Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a participé à un processus de nomination non annoncé – la nomination intérimaire était nécessaire afin de remplacer temporairement le titulaire pendant son affectation – la plaignante a soutenu que l’intimé avait abusé de son pouvoir dans l’application du mérite parce qu’elle n’avait pas été évaluée avec équité et transparence et que la nomination avait été faite de mauvaise foi – elle a allégué du favoritisme et de la discrimination dans la nomination de la personne nommée, parce que l’employeur avait fait preuve de discrimination contre les employés qui ne sont pas du bureau de Windsor, en Ontario, ou qui ne vivent pas dans la région de ce bureau – la plaignante n’a indiqué aucun motif illicite de discrimination en vertu du paragraphe 3(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6) qui constituait une condition nécessaire pour qu’elle puisse poursuivre une question de droits de la personne dans sa plainte – l’« Avis de nomination intérimaire » a confirmé que les nominations avaient été annoncées correctement et à temps – la plaignante n’a produit aucun élément de preuve pour étayer une conclusion selon laquelle la décision de choisir un processus de nomination non annoncé constituait un abus de pouvoir – il n’y avait aucune crainte raisonnable de partialité de la part du comité d’évaluation – aucune preuve n’a été présentée sur l’omission par la personne nommée de satisfaire aux critères du mérite – de plus, la plaignante n’a fourni aucune preuve d’une relation personnelle entre le gestionnaire responsable de l’embauche et la personne nommée ni aucune preuve d’un quelconque favoritisme personnel – la Commission a conclu que la plaignante n’avait pas établi un abus de pouvoir ni dans l’application du mérite, ni dans le choix du processus concernant le processus de nomination non annoncé.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision


MOTIFS DE DÉCISION  (TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Plainte devant la Commission

[1]  Dans le cadre d’un processus de nomination non annoncé (15‑BSF‑INA‑SOR‑CPSD‑PE‑1137), la candidate retenue (la « personne nommée ») a été nommée à un poste de directrice des ressources humaines classifié aux groupe et niveau PE‑06 auprès de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) dans la région de Niagara Falls, en Ontario.

[2]  Le 9 juin 2017, Katherine Karoulis Newman (la « plaignante ») a déposé une plainte alléguant un abus de pouvoir en ce qui a trait à l’application du mérite et au choix du processus, en vertu des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; la « LEFP »). L’administrateur général de l’ASFC (l’« intimé ») nie tout abus de pouvoir lié à l’application du mérite ou au choix de processus de nomination.

[3]  Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique pour qu’il devienne la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »).

II.  Résumé de la plainte

[4]  Dans sa plainte, la plaignante a allégué du favoritisme et de la discrimination dans la nomination de la personne nommée, en partie, de la manière suivante :

[Traduction]

[…]

Il y a un manque d’équité et de transparence; cette nomination a été faite de mauvaise foi. Je conclus que cela a été fait pour faciliter l’expulsion du titulaire du poste et pour faciliter la promotion du titulaire intérimaire. Il s’agit d’un exemple de favoritisme manifeste qui sévit dans ce bureau des ressources humaines dans la région du sud de l’Ontario. Il y a discrimination à l’égard des employés qui ne sont pas du bureau de Windsor ou qui ne vivent pas dans la région de ce bureau […], moi y compris.

[…]

 

[5]  À la suite de l’échange de renseignements, la plaignante a déposé ses allégations le 5 septembre 2017, comme suit :

[Traduction]

[…]

1- Le favoritisme constituait le principal facteur ou la base de la nomination intérimaire.

2- Les renseignements et la communication de la nomination intérimaire n’étaient pas transparents; cela n’a été ni fait en temps opportun ni mené de manière appropriée.

3- Les autres employés admissibles, moi y compris, ont été privés de possibilités de perfectionnement professionnel et de carrière en faveur de la poursuite du poste intérimaire de [la personne nommée] depuis maintenant plus de deux ans pendant qu’elle a profité d’avantages importants.

