Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé est un employé touché en raison d’un réaménagement des effectifs – il a déposé un grief alléguant que son ministère d’attache et son ministère d’accueil ont manqué à leur obligation partagée de faire tous les efforts raisonnables pour le recycler – la Commission a déterminé que ces ministères ont exercé leurs pouvoirs en matière de recyclage de façon arbitraire – la Commission a conclu que les ministères n’ont pas déployé d’efforts sérieux pour lui offrir de la formation ou lui trouver un poste comparable ou inférieur avec une période de recyclage.

Grief accueilli.

Contenu de la décision

Date:  20200217

Dossier:  566-02-12139

 

Référence:  2020 CRTESPF 15

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

DENIS CHÉNARD

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Emploi et Développement social Canada et Statistique Canada)

 

employeur

Répertorié

Chénard c. Conseil du Trésor (Emploi et Développement social Canada et Statistique Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant :  Chantal Homier-Nehmé, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé : Stéphanie Rochon Perras, Association canadienne des employés professionnels

Pour l'employeur :  Karl Chemsi, avocat

 

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),

les 13 et 14 février 2017.

Arguments écrits déposés le 22 mars et les 6 et 13 avril 2017.


MOTIFS DE DÉCISION

I.  Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

[1]  Denis Chénard, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), occupait un poste d’économiste (EC-07) à la Direction générale de la sécurité du revenu et du développement social à Ressource humaine et développement des compétences Canada (RHDC) lorsqu’il a été déclaré un employé touché en raison d’un réaménagement des effectifs. Le 28 octobre 2013, le fonctionnaire a été mis en disponibilité en vertu de l’article 64 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP). Depuis 2013, RHDC est devenu Emploi et Développement social Canada (EDSC). Pour alléger le texte, l’utilisation d’EDSC inclut le RHDC.

[2]  Le fonctionnaire a soutenu que la Directive sur le réaménagement des effectifs (la « Directive ») prévoit qu’EDSC, le ministère d’attache et Statistique Canada, le ministère d’accueil, avaient l’obligation partagée de faire tous les efforts raisonnables pour le recycler. La Directive définit le ministère d’attache comme le ministère ou l’organisation qui a mis un employé en disponibilité; et le ministère d’accueil, comme le ministère ou l’organisation qui devait considérer de nommer un employé mis en disponibilité ou d’en étudier la nomination pour un poste vacant.

[3]  À partir du 28 octobre 2013, il a été en statut de mise en disponibilité et il a bénéficié d’une priorité d’emploi. La Directive définit le terme « personne mise en disponibilité » comme étant une personne qui a été mise en disponibilité conformément au paragraphe 64(1) de la LEFP pouvant être nommée en priorité en vertu du paragraphe 41(4) et de l’article 64 de la LEFP. La personne mise en disponibilité a droit à une priorité absolue pendant la période fixée par la Commission de la fonction publique (la « CFP »).

[4]  Le fonctionnaire soutient que le refus de Statistique Canada de lui offrir un plan de recyclage pour un poste d’analyste (EC-06) et un bassin de chercheurs (EC-05) constituait selon lui un manquement de faire des efforts raisonnables pour le recycler en vue d’une nomination, contrairement à ce que prescrit la Directive incorporée dans la convention collective conclue entre l’Association canadienne des employés professionnels (l’ « ACEP ») et le Secrétariat du Conseil du Trésor pour l’unité de négociation du groupe Économique et services de sciences sociales, dont la date d’expiration est le 21 juin 2014 (la « convention collective »).

[5]  L’employeur a maintenu qu’il n’existait pas de possibilité de recyclage qui faciliterait la nomination du fonctionnaire à un poste EC-06. Pour qu’un employé soit admissible au recyclage, il faut que le recyclage s’impose pour faciliter sa nomination à un poste. Selon Statistique Canada, il n’y avait pas de formation ponctuelle qui aurait permis au fonctionnaire d’atteindre les exigences d’un poste EC-06. Il aurait fallu environ cinq ans en milieu de travail pour que le fonctionnaire satisfasse aux critères. Puisque la Directive fixe la durée maximale d’un plan de recyclage à deux ans, dans les circonstances, cela s’avérait insuffisant pour permettre au fonctionnaire d’atteindre le niveau jugé nécessaire pour le poste.

[6]  De plus, l’employeur a soumis que le fonctionnaire n’avait présenté aucune preuve concernant la présentation de sa candidature à un poste EC-05 à Statistique Canada ou son intérêt à être nommé à un tel poste. Cette possibilité n’a jamais été soulevée avant l’audience. L’obligation pour les ministères et organisations de faire des efforts raisonnables pour recycler des employés doit s’interpréter dans le contexte où un poste vacant ou censé devenir vacant est effectivement envisagé.

[7]  L’obligation créée par la Directive ne peut exister dans le vide et surtout si l’employé en question n’a jamais exprimé d’intérêt pour le poste. Le libellé du grief concerne uniquement les postes EC-06 et non un poste EC-05 à Statistique Canada. Les mesures correctives sont également explicites à savoir que le fonctionnaire soulève la question du recyclage pour les postes EC-06 uniquement. Le fonctionnaire ne peut changer la nature de son grief dans sa plaidoirie invoquant pour la première fois la prétention qu’il réclame un droit au recyclage pour les postes EC-05. Invoquer un tel argument à l’étape de la plaidoirie contrevient au principe reconnu dans Burchill c. Canada (Procureur général du Canada), [1981] 1 C.F. 109 (C.A).

[8]  Pour les raisons qui suivent, je conclus qu’EDSC et Statistique Canada ont manqué à leurs obligations prévues dans la convention collective.

II.  Contexte

[9]  Les faits suivants ne sont pas contestés. Le 30 avril 2012, le fonctionnaire a été avisé par RHDC qu’il était un employé touché en raison d’un réaménagement des effectifs. Le 28 juin 2012, il a été informé que ses services n’étaient plus requis en raison d’une suppression de fonction, conformément à l’article 64 de la LEFP.

[10]  RHDC a déterminé qu’il ne pouvait pas lui offrir la garantie d’une offre d’emploi raisonnable. Le fonctionnaire devait faire un choix parmi les trois options en vertu de la Directive : option A, une période de priorité d’excédentaire de 12 mois; option B, une mesure de soutien à la transition; option C, une indemnité d’études.

[11]  Le 29 octobre 2012, RHDC a confirmé le choix de statut d’employé excédentaire du fonctionnaire en vue de l’obtention d’un emploi au sein de l’administration publique centrale pour une période de 12 mois à partir du 29 octobre 2012 et prenant fin le 28 octobre 2013.

