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Date: 20200212

Dossier: 566-18-14479

 

Référence: 2020 CRTESPF 14

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

 

 

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi dans

le secteur public fédéral

ENTRE

 

TerinA Bell

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

PERSONNEL DES FONDS NON PUBLICS, FORCES CANADIENNES

 

employeur

Répertorié

Bell c. Personnel des fonds non publics, Forces canadiennes

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant :  Marie-Claire Perrault, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée :  Elle-même

Pour l’employeur :  Katia Calix, avocate

 

 

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),

le 30 septembre, du 1er au 4 octobre et du 28 au 31 octobre 2019.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION  (TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1]  Terina Bell, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), a été renvoyée en cours de stage, le 18 avril 2017, alors qu’elle était employée au sein du Personnel des fonds non publics, Forces canadiennes (PFNP ou l’« employeur »). Son grief a été rejeté au dernier palier de la procédure interne de règlement des griefs et, le 15 septembre 2017, elle a renvoyé son grief à l’arbitrage à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »).

[2]  L’audience de son grief devant la Commission a commencé le 11 mars 2019 et s’est poursuivie tout au long de la semaine suivante, devant Stephan Bertrand, une formation de la Commission. M. Bertrand est décédé en mai 2019, et l’affaire m’a été attribuée. En mars, l’avocat de l’employeur était Kevin Dulude. À l’audience devant moi, il a été remplacé par Katia Calix, pour des motifs non liés au présent grief.

[3]  M. Bertrand avait déjà entendu deux témoins, Pierre Goulet et Carrie Stevens. Les parties ont résumé la preuve présentée à l’audience initiale, mais en fin de compte, j’ai décidé de réentendre les éléments de preuve de Mme Stevens, car les résumés étaient contradictoires. J’ai accepté les résumés soumis pour M. Goulet, dont les éléments de preuve étaient essentiellement contextuels et ne portaient pas directement sur les événements à l’origine du présent grief. Cette décision est fondée sur les témoignages, la preuve documentaire et les arguments présentés au cours de l’audience en septembre et en octobre 2019.

II.  Résumé de la preuve

[4]  À l’audience devant moi, l’employeur a cité à témoigner les personnes suivantes : Carrie Stevens, gestionnaire des services financiers; Kenneth Howard, gestionnaire de succursale de la Financière SISIP à la base militaire de Petawawa (Ontario) et superviseur de la fonctionnaire; Christianne Pleau, gestionnaire régionale de la Financière SISIP.

[5]  La fonctionnaire a témoigné pour son propre compte et a convoqué Krista Pelechaty-Earl, qui était conseillère en ressources humaines (RH) auprès de l’employeur en 2017.

[6]  La fonctionnaire a été embauchée dans le cadre d’un processus de nomination externe en août 2016 pour travailler à la base militaire de Petawawa à titre de planificatrice financière auprès de la Financière SISIP (SISIP), qui est l’une des opérations du PFNP et un organisme distinct qui offre des programmes et des services aux membres des Forces armées canadiennes (FAC) et à leurs familles. La SISIP offre des services financiers, comme la planification des investissements et la prestation de conseils. En ce qui concerne l’achat de fonds mutuels et l’échange d’autres instruments financiers, elle travaille avec FundEX Investments Inc. (« FundEX »), un courtier inscrit auprès de l’Association canadienne des courtiers en fonds mutuels (ACFM).

[7]  Mme Pleau et M. Howard, qui faisaient partie du comité de sélection, ont tous deux déclaré que la fonctionnaire avait été embauchée en grande partie en raison de ses 17 années d’expérience en planification financière auprès de plusieurs banques. Ils ont déclaré tous les deux qu’ils souhaitaient embaucher quelqu’un qui aurait besoin de peu de formation et qui saurait comment conseiller les clients en matière d’investissements et de planification financière. La fonctionnaire était inscrite comme agente de fonds mutuels auprès de l’ACFM. Elle devait être inscrite auprès de FundEX, ce que Mme Pleau a perçu comme une simple formalité.

[8]  La fonctionnaire a été embauchée pour travailler à la succursale de la SISIP à Petawawa, qui est petite et compte cinq employés (dont elle-même), y compris le gestionnaire, M. Howard, qui est également planificateur financier, une adjointe administrative, un conseiller financier et un conseiller en assurance. La lettre d’offre de la fonctionnaire prévoyait une période de probation de neuf mois.

[9]  La date de début de la fonctionnaire était le 16 août 2016. L’employeur avait prévu des séances de formation pour elle, à Ottawa, en Ontario, pendant les trois premiers jours. La fonctionnaire a surtout passé les deux premiers jours en compagnie de Mme Pleau. Selon l’horaire, et Mme Pleau, la fonctionnaire a reçu des renseignements détaillés sur la SISIP, sur les pensions et les avantages sociaux des FAC, ainsi que le régime d’épargne des FAC. Mme Pleau a également montré à la fonctionnaire comment utiliser Univeris, le logiciel utilisé par la SISIP pour enregistrer les plans d’investissement, y compris les investissements dans les fonds communs de placement auprès de FundEX. À l’audience, Mme Pleau a déclaré que la fonctionnaire a écouté attentivement et qu’elle a pris de nombreuses notes. La fonctionnaire a témoigné en disant qu’en fait, on l’avait laissée seule la plupart du temps et qu’on lui avait dit de lire les documents écrits qui lui avaient été fournis.

[10]  Le 18 août 2016, la fonctionnaire a rencontré Mme Stevens. Encore une fois, leurs souvenirs respectifs de la formation donnée différaient considérablement. Mme Stevens a déclaré qu’elle a expliqué Univeris et toutes les procédures de conformité connexes; la fonctionnaire croyait qu’elles avaient plutôt eu une conversation sociale.

[11]  Essentiellement, Mme Stevens se rappelle avoir dit à la fonctionnaire qu’une fois qu’elle serait inscrite auprès de FundEX, elle devrait communiquer avec elle afin que toutes les transactions puissent être surveillées pendant 90 jours. La fonctionnaire ne se souvenait pas qu’on le lui avait dit.

[12]  Le 16 août 2016, la fonctionnaire a signé un document volumineux, qui était une entente entre elle, FundEX et la SISIP. Ce document énonce les droits et les obligations de chaque partie – de FundEX, à titre de courtier de fonds mutuels; de la fonctionnaire, à titre d’agente [traduction] « […] dans le seul but de négocier des fonds mutuels et d’autres valeurs mobilières et produits financiers légalement autorisés […] » par FundEX; et de la SISIP, à titre de société mandataire.

[13]  Dans l’entente, la fonctionnaire, à titre d’agente, a convenu (au point 5.2 vi) de [traduction] « [l]ire le Manuel des politiques et procédures de conformité (“MPPC”) du mandant dans […] [les 30] jours suivant l’exécution de la présente entente ». Elle a également accepté de se conformer à toutes les politiques et procédures prescrites dans le MPPC. Cette disposition est reprise un peu plus tard, au point 10.2, dans les termes suivants : [traduction] « L’agent doit lire le [MPPC] du mandant dans […] [les 30] jours suivant l’exécution de la présente entente ou, à tout le moins, avant la première transaction de l’agent avec le mandant. »

[14]  Lors de l’audience, la fonctionnaire a affirmé qu’elle n’avait jamais reçu une copie du MPPC de l’employeur, ce que ses témoins n’ont pas nié, mais ils ont plutôt déclaré qu’elle pouvait facilement l’obtenir auprès de FundEX ou en ligne. Aucun de ces témoins ne se souvient qu’elle ait demandé une copie du MPPC. Celui-ci exige de refaire la documentation des clients dont les dossiers sont transférés d’un représentant de FundEX à un autre, comme ce fût le cas pour la fonctionnaire. Elle avait remplacé une planificatrice financière à la succursale de Petawawa et devait refaire la documentation d’environ 400 clients. Cela consistait à rencontrer le client et à remplir un « Formulaire d’ouverture de compte » (FOC) ou un formulaire « Connaissance du client » (CC), qui établirait le profil d’investissement du client et indiquerait que la fonctionnaire était maintenant la planificatrice financière du client.

[15]  Comme le confirme le calendrier, la fonctionnaire s’est rendue à la succursale de Petawawa le 19 août 2016. M. Howard l’a présentée au personnel, lui a montré son bureau et a discuté de son installation avec elle. Ce jour-là, Mme Pelechaty-Earl a fourni à la fonctionnaire plusieurs documents des RH, comme le code vestimentaire, la politique sur la consommation d’alcool et, notamment, les « Lignes directrices du PFNP sur la prévention et la résolution du harcèlement ».

[16]  M. Howard a déclaré qu’il avait une politique de porte ouverte et qu’il était toujours disposé à répondre aux questions. Il a conclu que la fonctionnaire semblait très confiante et que, parce qu’elle avait été embauchée en raison de son expérience, il croyait qu’il attendrait ses questions, plutôt que d’essayer de lui transmettre des connaissances. Le 2 septembre 2016, selon le document, la fonctionnaire et M. Howard ont examiné et signé la description de travail du poste de planificateur financier.

[17]  La description de travail précise que le planificateur financier doit [traduction] « Se conformer aux règlements sur les valeurs mobilières » et [traduction] « Remplir tous les formulaires requis ». M. Howard explique que ces deux points sont très importants pour protéger les clients. Lorsqu’on lui a demandé comment il aurait pu s’assurer qu’ils étaient respectés, il a répondu que cela ne faisait pas partie de son mandat. Pendant les 90 jours suivant l’inscription de la fonctionnaire auprès de FundEX, le courtier en fonds mutuels, Mme Stevens était responsable d’assurer la conformité. Après ces 90 jours, FundEX devait assurer la conformité.

