Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a été renvoyé alors qu’il était en période de stage – l’employeur s’est opposé à la compétence de la Commission pour entendre le grief au motif que le fonctionnaire s’estimant lésé avait été renvoyé en cours de stage en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, articles 12 et 13; LEFP) – le fonctionnaire s’estimant lésé avait été mis en disponibilité dans une autre partie de l’administration publique centrale et son nom figurait sur une liste de priorité lorsque l’employeur l’a embauché – la lettre d’offre initiale ne mentionnait pas de période de stage – après avoir soulevé une question relative à son salaire, le fonctionnaire s’estimant lésé a reçu une lettre d’offre modifiée, et une mention d’une période de stage y avait été ajoutée – la Commission a conclu que, étant donné qu’il avait été mis en disponibilité au moment où il a été embauché de nouveau, le fonctionnaire s’estimant lésé était assujetti à une période de stage – la Commission a aussi conclu que la période de stage était obligatoire et qu’on ne pouvait pas y renoncer – l’administrateur général a décidé de mettre fin à l’emploi du fonctionnaire s’estimant lésé après avoir été informé qu’il avait utilisé son adresse électronique et son téléphone du travail dans le cadre d’un différend personnel géré de manière hostile et agressive – la Commission a conclu que l’administrateur général s’était acquitté de son fardeau de prouver que le fonctionnaire s’estimant lésé était assujetti à une période de stage, qu’il avait été renvoyé en cours de stage et qu’un préavis ou une rémunération tenant lieu de préavis lui avait été fourni – toutefois, la Commission a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas démontré que son renvoi n’était pas fondé sur une insatisfaction de bonne foi à l’égard de son aptitude à travailler à la GRC, et qu’il s’appuyait plutôt artificiellement sur la LEFP, ou constituait un subterfuge ou un camouflage.

Objection accueillie.
Grief rejeté.

Contenu de la décision


MOTIFS DE DÉCISION (Traduction de la CRTESPF)

I.  Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1]  En septembre 2017, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») a renvoyé le grief à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »). Dans son grief, James Kot, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a allégué que lorsque la Gendarmerie royale du Canada (l’« employeur » ou la « GRC ») a mis fin à son emploi alors qu’il était en période de stage, il y a eu violation de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, article 2; la « Loi »). À titre de réparation, le fonctionnaire a demandé sa réintégration.

[2]  En janvier 2019, l’avocate du fonctionnaire a informé la Commission qu’elle ne le représenterait plus. Le fonctionnaire s’est représenté lui-même à l’audience.

[3]  La lettre de renvoi en cours de stage, en date du 28 avril 2017, fournissait des motifs et précisait que le fonctionnaire avait reçu une indemnité tenant lieu de préavis. Elle se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

RENVOI EN COURS DE STAGE

Monsieur Kot,

Tel qu’il est indiqué dans votre lettre d’offre, votre nomination à la fonction publique le 9 mai 2016 était assujettie à une période de stage de 12 mois conformément au Règlement du Conseil du Trésor en vigueur.

Au cours de votre emploi à la GRC, vous avez reçu une réprimande écrite le 10 août 2016 pour avoir refusé de suivre les instructions et fait des commentaires irrespectueux à votre superviseur. À la suite de cet événement, le 9 mars 2017, l’employeur a été informé d’une plainte d’un membre du public concernant votre conduite dans une affaire privée concernant votre communication persistante et inappropriée avec l’entreprise. Vous avez contacté l’entreprise à plusieurs reprises à partir de votre courriel et de votre téléphone de la GRC, exhortant l’entreprise à cesser ses prétendues « activités illégales ». Le propriétaire de l’entreprise vous a demandé de cesser de menacer davantage l’entreprise et ses développements futurs, mais vous avez continué à communiquer avec l’entreprise. Votre comportement était inapproprié et ne reflète pas les valeurs fondamentales de la GRC.

En tant qu’employé de la fonction publique de la GRC, vous êtes tenu de vous comporter d’une manière conforme aux valeurs et aux comportements attendus énoncés dans le Code de valeurs et d’éthique du secteur public et le Code de déontologie pour les employés de la fonction publique de la GRC. Votre incapacité à répondre à ces exigences a conduit à la détermination que vous n’êtes pas apte à occuper votre poste.