[12]  Pendant ce temps, le fonctionnaire a témoigné qu’il a postulé à plusieurs postes au sein de l’administration publique centrale. Étant un spécialiste dans le domaine de la micro-simulation, il a rencontré certains défis au cours de sa recherche d’emploi. Selon ses dires, la plupart des postes étaient loin de ses connaissances et expériences.

[13]  Le 25 septembre 2013, EDSC a informé le fonctionnaire que sa dernière journée de travail serait le 28 octobre 2013 et qu’il serait mis en disponibilité avec priorité de nomination pour une période d’une année. En vertu des dispositions applicables liées à la Directive, le salaire du fonctionnaire a continué d’être protégé au groupe et au niveau EC-07.

[14]   Quelques jours avant la fin de la période de priorité, le 25 octobre 2013, le fonctionnaire s’est trouvé un poste d’analyste de politiques (EC-06) pour une durée déterminée, du 29 octobre 2013 au 28 octobre 2014 à la division générale, Sécurité du revenu et du développement social à EDSC. Cette période coïncidait avec sa période de mise en disponibilité avec priorité de nomination.

[15]  Pendant cette période de mise en disponibilité, la CFP a soumis au fonctionnaire des possibilités d’emplois pour une durée indéterminée dans diverses organisations, dont trois postes d’analyste de recherche principal (EC-06) à Statistique Canada.

[16]  Les candidats qui satisfaisaient aux critères de mérite étaient convoqués à une entrevue. Le comité de sélection chargé d’évaluer le fonctionnaire était constitué de Julie Bernier, Mark Brown et John Baldwin. Mme Bernier a expliqué que les candidats devaient fournir leur curriculum vitæ et une lettre de présentation. Le fonctionnaire a témoigné qu’il a présenté sa candidature à deux des trois processus, et qu’il a été convoqué à une entrevue.

[17]  Selon l’évaluation des documents fournis par le fonctionnaire, Mme Bernier a conclu qu’il ne satisfaisait pas au critère de l’expérience. Elle n’a pas fourni de détails à cet égard. Malgré cela, il a été convoqué à une entrevue en raison de son statut de priorité. L’évaluation comprenait trois parties : un examen écrit, une entrevue d’une heure et une présentation orale de 15 à 20 minutes sur un projet de recherche.

[18]  Après l’entrevue, le fonctionnaire a postulé pour le troisième processus de sélection. Il n’a pas reçu de réponse pour ce processus de sélection. Habituellement, il n’était jamais satisfait de ses entrevues, mais cette fois-ci, il était très satisfait de lui. Il avait l’impression que ces postes étaient pour lui. Il possédait toutes les qualifications et il avait une expertise en micro-simulation. Il a témoigné que, lors de l’entrevue avec les membres du comité de sélection, il a été informé qu’il y avait un poste vacant à combler ainsi que d’autres postes à venir de niveaux EC-05 et EC-06.

[19]  Mme Bernier et M. Brown ont témoigné de l’évaluation du fonctionnaire. Les membres du comité de sélection avaient rempli un guide d’évaluation de l’examen et de l’entrevue qu’ils remplissaient au fur et à mesure des réponses données. Les trois membres du comité de sélection ont noté des lacunes en ce qui concerne quatre qualifications essentielles. Ils étaient d’accord sur leurs évaluations respectives.

[20]  En juin 2014, le fonctionnaire a été informé qu’il avait échoué à quatre des qualifications essentielles pour le poste EC-06, notamment :

Connaissance et compréhension des cadres théoriques, des concepts, des méthodes, des sources de données utilisées dans l’un des domaines de spécialisation (questions sociales, économie, démographie, santé).

Connaissance des défis et enjeux actuels et émergents, ainsi que ceux liés aux politiques dans votre domaine de spécialisation au Canada.

Capacité d’interpréter et de présenter les résultats de recherche.

Capacité de planifier et de réaliser des recherches analytiques ou de créer des modèles de simulation au moyen de données d’enquête, de recensement ou de bases de données administratives.

[21]  Le 26 juin 2014, Gaétanne Vaillancourt, conseillère, Administration des priorités à la CFP, a informé le fonctionnaire que son ministère d’attache avait la responsabilité d’identifier les besoins de recyclage. Elle a informé le fonctionnaire qu’il n’y avait pas de recyclage en tant que tel lors d’un réaménagement des effectifs. Le titulaire du poste prioritaire doit avoir les qualifications essentielles du poste. En tant qu’employé mis en disponibilité, la Directive lui accordait un droit de priorité pour tout poste dont il possédait les qualifications essentielles. Si la personne ne possède pas toutes les qualifications essentielles du poste, l’employeur peut éliminer la priorité.

[22]  Le fonctionnaire lui a répondu qu’il pouvait acquérir les qualifications échouées en deux ans, et il a demandé une formation pour satisfaire aux exigences du poste. Il a indiqué que c’était de loin le meilleur choix de tous les postes proposés par la CFP qu’il avait reçus. En réponse aux questions du fonctionnaire, Diane Gaspé, conseillère, Administration des priorités à la CFP, a informé le fonctionnaire de communiquer avec Valérie Leblanc, personne-ressource en administration des priorités à EDSC pour toute question concernant le recyclage.

[23]  Le 12 août 2014, le fonctionnaire a aussi communiqué avec Carole Clouâtre, conseillère en ressources humaines à EDSC, pour demander des renseignements sur la mise en place d’un plan de recyclage pour les processus de sélection EC-05 et EC-06. Le 20 août 2014, le fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Bernier et à des représentants de son ministère d’attache, soit EDSC, de Statistique Canada et de la CFP, pour demander un plan de recyclage. Mme Bernier n’a pas répondu à sa demande.

[24]  Le 27 septembre 2014, la décision de refuser un plan de recyclage au fonctionnaire a été enregistrée dans le système de gestion des priorités. Le fonctionnaire en a été informé la même journée. Le 2 octobre 2014, le fonctionnaire a déposé un grief alléguant que l’employeur avait manqué à son obligation de lui offrir un programme de recyclage en vertu de la partie IV de la Directive.

[25]  Le fonctionnaire n’était pas d’accord qu’il lui faudrait cinq ans pour devenir fonctionnel dans le poste EC-06 à Statistique Canada. Bien qu’il ne possède pas toutes les compétences requises, tel qu’en bio statistique, il avait l’éducation et les compétences techniques nécessaires pour devenir pleinement fonctionnel dans le poste dans une période de deux ans. En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a admis qu’il ne contestait pas qu’EDSC n’avait pas de programme de recyclage. Ce qu’il contestait était l’existence d’un programme de recyclage à Statistique Canada qui lui aurait permis de se qualifier pour un poste EC-06.

