Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief contestant son licenciement qui, selon lui, constituait une mesure de représailles pour avoir défendu son droit à un lieu de travail sûr – il a également déposé une plainte en vertu de l’art. 133 du Code canadien du travail pour les mêmes motifs – la Commission n’a trouvé aucune preuve que le licenciement était de nature disciplinaire et a par conséquent déterminé qu’elle n’avait pas compétence pour trancher le grief – la Commission a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé avait été licencié en raison de son refus de collaborer avec l’employeur en vue de l’aider à retourner au travail et qu’il n’y avait donc pas de mesure de représailles – la Commission a également conclu qu’elle n’avait pas compétence pour entendre l’argument de discrimination dans le contexte d’une plainte.

Plainte rejetée.
Grief rejeté.

Contenu de la décision


MOTIFS DE DÉCISION  (TRADUCTION DE LA CRTSPF)

I.  Plainte et grief devant la Commission

[1]  Le 1er novembre 2014, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) est devenue la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique. Le 19 juin 2017, elle a été renommée la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») et la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) est devenue la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

[2]  Le 31 octobre 2013, Denis Lapointe, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a renvoyé à l’arbitrage un grief concernant son licenciement. Le fonctionnaire travaillait en tant qu’électricien pour l’Agence du revenu du Canada (ARC ou l’« employeur »). Il a été licencié le 5 août 2011. Le grief portait sur le licenciement, qui, selon le fonctionnaire, constituait une mesure de représailles pour le fait qu’il avait défendu son droit à un lieu de travail sûr. Dans le grief, il énumère les facteurs dangereux dans son lieu de travail (produits chimiques dans la salle à manger, amiante dans un mur qu’il a foré et absence d’équipement de protection individuelle) et il mentionne le refus systématique de l’employeur de fournir des renseignements sur le lieu de travail.

[3]  Le fonctionnaire demande qu’une enquête complète soit ouverte, que les représentants de l’ARC soient tenus responsables, que des excuses soient présentées à lui et à sa famille et qu’il fasse l’objet d’une mesure corrective intégrale.

[4]  L’employeur s’oppose au renvoi du grief à l’arbitrage et déclare que la Commission n’a pas compétence à son égard. Le fonctionnaire l’a renvoyé en vertu de l’al. 209(1)b) de la Loi en tant que mesure disciplinaire ayant entraîné son licenciement. L’employeur nie toute mesure disciplinaire dans le cadre du licenciement, car le fonctionnaire a été licencié pour incapacité médicale.

[5]  Étant donné que l’ARC est un organisme distinct et qu’à la date de dépôt du grief elle n’était pas un organisme désigné en vertu de l’al. 209(1)d) de la Loi, le seul recours pour contester le licenciement, selon l’employeur, était un mécanisme offert aux employés de l’ARC (un examen indépendant par un tiers), notamment pour les griefs non liés à une mesure disciplinaire qui ont été rejetés au dernier palier.

[6]  Le fonctionnaire a également déposé une plainte en vertu de l’art. 133 du Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L‑ 2), le 21 octobre 2011, qui se lisait comme suit :

[Traduction]

Mon employeur a mis fin à mon emploi, contrairement aux articles 133 et 147 du Code canadien du travail. Ma lettre de licenciement constituait une mesure de représailles élaborée volontairement et délibérément contre moi pour avoir exercé mes droits et les mesures de protection en vertu du Code canadien du travail.

[7]  La Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) a été informée de l’intention du fonctionnaire de présenter des arguments en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H‑6; LCDP). Dans l’avis envoyé à la CCDP, le fonctionnaire a indiqué que ses droits de la personne avaient été violés parce que l’employeur n’avait pas surveillé sa santé de manière convenable, lui avait causé des blessures médicales et n’avait pas offert un programme de réadaptation professionnelle approprié, qui aurait permis à son médecin de déterminer les limites et les restrictions du fonctionnaire. La CCDP n’a présenté aucune observation.

[8]  La Commission a tenu la plainte et le grief en suspens de 2012 à 2018 en raison des problèmes de santé du fonctionnaire. Ils devaient être entendus en 2018, mais ils ont dû être reportés à la demande de l’avocat du fonctionnaire.

[9]  Pour les motifs qui suivent, je rejette à la fois le grief et la plainte.

II.  Résumé de la preuve

[10]  Les témoins suivants ont témoigné pour l’employeur : Jeremy Hebert, gestionnaire du fonctionnaire; Margarita Clayton, qui a remplacé M. Hebert en 2011; George Zolis, directeur des Finances et de l’administration pour la région de l’Ontario de l’ARC. Le fonctionnaire a témoigné et a cité à témoigner David Babb, un collègue qui a été licencié dans des circonstances semblables à la sienne.

[11]  Le fonctionnaire est un électricien agréé qui a commencé à travailler en tant qu’électricien d’entretien pour l’ARC en mai 1992 après avoir travaillé dans le secteur privé. Il a occupé ce poste jusqu’en 2006, date à laquelle une réorganisation de l’ARC a signifié qu’elle n’employait plus d’électriciens. Il a été réaffecté à la planification des locaux.

A.  Problèmes de santé

[12]  Au cours de son emploi à l’ARC, le fonctionnaire a connu d’importants problèmes de santé, au point où il a dû prendre un congé en 2008 puisqu’il n’était plus en mesure de travailler. Il estimait que les problèmes de santé pouvaient être attribués en grande partie, sinon entièrement, à un milieu de travail toxique.

[13]  Le fonctionnaire a travaillé (à l’exception de quelques mois avant de partir en 2008) au complexe du chemin Heron, situé au 875, chemin Heron, à Ottawa, en Ontario. En tant qu’électricien, il a travaillé dans tout le complexe, mais son atelier et sa salle à manger se trouvaient au sous‑sol, où se trouvaient également une imprimerie et un atelier de peinture. Selon lui, ces ateliers ont créé des conditions insalubres parce que la ventilation était entièrement insuffisante pour traiter les fumées et les contaminants atmosphériques qui y étaient associés.

[14]  Il y avait également de l’amiante dans le bâtiment. En 1998, les employés avaient été informés de sa présence dans le bâtiment, ainsi que de l’intention de l’employeur de s’en occuper. Selon le fonctionnaire, il a été exposé à l’amiante lorsqu’il travaillait dans les murs et les plafonds, et il n’était pas suffisamment protégé contre les dangers qu’il présentait.

[15]  Le fonctionnaire était actif au sein du comité de santé et de sécurité local et a signalé à l’employeur de nombreuses conditions préoccupantes par l’intermédiaire de ce comité. À l’audience, les deux parties ont présenté un grand nombre d’éléments de preuve sur les conditions dans le complexe du chemin Heron, l’employeur en vue d’établir la façon dont il a cherché à régler les problèmes soulevés et le fonctionnaire en vue d’établir les lacunes dans les mesures prises. D’après les témoignages que j’ai entendus, il y avait trois principaux sujets de préoccupation : l’amiante, la qualité de l’air et les problèmes électriques. Dans les paragraphes qui suivent, je vais résumer ce que j’ai entendu des témoins.

1.  Amiante

[16]  En 1998, le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) a donné une séance d’information sur l’enlèvement de l’amiante qui était prévu pour le sous‑sol du complexe du chemin Heron. Les quatre électriciens qui travaillaient dans le bâtiment, y compris le fonctionnaire, ont demandé un examen pulmonaire (une évaluation de la fonction pulmonaire et une radiographie thoracique) puisqu’ils craignaient avoir été exposés involontairement à des matières contenant de l’amiante. L’employeur a communiqué avec l’Agence de santé et sécurité au travail (qui fait partie de Santé Canada) pour fixer les rendez‑vous des quatre électriciens.

[17]  D’après les éléments de preuve déposés à l’audience, il semble que Santé Canada ait examiné le fonctionnaire à plusieurs reprises. Il a commencé à faire l’objet d’une surveillance régulière en 1994 car, dans le cadre de sa profession, il aurait pu être exposé à des matières dangereuses. En outre, des examens particuliers ont été liés à la demande en raison de l’amiante.

[18]  En 1998, après les examens pulmonaires, Santé Canada a rédigé une lettre contenant le texte de fond suivant :

[Traduction]

[…]

Nous avons obtenu les résultats de votre radiographie thoracique et de votre spirométrie. Il y a une légère différence depuis 1994 dans votre fonction pulmonaire et cela est probablement attribuable au malaise dans votre paroi de la cage thoracique.

Je vous recommande de présenter ces résultats à votre médecin de famille et vous pourriez en discuter avec le médecin lorsque vous viendrez à notre clinique pour votre évaluation professionnelle.

[…]

[19]  La surveillance professionnelle a été effectuée tous les ans et portait sur l’exposition à des matières dangereuses dans le lieu de travail, comme les solvants, les BPC, la fibre de verre, la peinture et le voltage. L’amiante a été ajouté en 1999.

[20]  En 1998 et en 1999, Santé Canada a constaté une [traduction] « légère constriction thoracique » chez le fonctionnaire. En 2001, Santé Canada a adressé une lettre à son médecin de famille. Le médecin qui l’a rédigé s’est dit préoccupé par le fait que le fonctionnaire avait signalé des étourdissements. Puisque le fonctionnaire travaillait sur des échelles, le médecin de Santé Canada a demandé au médecin de famille si des restrictions seraient nécessaires. Ce dernier a répondu que le fonctionnaire prenait des médicaments, mais uniquement après les heures de travail, et a ajouté : [traduction] « […] J’ai constaté peu de somnolence et d’étourdissement chez les patients à usage chronique. »

[21]  Dans le cadre de la surveillance de 2001 par Santé Canada, encore une fois, une légère constriction thoracique avait été constatée, et rien d’autre. Il semble que la surveillance a cessé après 2004. Les résultats de l’examen de la fonction pulmonaire du fonctionnaire, selon un courriel que Santé Canada lui a envoyé à sa demande en 2010, peuvent être résumés comme suit : 1994, normal; 1998, 1999 et 2001, légère constriction thoracique; et 2004, normal. La surveillance a cessé, toujours selon le même courriel, parce que l’employeur ne l’a plus demandé.

[22]  Il semble que l’ARC était d’avis que l’amiante, en tant que matériau isolant, ne posait aucun danger aux employés si on n’y touchait pas. C’était différent pour les travailleurs, comme le fonctionnaire, qui pouvaient entrer en contact direct avec lui lorsqu’ils travaillaient à l’intérieur des murs. Des précautions étaient donc nécessaires. L’ARC a fourni des masques et des combinaisons de travail jetables, ce qui était insuffisant, selon le fonctionnaire.

[23]  Le fonctionnaire a demandé à plusieurs reprises à Santé Canada de lui donner ses dossiers et il a demandé l’aide de l’employeur. Celui-ci a répondu que Santé Canada exigeait son consentement, ce qu’il n’a jamais donné. Selon l’employeur, en 2001 et en 2004, Santé Canada a effectué des évaluations de l’exposition à l’amiante et aucun autre suivi n’était requis.

[24]  Les rapports sur la situation concernant l’amiante au complexe du chemin Heron ont été présentés à l’audience. À compter de 1999, une enquête et un plan d’élimination de l’amiante ont été effectués périodiquement.

[25]  En 1999, des matériaux friables contenant de l’amiante qui était en plus ou moins mauvais état ont été enlevés, avec une surveillance de l’air. En 2006, les conclusions étaient les suivantes :

[Traduction]

[…]

Au cours de la réévaluation, on a observé des matériaux contenant de l’amiante friable en plus ou moins mauvais état. Ces matériaux comprennent le revêtement de ciment aux pénétrations du mur et du plancher, le revêtement calorifuge sur la tuyauterie mécanique (raccord de tuyauterie), l’isolant pour porte coupe‑feu et le fini texturé du plafond. Les matériaux endommagés sont principalement situés dans des zones accessibles au personnel d’entretien (c.‑à‑d. les salles de machines et les puits de tuyauterie), à l’exception du revêtement du plafond qui se trouve dans des zones accessibles aux occupants du bâtiment (c.‑à‑d. des halls d’entrée des ascenseurs).

