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Date: 2020-04-29

Dossier: 590-02-39493

 

 

AFFAIRE CONCERNANT

 

UNE CommisSIon DE L’INTÉRÊT PUBLIC

 

EN VERTU DE LA LOI SUR LES relations DE TRAVAIL DANS LE SectEUR Public FÉDÉRAL

 

enTRE

 

L’alliance DE LA FONCTION PublIQUE DU canada

ET

LE CONSEIL DU TRÉSOR

 

POUR LE GroupE services DE L’EXPLOITATION (sv)

 

 

Répertorié

Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor

 

Devant :  Lorne Slotnick, président,

Joe Herbert et Anthony Boettger, représentants

 

Pour l’agent négociateur :  Brenda Shillington, négociatrice, et Darren Pacione, agent de recherche 

Pour l’employeur :    Allison Shatford, négociatrice, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, et Greg Enright, Conseil du Trésor.

 

Affaire entendue à Ottawa,

du 22 au 24 janvier 2020.

(Traduction de la CRTESPF)


RAPPORT DE LA CommisSIon DE L’INTÉRÊT PUBLIC (Traduction de la CRTESPF)

 

 

I.  Introduction

[1]  Il s’agit du rapport d’une commission de l’intérêt public (CIP) établie en vertu de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (LRTSPF) concernant le renouvellement de la convention collective conclue entre l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) et le Conseil du Trésor du Canada, pour le groupe Services de l’exploitation (SV). 

[2]  REMARQUE : L’audience relative à la présente affaire a eu lieu avant la situation d’urgence liée à la pandémie de COVID-19, et le présent rapport repose sur les présentations et les exposés qui ont été faits à ce moment‑là. Nous reconnaissons que la situation a évolué rapidement et qu’elle peut continuer d’évoluer.

[3]  Les parties ont convenu de proroger le délai de 30 jours qui suit la date de l’établissement de la commission aux fins de la présentation de son rapport, conformément à l’article 176 de la LRTSPF. 

[4]  Le groupe SV est une catégorie diversifiée qui compte près de 10 000 employés et se compose de huit sous‑groupes, qui sont énumérés ci‑dessous et sont accompagnés du nombre d’employés dans chacun, que l’employeur a fourni au début des négociations :

Pompiers (groupe FR)  492

Manœuvres et hommes de métier (groupe GL)  4 182

Services divers (groupe GS)  3 033

Chauffage, force motrice et opérations de machines

fixes (groupe HP)  405

Services hospitaliers (groupe HS)    247

Gardiens de phares (groupe LI)  91

Équipages de navires (groupe SC)    1 351

Services d’imprimerie (surveillant) (groupe PR)  4

[5]  Ces employés travaillent pour divers ministères fédéraux, notamment la Défense nationale (pompiers des bases militaires), Pêches et Océans Canada (équipages de navires et gardiens de phares de la garde côtière) et Services publics et Approvisionnement Canada (hommes de métier). Certains de ces groupes, comme le groupe GL, comportent eux‑mêmes tout un éventail de classifications. Comme on pouvait s’y attendre, les conditions de travail des employés d’une unité aussi diversifiée varient beaucoup. Les conventions collectives prévoient des dispositions adaptées à chaque groupe, qui sont présentées en annexes.

II.  Historique des négociations

[6]  La convention collective qui est renouvelée venait à échéance le 4 août 2018.  L’agent négociateur a signifié l’avis de négocier le 12 avril 2018. 

[7]  Les parties se sont rencontrées pendant 10 jours en tout, à l’occasion de 4 séances distinctes, de mai à novembre 2018.  L’AFPC a ensuite demandé la nomination d’une commission de l’intérêt public (CIP), mais la présidente de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral a rejeté la demande, en disant qu’il n’y avait pas eu suffisamment de négociations sérieuses à ce moment‑là. Après neuf jours de rencontres de plus, l’agent négociateur a réitéré sa demande en mai 2019, et la présente commission a été nommée.

[8]  Jusqu’à présent, seules les modifications « d’ordre administratif » ont été convenues en principe. 