III.  Motifs

A.  La Directive

[26]  Le fonctionnaire a renvoyé le grief en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (LRTSPF), qui se lit comme suit :

209 (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire […], peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

[27]  Le libellé du grief indique :

Je dépose un grief contre l’Employeur (Statistique Canada) pour contester l’interprétation erronée et la mauvaise application de la Partie IV, Recyclage, de la Directive sur le réaménagement des effectifs (DRE), ce qui enfreint mes droits aux termes de la DRE et de la convention collective EC conclu [sic] entre l’ACEP et le Secrétariat du Conseil du Trésor. Plus particulièrement, concernant trois (3) postes vacants pour le groupe et niveau EC6 à STC.

[28]  Le fonctionnaire demande les mesures correctives suivantes :

Une déclaration que l’Employeur (Statistique Canada) a enfreint la DRE et la convention collective;

Que l’Employeur (Statistique Canada) respecte et applique les dispositions de la Partie IV, Recyclage de la DRE;

Que l’Employeur (Statistique Canada) approuve un plan de recyclage approprié pour me recycler en vue d’une nomination dans l’un des trois postes;

Que je continue d’être employé excédentaire et que la date de mise en disponibilité envisagée soit reportée jusqu’à la fin de la période de recyclage;

Que l’employeur me rembourse toute perte de salaire et avantages sociaux subis par suite des infractions à la DRE;

Que je sois indemnisé intégralement.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[29]  Le grief est daté du 2 octobre 2014 et signé par Cassandra Iwankow, directrice des politiques, Programme de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada, EDSC. Les obligations du ministère d’attache, du ministère d’accueil et du fonctionnaire sont prévues dans la Directive. La Partie I de la Directive prévoit les rôles et responsabilités des ministères et organisations lors d’un réaménagement des effectifs. La clause 1.1.1 de la Directive prévoit qu’en situation de réaménagement des effectifs, l’employeur a l’obligation de traiter les employés touchés équitablement.

[30]  Puisque la Directive fait partie de la convention collective, la Commission possède pleine compétence quant à son interprétation. Il s’ensuit que puisque la Directive confère un pouvoir discrétionnaire à l’employeur, la Commission a compétence pour déterminer si tel pouvoir a été exercé de manière raisonnable, arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi (voir Chênevert c. Conseil du Trésor (ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire), 2015 CRTEFP 52). La question qui se pose est donc la suivante : est-ce que le ministère d’attache et le ministère d’accueil ont exercé leurs pouvoirs en vertu de la Partie IV – Recyclage de manière raisonnable?

[31]  Le principe directeur de la Directive est le maintien d’emploi et le traitement équitable des employés. Le paragraphe 1.1.1 est clair. Un réaménagement des effectifs a des répercussions sérieuses sur les employés touchés. L’employeur a l’obligation d’offrir aux employés touchés toutes les possibilités raisonnables de poursuivre leur carrière dans la fonction publique.

[32]  En lien avec cette obligation, le paragraphe 1.1.2 prévoit que les ministères et les organisations réalisent une planification efficace des ressources humaines afin de réduire au minimum les répercussions d’un réaménagement des effectifs sur les employés nommés pour une période indéterminée, sur le ministère ou l’organisation et sur la fonction publique. C’est dans cette optique que je dois examiner la preuve.

[33]  Les paragraphes pertinents de la Directive prévoient ce qui suit :

Partie I

Rôles et responsabilités

1.1 Ministères et organisations

1.1.1 Étant donné que les employés nommés pour une période indéterminée qui sont touchés par un réaménagement des effectifs ne sont pas eux-mêmes responsables de cette situation, il incombe aux ministères ou aux organisations de veiller à ce qu’ils soient traités équitablement et à ce qu’on leur offre toutes les possibilités raisonnables de poursuivre leur carrière dans la fonction publique.

1.1.2 Les ministères ou les organisations réalisent une planification efficace des ressources humaines afin de réduire au minimum les répercussions d’un réaménagement des effectifs sur les employés nommés pour une période indéterminée, sur le ministère ou l’organisation et sur la fonction publique.

1.1.5 Les ministères ou les organisations établissent des systèmes facilitant la réaffectation ou le recyclage de leurs employés touchés et excédentaires et de leurs personnes mises en disponibilité.

1.1.23 Pour les périodes de priorité d’excédentaire et/ou de mise en disponibilité, les ministères ou les organisations d’attache prennent à leur charge le traitement, les frais liés à la protection salariale et/ou à la cessation d’emploi, ainsi que les autres frais autorisés, comme les frais de scolarité, de déplacement, de réinstallation et recyclage, en conformité avec les diverses conventions collectives et directives applicables. Le ministère ou l’organisation d’accueil peut accepter d’assumer la totalité ou une partie de ces frais.

1.1.35 Lorsque c’est nécessaire pour faciliter la nomination des employés, les ministères ou les organisations d’attache établissent un plan de recyclage, le signent et le font signer par les employés en cause et par les ministères ou les organisations d’accueil.

[…]

Partie IV

Recyclage

4.1 Généralités

4.1.1 Pour faciliter la réaffectation des employés touchés, des employés excédentaires et des personnes mises en disponibilité, les ministères ou les organisations doivent faire tous les efforts raisonnables pour les recycler en vue d’une nomination :

a) à un poste vacant; ou

b) à des postes censés devenir vacants, d’après les prévisions de la direction.

4.1.2 L’employé, le ministère ou l’organisation d’attache et le ministère ou l’organisation d’accueil sont chargés de repérer les possibilités de recyclage conformément aux dispositions du paragraphe 4.1.1.

4.1.3 Lorsqu’une possibilité de recyclage a été identifiée conformément au paragraphe 4.1.2, l’administrateur général du ministère ou de l’organisation d’attache approuve une période de recyclage d’une durée maximale de deux ans.

4.3 Personnes mises en disponibilité

4.3.1 La personne mise en disponibilité est admissible au recyclage pourvu :

a) que cela s’impose pour faciliter sa nomination à un poste vacant donné;

b) qu’elle satisfasse aux exigences minimales précisées dans la norme de qualification applicable au groupe en cause; et

c) qu’il n’existe aucun autre bénéficiaire de priorité disponible qui ait les qualifications requises pour le poste.