[18]  Les fonds mutuels et l’échange de valeurs mobilières sont fortement réglementés. L’organisme responsable est l’ACFM, qui établit des règles et des lignes directrices pour les courtiers, comme FundEX, et les agents, comme la fonctionnaire. L’une de ces règles consiste à s’assurer que les documents sont entièrement remplis avant qu’un client les signe. Un client ne devrait jamais signer un formulaire incomplet, lequel serait considéré comme une forme de falsification de la signature. Un tel formulaire (partiellement rempli, mais signé par un client) est appelé un [traduction] « formulaire présigné » et est interdit par l’ACFM.

[19]  Le 7 septembre 2016, FundEX a informé Mme Stevens par courriel qu’à compter du  6 septembre 2016, la fonctionnaire était inscrite et qu’elle devrait être étroitement supervisée pendant 90 jours. Mme Stevens devait remplir un rapport de supervision  mensuelle pour trois périodes : du 6 septembre au 6 octobre, du 6 octobre au 6 novembre et du 6 novembre au 6 décembre 2016. La fonctionnaire a été informée qu’elle était inscrite, mais le courriel de FundEX ne lui a pas été transmis.

[20]  À l’audience, la fonctionnaire a affirmé que n’ayant pas reçu ce courriel, elle ne savait pas que Mme Stevens était censée la surveiller. Elle était au courant des 90 jours de surveillance étroite, puisqu’il s’agit d’une norme de l’industrie et que ce n’était pas la première fois qu’elle était inscrite auprès d’un courtier en fonds mutuels. Elle a présumé que FundEX effectuerait la surveillance. Elle a reçu un courriel de M. Howard comprenant une chaîne de courriels de FundEX. Le premier courriel montrait que la gestionnaire de la SISIP chargée d’assurer la conformité avec FundEX était Mme Stevens.

[21]  L’attente de la fonctionnaire était double : elle devait refaire la documentation des clients qu’elle avait hérités de sa prédécesseure, et elle devait saisir toutes les nouvelles transactions conclues avec les clients dans Univeris. Dans le cadre du travail consistant à refaire la documentation, elle devait rencontrer les clients pour se présenter comme leur nouvelle planificatrice financière et s’assurer que tous leurs renseignements étaient à jour, y compris leurs choix d’investissement et leur profil de risque.

[22]  Le 21 septembre 2016, la fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Pleau, lui demandant quand le transfert des clients de sa prédécesseure serait effectué pour qu’elle puisse commencer à les rencontrer. Mme Pleau a répondu que le processus devrait être terminé la semaine suivante.

[23]  Le 6 octobre 2016, Mme Stevens a envoyé à FundEX un rapport signé pour la première période. Ce rapport contenait des énoncés normalisés, notamment le suivant : [traduction] « Toutes les commandes, qu’il s’agisse d’achats ou de ventes, ainsi que tous les contrats de vente, ont été examinées par la gestionnaire de FundEX Investments Inc. chargée de la surveillance. » Comme elle l’a expliqué à l’audience, puisque, à sa connaissance, la fonctionnaire n’avait pas encore commencé à gérer des clients (puisqu’elle n’avait pas communiqué avec Mme Stevens en ce sens), l’énoncé était vrai.

[24]  M. Howard a déclaré qu’au début, les choses semblaient bien aller. Puis, selon lui, la fonctionnaire s’est trouvée en conflit avec la conseillère financière. M. Howard a également parlé des absences fréquentes de la fonctionnaire, qu’il jugeait surprenantes et excessives. Il a trouvé difficile de communiquer avec elle. De son côté, la fonctionnaire a trouvé qu’il n’était d’aucune aide. Lorsqu’elle lui posait des questions, il lui indiquait simplement d’obtenir le bon formulaire, que l’adjointe lui fournirait. Elle a ajouté que, tout au long de sa période de probation, il n’avait pas eu beaucoup à lui apprendre.

[25]  Le 24 octobre 2016, Brenda Thomson, gestionnaire régionale de FundEX, a envoyé un courriel à la fonctionnaire afin de lui indiquer qu’il manquait des renseignements dans un FOC qui avait été envoyé par télécopieur à FundEX. Après avoir détaillé les renseignements manquants, Mme Thomson a écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[Le client] ne devrait pas signer un FOC incomplet, étant donné les renseignements qui ont été omis; ce FOC est considéré comme un formulaire présigné vierge, ce qui est strictement interdit. Comment le client en est-il venu à signer ce FOC? […]

Veuillez examiner le FOC incomplet avec le client et demander à ce dernier de sélectionner le(s) type(s) de régime(s), le(s) objectif(s) d’investissement, sa tolérance au(x) risque(s), l’utilisation prévue de l’investissement et la période d’investissement […]

[…]

[26]  La fonctionnaire a répondu le lendemain comme suit : [traduction] « Le FOC a été rempli dans mon bureau avec le client. J’ai simplement oublié la section CC par erreur. Je l’ai rempli et envoyé au serveur. Veuillez me faire savoir si vous avez besoin de quoi que ce soit d’autre. »

[27]  Il semble que cette interaction ait été la première indication que l’employeur a eue selon laquelle la fonctionnaire travaillait avec les clients, mais sans la surveillance étroite que Mme Stevens était censée effectuer. Le 30 octobre 2016, Mme Thomson a écrit ce qui suit à Mme Stevens :

[Traduction]

[…]

Un autre FOC, qui a été déposé dans le serveur de télécopie par Terina, est techniquement un formulaire présigné vierge. Il s’agit du deuxième FOC rempli de cette façon (l’autre client était […]). Elle ne semble recevoir aucune formation de Ken à la succursale. Elle aura besoin de plus de formation et de directives. Envoie-t-elle des documents à [sic] à des fins d’approbation préalable?

[…]

[28]  À l’audience, Mme Stevens a confirmé qu’elle n’était pas au courant, jusque-là, que la fonctionnaire avait commencé à gérer des clients, sans sa surveillance étroite. M. Howard a confirmé qu’il n’a pas non plus surveillé la fonctionnaire, puisqu’il s’attendait à ce que Mme Stevens le fasse. Elle était la personne de la SISIP qui était considérée comme la [traduction] « gestionnaire de la succursale » aux fins de la conformité aux règles de FundEX.

[29]  Mme Stevens a commencé à s’impliquer lorsqu’elle a découvert la situation. Elle a écrit ce qui suit à Mme Thomson, le 1er novembre 2016 :

[Traduction]

[…]

Je vous remercie d’avoir porté cela à mon attention. J’ai remarqué qu’il y a une mise à jour du formulaire CC de Terina que je dois examiner dans le cadre de mon examen de la conformité d’aujourd’hui, et Dina aussi a demandé si elle pouvait autoriser une de ses transactions. Rien n’avait été préalablement approuvé. Je lui ai envoyé un courriel rapide pour lui demander tous les documents nécessaires à l’autorisation de la transaction, et j’ai également mentionné que je l’appellerais pour discuter plus en détail de tout ce qui doit être préalablement approuvé pendant qu’elle est sous étroite surveillance.

[…]

[30]  La fonctionnaire a témoigné en disant qu’elle était quelque peu surprise de constater que Mme Stevens était censée la surveiller étroitement, et que cela n’avait pas encore été fait. Elle avait simplement présumé que FundEX effectuait cette surveillance.

[31]  Le 7 novembre 2016, FundEX a envoyé un courriel à Mme Stevens pour lui demander le deuxième rapport de surveillance étroite, qui couvrait la période du 6 octobre au 6 novembre 2016. Mme Stevens a envoyé le rapport. Elle a simplement coché les énoncés, sans faire de commentaire, mais au bas du formulaire, elle a ajouté la note manuscrite suivante : [traduction] « Veuillez consulter le courriel pour obtenir des commentaires et des observations supplémentaires. » Le courriel indiquait ce qui suit :

[Traduction]

Terina n’a commencé à m’envoyer des documents à préapprouver que lorsqu’elle a affiché une transaction du 1er novembre 2016, qui n’avait pas été préapprouvée. La transaction a été signalée pour que je l’approuve, et c’est à ce moment-là que je me suis demandé s’il y avait des documents qui ne m’avaient pas été soumis. Le 1er novembre également, au moment d’examiner la conformité, il y avait un PAC unique que je devais examiner dans mon module et que je n’avais pas préapprouvé.

Lorsque j’ai communiqué avec Terina pour en discuter, elle m’a fait savoir qu’elle ne s’était pas rendu compte qu’elle était censée tout m’envoyer à des fins d’approbation préalable. J’ai en outre expliqué qu’en plus des transactions, elle devait m’envoyer tous les documents qu’elle avait remplis avec un client à des fins d’approbation préalable. Elle a indiqué au cours de cet appel qu’elle avait refait le plus grand nombre possible de dossiers de clients afin de refaire la documentation des clients dans les 90 jours du transfert. Elle a estimé qu’il y en avait probablement environ 40. Je lui ai dit que j’avais besoin d’examiner tous les FOC qu’elle a remplis jusqu’à maintenant. Elle ne m’a envoyé que les FOC qu’elle a remplis depuis le 1er novembre. Les FOC que j’ai examinés et que j’ai approuvés ou que je lui ai renvoyés pour corriger les lacunes, et qui ont été datés par le client et Terina d’avant le 1er novembre sont ceux qui sont apparus dans mon module de conformité après le 1er novembre.

Le plus ancien FOC que j’ai examiné jusqu’à présent est du 5 octobre 2016. Cela m’amène à croire qu’elle a refait la documentation d’autres clients depuis le 5 octobre, et la plupart des documents apparus jusqu’à présent dans mes modules sont datés d’après le 25 octobre 2016.