[9]  Il y a plus de 20 propositions communes à l’ensemble des quatre groupes de l’AFPC au sein du Conseil du Trésor. La plupart d’entre elles sont celles de l’AFPC.  Les parties en ont discuté à une table de questions communes, à l’occasion de trois séances, de juin à décembre 2018. Afin d’éviter la répétition, les questions communes ont été uniquement débattues devant la CIP du plus gros groupe, à savoir celui des Services des programmes et de l’administration (groupe PA). Ces propositions, qui traitent des relations patronales‑syndicales, de divers congés, des vacances et d’autres questions, ne seront pas abordées dans le présent rapport. 

[10]  De plus, environ 55 propositions propres au groupe SV sont présentées par l’agent négociateur – la plupart de nature pécuniaire – et plusieurs autres par l’employeur. 

[11]  L’une des questions primordiales dont discutent l’AFPC et le Conseil du Trésor est négociée à une table distincte; il s’agit de la question liée au préjudice résultant des problèmes occasionnés par le système de rémunération Phénix. Il est évident qu’il ne sera pas possible pour l’un ou l’autre groupe de l’AFPC et le Conseil du Trésor de parvenir à un règlement tant que le problème de Phénix n’aura pas été réglé dans le cadre de l’ensemble des négociations.

[12]  En ce qui concerne les questions pécuniaires, l’employeur se fonde sur 34 conventions collectives du secteur public fédéral qui ont été conclues (presque toutes pour la période de 2018 à 2021) avec d’autres syndicats que l’AFPC. Ces règlements prévoyaient des augmentations respectives de 2 %, de 2 %, de 1,5 % et de 1,5 % pour ces quatre années, ainsi que des rajustements ciblés s’élevant en tout à près de 1 % durant les deux premières années de la convention. 

[13]  L’agent négociateur reconnaît le modèle économique prévu dans les 34 règlements du secteur public fédéral pour la période de 2018 à 2021, mais précise que ce modèle s’applique à d’autres syndicats que l’AFPC. Il affirme que l’AFPC, de loin le plus grand syndicat fédéral, sert habituellement de modèle au secteur, alors que l’employeur demande maintenant que ce soit [traduction] « le monde à l’envers ». L’agent négociateur soutient aussi que le 1 % accordé aux rajustements est un chiffre totalement arbitraire qui ne devrait pas entraver les rajustements lorsqu’ils sont justifiés.

III.  Critères prévus par la loi

[14]  En examinant les questions en cause, la commission a tenu compte des facteurs énumérés à l’article 175 de la LRTSPF, qui se lit comme suit :

175 Dans la conduite de ses séances et l’établissement de son rapport, la commission de l’intérêt public prend en considération les facteurs qui, à son avis, sont pertinents et notamment :

a) la nécessité d’attirer au sein de la fonction publique des personnes ayant les compétences voulues et de les y maintenir afin de répondre aux besoins des Canadiens;

b) la nécessité d’offrir au sein de la fonction publique une rémunération et d’autres conditions d’emploi comparables à celles des personnes qui occupent des postes analogues dans les secteurs privé et public, notamment les différences d’ordre géographique, industriel et autre qu’elle juge importantes;

c) la nécessité de maintenir des rapports convenables, quant à la rémunération et aux autres conditions d’emploi, entre les divers échelons au sein d’une même profession et entre les diverses professions au sein de la fonction publique;

d) la nécessité d’établir une rémunération et d’autres conditions d’emploi justes et raisonnables, compte tenu des qualifications requises, du travail accompli, de la responsabilité assumée et de la nature des services rendus;

e) l’état de l’économie canadienne et la situation fiscale de l’État fédéral.

IV.  Taux de rémunération et indemnités

[15]  Comme je l’ai mentionné plus haut, l’employeur se fonde sur le modèle négocié pour la période de 2018 à 2022 avec 34 unités de négociation, dont aucune n’est représentée par l’AFPC. Ce modèle établi sur quatre ans prévoit des augmentations qui atteignent 7 % en tout (2 % + 2 % + 1,5 %  + 1,5 %) et des rajustements ciblés qui représentent 1 % de plus au cours des deux premières années (0,8 % + 0,2 %). 

[16]  L’agent négociateur propose une convention de trois ans, venant à expiration en août 2021 et prévoyant des augmentations de 3,25 % par année. Cependant, l’agent négociateur a en outre présenté des rajustements qui devront s’appliquer avant l’augmentation générale prévue, pour divers sous‑groupes au sein du groupe SV, qui comprennent près des deux tiers des employés : 9 % pour le groupe des hommes de métier (GL), 19,5 % pour les pompiers (FR), 21 % pour les équipages de navires et les gardiens de phares (groupes SC et LI), et 39 % pour les employés du groupe Chauffage, force motrice et opérations de machines (HP).