4.3.2 Lorsqu’une personne se voit offrir une nomination assujettie à la réussite de son recyclage, le plan de recyclage est inclus dans la lettre d’offre. Si la personne accepte l’offre conditionnelle, elle est nommée pour une période indéterminée au plein niveau du poste après avoir mené son recyclage à bonne fin et être jugé qualifiée pour le poste. Lorsqu’une personne accepte une nomination à un poste dont le taux de rémunération maximal est inférieur à celui du poste duquel elle a été mise en disponibilité, elle bénéficie d’une protection salariale, conformément aux dispositions de la partie V.

B.  Est-ce qu’EDSC et Statistique Canada ont exercé leurs pouvoirs en vertu de la Partie IV – Recyclage de manière raisonnable?

1.  Résumé de la preuve
a.  Efforts de la gestion

[34]  Le fonctionnaire a cité Sylvie Bélanger, gestionnaire des services exécutifs à Statistique Canada. Elle était impliquée dans son dossier dès le début en tant que chef d’équipe des conseillers qui travaillaient sur le dossier. Son rôle était de donner des avis et conseils à la haute gestion, d’évaluer le fonctionnaire à titre de priorité et d’établir le recyclage nécessaire.

[35]  Après avoir rencontré la gestion, il a été déterminé que le recyclage n’était pas possible. Le comité de sélection avait évalué le fonctionnaire et avait déterminé que ça prendrait en moyenne quatre à sept ans pour développer les capacités et connaissances requises. Elle a expliqué qu’il n’y avait pas de recyclage ou de programme précis comme tel.

[36]  Le 27 août 2014, elle a informé Mme Vaillancourt qu’un plan de recyclage n’était pas possible dans les circonstances puisqu’il n’y avait pas de programme de développement ou de cours qui permettrait au fonctionnaire d’acquérir les qualifications essentielles pour ce poste. Aucune preuve n’a été présentée au sujet des efforts déployés par Mme Bélanger pour identifier des cours ou de la formation qui permettraient au fonctionnaire de rencontrer les compétences essentielles d’un poste EC-06. Bien que le fonctionnaire ait postulé pour trois postes de EC-06, il n’a été évalué qu’une seule fois.

[37]  En contre-interrogatoire, Mme Bélanger a indiqué que la gestion avait considéré permettre au fonctionnaire de compléter un doctorat. Toutefois, la gestion trouvait que c’était inacceptable de permettre au fonctionnaire d’être parti pendant deux ans. De plus, il faudrait environ cinq ans en milieu de travail pour que le fonctionnaire satisfasse aux critères, ce qui excède la durée maximale de deux ans prévue par la Directive. Aucune preuve n’a été présentée pour expliquer pourquoi il faudrait environ cinq ans en milieu de travail pour que le fonctionnaire satisfasse aux critères.

[38]  Dans un courriel du 18 septembre 2014, Ali Manouchehri, gestionnaire, Politique de l’invalidité du RPC, EDSC, a informé Mme Clouâtre que le fonctionnaire avait reçu plusieurs cours de formation, deux occasions de réseautage ainsi que de l’aide pour trouver des occasions d’emploi au sein de la Direction des partenariats de développement communautaire et de lutte contre l’itinérance de la direction générale  et autres directions générales d’EDSC. Au meilleur de ses connaissances, le fonctionnaire n’a pas pu trouver d’occasions d’emploi convenables pour lui. De plus, il a confirmé que le fonctionnaire avait eu beaucoup de temps pour chercher des postes chez EDSC et y postuler, ainsi qu’ailleurs dans le reste de la fonction publique.

[39]  Le fonctionnaire était d’accord qu’il avait reçu une formation, toutefois, cette formation était une formation générale offerte à tous les employés. Cette formation n’était pas en lien avec un poste de classification EC. EDSC n’a pas offert de formation adaptée à ses besoins dans le but de se trouver un autre poste. Pour ce qui est du réseautage, il a obtenu un poste pour une durée déterminée, toutefois aucun effort de réseautage précis n’avait été fait pour qu’il puisse obtenir un poste pour une durée indéterminée. Cette preuve n’a pas été contestée ni réfutée par l’employeur.

[40]  Mme Iwankow a indiqué qu’elle ne savait pas si le fonctionnaire avait postulé à des postes ailleurs. Elle a indiqué que le fonctionnaire n’avait pas demandé directement à elle ou à ESDC pour du recyclage en lien avec les postes en question. Elle a expliqué que c’était dans le cadre du processus de règlement des griefs qu’elle avait entendu parler de la demande d’un plan de recyclage et qu’elle n’était pas en mesure de déterminer quels cours ou programme de formation pouvaient s’appliquer pour recycler le fonctionnaire. Selon elle, Statistique Canada était le mieux placé pour déterminer le niveau de formation requise pour le poste et qu’EDSC n’était pas en mesure de fournir une formation spécialisée. Aucune preuve n’a été présentée pour démontrer les démarches qu’elle aurait prises à cet égard.

b.  Efforts du fonctionnaire

[41]  La preuve démontre que le fonctionnaire communiquait activement avec les représentants de la CFP, de Statistique Canada et d’EDSC pour se renseigner et demander un plan de recyclage. Le fonctionnaire s’est renseigné sur ses droits et ses obligations en vertu de la Directive. Il a fait plusieurs efforts pour se trouver un poste. L’employeur n’a pas contesté ce fait.

[42]   Après sa mise en disponibilité, le fonctionnaire a eu de la difficulté à se trouver un poste à l’interne. Puisqu’il n’était plus un employé, il avait perdu accès aux processus de dotations internes de la fonction publique. Les postes affichés à l’externe (processus externes) étaient très rares. Il a resauté et gardé contact avec ses anciens collègues pour trouver des possibilités d’emplois. Étant donné son expérience spécialisée, il lui était difficile de se trouver un poste pour lequel il pouvait se qualifier. La gestion ne lui a pas fourni d’aide pour qu’il se trouve un poste ailleurs.

c.  Évaluation du fonctionnaire

[43]  Après avoir appris qu’il avait échoué, le fonctionnaire a demandé une rencontre informelle avec Mme Bernier. Il s’est fait dire avoir échoué parce que ses réponses étaient trop techniques et ses méthodes de recherche et de présentation étaient trop anciennes. Mme Bernier lui a expliqué que les temps avaient changé et que les recherches ne se faisaient plus comme avant. Étant donné les coupures, les recherchistes devaient faire plus de réseautage, des partenariats de recherches et trouvé du financement. Mme Bernier était d’avis que le détachement en micro-simulation qu’il avait effectué à Statistique Canada en 2011-2012 n’était pas pertinent, puisque le fonctionnaire n’avait pas fait de recherche.