[…]

[6]  Le 20 septembre 2017, l’intimé a répondu aux allégations de la plaignante, indiquant que, selon sa position, il n’y avait eu aucun abus de pouvoir concernant ce processus de nomination. En réponse à son allégation de favoritisme, il a soutenu ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] dans Glasgow [c. Sous‑ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada], [2008] TDFP 0007, l’ancien Tribunal a indiqué que le mot « personnel » suit le mot « favoritisme », soulignant que le législateur avait l’intention que les deux termes soient lus ensemble et que c’est le favoritisme personnel, et aucun autre type de favoritisme, qui constitue un abus de pouvoir. Dans ce cas, les plaignants n’ont présenté aucun élément de preuve d’une relation personnelle entre la personne nommée et le gestionnaire responsable de l’embauche.

La nomination intérimaire était nécessaire afin de remplacer temporairement le titulaire du poste pendant son affectation à la Direction générale des Ressources humaines à l’Administration centrale. David Berardi, directeur de la Division des services organisationnels et aux programmes, Direction générale des opérations (gestionnaire responsable de l’embauche), connaissait le personnel de l’unité et était convaincu que la personne nommée était la bonne personne pour cette nomination intérimaire. Le gestionnaire responsable de l’embauche n’a aucune relation personnelle avec la personne nommée.

[…]

[7]  Ensuite, en ce qui a trait à l’allégation de la plaignante concernant l’absence de transparence, l’intimé a soutenu ce qui suit dans cette réponse :

[Traduction]

[…]

L’intimé soutient que des ANI appropriés ont été affichés lorsque la durée du poste intérimaire a été prolongée au‑delà de la période de quatre mois et encore pour chaque prolongation subséquente. La plaignante était incluse dans la zone de sélection et avait donc des droits de recours pour chaque prolongation. La plaignante ne s’est pas prévalue de ces droits de recours et n’a pas non plus communiqué avec le gestionnaire responsable de l’embauche en vue de discuter de toute préoccupation de manière officieuse, malgré les quatre avis affichés avant qu’elle ne présente sa plainte lorsque le cinquième avis a été affiché. L’ANI à l’égard duquel la plaignante a déposé sa plainte a été affiché en temps opportun; il a été affiché le 30 mai 2017, soit seulement deux jours ouvrables suivant la date d’entrée en vigueur de la prolongation, soit le 25 mai 2017.

[…]

[8]  Toujours dans sa réponse, l’intimé a répondu comme suit à l’allégation de la plaignante selon laquelle la durée de la période intérimaire conférait à la personne nommée un avantage indu et qu’elle entravait l’accès de la plaignante aux possibilités de perfectionnement :

[Traduction]

[…]

L’intimé soutient qu’aucune loi, politique, directive ni aucun règlement ne précise la durée maximale d’une période de nomination intérimaire. Dans ce cas, l’affectation du titulaire a été prolongée à maintes reprises, ce qui a donné lieu aux prolongations de cette nomination intérimaire utilisées pour le remplacer. Le gestionnaire responsable de l’embauche a déterminé que la personne nommée était la bonne personne pour continuer d’occuper le poste intérimaire.

L’intimé soutient que les gestionnaires disposent d’un vaste pouvoir discrétionnaire dans la gestion de leur effectif, y compris le choix du mécanisme approprié pour doter les postes au sein de leur organisation, que ce soit temporairement ou de façon permanente. De plus, conformément au paragraphe 30(4) de la LEFP, un gestionnaire n’est pas tenu de prendre en considération plus d’une personne afin qu’une nomination soit fondée sur le mérite et l’article 33 confère à la Commission ou à son délégué le pouvoir discrétionnaire d’utiliser un processus de nomination annoncé ou non annoncé et n’accorde aucune préférence à l’un ou à l’autre. Dans Clout [2008] TDFP 0022, au paragraphe 32, il a déclaré que : « […] Il existe un pouvoir discrétionnaire considérable en ce qui concerne les questions de dotation. Il est évident qu’en tant que délégataire de la CFP, un administrateur général dispose du pouvoir discrétionnaire qui lui permet de choisir entre un processus de nomination annoncé et non annoncé. En outre, le fait de prendre en considération une seule candidature, comme c’est le cas en l’espèce, relève aussi du pouvoir discrétionnaire autorisé expressément dans le paragraphe 30(4) de la LEFP. » Un plaignant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la décision de choisir un processus de nomination non annoncé constituait un abus de pouvoir (voir Robbins, [2006] TDFP 0017 et Kitsos, [2012] TDFP 0035.