[17]  De plus, l’agent négociateur propose des rajustements de la grille salariale pour cinq des huit sous‑groupes, y compris l’ajout d’échelons au sommet de la grille pour certains groupes et la suppression de certains échelons au bas de la grille pour d’autres. En dernier lieu, l’agent négociateur a proposé des augmentations et une restructuration des indemnités versées à divers groupes d’employés, ainsi que des indemnités nouvelles ou élargies.

[18]  Un bon nombre des rajustements proposés par l’agent négociateur découlent d’une étude conjointe patronale‑syndicale, qui a été menée en 2015 par la société d’experts-conseils en gestion Hay Group. Dans le cadre de l’étude, des données ont été recueillies auprès de 47 employeurs externes puis comparées à celles de 17 emplois du gouvernement fédéral au sein du groupe SV. Il a été conclu qu’il y avait un écart entre la rémunération de plusieurs postes du groupe SV et celle des comparateurs externes. Le règlement conclu par les parties au début de 2017 comprenait des rajustements à l’intention d’un grand nombre de groupes à compter d’août 2016 – y compris un rajustement de 15 % pour le groupe Pompiers (FR) et le sous‑groupe Chauffage, force motrice et opérations de machines (HP) –, ainsi que des rajustements moins importants pour d’autres groupes. L’entente provisoire indique que les rajustements du marché visent à [traduction] « résoudre les problèmes relevés » dans l’étude de la société Hay Group. Par conséquent, l’employeur soutient que les écarts constatés par rapport aux comparateurs externes que l’étude a révélés sont chose du passé.

[19]  Pourtant, l’agent négociateur soutient que les écarts persistent. Il s’est fondé sur les résultats de l’étude Hay, auxquels il a ajouté les moyennes des principaux règlements salariaux de 2014 à 2017 dans les secteurs applicables tels que les services publics et la construction, afin de comparer les taux du gouvernement fédéral au marché externe pour diverses professions. Il affirme que les rajustements qu’il propose permettraient de réduire l’écart qui existe, à son avis, pour la plus grande partie du groupe SV.

[20]  Les propositions présentées pour le groupe Équipages de navires (SC) découlent d’une étude différente. (Les postes SC n’étaient pas compris dans l’étude Hay.) Au cours de la dernière ronde de négociation, le groupe SC a reçu un rajustement de 5 %, et les parties se sont entendues au sujet d’une autre étude de la rémunération pour ce groupe. Un marché a été attribué à Mercer (Canada) Ltd., qui, en mars 2019, a publié un rapport concluant que les quatre classifications de référence qui avaient fait l’objet de l’étude se situaient dans le cadre de la gamme concurrentielle du marché (c’est‑à‑dire, dans une fourchette de 10 % du 50e centile médian des huit organismes externes ayant fait l’objet de l’étude.) Cependant, l’agent négociateur conteste la méthodologie de Mercer, en disant que l’utilisation de données pondérées selon le poste plutôt que selon l’organisme, des moyennes plutôt que des médianes, et du 75e centile plutôt que du 50e, attesterait un écart important entre les salaires versés par le gouvernement fédéral et ceux des comparateurs externes. De plus, l’agent négociateur signale une décision arbitrale rendue en 2017 qui a accordé un rajustement de 12 % aux officiers de navires à compter de 2017.

[21]  Dans sa réponse concernant les questions pécuniaires, l’employeur fait renvoi à une étude menée par Mercer en 2019 (contrairement à l’étude traitant des équipages de navires et à l’étude Hay, il ne s’agissait pas d’une étude conjointe, menée avec la participation de l’AFPC). L’étude, qui portait sur les taux de rémunération de 2017 pour 18 postes de référence au sein du groupe SV, a permis de conclure que tous sauf un étaient concurrentiels par rapport aux taux de rémunération de 2018 sur le marché extérieur (cinq autres ne pouvaient pas être appariés aux bases de données utilisées). Cette étude a été réalisée au moyen d’une recherche secondaire (c’est‑à‑dire, de la documentation provenant de la base de données de Mercer et des bases de données de deux autres sociétés d’experts‑conseils) et, encore une fois, la méthodologie de l’employeur a été critiquée par l’agent négociateur à l’audience.

