Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés étaient employés par l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA), qui est un employeur distinct – ils occupaient des postes classifiés au sein du groupe Systèmes d’ordinateurs (CS) – outre leurs salaires, ils recevaient une indemnité provisoire, qui constitue une forme d’ajustement au marché versée en sus des salaires, et dont la négociation s’accompagne d’une date de fin précise qui doit être reportée pour assurer le maintien de l’indemnité – le 15 novembre 2011, les fonctionnaires s’estimant lésés ont été mutés à Services partagés Canada (SPC), devenant des employés du Conseil du Trésor (CT), et ils ont été placés dans l’unité de négociation du groupe CS du CT – ils ont continué à être représentés par le même agent négociateur, soit l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) – à l’époque de la mutation, le CT et l’IPFPC ont convenu que les fonctionnaires s’estimant lésés continueraient à travailler selon les conditions d’emploi de l’ACIA jusqu’à la conclusion d’une nouvelle convention collective visant l’unité de négociation CS – les conditions d’emploi prévoyaient le versement de l’indemnité provisoire, que les fonctionnaires s’estimant lésés ont continué de recevoir après leur mutation – le 14 décembre 2012, le CT a signé une nouvelle convention collective avec l’IPFPC pour l’unité de négociation CS, qui s’appliquait aux fonctionnaires s’estimant lésés – elle ne prévoyait aucune indemnité provisoire – par conséquent, le dernier jour pour lequel les fonctionnaires s’estimant lésés ont reçu une indemnité provisoire a été le 13 décembre 2012 – en novembre 2013, l’ACIA a signé une nouvelle convention collective avec l’IPFPC pour l’unité de négociation CS, qui prévoyait des augmentations de salaire rétroactives à juin 2011 et supprimait l’indemnité provisoire en l’intégrant rétroactivement à la rémunération, en tout ou en partie, à compter du 1er juin 2011 – les fonctionnaires s’estimant lésés ont reçu les augmentations de salaire rétroactives pour la période visée jusqu’à leur mutation à SPC en novembre 2011 – à la suite de la signature de la convention collective de l’ACIA de 2013, SPC a recouvré l’indemnité provisoire versée aux fonctionnaires s’estimant lésés pour la période du 15 novembre 2011 au 13 décembre 2012 – SPC a soutenu que la modification rétroactive des conditions dans la convention collective de l’ACIA de 2013 justifiait le recouvrement de l’indemnité provisoire versée aux fonctionnaires s’estimant lésés après leur mutation à SPC – SPC a aussi soutenu que l’indemnité provisoire versée aux fonctionnaires s’estimant lésés au cours de cette période de 13 mois équivalait à un cumul de paiements – la Commission a rejeté ces arguments – la Commission a conclu qu’à l’époque où le CT a signé la convention collective avec l’IPFPC en 2012, les parties savaient ou auraient dû savoir que la question de l’indemnité provisoire toucherait les employés mutés – elles auraient pu négocier un libellé transitoire au sujet de l’indemnité provisoire, mais elles ne l’ont pas fait – la Commission a conclu qu’aucun fondement raisonnable ne permettait à SPC de recouvrer l’indemnité au titre de la convention collective de l’ACIA de 2013, que l’ACIA, un employeur distinct, avait signée.

Griefs accueillis.

Contenu de la décision

Date:  20200225

Dossier: 566-02-10811 à 10848

 

Référence:  2020 CRTESPF 20

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

JOY Bell, JEREMY BELL, OLIVIER BELL, MARC-ANTOINE BÉORD, MARC BOUTIN, STEPHEN E. BRIDSON, DARREN A. CAMPAGNE, CAROL COOKE, DANIELLE D’AMICO, FARAH DIRIE, MARY DOGGETT, PATRICK JAMES EMERY, PETER GALAN, MARK GAUTHIER, MARTIAL GAUTHIER, IVAN GLUSCIC, ELIZABETH GODON, JEFF GRAHAM, JOHN HIGGINSON, PIERRE JEAN, JEAN LEBLANC, TIM LEBLANC, JEFFREY T. LOWE, DOUGLAS D. LITTAY, PHILIPPE MARAZZANI, ANDREW M. MATHESON, SAMUEL T. MCCLINTOCK, RAYLENE M. MCCREADY, RICHARD PICHETTE, MICHEL RANGER, TONYA SHORTILL, KEVIN C. SMITH, BING SO, ROBERT A. ST. AMAND, DONNA C. THOMAS, BOB J. THÉBERGE, JOHN K. STEWART ET STEPHEN THUSWALDNER

fonctionnaires s’estimant lésés

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Services partagés Canada)

 

employeur

Répertorié

 Bell c. Conseil du Trésor (Services partagés Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

 

Devant :  David Orfald, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

 

Pour les fonctionnaires s’estimant lésés :  Erica Bernstein et Tia Hazra, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

 

Pour l’employeur :  Simon Deneau, avocat

Décision rendue sur la base d’arguments écrits

déposés les 1er et 18 septembre et le 18 octobre 2017,

et d’arguments présentés de vive voix lors d’une

 conférence préparatoire tenue le 10 décembre 2019.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

I.  Introduction

[1]   La présente affaire consiste à décider si les 38 fonctionnaires s’estimant lésés dont les noms sont énumérés sur la page couverture de la présente décision (les « fonctionnaires ») sont en droit de conserver l’indemnité provisoire qui leur a été versée à la suite de leur mutation de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) à Services partagés Canada (SPC), le 15 novembre 2011. Les indemnités provisoires constituent une forme d’ajustement au marché qui est payé en sus des salaires, et dont la négociation s’accompagne d’une date de fin précise qui doit être reportée pour assurer le maintien de l’indemnité.

[2]  Les fonctionnaires occupaient des postes classifiés au sein du groupe Systèmes d’ordinateurs (CS) à l’ACIA. À ce titre, ils faisaient partie de l’unité de négociation du groupe Informatique (IN) de l’ACIA (l’« unité ACIA-IN »).

[3]  Dès la mutation à SPC, les fonctionnaires sont devenus des employés du Conseil du Trésor (CT) plutôt que des employés de l’ACIA, qui est un employeur distinct. Au CT, ils ont été placés dans l’unité de négociation du groupe CS (l’« unité CT-CS »).

[4]  Tant à l’ACIA qu’à SPC, les fonctionnaires faisaient partie d’unités de négociation représentées par l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC).

[5]  À l’époque de la mutation, les conventions collectives de l’unité ACIA-IN et de l’unité CT-CS étaient venues à échéance, et les parties étaient en train de négocier leur renouvellement.

[6]  À l’époque de la mutation, le CT et l’IPFPC ont convenu que les anciens employés de l’ACIA continueraient à travailler selon les conditions qui avaient été mises en place pour l’unité ACIA-IN jusqu’à la conclusion d’une nouvelle convention collective visant l’unité CT-CS.

[7]  Les conditions d’emploi de l’ACIA prévoyaient le versement d’une indemnité provisoire aux employés qui occupaient des postes du groupe CS, indemnité que les fonctionnaires devaient continuer de recevoir après leur mutation.

[8]  Le CT et l’IPFPC ont signé une nouvelle convention collective pour l’unité CT-CS le 14 décembre 2012 (la « Convention collective CT-IPFPC 2012 », qui venait à échéance le 21 décembre 2014). Cette convention s’appliquait aux fonctionnaires. Elle ne prévoyait aucune indemnité provisoire. Par conséquent, le dernier jour pour lequel ceux‑ci ont reçu une indemnité provisoire a été le 13 décembre 2012.

[9]  En novembre 2013, l’ACIA et l’IPFPC ont signé à l’intention de l’unité ACIA-IN une nouvelle convention collective (la « Convention collective ACIA-IPFPC 2013 »), qui prévoyait des augmentations de salaire rétroactives à juin 2011. Cette convention supprimait l’indemnité provisoire en l’intégrant rétroactivement à la rémunération, en tout ou en partie, à compter du 1er juin 2011.

[10]  À la suite de la signature de cette convention, SPC a recouvré l’indemnité provisoire versée aux fonctionnaires pour la période du 15 novembre 2011 au 13 décembre 2012. Comme il s’agissait d’une période de 13 mois, les montants recouvrés variaient entre 2 300 $ et 3 200 $ par fonctionnaire.

[11]  Les fonctionnaires ont allégué que le recouvrement de l’indemnité provisoire constituait une violation de la Convention collective CT‑IPFPC 2012. Leur argumentation mettait principalement l’accent sur la teneur d’un protocole d’entente figurant à l’annexe G de la convention, qui s’intitulait « Protocole d’entente – Services partagés Canada » (le « PE de l’annexe G » ou le « PE ») et qui avait été négocié afin d’établir les taux de rémunération des employés de plusieurs employeurs distincts qui étaient mutés à SPC, y compris ceux de l’ACIA. Ce PE ne fait pas mention de l’indemnité provisoire.

[12]  L’employeur fait valoir que la Convention collective ACIA‑IPFPC 2013 a eu pour effet de modifier rétroactivement les conditions d’emploi des fonctionnaires pour la période du 15 novembre 2011 au 13 décembre 2012, et que, par conséquent, le recouvrement de l’indemnité provisoire était justifié. Il a aussi soutenu que l’indemnité provisoire versée aux fonctionnaires au cours de cette période de 13 mois équivalait à un cumul de paiements.

[13]  Pour les motifs exposés ci‑dessous, j’estime qu’à l’époque où la Convention collective CT‑IPFPC 2012 a été signée, les parties savaient ou auraient dû savoir que la question de l’indemnité provisoire toucherait les employés mutés. Elles auraient pu négocier un libellé transitoire au sujet de l’indemnité provisoire. Elles ne l’ont pas fait. Aucun fondement raisonnable ne permettait à SPC de recouvrer l’indemnité au titre de la Convention collective ACIA‑IPFPC 2013, une convention collective signée par un employeur distinct. Par conséquent, les griefs sont accueillis.