[…]

[9]  L’intimé a également choisi de répondre comme suit à l’allégation de la plaignante concernant la discrimination systémique contre les employés qui occupent des postes ailleurs qu’à Niagara Falls :

[Traduction]

[…]

Dans Baker [2015] CRTEFP 19, la Commission a déclaré que « [p]our démontrer que l’intimé s’est livré à un acte discriminatoire, le plaignant doit d’abord établir une preuve prima facie de discrimination, tel que la Cour suprême du Canada l’a souligné dans l’arrêt Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons‑Sears Ltd., 1985 CanLII 18 (CSC), [1985] 2 R.C.S. 536 (arrêt O’Malley). La preuve prima facie est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si celles‑ci sont jugées crédibles, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur du plaignant, en l’absence d’une réplique de l’intimé. Dès lors qu’une telle preuve est établie, il revient à l’intimé de réfuter les allégations ou de fournir une autre explication raisonnable qui ne soit pas fondée sur la discrimination. »

L’intimé estime que la plaignante n’a pas présenté une allégation d’un acte discriminatoire fondée, tel qu’énoncé aux articles 7 et 8 de la LCDP. Ces articles précisent qu’un acte discriminatoire doit être fondé sur un motif illicite de discrimination, conformément à ce qui est précisé au paragraphe 3(1) de la LCDP. Comme dans Zhao [2008] TDFP 0030, la plaignante ne fait aucune référence à un motif illicite de discrimination et une preuve prima facie ne peut donc être établie.

L’intimé soutient que le poste concerné est situé au bureau de Niagara Falls, tandis que le poste de la plaignante est situé au bureau de Windsor. Néanmoins, tous les ANI affichés relativement aux prolongations intérimaires précédentes, y compris celui visé par la présente plainte, comportaient une zone de recours qui incluait les [traduction] « employés de l’Agence des services frontaliers du Canada qui travaillent dans les limites géographiques de la région du sud de l’Ontario ». Par conséquent, cette allégation n’est pas pertinente puisque la plaignante se trouvait dans la zone de sélection et s’est prévalue de ses droits de recours. L’intimé soutient en outre que le pouvoir de déterminer une zone de sélection est délégué à l’administrateur général en vertu du paragraphe 15(1) de la LEFP et qu’il n’appartient ni à la Commission ni à la plaignante de déterminer si la zone de sélection est raisonnable (voir Umar‑Khitab [2007] TDFP 5).

[…]

 

[10]  Enfin, l’intimé a soutenu que [traduction] « […] le choix du processus de sélection et l’application du mérite respectaient la LEFP et les valeurs de dotation ».

[11]  Une audience était prévue le 31 octobre et le 1er novembre 2019, à Windsor, en Ontario. En préparation, j’ai convoqué une conférence préparatoire à l’audience. L’« Avis de conférence préparatoire à l’audience » envoyé aux parties précisait que [traduction] « la conférence préparatoire à l’audience a pour but de rationaliser le processus d’audience » et que les parties devaient être pleinement préparées à discuter, entre autres, de la [traduction] « détermination et/ou de l’examen des questions en vue de simplifier et d’accélérer l’audience […] ».

[12]  La conférence préparatoire à l’audience a eu lieu par téléconférence à 9 h 30 le 4 octobre 2019. Toutes les parties étaient présentes, y compris la Commission de la fonction publique (CFP). J’ai confirmé auprès de la plaignante son souhait de procéder à une audience, malgré sa retraite de la fonction publique en mai 2019. L’intimé a déclaré qu’il n’était pas en mesure de se préparer de manière adéquate pour l’audience, étant donné la nature vague de ses allégations. J’ai ordonné aux parties d’échanger des documents, y compris la particularisation approfondie des allégations de la plaignante, au plus tard le 17 octobre 2019. Les parties ont identifié les témoins à citer et je leur ai demandé de communiquer avec l’agent du greffe de la Commission pour prendre les dispositions nécessaires à l’assignation de tout témoin.

[13]  Le 18 octobre 2019, la CFP et l’intimé ont tous les deux confirmé qu’ils s’étaient acquittés de leur obligation relative à la communication et à l’échange de documents. À cette date, la plaignante a informé la Commission de ce qui suit :

[…]

La présente a pour but de confirmer que, le 17 octobre, j’ai informé les intimés que je ne suis pas en mesure pour l’instant de fournir les documents et que j’ai envoyé un courriel [à la personne nommée] en vue de lui demander de se présenter à la procédure à titre de témoin que j’entends citer et que j’ai reçu les documents des intimés.