[32]  À partir de ce moment-là, Mme Stevens a certainement joué un rôle plus actif dans la surveillance du travail de la fonctionnaire. Un certain nombre de courriels ont été déposés en preuve pour démontrer qu’elle avait signalé des erreurs, rappelé certains points à la fonctionnaire et, en général, assumé un rôle de surveillance.

[33]  À l’audience, Mme Stevens a témoigné en disant qu’elle avait demandé à plusieurs reprises à la fonctionnaire de fournir les 40 FOC qu’elle n’avait pas préapprouvés. À l’audience, pour sa part, la fonctionnaire a déclaré que cela aurait nécessité beaucoup plus de travail. En fin de compte, selon Mme Stevens, FundEX a examiné les FOC, et il ne semblait pas y avoir d’autres problèmes. Mme Stevens a affirmé que cela a pris un certain temps; entre-temps, elle n’a cessé de demander à la fonctionnaire de fournir les FOC, mais n’a pas reçu une réponse satisfaisante.

[34]  Mme Pleau a été informée de la situation au début du mois de novembre. Le 8 novembre 2016, Mme Stevens lui a envoyé un courriel détaillé intitulé [traduction] « Observations relatives à l’examen du travail de Terina ». Dans cette lettre, Mme Stevens dit à Mme Pleau qu’elle n’a réalisé que le 1er novembre que la fonctionnaire avait commencé à voir des clients et à remplir les FOC le 5 octobre. Mme Stevens détaille ensuite quelques problèmes qu’elle a dû résoudre, notamment la fourniture du document « aperçu du fonds » aux clients, au sujet de leurs placements. Mme Stevens a écrit ce qui suit au sujet du problème, qui semble s’être poursuivi tout au long de l’emploi de la fonctionnaire :

[Traduction]

[…]

J’avais discuté pendant la formation de l’exigence remettre l’aperçu du fonds avant la transaction. Elle a indiqué que c’était normal, que c’était comme ça partout. La première fois que je lui ai demandé de fournir ll’aperçu du fonds, elle a dit qu’elle ne croyait pas qu’elle devait le faire si le client possédait déjà le fonds. Je lui ai expliqué l’exigence à nouveau le 1er ou 2 novembre, et je lui ai continuellement demandé de l’envoyer avant que je n’approuve tout, le reste de la semaine et encore aujourd’hui.

[…]

[35]  Mme Stevens a ainsi conclu ce qui suit : [traduction] « En résumé, je conclus que je dois continuellement me reprendre et lui expliquer à nouveau certaines choses. La plupart des choses que je lui réexplique sont des règlements de l’industrie, et non pas des éléments propres à la SISIP ou à FundEX. »

[36]  Comme l’a souligné la fonctionnaire à l’audience, Mme Stevens a écrit ce courriel exactement une semaine après avoir découvert qu’elle n’avait pas étroitement surveillé la fonctionnaire.

[37]  Le 9 novembre 2016, Mme Thomson et la fonctionnaire ont échangé des courriels. L’échange montre que la fonctionnaire ne comprenait toujours pas la façon de procéder. Elle faisait approuver ses documents par Mme Stevens, mais envoyait par télécopieur à FundEX des FOC qui ne portaient pas la signature de Mme Stevens. Mme Thomson a expliqué ce qui suit : [traduction] « À l’avenir, n’envoyez aucun document au serveur de télécopie tant qu’il n’a pas été examiné et approuvé par [Mme Stevens]. »

[38]  M. Howard a également été mis au courant de la situation. Selon son témoignage, il a décidé de rencontrer la fonctionnaire plus régulièrement. Elle a affirmé que c’était plutôt à sa demande. La première rencontre documentée a eu lieu le 4 novembre 2016. Il a sollicité des conseils sur la façon dont il devrait communiquer les résultats de cette première rencontre à la fonctionnaire.

[39]  Il semble que les événements du début du mois de novembre ont amené l’employeur à commencer à envisager un renvoi en cours de stage. Mme Pelechaty-Earl, la conseillère en RH, a donné les conseils suivants à Mme Pleau dans un courriel du 14 novembre 2016 :

[Traduction]

[…]

En ce qui concerne votre message vocal et votre courriel ci-dessous, ainsi que les prochaines étapes pour Terina, je recommande ce qui suit :

[…]

En fin de compte, à la fin de la journée, l’employée doit avoir la possibilité de remédier aux lacunes qui lui ont été signalées. Lorsqu’il s’agit d’élaborer un dossier justifiant son renvoi en cours de stage, nous devons nous assurer que nous lui avons officiellement fourni une rétroaction et une discussion (c’est pourquoi je recommande fortement de le faire par écrit), et également montrer qu’elle a eu la possibilité d’améliorer son rendement/comportement et qu’elle est bien consciente de ce qu’on attend d’elle.

[…]

[40]  Le 18 novembre 2016, M. Howard a envoyé un courriel à la fonctionnaire au sujet de la rencontre du 4 novembre. Ce courriel contient un résumé de la rencontre et indique que des progrès ont été constatés depuis celle-ci.

[41]  M. Howard a témoigné qu’il avait un certain nombre de préoccupations concernant le rendement de la fonctionnaire. Ses principales préoccupations étaient ce qu’il considérait comme un absentéisme excessif et un manque apparent d’attention portée à ce qu’il considérait comme important. Il était contrarié par le fait qu’elle a manqué un vol et qu’elle en a pris un autre pour se rendre à une conférence de la SISIP à Toronto (Ontario), bien qu’il ait admis qu’elle n’avait pas vraiment manqué quoi que ce soit à la conférence et que le changement n’avait entraîné aucun frais supplémentaire.

[42]  Le [traduction] « Résumé de l’évaluation du rendement, de la conduite et des aptitudes » (le « résumé ») joint au courriel portait sur ces préoccupations et d’autres. Les [traduction] « [q]uestions […] discutées » étaient les suivantes : le nombre d’absences dans une très courte période, le vol manqué pour se rendre à la conférence de FundEX, les appels personnels effectués pendant les heures de travail, la compatibilité avec les collègues, la réticence à aider à la réception et, enfin, la capacité à respecter les exigences de travail ainsi que les politiques et les procédures établies, plus précisément, en plaçant les [traduction] « FOC/notes » dans les dossiers des clients et en suivant les procédures de conformité.

[43]  Un plan d’action était proposé dans le résumé, suggérant la tenue d’une rencontre avec M. Howard, chaque vendredi, pour discuter des progrès et de la conformité, ainsi que pour favoriser une discussion ouverte. Le courriel demandait à la fonctionnaire d’indiquer qu’elle avait reçu le résumé et qu’elle l’avait compris. Elle ne l’a jamais fait.

[44]  La fonctionnaire a déclaré qu’elle avait été profondément atterrée par le courriel et le résumé. Elle a trouvé toutes les critiques complètement injustes, étant donné qu’elle n’avait fait l’objet d’aucune surveillance réelle avant le 1er novembre; elle s’était sentie négligée par M. Howard et elle pensait avoir le droit de prendre les mêmes congés que ceux accordés à tout employé au besoin, que ce soit pour des obligations familiales ou comme congé de maladie. À l’audience, M. Howard a reconnu que la fonctionnaire avait pris des congés auxquels elle avait droit. Toutefois, il pensait encore qu’il aurait été possible de prendre de meilleures dispositions en matière de garde d’enfant.

[45]  Il semble que la relation entre la fonctionnaire et M. Howard soit rapidement devenue quelque peu hostile, malgré le fait qu’ils prétendent tous deux avoir débuté la relation avec les meilleures intentions. Elle a été blessée par le fait qu’il achetait du café pour les autres membres du personnel, mais pas pour elle. Il a expliqué qu’il achetait du café pour son adjointe depuis des années, par égard pour elle, parce qu’elle avait eu des périodes difficiles dans sa vie. Il avait également une entente de longue date avec la représentante des assurances, selon laquelle il achetait son café et elle achetait des billets de loterie partagés. M. Howard a témoigné que pour les rencontres du vendredi matin, il achetait du café pour tout le personnel, y compris la fonctionnaire. Celle-ci a reconnu qu’elle se souvenait de quelques fois où il avait acheté du café pour tout le personnel.

[46]  La fonctionnaire a témoigné qu’elle s’était sentie exclue par l’histoire du café, à tel point qu’elle avait demandé à l’adjointe administrative s’il y avait un [traduction] « […] fonds pour le personnel, auquel tout le monde contribue, par exemple, pour les anniversaires, les fêtes de Noël, les déjeuners ou ce genre de choses ». En un mot, la réponse de l’adjointe était [traduction] « non ».

[47]  Cependant, tout n’était pas négatif pour M. Howard. Dans un échange de courriels avec Mme Stevens, du 17 novembre 2016, au sujet de la tolérance au risque d’un client, la fonctionnaire a écrit ce qui suit : [traduction] « J’ai eu une bonne conversation avec Ken, hier après-midi, au sujet du formulaire CC, et je pense que j’ai finalement compris! » Mme Stevens a répondu que [traduction] « [t]out va s’arranger », suivi d’un visage souriant. Elle a ensuite approuvé le formulaire que la fonctionnaire avait envoyé à plusieurs reprises.