II.  Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

[14]  À la suite du recouvrement de l’indemnité provisoire par l’employeur, 38 griefs en tout, qui avaient tous le même libellé, ont été déposés au cours de la période d’octobre à décembre 2014. La plupart d’entre eux ont été déposés en anglais, et quelques‑uns en français. Parmi les fonctionnaires, 15 personnes occupaient un poste classifié au groupe et au niveau CS-02, 19 d’entre elles un poste classifié au groupe et au niveau CS-03, et les quatre autres, un poste classifié au groupe et au niveau CS-04. La majorité de ces fonctionnaires, mais pas tous, étaient basés dans la région de la capitale nationale.

[15]  Après avoir été rejetés aux deuxième et dernier paliers de la procédure de règlement des griefs, les griefs ont été renvoyés à l’arbitrage le 18 février 2015.

[16]  Les renvois ont été faits à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP), ainsi dénommée à l’époque. Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP pour qu’il devienne la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »).

[17]  À la suite d’une conférence préparatoire avec les parties le 8 août 2017, la Commission a ordonné que l’affaire soit tranchée sur la base d’arguments écrits. Le 1er septembre 2017, les parties ont présenté un énoncé conjoint des faits étayé par sept pièces. Les arguments des fonctionnaires ont également été présentés ce jour‑là. Ceux de l’employeur ont été présentés le 18 septembre 2017, et les répliques des fonctionnaires, le 18 octobre 2017.

[18]  J’ai été affecté en qualité de formation de la Commission le 15 octobre 2019, afin de trancher ces griefs.

[19]  Après avoir examiné les arguments des parties, j’ai invité celles‑ci à présenter des observations supplémentaires sur deux décisions de la Commission qui pouvaient à mon avis être pertinentes en l’espèce, l’une rendue en 2018, et l’autre, en 2019. Les parties ont présenté leurs observations supplémentaires à l’occasion d’une conférence préparatoire tenue en personne le 10 décembre 2019.

III.  Résumé de la preuve

A.  Statut des employés à la date de la mutation

[20]  En 2011, le gouvernement fédéral a créé SPC à titre d’organisme central chargé de fournir le courrier électronique, un centre de données et des services de soutien de réseau à 43 ministères et organismes fédéraux. En conséquence, un grand nombre d’employés ont été mutés de ces ministères et organismes à SPC.

[21]  Le mécanisme utilisé pour muter les employés est un décret en Conseil qui a été prononcé le 15 novembre 2011, en vertu de la Loi sur les restructurations et les transferts d’attributions dans l’administration publique (L.R.C. (1985), ch. P-34).

[22]  Bien que la majorité des employés aient fait partie de l’administration publique centrale et aient simplement été mutés à SPC, certains ont été mutés à partir d’organismes distincts, dont les plus importants étaient l’ACIA, l’Agence du revenu du Canada et l’Agence Parcs Canada.

[23]  La majorité des employés du nouvel organisme ont été affectés à des postes classifiés en vertu de la norme des CS, tant avant qu’après la mutation.

[24]  Avant la mutation, les 38 fonctionnaires étaient à l’emploi de l’ACIA au sein de l’unité ACIA-IN et étaient assujettis à la convention collective conclue avec l’IPFPC, qui avait été signée le 9 juin 2009 et venait à échéance le 30 mai 2011 (la « Convention collective ACIA‑IPFPC 2009 »). À compter de la mutation, l’ACIA et l’IPFPC ont entamé le processus de négociation du renouvellement de la convention collective de cette unité.

[25]  Dès leur mutation à l’administration publique centrale, les fonctionnaires ont été joints à l’unité CT-CS. En novembre 2011, les employés du groupe CS ont été assujettis à une convention collective conclue entre le CT et l’IPFPC, qui a été signée le 17 juin 2009 et qui venait à échéance le 21 décembre 2010 (la « Convention collective CT‑IPFPC 2009 »). À compter de la mutation, le CT et l’IPFPC ont entamé le processus de négociation du renouvellement de la convention collective de l’unité CT-CS.

[26]  Toutefois, les fonctionnaires n’ont pas été immédiatement assujettis à la convention collective CT‑IPFPC. L’énoncé conjoint des faits indique que [traduction] « [l]es parties conviennent que, jusqu’à la date d’entrée en vigueur de la nouvelle convention collective IPFPC-CS, les fonctionnaires conserveront les conditions d’emploi qu’ils avaient à l’ACIA ». Dans les griefs, cette disposition est considérée comme un [traduction] « […] gel de mes conditions de travail en place à la suite de ma mutation […] ». Qu’il s’agisse d’un accord ou d’un gel, après le 15 novembre 2011, les fonctionnaires ont continué d’être régis par la Convention collective ACIA‑IPFPC 2009.

[27]  La Convention collective ACIA‑IPFPC 2009 prévoit les taux de rémunération associés aux niveaux du groupe CS à l’annexe A, qui énonce aussi les dispositions concernant le versement de l’indemnité provisoire. Il convient de noter que ce qui suit est également mentionné à l’annexe A : [traduction] « c) L’indemnité provisoire susmentionnée ne fait pas partie du salaire de l’employé ».

[28]  Les taux de rémunération et l’indemnité provisoire en vigueur à l’ACIA à compter de la date de la mutation étaient les suivants :

Niveau du groupe CS

Traitement maximal (selon la Convention collective ACIA-IPFPC 2009) indiqué à la ligne C, en vigueur au 1er juin 2010

Indemnité provisoire – montant annuel (selon la Convention collective ACIA‑IPFPC 2009)

CS-02

 

75 130

2 112

CS-03

 

90 123

2 544

CS-04

 

103 358

2 976

B.  Le 14 décembre 2012

[29]  Le 14 décembre 2012, le CT et l’IPFPC ont signé la Convention collective CT‑IPFPC 2012. Dès la signature de cette convention, les fonctionnaires ont cessé d’être régis par la Convention collective ACIA‑IPFPC 2009.

[30]  Lorsqu’ils ont conclu la nouvelle convention collective, le CT et l’IPFPC ont négocié diverses dispositions précises régissant les employés du groupe CS qui appartenaient à l’organisme distinct et étaient mutés à SPC, notamment les fonctionnaires. L’une des formes que ces dispositions ont prises a été le PE de l’annexe G.

[31]  Le PE de l’annexe G réglemente la gestion des différences salariales entre les personnes à l’emploi d’un organisme distinct et celles à l’emploi du CT. À l’article 1, la section « Taux de rémunération » du PE traite des cas dans lesquels le taux de rémunération des employés d’un organisme distinct est égal ou inférieur à ceux du CT. Il y est indiqué ce qui suit :

1. Un employé dont le taux de rémunération avant son transfert le 15 novembre 2011, donc en date du 14 novembre 2011, était égal ou inférieur au taux de rémunération maximal pour le groupe des Systèmes d’ordinateurs (CS) correspondant et au niveau applicable pour son poste d’attache au moment de son transfert le 15 novembre 2011 recevra la rémunération spécifiée à l’appendice « A » au taux de rémunération CS correspondant pour le niveau applicable à son poste d’attache, et sera assujetti aux dispositions de l’Article 47 – Administration de la rémunération.

[32]  Les articles 2 à 4 traitent des cas où le taux de rémunération d’un employé d’un organisme distinct est supérieur aux taux maxima du CT, et ils indiquent ce qui suit :

2. Un employé dont le taux de rémunération avant son transfert le 15 novembre 2011, donc en date du 14 novembre 2011, était supérieur au taux de rémunération maximal pour le groupe des Systèmes d’ordinateurs (CS) correspondant et au niveau applicable pour son poste d’attache au moment de son transfert le 15 novembre 2011 recevra un « taux de retenue », qui demeurera en vigueur :

pendant toute la durée du présent protocole d’entente;

ou

jusqu’au moment où le taux de rémunération maximal pour le groupe CS correspondant et le niveau applicable pour son poste d’attache au moment de son transfert le 15 novembre 2011 sera égal ou supérieur au taux de retenue de l’employé.

3. Un employé rémunéré à un taux de retenue à la date d’entrée en vigueur d’une augmentation salariale recevra un paiement forfaitaire non composé équivalent à un rajustement en pourcentage calculé en fonction de son taux de retenue, en remplacement de l’augmentation économique. Dans les situations où le calcul d’une augmentation économique donnerait lieu à un salaire excédant le taux d’emploi courant de l’employé, la différence sera versée sous la forme d’un paiement forfaitaire unique.

4. En date du 1er avril 2014, un employé rémunéré à un taux de retenue qui continue de dépasser celui du groupe correspondant CS et le niveau applicable à son poste d’attache, aura son taux de rémunération ajustée en fonction des règles de mutation dans la Directive sur les conditions d’emploi.

[33]  La Convention collective CT‑IPFPC 2012 met aussi en vigueur, rétroactivement, les nouveaux taux de rémunération du groupe CS. Le tableau ci‑dessous indique les taux de rémunération maxima correspondant aux niveaux des fonctionnaires dans cette convention, en comparaison des taux de rémunération maxima à l’ACIA :

Niveau du groupe CS

Taux de rémunération maxima à l’ACIA (selon la Convention collective ACIA‑IPFPC 2009)

Convention collective CT-IPFPC 2012

 

Taux du CT en vigueur au 22 décembre 2010 (ligne A)

Taux du CT en vigueur au 22 décembre 2011, à la suite de l’augmentation et de la restructuration (ligne X)

CS-02

75 130

77 103

78 452

 

CS-03

90 123

92 286

94 004

 

CS-04

103 358

105 692

107 833

 

[34]  Compte tenu de la convention, les nouveaux taux du CT en vigueur le jour de la mutation, le 15 novembre 2011, étaient ceux qui avaient pris effet le 22 décembre 2010. Le PE de l’annexe G exigeait qu’une comparaison soit établie entre le taux de rémunération avant la mutation (par exemple, le taux maximum de 75 130 $ du groupe CS-02 à l’ACIA) et le taux maximum du CT indiqué à la ligne A (p. ex., CS-02 : 77 103 $).

[35]  Aux trois niveaux, les taux maxima du CT étaient supérieurs aux taux maxima de l’ACIA. Par conséquent, les fonctionnaires auraient été assujettis à l’article 1 du PE de l’annexe G et auraient été rémunérés rétroactivement, conformément à la ligne A, à compter du 15 novembre 2011.