[44]  En contre-interrogatoire, Mme Bernier a admis ne pas connaître le document officiel de la norme de classification de l’administration publique centrale pour le groupe Économique et services de sciences sociales (EC). Elle a précisé que les processus de sélection pour les postes EC-06 à Statistique Canada exigeaient une norme plus élevée que la norme de l’administration publique centrale. Aucun document n’a été déposé en preuve ce en quoi les poste EC-06 à Statistique Canada exigeaient une norme plus élevée que la norme de l’administration publique centrale.

[45]  Elle a confirmé qu’il y avait potentiellement cinq possibilités d’emploi de postes EC-06. Il y avait un besoin en matière de recherche pour des postes EC-05 et EC-06. Les trois guides d’évaluation des membres du comité de sélection de l’examen et de l’entrevue du fonctionnaire suggéraient qu’il y avait un processus de sélection pour un poste de chercheur (EC-05). Toutefois, le fonctionnaire a témoigné qu’il n’a pas été évalué pour ce poste ni pour le bassin des postes EC-05. De plus, après l’échec du processus de sélection EC-06, le fonctionnaire a été éliminé des deux autres processus pour les postes EC-06 auxquels il avait postulé.

[46]  Les avis des processus de sélection précisaient que la qualification essentielle en matière d’études était un grade de maîtrise ou de doctorat d’une université reconnue avec spécialisation en économie, sociologie ou statistique. Le fonctionnaire satisfaisait aux critères d’admissibilité de la Directive, c’est-à-dire, aux exigences minimales précisées dans la norme de qualification applicable au groupe EC (économiste). De plus, Mme Bernier a confirmé qu’il n’y avait pas d’autres priorités pour les processus de sélection EC-06.

[47]  Mme Bélanger a confirmé que le fonctionnaire avait été évalué une seule fois même s’il y avait plusieurs postes de groupe EC. Le fonctionnaire a été évalué une seule fois quant à une formation possible pour le poste EC-06.

[48]  Mme Bernier et M. Brown ont expliqué que le recyclage n’était pas une option pour le fonctionnaire pour les raisons suivantes : il avait échoué au processus de sélection; il ne pouvait pas occuper le poste immédiatement et performer à un niveau EC-06; il n’avait pas démontré être capable de diriger un programme de recherche, car il n’avait pas d’expérience dans les conseils d’expert et de publication des articles; il n’a pas démontré qu’il avait suffisamment d’autonomie dans la recherche et les publications; il devrait recevoir environ cinq ans de formation sur le tas avec l’aide de superviseurs et de mentors; il n’y avait pas de cours ponctuels ou de programmes précis qui pouvaient permettre de développer les compétences requises à court terme.

[49]  Selon Mme Bernier, il n’existait pas de programme de formation de recherche universitaire en fonction des politiques du pays. Les chercheurs universitaires ne font pas cela. De plus, dans l’éventualité où il y aurait eu de la formation dans une période de moins de deux ans, il n’aurait pas été constructif de faire un autre processus de sélection par la suite.

[50]  En contre-interrogatoire, Mme Bernier a expliqué qu’il n’y avait pas de note de passage globale. Il fallait passer chacun des critères essentiels pour se qualifier. Elle était d’accord que l’écart de passage pour la majorité des critères était mineur, sauf pour la qualification K3 Défis et enjeux stratégiques, qui représentait la majorité de l’examen. Pour la qualification K3 « Défis et enjeux stratégiques », le fonctionnaire a reçu une note de 7 sur 20, la note de passage étant de 14 sur 20.

[51]  Le fonctionnaire a expliqué qu’il possédait les connaissances et les compétences techniques pour le poste EC-06. Il était d’accord qu’il aurait besoin d’une mise à jour de certaines méthodes de recherches en bio statistique, mais pas une formation qui prendrait cinq ans à apprendre. Il possédait de l’expérience dans ce qui suit : programmation de base de données, gestion de groupe dans le domaine de la micro-simulation, économie, recherches démographiques et santé.

[52]  Il n’est pas contesté que le fonctionnaire a travaillé 22 ans au sein de la fonction publique fédérale, dont 15 ans à EDSC. Il détient un baccalauréat en économie, une maîtrise en économie avec spécialisation en économétrie et finances publiques, et une scolarité au niveau du doctorat, avec spécialisation en économétrie. Il a complété tous les cours de doctorat, sauf la thèse de doctorat. Bien qu’il n’ait pas publié d’article de recherche, il a présenté plusieurs articles et rapports de recherche.

d.  Impact sur le fonctionnaire

[53]  La mise en disponibilité a eu un impact financier important pour le fonctionnaire. Il a épuisé son régime d’épargne et maximisé sa marge de crédit ainsi que ses cartes de crédit. Son épouse a dû se trouver un emploi pour qu’ils puissent subvenir à leurs besoins. Le fonctionnaire a été forcé de prendre sa retraite avec pénalité. Il a souffert émotionnellement; il s’est senti comme si son éducation et son expérience ne valaient rien. Sa relation de couple a été mise à l’épreuve; sa conjointe voulait le quitter. Il a perdu le goût de faire des activités qu’il aime. Sa vie est devenue pénible émotionnellement et financièrement. Lors de l’audience, le fonctionnaire avait parfois de la difficulté à contenir ses émotions.

C.  Résumé de l’argumentation

1.  Pour le fonctionnaire

[54]  Le fonctionnaire ne conteste pas qu’il ne satisfait pas à quatre des qualifications essentielles pour les deux processus de sélection EC-06. Toutefois, il prétend satisfaire à tous les critères de la Directive. Il conteste l’interprétation et l’application de la Directive, plus particulièrement la Partie IV – Recyclage, en fonction des postes d’analyste de recherche principal (EC-06) à Statistique Canada.

[55]  Le fonctionnaire soutient que le refus d’EDSC et de Statistique Canada de mettre en place un plan de recyclage pour lui permettre de satisfaire aux qualifications essentielles du poste d’analyste de recherche principal (EC-06) à Statistique Canada contrevient à la convention collective. Selon la Directive, un plan de recyclage s’imposait afin qu’il puisse atteindre le niveau de connaissance et les capacités requises. Selon le fonctionnaire, le fait que Statistique Canada n’ait pas un programme ou une structure en place pour le recycler ne soustrait pas EDSC et Statistique Canada de leur obligation de se conformer à la Directive, plus particulièrement, de faire tous les efforts raisonnables de le recycler en vue d’une nomination.