[…]

[14]  J’ai demandé à l’agent du greffe d’envoyer une lettre à la plaignante concernant la comparution des témoins. Les renseignements suivants ont été envoyés à la plaignante le 18 octobre 2019 :

[Traduction]

[…]

De plus, comme il en a été discuté lors de la téléconférence, on rappelle à la plaignante que, si elle souhaite assurer la présence d’un témoin, elle doit envoyer à la Commission une demande d’assignation écrite qui comprend les renseignements suivants :

a) le numéro de dossier de la Commission;

b) le nom et l’adresse de la personne qui doit comparaître;

c) la date, l’heure et le lieu de l’audience où cette personne devra comparaître, s’ils sont connus;

d) une description détaillée des documents ou d’autres articles que cette personne doit produire à l’audience, le cas échéant.

[…]

[15]  La plaignante n’a pas demandé une assignation à l’égard d’un témoin. Le
25 octobre 2019, une semaine avant la date prévue du début de l’audience, elle a envoyé à la Commission le message suivant : [traduction] « Je n’ai reçu aucune réponse de [la personne nommée] à ma demande afin qu’elle assiste à titre de témoin. Je crois comprendre qu’elle est en congé de longue durée en raison du stress. Je ne suis pas certaine quant à la façon dont cela touche la procédure. »

[16]  Le 28 octobre 2019, j’ai transmis le message suivant aux parties, qui répétait les directives précédentes sur la comparution des témoins et j’ai ajouté ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Malgré ces directives claires, la plaignante semble avoir choisi d’envoyer simplement à son témoin un courriel pour lui demander qu’elle se présente à l’audience de cette semaine. Cela est insatisfaisant, car il ne l’oblige pas à y assister. Tout aussi insatisfaisant est le refus de la plaignante de particulariser davantage ou d’au moins de quantifier d’une certaine manière, ses allégations de favoritisme et de partialité. Une date limite du 17 octobre 2019 a été imposée, date à laquelle la plaignante a indiqué qu’elle [traduction] « n’était pas en mesure de fournir les documents ».

Ces nouveautés très tardives m’ont amené à remettre en question la légitimité d’utiliser les ressources publiques pour financer une audition officielle de la question. Je reporte donc l’audience prévue les jeudi et vendredi de cette semaine, le 31 octobre et le 1er novembre 2019, à Windsor, en Ontario. Cette question est par la présente ajournée sine die, un terme latin signifiant [traduction] « sans date ». J’ordonne maintenant que ces plaidoiries soient faites par voie d’arguments écrits. Si le témoignage des témoins est souhaité, veuillez envisager d’utiliser un affidavit à titre de solution de rechange aux témoignages en personne.

Le fardeau de la preuve incombe à la plaignante. Cela exige une preuve claire et convaincante, suffisante pour prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’un abus de pouvoir s’est produit dans le cadre du processus de nomination interne non annoncé, numéro 15‑BSF‑INA‑SOR‑CPSD‑PE‑1137. La plaignante doit fournir ses arguments écrits et toute autre forme de preuve documentaire, le cas échéant, ainsi que des affidavits, s’il y a lieu, d’ici la fermeture des bureaux le vendredi 22 novembre 2019. Les arguments écrits doivent être fournis à Caitlin Foster, l’agente de gestion des cas de cette affaire, qui fournira à son tour une copie à l’intimé.

J’accorderai ensuite un délai d’une semaine à l’intimé pour préparer ses arguments écrits en réponse, ainsi qu’une preuve documentaire et/ou une preuve par affidavit, le cas échéant. Encore une fois, veuillez fournir ces documents à Mme Foster qui assurera leur transmission à la plaignante. La date limite pour présenter les arguments sera une semaine suivant la date de réception des plaidoiries de la plaignante.

La plaignante a le droit de présenter une contre‑preuve. La date limite pour présenter la contre‑preuve est d’une semaine suivant la date de réception des arguments de l’intimé.

Les deux parties doivent accuser réception de ce message et confirmer que vous comprenez bien que cette affaire NE se déroulera PAS comme prévu à Windsor cette semaine.