[36]  Également par suite de la convention, les fonctionnaires auraient reçu une autre augmentation de salaire peu de temps après cela, à compter du 22 décembre 2011. Étant donné que la convention a été signée le 14 décembre 2012, les deux modifications salariales auraient été apportées rétroactivement.

[37]  La Convention collective CT-IPFPC 2012 ne prévoyait aucune indemnité provisoire. Le libellé du PE de l’annexe G ne fait pas allusion à l’indemnité provisoire. Les fonctionnaires ont cessé de recevoir l’indemnité provisoire à compter du 14 décembre 2012.

C.  Le 29 novembre 2013

[38]  Le 29 novembre 2013, l’ACIA et l’IPFPC ont signé une nouvelle convention collective à l’intention de l’unité ACIA-IN (la Convention collective ACIA‑IPFPC 2013), qui venait à échéance le 31 mai 2014. Cette convention prévoyait les taux de rémunération annuels mis en vigueur rétroactivement au 1er juin 2011 (c’est-à-dire, avant la mutation). Les taux de rémunération du 1er juin 2011 comportaient une restructuration salariale et une augmentation économique. Les notes de cette convention concernant la rémunération indiquaient que, [traduction] « À compter du 1er juin 2011 – restructuration (intégration de l’indemnité provisoire : 100 p. 100 aux niveaux CS-01 et CS-02, 90 p. 100 aux niveaux CS-03, CS-04 et CS-05) ». Aucune disposition ne faisait mention de l’indemnité provisoire.

[39]  Pour les trois niveaux en cause, les taux de rémunération de l’ACIA qui ont été mis en vigueur rétroactivement au 1er juin 2011 se trouvent dans la troisième colonne du tableau ci‑dessous :

Convention collective CT-IPFPC 2012

 

Taux de rémunération maxima de l’ACIA (selon la Convention collective ACIA-IPFPC 2009)

Taux maxima révisés de l’ACIA au 1er juin 2011 (selon la Convention collective ACIA-IPFPC 2013), ligne A

Convention collective CT-IPFPC 2012

 

Taux du CT en vigueur au 22 décembre 2010 (ligne A)

Taux du CT en vigueur au 22 décembre 2011, après l’augmentation et la restructuration (ligne X)

CS-02

 

75 130

78 594

77 103

78 452

 

CS-03

 

90 123

94 030

92 286

94 004

 

CS-04

 

103 358

107 892

105 692

107 833

 

[40]  Si nous comparons les taux de rémunération maxima révisés à compter de la mutation à ceux en vigueur au CT (la quatrième colonne), il est évident que les taux révisés de l’ACIA étaient supérieurs à ceux du CT en vigueur au 15 novembre 2011. Les parties n’ont pas pu confirmer si des fonctionnaires avaient été rémunérés rétroactivement, conformément aux articles 2 à 4 du PE de l’annexe G.

D.  Été et automne 2014 – le recouvrement des griefs

[41]  Entre juillet et septembre 2014, SPC a annoncé qu’il assimilait le paiement de l’indemnité provisoire versée au cours de la période du 15 novembre 2011 au 13 décembre 2012 à un trop-payé, et qu’il recouvrirait ces sommes auprès des employés qui avaient été mutés de l’ACIA à SPC.

[42]  Les montants exacts du recouvrement n’ont pas été présentés en preuve, et les parties ont mentionné que l’application des droits respectifs de chacun des fonctionnaires prévus à la convention collective, y compris la mise en œuvre de nouvelles conventions collectives, [traduction] « […] entraînait diverses répercussions financières sur chacun des fonctionnaires à titre individuel, en fonction du niveau de son poste et de sa situation personnelle ». Mais l’indemnité provisoire a été recouvrée et, entre octobre et décembre 2014, les 38 griefs ont été déposés.

[43]  Une réponse aux griefs au deuxième palier a été présentée le 18 novembre 2014. L’employeur y a répondu en indiquant notamment ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Par suite de la signature de la nouvelle convention collective de l’ACIA pour le groupe CS le 29 novembre 2013, les indemnités provisoires (IP) ont été supprimées et intégrées au salaire rétroactivement au 1er juin 2011. Ces révisions salariales ont eu un effet rétroactif sur votre salaire réel à compter du 14 novembre 2011. Compte tenu de ces nouvelles dispositions, l’IP fait désormais partie de votre nouvelle rémunération. Par conséquent, vous aviez droit à votre salaire révisé conformément à votre nouvelle convention. Afin de revoir votre rémunération et de la verser comme il convenait à compter du 15 novembre 2011, nous avons dû recouvrer l’IP. Si nous ne l’avions pas fait, vous auriez reçu le même montant en double.

[…]

[44]  L’employeur a répondu aux griefs au dernier palier le 27 mai 2015, en déclarant en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] Le 29 novembre 2013, l’ACIA et l’IPFPC ont signé une nouvelle convention collective comportant une date d’entrée en vigueur rétroactive au 1er juin 2011.

Par conséquent, le 14 novembre 2011, vous avez été assujetti‑e aux conditions d’emploi de la convention collective conclue entre l’ACIA et l’IPFPC, qui a été signée le 29 novembre 2013. Cette convention ne comporte aucune disposition prévoyant le versement d’une indemnité provisoire.

Par conséquent, je suis convaincu que vous n’étiez pas admissible au versement d’une indemnité provisoire du 15 novembre 2011 au 13 décembre 2012.

[…]

E.  La fin de l’indemnité provisoire pour le groupe CS au CT

[45]  En vue de la conférence préparatoire, les parties ont été invitées à préciser si le versement de l’indemnité provisoire avait pris fin pour les employés du groupe CS au CT, et quand il avait pris fin. Les parties ont convenu que les employés de l’unité CT-CS jouissaient d’une disposition relative à l’indemnité provisoire dans les conventions collectives qui ont expiré en 2002, en 2004 et en 2007. Dans la dernière, la convention collective CT‑IPFPC du groupe CS signée le 25 juillet 2006, qui venait à échéance le 21 décembre 2007, le PE prévoyait la cessation de l’indemnité provisoire le 20 décembre 2006. Une restructuration de la rémunération à taux fixe a pris effet le 21 décembre 2006, un jour après l’expiration de l’indemnité provisoire, et les nouveaux taux de rémunération ont été mis en œuvre le 22 décembre 2006.

[46]  La convention de renouvellement des parties a été la Convention collective CT‑IPFPC 2009. Aucune indemnité provisoire n’était en vigueur pendant la durée de cette convention, qui était en place le jour où la mutation a eu lieu et l’est restée jusqu’à la signature de la Convention collective CT-IPFPC 2012.

F.  Résumé des conventions collectives auxquelles il est fait renvoi dans la présente décision

[47]  En tout, quatre conventions collectives désignées sont mentionnées à plusieurs reprises dans la présente décision. Par conséquent, je vais revoir brièvement les quatre conventions en discussion :

  • La Convention collective ACIA‑IPFPC 2009 a été signée le 9 juin 2009, pour l’unité de négociation ACIA-IN, et venait à échéance le 31 mai 2011 (pièce 5). C’était la convention en vigueur pour les fonctionnaires juste avant le jour de la mutation.

  • La Convention collective CT‑IPFPC 2009 a été signée le 17 juin 2009, pour l’unité de négociation CT-CS, et venait à échéance le 21 décembre 2010 (pièce 9). C’était la convention en vigueur pour l’unité CT-CS le jour de la mutation.

  • La Convention collective CT-IPFPC 2012 a été signée le 14 décembre 2012, pour l’unité CT-CS, et venait à échéance le 21 décembre 2014 (pièce 6). C’est la convention collective qui comporte le PE de l’annexe G.

  • La Convention collective ACIA-IPFPC 2013 a été signée le 29 novembre 2013, pour l’unité de négociation ACIA-IN (pièce 7).

IV.  Questions à trancher

[48]  Comme je l’explique dans mes motifs plus loin dans la présente décision, les griefs portent sur l’interprétation ou l’application de la Convention collective CT‑IPFPC 2012. Par conséquent, la question à trancher est la suivante : l’employeur a‑t‑il enfreint la convention collective lorsqu’il a recouvré l’indemnité provisoire versée aux fonctionnaires durant la période du 15 novembre 2011 au 13 décembre 2012?

V.  Résumé de l’argumentation

A. Pour les fonctionnaires

[49]  Les fonctionnaires ont soutenu qu’un arbitre de grief devrait être guidé par le libellé clair et habituel de la convention collective, sauf si cela risque de donner lieu à une absurdité ou d’être incompatible avec le reste de la convention collective. Pour étayer ce principe général, les fonctionnaires ont cité Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition, au paragraphe 4:2100, Foote c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2009 CRTFP 142, aux paragraphes 24 à 28, et United Nurses of Alberta, Local 121-R v. Calgary Regional Authority, [2000] A.G.A.A. no 69 (QL).

[50]  En raison du fait que le PE de l’annexe G ne comporte aucun libellé transitoire concernant l’indemnité provisoire, l’employeur n’était pas autorisé à recouvrer rétroactivement les indemnités, ont fait valoir les fonctionnaires. Étant donné qu’il n’est fait mention d’aucune restriction à l’indemnité provisoire, il ne faut pas en sous‑entendre une.

[51]  À l’appui de cette argumentation, les fonctionnaires ont souligné la clause 49.02 de la Convention collective CT‑IPFPC 2012, qui est ainsi libellée : [traduction] « À moins d’indications contraires précises, les dispositions de la présente convention entreront en vigueur le jour de sa signature ». Étant donné que la convention de 2012 ne prévoyait aucune indemnité provisoire, la clause 49.02 explique pourquoi l’indemnité provisoire a pris fin le 14 décembre 2012. Par conséquent, à compter de cette date, les fonctionnaires n’y avaient plus droit à l’avenir.

[52]  Pour les fonctionnaires, le fait que le libellé du PE de l’annexe G et celui de la Convention collective CT-IPFPC 2012 (à l’article 47) étaient clairs au sujet des taux de rémunération rétroactifs, et qu’ils ne prévoyaient pas le retrait rétroactif de l’indemnité provisoire, suffisait pour conclure que le recouvrement de l’indemnité provisoire constituait une violation de la convention. En l’absence de disposition claire annulant rétroactivement l’indemnité dans la convention de 2012, les mesures de l’employeur visant à recouvrer les indemnités doivent être considérées comme une violation de la convention collective.