[…]

[26]  Le revêtement de ciment contenant de l’amiante est mentionné de nouveau dans les rapports de 2008 et de 2015. Apparemment, un projet a été préparé pour l’enlèvement des matériaux contenant de l’amiante des convecteurs du périmètre.

[27]  Il est difficile de déterminer, d’après les rapports présentés à l’audience, l’ampleur du travail qui a été effectué pour réduire l’exposition à l’amiante friable dans le bâtiment. La surveillance et l’enlèvement semblaient se poursuivre.

2.  Qualité de l’air

[28]  Les préoccupations concernant la qualité de l’air comportaient deux volets : les contaminants atmosphériques dans l’atelier et la qualité de l’air dans l’ensemble du bâtiment.

[29]  En 2002, l’employeur a ordonné une inspection approfondie de l’atelier au sous‑sol du complexe du chemin Heron. L’inspection a permis de conclure que la ventilation, l’éclairage et la prévention des incendies étaient défectueux et la zone a été fermée.

[30]  Le rapport d’inspection du lieu de travail, du 24 octobre 2002, a été présenté à l’audience. Un agent de santé environnementale de Santé Canada l’a rédigé.

[31]  La première observation à laquelle il fallait donner suite immédiatement était la suivante :

[Traduction]

[…]

[…] on a observé que la pièce D95B sert de salle de nettoyage et de peinture à l’aide d’un réservoir de nettoyage rempli de Kleen‑Solv (solvant Stoddard). On a recommandé […] de cesser d’utiliser ce réservoir de nettoyage afin d’empêcher que les employés soient exposés aux vapeurs et/ou de prévenir un incendie découlant d’une émission fugitive. […]

[…]

[32]  L’agent a également recommandé une autre inspection par un ingénieur en sécurité, qui a achevé le rapport à l’aide de ses observations et recommandations.

[33]  L’ingénieur en sécurité a indiqué la nécessité que l’ARC examine attentivement le Code national de prévention des incendies. Plusieurs activités au sous‑sol constituaient un risque d’incendie : la poussière combustible, l’utilisation de compresseurs d’air pour nettoyer la poussière et des torches à flamme nue utilisées dans un milieu contenant des solvants, du pétrole et de la poussière volatiles créaient un risque de combustion.

[34]  L’atelier de peinture n’aurait pas dû être placé au sous‑sol, selon le Code national de prévention des incendies. De plus, les systèmes d’éclairage et de ventilation étaient inadéquats. L’agent de sécurité a recommandé l’installation d’un système de ventilation approprié qui permet l’émission à l’extérieur. Il a recommandé que l’activité de peinture soit transférée à un autre étage. Les recommandations décrivent en détail les systèmes d’échappement pour la nouvelle salle de peinture.

[35]  L’atelier pourrait continuer d’être utilisé dans le sous‑sol, selon lui, [traduction] « […] à condition que toutes les activités soient compatibles avec l’esprit du Code national de prévention des incendies ». Cela signifiait éliminer tous les liquides inflammables et assurer le contrôle de la poussière, de la vapeur et de l’odeur [traduction] « […] en utilisant des filtres dépoussiéreurs et des ventilateurs d’extraction qui rejettent les contaminants à l’extérieur du bâtiment ».

[36]  Le 3 février 2003, le fonctionnaire a signé un document sur l’enquête. D’après son témoignage, les circonstances dans lesquelles l’employeur lui a demandé de le signer n’étaient pas claires. Au fil du temps, il le considérait comme un camouflage. Il se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

J’ai travaillé pour l’Agence des douanes et du revenu du Canada du 1er mai 1992 au 3 février 2003. Pendant cette période, j’ai travaillé au 875, chemin Heron dans les locaux inférieurs.

Une inspection du lieu de travail a été effectuée au 875, chemin Heron dans l’atelier et la salle de peinture dans la Gestion des installations en octobre 2002.

Les examens effectués par le Programme de santé et de sécurité au travail ont permis de confirmer certaines irrégularités dans la ventilation, l’éclairage et à l’égard du Code national de prévention des incendies.

Cette zone sera fermée jusqu’à ce qu’une estimation des réparations soit faite.

Le résumé des résultats des examens sera présenté à la Gestion des installations.

Je demande que cette déclaration soit placée de façon permanente dans mon dossier personnel.

[…]

[37]  Le fonctionnaire et un représentant de l’employeur l’ont tous les deux signé.

[38]  Un [traduction] « Résumé des évaluations de santé au travail » de Santé Canada, du 25 novembre 2002, a indiqué que six employés de la Gestion des installations avaient subi des examens de fonction pulmonaire. Trois d’entre eux ont indiqué de légères obstructions ou restrictions; un qui avait un problème dans le passé était maintenant normal et les deux autres demeuraient normaux.

[39]  L’évaluation semble avoir été faite en bonne partie en raison de l’exposition aux solvants, aux peintures et aux produits chimiques. Tel que déjà indiqué, la surveillance a cessé après 2004. L’atelier a été fermé après la réception du rapport d’enquête.

[40]  Selon le fonctionnaire, les employés se plaignaient de la qualité de l’air dans l’ensemble du bâtiment. Il était au courant de ce fait, car il était membre du Comité de santé et de sécurité au travail auquel les employés signalaient les problèmes.

[41]  En janvier 2008, un expert‑conseil en qualité de l’air à l’intérieur (QAI), Tedd Nathanson, a présenté à l’ARC un rapport sur la QAI du complexe du chemin Heron, à la suite des évaluations effectuées en 2006 et en 2007, ainsi qu’une inspection sur place. Selon la conclusion, [traduction] « [t]ous les paramètres de QAI évalués étaient conformes aux règlements sur la santé au travail et aux lignes directrices sur le confort » (le passage en évidence l’est dans l’original). Le rapport comprenait un certain nombre de recommandations visant à assurer le fonctionnement optimal du système de chauffage, de ventilation et de climatisation d’air (CVCA), surtout en ce qui concerne les inspections et le nettoyage.

[42]  À la fin de 2008 ou au début de 2009, une note de service a été préparée à l’intention du ministre responsable de l’ARC. Elle commence comme suit :

[Traduction]

[…]

La présente note de service a pour objet de vous informer des allégations concernant la qualité de l’air intérieur (QAI), à l’emplacement du Centre de technologie d’Ottawa (CTO) au 875, chemin Heron, formulées par trois employés qui sont actuellement en congé. Cette affaire a attiré l’attention des médias dans le passé.

[…]

[43]  Les trois employés mentionnés étaient le fonctionnaire, M. Babb et une troisième employée qui a également pris un congé de maladie prolongé et qui, comme le fonctionnaire et M. Babb, a finalement été licenciée.

[44]  La note de service indiquait qu’un rapport d’expert tiers avait permis de conclure que l’installation était conforme aux normes sur la QAI. Les parties pertinentes de la note de service se lisent comme suit :

[Traduction]

[…]

Depuis 2005, Greenough Environmental Consulting a effectué des évaluations indépendantes de l’ensemble du complexe situé au 875, chemin Heron, tous les ans. Selon la pratique normale, les rapports sont présentés aux membres du Comité de la SST [santé et sécurité au travail] du CTO, moment auquel des recommandations sont discutées. Au fil des ans, il y a eu quelques lacunes mineures, qui ont été corrigées et les relevés de la qualité de l’air ont été conformes aux normes requises par l’American Society of Heating, Refrigerating and Air‑Conditioning Engineers (ASHRAE). En collaboration avec le gestionnaire immobilier – SNC Lavalin ProFac (Profac) et Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), le CTO a enquêté sur toutes les plaintes relatives à la qualité de l’air qui ont été portées à son attention. Les programmes du travail d’EDSC et Santé Canada ont également contribué à ces enquêtes. Dans tous les cas déterminés, il a été conclu qu’il n’existait aucun danger. Un examen de l’utilisation des congés de maladie de tous les employés du CTO indique que l’utilisation des congés de maladie est comparable à celle dans les autres bureaux de l’ARC partout au pays.

[Le syndicat local (Syndicat des employé(e)s de l’impôt, SEI) a effectué un sondage qui a permis de conclure qu’il existait un lien entre la mauvaise QAI et les problèmes de santé des employés. Les résultats du sondage ont été affichés sur le site Web du syndicat en octobre 2007.]

[…]

Le 26 novembre 2007, Greenough a présenté les résultats de l’examen annuel de la qualité de l’air d’octobre 2007 au chemin Heron au Comité de SST du CTO. Encore une fois, le rapport indiquait que la qualité de l’air à l’emplacement situé au 875, chemin Heron répondait aux normes de l’industrie. Le directeur du CTO, le vice‑président régional du SEI et l’expert en SST de la région de l’Ontario ont rencontré un expert tiers qui a été identifié par le syndicat et a été accepté par la direction. Le 16 janvier 2008, le rapport d’expert tiers a été remis aux membres du comité de SST au chemin Heron. Le rapport a permis de conclure que l’installation est conforme aux normes et aux lignes directrices établies en matière de QAI. Un certain nombre de recommandations ont été formulées en vue d’améliorer davantage l’entretien et l’exploitation du système de CVCA existant.

Une réunion a été tenue le 15 février 2008 en vue d’examiner le rapport et d’en discuter avec les membres du comité de SST du CTO. Le 27 février 2008, le comité de SST local a diffusé un message à l’intention de l’ensemble des 875 employés du CTO situé au 875, chemin Heron en vue de confirmer les conclusions de l’expert et de fournir un lien vers son rapport. Le comité de SST local continue de recevoir régulièrement des mises à jour sur l’état d’avancement des recommandations et, à ce jour, la plupart ont été traitées.

[…]

[45]  La note de service a mentionné que les trois employés avaient allégué que l’ARC retenait des renseignements et faisait obstacle à leur accès à l’information.

[46]  Un autre rapport, d’octobre 2010 pour SNC‑Lavalin, le gestionnaire immobilier, indique que les mesures étaient conformes aux limites acceptées par l’industrie, que les groupes de traitement de l’air semblaient être bien entretenus, et qu’il faudrait procéder à des travaux d’assainissement relativement à la moisissure.

[47]  Dans sa demande de prestations de maladie professionnelle présentée à la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) du 8 novembre 2011, le fonctionnaire a présenté son point de vue sur le milieu de travail toxique de la manière suivante :

[Traduction]

[…]

Je regarde maintenant en arrière et je peux dire que je n’avais pas de problèmes de santé avant 1996‑1997. J’ai commencé à être malade en 1996‑1997. J’ai commencé avec des problèmes de fatigue ou de sommeil, des problèmes respiratoires et ces problèmes ont commencé à apparaître dans mes évaluations de santé au travail. Je me souviens avoir discuté avec les médecins et les infirmières de Santé Canada […] Après un certain temps, j’ai communiqué avec quelques‑uns de mes anciens collègues et j’ai constaté que je n’étais pas le seul à avoir des problèmes respiratoires, des problèmes relatifs à des produits chimiques dans le sang et d’autres problèmes que personne ne souhaitait expliquer davantage parce qu’ils craignent que leur emploi ou leur pension soient touchés. Les problèmes de respiration restrictive étaient fréquents dans mon dernier atelier et c’est certainement la raison pour laquelle il a été fermé et les évaluations de la surveillance de la santé ont cessé. Je sais maintenant qu’on nous a caché de nombreux dangers sérieux au travail. Les examens pulmonaires étaient effectués sans que l’on sache la raison exacte. Les résultats de l’enquête sur les dangers ont été cachés et indiqués simplement comme des conclusions irrégulières dans un document inventé que nous avons tous été invités à signer le 3 février 2003 plutôt que les conclusions très sérieuses qui touchaient sûrement la santé de tout le monde. Le rapport réel (inspection) était du 24 octobre 2002. L’existence des expositions dangereuses et d’autres circonstances dangereuses était connue depuis plusieurs années. Nous n’avons pas été informés du risque et n’avons suivi aucune formation sur l’équipement de protection individuelle approprié pour protéger notre santé et on ne nous en n’a pas fourni. […]

[…]

[48]   Je n’ai cité qu’une partie de la plainte. Elle décrit en détail la poussière et l’exposition (à l’amiante, aux BCP et à la fibre de verre) dans le cadre des travaux électriques, ainsi que les vapeurs provenant de solvants, de peintures et de l’imprimerie du sous‑sol (qui a été fermée en 2003) et du fait que le sulfure d’hydrogène n’est pas bien contenu.

