conseillé de voir Jennifer Cameron, avocate au cabinet d’avocats Cook & Roberts. Je l’ai rencontrée le 1er mars 2018

Le 1er mars 2018 - Rencontre avec l’avocate Jennifer Cameron. Elle m’a conseillé de communiquer avec Michael Scherr, avocat au cabinet d’avocats Pearlman Lindholm, parce que mon affaire était au-delà du délai prescrit de 90 jours étant donné que l’UCET m’a indiqué qu’il n’y avait aucun motif de poursuivre. J’ai dépassé le délai prescrit d’environ 2 jours.

Le 7 mars 2018 - Rencontre avec Michael Scherr pour consultation et pour présenter mon cas. À la suite de cette rencontre, il m’a conseillé de déposer une plainte en vertu de l’article 37, Devoir de représentation équitable, et a demandé à Sarah Klinger de déposer une demande d’indemnisation pour négligence auprès du Fonds d’assurance des avocats.

[37]  Je tiens à préciser que je n’ai accordé aucune importance à l’avis signalé dans la chronologie du 5 avril 2018 par l’avocate Mme Cameron, selon lequel l’affaire du plaignant [traduction] « [...] était au-delà du délai prescrit de 90 jours [...] ». Je n’ai également accordé aucun poids au conseil de l’avocat M. Scherr, en date du 7 mars 2018, selon lequel le plaignant devrait déposer une plainte de manquement au devoir de représentation équitable, en citant par erreur l’article 37.

[38]  Les autres renseignements relatifs à des événements plus récents se trouvent dans le courriel du plaignant du 23 août 2018 :

[Traduction]

[...]

L’exemple le plus récent du comportement arbitraire de mon agent négociateur ou du défendeur porte sur le fait de ne pas me fournir la clôture de mon dossier malgré le fait que j’ai demandé ces renseignements. Par conséquent, le défendeur n’a pas pris les mesures nécessaires. Leur mesure consiste à ignorer ma demande de renseignements supplémentaires sur l’état de mon dossier. Je n’ai rien reçu qui indique que leur « Devoir de représentation équitable » a cessé. Pas plus tard que la semaine dernière, j’ai demandé quel était l’état de mon affaire et j’ai demandé de l’aide pour obtenir l’indemnité de départ qui m’est due.

[...]

[39]  Compte tenu de ce qui précède, le seul objet possible d’une plainte déposée en temps opportun au cours de la période de 90 jours précédant le 6 juillet 2018 est la demande d’aide du plaignant au défendeur concernant l’indemnité de départ ou la question de la [traduction] « clôture de [son] dossier ». Outre le fait crucial qu’il n’identifie aucune de ces questions comme la nature de sa plainte dans son énoncé des précisions, les références sont vagues, manquent de détails et ne précisent aucune date à laquelle le défendeur est présumé l’avoir représenté de façon arbitraire. J’estime donc qu’il n’y a rien de suffisant ou de suffisamment détaillé dans l’information offerte par le plaignant pour cerner avec certitude un événement ou des circonstances qui pourraient faire l’objet d’une plainte en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi. Autrement dit, il n’y a aucune information indiquant la façon dont le défendeur a pu agir de façon arbitraire en tant que son représentant pendant la période de 90 jours (je souligne une fois de plus que le plaignant n’a pas allégué un comportement discriminatoire ni de mauvaise foi). Il n’est pas impossible que le fait que le défendeur n’a pas répondu à sa question ou ses questions puisse faire partie d’un comportement de représentation qui pourrait potentiellement être jugé problématique, mais il est certain que les renseignements qu’il a présentés ne peuvent aucunement justifier une telle conclusion.

V.  Conclusion

[40]  Étant donné que le seul événement documenté ou la seule circonstance documentée par le plaignant qui aurait pu constituer le fondement d’une violation défendable du devoir de représentation équitable est la façon dont le défendeur a traité son grief portant sur le licenciement, et puisque la représentation par le défendeur du plaignant a cessé bien avant le délai de 90 jours prescrit pour déposer une plainte, qu’il s’agisse d’examiner la Formule 16 déposée le 6 juillet 2018 ou même la Formule 16 déposée le 18 avril 2018, je dois conclure que la plainte n’a pas été présentée en temps opportun.

[41]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI.  Ordonnance

[42]  La plainte est rejetée.

Le 11 février 2020.

Traduction de la CRTESPF

D. Butler,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.