[22]  L’employeur affirme aussi que la croissance des salaires de la plupart des employés du groupe SV a passablement devancé l’inflation depuis 2000. Il affirme que l’objectif déclaré du gouvernement du Canada est d’offrir une rémunération concurrentielle à celle offerte pour un travail analogue sur les marchés extérieurs pertinents, et non une rémunération de premier plan. De plus, l’employeur affirme que les études salariales comme celles auxquelles il est fait renvoi plus haut ont des limites, et qu’en tout état de cause, elles ne sont que l’un des nombreux outils qui servent à établir des salaires équitables. En outre, comme les pensions et avantages sont supérieurs dans le secteur public fédéral, plusieurs catégories du groupe SV sont à l’avant‑garde du marché en matière de rémunération globale selon une autre étude menée par Mercer, ajoute l’employeur. 

[23]  À notre avis, l’étude menée par Mercer en 2019 qu’invoque l’employeur et l’extrapolation de l’étude menée par Hay en 2015 que présente le syndicat comportent toutes deux de sérieuses limites, et ne peuvent pas se voir accorder le poids que l’une et l’autre parties font valoir. Quoi qu’il en soit, nous convenons que les résultats des études ne sont que l’un des facteurs de l’ensemble qui rend un règlement acceptable pour les deux parties. En ce qui concerne l’étude traitant des équipages de navires, la commission a entendu l’exposé présenté par l’associé de la société Mercer qui a dirigé le projet. Même si, à notre avis, ce dernier a défendu sa méthodologie de façon crédible, il n’a pas voulu révéler quels étaient les organismes qui ont servi de comparateurs et si leurs employés étaient syndiqués. 

[24]  Selon l’employeur, les propositions pécuniaires de l’agent négociateur équivalent à une augmentation de 37,87 % par rapport aux salaires de base des employés du groupe SV en 2018. L’employeur estime que la présente relation de négociation représente une convention parvenue à maturité, qui n’exige pas de modifications importantes. Il affirme qu’il souhaite offrir l’augmentation annuelle sur quatre ans à laquelle ont consenti les agents négociateurs d’autres syndicats que l’AFPC, d’autres modifications convenues dans tous ces règlements, comme le congé pour violence familiale, le congé pour compassion, une définition élargie de la famille aux fins du congé pour décès et d’autres dispositions, ainsi que des modifications du congé parental. 

[25]  Même un rapide coup d’œil aux propositions de l’agent négociateur concernant les salaires et indemnités permet de constater que les parties devront adopter une approche plus ciblée pour parvenir à un règlement. À cette fin, la commission est d’avis qu’il n’est pas possible d’écarter le modèle d’augmentations générales qui a été conclu avec les agents négociateurs d’autres syndicats que l’AFPC. Cependant, un règlement à l’intention du groupe SV pourra exiger un mandat renouvelé, prévoyant plus que l’ajout global de 1 % que l’employeur a offert à l’égard des rajustements ciblés et d’autres augmentations. 

[26]  Dans les propositions de l’agent négociateur concernant les rajustements et indemnités, la commission propose de prêter attention aux domaines présentés ci‑dessous.

Pompiers (groupe FR)

[27]  Malgré le rajustement de 15 % prévu dans le dernier règlement, les salaires de ce groupe (qui n’étaient pas compris dans la dernière étude menée par Mercer) accusent encore un retard considérable par rapport à ceux de la plupart des pompiers municipaux. L’employeur a soutenu à l’audience que, même si les pompiers du gouvernement fédéral reçoivent la même formation que leurs homologues municipaux, ils sont affectés à des bases militaires, dans un environnement contrôlé où il y a peu d’incendies, où la plupart des membres du personnel quittent la base après le travail, où il n’y a pas d’immeubles de grande hauteur ou de maisons de soins de longue durée, et où tous les édifices font régulièrement l’objet d’inspections et sont dotés de gicleurs. Toutefois, même si cela peut atténuer certains risques, il convient également de souligner que les pompiers des bases militaires suivent une formation complémentaire, par exemple, en gestion des incendies à bord des navires (le tiers des pompiers est affecté à deux bases dotées de chantiers maritimes, Halifax et Esquimalt), ainsi que sur des questions relatives aux dépôts de munitions dans quatre bases.

[28]  De plus, nous soulignons que la proposition de l’agent négociateur visant à exprimer la prime d’ancienneté en pourcentage plutôt qu’en taux annuel serait conforme à l’usage des services d’incendie municipaux. 