3.  Problèmes d’électricité Pro

[49]  En tant qu’électricien, le fonctionnaire a souligné des situations qu’il estimait dangereuses. L’une était le câblage dans les plafonds qui, selon lui, était défectueux et dangereux. Un électricien avait été électrocuté par des fils sous tension dans le plafond.

[50]  TPSGC, le propriétaire du complexe du chemin Heron, avait progressivement confié tous les travaux d’électricité à un entrepreneur, SNC‑Lavalin, et à sa filiale, Profac. En 2005, la presque totalité des travaux électriques était accomplie par Profac. À un moment donné, l’ARC a ordonné à son personnel de ne plus travailler dans les plafonds. Le danger que le fonctionnaire avait signalé a été reconnu, selon le courriel suivant du directeur des installations le 6 octobre 2005 :

[Traduction]

L’interdiction générale imposée au personnel de l’ARC et aux entrepreneurs embauchés directement par l’ARC de pénétrer dans le vide du plafond a été mise en place par l’ARC en reconnaissance du fait qu’il existe un risque électrique reconnu qui pourrait toucher les personnes travaillant dans le vide du plafond (au‑dessus des carreaux de plafond).

Profac (l’entreprise avec qui un contrat a été conclu pour assurer l’entretien) et ses entrepreneurs continueront d’accéder à ces zones pour exercer leurs fonctions normales. Profac est responsable, dans le cadre de ses programmes de sécurité des entrepreneurs et des programmes internes de santé et sécurité, de gérer le risque associé au travail dans ces zones.

[51]  Profac a accompli des travaux d’assainissement en vue de corriger les défauts électriques. Toutefois, le fonctionnaire estimait que cela était insuffisant et, le 6 avril 2006, il a enregistré un refus de travailler avec un autre électricien de l’ARC.

[52]  La question a fait l’objet d’une enquête par un agent de santé et sécurité (du Programme du travail à ce qui était alors Ressources humaines et Développement des compétences Canada), les 12 et 18 avril 2006. Après avoir inspecté le lieu de travail, il a conclu qu’il n’existait aucun danger.

[53]  Déjà le 10 avril, l’employeur avait répondu au fonctionnaire et à son collège électricien, affirmant que des mesures avaient été prises pour corriger les lacunes et que toute lacune restante ne constituait pas un risque pour la santé ou la sécurité des employés dans le cadre de leurs activités normales. De plus, on a rappelé au fonctionnaire qu’il n’était plus autorisé à accéder au vide du plafond, aux panneaux électriques, aux salles électriques et au réseau de conduits. Son travail se limitait aux postes de travail. Par conséquent, l’employeur ne croyait pas qu’il était touché par un problème de sécurité.

[54]  En mai 2006, le fonctionnaire avait été informé que, dans le cadre du programme de Réaménagement des effectifs, son poste d’électricien était éliminé. Selon les conditions de ce programme, l’employeur devait présenter une offre d’emploi raisonnable (OER) à un employé qui souhaitait continuer de faire partie de l’effectif. Il a été réaffecté à un poste de commis aux installations. M. Hebert et M. Zolis ont témoigné en disant que cela coïncidait avec une réorganisation majeure dans l’ensemble de l’ARC visant à restructurer sa Direction générale des finances et de l’administration, y compris les Installations, la section dans laquelle travaillait le fonctionnaire. Les travaux d’entretien étaient confiés à des entrepreneurs privés.

[55]  En décembre 2008, l’employeur a offert au fonctionnaire un poste de technicien du courrier et des services généraux. Il était classifié à un niveau inférieur à celui du poste d’électricien, mais son niveau de salaire d’électricien serait maintenu. Puisqu’il était déjà en congé de maladie pour une durée indéterminée, l’employeur a accepté de reporter toute autre mesure jusqu’à ce qu’il retourne au travail.

B.  Maladie et discussions sur le retour au travail

[56]  En 2001, le fonctionnaire avait reçu un diagnostic de fibromyalgie. Il souffrait d’étourdissements et son médicament antalgique prescrit pourrait accroître les étourdissements et causer la somnolence.

[57]  En juillet 2008, il a été évalué par un médecin spécialisé en médecine environnementale qui ne souscrivait pas au diagnostic de fibromyalgie, mais estimait plutôt qu’il répondait aux critères du syndrome de fatigue chronique. L’évaluation peut être résumée par l’extrait suivant de la lettre du médecin :

[Traduction]

[…]

[…] Cas de figure typique chez les patients vus en médecine environnementale, il se plaint de symptômes polysystémiques complexes et du système nerveux central de fatigue, de troubles de sommeil, de douleurs chroniques, de plaintes chroniques et de changements d’humeur. Bon nombre de ces patients ont un trouble du sommeil connexe, comme ce patient. […]

[…]

[58]  Le médecin a recommandé au médecin de famille un médicament pour composer avec la douleur, la réduction du poids et des traitements non pharmaceutiques pour la douleur chronique.

[59]  En août 2008, le fonctionnaire a pris un congé de maladie, d’abord payé, puis non payé. Il a touché des prestations d’assurance‑chômage, puis des prestations d’invalidité de la Sun Life, une des compagnies d’assurance du gouvernement fédéral. Ses principales plaintes médicales étaient l’excès de somnolence, la difficulté de se concentrer et la perte de mémoire, ainsi que la douleur généralisée.

[60]  En 2009, le fonctionnaire a été évalué par une équipe de Calgary, en Alberta, se spécialisant en malaises environnementaux comme [traduction] « […] le syndrome de fatigue chronique, la fibromyalgie, la sensibilité chimique multiple et des troubles connexes […] » (l’« évaluation de Calgary »). L’évaluation de Calgary était exhaustive et comprenait à la fois un examen physique et un examen psychologique. Je cite ci‑dessous certains extraits de ce document portant sur l’invalidité, le pronostic et la causalité :

[Traduction]

[…]

Si les deux jours où j’ai rencontré M. Lapointe sont représentatifs de son état de santé global, alors il n’est pas actuellement en mesure de travailler à aucun emploi. Il avait des difficultés cognitives évidentes à maintenir le fil de sa pensée, à se souvenir de détails récents et moins récents de sa vie et à se faire suffisamment comprendre, tous des éléments nécessaires pour accomplir les tâches dans la plupart des emplois. En outre, les niveaux d’énergie déclarés de M. Lapointe sont inférieurs à ceux qui sont nécessaires pour travailler, même à temps partiel. […] Le niveau de douleur de M. Lapointe, même s’il varie, continue d’être sévère et touche les activités soutenues.

[…]

Le pronostic à ce stade est extrêmement incertain et dépend de la possibilité de trouver une cause traitable pour un ou plusieurs des symptômes physiques invalidants de M. Lapointe. […]

[…]

M. Lapointe présente un certain nombre de symptômes invalidants et a un certain nombre de résultats d’examens objectifs confirmant le dysfonctionnement physique et cognitif. Les problèmes de santé de M. Lapointe sont survenus pour la première fois peu après le début d’un nouvel emploi et son historique de bonne santé avant cette date soulève certainement la question de savoir si ces symptômes sont liés à l’exposition au lieu de travail. M. Lapointe a indiqué et a consigné de nombreux problèmes relatifs aux bâtiments où il travaillait. Pour croire qu’un [traduction] « bâtiment malade » était la cause ou le catalyseur des problèmes, il faudrait également expliquer les problèmes de santé qui durent un an après l’arrêt de travail. […] La note élevée des nombreux examens de Kilburn indique (mais ne prouve pas) que les symptômes de M. Lapointe sont liés au moins en partie à des expositions à des produits chimiques toxiques. Dans notre monde pollué, le lieu de travail n’est pas la seule source d’expositions possibles aux produits toxiques. Toutefois, la date du début des symptômes de M. Lapointe laisse entendre une incidence du lieu de travail sur sa santé.

[…]

Comment expliquons‑nous l’invalidité permanente un an après le départ du travail? Bon nombre des effets d’une exposition à des produits toxiques sont chroniques et irréversibles. Par conséquent, l’invalidité permanente est compatible avec les problèmes de santé liés à l’exposition aux produits chimiques au lieu de travail.

[…]

[61]  L’évaluation se termine par le paragraphe suivant, intitulé [traduction] « Retour au travail » :

[Traduction]

[…] Étant donné le lien plausible entre les expositions de M. Lapointe au lieu de travail et ses symptômes actuels, je m’opposerais à ce qu’il retourne au travail dans son ancien lieu de travail. Même dans les lieux de travail assainis, les travailleurs antérieurement touchés ont tendance à ne pas être bien. Si, à un moment donné à l’avenir, il est suffisamment en santé pour envisager un emploi à temps partiel, il sera important qu’il travaille dans un endroit où l’air est d’excellente qualité, où il n’y a pas de moisissure, où il n’y a pas d’amiante, où il n’y a pas de fibre de verre, où il n’y a pas de sulfure d’hydrogène et où l’environnement est raisonnablement libre de produits chimiques et de parfums.

[62]  Lorsque le fonctionnaire a quitté le lieu de travail en 2008, sa situation d’emploi n’avait toujours pas été réglée. En décembre 2008, il a reçu une OER qu’il n’a jamais signée.

[63]  Plus d’un an après que le fonctionnaire a quitté son travail pour des raisons médicales, soit le 14 décembre 2009, son médecin de famille a signé une note indiquant en partie que [traduction] « Cet homme n’est pas apte à retourner au travail. Il devrait être considéré comme TOTALEMENT handicapé » (le passage en évidence l’est dans l’original). En mars 2010, le médecin de famille a de nouveau rédigé une note selon laquelle le fonctionnaire devrait rester en congé, cette fois‑ci jusqu’au 1er décembre 2010.

[64]  Le 17 juin 2010, le médecin de famille a envoyé une lettre à la Sun Life pour l’informer de l’état d’invalidité du fonctionnaire. Il a conclu sa lettre par la déclaration suivante : [traduction] « M. Lapointe ne pourra jamais retourner au travail à aucun poste. Il ne le croit pas, mais d’après mon expérience, la probabilité de retourner à un emploi équivalent est extrêmement faible. »

[65]  Je remarque que, lorsque le fonctionnaire a présenté sa demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada après le licenciement, le médecin de famille a rempli le rapport médical (janvier 2013) et a indiqué que le fonctionnaire [traduction] « ne retournera jamais à un emploi rémunéré » (l’utilisation de toutes les majuscules dans l’original a été modifiée pour faciliter la lecture).

[66]  Le 6 décembre 2010, le gestionnaire du fonctionnaire, M. Hebert, lui a envoyé une lettre qui s’appelle communément une [traduction] « lettre d’options ». À ce moment‑là, le fonctionnaire était en congé de maladie non payé depuis près de deux ans. Il a utilisé des crédits de congé de maladie, qui couvraient la période allant d’août à décembre 2010, après quoi l’employeur lui a accordé un congé non payé. M. Hebert a expliqué la politique de l’ARC sur les congés non payés pour maladie ou blessure de la façon suivante :

[Traduction]

[…]

[…]

[67]  Les options offertes à l’employé sont ensuite énoncées comme suit :

[Traduction]

[…]

Il sera mis fin à ces congés non payés par :

a) le retour au travail de l’employé (avec l’autorisation médicale applicable);

b) la retraite de l’employé pour des raisons médicales (sous réserve de l’approbation de Santé Canada);

c) la démission de l’employé pour des raisons non médicales (une lettre de démission est requise);

d) le renvoi de l’employé en vertu de l’alinéa 51(1)g) de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada.