[56]  Il soumet que Statistique Canada ne lui a pas offert toutes les possibilités de recyclage auxquelles la Directive lui donne droit. Il est possible qu’il ne soit pas le candidat le mieux qualifié, toutefois, la Directive ne prévoit pas de niveau de compétence. Même s’il s’était révélé que, malgré un plan de recyclage, il ne pourrait pas atteindre un niveau de compétence acceptable pour les quatre critères essentiels, le fait est qu’il n’a pas eu l’occasion de faire ses preuves.

[57]  Selon le fonctionnaire, Statistique Canada ne jouit pas d’un pouvoir discrétionnaire unilatéral et absolu de décider si un programme de recyclage sera mis en place dans une situation de réaménagement des effectifs si ce n’est pas à son avantage ou si ce n’est pas une tentative constructive de mettre un tel plan en vigueur, et particulièrement pour des personnes mises en disponibilité, comme lui, qui satisfait aux critères d’admissibilité à la Directive.

[58]  EDSC et Statistique Canada ont l’obligation d’offrir un plan de recyclage raisonnable et approprié pour faciliter la poursuite de la carrière d’un employé touché par un réaménagement des effectifs. L’affiche du poste d’analyste de recherche principal (EC-06), soumise en preuve pour le processus de sélection en question, indiquait qu’il y avait quatre postes à pourvoir et un bassin anticipatoire de candidats qualifiés pour doter les postes vacants, actuels et futurs. Le bassin pouvait également servir à doter des postes semblables présentant divers profils linguistiques et de sécurité, pour différentes durées, et cela à travers le Canada (pièce E-7).

[59]  Malgré ce besoin, ou cette prévision de postes au niveau EC-05, et le fait que ce processus de sélection servirait de bassin pour divers postes semblables au sein de Statistique Canada, la preuve démontre que Statistique Canada a seulement considéré le fonctionnaire pour le processus de sélection de niveau EC-06.

[60]  À l’appui de ses prétentions, le fonctionnaire se base sur les jurisprudences suivantes : Olson c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2007 CRTFP 24; Olson c. Canada (Procureur général), 2008 CF 209; Olson c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2009 CRTFP 6; Robert c. Conseil du Trésor (Approvisionnements et Services Canada), [1993] C.R.T.F.P.C. no 6; Simmons c. Conseil du Trésor (Forêts Canada), [1994] C.R.T.F.P.C. no 80.

2.  Pour l’employeur

[61]  Selon l’employeur, pour que le fonctionnaire soit admissible au recyclage dans ces circonstances, le paragraphe 4.3.1 de la Directive prévoit qu’il faut que le recyclage s’impose pour faciliter sa nomination à ces postes. Autrement dit, il est impératif qu’un plan de recyclage puisse exister qui lui permettra de satisfaire à toutes les exigences d’un poste EC-06 à Statistique Canada. Il ne s’agit pas d’une situation où le recyclage était possible, mais qu’il avait été refusé. Il s’agit plutôt d’une situation où la possibilité même d’un tel recyclage était inexistante. La jurisprudence présentée par le fonctionnaire devrait être écartée.

[62]  La preuve démontre que l’évaluation du fonctionnaire a été réalisée de manière minutieuse, juste et impartiale. Les trois gestionnaires sont des experts dans leur domaine et ils ont été unanimes relativement aux résultats du fonctionnaire. Le rôle de la Commission ne devrait pas être de réexaminer la candidature du fonctionnaire ni de substituer son jugement à celui du comité de sélection.

[63]  En l’espèce, la preuve est claire qu’il n’y avait pas d’attente raisonnable que le fonctionnaire puisse atteindre le niveau adéquat à l’intérieur d’une période de deux ans, compte tenu du contexte particulier des postes EC-06 à Statistique Canada et des qualifications du fonctionnaire.

[64]  L’argumentation du fonctionnaire à savoir qu’EDSC avait une obligation de repérer des possibilités de recyclage pour le poste EC-06 à Statistique Canada ne devrait pas être retenue. EDSC et Cassandra Iwankow, directrice des politiques, Programme de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada, ne pouvaient pas être en mesure de prendre une décision concernant le recyclage pour un poste à Statistique Canada. Bien que la classification EC puisse être la même pour les deux ministères, les types de postes et la nature des tâches sont différents. Il n’était pas possible en pratique pour EDSC de repérer des possibilités de recyclage pour un poste vacant EC-06 à Statistique Canada. Seul Statistique Canada était en mesure de déterminer si un recyclage pour le poste EC-06 pouvait être possible.

[65]  La preuve a démontré que le fonctionnaire ne satisfaisait pas à certaines qualifications essentielles des postes EC-06 à Statistique Canada. Une formation sur le tas d’une durée de cinq ans était nécessaire. Une telle possibilité n’était pas envisageable et aurait été à l’encontre de la Directive qui prévoit une durée maximale de deux ans. Le fonctionnaire n’a pas non plus démontré qu’un recyclage d’une période de deux ans aurait été suffisant ou faisable.

[66]  Le paragraphe 4.1.3 de la Directive autorise un recyclage d’une durée maximale de deux ans, et il est également impératif que le fonctionnaire puisse atteindre le niveau exigé pendant cette période de temps. Le principe de recyclage dans la Directive ne vise pas à former un employé pour un poste donné ou encore d’essayer des options en espérant que l’employé puisse atteindre le niveau.

[67]  La Directive est claire à savoir qu’il s’agit de faciliter la nomination qui pourra être offerte de façon conditionnelle. La décision d’admettre un employé au recyclage doit, par conséquent, se baser sur le fait qu’il existe une possibilité et une attente raisonnable que l’employé puisse atteindre le niveau. La Directive est également claire à savoir qu’il s’agit ici de faciliter la nomination qui pourra être offerte de façon conditionnelle. La décision d’admettre un employé au recyclage doit, par conséquent, se baser sur le fait qu’il existe une probabilité et une attente raisonnable que l’employé puisse mener à bien son recyclage et être jugé qualifié pour le poste après une période d’au plus de deux ans.

[68]  Le droit au recyclage n’est pas un droit absolu. La Cour fédérale et la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) ont, à quelques reprises, souligné ce fait. Dans Van Der Veen et le Conseil du Trésor (Énergie, Mines et Ressources), [1989] C.R.T.F.P.C. no 71, et Saveland et le Conseil du Trésor (Santé et Bien-être social Canada), [1989] C.R.T.F.P.C. no 212, la CRTFP a statué que l’objet de la politique concernant le réaménagement des effectifs n’était pas de recycler automatiquement tous les employés excédentaires. Les candidats doivent posséder un minimum de connaissances avant d’envisager le recyclage. Les ministères doivent faire tout en leur pouvoir pour recycler les employés en vue d’une nomination à un poste vacant. Toutefois, cette obligation n’est pas absolue et est en fonction d’un effort raisonnable. Les employés excédentaires doivent être réaffectés à un autre poste dans la mesure du possible compte tenu des qualifications des employés concernés.