Manœuvres et hommes de métier (groupe GL)

[29]  Le sous‑groupe Conduite de machines et actionnement (GL-MDO) est la seule classification au sein du groupe SV dont il a été constaté dans l’étude menée par Mercer en 2019 que les salaires se situaient à plus de 10 % sous la barre du 50e centile du marché extérieur. Cet écart doit être comblé.

[30]  Dans la dernière convention collective, une indemnité annuelle de 8 000 $ a été adoptée pour les techniciens en réfrigération et en systèmes de CVC du sous‑groupe GL‑MAM, que reçoivent 65 employés, selon l’employeur. Cette indemnité a été conçue pour gérer les problèmes de recrutement et de maintien en poste. L’agent négociateur a proposé de l’élargir afin de viser aussi les techniciens des services d’immeubles, et d’élever sa valeur à 10 500 $. L’employeur s’est dit disposé à apporter des améliorations à son offre dans le contexte d’un règlement global. Il semblerait que ce domaine puisse donner lieu à des discussions fructueuses. 

[31]  Au sein du groupe GL, également, il semble que le rajustement des salaires du sous‑groupe Installations électriques et entretien (GL-EIM) et du sous‑groupe Entretien de véhicules et de matériel lourd (GL-VHE) puisse mériter réflexion.

Équipages de navires (groupe SC)

[32]  L’étude portant sur les équipages de navires qui a été menée conjointement par Mercer en 2019 soulève des questions. Huit organismes seulement ont été sondés, et certains d’entre eux ne comptaient aucun employé dans les deux classifications étudiées. Mercer n’a pas révélé si les employés de ces organismes étaient syndiqués. On peut constater les limites de cette étude dans l’ébauche du rapport démontrant que les salaires des matelots de la salle des machines au sein du groupe SC se situaient à 16 % sous la barre du 50e centile du marché extérieur. Dans le rapport final, un organisme a été ajouté, et cette classification s’est retrouvée à égalité avec les comparateurs externes. D’autres types d’examen des données (par exemple, l’utilisation du 75e centile plutôt que du 50e) attestent un écart salarial important. De plus, le rajustement de 12 % octroyé aux officiers de navires peut créer un problème de comparabilité à l’interne.

[33]  Pour ces motifs, nous proposons d’envisager un rajustement pour ce groupe.

[34]  Les augmentations de diverses indemnités versées au groupe SC (spécialiste en sauvetage, arraisonnement armé, plongée) et une nouvelle indemnité pour espace clos ont été proposées par l’agent négociateur. L’employeur s’est dit disposé à augmenter les trois indemnités existantes. Les parties devraient parvenir à s’entendre sur le montant des augmentations en poursuivant les discussions. 

Gardiens de phares (groupe LI)

[35]  L’allocation supplémentaire versée aux gardiens de phares mérite une augmentation substantielle.

Prime de formation des détenus

[36]  Cette prime s’applique à environ 1 800 employés au sein des groupes GL, GS et HP qui travaillent pour le Service correctionnel du Canada à titre de professeurs de formation professionnelle auprès des détenus. La prime a un historique complexe qu’il n’est pas nécessaire d’exposer en détail ici, sinon pour signaler qu’à l’heure actuelle, elle varie entre 4 et 20 %, en fonction des responsabilités des employés. L’employeur propose qu’elle soit remplacée par une nouvelle prime de formation des détenus, au taux fixe de 7 %. Près de 60 % des employés qui reçoivent la prime bénéficient de ce pourcentage; une autre tranche de 8 % reçoit une prime plus faible et, à ce titre, tirerait avantage de la proposition de l’employeur. Les employés qui reçoivent actuellement une prime plus élevée conserveraient leurs droits acquis en vertu de la proposition de l’employeur. Nous recommandons l’adoption de cette proposition. 

V.  Autres questions

[37]  Comme je l’ai mentionné plus haut, 23 « questions communes » ont été soulevées aux quatre principales tables de négociation de l’administration publique centrale, y compris celle en l’espèce. Avec l’accord des parties, ces questions ont été uniquement présentées à la CIP reliée à la plus grande unité de négociation, le groupe Services des programmes et de l’administration (PA).