[…]

[68]  La lettre indique que l’employeur [traduction] « sera tenu » de mettre fin à son congé non payé au plus tard le 25 février 2011. Si le fonctionnaire choisit de retourner au travail, l’employeur exigera une lettre d’un praticien traitant pour indiquer toute limite ou restriction médicale nécessitant une mesure d’adaptation. Si une telle lettre ne peut être obtenue, l’employeur exigera son consentement à subir une évaluation médicale indépendante pour déterminer les limitations fonctionnelles afin que l’employeur puisse fournir une mesure d’adaptation.

[69]  À la suite de cette lettre, le fonctionnaire et l’employeur ont eu de nombreux échanges, dont les témoins ont longuement discuté à l’audience. Du côté de l’employeur, il s’est efforcé d’obtenir du fonctionnaire les renseignements nécessaires pour permettre un retour au travail, car il semblait qu’il ne souhaitait ni démissionner ni prendre sa retraite. La date limite initiale du 25 février 2011 a été reportée à maintes reprises.

[70]  Pour sa part, le fonctionnaire était profondément insatisfait de la manière dont il estimait que l’employeur le traitait. Il considérait comme un harcèlement le fait que M. Hebert insistait à obtenir des réponses quant à un retour au travail éventuel. La fonctionnaire ne souhaitait pas mettre en péril les prestations d’invalidité qu’il touchait de la Sun Life et il s’attendait à ce que la Sun Life y participe. Il a également demandé une évaluation par Santé Canada puisque, selon lui, le ministère avait déjà ses dossiers (en raison de la surveillance de 1994 à 2004) et aurait dû être responsable de l’évaluer.

[71]  Par le passé, Santé Canada effectuait des évaluations de retour au travail (évaluations de l’aptitude au travail). Toutefois, en 2011, l’ARC avait conclu un contrat avec un fournisseur tiers, AIM Group, pour effectuer les évaluations de l’aptitude au travail lorsque le retour au travail était prévu. Cela a été répété à maintes reprises au fonctionnaire, mais il a simplement refusé de consulter AIM Group, car il estimait que Santé Canada était mieux placé pour effectuer l’évaluation. À l’audience, il a maintenu sa position, malgré le fait d’avoir été informé à maintes reprises que Santé Canada n’effectuait plus ces évaluations pour l’ARC.

[72]  Le médecin de famille du fonctionnaire n’a jamais fourni de renseignements sur l’aptitude au travail du fonctionnaire ou sur les limites fonctionnelles qui exigeaient des mesures d’adaptation. L’évaluation de Calgary n’a jamais été fournie à l’employeur, y compris l’observation selon laquelle le fonctionnaire ne devrait pas retourner au même lieu de travail.

[73]  En décembre 2008, le fonctionnaire avait reçu l’offre du poste de technicien de courrier et des services généraux, car son poste d’électricien n’existait plus à l’ARC. Après avoir reçu la lettre, il a demandé une description de travail, ainsi qu’une analyse des risques liés au travail et son dossier de santé au travail de l’employeur avant de rencontrer son médecin. Son rendez‑vous était prévu le 1er mars 2011.

[74]  L’employeur a accepté de reporter la date limite du 25 février et M. Hebert a envoyé par courriel la description de travail au fonctionnaire afin qu’il puisse en discuter avec son médecin. Dans son courriel, M. Hebert a déclaré qu’il n’y avait aucune analyse des risques liés au travail pour ce poste et que l’ARC n’avait aucun dossier de santé au travail à l’égard du fonctionnaire.

[75]  Dans un courriel du 4 février 2011, adressé à M. Zolis (de qui relevait M. Hebert), le fonctionnaire a insisté sur le fait que son poste était encore celui d’électricien. M. Hebert a répondu [traduction] « Votre poste d’attache demeure celui d’électricien […] Le poste à l’égard duquel vous avez reçu une offre d’emploi raisonnable est celui de technicien du courrier et des services généraux. Si vous choisissez d’accepter l’offre d’emploi raisonnable, il deviendra votre poste d’attache. »

[76]  Après ce dernier courriel, le fonctionnaire a envoyé une lettre à M. Zolis afin de déclarer qu’il ne souhaitait plus traiter avec M. Hebert, car il le considérait comme l’une des nombreuses personnes qui seraient visées par sa plainte de harcèlement. M. Zolis a répondu en envoyant par courriel au fonctionnaire une copie de la Politique sur la prévention et la résolution du harcèlement de l’ARC et en lui offrant son numéro de téléphone dans l’éventualité où le fonctionnaire souhaitait en discuter davantage. Cependant, entre‑temps, le fonctionnaire devait toujours traiter avec M. Hebert aux fins de son retour au travail.

[77]  Le 2 mars 2011, le fonctionnaire a envoyé un courriel à M. Zolis, indiquant qu’il avait rencontré son médecin. Selon lui, elle ne pouvait pas lui donner une opinion quant à l’emploi offert [traduction] « […] car il ne conviendrait probablement pas aux mesures d’adaptation dont [le fonctionnaire] aurait besoin ».

[78]  À ce stade, le fonctionnaire a demandé à son syndicat (le SEI, un élément de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC)) de l’aider à traiter avec la Sun Life afin de faciliter son retour au travail. L’agent des pensions et de l’assurance‑invalidité de l’AFPC a répondu qu’il communiquerait avec la Sun Life afin de faciliter le retour au travail; il a également demandé au fonctionnaire de lui donner des renseignements sur ses besoins en matière de mesures d’adaptation.

[79]  L’employeur avait reporté la date limite au 15 mars 2011 pour obtenir suffisamment de renseignements du fonctionnaire. Le 7 mars 2011, dans un courriel adressé à plusieurs représentants syndicaux, à la Sun Life et à M. Hebert, il a posé la question suivante : [traduction] « Serai‑je licencié le 15 mars en attendant que la Sun Life autorise le lancement d’un programme de retour au travail? »

[80]  M. Hebert a répondu le même jour comme suit :

[Traduction]

[…]

Pour clarifier, comme je l’ai indiqué dans mon courriel du vendredi dernier 4 mars 2011, nous continuerons bien sûr à être raisonnables en faisant preuve de souplesse en ce qui concerne les délais requis. Vous vous souvenez que, dans ce même courriel, j’ai demandé des renseignements supplémentaires qui me permettront d’envisager une prorogation appropriée.

De plus, veuillez noter que la date du 15 mars n’était pas une date de licenciement, mais une date à laquelle nous estimions raisonnable de nous attendre à ce que vous répondiez à notre lettre précédente du 6 décembre 2010. Nous sommes tout à fait disposés à continuer de travailler avec vous, Denis, pour nous assurer que vous avez toutes les possibilités de retourner au travail avec nous. Nous avons toutefois besoin de certains renseignements pour le faire, y compris les renseignements demandés à votre médecin et le formulaire de consentement, qui autorise l’ARC à discuter de votre situation avec votre médecin afin de faciliter votre retour au travail.

[…]

[81]  M. Hebert a répété sa demande relative aux formulaires de consentement et de détermination des capacités fonctionnelles le 14 mars 2011. À l’audience, le fonctionnaire a expliqué qu’il s’inquiétait beaucoup du fait qu’on mettrait fin subitement à ses prestations d’invalidité si la Sun Life n’acceptait pas le programme de retour progressif au travail. Par conséquent, il était très important que la Sun Life participe. Le 14 mars 2011, il a envoyé le courriel suivant à M. Zolis et à M. Hebert :

[Traduction]

[…]

Ma demande de retour au travail a été transmise à la Sun Life par l’agent d’invalidité de l’AFPC. Selon ce que je comprends maintenant, il s’agit d’un programme multipartite que la Sun Life est chargée d’entreprendre. Veuillez comprendre que mon dossier sera transmis à leur conseiller en gestion de la santé. Je ne sais pas comment fonctionne ce programme ni qui communique avec l’employeur et qui le met à jour.

[…]

[82]  M. Hebert a répondu que, même avec la participation de la Sun Life, il avait quand même besoin des deux documents demandés au fonctionnaire, notamment le formulaire de consentement, afin que l’employeur puisse communiquer avec le médecin du fonctionnaire, et un formulaire de détermination des capacités fonctionnelles rempli par le médecin, attestant que le fonctionnaire était en mesure de retourner au travail et précisant les mesures d’adaptation nécessaires.

[83]  Alors que l’employeur se préoccupait du retour au travail, le fonctionnaire se préoccupait de trouver des renseignements sur son exposition à des matières dangereuses au lieu de travail. Il y a de nombreux courriels à cet effet. Voici un courriel du 22 mars 2011 adressé à M. Zolis :

[Traduction]

[…]

Depuis 1992, je suis électricien d’entretien pour l’ARC et je n’ai jamais été informé qu’en raison des travaux que j’avais accomplis au cours des années, j’avais été exposé à des matériaux contenant l’amiante ou à d’autres poussières dangereuses. Comme je n’avais pas été informé, je n’avais pas non plus suivi une formation nécessaire pour avoir des renseignements sur l’amiante, la silice dans le ciment, la fibre de verre dans les plafonds, entre autres. […] Comme tout le monde dans ce complexe, je n’ai pris connaissance que de renseignements limités lors des séances d’information sur l’amiante. Mes dossiers de Santé Canada en témoignent. Non seulement je n’étais pas au courant de mes expositions, mais également du fait que j’exposais tout le monde à l’amiante, à la silice du ciment, à la fibre de verre des plafonds, etc. […] J’avais été exposé ou avais été touché pendant mon travail. Certains de mes collègues et moi avions pour pratique quotidienne d’utiliser le tuyau à air dans notre atelier pour enlever autant de poussière que possible de nos vêtements avant de rentrer à la maison. […] Quelle quantité de cette poussière était de l’amiante, de la fibre de verre des plafonds et/ou de la silice du ciment dans lequel j’avais foré toute la journée? Quelle quantité de ces composantes ai‑je ramené à la maison et à laquelle ma famille a été en contact au fil des ans? Comment étais‑je censé savoir que mes vêtements de travail n’auraient pas dû être lavés avec les vêtements de ma famille?

Je n’ai aucun doute, d’après les documents que j’ai obtenus et examinés, du fait que j’étais exposé régulièrement à l’amiante et à d’autres risques graves, comme la fibre de verre des plafonds, la poussière de silice du ciment et d’autres que je n’ai pas encore découverts. Je peux maintenant comprendre les réponses évasives que j’ai obtenues lorsque j’ai demandé une lettre sur l’exposition à l’amiante et le dossier de toutes mes autres expositions à cet employeur.

[84]   Le courriel se termine en demandant quand d’autres dossiers seraient reçus.

[85]  Je souligne le fait que les formulaires de surveillance de Santé Canada de 1994 à 2004 mentionnaient que les mesures de protection contre la poussière étaient assurées à l’aide de combinaisons de travail jetables. Dans son formulaire, le fonctionnaire a indiqué qu’il les utilisait. En 1999, l’amiante a commencé à figurer sur la liste des matières dangereuses auxquelles il avait été exposé.

[86]  Le 29 avril 2011, il a envoyé le courriel suivant à M. Zolis et une copie conforme à M. Hebert :

[Traduction]

[…]

Il semble à ce stade que le fournisseur d’assurance de l’employeur ne souhaite pas amorcer le processus de mon retour au travail. Je sais que je ne peux pas retourner au travail sans leur consentement. Je les ai informés par l’intermédiaire de [l’agent d’invalidité de l’AFPC] que je suis disposé à rencontrer leurs experts‑conseils en matière de gestion de la santé, puisque mes médecins sont des fournisseurs de soins de santé et non des spécialistes en matière de retour au travail. Ils m’ont informé à leur tour par l’intermédiaire de [l’agent d’invalidité de l’AFPC] qu’ils communiqueraient avec moi bientôt. Cela ne s’est pas encore produit et je ne sais pas pourquoi. Même avec des incapacités et des limitations, j’ai le droit de travailler.