[48]  La surveillance effectuée par Mme Stevens s’est poursuivie en novembre. Certains échanges de courriels sont devenus un peu tendus, comme dans un échange du 18 au 22 novembre 2016, où Mme Stevens a demandé que soient apportées certaines corrections à quelques formulaires. À deux reprises, la fonctionnaire a indiqué qu’elle avait [traduction] « terminé ». La troisième fois, Mme Stevens a fait preuve d’une certaine impatience en écrivant [traduction] « Essayons encore une fois. » Elle a expliqué en détail la signification de la mise à jour comme suit : [traduction] « Lorsqu’un client signe une mise à jour du formulaire CC, nous devons mettre à jour tous les renseignements pertinents. La date que nous incluons comme date de mise à jour du client est la date à laquelle le client signe. » Cependant, dans ses courriels, Mme Stevens a reconnu que la fonctionnaire n’était pas responsable du défaut d’approbation préalable avant le 1er novembre 2016. Par exemple, dans un courriel du 23 novembre 2016, elle a écrit ce qui suit : [traduction] « C’est l’un des formulaires que vous avez remplis avant de savoir que vous étiez censée le faire préapprouver; vous ne me l’avez donc pas envoyé. [Le spécialiste de la conformité de FundEX] m’a contacté à ce sujet et m’a demandé de vous indiquer de demander au client d’apposer ses initiales. »

[49]  Quand la période de surveillance de Mme Stevens a pris fin, le 12 décembre 2016, Mme Thomson, à titre de gestionnaire régionale de FundEX, a simplement assumé le rôle de surveillance. La fonctionnaire a été quelque peu surprise, car elle s’attendait à ce que la surveillance de Mme Stevens se poursuive. Au début de novembre, lorsque Mme Stevens a découvert qu’elle n’avait pas préapprouvé le travail de la fonctionnaire, elle a envoyé un courriel à la fonctionnaire indiquant qu’elle devait tout préapprouver et qu’elles travailleraient en étroite collaboration pendant les trois prochains mois. À l’audience, Mme Stevens explique que ce fut une erreur de sa part; elle savait que la surveillance étroite était de trois mois, mais elle n’avait pas inclus les près de deux mois de la période pendant laquelle elle n’avait pas assuré la surveillance.

[50]  Dans un courriel du 15 décembre 2016, Mme Thomson a demandé à Mme Stevens si les [traduction] « formalités administratives et routines » de la fonctionnaire s’étaient améliorées. Mme Stevens a répondu que, [traduction] « [p]our la plupart, oui ». Elle trouvait qu’il y avait encore des lacunes pour deux procédures, à savoir la mise à jour d’Univeris en même temps que les formulaires étaient envoyés par télécopieur au serveur de FundEX, et la remise  de l’aperçu des fonds aux clients.

[51]  Les notes de M. Howard découlant de ses rencontres avec la fonctionnaire ont été présentées à l’audience. Ces notes font état des préoccupations qui ont été soulevées au cours des rencontres et peuvent se résumer comme suit :

[Traduction]

[…] clairement expliqué que la déclaration d’impôt n’était pas une priorité, qui pouvait attendre son retour; je m’occuperai de la demande d’encaissement dès sa réception.

[…] En dépit de cette directive claire, Terina a envoyé un courriel au [client fiscal], me mettant en c.c., pour dire qu’il pouvait prendre un rendez-vous avec moi pour remplir la déclaration d’impôt.

[52]  À l’audience, la fonctionnaire a mis en doute le caractère contemporain des notes. M. Howard a témoigné qu’elles l’étaient. Il y a une incertitude concernant les notes du 16 décembre 2016, car la fonctionnaire a présenté un courriel montrant qu’ils ne s’étaient peut-être pas rencontrés ce jour-là. À l’audience, M. Howard a témoigné que la date était peut-être erronée, mais qu’il était certain que la rencontre avait eu lieu.

[53]  M. Howard a témoigné que les rencontres sont progressivement devenues plus difficiles. La fonctionnaire était sur la défensive et devenait très [traduction] « émotive ». Il a expliqué qu’elle pleurait lorsqu’on la critiquait. Il a trouvé qu’il était de plus en plus difficile de commenter son travail, car elle réagissait de façon très négative. L’une des principales préoccupations de M. Howard était qu’elle ne semblait pas prendre suffisamment au sérieux les critiques relatives à la conformité.

[54]  Le 25 février 2017, Mme Thomson a envoyé un courriel à la fonctionnaire, se disant préoccupée par le fait qu’elle avait reçu un autre FOC incomplet. Mme Thomson a écrit ce qui suit : [traduction] « Je m’inquiète de vos pratiques commerciales actuelles; les clients ne devraient jamais recevoir un formulaire incomplet ou partiellement rempli à signer. Je transmettrai ce formulaire au siège social de FundEX en vue d’un examen plus approfondi ou pour prendre des mesures. » Le 27 février 2017, la fonctionnaire a répondu qu’il s’agissait simplement d’un oubli et qu’elle corrigerait la situation en demandant aux clients de parapher les renseignements manquants.

[55]  Les 6, 9, 16 et 21 mars 2017, Mme Thomson a envoyé des courriels au sujet de l’absence de l’aperçu du fonds; il s’agissait d’un problème récurrent. À l’audience, la fonctionnaire a expliqué qu’elle avait effectivement fourni l’aperçu du fonds aux clients. Elle n’a pas expliqué pourquoi elle n’avait pas saisi les renseignements dans Universis.

[56]  Pendant cette période, Mme Thomson communiquait régulièrement avec Mme Pleau pour signaler les lacunes de la fonctionnaire. Mme Pleau a témoigné que c’était la première fois qu’un planificateur financier avait besoin d’autant d’attention. Elle a décidé de créer un tableau des lacunes que Mme Thomson soulignait.

[57]  Le tableau a été présenté à l’audience. Comme il est devenu évident lors du contre-interrogatoire, le tableau contient certaines erreurs (par ex. une erreur commise par un autre planificateur financier) et des répétitions, c’est-à-dire que le même formulaire est mentionné plusieurs fois. Cela étant dit, il résume les préoccupations de l’employeur à l’égard du rendement de la fonctionnaire, et il montre des erreurs relatives à des formulaires incomplets ou défectueux, ainsi que des retards dans la réponse aux demandes de renseignements de FundEX.

[58]  La fonctionnaire a souligné que le défaut de répondre pouvait s’expliquer par son absence du bureau car elle était en congé. Cependant, le fait d’être en congé n’explique pas tous les retards à répondre. Elle a également témoigné qu’en mars 2017, elle se sentait harcelée et ciblée, et qu’elle a dû prendre un congé parce que sa santé en pâtissait. Elle a reconnu qu’à cause de cela, elle a fait des erreurs et que son travail a été retardé. À l’audience, on a demandé à M. Howard s’il lui avait demandé pourquoi elle devait prendre des congés. Il a répondu par la négative. Il n’était pas non plus au courant de deux notes médicales qu’elle a présentées à l’audience, l’une du 3 septembre 2015 et l’autre du 25 avril 2018, qui parlaient de problèmes médicaux graves qui auraient pu nécessiter qu’elle prenne congé.

[59]  La fonctionnaire estimait que M. Howard voulait qu’elle échoue, car il la voyait comme une menace, puisqu’elle avait été embauchée pour le remplacer lorsqu’il prendrait sa retraite, du moins le croyait-elle. Mme Pleau a nié avoir fait une telle promesse.

[60]  M. Howard a terminé un examen de mi-exercice de la fonctionnaire, mais il ne l’a jamais envoyé à Mme Pleau; il n’en a pas non plus discuté avec la fonctionnaire. Dans ce document, il a déclaré qu’elle accusait un retard pour refaire la documentation des clients. Le document comprenait une feuille distincte intitulée [traduction] « Nouveaux fonds », soit un rapport des investissements faits par les clients et enregistrés au cours de l’exercice. Une bonne partie des investissements étaient attribués à la prédécesseure de la fonctionnaire, malgré le fait qu’elle avait quitté en août 2016. À l’audience, la fonctionnaire a présenté des éléments de preuve crédibles selon lesquels elle avait en fait été responsable des nouveaux investissements.

[61]  L’auteur et le but du rapport n’ont pas été précisés. Mme Pleau, qui a pris la décision de renvoyer la fonctionnaire en cours de stage, a déclaré qu’elle n’avait jamais vu le rapport. M. Howard a nié l’avoir préparé et a ajouté qu’il n’avait joué aucun rôle dans sa recommandation de renvoyer la fonctionnaire en cours de stage.

[62]  Mme Pleau a expliqué que la somme des erreurs que la fonctionnaire a commises, les nombreux rapports qu’elle a reçus de Mme Thomson, et le temps que la fonctionnaire prenait pour refaire la documentation des clients l’ont finalement convaincue que la fonctionnaire n’était pas apte au travail. La fonctionnaire n’a jamais communiqué avec elle au sujet du harcèlement ou de difficultés subis de la part de M. Howard. Mme Pelechaty-Earl, qui était la conseillère en RH, a également déclaré que la fonctionnaire n’a jamais communiqué avec elle pour se plaindre de M. Howard, malgré le fait qu’elle avait reçu la politique de lutte contre le harcèlement. À l’audience, pour sa part, la fonctionnaire a déclaré qu’elle espérait juste passer sa période de probation. Elle ne voulait pas se plaindre avant la fin de la période de probation parce qu’elle craignait que la réaction de M. Howard soit de mettre fin à son emploi. Elle a blâmé l’employeur, c’est-à-dire Mme Pleau, parce que cette dernière n’a pas cherché à savoir pourquoi elle prenait autant de congés.

[63]  En décembre 2016, FundEX a  mené une vérification du bureau de Petawawa. La vérification a montré que M. Howard et la fonctionnaire devaient apporter des corrections à leur travail. Elle a souligné que la fonctionnaire n’examinait pas d’abord la tolérance au risque des clients avant de recommander des investissements, qu’elle n’avait pas fourni de copies signées des FOC ou des formulaires CC à jour aux clients, et que, dans le cadre d’un examen de 12 dossiers, trois dossiers appartenant à la fonctionnaire n’avaient pas été mis à jour sur le serveur de télécopie en temps opportun. Tous ces points étaient visés par le MPPC de FundEX. Il a été noté que M. Howard avait un pourcentage élevé de formulaires CC périmés et que, à deux occasions, il n’avait pas confirmé avoir fourni les aperçus du fonds aux clients.