[69]  La Cour fédérale a confirmé cette interprétation de la Directive dans Carby-Samuels c. Canada (Conseil du Trésor), [1994] A.C.F. no 1284, aux paragraphes 20 et 21. L’employé en question n’avait pas mené son recyclage de 14 mois à bonne fin et la Commission a déterminé que l’employeur était fondé de conclure qu’il ne pouvait pas être recyclé en moins de deux ans. Selon la Cour fédérale, il s’agissait d’une conclusion légitime à l’égard de laquelle elle ne pouvait pas intervenir. La période normale de formation est de deux ans, mais le libellé de la Directive permet à l’employeur de conclure qu’un employé ne peut se recycler dans ce délai lorsqu’une période de formation plus brève, mais néanmoins adéquate, le démontre.

[70]  Pour toutes ces raisons, l’employeur a demandé que le grief soit rejeté.

IV.  Conclusion

[71]  Le fonctionnaire a choisi le statut d’employé excédentaire en vue de l’obtention d’un emploi au sein de l’administration publique centrale pour une période de 12 mois à partir du 29 octobre 2012 et prenant fin le 28 octobre 2013. Tel qu’il est prévu aux articles 64 et 41 de la LEFP, il bénéficiait d’une priorité de nomination absolue. Ce statut lui accordait les droits et indemnités tel qu’il est prévu aux paragraphes 1.1.1, 1.1.10, 1.1.11, 1.1.14, 1.1.15, 1.1.16, 1.1.23 et aux articles 4.1. et 4.3 de la Directive.

[72]  Ces articles prévoient le droit d’être traité équitablement et de se voir offrir toutes les possibilités raisonnables de poursuivre sa carrière dans la fonction publique avec une période de recyclage, à condition de satisfaire à tous les critères de la Directive, soit pour un poste de niveau comparable, ou un poste de niveau inférieur après que l’employeur ait épuisé toutes les autres possibilités.

[73]  Aucune preuve n’a été présentée pour démontrer que le ministère d’attache a exploré toutes les possibilités raisonnables pour permettre au fonctionnaire de poursuivre sa carrière dans la fonction publique. Cette responsabilité est expressément prévue au paragraphe 1.1.1 de la Directive. Le paragraphe 1.1.5 prévoit l’obligation des ministères et des organisations d’établir des systèmes facilitant la réaffectation ou le recyclage de leurs employés touchés et excédentaires et de leurs personnes mises en disponibilité. Aucune preuve n’a été présentée démontrant l’établissement de tels systèmes.

[74]  Le paragraphe 4.1.1 de la Directive prévoit que les ministères ou les organisations doivent faires tous les efforts raisonnables pour recycler les employés touchés, excédentaires et les personnes mises en disponibilité en vue d’une nomination à un poste vacant ou à des postes censés devenir vacants, d’après la prévision de la direction. La preuve a démontré qu’il y avait des postes EC-06 vacants à Statistique Canada pour lesquels le fonctionnaire a déposé sa candidature et des postes EC-05 à venir, pour lesquels le fonctionnaire n’a pas postulé puisque ceux-ci étaient à venir.

[75]  Le paragraphe 4.1.2 de la Directive prévoit l’obligation partagée de l’employé, du ministère et du ministère d’accueil de repérer les possibilités de recyclage. En contre-interrogatoire, Mme Bernier a admis que le fonctionnaire n’avait pas été consulté ou invité à participer aux rencontres et communications avec le comité de sélection, les ressources humaines et les relations de travail au sujet de possibilités de recyclage. Le fonctionnaire a confirmé ne pas avoir eu l’occasion de collaborer avec EDSC ou Statistique Canada pour tenter de repérer les possibilités de recyclage qui lui permettrait de combler les carences des qualifications essentielles échouées.

[76]  Je suis d’accord avec le fonctionnaire pour dire que le ministère d’accueil ne jouit pas d’un pouvoir discrétionnaire unilatéral et absolu de décider si un programme de recyclage devrait être mis en place dans une situation de réaménagement des effectifs. Le libellé de la Directive est clair. Le paragraphe 4.3.1a) prévoit que la personne mise en disponibilité est admissible au recyclage pourvu que cela s’impose pour faciliter sa nomination à un poste vacant donné. Mme Iwankow a expressément indiqué qu’elle jugeait que Statistique Canada était mieux en mesure de déterminer les possibilités de recyclage.

[77]  Par son aveu, EDSC a manqué à son obligation puisqu’ils n’ont pas examiné de possibilités de recyclage pour le fonctionnaire. Aucune preuve n’a été présentée pour démontrer quels efforts ont été déployés pour identifier les cours qui pouvaient lui permettre de satisfaire aux compétences requises d’un poste EC-06 à court terme. Je conclus que le ministère d’attache et le ministère d’accueil ont manqué à leurs obligations en vertu du paragraphe 4.1.2. La conduite du ministère était donc arbitraire.

[78]  Le fonctionnaire satisfaisait aux critères prévus aux paragraphes 4.3.1b) et c) de la Directive. Il satisfaisait aux exigences minimales prévues dans la norme de qualification pour le groupe EC. Bien que les types de postes et la nature des tâches soient différents d’un ministère à l’autre, il n’est pas contesté que le fonctionnaire détient un baccalauréat en sciences économiques, une maîtrise en science économique et une scolarité au doctorat avec spécialisation en économétrie tel que prévu par la norme de qualification pour le groupe EC.

[79]  Le fonctionnaire a longuement parlé lors de son témoignage de ses accomplissements scolaires et multiples rapports de recherche, dont certains avaient été publiés plusieurs années auparavant. De plus, il avait 22 ans d’expérience dans la fonction publique, la majorité de cette période était en recherche en tant qu’EC à EDSC. Le fonctionnaire satisfaisait au critère prévu au paragraphe 4.3.1c). Statistique Canada a confirmé qu’il n’existait aucun autre bénéficiaire de priorité disponible qui avait les qualifications requises pour le poste.