[…]

[87]   M. Hebert a répondu le même jour comme suit :

[Traduction]

[…]

Soyez assuré que notre intérêt consiste également à faciliter votre retour au travail réussi le plus rapidement possible. C’est pourquoi nous vous offrons les services de AIM Health Group. AIM a des experts en matière de programmes de retour au travail. Ils effectuent des évaluations de l’aptitude au travail et ils travailleront avec vous, et avec nous, pour élaborer un plan complet pour faciliter votre retour au travail, ce que je crois être exactement ce que vous cherchez. Les services d’AIM comprennent l’évaluation et la détermination de toutes les limites, ainsi que l’élaboration d’un plan d’adaptation approprié qui répondrait à ces limites, permettant un retour au travail réussi.

[…]

[88]  Dans un autre courriel, M. Hebert a de nouveau déclaré la nécessité des documents afin de permettre le retour au travail; c’est‑à‑dire, une note du médecin indiquant que le fonctionnaire est en mesure de retourner au travail avec un énoncé des limitations et le consentement du fonctionnaire permettant à l’employeur de communiquer avec le médecin. M. Hebert a demandé de recevoir les formulaires de consentement et de détermination des capacités fonctionnelles au plus tard le 13 mai 2011.

[89]  La Sun Life a envoyé une lettre au fonctionnaire, du 29 avril 2011. La date de réception n’est pas claire, mais il l’avait certainement reçue à la mi-mai. La Sun Life déclarait avoir besoin des renseignements de son médecin ou d’une évaluation de l’aptitude au travail, pour contribuer à l’effort de retour au travail. Je cite la partie pertinente, comme suit :

[Traduction]

[…]

La demande de prestations d’invalidité a été présentée pour le poste d’attache d’électricien, même si ce poste a été supprimé au milieu de 2005. Votre employeur vous a offert un poste permanent dans la salle du courrier, mais vous dites que ce poste ne répond pas à vos limitations et restrictions médicales.

À l’heure actuelle, afin que la Sun Life et votre employeur puissent tous les deux comprendre et planifier les prochaines étapes de votre demande de prestations d’invalidité et/ou votre réintégration au travail, ce qui est nécessaire est un rapport médical à jour nous fournissant, votre employeur et la Sun Life, une explication de vos limitations et restrictions et le type de travail que vous êtes en mesure de faire étant donné votre état de santé. En conséquence, nous vous suggérons fortement de vous soumettre à une évaluation de l’aptitude au travail ou de vous assurer que votre médecin nous fournit ces renseignements.

Une fois que ces renseignements sont examinés, nous serons mieux placés pour déterminer le caractère pratique d’une aide supplémentaire en gestion de la santé.

[…]

[90]  Au début de mai 2011, M. Zolis a offert de rencontrer le fonctionnaire et son représentant syndical pour discuter du retour au travail. Le fonctionnaire a refusé l’invitation. Il a demandé que tout soit discuté par courriel.

[91]  Le 19 mai 2011, M. Hebert a rédigé une lettre à l’intention du fonctionnaire qui commence par le paragraphe suivant :

[Traduction]

La présente fait suite à la lettre que je vous ai envoyée le 6 décembre 2010 et à nos conversations avec vous. Nous avons, à maintes reprises, demandé un certificat médical attestant que vous êtes apte à retourner au travail, ainsi que toute limitation et restriction. Nous vous avons accordé de nombreuses prorogations afin de fournir les documents demandés. Au cours de notre dernière communication du 29 avril 2011, nous avons demandé que les renseignements de votre médecin soient reçus au plus tard le 13 mai 2011 ou que vous informiez la direction si vous souhaitez subir une évaluation de l’aptitude au travail auprès du AIM Health Group. Nous n’avons toujours reçu aucun document de votre part.

[92]  La lettre énonce ensuite de nouveau les options offertes au fonctionnaire : le retour au travail, avec un certificat médical attestant qu’il était apte à retourner au travail (ou une évaluation de l’aptitude au travail par AIM Group), la retraite pour des raisons médicales ou la démission. La dernière option était un congédiement. Il avait jusqu’au 17 juin 2011 pour répondre.

[93]  Au cours de cette période, la Commission (qui était alors la CRTFP) a entendu une plainte déposée par le fonctionnaire en vertu du Code canadien du travail. On a demandé à M. Hebert de fournir des renseignements sur l’emploi du fonctionnaire, en préparation à l’audience, et il a répondu de la manière suivante :

[Traduction]

[…]

Voici mon souvenir. N’oubliez pas que la période de travail de Denis auprès de l’ARC est antérieure à la mienne.

Denis a été embauché comme électricien (GL‑EIM‑10) et a travaillé avec le CTO principalement au chemin Heron, parfois au 2215, croissant Gladwin, dans son rôle d’électricien.

Je crois que son lieu de travail réel se trouvait au niveau inférieur du 875, chemin Heron, mais il travaillait souvent dans tout le bâtiment sur divers problèmes électriques. Je ne crois pas que Denis ait travaillé ailleurs comme électricien avant un moment donné en 2004‑2005, moment auquel il a été muté à la salle 1050 du CTO, avec le groupe immobilier régional, qui a ensuite été transféré à la salle 154, également au 875, chemin Heron.

Après avoir été déclaré touché par la réorganisation des F et A, Denis a été affecté d’autres fonctions liées aux services des installations et a travaillé à divers endroits relevant de la région de l’Ontario à Ottawa, principalement au 875, chemin Heron et au 333, rue Laurier.

Il a présenté un refus de travailler fondé sur des lacunes électriques perçues, qui ont fait l’objet d’une enquête appropriée. Je me souviens qu’à un moment donné, Denis ne se sentait pas bien et est rentré chez lui. Il estimait que c’était un problème relatif à la qualité de l’air. Son gestionnaire […] a collaboré avec le Comité de la SST pour enquêter et n’a relevé aucun problème. Je crois qu’il avait également présenté une demande de prestations auprès de la CSPAAT concernant cet incident.

En général, à titre de membre du Comité de la SST, Denis veillait également activement à assurer un milieu de travail sécuritaire, à défendre et à exprimer les préoccupations liées aux problèmes perçus liés à la qualité de l’air, qui ont tous fait l’objet d’une enquête approfondie, la conclusion étant finalement qu’il n’existait aucun problème relatif à la qualité de l’air. Cela comprenait des préoccupations selon lesquelles le bâtiment aurait été construit sur un dépotoir, qui aurait nui à la qualité de l’air. Cela a également fait l’objet d’une enquête par la SST locale et la direction et a été jugé sans fondement.

[…]

[94]  Le 7 juin 2011, le médecin de famille du fonctionnaire a adressé la note suivante à la Sun Life :

[Traduction]

[…]

M. Lapointe m’a demandé de vous envoyer la présente lettre en son nom. Il souhaiterait participer à un programme de réadaptation professionnelle. Il estime actuellement que le fait de rester à la maison nuit à sa santé. Je ne suis pas en mesure de donner une évaluation définitive de ses restrictions et de ses limites pour tout nouveau type d’emploi. Nous espérons qu’un programme de réadaptation professionnelle nous permettra de déterminer ces limites.

J’espère que cela vous donne les renseignements nécessaires.

[…]

[95]  Le 15 juin 2011, la Sun Life a envoyé une lettre au fonctionnaire en réponse à la demande de son médecin qui était rédigée en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Nous accusons réception de la lettre de votre médecin traitant concernant la réadaptation professionnelle.

Nous avons examiné la lettre et nous signalons que le médecin traitant ne nous a pas fourni des renseignements qui constitueraient une preuve médicale que vous êtes en mesure de participer avec succès à un programme de réadaptation qui mènerait à un travail de niveau équivalent. Nous ne pouvons donc pas approuver votre demande d’aide professionnelle.

Si vous estimez que vous êtes maintenant en mesure, sur le plan médical, de reprendre le travail à un titre quelconque, nous vous suggérons de travailler avec votre employeur et de subir une évaluation de l’aptitude au travail afin d’exécuter un plan de retour au travail sain, dans la mesure du possible. À la suite de l’évaluation, nous aurons besoin d’une copie du rapport et nous surveillerons vos progrès en conséquence.

À ce moment‑là, nous pouvons examiner de nouveau la décision concernant la participation à la gestion de la santé.

[…]

[96]  Le même jour, la remplaçante de M. Hebert, Mme Clayton, a envoyé une lettre au fonctionnaire dans laquelle elle répète la nécessité d’un certificat médical et en lui offrant de nouveau les services d’AIM Group.

[97]  Le fonctionnaire a répondu à la lettre de la Sun Life le lendemain dans un courriel également envoyé à l’employeur. Dans ce courriel, il a fait part de son mécontentement à l’égard de la Sun Life qui n’était pas disposée à organiser son évaluation de l’aptitude au travail, en déclarant en conclusion ce qui suit : [traduction] « Je ne suis pas disposé à subir d’autres préjudices aux mains de mes employeurs puisque les médecins d’AIM Group ne sont pas indépendants lorsqu’ils sont rémunérés par l’employeur. » À l’audience, il a reconnu qu’il ne savait rien d’AIM Group, hormis le fait que l’employeur avait offert ses services.

C.  Licenciement

[98]  L’employeur a rédigé une note de service portant sur le licenciement proposé du fonctionnaire en date du 20 juillet 2011. Elle est adressée au commissaire adjoint de la région de l’Ontario de l’ARC et a été rédigée par M. Zolis.

[99]  Dans la note de service, M. Zolis décrit les efforts déployés pour obtenir des renseignements de la part du fonctionnaire en vue de répondre à ses besoins en matière de santé, en vain. Son médecin ne fournissait pas les renseignements et le fonctionnaire refusait de se soumettre à une évaluation par AIM Group.

[100]  La note de service précise les cinq recours en instance, soit les plaintes, un grief et une demande, comme suit :

1.  une plainte déposée en vertu du Code canadien du travail devant la Commission (rejetée depuis);

2.  la demande à la CSPAAT (pour laquelle il semble que l’appel soit toujours en cours);

3.  une plainte de discrimination déposée devant la CCDP fondée sur une incapacité (la CCDP lui a conseillé de se prévaloir d’abord du recours à l’arbitrage);

4.  une plainte de harcèlement, qui ne s’est apparemment jamais concrétisée;

5.  un grief de discrimination tenu en suspens à sa demande afin qu’il puisse obtenir les renseignements en réponse à une demande d’accès à l’information et protection des renseignements personnels (AIPRP).

[101]  La note de service traite également des préoccupations exprimées souvent par le fonctionnaire au sujet de la QAI, la question ayant été réglée à la satisfaction de l’employeur.

[102]  M. Zolis a signé la lettre de licenciement du 3 août 2011 qui indique qu’il entre en vigueur à la fin de la journée du 5 août 2011. La lettre expose les raisons pour lesquelles l’employeur a conclu qu’il ne pouvait plus employer le fonctionnaire en présentant les faits suivants.

[103]  Le fonctionnaire était en congé non payé pour maladie ou blessure depuis le 16 décembre 2008. Deux ans plus tard, conformément à la politique sur les congés non payés, l’employeur lui a offert plusieurs options, notamment le retour au travail ou la retraite pour raisons médicales. Son congé non payé a été prorogé à maintes reprises pour lui permettre d’obtenir les renseignements nécessaires de son médecin de famille afin de faciliter une adaptation des tâches conforme à ses limitations fonctionnelles. Les renseignements n’ont jamais été fournis. L’aide d’un groupe d’évaluation professionnelle a été offerte, mais a été refusée.

[104]  Cette lettre se concluait ensuite par ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Étant donné le temps écoulé depuis que vous avez débuté votre congé et le fait que vous n’avez pas fourni les renseignements médicaux nécessaires d’un médecin, en vertu du pouvoir qui m’a été délégué conformément à l’alinéa 51(1)g) de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada, vous êtes par la présente, licencié pour incapacité. […]

[…]

[105]  À l’audience, on m’a présenté des éléments de preuve selon lesquels, en 2016, le Tribunal de la sécurité sociale avait conclu que le fonctionnaire souffrait d’une incapacité qui l’empêchait de travailler depuis 2008. Cette conclusion a été tirée bien après que l’employeur a décidé de le licencier. Aux fins de la présente décision, j’ai tenu compte des éléments de preuve tels qu’ils étaient à la date de son licenciement. Il avait été en congé de maladie pendant trois mois et aucun certificat médical n’indiquait qu’il était apte à retourner au travail.