[53]  Les fonctionnaires ont soutenu que [traduction] « […] les parties qui ont négocié l’annexe ont été subtiles et, par conséquent, si elles ont appliqué une interprétation fondée sur le sens clair, on doit présumer que le libellé sur lequel elles se sont entendues devrait s’appliquer pour résoudre le différend devant la présente Commission ».

[54]  Les fonctionnaires ont aussi soutenu que si les parties ont convenu d’appliquer des restrictions aux droits, aucune restriction ne devrait s’appliquer si aucune n’est mentionnée. Ils ont soutenu que la Commission et ses prédécesseurs l’avaient conclu dans une série d’affaires, notamment Delios c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 133 (confirmée dans 2015 CAF 117), Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Agence du revenu du Canada, 2016 CRTEFP 77 (« IPFPC c. ARC »), et Fehr c. Agence du revenu du Canada, 2017 CRTESPF 17 (confirmée dans 2018 CAF 159). Chacune de ces affaires portait sur l’interprétation des dispositions en matière de congés dans deux conventions collectives. Dans IPFPC c. ARC, aux paragraphes 107 et 108, la CRTEFP a conclu ce qui suit :

[107] À mon avis, il ressort clairement que, dans la convention collective de 2012, lorsque les parties ont souhaité imposer des restrictions, des exclusions, ou encore des exclusions aux restrictions, sur les congés, elles l’ont fait.

[108] De plus, il ressort clairement que, lorsque les parties ont souhaité inclure une disposition transitoire à la convention collective de 2012, elles l’ont fait. […]

[55]  Par conséquent, ont fait valoir les fonctionnaires, il convient de noter qu’à la clause 19.08 de la Convention collective CT‑IPFPC 2012, les parties ont négocié un libellé transitoire précis concernant la gestion de l’indemnité de départ des employés mutés d’un autre employeur ou d’une autre unité de négociation. Plus particulièrement, la clause 19.08 précise comment l’« indemnité de départ » doit s’appliquer aux employés qui sont nommés dans l’unité de négociation à partir d’une autre où les anciennes dispositions concernant l’indemnité de départ existaient encore.

[56]  Étant donné que les parties ont été suffisamment subtiles pour négocier des dispositions transitoires concernant les taux de rémunération (dans le PE de l’annexe G) et l’indemnité de départ (à la clause 19.08), au vu de l’absence de disposition transitoire explicite concernant l’indemnité provisoire, il ne faudrait en imposer aucune.

[57]  Il a été explicitement indiqué que l’indemnité provisoire versée à l’ACIA ne faisait pas partie du salaire et que, par conséquent, elle ne pouvait pas être assimilée rétroactivement à une partie du salaire en l’absence de dispositions précises, ont fait valoir les fonctionnaires. Dans les dispositions prévoyant l’indemnité provisoire de la Convention collective ACIA-IPFPC 2009 figurait la clause indiquant que [traduction] « L’indemnité provisoire précisée ci‑dessus ne fait pas partie du salaire d’un employé ». Le statut d’une indemnité provisoire, qui est tout à fait distincte du salaire, a été confirmé dans Larose c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux) c. Bibliothèque du Parlement, 2006 CRTFP 114, au paragraphe 72, Billet c. Conseil du Trésor (ministère des Anciens combattants), 2006 CRTFP 28, au paragraphe 29, et Boudreau c. Conseil du trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2002 CRTFP 84, au paragraphe 23. Compte tenu du libellé et de la jurisprudence, l’employeur a eu tort de recouvrer l’indemnité provisoire comme si celle‑ci avait été interchangeable avec le traitement.

[58]  Les fonctionnaires ont fait valoir qu’un arbitre de grief aurait tort de conclure qu’il existe une condition ou un sens implicite dans une convention collective, à moins que cela ne soit nécessaire pour assurer son efficacité. Le fait qu’une partie conclut à l’impropriété d’une disposition ne suffit pas pour établir une ambiguïté dans le libellé simple de la convention. En invoquant Delios, IPFPC c. ARC, Foote et United Nurses Association Local 121-R, les fonctionnaires ont soutenu que, si les parties avaient voulu prévoir le recouvrement rétroactif de l’indemnité, elles l’auraient fait dans le PE de l’annexe G. Selon l’argumentation des fonctionnaires, pour conclure que la convention collective autorisait le recouvrement, il faudrait la modifier, ce que la Commission ne peut pas faire en vertu de l’article 229 de la Loi.

[59]  Tout en reconnaissant que l’indemnité provisoire a été intégrée à la rémunération dans la Convention collective ACIA-IPFPC 2013, les fonctionnaires ont souligné qu’ils n’étaient plus visés par cette convention. Au moment de sa signature, ils faisaient intégralement l’objet des dispositions de la Convention collective CT‑IPFPC 2012. Selon leur position, à moins que cela ne soit prévu clairement, une convention collective n’a pas d’incidence sur les droits acquis dans une autre. Encore une fois, sur le fondement de Delios (au paragraphe 18) et de Fehr (aux paragraphes 48 et 72), l’employeur a tort de se fonder sur une autre convention collective pour nier des droits acquis en vertu de la présente convention collective des employés et, par conséquent, en l’espèce, l’employeur a eu tort de se fonder sur la Convention collective ACIA‑IPFPC 2013 pour justifier le recouvrement de l’indemnité provisoire.

[60]  L’IPFPC (l’« agent négociateur ») a soutenu que son raisonnement est confirmé par la décision que la Commission a rendue dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2018 CRTESPF 82 (« AFPC c. ASFC »). Dans cette affaire, les parties avaient négocié une nouvelle indemnité, qui était payable aux employés du groupe Services frontaliers s’ils satisfaisaient à un seuil de 75 heures au cours d’un mois donné. La nouvelle disposition a pris effet le 21 juin 2013. Le grief est survenu lorsque l’employeur a décidé que l’indemnité payable pour le mois de juin 2013 ne serait versée que si un employé atteignait le seuil de 75 heures entre le 21 et le 30 juin de ce mois. La Commission a rejeté cette approche, en interprétant le mot « mois » au sens d’un « mois civil » et en concluant que, si les parties souhaitaient négocier un libellé transitoire précis, elles le feraient. L’IPFPC a soutenu que cette affaire appuie son argumentation en l’espèce, et plus particulièrement que le PE de l’annexe G ne contenait aucun libellé transitoire autorisant le recouvrement de l’indemnité provisoire, et que le silence de l’annexe ne doit pas être assimilé à une ambiguïté.

[61]  Enfin, l’IPFPC a soutenu que la décision rendue par la Commission dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence Parcs Canada, 2019 CRTESPF 85 (« AFPC c. Parcs ») pouvait se distinguer de l’espèce. Cette affaire portait également sur l’intégration rétroactive à la rémunération d’une ancienne indemnité provisoire visant la classification CS. La Commission a rejeté le grief de principe, en maintenant le droit de cet employeur de recouvrer rétroactivement une indemnité provisoire versée à ses employés occupant des postes CS. L’IPFPC a soutenu que AFPC c. Parcs peut se distinguer, en premier lieu, du fait que la décision de la Commission était fondée sur une preuve extrinsèque, à savoir celle de l’accord conclu dans le processus de négociation, et que cette preuve avait démontré que les parties avaient négocié une contrepartie consistant à échanger l’indemnité provisoire contre une rémunération. En second lieu, cette affaire peut aussi se distinguer parce qu’elle concernait le traitement d’employés relevant de la même unité de négociation, tandis que la présente affaire concerne le traitement d’employés qui font partie d’une unité de négociation différente. Autrement dit, étant donné que les fonctionnaires ne font plus partie de l’unité de négociation ACIA-IN, un avantage obtenu en contrepartie pour cette unité ne leur serait pas dévolu.

B.  Pour l’employeur

[62]  L’employeur a soutenu que le recouvrement de l’indemnité provisoire auprès des 38 fonctionnaires n’allait pas à l’encontre de la convention collective.

[63]  L’employeur a soutenu que les fonctionnaires étaient régis rétroactivement par les conditions de la Convention collective ACIA-IPFPC 2013 pour la période du 15 novembre 2011 au 13 décembre 2012. En raison du fait que cette convention collective ne prévoyait plus le versement d’une indemnité provisoire, puisque cette ancienne indemnité avait été intégrée à la rémunération, il était justifié de recouvrer les indemnités qui avaient été versées.

[64]  L’employeur a cité Brown et Beatty, au paragraphe 4:1610, à l’égard du principe selon lequel [traduction] « […] en l’absence de libellé à l’effet contraire, des dispositions rétroactives doivent s’appliquer aux personnes qui n’appartenaient plus à l’unité de négociation au moment du règlement de la convention collective […] ». Ce principe a été confirmé dans Buchmann c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2002 CRTFP 14. Dans cette affaire, l’arbitre de grief a ordonné qu’une ancienne augmentation rétroactive de l’ancien taux de rémunération du fonctionnaire s’estimant lésé (groupe PM) soit utilisée rétroactivement pour recalculer l’augmentation reçue lors d’une promotion (au groupe AU).

[65]  Le droit d’un employeur à recouvrer rétroactivement une indemnité a été confirmé dans Guétré c. Office national du film du Canada, dossier de la CRTFP 166‑08‑12642 (19820714), [1982] C.P.S.S.R.B. no 114 (QL), a fait valoir l’employeur. En outre, dans Rice et Del Vasto c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2006 CRTFP 122, un arbitre de grief a conclu que les employés du groupe CS avaient droit à une indemnité provisoire rétroactive, en disant que [traduction] « [s]i [l’employeur] peut remonter dans le temps pour supprimer rétroactivement une prime qui était versée durant la période rétroactive, il peut également remonter dans le temps pour octroyer une indemnité qui n’était pas versée durant une période rétroactive » (au paragraphe 51). L’employeur a soutenu que le contraire s’applique également.