[38]  Outre les questions communes, presque toutes les questions soulevées dans les négociations sont d’ordre pécuniaire. Nous avons souligné certaines d’entre elles ci‑dessus. Les questions de libellé qu’il reste à régler ne sont pas difficiles. Nous sommes convaincus que les parties peuvent s’entendre à cet égard en poursuivant les discussions.

 

Le 29 avril 2020

 

Lorne Slotnick, président

Traduction de la CRTESPF

 

COMMENTAIRES DU REPRÉSENTANT DE L’EMPLOYEUR

[39]  Je tiens à souligner le travail acharné accompli par la commission de l’intérêt public (CIP) pour préparer ce rapport dans le contexte extraordinaire actuel. Je tiens également à faire les commentaires suivants, alors que je me joins aux autres membres de la commission pour publier le rapport afin de permettre au processus de suivre son cours.

[40]  Comme cela est indiqué dans le rapport, le présent rapport de la CIP est publié dans des circonstances radicalement différentes de celles qui avaient cours au moment des audiences en janvier et je tiens à souligner ces circonstances. Depuis janvier, la pandémie de COVID-19 et l’effondrement des prix du pétrole ont poussé une économie mondiale déjà fragile au bord d’une récession. Tous les secteurs de l’économie canadienne seront touchés. Déjà, le Canada a subi d’importantes pertes d’emploi et un nombre record de demandes d’assurance-emploi ont été présentées – trois millions et demi de Canadiens et Canadiennes avaient demandé l’assurance-emploi ou la nouvelle prestation canadienne d’urgence à la fin du premier jour d’admissibilité à la nouvelle prestation.

[41]  Il y a une incertitude et un risque énormes en ce qui concerne les perspectives économiques. Les prévisionnistes mettent maintenant en garde contre des problèmes économiques prolongés dus à l’augmentation des barrières au commerce international, aux perturbations des chaînes d’approvisionnement et à l’ébranlement de la confiance des consommateurs. Un certain nombre de risques internationaux et nationaux pourraient se présenter, s’ils se manifestent, et aggraveront davantage les perturbations économiques engendrées par la COVID-19 et la baisse des prix du pétrole.

[42]  Le soutien que le gouvernement fournit aux Canadiens et Canadiennes pour les aider à faire face à la situation actuelle, combiné au ralentissement économique actuel, augmentera considérablement le déficit fédéral et la dette fédérale. À cet égard, le Bureau parlementaire du budget (BPB) a élaboré un scénario fondé sur des restrictions d’éloignement sanitaire et des mesures d’auto-isolement qui se poursuivraient jusqu’en août 2020, et il a utilisé comme point de référence l’évolution économique au cours de la crise financière mondiale de 2008-2009. Le scénario du BPB présente une baisse du PIB réel de 5,1 % en 2020, un taux de chômage de 12,4 % et un déficit de 184,2 milliards de dollars, soit 8,5 % du PIB, compte tenu des pertes de revenus et des nouvelles mesures de dépenses.

[43]  La perturbation devrait être considérablement plus importante que celle que le Canada a connue pendant la crise financière mondiale de 2008-2009, lorsque le PIB réel a diminué de 3,2 %, que le taux de chômage a atteint 8,3 % et que le déficit s’est établi à 56,4 milliards de dollars. De plus, la dernière fois que le déficit était proche d’un niveau aussi élevé en pourcentage du PIB que l’hypothèse présentée dans le scénario du BPB, c’était en 1984-1985. Dans le scénario du BPB, les taux d’inflation d’un exercice à l’autre diminueraient à 0,9 % en 2020, ce qui serait beaucoup plus faible que l’offre économique de l’employeur pour cette année-là.

[44]  Cette nouvelle réalité devra être prise en considération lorsque les parties retourneront à la table, de manière à tenir compte du travail précieux que fournissent les fonctionnaires à l’appui des Canadiens et Canadiennes, mais à reconnaître également les circonstances désastreuses créées par les récents développements.

Autres commentaires

[45]  Je tiens aussi à souligner que les augmentations de salaire ou les modifications apportées à la rémunération doivent tenir compte de tous les facteurs pertinents, et pas uniquement des comparaisons salariales à l’interne ou à l’externe sur lesquelles les parties ne s’entendent pas en ce moment. Comme il est souligné dans le présent rapport, « les résultats des études ne sont que l’un des facteurs de l’ensemble qui rend un règlement acceptable pour les deux parties ».