[64]  À l’audience, la fonctionnaire a témoigné en disant qu’elle réussissait bien avec les clients, qu’elle avait reçu des éloges de la part de Mme Pleau, et qu’elle avait surpassé M. Howard en termes de nouveaux investissements. Il y avait des éléments de preuve documentaires à l’appui de ses affirmations selon lesquelles elle avait effectivement généré de nouveaux fonds et qu’elle avait fourni aux clients des services qu’ils avaient appréciés. À l’audience, Mme Pleau a reconnu que la fonctionnaire pouvait offrir un excellent service aux clients. Cependant, selon Mme Pleau, les problèmes fréquents et continus de conformité avec FundEX ne pouvaient pas être oubliés.

[65]  Une illustration des difficultés de FundEX avec la fonctionnaire se trouve dans deux séries de courriels envoyés à quelques jours d’intervalle. Le 22 mars 2017, Mme Thomson a écrit ce qui suit, à la suite d’un courriel antérieur demandant des corrections :

[Traduction]

[…]

J’ai oublié d’ajouter que [nom du client] a daté sa signature du 6 mars et que vous avez daté votre signature du 20 mars. Nous avons besoin d’une note sur le FOC pour indiquer les différentes dates (par exemple, « CC reçu par la poste le 20 mars », etc.). Pouvez-vous consigner la raison des différentes dates et renvoyer une copie du FOC au serveur de télécopie? Veuillez m’en aviser une fois que vous l’aurez envoyé.

[…]

[66]  La fonctionnaire a répondu comme suit, deux jours plus tard : [traduction] « J’étais en congé du 8 au 20, [nom du client] m’a envoyé les formulaires par courriel le 9. Je les ai télécopiés au serveur le jour même où je les ai reçus. J’ai ajouté une note au FOC comme demandé, et télécopié le tout au serveur. »

[67]  Le 27 mars 2017, Mme Thomson a écrit le courriel suivant à la fonctionnaire :

[Traduction]

[…]

J’examine actuellement le FOC de [nom de la cliente] et j’ai remarqué que la cliente a daté sa signature du 8 mars 2017 et que vous avez daté votre signature du 20 mars. Lorsque vous signez le formulaire CC à une date différente de celle que le client a signée, nous avons besoin d’une note pour expliquer les différentes dates (c’est-à-dire le FOC reçu par la poste le 20 mars, etc.).

De plus, vous avez daté votre signature du 20 mars, mais le FOC n’a pas été envoyé au serveur de télécopie et Univeris n’a pas été mis à jour avant le 24 mars. Les renseignements contenus dans le formulaire CC doivent être mis à jour dans Univeris et envoyés au serveur de télécopie le jour même où le formulaire est reçu.

Veuillez fournir une explication pour les deux dates, pourquoi votre signature est datée du 20 et celle du client est datée du 8, et veuillez expliquer pourquoi le formulaire CC n’a pas été mis à jour [sic] et envoyé au serveur de télécopie le 20, lorsque vous avez signé.

À l’avenir, veuillez vous assurer d’inscrire une note sur les formulaires CC et les documents commerciaux pour expliquer toute différence entre la date à laquelle le client a signé et celle où vous avez signé, lorsque vous ne signez pas le même jour.

[…]

[68]  Deux jours plus tard, la fonctionnaire n’a répondu que ce qui suit : [traduction] « J’étais en congé du 8 au 20, j’ai donc signé le FOC quand je l’ai reçu. J’étais également absente du bureau les 22 et 23 mars. »

[69]  Rendu en mars 2017, M. Howard demandait des rapports sur la fonctionnaire, ce qu’il a admis lors du contre-interrogatoire à l’audience. La fonctionnaire a présenté des courriels de l’adjointe administrative à l’intention de M. Howard, portant sur le fait que la fonctionnaire dînait à son bureau, pour ensuite s’absenter pendant une heure. Dans un autre courriel, l’adjointe administrative a indiqué que la fonctionnaire n’avait réservé que 20 minutes de rendez-vous pour refaire la documentation des clients, et a ajouté le commentaire critique suivant : [traduction] « Ne faudrait-il pas plus de temps pour apprendre à connaître vos clients? » M. Howard ne savait pas s’il avait abordé ce comportement avec la fonctionnaire. Lorsqu’on lui a demandé s’il était préoccupé par les larmes de la fonctionnaire, puisqu’il avait témoigné qu’elle avait tendance à devenir émotive lorsqu’elle était critiquée, il a simplement dit que tout le monde est différent et réagit différemment.

[70]  Dans son témoignage et son contre-interrogatoire des témoins de l’employeur, la fonctionnaire a renvoyé à une politique de l’ACFM, intitulée [traduction] « Formation et surveillance des nouveaux inscrits », qui énonce ce qui suit : [traduction] « La règle 1.2.4 de l’ACFM exige que tous les vendeurs nouvellement inscrits suivent un programme de formation dans les 90 jours suivant leur inscription à la commission provinciale des valeurs mobilières concernée. » Selon elle, l’employeur avait manqué à ses obligations en ne lui offrant pas cette formation après son inscription le 6 septembre 2016.

[71]  Mme Stevens, M. Howard, et Mme Pleau ont témoigné que cette exigence ne s’appliquait pas à la fonctionnaire parce qu’elle avait déjà été une agente de fonds mutuels inscrite auprès d’autres employeurs privés. La règle 1.2.4 de l’ACFM prévoit ce qui suit :

Lorsqu’elles commencent à négocier des titres ou à faire le commerce de valeurs mobilières aux fins de la législation applicable au nom d’un membre, toutes les personnes autorisées qui sont des représentants doivent suivre un programme de formation dans les 90 jours du début de leurs fonctions et, concurremment, être supervisées pendant six mois conformément aux modalités que l’Association peut prescrire à l’occasion, à moins qu’elles n’aient suivi un programme de formation et n’aient terminé une période de supervision conformément à la présente Règle auprès d’un autre membre, ou […]

[Je mets en évidence]

[72]  En fait, Mme Pleau a déclaré que l’expérience de la fonctionnaire en tant que représentante en fonds mutuels avait été un facteur important dans son embauche au poste de planificateur financier, puisqu’elle aurait suivi la formation requise auprès du premier courtier de fonds mutuels qui l’avait inscrite comme représentante.

III.  Résumé de l’argumentation

A.  Pour l’employeur

[73]  L’employeur déclare que la Commission n’a pas compétence pour se prononcer sur un renvoi en cours de stage lorsqu’il est établi que le renvoi découle de motifs liés à l’emploi, comme c’est le cas en l’espèce. Il n’y a eu aucun subterfuge ni camouflage, et la mesure n’était pas de nature disciplinaire. Par conséquent, le grief devrait être rejeté.

[74]  La compétence de la Commission pour se prononcer sur les griefs est définie à l’article 209 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »). L’article 209 ne s’applique tout simplement pas à la situation de la fonctionnaire, puisque le renvoi en cours de stage n’était pas de nature disciplinaire et que, en tant qu’organisme distinct, le PFNP n’est pas visé par la disposition sur le licenciement pour des motifs autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite. Dans son grief, la fonctionnaire n’a jamais allégué que le licenciement était de nature disciplinaire; par conséquent, elle ne peut soulever la question à l’audience.

[75]  De plus, l’employeur soutient que la fonctionnaire ne peut pas soulever des questions de discrimination ou de harcèlement si la Commission n’est pas compétente pour entendre le grief; ces questions ne peuvent être soulevées de façon indépendante.

[76]  L’employeur reconnaît la jurisprudence selon laquelle un renvoi en cours de stage ne peut constituer ni un subterfuge ni un camouflage, et ne peut pas se faire de mauvaise foi (voir Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, 2001 CFPI 529). L’employeur soutient que le critère applicable est celui de savoir si l’employeur a démontré qu’il existe un motif lié à l’emploi justifiant le licenciement.

[77]  Mme Stevens a témoigné du fait que la fonctionnaire avait reçu une formation au début et qu’on lui avait montré les différents aspects de son travail. L’employeur reconnaît qu’il y a eu un problème concernant sa surveillance, mais il a été corrigé à la fin du mois d’octobre et au début du mois de novembre, d’abord par Mme Thomson, qui a fourni des conseils, puis par Mme Stevens, qui a assumé son rôle de surveillance.

[78]  Des problèmes ont été signalés à la fonctionnaire en ce qui concerne la façon dont elle a rempli les formulaires et saisi les données dans Univeris et le serveur de FundEX. Malgré tous les efforts déployés pour montrer ses lacunes à la fonctionnaire, elle a continué de faire les mêmes erreurs. M. Howard a aussi essayé de lui donner des conseils, mais elle a refusé de l’écouter.

[79]  À plusieurs égards, les témoins de l’employeur et la fonctionnaire n’avaient pas le même point de vue au sujet des événements pertinents. Pourtant, elle n’a pas offert à ces témoins l’occasion d’expliquer leur point de vue divergent lors du contre‑interrogatoire.

[80]  L’employeur a présenté une liste de situations insatisfaisantes répétées. Mme Pleau a témoigné que c’était la première fois qu’un planificateur financier rencontrait autant de problèmes dans le cadre de la surveillance de FundEX. La documentation et la saisie des données de la fonctionnaire étaient déficientes et ne s’amélioraient pas, même après une longue période de corrections systématiques. Elle a soutenu qu’elle se sentait harcelée, mais l’employeur n’a reçu aucune plainte ni aucune indication qu’il y avait des problèmes médicaux.