[66]  De plus, l’employeur a souligné que la convention de 2013 que l’ACIA et l’IPFPC avaient conclue prévoit expressément l’intégration de l’indemnité provisoire à la rémunération, rétroactivement au 1er juin 2011. Les fonctionnaires ont été visés par la Convention collective ACIA‑IPFPC 2009 jusqu’à la signature de la Convention collective CT‑IPFPC 2012. La convention de 2013 de l’ACIA a eu pour effet de modifier rétroactivement les conditions d’emploi, ce qui justifiait pour l’employeur de recouvrer l’indemnité provisoire et explique que ce recouvrement ne constituait pas une violation de la Convention collective CT‑IPFPC 2012.

[67]  Pour l’employeur, le PE de l’annexe G visait uniquement à s’assurer qu’il n’y aurait aucune perte de salaire lors de la mutation, et non à garantir le droit à une indemnité provisoire. Tout comme les fonctionnaires, l’employeur a soutenu qu’un arbitre de grief doit se pencher sur le sens clair et ordinaire de la convention collective, en citant Palmer et Snyder, Collective Agreement Arbitration in Canada, cinquième édition, aux paragraphes 2.10 à 2.26. Selon l’employeur, le sens clair et ordinaire du PE de l’annexe G avait pour but de prévoir l’intégration aux taux nouvellement négociés pour le groupe CS à l’intention des employés dont les taux de rémunération étaient inférieurs à ceux du groupe CS et de s’assurer que les employés mutés dont les taux de rémunération étaient plus élevés ne subiraient aucune perte de salaire.

[68]  L’employeur a soutenu que le libellé d’une convention collective doit être interprété au regard des faits à l’époque de sa signature, en invoquant à ce titre Air Canada v. Canadian Union of Public Employees, Air Canada Component, 2013 CanLII 48962 (CA LA), ainsi que Palmer et Snyder, au paragraphe 2.23. Compte tenu de l’objectif clair du PE de l’annexe G, aucun fondement ne permettait de tenir compte de l’indemnité provisoire, et l’employeur n’a pas recouvré l’indemnité versée initialement, parce que l’annexe ne fait allusion qu’aux taux de rémunération, et non au concept général de rémunération.

[69]  Ce n’est qu’au moment de la signature de la Convention collective ACIA‑IPFPC 2013 que l’indemnité provisoire a été intégrée à la rémunération, ce qui a déclenché l’exercice de rapprochement de l’employeur.

[70]  L’employeur a également soutenu qu’un avantage qui a un coût monétaire doit être octroyé clairement et expressément en vertu des conditions de la convention (voir Tembec Industries v. Pulp, Paper and Woodworkers of Canada, Local 15, [2010] B.C.C.A.A.A. No. 168 (QL), Maple Leaf Fresh Foods Brandon v. United Food and Commercial Workers, Local 832 (2010), 196 L.A.C. (4e) 336, au paragraphe 141, ainsi que Brown et Beatty, au paragraphe 4:2120). Selon l’employeur, pour que je puisse faire droit aux griefs, il aurait fallu que le PE de l’annexe G protège expressément le droit à l’indemnité provisoire.

[71]  En ce qui concerne Delios et Fehr, qu’a invoqué l’agent négociateur, l’employeur a soutenu que ces affaires ne traitaient pas de la question de la rétroactivité du droit en question. Aucune de ces affaires ne mettait en cause une mutation des employés à l’occasion de laquelle ceux‑ci devaient conserver leurs conditions d’emploi jusqu’à la signature d’une nouvelle convention collective. L’employeur a soutenu que l’essentiel de la décision que la Commission a rendue dans Fehr était le raisonnement selon lequel sa décision pourrait « […] favoriser une meilleure harmonie en matière de relations de travail et de négociation collective en améliorant la capacité des parties à prévoir des résultats lorsqu’elles envisagent des clauses identiques ou semblables […] ». Étant donné que cette affaire ne porte pas sur des dispositions semblables à l’égard des congés dans deux conventions collectives, je ne devrais pas abonder dans le sens de Delios. Subsidiairement, je ne devrais pas être lié par ces décisions simplement parce que toutes deux ont été confirmées par la Cour d’appel fédérale (citant Essex County Roman Catholic School Board v. Ontario English Catholic Teachers’ Association (2001), 56 OR (3d) 85, aux paragraphes 30 et 31).

[72]  L’employeur a également soutenu que mon analyse de la présente affaire devrait se fonder sur l’hypothèse selon laquelle il faudrait éviter le cumul des avantages, en citant à la fois Labatt’s Ltd. v. Brewery Workers Local 304 of the Canadian Union of United Brewery, Flour, Cereal, Soft Drink, and Distillery Workers, Local 304 (1980), 24 L.A.C. (2e) 312, et Allen c. Conseil national de recherches du Canada, 2016 CRTEFP 76. En raison du fait que la Convention collective ACIA‑IPFPC 2013 a intégré rétroactivement l’indemnité provisoire à la rémunération, le versement de cette indemnité durant la période en question équivalait à une double prime pour le même travail durant la même période.

[73]  En ce qui concerne AFPC c. ASFC, l’employeur a soutenu que cette affaire ne s’applique pas aux présents griefs. Dans AFPC c. ASFC, la Commission a suivi le raisonnement adopté dans IPFPC c. ARC, qui était celui d’une série de décisions comparables à Delios. Selon le raisonnement adopté dans Delios, Fehr, IPFPC c. ARC et AFPC c. ASFC, la similitude des dispositions de deux conventions collectives exigeait la négociation d’un libellé transitoire si les parties souhaitaient obtenir un résultat transitoire. Les dispositions en cause ne présentent aucune similitude dans la présente affaire. En réalité, selon l’employeur, comme la Convention collective ACIA‑IPFPC 2009 prévoyait expressément que l’indemnité provisoire ne faisait pas partie intégrante de la rémunération, cette indemnité n’a pas été mentionnée dans le PE de l’annexe G, qui a été négocié afin de traiter la question des taux de rémunération durant la transition.

[74]  Le raisonnement que la Commission a suivi dans AFPC c. Parcs, en revanche, appuie le principe selon lequel un employeur peut recouvrer une indemnité qui a été intégrée à la rémunération. La Commission a conclu que, puisque les parties avaient convenu de substituer une forme de rémunération à une autre, le maintien de l’indemnité provisoire aurait exigé l’existence d’un libellé précis prévoyant ce résultat. L’employeur a soutenu que AFPC c. Parcs est directement pertinente à l’affaire qui nous occupe : une fois qu’il avait été conclu d’intégrer une indemnité provisoire à la rémunération, les employés ne subissaient ni désavantage ni perte de salaire et, une fois qu’ils avaient touché leur nouvelle rémunération, le recouvrement de l’indemnité était fondé.

VI.  Motifs

A. La convention collective qui doit être interprétée est la Convention collective CT-IPFPC 2012

[75]  Les parties s’entendent sur le principe élémentaire de l’interprétation d’un contrat, en vertu duquel la décision d’un arbitre de grief doit d’abord être guidée par le libellé clair et ordinaire de la convention collective.

[76]  Mais quelle est la convention collective qu’il faut interpréter? Le recouvrement de l’indemnité provisoire par l’employeur pour la période en question n’a pas été déclenché par la signature de la Convention collective CT-IPFPC 2012, mais par celle de la Convention collective ACIA-IPFPC 2013. Dois‑je interpréter l’ancienne convention ou cette dernière?

[77]  L’employeur était d’avis que la signature de la convention de l’ACIA en 2013 avait eu un effet sur les fonctionnaires après le 15 novembre 2011; il a affirmé plus particulièrement que [traduction] « les fonctionnaires étaient régis rétroactivement par les conditions de la Convention collective ACIA-IPFPC (2013) visant la période du 15 novembre 2011 au 13 décembre 2012 ». En réalité, cette affirmation était au cœur de l’argumentation de l’employeur visant à expliquer pourquoi le recouvrement de l’indemnité provisoire était justifié et pourquoi il avait été déclenché par la signature de la convention de l’ACIA en 2013.

[78]  Cet aspect de l’argumentation de l’employeur est profondément vicié. Il repose sur la proposition selon laquelle une convention collective conclue entre un autre employeur (ACIA) et l’agent négociateur devrait s’appliquer à des employés qui avaient été mutés dans une autre unité de négociation (au CT), non seulement au moment de la mutation, mais aussi postérieurement à la date de la mutation dans l’autre unité de négociation.

[79]  Rien n’indiquait que les parties avaient convenu d’un pareil résultat. Dans leur énoncé conjoint des faits, celles‑ci ont affirmé qu’au moment de la mutation, [traduction] « [l]es parties ont convenu que, jusqu’à la date d’entrée en vigueur de la nouvelle convention collective IPFPC‑CS, les fonctionnaires conserveraient les conditions d’emploi qu’ils avaient eu à l’ACIA ». Aucune preuve n’a été présentée au sujet de la forme que cet accord avait prise. Les griefs indiquaient qu’il s’agissait d’un [traduction] « gel » des conditions. Dans un cas comme dans l’autre, j’estime que ce qui s’appliquait aux fonctionnaires après le 15 novembre 2011, c’était la Convention collective ACIA‑IPFPC 2009. Rien n’indique que les parties ont convenu que les fonctionnaires seraient visés par une future convention collective entre l’ACIA et l’IPFPC. En réalité, la preuve révèle un accord selon lequel les conditions de l’ACIA devaient s’appliquer jusqu’à la conclusion d’une convention collective pour l’unité CT‑CS.

[80]  Par ailleurs, cette argumentation n’était étayée par aucune jurisprudence, ou à tout le moins aucune qui aurait appuyé la position formulée en l’espèce. L’employeur a cité plusieurs affaires dans lesquelles un arbitre de grief a accepté le principe selon lequel la rétroactivité peut s’appliquer à l’obtention de primes ou d’indemnités (voir Guétré et Rice and Del Vasto). Aucune de ces affaires ne présente une situation analogue à la mutation de l’unité de négociation en l’espèce.

[81]  Je dois analyser les griefs en tenant compte de la convention collective qui régit les fonctionnaires, à savoir la Convention collective CT-IPFPC 2012. Par conséquent, ma décision concernant le grief doit d’abord passer par l’examen du libellé concret de cette convention collective, et plus particulièrement le PE de l’annexe G que les parties ont signé le 14 décembre 2012.