D.  Témoignage de M. Babb

[106]  M. Babb a été cité à témoigner par le fonctionnaire, en grande partie pour établir que son expérience avait été très semblable à celui du fonctionnaire. M. Babb souffrait également de plusieurs maux qui, selon lui, avaient été aggravés par le lieu de travail du complexe du chemin Héron. Il a également été licencié après un congé de maladie prolongé et avait été très actif au sein du Comité local de la santé et de la sécurité au travail.

[107]  M. Babb a également déposé un grief contre son licenciement devant la Commission. Son grief a été entendu et est en attente d’une décision. Je ne suis pas saisie de ce grief.

[108]  Les circonstances de M. Babb étaient un peu différentes en ce sens que, lorsqu’il a commencé à travailler pour l’ARC, on lui avait déjà diagnostiqué des maladies liées à ses lieux de travail antérieurs. Il a témoigné que l’employeur avait été informé de son état de santé lorsqu’il a commencé à travailler à cet endroit. Il travaillait dans l’atelier d’imprimerie. Contrairement au fonctionnaire, il ne se déplaçait pas dans le bâtiment, mais il était plutôt confiné au sous‑sol jusqu’à ce que l’atelier d’imprimerie soit déplacé à la suite du rapport de 2002.

[109]  M. Babb a longuement témoigné au sujet d’un document que l’employeur avait rédigé avant son licenciement, qui indiquait les différentes plaintes qu’il avait déposées au sujet du complexe du chemin Heron. Avec égards, je ne crois pas que les circonstances de M. Babb sont pertinentes à ma décision en l’espèce. Lui et le fonctionnaire dénonçaient activement les conditions de travail dans leur lieu de travail et ils ont tous les deux perdu leur emploi à la suite d’une longue période de maladie. Ce n’est pas suffisant pour établir une tendance dans le comportement de l’employeur qui permettrait de conclure que le licenciement du fonctionnaire équivalait à des représailles pour avoir exercé ses droits en vertu du Code canadien du travail.

III.  Résumé de l’argumentation

A.  Pour l’employeur

[110]  La Commission n’a pas compétence pour entendre le grief, car le licenciement n’était pas de nature disciplinaire. Étant donné que l’ARC est un organisme distinct, la Commission n’a pas compétence pour enquêter sur un licenciement pour des raisons autres qu’une mesure disciplinaire pour inconduite.

[111]  La Commission n’a pas de compétence pour examiner une simple allégation de discrimination (voir Chamberlain c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2013 CRTFP 115); elle peut en être saisie uniquement si elle est adéquatement saisie d’un grief. Puisque la Commission n’a pas compétence pour entendre le grief, elle ne peut avoir compétence pour examiner l’allégation de discrimination. La question à trancher en l’espèce portait sur la possibilité du fonctionnaire de retourner au travail. Il était tenu de participer à l’effort (voir Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970), mais il ne l’a jamais fait.

[112]  Il n’existe aucune preuve convaincante de représailles de la part de l’ARC qui appuierait la plainte déposée en vertu du Code canadien du travail. Autrement dit, le fonctionnaire a été licencié en raison du manque de renseignements qui lui aurait permis de retourner au travail. Il n’avait aucun certificat médical attestant qu’il était apte à retourner au travail.

B.  Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

[113]  Le fonctionnaire soutient qu’il a un grief valide devant la Commission et allègue que le licenciement était de nature disciplinaire. Par conséquent, la Commission a compétence pour examiner l’allégation de discrimination présentée en vertu de la LCDP. La Commission a également compétence en vertu des articles 133 et 147 du Code canadien du travail afin de décider si le licenciement constituait une mesure de représailles.

[114]  Le document d’information préparé à l’intention de la direction avant le licenciement du fonctionnaire indique qu’au moins en partie, ses actions en vue de protéger ses droits ont été examinées au moment de la prise de décision. Sinon, pourquoi inclure ses préoccupations (qualité de l’air, amiante et plaintes) si la préoccupation de l’employeur ne visait réellement que la règle de deux ans et l’obligation qui en découle de mettre fin à la relation de travail?

[115]  Dans son argumentation, le fonctionnaire a souligné à quel point son licenciement était remarquablement semblable à celle de deux autres membres du Comité de santé et de sécurité, soit M. Babb et un autre membre, qui ont tous été malades en raison des conditions au complexe au chemin Heron, ont tous pris un congé de maladie et ont tous été licenciés après une absence de deux ans.

[116]  Dans le cas du fonctionnaire, d’après les témoignages entendus, l’employeur n’a pas réellement tenté de faciliter son retour au travail; il n’a pas non plus envisagé une évaluation personnalisée. À compter de l’anniversaire de deux ans, on a décidé de licencier le fonctionnaire, sans aucune possibilité de demander plus de renseignements ou d’attendre un peu plus longtemps.

[117]  Le fonctionnaire souhaitait coopérer, mais il craignait de perdre ses prestations d’invalidité; il était essentiel que la Sun Life participe afin de ne pas compromettre ses droits. Il a demandé de l’aide pour déterminer les limitations et les restrictions, mais aucune aide n’a été fournie. Il était disposé à se rendre à Santé Canada pour l’évaluation, mais l’employeur a refusé. Toutefois, une retraite pour raisons médicales aurait exigé l’approbation de Santé Canada; compte tenu de cette réalité, il n’y avait aucune raison pour laquelle Santé Canada ne pouvait pas contribuer à l’évaluation de l’aptitude au travail.

[118]  Selon le fonctionnaire, les conditions prévues par la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État (L.R.C. (1985), ch. G‑5; LIAE) devraient être appliquées, car il s’agissait d’un accident du travail. Selon la LIAE, l’évaluation appropriée aurait dû être effectuée par la CSPAAT. Il était disposé à se rendre à Santé Canada. Il n’était pas approprié que l’employeur insiste sur le fait qu’il consulte AIM Group, qui n’avait aucun de ses dossiers ni aucun pouvoir. Il était plutôt un mandataire de l’employeur. Au contraire, il était raisonnable qu’il veuille se rendre à Santé Canada, qui avait les dossiers de sa surveillance médicale de 1994 à 2004.

[119]  Dans son témoignage, M. Zolis a confirmé que le document d’information sur le licenciement constituait le fondement du licenciement du fonctionnaire. Le document d’information faisait état de ses préoccupations et de ses plaines relatives à la santé. Il était donc logique de considérer que l’exercice de ses droits constituait un motif de licenciement, qui pouvait être considéré comme une mesure de représailles et une mesure disciplinaire pour ce que l’employeur estimait être des plaintes excessives.

IV.  Analyse

[120]  Les deux parties ont présenté une jurisprudence à l’appui de leur position respective. Je discuterai de la jurisprudence pertinente dans la présente section.

[121]  Aux termes de l’art. 209, la Commission a compétence pour entendre le grief uniquement si le licenciement était de nature disciplinaire. En ce qui concerne la plainte, le fonctionnaire doit établir que la mesure de l’employeur constituait une mesure de représailles. Il allègue également une discrimination fondée sur l’incapacité. Je dois donc trancher ces questions : le licenciement était‑il de nature disciplinaire ou constituait‑il une mesure de représailles, et le licenciement était‑il discriminatoire?

[122]  Avant de commencer mon analyse, je tiens à indiquer que je n’ai aucun doute que le fonctionnaire souffre de plusieurs maux. Ils peuvent ou non avoir été causés ou aggravés par son milieu de travail. Comme je l’ai dit au début de l’audience, la causalité médicale ne fait pas partie de mon mandat ni de mon expertise. Apparemment, il a une affaire en cours devant la CSPAAT de l’Ontario, qui est l’autorité compétente pour trancher de telles questions. Mon analyse se limite aux questions posées au paragraphe précédent. Mes conclusions n’ont aucune incidence sur ce qui aurait pu causer les véritables problèmes de santé du fonctionnaire.

[123]  J’ajoute que la question de savoir si le milieu de travail a rendu le fonctionnaire malade n’a aucune incidence sur ma décision. Je crois qu’à maintes reprises, l’employeur a donné suite et a enquêté sur les conditions de travail et qu’il a pris des mesures pour corriger la situation. D’après les éléments de preuve présentés à l’audience, j’ai conclu que le fonctionnaire était obsédé par la détermination de la responsabilité de l’employeur pour ses maux. Encore une fois, je ne peux trancher cette question. Toutefois, malheureusement, il est devenu évident que son obsession à chercher des renseignements l’a empêché de constater la nécessité de fournir des renseignements clairs à l’employeur portant sur sa capacité à retourner au travail et détaillant ses limitations. Ces renseignements n’ont jamais été fournis à l’employeur et ce manque de renseignements est fatal pour sa cause.

A.  Le licenciement était‑il de nature disciplinaire?

[124]  L’article 209 porte sur le renvoi des griefs à la Commission aux fins d’arbitrage. Il dispose ce qui suit :

209(1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire qui n’est pas un membre, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui‑ci était nécessaire;

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

(2) Pour que le fonctionnaire puisse renvoyer à l’arbitrage un grief individuel du type visé à l’alinéa (1)a), il faut que son agent négociateur accepte de le représenter dans la procédure d’arbitrage.

(3) Le gouverneur en conseil peut par décret désigner, pour l’application de l’alinéa (1)d), tout organisme distinct.

[125]  Il est clair que le seul motif de renvoi serait l’al. 209(1)b). L’agent négociateur n’a pas appuyé le renvoi et l’ARC est un organisme distinct qui, à la date de licenciement du fonctionnaire, n’avait pas été désigné en vertu du par. 209(3).

[126]  L’employeur a mis fin à l’emploi du fonctionnaire pour incapacité médicale en vertu de l’alinéa 51(1)g) de la Loi sur l’Agence du revenu Canada (L.C. 1999, ch. 17), qui dispose ce qui suit :

 (1) L’Agence peut, dans l’exercice de ses attributions en matière de gestion des ressources humaines :

[…]

g) prévoir, pour des motifs autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur et préciser dans quelles circonstances, de quelle manière, par qui et en vertu de quels pouvoirs ces mesures peuvent être appliquées, modifiées ou annulées, en tout ou en partie; […]

[127]  Par conséquent, pour que j’aie compétence pour entendre le grief, je dois conclure que, malgré la raison avancée par l’employeur pour imposer le licenciement, soit l’incapacité médicale, sa motivation était de nature disciplinaire.

[128]  La Commission et la Cour fédérale ont reconnu qu’il ne suffit pas que l’employeur prétende qu’une mesure n’était pas de nature disciplinaire pour qu’il en soit ainsi. Une mesure administrative apparente peut en fait constituer une mesure disciplinaire déguisée. Par conséquent, il est nécessaire d’examiner les caractéristiques des mesures disciplinaires.