[81]  La jurisprudence de la Commission est claire. Sa compétence sur les renvois en cours de stage est très limitée. Si l’employeur a démontré l’existence d’un motif lié à l’emploi justifiant le renvoi, et que le fonctionnaire n’est pas en mesure de démontrer qu’il s’agissait d’un subterfuge ou d’un camouflage, la Commission n’a pas compétence. L’employeur cite Kagimbi c. Canada (Procureur général), 2014 CF 400, et Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 134. Je reviendrai sur ces décisions dans mon analyse.

B.  Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

[82]  La fonctionnaire soutient que le renvoi en cours de stage était un subterfuge et qu’il a été fait de mauvaise foi. Les motifs liés à l’emploi invoqués par l’employeur étaient arbitraires et non fondés. M. Howard, qui était chargé d’évaluer ses aptitudes, avait en fait un parti pris évident contre elle. Il a créé un environnement toxique par l’intimidation et le harcèlement.

[83]  L’employeur a omis de fournir les outils dont la fonctionnaire avait besoin pour réussir. La formation était déficiente, et les attentes n’ont jamais été clairement énoncées. Elle n’a jamais reçu d’évaluation de rendement qui lui aurait permis de corriger les erreurs que l’employeur avait identifiées.

[84]  Le licenciement était de nature disciplinaire. On a reproché à la fonctionnaire des erreurs et des omissions indépendantes de sa volonté.

[85]  Le licenciement était injuste, puisque Mme Pleau n’a pas laissé à la fonctionnaire la possibilité de répondre aux allégations formulées contre elle. Mme Pleau s’est fiée à des ouï-dire pour licencier la fonctionnaire. Il s’agissait d’une atteinte au droit de la fonctionnaire à la justice naturelle et à l’équité procédurale. L’employeur n’a pas suivi ses politiques en ce qui concerne la période de probation et le licenciement. La fonctionnaire n’a reçu aucun avertissement que son rendement devait s’améliorer.

IV.  Ordonnance de confidentialité

[86]  L’employeur a demandé que les documents suivants soient mis sous scellés :

[87]  Ces documents seront mis sous scellés sur la base du critère Dagenais/Mentuck (voir Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835, et R. c. Mentuck, 2001 CSC 76), dont le meilleur énoncé se trouve dans Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41. Le critère peut être résumé comme suit : les effets bénéfiques du maintien de la confidentialité de certains renseignements l’emportent sur les effets préjudiciables de la prévention de l’accès du public aux procédures judiciaires, qui est un droit protégé par la Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11.

[88]  En règle générale, la Commission respecte le principe de transparence judiciaire. Ses audiences et ses dossiers sont publics. Cependant, dans certains cas, la confidentialité devrait être envisagée. La protection des renseignements personnels est l’une des raisons justifiant la confidentialité.

[89]  Tous les documents pour lesquels l’employeur a demandé la mise sous scellés contiennent des renseignements sur les investissements des membres des FAC et de leurs familles. Il s’agit de renseignements personnels, qui n’ont aucune incidence sur la transparence ou l’intelligibilité de la décision. Pourtant, leur divulgation serait susceptible de nuire à des tiers dont les intérêts n’étaient pas représentés à l’audience. Pour ce motif, j’accorde l’ordonnance de mise sous scellés.

[90]  L’employeur a également demandé à ce que les pièces E-12, G-27 et G-29 soient mises sous scellés. Elles ne contiennent aucun renseignement personnel ou ceux-ci ont déjà été caviardés. Elles ne seront pas mises sous scellés.

[91]  L’employeur a également demandé que l’onglet 15 de la pièce G-1, à l’exception de quelques courriels, soit mis sous scellés. La plupart des courriels montrent les interactions de la fonctionnaire avec les clients. Je crois que ces courriels sont importants pour montrer le travail qu’elle a réalisé au nom des clients. Tous les renseignements personnels ont été caviardés de cet onglet, ainsi que des courriels et des documents contenus aux onglets 16, 20, 24, 34 et 35.

[92]  L’employeur a demandé que l’onglet 34 de la pièce G-1 soit mis sous scellés. Encore une fois, cet élément de preuve est important, puisqu’il démontre que la fonctionnaire a travaillé sur des investissements et a donc généré de nouveaux fonds. La version originale a été mise sous scellés; le dossier public contient une copie caviardée avec des numéros pour indiquer la correspondance entre la liste des nouveaux fonds et les clients.

V.  Analyse

[93]  La Commission a relevé un certain nombre de divergences dans la preuve présentée par les témoins. Pour résoudre ces divergences, je suis principalement guidée par le principe énoncé comme suit dans Faryna v. Chorny, 1951 CanLII 252 :

[Traduction]

[…]

[…] Le critère applicable consiste plutôt à examiner si son récit est compatible avec les probabilités qui caractérisent les faits de l’espèce. En somme, le véritable critère de la véracité de ce que raconte un témoin dans une affaire déterminée doit être la compatibilité de ses dires avec la prépondérance des probabilités qu’une personne éclairée et douée de sens pratique peut d’emblée reconnaître comme raisonnable dans cette situation et ces circonstances. […]

[…]

[94]  La fonctionnaire a affirmé que M. Howard s’est senti menacé par la possibilité qu’elle prenne sa place et que, par conséquent, il a cherché à lui porter atteinte. Elle était convaincue qu’elle avait été embauchée pour le remplacer, qu’il le savait et qu’il se sentait menacé par cela.

[95]  Mme Pleau n’a pas confirmé ce point de vue. Elle a témoigné que la fonctionnaire l’a interrogée au sujet des possibilités d’avancement. Elle aurait peut-être alors vaguement fait allusion au fait que M. Howard approchait peut-être de sa retraite, mais elle était catégorique qu’elle n’avait rien promis. Pour sa part, M. Howard a témoigné qu’il n’avait pas l’intention de prendre sa retraite à ce moment-là, c’est-à-dire à l’audience qui s’est tenue plus de deux ans après le renvoi de la fonctionnaire en cours de stage. J’estime qu’il est plus probable qu’aucune promesse n’a été faite, car il serait surprenant qu’un représentant de l’employeur fasse ce genre de promesse à un employé en stage probatoire.

[96]  La fonctionnaire a déclaré que sa formation initiale avec Mme Pleau et Mme Stevens avait peu de contenu. Mme Pleau l’avait laissée seule dans une pièce pour lire des documents. Avec Mme Stevens, elle avait eu plus d’une conversation sociale, et les questions de fond n’ont été que brièvement, voire aucunement discutées.

[97]  Les rapports de Mme Pleau et de Mme Stevens sur la même formation étaient étonnamment différents de la description fournie par la fonctionnaire. Mme Pleau a indiqué qu’elle a passé du temps avec la fonctionnaire et qu’elle a examiné ce qui apparaissait dans le calendrier. Elle a déclaré que la fonctionnaire avait posé de nombreuses questions et pris un grand nombre de notes. Mme Stevens, qui a formé un certain nombre de nouveaux planificateurs financiers, a déclaré qu’elle avait procédé de la même façon qu’elle l’a toujours fait, c’est-à-dire offrir la formation indiquée dans le calendrier.

[98]  Ni Mme Pleau ni Mme Stevens n’ont été contre-interrogées afin d’évaluer leur témoignage par rapport à celui de la fonctionnaire. Aucune n’a été invitée à commenter le point de vue de la fonctionnaire à l’égard de la formation. J’estime qu’il est quelque peu étrange que Mme Pleau se souvienne des questions et de la prise de notes si elle ne donnait pas la formation et laissait plutôt la fonctionnaire assise seule dans une pièce. J’estime également qu’il est surprenant que Mme Stevens n’ait pas offert la même formation qu’elle avait l’habitude de donner aux nouveaux planificateurs financiers. Quoi qu’il en soit, sur la base du calendrier, j’estime que divers aspects du travail du planificateur financier devaient être abordés. Si la formation laissait à désirer, tel que l’affirme la fonctionnaire, ce dont je ne suis pas convaincue, elle avait suffisamment d’expérience pour poser d’autres questions et demander une formation supplémentaire si elle estimait en avoir besoin.

[99]  La fonctionnaire a également affirmé que M. Howard a créé un environnement toxique et peu accueillant à la succursale.

[100]  M. Howard n’était probablement pas un superviseur chaleureux et attentionné. Il avait des idées bien arrêtées, a été déçu par ce qu’il a perçu comme des problèmes d’assiduité de la part de la fonctionnaire (elle a pris les congés pour obligations familiales et les congés de maladie auxquels elle avait droit), et a évidemment trouvé difficile de communiquer avec elle, à mesure que les rencontres avec elle devenaient progressivement plus conflictuelles, selon les deux témoignages.

[101]  D’autre part, les offenses perçues par la fonctionnaire n’étaient pas entièrement la faute de M. Howard. Elle se sentait exclue parce qu’il achetait du café pour les autres membres du personnel, et pas pour elle. Pourtant, elle n’a jamais clairement fait part de cette déception. Son courriel à l’adjointe administrative, demandant s’il y avait une caisse commune pour un [traduction] « fonds pour le personnel », ne fournit aucune indication sur la raison sous-jacente, c’est-à-dire le fait que M. Howard ne lui apportait pas de café. Elle a également témoigné qu’elle n’avait pas l’impression que M. Howard pouvait lui enseigner quoi que ce soit. Je soupçonne fort que ce message lui a été transmis, du moins implicitement, car il a déclaré qu’elle semblait très confiante et qu’elle n’accueillait pas bien les critiques.