[…]

III.  Résumé de l’argumentation

[17]  Le 21 novembre 2019, la plaignante a fourni à la Commission ses arguments, dont le premier paragraphe comportait une plainte du retard dans la présentation de l’affaire pour une audience, ainsi qu’une explication de l’absence continue de son témoin, la personne nommée.

[18]  La plaignante a ensuite examiné le bien‑fondé de sa plainte. Elle a déclaré que [traduction] « [u]n abus de pouvoir dans le choix du processus en tant que processus non annoncé ne peut être défendu lorsque le titulaire du poste de directeur des RH régional [A.C.] travaillait dans le cadre d’une “affectation spéciale” pour une période prolongée ». Elle a soutenu qu’il y avait eu suffisamment de temps pour mener un processus annoncé.

[19]  La plaignante a ensuite fourni deux paragraphes très longs portant sur les restructurations administratives touchant le bureau de l’intimé à Niagara Falls et sur les plaintes présentées par d’autres personnes concernant un manque perçu de possibilités de carrière.

[20]  Les arguments de la plaignante ont alors porté de nouveau sur le bien‑fondé de sa plainte, dont les deux derniers paragraphes de ses arguments indiquaient ce qui suit (certaines parties ne sont pas incluses par souci de protection de la vie privée) :

[Traduction]

De plus, un abus de pouvoir dans l’application du mérite dont je peux attester personnellement. Ses lacunes dans les fonctions de directrice dont j’ai été témoin comprennent ce qui suit. En tant que ma directrice [la personne nommée] pendant trois ans, jusqu’à la date de ma retraite, elle n’a jamais conclu une seule entente de gestion du rendement à mon égard ou à l’égard des autres chefs d’équipe. Elle a offert peu d’orientation dans les secteurs de programme puisque ses connaissances se limitaient aux relations de travail. Peu de réunions ont été prévues ou peu de procès‑verbaux ont été rédigés et distribués. Des visites peu fréquentes au bureau de Windsor où elle n’a souvent donné aucun préavis ou n’a pas pris le temps d’interagir de manière significative avec le personnel des RH.

On a fait remarquer que j’avais d’autres occasions de présenter des plaintes sur les avis intérimaires précédents, mais que je ne l’avais pas […] J’ai été en congé pendant des périodes et je n’ai pas vu ces autres avis. Son inaptitude et son manque de considération en tant que gestionnaire sont évidents, même lorsqu’elle devait remplir ma […] paperasse. Je devais lui envoyer des rappels […] pour qu’elle présente les formulaires remplis […] parce qu’elle ne les avait pas remplis correctement et qu’ils devaient être renvoyés. Lors d’une cérémonie pour longs états de service tenue en décembre 2016 à laquelle elle a assisté avec le directeur Berardi et le directeur général régional, les employés de l’ASFC comptant 35 ans de service jusqu’en juillet de cette année ont été reconnus. La politique de l’ASFC sur les longs états de service a été ensuite modifiée et les 35 ans de service n’étaient plus reconnus à l’aide d’un cadeau ou d’un certificat. Je lui ai dit que j’avais atteint 35 ans de service en août de cette année et que le cadeau n’était pas important, mais que je m’attendais à une certaine reconnaissance, une poignée de main ou des félicitations du directeur Berardi et/ou du DGR. Elle a indiqué que, selon la politique de l’ASFC, ils n’étaient pas tenus de reconnaître les 35 ans de service atteint après juillet et que je ne serais pas reconnue, pas même des félicitations officieuses. Voilà la personne nommée au poste de directeur des RH ayant des connaissances limitées et des compétences beaucoup plus limitées en ce qui concerne le traitement avec les personnes et la gestion des personnes.

[…]

[21]  Les arguments de l’intimé, du 2 décembre 2019, commencent et se terminent en répétant la demande de rejeter la plainte pour manque de précision. Il a qualifié les arguments de la plaignante du 21 novembre 2019 de [traduction] « […] lettre d’opinion exprimant son mécontentement général à l’égard de l’ASFC ». Il a indiqué qu’elle n’avait toujours pas étayé ses allégations au moyen d’une preuve convaincante.

[22]  L’intimé a fait référence à Tibbs c. le Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, au paragraphe 49, où il est indiqué que « […] il incombe à la partie qui fait une allégation de prouver celle‑ci plutôt qu’à l’autre partie de la réfuter ».