[80]  La preuve a démontré que le fonctionnaire ne satisfaisait pas à certaines qualifications essentielles des postes EC-06 à Statistique Canada. Statistique Canada maintient que c’est pour cette raison que le fonctionnaire n’était pas admissible au recyclage. Une période de recyclage ne s’imposait pas pour faciliter sa nomination à un poste donné. Selon Statistique Canada, une formation sur le tas d’une durée de cinq ans était nécessaire. Aucune explication ou preuve documentaire n’a été déposée pour démontrer ce sur quoi les gestionnaires se basaient pour déterminer que seule une formation de cinq ans suffirait pour permettre au fonctionnaire de satisfaire à tous les critères. L’employeur a raison, la Commission n’a pas à réévaluer le fonctionnaire. Toutefois, la Directive exige une évaluation sérieuse des compétences du fonctionnaire en fonction d’un potentiel recyclage. D’après le témoignage de Mme Iwankow, EDSC n’a effectué aucune évaluation sérieuse des compétences, de l’expérience et de l’éducation du fonctionnaire et Statisque Canada non plus.

[81]  Je note que le fonctionnaire avait passé tous les critères de l’évaluation sauf la qualification K3 « Défis et enjeux stratégiques », qui représentait la majorité de l’examen. Je ne trouve pas crédible qu’il n’était pas possible en pratique pour EDSC de repérer des possibilités de recyclage pour un poste vacant EC à Statistique Canada ou ailleurs. Le fonctionnaire a postulé à plusieurs postes et il a fait plusieurs efforts pour engager EDSC et Statistique Canada dans des discussions pour un plan de recyclage pour les processus de sélection en question. Ces derniers l’ont continuellement exclu de cette discussion, malgré l’obligation partagée prévue dans la Directive.

[82]  Je rejette l’argument de Statistique Canada voulant que le fonctionnaire n’était pas admissible au recyclage puisqu’il ne satisfaisait pas aux critères du poste et qu’il n’existait tout simplement pas de solution de recyclage qui pouvait faciliter sa nomination au poste dans la période de deux ans. Le fonctionnaire a confirmé ne pas avoir eu l’occasion de collaborer ni avec EDSC ni avec Statistique Canada pour repérer des possibilités de recyclage pour lui permettre de combler ses carences pour le poste EC-06, plus précisément la qualification K3 Défis et enjeux stratégiques.

[83]  Le ministère d’attache et le ministère d’accueil ont l’obligation d’offrir un plan de recyclage « raisonnable » et « approprié » pour faciliter la poursuite de la carrière d’un employé touché par un réaménagement des effectifs. Statistique Canada et EDSC ont complètement fait fi de l’éducation et des années d’expérience du fonctionnaire. Ils ont arbitrairement conclu qu’il faudrait entre 5 à 7 ans pour que le fonctionnaire devienne pleinement fonctionnel dans le poste EC-06. Le fonctionnaire n’était pas un nouveau diplômé qui commençait sa carrière à la fonction publique. Il avait 22 ans d’expérience et l’éducation requise. Ils ont tout simplement examiné les critères échoués et ils ont conclu qu’il n’y avait pas de formation précise offerte par l’École de la fonction publique. Aucune preuve n’a été présentée par Mme Bernier ou Mme Vaillancourt quant aux cours et programmes qu’ils ont considérés pour permettre au fonctionnaire de satisfaire à la qualification K3 « Défis et enjeux stratégiques ».

[84]  La gestion avait considéré permettre au fonctionnaire de compléter un doctorat. Toutefois, la gestion trouvait qu’il était inacceptable de permettre au fonctionnaire d’être parti pendant deux ans. De plus, il faudrait environ cinq ans en milieu de travail pour que le fonctionnaire satisfasse aux critères, ce qui excède la durée maximale de deux ans prévue par la Directive. Encore une fois, la gestion a failli de prendre en considération les 22 ans d’expérience du fonctionnaire et le fait qu’il n’était pas un nouveau diplômé. Sans plus d’explication ou preuve à l’appui, il me semble arbitraire que l’employeur conclut qu’il faudrait au moins cinq ans en milieu de travail pour que le fonctionnaire devienne pleinement fonctionnel. Le fait que ce n’était pas opportun pour Statistique Canada d’attendre que le fonctionnaire complète son doctorat n’est pas une raison valable prévue par la Directive, encore moins l’explication de Mme Bernier que ce serait une perte de temps de procéder à un processus de qualification après la période de recyclage.

[85]  Même s’il y avait plusieurs postes de niveau EC, le fonctionnaire a été évalué une seule fois. Le fonctionnaire a été évalué une seule fois quant à une formation possible pour le poste EC-06. L’employeur a arbitrairement conclu que le fonctionnaire devait compléter son doctorat. L’évaluation pour une période de recyclage n’a pas tenu compte du critère échoué. De plus, il y avait un besoin en matière de recherche pour des EC-05 et EC-06. Mme Vaillancourt a reconnu qu’il y avait des postes de niveau EC‑05 vacants à venir. Les trois guides d’évaluation des membres du comité de sélection de l’examen et de l’entrevue du fonctionnaire suggèrent qu’il y avait un processus de sélection pour un poste de chercheur (EC-05). La preuve a démontré que la candidature du fonctionnaire n’a pas été considérée, que ce soit pour un poste EC-05 ou pour le bassin. L’omission de faire des efforts pour recycler le fonctionnaire en prévision d’un besoin de pourvoir des postes EC-05 ou autres au moyen du bassin de candidats, est un manquement de la part d’EDSC et de Statistique Canada.

[86]  EDSC n’a pas présenté de preuve qu’une planification des ressources humaines dans le but de réduire au minimum les répercussions d’un réaménagement des effectifs sur le fonctionnaire avait été effectuée. De plus, l’employeur n’a présenté aucune preuve pour démontrer les efforts déployés pour aider le fonctionnaire à se trouver un poste. La preuve du fonctionnaire est à savoir qu’EDSC n’a offert aucun soutient, aucune formation, aucune recherche sérieuse pour tenter de lui trouver un poste comparable avec une période de recyclage ou encore un poste inférieur avec une période de recyclage. EDSC n’a présenté aucune preuve d’un exercice sérieux pour tenter de trouver un poste comparable ou inférieur avec possibilité de recyclage.

[87]  Pour toutes ces raisons, je conclus qu’EDSC et Statistique Canada ont exercé leurs pouvoirs en vertu de la Partie IV – Recyclage de manière arbitraire et par conséquent, ont violé la convention collective.

[88]  Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V.  Ordonnance

[89]  Le grief est accueilli.

[90]  J’invite les parties à discuter des mesures de réparation appropriées dans cette affaire, en vue d’en arriver à une entente à leur égard.

[91]  La Commission demeure saisie de cette affaire pour une période de 90 jours à compter de la date de la présente décision au cas où les parties ne peuvent s’entendre au titre du paragraphe 90.

Le 17 février 2020.

  Chantal Homier-Nehmé,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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