[102]  Je ne pense pas que M. Howard a orchestré le renvoi de la fonctionnaire en cours de stage. Il n’avait rien à voir avec ses erreurs commises dans la façon de remplir les formulaires et son incapacité à refaire la documentation des clients au rythme prévu, qui étaient les principaux motifs de son renvoi. Je ne crois pas qu’il ait créé l’environnement toxique dans lequel elle avait l’impression d’être. Je pense que leur interaction a été moins que satisfaisante, des deux côtés. Cependant, la fonctionnaire n’a jamais tenté de discuter de son insatisfaction au travail avec Mme Pleau, qui était la superviseure de M. Howard, ni avec Mme Pelechaty-Earl, la conseillère en RH.

[103]  La fonctionnaire a perçu que Mme Thomson, Mme Pleau et Mme Stevens avaient comploté pour la congédier en raison de l’omission initiale de la superviser correctement. Je n’ai pas trouvé convaincante la preuve présentée à cet égard.

[104]  En novembre 2016, Mme Stevens a clairement admis qu’elle n’avait pas surveillé la fonctionnaire comme elle aurait dû. À compter de ce moment, elle l’a fait. Je ne crois pas que Mme Thomson avait quelque chose à cacher. Elle a trouvé des erreurs commises par la fonctionnaire et les a signalées. Enfin, je ne crois pas que Mme Pleau ait planifié de se débarrasser de la fonctionnaire. Elle avait été heureuse de l’embaucher et s’attendait à un bon rendement de sa part.

[105]  Selon l’article 209 de la Loi, la Commission n’a pas compétence pour se prononcer sur un renvoi en cours de stage, à moins qu’il s’agisse d’un subterfuge ou, en fait, d’une mesure disciplinaire déguisée. Cet article se lit comme suit :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire;

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

[106]  Les cas de licenciement sont visés par l’alinéa 209(1)b), mais le licenciement doit être de nature disciplinaire. Les alinéas 209(1)c) et d) ne s’appliquent pas, puisque le PFNP est un organisme distinct qui n’a pas été désigné aux termes du paragraphe 209(3) pour l’application de l’alinéa 1d).

[107]  Une longue série de jurisprudence a établi que, si un renvoi en cours de stage est en fait de nature disciplinaire ou un subterfuge, ou qu’il a été fait de mauvaise foi, il n’est pas valide (voir Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429 (C.A.) (QL), Leonarduzzi et Tello). Cependant, si la Commission conclut que le renvoi en cours de stage était véritablement fondé sur des motifs liés à l’emploi, l’analyse prend fin et la Commission n’a pas compétence.

[108]  Par conséquent, le critère applicable au renvoi en cours de stage n’est pas de savoir si l’employeur avait un motif suffisant, mais plutôt si le renvoi est justifié par un motif lié à l’emploi.

[109]  Dans Kagimbi, la Cour fédérale a jugé que la décision de l’arbitre de maintenir le renvoi en cours de stage était raisonnable. Il incombait à l’employeur de présenter des éléments de preuve selon lesquels le renvoi était lié à des questions d’emploi; la fonctionnaire devait ensuite démontrer que le licenciement était fondé sur un motif autre qu’une insatisfaction éprouvée de bonne foi à l’égard de ses aptitudes. L’employeur a présenté des éléments de preuve démontrant les lacunes de Mme Kagimbi. Cette dernière a cherché à montrer que le licenciement était injuste et qu’il avait donc été fait de mauvaise foi, parce qu’elle n’avait pas été informée de ses lacunes avant qu’elle ne soit licenciée. La Cour fédérale a cité l’extrait suivant de la décision de l’arbitre :

[…]

[…] dans le cas d’un renvoi en cours de stage, l’employeur doit être de bonne foi dans sa prise de décision de mettre fin à l’emploi en cours de stage. Il ne peut utiliser le renvoi en cours de stage pour camoufler une autre forme de renvoi. Cependant, cela ne veut pas dire que l’employeur est tenu d’être transparent avec l’employé au cours de son stage et de l’informer de ses lacunes au travail afin de lui donner la chance de se corriger. Le gros bon sens et les bonnes pratiques de gestion le voudraient mais le droit ne l’exige pas.

[…]

[110]  Comme dans Tello, je conclus que la fonctionnaire « […] n’a pas établi que le licenciement ne reposait pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant aux aptitudes de l’employé ». Dans cette décision, l’arbitre de grief n’a pas invoqué tous les motifs invoqués par l’employeur pour justifier le renvoi en cours de stage. Il a conclu que deux de ces motifs étaient suffisants pour démontrer une insatisfaction éprouvée de bonne foi.

[111]  La fonctionnaire a cité un certain nombre de décisions, dont certaines n’étaient pas pertinentes à sa situation. Par exemple, elle a inclu O’Leary c. Conseil du Trésor (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2007 CRTFP 10, dans laquelle l’arbitre de grief a statué que l’employeur n’avait pas fourni à M. O’Leary les outils appropriés pour effectuer son travail et qu’il l’a ensuite rétrogradé lorsqu’il n’a pas répondu à ses attentes. Toutefois, l’arbitre de grief a déclaré au début de son analyse que cela reposait sur le fait que M. O’Leary n’était pas en période de probation, puisqu’il occupait déjà un poste de durée indéterminée lorsqu’il a été promu au poste pour lequel il a été rétrogradé. Au paragraphe 288 de la décision, l’arbitre de grief mentionne ce qui suit :

[288] […] Le fonctionnaire a été promu de l’intérieur de la fonction publique et il n’était pas en période de probation. Le fonctionnaire n’étant pas en période de probation, les obligations de l’employeur de l’aider à atteindre le niveau de productivité souhaité sont plus grandes qu’elles l’auraient été s’il avait été en probation. Ce n’est pas une situation dans laquelle l’employeur peut déterminer si le poste convient au fonctionnaire comme ce serait le cas d’un fonctionnaire en probation.

[112]  De même, la conclusion tirée dans Morissette c. Conseil du Trésor (ministère de la Justice), 2006 CRTFP 10, ne s’applique pas à la situation de la fonctionnaire. Mme Morissette était une employée nommée pour une période indéterminée; avant de la renvoyer, l’employeur avait l’obligation de lui donner un avertissement équitable. Il n’existe aucune obligation de ce genre pour les cas de renvois en cours de stage, tel que déclaré dans Kagimbi.

[113]  Dans Lapostolle c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 134, l’arbitre de grief a réduit d’un jour la suspension de trois jours parce qu’à l’audience, l’employeur n’a présenté aucun élément de preuve direct démontrant l’un des éléments de l’inconduite du fonctionnaire. La fonctionnaire a soutenu que, de même, la décision de Mme Pleau de la renvoyer en cours de stage était fondée sur des ouï-dire et ne pouvait donc pas être maintenue.

[114]  Je ne suis pas d’accord pour dire que la décision était fondée sur des ouï-dire, puisque Mme Pleau a reçu des éléments de preuve documentaires directs de Mme Thomson et de Mme Stevens concernant les échanges de courriels avec la fonctionnaire. Elle pouvait constater par elle-même la nature des erreurs et les réponses de la fonctionnaire aux corrections. De plus, bien qu’il soit vrai que Mme Pleau se soit également fondée sur les rapports de M. Howard, il a témoigné directement devant moi. Le problème sous-jacent des ouï-dire est qu’il s’agit d’éléments de preuve qui ne peuvent être évalués en contre-interrogatoire. À l’audience, la fonctionnaire a eu la possibilité d’effectuer un contre-interrogatoire, contrairement à la situation dans Lapostolle.

[115]  Dans Boutziouvis c. Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, 2010 CRTFP 135, l’employeur, qui était un organisme distinct comme le PFNP, a soutenu que la Commission n’avait pas compétence, puisque selon l’employeur l’employée avait été licenciée pour un motif autre que l’inconduite. Pourtant, la lettre de licenciement et les notes prises à la réunion qui visait à aviser l’employée de son licenciement démontraient clairement que l’employée était licenciée pour inconduite.

[116]  Il n’y a aucune indication de ce genre en l’espèce. La lettre de renvoi en cours de stage ne porte pas sur l’inconduite; elle porte plutôt sur le rendement insatisfaisant qui a mené à une conclusion d’inaptitude. La fonctionnaire considérait cela comme une punition pour les erreurs commises et, par conséquent, comme une mesure de nature disciplinaire. Le fait de signaler des erreurs et de s’attendre à ce qu’elles soient corrigées n’a rien à voir avec l’inconduite, qui se rapporte à un comportement inacceptable, selon les normes de l’employeur.

[117]  À l’audience, la fonctionnaire a soutenu que le renvoi en cours de stage était de nature disciplinaire, mais que cela ne faisait pas partie de son grief initial, qui dénonçait plutôt l’injustice du processus et le harcèlement subi de la part de M. Howard. Il s’agit d’un principe bien établi (voir Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109 (C.A.)) selon lequel la nature d’un grief ne peut pas changer à l’audience d’arbitrage. Par conséquent, je n’examine par l’argument quant à la nature disciplinaire.

[118]  D’après la lettre de renvoi et le témoignage des témoins de l’employeur, le renvoi en cours de stage était clairement lié à l’insatisfaction à l’égard du rendement de la fonctionnaire. La lettre qui avisait la fonctionnaire de son renvoi en cours de stage énonçait les motifs suivants pour justifier le renvoi :

[Traduction]

[…]

Comme vous le savez, nous avons eu plusieurs discussions avec vous au sujet de votre rendement tout au long de votre période de probation. L’employeur vous a fait part de ses attentes et vous a donné des conseils pour vous aider à atteindre le niveau de rendement requis pour réussir votre période de probation. Plus précisément, lors de réunions tenues les 4 et 25 novembre 2016, le 16 décembre 2016, les 13 et 20 janvier 2017, les 3 et 10 février 2017, et les 3 et 8 mars 2017, les préoccupations concernant le rendement et les compétences ont été discutées et documentées par votre superviseur immédiat. Au cours de ces réunions, le gestionnaire de la succursale a discuté avec vous de votre manque de conformité aux politiques et aux procédures de FundEX, ainsi que de votre difficulté apparente à refaire la documentation des clients en temps opportun, et vous a informé que ces lacunes particulières étaient des points qui devaient être améliorés afin de réussir dans ce rôle.