[23]  L’intimé a répété que [traduction] « […] les gestionnaires disposent d’un vaste pouvoir discrétionnaire dans la gestion de leur effectif, y compris le choix du mécanisme approprié pour doter les postes au sein de leur organisation, que ce soit temporairement ou de façon permanente » et a fait encore référence à
l’article 33 de la LEFP.

[24]  En guise de réfutation du 11 décembre 2019, la plaignante a présenté des arguments supplémentaires sur le retard et la difficulté d’obliger un témoin à comparaître lorsqu’elle est en congé autorisé pour une période indéterminée. Elle a fait état d’un manque de possibilités pour le personnel du bureau de l’intimé à Windsor. Elle a conclu en répétant que le gestionnaire responsable de l’embauche [traduction] « […] a utilisé cela comme une autorisation d’exercer la mauvaise foi ou le favoritisme dans le processus de nomination ». Elle n’a pas expliqué cette observation.

IV.  Motifs de décision

[25]  Conformément à l’art. 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365), j’ai le pouvoir de trancher cette plainte sans tenir une audience. Pour les motifs exposés plus haut dans la présente décision, j’ai conclu que la plainte devrait procéder par voie d’arguments écrits.

[26]  Il est bien établi en droit qu’il incombe au plaignant de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu un abus de pouvoir (voir Tibbs, au par. 53). Je conclus qu’elle ne s’est pas acquittée de ce fardeau, pour les motifs qui suivent.

[27]  En ce qui a trait à l’aspect discriminatoire de la plainte, la plaignante n’a indiqué aucun motif illicite de discrimination en vertu du par. 3(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H‑6; la « LCDP »), qui constitue une condition préalable nécessaire pour qu’elle puisse poursuivre une question de droits de la personne dans sa plainte (voir, par exemple, Zhao c. le Sous‑ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2008 TDFP 30, aux par. 52 à 60). Je conclus donc que je ne peux tenir compte d’aucune allégation de discrimination. Par conséquent, l’allégation de discrimination de la plaignante n’est pas fondée.

[28]  La plaignante estime que la nomination par le gestionnaire responsable de l’embauche était incompatible avec les valeurs d’équité, d’accès, de transparence et de représentation. Elle n’a fourni aucune preuve et n’a présenté aucun argument concernant l’accès ou la représentation, mais elle estime clairement que le processus en cause n’était ni équitable ni transparent. Comme l’a expliqué l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique (TDFP) dans Robert et Sabourin c. le Sous-ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 TDFP 24, au par. 59 : « Ainsi, dans les processus de nomination non annoncés, les personnes faisant partie de la zone de recours peuvent porter plainte au Tribunal en raison d’un abus de pouvoir. La LEFP exige que les personnes faisant partie de la zone de recours reçoivent une notification concernant les nominations faites ou proposées. »

[29]  En ce qui concerne la transparence, en plus de l’argument (non contesté) de l’intimé selon lequel les avis de nomination intérimaire ont été dûment affichés et à temps, l’Avis de nomination intérimaire ayant trait à ce processus de nomination a été fourni et confirme la position de l’intimé. Je suis convaincu que ce processus de nomination non annoncé est conforme à la valeur de transparence inscrite dans le préambule de la LEFP. De même, je ne suis pas convaincu du fait que la nomination a contrevenu à la valeur de dotation de l’équité. L’article 33 de la LEFP autorise un gestionnaire responsable de l’embauche à utiliser un processus de nomination annoncé ou non annoncé pour faire une nomination. La Commission et le prédécesseur TDFP ont soutenu à maintes reprises que le simple fait de choisir de mener un processus de nomination non annoncé ne constitue pas un abus de pouvoir (voir, par exemple, Clout, au par. 34 ci‑dessous).

[30]  Le renvoi de l’intimé à Clout c. le Sous‑ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2008 TDFP 22 (Clout), est pertinent aux aspects de la plainte concernant le choix par l’intimé d’un processus annoncé par rapport à un processus non annoncé.