B. La Convention collective CT-IPFPC 2012 est muette au sujet de l’indemnité provisoire

[82]  Il n’y a aucun différend entre les parties : la Convention collective CT‑IPFPC 2012 est muette au sujet de l’indemnité provisoire, y compris le PE de l’annexe G.

[83]  Pour les fonctionnaires et leur agent négociateur, le silence ne constitue pas une ambiguïté; il signale un accord. En l’absence de libellé précis autorisant le recouvrement de l’indemnité provisoire, l’employeur a contrevenu à la convention collective lorsqu’il a recouvré l’indemnité provisoire versée aux fonctionnaires pour la période du 15 novembre 2011 au 13 décembre 2012.

[84]  Pour l’employeur, le silence de la convention collective de 2012 ne garantit pas le droit à l’indemnité provisoire pour les fonctionnaires. Le PE de l’annexe G ne visait pas à aborder la question de l’indemnité provisoire; il a été négocié pour traiter la question des taux de rémunération. Il y est explicitement mentionné que l’indemnité provisoire octroyée à l’ACIA ne faisait pas partie du salaire des employés. Cependant, cette disposition a été modifiée rétroactivement lors de la conclusion d’une nouvelle convention collective entre l’ACIA et l’IPFPC en 2013, qui a eu pour effet d’intégrer l’indemnité provisoire à la rémunération, rétroactivement. Étant donné que les fonctionnaires avaient rétroactivement droit aux taux de rémunération révisés de l’ACIA, à compter du 14 novembre 2011, leurs conditions d’emploi ne comportaient plus le versement d’une indemnité provisoire et, par conséquent, il était justifié pour l’employeur de recouvrer cette indemnité pour la période du 15 novembre 2011 au 13 décembre 2012.

[85]  Je précise que l’argumentation de l’employeur était ancrée dans sa position selon laquelle la convention de l’ACIA signée en 2013 visait rétroactivement les fonctionnaires pour la période du 15 novembre 2011 au 13 décembre 2012, position que j’ai déjà rejetée. Cependant, et néanmoins, j’examinerai comment le PE de l’annexe G est structuré et l’incidence que la convention de l’ACIA signée en 2013 pourrait avoir eu sur son application. Ce faisant, j’examinerai les arguments subsidiaires de l’employeur et de l’agent négociateur.

[86]  Le PE de l’annexe G correspond en tous points à la description qu’en a faite l’employeur. Il établit les taux de rémunération que les employés du groupe CS qui ont été mutés d’un employeur distinct recevront lorsqu’ils seront à l’emploi du CT.

[87]  Lorsqu’on applique le PE, par suite de sa signature en 2012, on doit comparer le taux de rémunération d’un employé qui était en vigueur la veille de la mutation (c’est‑à‑dire, le 14 novembre 2011) au taux de rémunération (établi rétroactivement) qui était en vigueur au CT le 15 novembre 2011. Après cela, l’employé est visé intégralement par la Convention collective CT-IPFPC 2012.

[88]  Pour illustrer ce point, je choisirai l’exemple hypothétique d’une employée occupant un poste CS-03 qui se situait à l’échelon le plus élevé de la grille salariale de l’ACIA le 14 novembre 2011. Selon la preuve qui ressort de la convention collective précitée, à l’époque, cette employée aurait touché un salaire de 90 123 $ par année. Le taux maximal d’un poste CS-03 qui a été mis en vigueur par suite de la Convention collective CT-IPFPC 2012 s’élevait à 92 286 $, ce qui était supérieur au montant de 90 123 $ qu’elle touchait à l’ACIA.

[89]  Par conséquent, l’article 1 du PE de l’annexe G s’appliquerait. À titre de rappel, cet article indique ce qui suit :

1. Un employé dont le taux de rémunération avant son transfert le 15 novembre 2011, donc en date du 14 novembre 2011, était égal ou inférieur au taux de rémunération maximal pour le groupe des Systèmes d’ordinateurs (CS) correspondant et au niveau applicable pour son poste d’attache au moment de son transfert le 15 novembre 2011 recevra la rémunération spécifiée à l’appendice « A » au taux de rémunération CS correspondant pour le niveau applicable à son poste d’attache, et sera assujetti aux dispositions de l’Article 47 - Administration de la rémunération.

[90]  Par conséquent, notre employée hypothétique aurait été placée dans la grille salariale du CT-CS, qui était en vigueur au 15 novembre 2011. Sa rémunération de 90 123 $ aurait augmenté à 92 286 $. Incidemment, elle aurait également bénéficié de l’augmentation en vigueur au 22 décembre 2011, ce qui aurait porté sa rémunération à 94 004 $ par année.

[91]  Je tiens aussi à mentionner qu’avant la mutation, cette employée recevait une indemnité provisoire de 2 544 $ par année et, comme je l’ai déjà mentionné, elle a continué à recevoir cette indemnité provisoire jusqu’au 13 décembre 2012. Cette indemnité s’ajoutait à l’augmentation de salaire rétroactive qu’elle recevait du CT par suite de l’application du PE de l’annexe G.

[92]  Quel est donc l’effet de la Convention collective ACIA‑IPFPC 2013 sur l’application du PE de l’annexe G, et quelles sont ses répercussions après le 15 novembre 2011?

[93]  Il ne fait aucun doute dans mon analyse que la Convention collective ACIA‑IPFPC 2013 a eu un effet rétroactif sur les fonctionnaires. Sa clause E1.04 stipule que les taux de rémunération rétroactifs s’appliqueraient aux anciens employés. Par conséquent, les fonctionnaires devraient avoir reçu une rémunération rétroactive de l’ACIA pour la période du 1er juin au 14 novembre 2011.

[94]  Dans l’affaire dont je suis saisi, les parties n’ont jamais soulevé la question de savoir ce qui était survenu de l’indemnité provisoire des fonctionnaires pour la période du 1er juin au 14 novembre 2011. Il ne s’agissait pas d’une question dont j’étais saisi et aucune preuve n’a été produite sur ce point. Cependant, la Convention collective ACIA‑IPFPC 2013 indique clairement que l’indemnité provisoire a été intégrée à la rémunération le 1er juin 2011. Si j’adopte le raisonnement formulé dans AFPC c. Parcs, il semble que l’ACIA et l’IPFPC ont conclu un accord de contrepartie visant à supprimer rétroactivement l’indemnité provisoire en échange de la négociation de taux de rémunération plus élevés. La conclusion logique de cela serait le recouvrement de l’indemnité provisoire pour la période du 1er juin au 14 novembre 2011.

[95]  Qu’en est‑il après le 15 novembre 2011? Pour répondre à cette question, je reviendrai sur le cas de l’employée hypothétique occupant un poste CS-03 que j’ai déjà évoqué. À la suite de la signature de la Convention collective ACIA-IPFPC 2013, le montant de sa rémunération en vigueur au 1er juin 2011 s’élève à 94 030 $. Rétroactivement, il s’agissait du taux de rémunération en vigueur au 14 novembre 2011. Par suite des principes énoncés dans Buchmann que l’employeur a invoqués, ce taux de rémunération révisé oblige à recalculer le traitement que l’employée touchait en vertu du PE de l’annexe G. Étant donné que sa rémunération à l’ACIA est désormais supérieure au montant de 92 286 $ qui s’appliquait au poste CS-03 au CT, les points 2 à 4 du PE devraient s’appliquer à cette employée. Effectivement, elle devrait alors continuer à recevoir ce montant de 94 030 $ après le 1er novembre 2011, à titre de taux de rémunération de retenue et afin de recevoir des paiements forfaitaires en vertu de l’article 3 du PE.

[96]  Le 22 décembre 2011, l’augmentation à 94 004 $ octroyée par le CT équivaut presque à la rémunération de l’employée, mais n’excède pas son taux de retenue. Par conséquent, conformément à la clause 2b) du PE, son taux de rémunération de retenue demeurerait en vigueur jusqu’à ce que les taux de rémunération maxima de la convention CT-CS l’aient dépassé. Dans le cas de cette employée, cela se serait produit lorsque les taux de rémunération maxima d’un poste CS-03 ont atteint 95 414 $, le 22 décembre 2012.

[97]  Par conséquent, alors que l’employée serait rémunérée rétroactivement selon le taux de rémunération de l’ACIA atteignant 94 030 $ du 1er juin 2011 au 21 décembre 2012, cette analyse démontre que la raison n’en est pas la convention de l’ACIA signée en 2013, mais plutôt l’application de la Convention collective CT‑IPFPC 2012 et du PE de l’annexe G. La Convention collective ACIA‑IPFPC 2013 a un effet rétroactif sur l’application de l’annexe, mais seulement en ce qui concerne la mutation dans l’unité CT-CS. Si la convention de l’ACIA était intégralement appliquée à cette employée fictive, après le 15 novembre 2011, celle‑ci aurait alors dû recevoir une autre augmentation de son taux de rémunération le 1er juin 2012. Ce n’est pas ce que prévoit le PE de l’annexe G. Son salaire après le 15 novembre 2011 doit être établi uniquement en vertu des dispositions de sa convention collective, qui était celle conclue entre le CT et l’IPFPC.

[98]  Je remarque que les parties n’ont pas été en mesure d’établir si, dans les faits, certains fonctionnaires ont été rémunérés rétroactivement, conformément aux articles 2 à 4 du PE de l’annexe G, ou s’ils sont tous demeurés rémunérés aux taux mis en œuvre lors de leur rémunération initiale, conformément à l’article 1 du PE. Mon analyse résiste dans un cas comme dans l’autre. Cependant, je reconnais qu’en vertu des principes énoncés dans Buchmann que l’employeur a invoqués, la rémunération adéquate des fonctionnaires en vertu du PE devait être recalculée après la signature de la convention de l’ACIA.

[99]  Par conséquent, je reviens maintenant à la question de savoir si le recouvrement de l’indemnité provisoire par l’employeur en vertu de la Convention collective CT‑IPFPC 2012 est justifié, et j’examinerai les autres arguments de l’employeur.

C.  Y a-t-il un avantage monétaire évident?

[100]  Selon le premier argument, un avantage qui a un coût monétaire pour l’employeur doit être octroyé clairement et expressément en vertu des conditions d’une convention collective. L’employeur a déclaré que, [traduction] « [s]i les parties avaient eu l’intention de garantir un droit absolu à l’indemnité et de passer outre l’effet rétroactif de la Convention collective ACIA‑IPFPC 2013, elles auraient ajouté un libellé clair et explicite à cet effet ».