[46]  Outre la dégradation de la conjoncture économique, les indicateurs montrent clairement que le gouvernement est en mesure de recruter et de maintenir en poste des employés qualifiés. Les données qui ont été présentées à la CIP indiquaient des tendances normales en matière de maintien en poste, ainsi que de solides répertoires de candidats qualifiés dans presque tous les sous‑groupes. Ces données confirment que la rémunération des employés est raisonnable, que les conditions d’emploi dont ils jouissent actuellement sont attrayantes, et qu’ils reçoivent du gouvernement un traitement équitable. Ces renseignements ne sauraient être ignorés, surtout dans la situation en évolution dans laquelle nous nous trouvons. À vrai dire, un poste de fonctionnaire serait même encore plus attrayant ces temps‑ci, pour les millions de Canadiens et de Canadiennes qui ont perdu leur emploi et vu leurs placements de retraite érodés par le fléchissement des marchés boursiers!

[47]  La relativité interne est un autre point que les parties doivent prendre en considération. Les compressions d’un groupe à l’autre sont certainement un élément qu’il faut éviter.

-- Anthony Boettger

 

ADDENDUM DU REPRÉSENTANT DE L’AGENT NÉGOCIATEUR

[48]  Dans l’ensemble, je n’ai rien à redire quant à l’approche adoptée par le président dans le rapport, quoique j’aurais peut‑être mis l’accent à d’autres endroits. Je souhaite cependant ajouter des commentaires à la recommandation.

[49]  En premier lieu, le rapport relève les faiblesses des études salariales invoquées par le Conseil du Trésor et l’AFPC. Il est évident pour toute personne qui examine les études salariales présentées à la commission que celle fournie par le Conseil du Trésor ne doit, au mieux, se voir accorder aucun poids et que, dans le pire des cas, elle ne vise pas à aborder sérieusement le problème devant la commission. L’analyse des salaires menée par Mercer qu’a invoquée le Conseil du Trésor (CT) semble avoir plutôt pour but de donner un « tour d’horizon » superficiel, qu’il est facile de rejeter et qui ne rend pas justice à l’importance de la question salariale devant la Commission. À vrai dire, si la Commission agissait à titre de conseil d’arbitrage, il serait inconcevable qu’une pareille étude puisse être présentée en espérant qu’elle se voit accorder du poids. Plus particulièrement, l’étude menée par Mercer :

a)  n’a pas dévoilé l’identité des prétendus comparateurs;

b)  n’a pas dévoilé le nombre d’employés en cause pour chacun des prétendus comparateurs;

c)  n’a pas dévoilé si les taux de salaire résultaient d’une négociation collective ou s’ils avaient été fixés sans avoir eu recours à une négociation collective; et,

d)  ne faisait pas mention de taux faciles à consulter qui n’étaient pas déjà inclus dans la base de données.

[50]  Dans le dernier cas, par exemple, les taux applicables aux pompiers qu’il est facile de consulter partout au pays, dans un secteur fortement syndiqué, n’étaient pas signalés du tout dans l’étude menée par le CT et Mercer, et n’appuient pas les taux versés actuellement. De toute évidence, non seulement cela sape l’utilité de l’étude salariale, mais cela remet aussi en question sa crédibilité.

[51]  L’autre domaine qui appelle des commentaires, c’est celui de la prime de formation des détenus. Il s’agit d’un domaine à l’égard duquel la proposition du CT visait à rationaliser, mais qui a été perçu comme une concession par le syndicat.

[52]  En vertu de la présente prime, les responsabilités supplémentaires sont récompensées selon une échelle progressive, en fonction de l’étendue des responsabilités supplémentaires qu’assume un employé. Comme la proposition du CT vise à remplacer la présente échelle progressive par une prime à taux fixe, elle exigera éventuellement de « nuancer » les clauses traitant des employés qui assument des responsabilités supplémentaires très élevées. En raison du fait que le système de rémunération actuel prévoit une prime basée sur les responsabilités supplémentaires réelles, le « plafonnement » des employés en poste actuellement ne résoudra pas nécessairement le problème lié aux responsabilités supérieures permanentes.

[53]  Enfin, à cet égard, l’élément de cette proposition qui interdit le [traduction] « cumul pyramidal » m’a semblé confus. Le cumul pyramidal s’entend au sens du chevauchement de primes versées à la même fin, et rien n’indique qu’une autre prime est versée à cette fin.

  -- Joe Herbert

 

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