[31]  Clout peut aussi être pertinente à la question de la nomination de la personne nommée au lieu de la plaignante. En l’absence d’une quelconque clarification de la part de la plaignante quant à la nature précise de ses allégations, je ne peux que supposer que la plaignante estime qu’elle était plus qualifiée que la personne nommée. Quoi qu’il en soit, il est utile d’examiner maintenant les paragraphes 30 à 34 de Clout :

[30] Les nominations sans concours étaient permises dans le cadre de l’ancienne LEFP. Toutefois, le principe du mérite relatif s’appliquait lorsque le motif d’appel était lié au fait que le mérite relatif n’avait pas été respecté. Autrement dit, une fois qu’un appel avait été déposé, l’intimé devait faire une évaluation et déterminer si l’appelant ou la personne nommée était plus qualifié. La plainte en l’espèce a été structurée et présentée en fonction du système de dotation et de recours qui existait sous le régime de l’ancienne LEFP.

[31] Personne ne conteste l’idée que la plaignante pourrait être tout à fait qualifiée pour occuper le poste de conseiller principal politiques et recherche, ni le fait que la candidature de Mme Jory était la seule prise en considération en vue d’une nomination. En soi, ces faits ne contreviennent pas à la LEFP et ne correspondent pas, ni individuellement ni collectivement, à un abus de pouvoir.

[32] L’ancien système de mérite relatif obligatoire n’existe plus. Il existe un pouvoir discrétionnaire considérable en ce qui concerne les questions de dotation. Il est évident qu’en tant que délégataire de la CFP, un administrateur général dispose du pouvoir discrétionnaire qui lui permet de choisir entre un processus de nomination annoncé et non annoncé. En outre, le fait de prendre en considération une seule candidature, comme c’est le cas en l’espèce, relève aussi du pouvoir discrétionnaire autorisé expressément dans le paragraphe 30(4) de la LEFP.

[33] Cependant, cela ne signifie pas que la LEFP prévoit un pouvoir discrétionnaire absolu. L’alinéa 77(1)b) de la LEFP prévoit la possibilité de porter plainte directement pour motif d’abus de pouvoir en ce qui concerne le choix discrétionnaire entre un processus de nomination annoncé ou non annoncé.

[34] Le Tribunal a établi que le simple fait de choisir un processus non annoncé ne constitue pas un abus de pouvoir en soi. Le plaignant doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que la décision de mener un processus de nomination non annoncé constituait un abus de pouvoir. À cet égard, on peut consulter la décision Rozka et al. c. le Sous‑ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration Canada et al., [2007] TDFP 0046.

[32]  La plaignante n’a produit aucun élément de preuve, malgré mes invitations claires, pour étayer une conclusion selon laquelle la décision du gestionnaire responsable de l’embauche de choisir un processus de nomination non annoncé pour nommer la personne nommée constituait un abus de pouvoir. Elle a seulement déclaré qu’il y avait eu suffisamment de temps pour mener à bien un processus de nomination annoncé. Cela peut bien être vrai, mais cela n’équivaut pas en soi à un abus de pouvoir.

[33]  Dans sa réponse du 20 septembre 2017, l’intimé a déclaré ce qui suit : [traduction] « La nomination intérimaire était nécessaire afin de remplacer temporairement le titulaire du poste pendant qu’il était affecté à la Direction générale des Ressources humaines à l’Administration centrale. » Je suis d’accord avec l’intimé pour dire qu’il n’existe aucune disposition législative ni aucune autre restriction quant à la durée d’une période de nomination intérimaire. Je conclus qu’il s’agissait d’un exercice légitime du pouvoir discrétionnaire de la part du gestionnaire responsable de l’embauche. De plus, comme je l’ai déclaré au début de ma décision, il incombe à la plaignante d’établir que l’intimé a commis un abus de pouvoir lorsqu’il a choisi un processus non annoncé. Les éléments de preuve qu’elle a présentés sont loin d’être suffisants à cet égard.

[34]  La plaignante a choisi de ne pas clarifier son allégation concernant la nomination de la personne nommée, à part, dans ses arguments du 21 novembre 2019, donner l’impression générale qu’elle estime qu’elle était tout aussi qualifiée (sinon plus qualifiée). En l’absence d’une preuve de l’omission par la personne nommée de satisfaire aux critères de mérite, je conclus que sa plainte est susceptible d’être visée par les paramètres décrits dans les paragraphes de Clout précités. Il se peut qu’elle ait bien été aux prises avec la mauvaise compréhension selon laquelle le processus de « mérite relatif » s’applique toujours. Dans l’affirmative, il convient de noter qu’il ne s’applique plus aux nominations.