[101]  Dans le cadre de ce raisonnement, l’employeur a effectivement soutenu que l’agent négociateur aurait dû savoir à l’époque où il a négocié et signé la Convention collective CT‑IPFPC 2012, le 14 décembre 2012, qu’à un moment donné, une convention collective avec l’ACIA serait signée et qu’elle supprimerait rétroactivement l’indemnité provisoire, ce que l’agent négociateur aurait dû prévoir par conséquent, en ajoutant un libellé clair et explicite afin de maintenir l’indemnité provisoire.

[102]  Je ne dispose d’aucun fondement raisonnable me permettant de présumer que l’agent négociateur pouvait prévoir un pareil avenir. Par conséquent, je rejette cet argument de l’employeur.

D.  Y a-t-il des faits connus à l’époque?

[103]  Paradoxalement, l’employeur a également soutenu que le libellé d’une convention collective [traduction] « […] doit être interprété au regard des faits à l’époque de sa signature ». Les faits au moment de la signature de la Convention collective CT‑IPFPC 2012 étaient que la convention de l’ACIA indiquait clairement que l’indemnité provisoire était séparée du salaire, et il existait des différences importantes entre les taux de rémunération des organismes distincts et ceux du CT. Le PE de l’annexe G a été négocié afin d’aplanir ces différences. Cela explique pourquoi, lorsqu’il a appliqué le libellé clair de l’annexe au départ, l’employeur n’a pas recouvré l’indemnité.

[104]  Je souscris à ce principe. Au moment de la signature de la Convention collective CT‑IPFPC 2012, aucun accord n’avait été conclu avec l’ACIA. Cela renforce ma conclusion selon laquelle il ne serait pas raisonnable que j’interprète la Convention collective CT‑IPFPC 2012 sur le fondement d’événements à venir.

[105]  Parallèlement, je dois aussi tenir compte du fait qu’au moment de la signature de la Convention collective CT‑IPFPC 2012, les membres de l’unité CT-CS, à laquelle les fonctionnaires ont été intégrés, ne disposaient plus d’une clause prévoyant une indemnité provisoire dans leur convention collective. Dans la convention collective signée le 24 juillet 2006, qui venait à échéance le 21 décembre 2007, le CT et l’IPFPC ont convenu que le versement de l’indemnité provisoire à l’unité CT-CS prendrait fin le 20 décembre 2006. Une restructuration salariale a eu lieu à compter du 21 décembre 2006. Subséquemment, le 17 juin 2009, le CT et l’IPFPC ont signé une autre convention collective pour le groupe CS, la Convention collective CT‑IPFPC 2009, qui venait à échéance le 21 décembre 2010 et ne prévoyait pas d’indemnité provisoire non plus. Cette convention a initialement pris effet à compter de la mutation, le 15 novembre 2011, puis a été remplacée par la Convention collective CT‑IPFPC 2012.

[106]  L’IPFPC a soutenu que le fait qu’il y a déjà eu une indemnité provisoire en vertu de la convention collective du groupe CS est négligeable à l’égard des griefs dont je suis saisi. Je ne dispose d’aucune preuve quant à la nature de l’accord qui visait à intégrer cette indemnité provisoire à la rémunération. En second lieu, l’effet de l’entente qui avait été conclue en 2006 se serait amoindri avec le temps.

[107]  Je ne suis pas d’accord. La Convention collective CT‑IPFPC 2012 doit être interprétée en fonction des faits connus à l’époque. Au moment où elles ont négocié et signé cette convention et le PE de l’annexe G, les parties savaient ou auraient dû savoir qu’elles intégraient des employés, ayant eu des employeurs distincts et reçu une indemnité provisoire, à une convention collective qui ne prévoyait plus le versement d’une telle indemnité. Les parties auraient dû également savoir que les taux du CT étaient beaucoup plus élevés que ceux de l’ACIA. Pour reprendre l’exemple déjà évoqué de l’employée occupant un poste CS-03, rappelons‑nous que celle‑ci touchait à l’ACIA une rémunération de 90 123 $ et une indemnité provisoire de 2 544 $, ce qui s’élevait à 92 667 $ en tout. Par suite de la Convention collective CT‑IPFPC 2012, sa rémunération a atteint 92 286 $ à compter du 15 novembre 2011, puis a augmenté de nouveau jusqu’à 94 004 $ à partir du 22 décembre 2011. Concrètement, au cours du mois suivant son intégration aux taux de rémunération du groupe CS, l’employée aurait reçu des augmentations nettement supérieures à la valeur de l’indemnité provisoire. Malgré cela, la convention de 2012 était muette au sujet de l’indemnité provisoire que touchait l’employée et, par conséquent, celle‑ci a continué à la recevoir jusqu’au 13 décembre 2012.

[108]  Dans son argumentation, l’employeur a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] Au moment de la signature de la Convention collective CT‑IPFPC du groupe CS (2012), l’employeur n’a pas tenu compte de l’indemnité provisoire lorsqu’il a calculé la rémunération rétroactive des fonctionnaires en fonction des taux de rémunération prévus à l’annexe A de la Convention collective CT‑IPFPC (2012) et les employés ont conservé cette indemnité […]

[…]

[109]  Cependant, je n’ai rien entendu qui puisse indiquer que l’employeur a été empêché de tenir compte de l’indemnité provisoire. D’après les faits, qu’il était facile de connaître à l’époque, l’employeur aurait pu prévoir que les taux de rémunération rétroactifs mis en œuvre par suite de la Convention collective CT-IPFPC 2012 étaient similaires à l’indemnité provisoire en matière d’échelle. Il aurait pu négocier l’ajout d’un libellé transitoire concernant l’indemnité provisoire dans le PE de l’annexe G. À titre d’exemple, les parties auraient pu conclure un accord prévoyant l’intégration de l’indemnité provisoire à la rémunération à compter du 15 novembre 2011, avant de se demander si les fonctionnaires seraient visés par les articles 2 à 4 du PE, plutôt que par l’article 1. Elles ne l’ont pas fait.

E.  Y a-t-il présomption interdisant le cumul?

[110]  En dernier lieu, l’employeur a soutenu que je dois être guidé par le principe selon lequel il existe une présomption interdisant le cumul d’avantages. Il a soutenu que cette présomption [traduction] « […] est pertinente lorsque les avantages qui sont demandés sont octroyés dans le même but et pour la même période en vertu de deux dispositions différentes ». Initialement, les fonctionnaires ont touché l’indemnité provisoire à la suite de la mutation et l’ont conservée après la signature de la Convention collective CT‑IPFPC 2012. La Convention collective ACIA‑IPFPC 2013 a eu pour effet d’intégrer rétroactivement l’indemnité provisoire à la rémunération, ce qui a influé sur les salaires durant la période de novembre 2011 à décembre 2012. Les employés ne devaient pas recevoir de l’argent en double, une fois à titre d’indemnité provisoire, et l’autre au titre de la rémunération.

[111]  Par conséquent, l’argumentation de l’employeur demeure fondée sur la position selon laquelle la Convention collective ACIA‑IPFPC 2013 régissait rétroactivement les conditions d’emploi des fonctionnaires pour la période du 15 novembre 2011 au 13 décembre 2012, un concept que j’ai déjà rejeté. La convention de l’ACIA signée en 2013 a eu un effet rétroactif sur les taux de rémunération qui étaient ceux des fonctionnaires à leur arrivée dans l’unité CT-CS. Mais si l’application de ces taux de rémunération a été prolongée au‑delà du 15 novembre 2011, c’est en raison du PE de l’annexe G, et non de la convention de l’ACIA.

[112]  Est‑il encore justifié de tenir compte du principe interdisant le cumul d’avantages? L’employeur a soutenu que la position de l’agent négociateur ne respecte pas cette présomption. Autrement dit, même si le PE de l’annexe G est muet au sujet de l’indemnité provisoire, la présomption interdisant le cumul aurait dû autoriser l’employeur à recouvrer les indemnités.

[113]  Lorsqu’il a formulé cette argumentation, l’employeur a cité l’extrait suivant de Labatt’s, au paragraphe 10 : [traduction] « Selon cette présomption, les parties à une convention n’ont pas l’intention d’offrir une double prime pour le même travail, sauf si l’intention contraire ressort clairement de la lecture de la convention ». Cependant, Labatt’s était une affaire qui traitait du niveau de rémunération des heures supplémentaires pour un travail qu’un employé avait effectué le dimanche, une situation factuelle très différente, qui fait expressément allusion aux « primes ». En outre, la décision fait également renvoi au libellé de la convention collective en question, qui indiquait que, [traduction] « [e]n aucun cas la rémunération des heures supplémentaires ou les primes ne doivent être dupliquées ou cumulées ». J’estime que Labatt’s ne m’incite pas à tirer la conclusion recherchée par l’employeur en l’espèce. L’indemnité provisoire n’est pas une « prime » équivalente à la rémunération des heures supplémentaires, et comme il a été clairement établi, la Convention collective CT‑IPFPC 2012 ne comporte aucun libellé concernant le traitement de l’indemnité provisoire.

[114]  L’employeur a aussi invoqué le principe relatif aux cumuls d’avantages qui est énoncé dans Allen. Cette affaire traitait de l’effet combiné de l’indemnité de départ et de l’indemnité de licenciement par suite du réaménagement des effectifs, dans un contexte où certains employés avaient pu se prévaloir de l’indemnité de départ prévue dans la convention collective pertinente, et d’autres non. Dans ce contexte, la CRTEFP a établi que ce principe s’appliquait, et elle a rejeté les griefs. Cependant, la convention collective en question comportait un libellé qui indiquait que, « En aucun cas les indemnités de départ ne doivent être cumulées ». Par conséquent, la décision que la CRTEFP a rendue dans Allen, tout comme celle de l’arbitre de grief dans Labatt’s, reposait à la fois sur le principe interdisant le cumul et sur le libellé précis de la convention collective à cet effet. En dernier lieu, tout comme Labatt’s, Allen portait sur l’interprétation des faits dans le cadre d’une seule convention collective, contrairement à la présente affaire qui met en cause diverses conventions collectives et des employeurs distincts.