Malgré ces discussions, vous n’avez malheureusement pas pris les mesures nécessaires pour remédier aux lacunes susmentionnées ou pour démontrer que vous possédez les compétences requises pour remplir les fonctions du poste de planificateur financier. Ces difficultés témoignent d’un rendement inférieur aux normes, malgré les directives et les instructions claires qui vous ont été données dans le but de vous aider à améliorer votre rendement au niveau requis. Votre défaut d’obtenir des directives ou des instructions lorsque vous n’avez pas été en mesure de vous acquitter des fonctions et des responsabilités de votre poste est tout aussi préoccupant.

Compte tenu de vos difficultés de rendement persistantes et de votre manque d’amélioration, je n’espère plus que la situation s’améliore, ou que vous assumiez vos responsabilités, maintenant ou à l’avenir, au niveau requis pour réussir votre période de probation et vous nommer au poste de planificateur financier. La répétition constante de ces difficultés malgré plusieurs avertissements et votre incapacité à améliorer la situation a maintenant mené à une situation insoutenable.

[…]

[119]  Dans Frezza c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2018 CRTESPF 18, un cas concernant le renvoi en cours de stage d’un employé civil du ministère de la Défense nationale, il y avait une animosité évidente contre l’employé, et le renvoi n’était motivé par aucun motif solide. En l’espèce, j’estime qu’il convient de souligner que Mme Thomson était séparée non seulement du milieu de travail, mais aussi de la hiérarchie de PFNP. Mme Pleau a indiqué très clairement que la détection des erreurs par Mme Thomson avait pesé lourd dans sa décision. Même si la relation entre M. Howard et la fonctionnaire n’était pas harmonieuse, le point de vue de Mme Thomson sur les erreurs commises par la fonctionnaire s’est établi de façon indépendante.

[120]  La fonctionnaire a cité Dyson c. Administrateur général (ministère des Pêches et des Océans), 2015 CRTEFP 58, un cas dans lequel l’arbitre de grief a conclu que le renvoi en cours de stage était en fait de nature disciplinaire, puisque l’employeur n’était pas satisfait du nombre de congés de maladie pris par l’employé. Il a été démontré que les lacunes alléguées en matière de rendement n’étaient pas fondées. Dans ce cas, l’employeur savait clairement que M. Dyson avait des problèmes de santé. La fonctionnaire a soutenu que l’employeur aurait dû savoir qu’elle avait des problèmes de santé, ou aurait dû le lui demander. Je ne vois aucune obligation de ce genre imposée à un employeur, en l’absence d’une indication claire de la part d’un employé portant qu’il a un problème de santé. De plus, en l’espèce, j’estime que le fait que l’employeur se fonde sur les échecs en matière de rendement n’est pas un subterfuge, contrairement à Dyson.

[121]  Les éléments de preuve que j’ai reçus de l’employeur ont amplement documenté ses préoccupations concernant le rendement de la fonctionnaire. Il y a eu des erreurs récurrentes, comme des formulaires incomplets, l’omission de saisir l’aperçu du fonds dans Univeris et l’omission de s’assurer que la procédure appropriée de saisie des données était suivie. On peut constater ces erreurs dans plusieurs courriels, ainsi que dans le tableur élaboré par Mme Pleau. J’accepte également le témoignage de Mme Pleau selon lequel, compte tenu de l’expérience de travail antérieure de la fonctionnaire, elle avait été surprise que Mme Thomson ait signalé tant d’irrégularités.

[122]  La fonctionnaire a affirmé qu’elle avait été mal formée, et elle a blâmé d’autres personnes pour ses erreurs. Elle a souligné le fait que Mme Stevens a critiqué son travail le 8 novembre 2016, malgré le fait qu’elle n’avait commencé à vérifier son travail que le 1er novembre.

[123]  De toute évidence, il aurait été préférable que l’étroite surveillance commence dès que la fonctionnaire a commencé à gérer les dossiers des clients. Mme Stevens aurait pu envoyer un courriel à la fonctionnaire le 7 septembre 2016, dès qu’elle a appris que la fonctionnaire était inscrite auprès de FundEX, pour lui rappeler de faire préapprouver tous les documents avant de les envoyer à FundEX. Cela étant dit, je ne pense pas que cela aurait changé quelque chose, car les erreurs ont continué d’être commises après le début de la surveillance directe de Mme Stevens en novembre et malgré plusieurs rappels de Mme Thomson, bien après que des erreurs ont été signalées à la fonctionnaire. Elle a souligné à juste titre que le courriel de Mme Stevens détaillant ses erreurs une semaine seulement après qu’elle a commencé à la surveiller était quelque peu injuste. Néanmoins, j’estime qu’il est troublant que les erreurs concernent, comme l’a déclaré Mme Stevens, des normes de l’industrie, et non pas des particularités de FundEX ou de la SISIP.

[124]  La fonctionnaire n’a fourni aucune explication raisonnable justifiant l’erreur de ne pas remplir complètement les FOC, ou de ne pas fournir les aperçus du fonds à ses clients et de ne pas les saisir dans Univeris. Elle prétend que M. Howard a refusé d’examiner les formulaires qu’elle a envoyés. M. Howard n’a pas été contre-interrogé sur ce point. Selon son témoignage, il avait cru comprendre que Mme Stevens examinait les formulaires. Il est difficile d’imaginer que, si on le lui avait demandé directement, il n’aurait pas demandé à la fonctionnaire d’envoyer les formulaires pour que Mme Stevens les préapprouve.

[125]  La fonctionnaire a également souligné que l’employeur avait commencé à envisager le renvoi en cours de stage au début du mois de novembre, alors qu’elle n’avait pas encore été dûment surveillée. Cependant, le renvoi n’a pas eu lieu à ce moment-là. Le fait est que l’employeur lui a donné l’occasion de corriger ses erreurs.

[126]  Il est quelque peu difficile d’accepter le fait que la fonctionnaire n’assume pas la responsabilité du traitement approprié des formulaires envoyés à FundEX. Elle a signé une lettre au début du mois de septembre, reconnaissant son obligation de lire et d’appliquer le MPPC, mais elle n’en a jamais demandé une copie; elle s’attendait à en recevoir une. Elle connaissait l’industrie et l’importance de la conformité et des règles; sa connaissance de l’industrie est la raison pour laquelle elle a été embauchée. Le courriel que M. Howard lui a envoyé le 6 septembre 2016 montrait que le gestionnaire de la succursale chargé de la conformité à FundEX était Mme Stevens. J’ai déclaré plus haut que Mme Stevens aurait peut-être dû communiquer le 7 septembre 2016. La fonctionnaire aurait également pu s’enquérir du sens de [traduction] « gestionnaire de la succursale chargé d’assurer la conformité à FundEX ».

[127]  Au-delà de la mauvaise formation, la fonctionnaire a également mentionné le fait qu’elle s’était sentie harcelée, au point que cela lui causait de graves problèmes médicaux. Pourtant, elle n’a donné à l’employeur aucune indication de problèmes de santé pendant sa période d’emploi.

[128]  La fonctionnaire a également déclaré qu’on ne lui avait donné aucun avertissement approprié selon lequel elle risquait d’être licenciée avant qu’elle ne soit licenciée. Elle savait qu’elle était en cours de stage et elle a reçu de nombreux signes d’insatisfaction, de la part tant de FundEX que de M. Howard. Je ne peux pas croire que le renvoi en cours de stage ait été une surprise, alors qu’elle a pris bon nombre de congés pour éviter une situation qu’elle considérait comme toxique. Il serait difficile de croire qu’elle pensait véritablement que l’employeur était satisfait de son rendement. Elle a reçu des rétroactions positives; tel que mentionné, elle offrait un bon service aux clients. Malheureusement, les éléments négatifs sont devenus plus importants, et elle ne pouvait pas les nier. Elle savait qu’elle avait du mal à garder le rythme. Quoi qu’il en soit, tel qu’indiqué dans Kagimbi, un avertissement juste ne fait pas partie du critère juridique applicable pour déterminer si un renvoi en cours de stage était raisonnable.

[129]  Était-il raisonnable pour l’employeur de penser que la fonctionnaire ne convenait pas? De son point de vue, sans aucune autre explication de la part de la fonctionnaire, les choses ne fonctionnaient tout simplement pas. M. Howard n’était pas satisfait de la refonte de la documentation et des erreurs qu’elle semblait ignorer. Mme Thomson a signalé un certain nombre d’erreurs qui constituaient des exigences réglementaires fondamentales, comme remplir des formulaires, apporter des mises à jour en temps opportun et fournir des renseignements sur les fonds d’investissement. La fonctionnaire ne semblait pas améliorer son rendement. Il était raisonnable pour l’employeur de penser qu’elle ne convenait pas à l’emploi et au milieu de travail et, par conséquent, de procéder à son renvoi en cours de stage. Je conclus que la décision de l’employeur de la renvoyer en cours de stage était fondée sur un motif lié à l’emploi. Par conséquent, la Commission n’a pas compétence pour intervenir.

[130]  Cela étant, le grief doit être rejeté.

[131]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI.  Ordonnance

[132]  Les pièces suivantes sont mises sous scellés : E-1; E-5; E-6; E-13; G-6, onglets 1 et 14; et G-1, onglet 34.

[133]  Le grief est rejeté.

Le 12 février 2020.

Traduction de la CRTESPF

 

Marie-Claire Perrault,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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