[35]  La réponse du 20 septembre 2017 de l’intimé, ainsi que ses arguments du 2 décembre 2019, demeurent tous les deux incontestés par la plaignante en ce qui concerne la question de l’examen des qualifications de la personne nommée par le gestionnaire responsable de l’embauche.

[36]  Dans l’Avis de nomination intérimaire, les critères utilisés pour sélectionner la personne nommée sont énumérés comme suit, sous la rubrique [traduction] « Qualifications essentielles » :

[Traduction]

Anglais essentiel

Diplôme décerné par une université reconnue avec spécialisation acceptable en gestion des ressources humaines, en relations de travail ou en relations industrielles, en psychologie, en administration publique ou en administration des affaires, en développement organisationnel, en services d’éducation, en sciences sociales, en sociologie ou dans tout autre domaine se rapportant aux fonctions du poste à pourvoir […]

Expérience en coordination simultanée de projets multiples

Expérience en l’exécution de programmes concernant les ressources humaines

Expérience de la gestion de ressources humaines et financières

Connaissances des politiques et des procédures de l’ASFC

Capacité d’exécuter plusieurs tâches dans un environnement où les activités se déroulent à un rythme rapide

Capacité de faire preuve de bon jugement dans la gestion de questions complexes en matière de ressources humaines

Capacité de fournir des conseils sur les stratégies et les approches de rechange en matière de ressources humaines

Aptitudes en communication écrite et orale

Jugement

Capacité d’exercer une influence

Travail d’équipe et coopération

[37]  Aucun élément de preuve n’a été présenté pour indiquer que la personne nommée ne satisfaisait pas aux critères de mérite. La plaignante n’a produit aucun élément de preuve pour contester la candidature de la personne nommée en ce qui concerne les qualifications énumérées ci‑dessus. Pour ce motif, je conclus que la plaignante n’a pas réussi à établir que l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’application du mérite.

[38]  Plutôt que de fournir une preuve indiquant que la personne nommée ne satisfaisait pas aux critères de mérite, la plaignante s’est livrée à une campagne d’atteinte à la moralité. Elle a cité des exemples qu’elle considère comme des pratiques de gestion piètres après la nomination. Les plaintes relatives au rendement d’une personne diffèrent complètement des plaintes concernant la nomination de cette personne. Il n’est pas clair de savoir ce que la plaignante espérait gagner, au moins dans cette tribune, en critiquant le style de gestion de la personne nommée longtemps après sa nomination.

[39]  Pour ce qui a trait à l’allégation de la plaignante concernant le favoritisme, je souscris au renvoi par l’intimé à Glasgow c. Sous‑ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 7, concernant la question du favoritisme personnel. Malgré le fait qu’elle a reçu des invitations claires, la plaignante n’a déposé aucune preuve d’une relation personnelle entre le gestionnaire responsable de l’embauche et la personne nommée ni aucune preuve d’un quelconque favoritisme personnel.

[40]  Enfin, je souscris également à la suggestion de l’intimé selon laquelle la plaignante semble se préoccuper plus généralement de la présentation d’une série de plaintes contre l’intimé que de la question liée au processus de nomination non annoncé. Toutefois, le cinquième avis de prolongation de la nomination intérimaire constituait sans doute le catalyseur et a évidemment suscité une hostilité cachée concernant les injustices perçues au bureau de l’intimé à Windsor.

[41]  Tel qu’il a été confirmé dans Silke c. le Sous‑ministre de la Défense nationale, 2010 TDFP 9, au par. 68 : « La plainte ne peut être présentée au nom d’une autre personne et ne peut porter sur la façon dont d’autres candidats non retenus ont été traités. » La plaignante consacre une partie importante de ses arguments à la situation perçue d’autres personnes au bureau de l’intimé à Windsor.

[42]  Je conclus que la plaignante n’a pas établi un abus de pouvoir ni dans l’application du mérite, ni dans le choix du processus concernant le processus de nomination non annoncé 15‑BSF‑INA‑SOR‑CPSD‑PE‑1137.

[43]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V.  Ordonnance

[44]  La plainte est rejetée.

Le 25 février 2020.

Traduction de la CRTESPF

James R. Knopp,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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