[129]  Dans Canada (Procureur général) c. Frazee, 2007 CF 1176, la Cour fédérale a examiné les éléments d’une mesure disciplinaire. Afin de faire la distinction entre une mesure administrative et une mesure disciplinaire de l’employeur, il faut tenir compte à la fois de l’objet et de l’effet de la mesure. Cela dit, la Cour a également déclaré ce qui suit, aux paragraphes 22 et 23 :

[22] Il ne faut pas s’étonner que l’un des principaux facteurs permettant de déterminer si un employé a fait l’objet d’une mesure disciplinaire concerne l’intention de l’employeur. Il convient de se demander si l’employeur avait l’intention d’imposer une mesure disciplinaire et si la contestation de sa décision pouvait servir de fondement à une mesure disciplinaire ultérieure […]

[23] Néanmoins, il est admis que la façon dont l’employeur choisit de qualifier sa décision ne peut pas être en soi un facteur déterminant. Le concept de mesure disciplinaire déguisée est un facteur déterminant bien connu et nécessaire qui permet à un arbitre de grief d’examiner les éléments sous‑jacents au motif énoncé par l’employeur afin de déterminer quelle était sa véritable intention. Par conséquent, dans la décision Gaw c. Conseil du Trésor (Service national de libération conditionnelle) (1978), 166‑2‑3292 (CRTFP), la tentative de l’employeur de justifier la suspension de l’employé comme étant nécessaire pour permettre la tenue d’une enquête a été rejetée à la lumière de la preuve convaincante qui établissait que la véritable motivation de l’employeur était de nature disciplinaire […]

[130]  Afin de déterminer si une mesure prise par l’employeur était en fait de nature disciplinaire, selon la Cour fédérale, il faut tenir compte de l’objet et de l’effet de la mesure.

[131]  Il n’y a aucune contestation quant à l’effet de la mesure prise par l’employeur : le fonctionnaire a été licencié, ce qui est très grave. Il s’agit maintenant de déterminer l’objectif de l’employeur en agissant ainsi.

[132]  Le fonctionnaire soutient que l’objectif de l’employeur était de se débarrasser d’un employé difficile. Il souligne le document de licenciement à titre d’illustration de cet objectif puisque, dans ce document, l’employeur s’en tient à ses plaintes.

[133]  Je ne constate aucune intention disciplinaire de l’employeur, compte tenu de l’ensemble de ses relations avec le fonctionnaire. On ne lui reproche jamais d’avoir soulevé des préoccupations qui, au fil des ans, ont fait l’objet d’enquêtes approfondies, ce qui démontre que l’employeur l’a pris au sérieux. Son dernier acte important, avant de prendre son congé de maladie, a été le refus de travailler en raison des conditions dans les plafonds. L’employeur a reconnu le risque, mais a conclu qu’il n’y était pas exposé, car il ne travaillait plus dans les plafonds. Encore une fois, il n’y a eu aucun reproche, mis plutôt une reconnaissance du problème.

[134]  Selon Frazee, il est clair qu’il faut constater une certaine tentative de punir pour conclure qu’il s’agit d’une mesure disciplinaire. L’employeur n’a jamais dit au fonctionnaire que ses actes étaient répréhensibles et ne lui a jamais imposé une mesure disciplinaire pour avoir soulevé des problèmes. Cette situation contraste avec le cas mentionné dans Frazee, soit Gaw c. Conseil du Trésor (Service national de libération conditionnelle), dossier de la CRTFP 166‑02‑3292 (19780220), où l’employeur avait imposé ce qu’il appelait une suspension administrative en attendant une enquête. L’arbitre de grief a conclu autrement, car des lettres adressées à M. Gaw indiquaient clairement que l’employeur estimait qu’il était coupable d’une inconduite et la suspension pouvait donc en fait être considérée comme une mesure disciplinaire.

[135]  Rien en l’espèce n’établit le caractère disciplinaire de la décision de l’employeur. Le fonctionnaire a perçu la perte de son poste d’électricien comme une mesure punitive, mais il ressort clairement du témoignage de M. Zolis que l’ARC, à titre d’organisation, ne souhaitait plus assumer les responsabilités que TPSGC avait assumées à titre de gestionnaire des immeubles fédéraux. La perte du poste d’électricien du fonctionnaire ne peut être considérée comme une punition pour le refus de travailler.

[136]  En ce qui concerne le licenciement, l’employeur a donné au fonctionnaire toutes les possibilités de démontrer qu’il était en mesure de retourner au travail et de fournir les limitations fonctionnelles qui permettraient de déterminer les mesures d’adaptation dont il aurait besoin. Contrairement à la situation dans Rogers c. Agence du revenu du Canada, 2016 CRTEFP 101, le médecin du fonctionnaire n’a jamais envoyé une lettre à l’employeur indiquant qu’il était en mesure de retourner au travail. Le plus que le médecin a indiqué dans sa lettre à cet égard était une note à l’intention de la Sun Life en vue de demander une réadaptation professionnelle. Une fois qu’il était évident que la Sun Life n’offrirait pas ce service, aucune autre tentative, de la part du fonctionnaire ou du médecin, n’a été faite pour trouver des moyens lui permettant de retourner au travail.

[137]  Les mesures prises par l’employeur consistant à proroger les délais, à offrir un service d’évaluation et à demander à maintes reprises une déclaration de son médecin traitant, ainsi que le consentement du fonctionnaire permettant à l’employeur de communiquer avec le médecin sont toutes difficiles à concilier avec un motif punitif. Il y a eu une absence totale de collaboration en réponse aux efforts déployés par l’employeur pour faciliter le retour au travail du fonctionnaire. Je ne vois rien de disciplinaire dans le fait que l’employeur en est arrivé à une impasse et qu’il a jugé  qu’il ne pouvait prendre aucune autre mesure.

[138]  Je conclus que le licenciement n’est pas de nature disciplinaire et, par conséquent, la Commission n’a pas compétence pour trancher le grief.

B.  Le licenciement constituait‑il une mesure de représailles pour avoir exercé des droits en vertu du Code canadien du travail?

[139]  Le Code canadien du travail prévoit un recours devant la Commission pour les employés du secteur public fédéral qui estiment que l’employeur a porté atteinte à leurs droits en vertu de cette loi en leur imposant des mesures de représailles pour avoir exercé ces droits. Les dispositions pertinentes, figurant toutes à la partie II, « Santé et sécurité au travail », précisent ce qui suit :

[…]

123 (2) La présente partie s’applique à l’administration publique fédérale et aux personnes qui y sont employées, dans la mesure prévue à la partie 3 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.

[…]

133 (1) L’employé – ou la personne qu’il désigne à cette fin – peut, sous réserve du paragraphe (3), présenter une plainte écrite au Conseil au motif que son employeur a pris, à son endroit, des mesures contraires à l’article 147.

[…]

147 Il est interdit à l’employeur de congédier, suspendre, mettre à pied ou rétrograder un employé ou de lui imposer une sanction pécuniaire ou autre ou de refuser de lui verser la rémunération afférente à la période au cours de laquelle il aurait travaillé s’il ne s’était pas prévalu des droits prévus par la présente partie, ou de prendre – ou menacer de prendre – des mesures disciplinaires contre lui parce que :

a) soit il a témoigné – ou est sur le point de le faire – dans une poursuite intentée ou une enquête tenue sous le régime de la présente partie;

b) soit il a fourni à une personne agissant dans l’exercice de fonctions attribuées par la présente partie un renseignement relatif aux conditions de travail touchant sa santé ou sa sécurité ou celles de ses compagnons de travail;

c) soit il a observé les dispositions de la présente partie ou cherché à les faire appliquer.

[…]

[140]  Dans Vallée c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada), 2007 CRTFP 52, au par. 64, la CRTFP a énoncé les critères suivants pour établir que l’employeur a pris des mesures de représailles contre le plaignant pour avoir exercé des droits en vertu du Code canadien du travail :

[64] Le plaignant devait donc démontrer :

a) qu’il a exercé ses droits en vertu de la partie II du CCT (l’article 147);

b) qu’il a subi des représailles (articles 133 et 147 du CCT);

c) que ces représailles sont de nature disciplinaire telles que définies dans le CCT (l’article 147);

d) qu’il existe un lien direct entre l’exercice de ses droits et les mesures subies.

[141]  Le fonctionnaire a participé activement à la dénonciation des conditions de travail à son lieu de travail. Cela peut être considéré comme exerçant ses droits en vertu de la partie II. Il a également participé à un refus de travail qui a fait l’objet d’une enquête. Il a subi une répercussion négative, car il a perdu son emploi. Toutefois, j’ai conclu que la perte de son emploi n’était pas de nature disciplinaire. De plus, je ne vois aucun lien direct entre les mesures prises contre lui (la perte de son emploi) et le fait qu’il a exercé ses droits.

[142]  L’explication de l’employeur, à savoir que le fonctionnaire a été licencié parce qu’il n’a pas fourni suffisamment de renseignements pour permettre son retour au travail, est tout à fait plausible, compte tenu de la preuve documentaire. Je souligne le ton du courriel de M. Hebert du 25 mai 2011, envoyé lorsque l’employeur se préparait à une audience devant la Commission portant sur une plainte déposée par le fonctionnaire. Il est impartial et n’exprime aucune critique à son égard concernant ses préoccupations relatives aux déficiences du bâtiment; au contraire, il indique que les préoccupations ont fait l’objet d’une enquête. Tout au long de sa correspondance avec lui, le ton est demeuré civil et professionnel.

[143]  Le fonctionnaire soutient que sa persistance à chercher des renseignements sur le milieu de travail toxique a incité l’employeur à le congédier. Il ne fait aucun doute qu’il était persévérant. Toutefois, rien dans la preuve ne me permet de conclure que le congédiement constituait une mesure de représailles. Lorsqu’il a envisagé le licenciement, l’employeur a fait état de ses plaintes tout au long de son emploi. J’y vois une mesure de prudence de la part de l’employeur pour déterminer si, en fait, les plaintes sont fondées, ce qui pourrait entacher le congédiement.

[144]  Encore une fois, je ne peux pas prendre de décision concernant la causalité des maux du fonctionnaire. Toutefois, selon le point de vue de l’employeur, il a pris les mesures qu’il fallait pour assurer un milieu de travail sécuritaire en donnant suite aux plaintes à l’aide d’inspections et d’enquêtes. Il se peut que le fonctionnaire ne souscrive pas aux conclusions de ces enquêtes, mais je les considère comme les résultats d’enquêtes menées par des tiers et je n’ai aucune raison d’en douter. L’atelier au sous‑sol a été fermé après l’enquête de Santé Canada de 2002. À la demande des électriciens, ils ont fait l’objet d’une surveillance pour les problèmes respiratoires de 1998 à 2004. L’employeur a assuré la surveillance de la QAI et l’amiante constituait une préoccupation constante des programmes de surveillance et de réduction.

[145]  La raison du congédiement du fonctionnaire est simple et évidente – il a refusé de collaborer avec l’employeur en vue de l’aider à retourner au travail. Son médecin, qui semble avoir estimé qu’il ne pouvait pas retourner au travail, n’a jamais donné de directive claire en sur le retour au travail ou sur les limitations. La recommandation de l’évaluation de Calgary selon laquelle le fonctionnaire ne devrait pas retourner à son lieu de travail initial n’a jamais été présentée à l’employeur.

[146]  Je ne crois pas que la perte du poste d’électricien du fonctionnaire était attribuable au refus de travailler. Le transfert aux entrepreneurs de la responsabilité pour les travaux d’entretien constituait une mesure générale prise par l’ARC et non une décision particulière pour le complexe du chemin Heron.

[147]  Le fonctionnaire n’était pas satisfait de l’OER et, par conséquent, elle n’a jamais été analysée par un médecin du point de vue d’une mesure d’adaptation. Il n’a pu donner aucune raison cohérente de ne pas se soumettre à une évaluation d’aptitude au travail effectuée par AIM Group, après qu’on lui ait clairement indiqué que ni Santé Canada ni la Sun Life ne pourrait l’aider à cet égard.

[148]  La conclusion de l’employeur selon laquelle le retour au travail n’était pas possible ne constituait pas une mesure de représailles; il s’agissait simplement de la seule conclusion à laquelle il pouvait parvenir.

C.  Le licenciement était‑il de nature discriminatoire?

[149]  L’employeur a contesté ma compétence pour entendre une plainte de discrimination, étant donné que, selon lui, je n’ai pas compétence pour connaître le grief. Le par. 226(2) de la Loi prévoit que la Commission peut appliquer les dispositions de la LCDP « […] pour instruire toute affaire dont [elle] est saisi[e] […] ». La Loi est silencieuse, tout comme le Code canadien du travail, quant à l’application de la LCPD par rapport à une plainte déposée en vertu du Code canadien du travail.