[115]  Dans mon analyse, j’ai conclu que les parties auraient pu négocier un libellé transitoire concernant l’indemnité provisoire dans la Convention collective CT‑IPFPC 2012. Or, elles ne l’ont pas fait. Je reconnais que le principe de la présomption interdisant le cumul peut s’appliquer à l’interprétation de la négociation collective dans une certaine mesure, mais ce principe n’autorise pas un employeur à corriger ce qui s’est avéré être une occasion manquée dans les négociations.

F.  Le silence n’est pas synonyme d’ambiguïté

[116]   Au moment de la mutation, les fonctionnaires avaient droit à l’indemnité provisoire et l’ont reçue. Après la mutation, ce droit a été maintenu. La signature de la Convention collective CT‑IPFPC 2012 a mis fin à ce droit, et le versement de l’indemnité provisoire a pris fin le 13 décembre 2012. Cependant, la convention n’a pas déclenché un recouvrement. Il n’y a pas eu recouvrement avant la signature de la Convention collective ACIA‑IPFPC 2013. Tout au long du processus, ainsi qu’à l’arbitrage, l’employeur a utilisé la signature de la convention de l’ACIA pour justifier ses actes.

[117]  Comme j’ai conclu que le recours de l’employeur à la signature de la Convention collective ACIA‑IPFPC 2013 est sans fondement, je suis d’avis que les fonctionnaires ont établi que les actes de l’employeur constituaient une violation de la convention collective.

[118]  Cependant, je vais examiner aussi les différentes positions des parties sur l’ambiguïté découlant du silence au sujet de l’indemnité provisoire dans la Convention collective CT‑IPFPC 2012.

[119]  L’agent négociateur a soutenu que les parties qui avaient négocié la convention avaient été subtiles, et que le libellé sur lequel elles se sont entendues devrait s’appliquer lorsqu’il s’agit de régler les griefs. Si aucune restriction n’a été négociée à l’égard de divers droits, aucune ne devrait être imposée. L’agent négociateur a soutenu que la Commission et ses prédécesseurs ont confirmé cette argumentation dans diverses affaires, notamment Delios, Fehr et AFPC c. ASFC.

[120]  L’employeur a soutenu que, selon le raisonnement suivi dans Delios, Fehr, IPFPC c. ARC et AFPC c. ASFC, la similitude des dispositions de deux conventions collectives exigeait la négociation d’un libellé transitoire si les parties souhaitaient obtenir un résultat transitoire. L’employeur a soutenu que la présente affaire ne met pas en cause des dispositions semblables; en raison du fait que la Convention collective ACIA‑IPFPC 2009 indiquait expressément que l’indemnité provisoire ne faisait pas partie du salaire, il n’en aurait pas été question dans le PE de l’annexe G, qui a été négocié afin d’aborder la question des taux de rémunération durant la transition.

[121]  Je reconnais que la plupart des affaires jugées d’après Delios traitent des droits aux congés. Delios traitait du droit au congé pour raisons personnelles d’une employée qui était mutée d’une unité de négociation à une autre. Fehr traitait du droit au congé pour obligations familiales d’une employée qui était mutée d’une unité de négociation à une autre. IPFPC c. ARC mettait en cause des employés qui avaient pris un congé de bénévolat en vertu d’une convention collective et souhaitaient prendre ensuite un congé pour raisons personnelles en vertu d’une convention collective subséquente, dans un contexte où les dispositions relatives au congé pour raisons personnelles avaient été renforcées par suite de la suppression du congé de bénévolat. Aucune de ces affaires ne soulevait des questions liées à la rémunération, aux indemnités ou à la rétroactivité.

[122]  D’un autre côté, AFPC c. ASFC traitait d’une indemnité comparable à l’indemnité provisoire à certains égards. Une nouvelle convention collective, signée le 17 mars 2014, avait instauré une « indemnité des Services frontaliers », qui ne faisait pas partie du salaire mais devait être versée toutes les deux semaines, selon les mêmes modalités que celles de la rémunération normale, à condition qu’un employé ait travaillé au moins 75 heures au cours d’un mois. La nouvelle indemnité avait pris effet le 21 juin 2013. Le grief portait sur l’admissibilité à l’indemnité pour juin 2013. L’employeur avait convenu de la verser uniquement aux employés qui avaient travaillé 75 heures au cours de la période du 21 à la fin juin 2013. Les fonctionnaires ont soutenu que l’indemnité devait être versée à tous les employés qui avaient travaillé au moins 75 heures au cours du mois civil de juin 2013. La Commission a tranché en faveur des fonctionnaires, en se fondant sur les affaires jugées dans la foulée de Delios, selon lesquelles, si les parties peuvent négocier des clauses transitoires dans une convention collective, l’absence d’une clause transitoire doit signifier quelque chose.

[123]  Dans la présente affaire, l’IPFPC a démontré que les parties avaient négocié un libellé transitoire traitant de l’indemnité de départ à la clause 19.08; cette clause s’appliquait aux fonctionnaires qui avaient été mutés de l’ACIA. Mon analyse a permis de conclure que, sur le fondement des faits connus à l’époque, les parties auraient pu négocier un libellé transitoire au sujet de l’indemnité provisoire dans le PE de l’annexe G, mais qu’elles ne l’ont pas fait. Dans cette mesure, j’abonde dans le sens de AFPC c. ASFC et j’estime que le silence de l’annexe n’est pas synonyme d’ambiguïté, mais qu’il doit être interprété au sens d’un accord, en vertu duquel l’indemnité provisoire versée aux fonctionnaires ne devait pas être recouvrée.

G.  Y a-t-il absence de contrepartie

[124]  Je vais aborder le dernier argument que l’employeur a soulevé au sujet de la décision que la Commission a rendue dans AFPC c. Parcs. À première vue, la situation exposée dans cette affaire est très semblable à celle de l’espèce. Une convention collective a été conclue entre l’AFPC et l’Agence Parcs Canada, en vertu de laquelle l’indemnité provisoire du groupe CS a été intégrée rétroactivement à la rémunération. Lors de la mise en œuvre de la convention, l’employeur a recouvré l’indemnité provisoire qui avait déjà été versée. L’agent négociateur a déposé un grief de principe au nom des employés touchés.

[125]  La Commission a rejeté le grief de principe dans AFPC c. Parcs.

[126]  L’employeur a soutenu que la décision que la Commission a rendue dans AFPC c. Parcs appuie le principe selon lequel un employeur peut recouvrer une indemnité qui a été intégrée à la rémunération. La Commission a reconnu que les parties avaient convenu de remplacer une forme de rémunération (une indemnité provisoire) par une autre (des taux de rémunération supérieurs). Selon la conclusion de la Commission, si l’agent négociateur voulait conserver l’indemnité provisoire, il devait le spécifier dans la convention collective pertinente. Comme dans AFPC c. Parcs, la Convention collective ACIA-IPFPC 2013 a donné lieu à un arrangement de contrepartie en vertu duquel un avantage a été échangé contre un autre.

[127]  Les fonctionnaires ont distingué AFPC c. Parcs de la présente affaire à plusieurs égards, en faisant valoir plus particulièrement que la conclusion de la Commission reposait largement sur une preuve extrinsèque de la nature et de l’ampleur de l’accord de contrepartie entre ces parties. Dans la présente affaire, aucune preuve extrinsèque n’a été produite et, par conséquent, aucun fondement ne permet de tirer la même conclusion. En outre, AFPC c. Parcs mettait en cause des employés qui étaient restés dans l’unité de négociation visée par la convention collective conclue entre les parties.

[128]  Comme je l’ai déjà établi, à l’époque où l’ACIA et l’IPFPC ont conclu une convention collective, en 2013, les fonctionnaires ne faisaient plus partie de l’unité ACIA-IN. Même s’ils ont reçu des augmentations de salaire rétroactives pour la période du 1er juin au 14 novembre 2011, par suite de cette convention, ils les ont reçues à titre d’anciens employés de l’ACIA. À partir du 15 novembre 2011, ils ont fait partie de l’unité CT-CS. Le simple fait que l’ACIA et l’IPFPC ont conclu un accord de contrepartie n’autorisait pas le CT à appliquer cet accord à ses employés. Il devait rémunérer ses employés du groupe CS dans les limites de la convention collective qui les visait, à savoir la Convention collective CT‑IPFPC 2012. L’employeur a commis une erreur lorsqu’il a recouvré l’indemnité provisoire des fonctionnaires pour la période du 15 novembre 2011 au 13 décembre 2012.

VII.  Réparation

[129]  En guise de réparation, les fonctionnaires ont demandé que le recouvrement de l’indemnité provisoire auquel a procédé l’employeur pour la période du 15 novembre 2011 au 13 décembre 2012 soit annulé et que toutes les sommes recouvrées leur soient intégralement remboursées. Étant donné que j’ai fait droit au grief, je rends cette décision.

[130]  Cependant, les fonctionnaires ont aussi demandé à recevoir des [traduction] « dommages‑intérêts » par suite du recouvrement. En plus du fait que la présente affaire n’est pas visée par les dispositions de l’alinéa 226(2)c) de la Loi qui prévoient les cas où la Commission peut accorder des intérêts, compte tenu de mon analyse, je ne crois pas que l’octroi de dommages et intérêts soit justifié dans ces circonstances.

[131]  Mon ordonnance est également guidée par le fait que la convention collective conclue entre les parties prévoit une période de mise en œuvre de 120 jours.

[132]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VIII.  Ordonnance

[133]  Il est fait droit aux griefs.

[134]  Dans les 120 jours qui suivront le prononcé de la présente décision, l’employeur devra rembourser à chacun des fonctionnaires la valeur de l’indemnité provisoire qui a été recouvrée dans sa rémunération pour la période du 15 novembre 2011 au 13 décembre 2012.

[135]  Je demeurerai saisi de toutes les questions liées à la mise en œuvre qui ont été portées à l’attention de la Commission au cours des 60 jours qui suivront la fin de la période de mise en œuvre mentionnée au dernier paragraphe.

Le 25 février 2020.

Traduction de la CRTESPF

David Orfald,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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