[150]  La réponse du fonctionnaire à l’argument de l’employeur était principalement que le licenciement constituait effectivement une mesure disciplinaire et que la Commission a donc compétence. Il a également fourni une jurisprudence relative à la compétence concernant l’aspect discriminatoire du grief, soit les décisions rendues dans Babb c. Agence du revenu du Canada, 2015 CRTEFP 80 et Lovell et Panula c. Agence du revenu du Canada, 2010 CRTFP 91. Ces deux décisions peuvent être distinguées par le fait que, dans ces affaires, les fonctionnaires s’estimant lésés avaient l’appui de l’agent négociateur et que les renvois avaient été effectués en vertu de l’al. 209(1)a). En l’espèce, le fonctionnaire n’a pas l’appui de l’agent négociateur concernant le grief et, par conséquent, il n’aurait pas pu être renvoyé en vertu de l’al. 209(1)a). Cela signifie que la clause de non‑discrimination de la convention collective pertinente ne peut être invoquée pour me donner compétence pour entendre l’allégation de discrimination.

[151]  J’ai conclu que je n’ai pas compétence pour entendre le grief, puisque j’ai conclu que le licenciement n’était pas de nature disciplinaire. Dans Chamberlain, l’arbitre de grief a conclu qu’en l’absence de compétence pour entendre un grief, il ne pouvait pas examiner les allégations de discrimination, malgré le pouvoir accordé par le par. 226(1) de la Loi à un arbitre de grief d’appliquer et d’interpréter la LCDP. Son raisonnement figure comme suit aux paragraphes 83 à 87 de sa décision :

83 Selon moi, le paragraphe 226(1) de la LRTFP s’applique seulement aux arbitres de grief nommés pour instruire les griefs qui ont été jugés arbitrables en vertu du paragraphe 209(1) de la LRTFP. Ces pouvoirs, qui comprennent l’habilité à interpréter et à appliquer la LCDP, sont conférés aux arbitres de grief seulement lorsque les affaires renvoyées à l’arbitrage sont prévues au paragraphe 209(1) de la LRTFP. Par conséquent, le paragraphe 229(1) constitue une disposition préliminaire à l’exercice du pouvoir en vertu du paragraphe 226(1).

84 Comme il a été mentionné précédemment, le paragraphe 226(1) de la LRTFP est restreint, plus fondamentalement, aux affaires dûment renvoyées devant un arbitre de grief, à mon avis. Ce paragraphe dit ceci :

226. (1) Pour instruire toute affaire dont il est saisi, l’arbitre de grief peut,

[…]

g) interpréter et appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne, sauf les dispositions de celle‑ci sur le droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes, ainsi que toute autre loi fédérale relative à l’emploi, même si la loi en cause entre en conflit avec une convention collective;

h) rendre les ordonnances prévues à l’alinéa 53(2)e) et au paragraphe 53(3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne […]

[Je souligne]

85 Je suis d’avis qu’aucune compétence n’est seulement fondée sur le libellé du paragraphe 226(1) de la LRTFP. Le libellé « pour instruire toute affaire dont il est saisi » doit bien signifier quelque chose. Selon moi, ce libellé signifie que, pour qu’un arbitre de grief puisse appliquer le paragraphe 226(1) de la LRTFP, l’affaire en cause doit pouvoir être dûment renvoyée à l’arbitrage en vertu du paragraphe 229(1) [sic] de la LRTFP.

86 Le paragraphe 226(1) confère un large pouvoir aux arbitres de grief à l’égard de la LCDP, mais seulement lorsqu’il s’agit de griefs ou d’affaires renvoyés à l’arbitrage en vertu du paragraphe 209(1) de la LRTFP.

87 En d’autres termes, la condition préalable pour qu’un arbitre de grief puisse prendre en considération un recours en vertu du paragraphe 226(1) de la LRTFP est que l’affaire soit renvoyée à l’arbitrage en vertu du paragraphe 209(1) de la LRTFP.

[152]  Comme dans Chamberlain, je conclus que je n’ai pas compétence pour entendre l’argument de discrimination dans le contexte d’une plainte, mais quoi qu’il en soit, même si j’avais compétence, j’aurais conclu qu’il n’y a pas de discrimination.

[153]  Selon les faits dont je dispose, je n’aurais eu aucune difficulté à conclure que le fonctionnaire avait établi une preuve prima facie de discrimination fondée sur l’invalidité. Toutefois, j’aurais également conclu que l’employeur s’était acquitté de son fardeau en ce qui concerne son obligation de prendre des mesures d’adaptation.

[154]  Le fonctionnaire a fait valoir qu’il était discriminatoire de mettre fin à son emploi, étant donné le faible coût des mesures d’adaptation nécessaires pour le maintenir en poste en congé non payé. Ce n’est pas la question qui se pose lorsqu’il faut décider si l’employeur a le droit de résilier un contrat de travail.

[155]  Dans Hydro‑Québec c. Syndicat des employé‑e‑s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro‑Québec, section locale 2000 (SCFP‑FTQ), 2008 CSC 43, et Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4, la Cour suprême du Canada a conclu qu’un employeur peut mettre fin à une relation de travail lorsqu’il n’y a pas de retour au travail prévisible d’un employé après avoir accordé à l’employé un délai raisonnable pour se rétablir d’une blessure ou d’une maladie. Le fonctionnaire a soutenu que la règle des deux ans était en soi discriminatoire, mais le fait est que l’employeur ne l’a pas appliquée de façon rigoureuse. Toutes les possibilités de produire un certificat médical attestant qu’il était apte au travail lui ont été données. Ce certificat n’a jamais été produit et, selon les commentaires du médecin à la Sun Life, on pouvait comprendre qu’en fait, le médecin estimait que le fonctionnaire ne serait jamais apte à retourner au travail. Pour autant que l’employeur le sache, il ne pouvait retourner au travail dans un avenir prévisible.

[156]  Le fonctionnaire a invoqué le cas Canada (Procureur général) c. Sketchley, 2005 CAF 404, qui traitait également de la règle des deux ans visant à régler les situations de congé non payé pour des raisons médicales. Dans ce cas, l’employée s’était plainte à la CCDP, qui a rejeté sa plainte. En première instance, la Cour fédérale a conclu que la règle des deux ans était à première vue discriminatoire, car elle s’appliquait aux personnes handicapées et ne permettait pas des évaluations personnalisées ou d’envisager que la durée de certaines invalidités pouvait dépasser deux ans, empêchant ainsi un retour éventuel au travail. La Cour d’appel fédérale a confirmé la décision et a renvoyé l’affaire à la CCDP pour enquête plus approfondie.

[157]  Dans ce cas, il était évident que l’employée avait demandé un délai supplémentaire pour déterminer si un rétablissement pouvait être possible et la demande avait été refusée, ce qui l’a forcée à prendre une retraite pour des raisons médicales. En l’espèce, le fonctionnaire a demandé des prorogations, qui lui ont été accordées. Toutefois, aucun renseignement n’a été fourni pour faciliter son retour au travail. Même si la règle des deux ans était à première vue discriminatoire, j’estime que l’employeur a établi qu’il était disposé à faire preuve de souplesse, tant qu’il pouvait constater une certaine collaboration de la part du fonctionnaire.

[158]  Le fonctionnaire a invoqué Kingsway Transport v. Teamsters, Local Union 91, 2012 CanLII 20111 (CA LA), dans laquelle il a été décidé que l’art. 239.1 du Code canadien du travail imposait une obligation à l’employeur de ne pas mettre fin à une relation d’emploi en raison de l’absence découlant d’un accident du travail. Deux facteurs permettent de distinguer cette décision de l’espèce. En premier lieu, le fonctionnaire n’est pas visé par le Code canadien du travail en ce qui a trait à son emploi, qui est visé par la Loi. En deuxième lieu, la CSPAAT n’a toujours pas décidé si elle devait considérer sa maladie comme une maladie professionnelle.

[159]  Pour la même raison, j’estime que l’argument du fonctionnaire selon lequel la LIAE devrait s’appliquer n’est pas fondé. La LIAE prévoit que les commissions provinciales d’assurance‑emploi détermineront si un accident du travail a eu lieu. Dans Canada Post Corp. v. Smith, 1998 CanLII 1947 (ON CA), la Cour d’appel de l’Ontario a conclu que cela signifiait que la protection prévue par la loi provinciale s’appliquait également aux travailleurs fédéraux, y compris l’art. 54 de la Loi sur les accidents du travail (LRO 1990, c W.11) de l’Ontario, qui exige que l’employeur offre de rengager le travailleur qui s’est trouvé dans l’incapacité de travailler en raison d’une lésion. Toutefois, la CSPAAT n’a pas encore rendu une décision selon laquelle le fonctionnaire a subi un accident du travail, plus de huit ans après son licenciement pour incapacité médicale et plus de 11 ans depuis son départ du travail en congé de maladie. De plus, l’obligation de l’employeur, qu’il n’a jamais niée, cesse d’exister si le fonctionnaire ne peut établir qu’il est apte à retourner au travail.

[160]  Le fonctionnaire a également invoqué Canadian National Railway Company v. Teamsters Canada Rail Conference, 2018 ABQB 405 (CNR), dans laquelle la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta a confirmé la décision d’un arbitre de grief qui avait rétabli dans ses fonctions un employé licencié pour excès d’absentéisme, à la suite d’un congé autorisé prolongé. Le médecin de l’employé avait rédigé une note indiquant que l’employé était [traduction] « indéfiniment incapable de travailler ». Toutefois, l’arbitre de grief a conclu que l’employeur n’avait déployé aucun effort pour envisager des mesures d’adaptation à l’égard de l’employé et, pour ce motif, l’arbitre de grief l’a réintégré dans ses fonctions.

[161]  Ce n’est pas le cas en l’espèce. L’employeur était bien conscient de son obligation de chercher une mesure d’adaptation appropriée pour le fonctionnaire. Il a demandé à maintes reprises des renseignements à cet effet et a offert de payer son évaluation. Contrairement à l’employé dans CNR, le fonctionnaire a été informé, à maintes reprises, des conséquences du fait de ne pas répondre à la demande de renseignements sur les mesures d’adaptation aux fins d’un retour au travail.

[162]  D’autres décisions invoquées par le fonctionnaire, dans lesquelles le Tribunal canadien des droits de la personne a conclu à l’existence d’une discrimination (voir Willoughby c. Société canadienne des postes, 2007 TCDP 45, et Brunskill c. Société canadienne des postes, 2019 TCDP 22), se distinguent par le fait que, dans ces décisions, les renseignements médicaux ont été mis à la disposition de l’employeur, mais ce dernier n’y a pas donné suite.

[163]  Comme la Commission a conclu dans plusieurs autres cas (voir, par exemple, Belisle c. Administrateur général (ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord), 2016 CRTEFP 88 et English‑Baker c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CRTFP 24), je conclus qu’il n’était pas discriminatoire pour l’employeur de conclure qu’il ne pouvait plus employer le fonctionnaire, car celui-ci ne collaborait pas à l’effort visant son retour au travail et il n’y avait aucun renseignement médical selon lequel il pouvait retourner au travail dans un avenir prévisible. L’employeur a l’obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard des employés handicapés, mais il s’agit d’une obligation partagée. L’employé doit également collaborer à l’effort (voir Renaud). L’employeur a fait preuve de souplesse, mais en fin de compte, il a été forcé de conclure qu’aucun certificat médical ne serait délivré et qu’aucune évaluation de l’aptitude au travail ne serait effectuée. Après une absence de trois ans sans aucun renseignement indiquant un retour prévisible au travail du fonctionnaire, il n’était pas discriminatoire de mettre fin à son emploi.

[164]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V.  Ordonnance

[165]  La plainte dans le dossier portant le numéro 560‑34‑79 est rejetée.

[166]  La Commission n’a pas compétence pour trancher le grief dans le dossier portant le numéro 566‑34‑9150. Le dossier est fermé.

Le 25 février 2020.

 

Traduction de la CRTESPF

Marie‑Claire Perrault,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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