Par conséquent, conformément au pouvoir qui m’a été délégué par le commissaire et en vertu de l’article 62 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, vous êtes par la présente licencié pendant la période de stage de votre poste de préposé au laboratoire, en raison du fait que vous ne convenez pas au poste.

Vous êtes libéré de toutes vos fonctions à compter d’aujourd’hui et ne devez pas vous présenter au bureau à compter de cette date. Conformément au paragraphe 62(2) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, vous bénéficierez toutefois d’un préavis d’un mois et serez payé jusqu’au 26 mai 2017 inclusivement.

Vous avez le droit de déposer un grief. Si vous souhaitez le faire, communiquez avec la section locale 70005 du SESG à l’adresse courriel local_70005@rcmp-grc.gc.ca.

Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.

Le surint. pr. Wade Oldford

Sous-commissaire intérimaire, Services des sciences judiciaires et de l’identité

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

[…]

[4]  L’audience a duré six jours. Tel qu’il est indiqué, le fonctionnaire s’est représenté lui‑même. Comme il sera détaillé plus loin dans cette décision, l’employeur a déposé en preuve 4 pièces, avec annexes, et le fonctionnaire en a déposé 50.

II.  Divulgation de documents

[5]  Étant donné que, tout au long de l’audience, le fonctionnaire a soutenu qu’il n’avait pas reçu tous les documents pertinents, je crois qu’il est important au début de cette décision de revoir la chronologie des événements de divulgation de documents dans cette affaire.

[6]  L’audience était initialement prévue du 16 au 20 avril 2018. Lors de la préparation, le représentant de l’agent négociateur à l’époque a présenté une demande de documents, que l’employeur a envoyés. En mars 2018, le fonctionnaire a présenté une demande d’accès à l’information (AIPRP) en vertu de la Loi sur l’accès à l’information (L.R.C., 1985, ch. A-1), et il a ainsi reçu des documents supplémentaires. L’audience a été reportée à la suite du décès du père du fonctionnaire. Elle a été reportée à la période du 22 au 26 octobre 2018.

[7]  Le 25 septembre 2018, l’avocat du fonctionnaire à ce moment-là a communiqué avec l’avocat de l’employeur au sujet des documents que le fonctionnaire avait reçus en mars 2018. L’avocat du fonctionnaire a demandé que 12 pages de ces documents, qui avaient été expurgées, soient fournies [traduction] « propres ». L’avocat de l’employeur a fourni les versions propres à l’avocat du fonctionnaire en octobre 2018.

[8]  Le 16 octobre 2018, à ma demande, une conférence préparatoire à l’audience a eu lieu, au cours de laquelle l’avocat du fonctionnaire a demandé un report de la prochaine audience en raison de problèmes médicaux. La demande a été accordée, mais aucune mention de documents n’a été faite et aucune demande supplémentaire ne leur a été adressée.

[9]  De nouvelles dates d’audience ont été prévues du 17 au 21 juin 2019. Le 28 février 2019, le fonctionnaire a présenté une deuxième demande d’AIPRP pour obtenir certains documents. Le 25 mars 2019, il a envoyé un courriel à l’avocat de l’employeur, lui demandant une version non caviardée des documents. L’avocat a répondu que les documents qu’il avait reçus n’étaient pas [traduction] « caviardés », mais que le format était [traduction] « bizarre ».

[10]  Le 8 avril 2019, conformément à la politique d’échange de documents de la Commission, l’employeur a envoyé une liste de tous les documents qui pourraient être pertinents à l’audience de juin 2019. Le 15 avril 2019, le fonctionnaire a demandé à l’avocat de l’employeur d’autres documents qui ne figuraient pas sur la liste. Le 29 avril 2019, le fonctionnaire a confirmé qu’il avait reçu les documents demandés de l’avocat de l’employeur.

[11]  Le 30 mai 2019, le fonctionnaire a demandé un nouvel ensemble de documents, notamment sur la santé mentale d’un des témoins proposés par l’employeur, et a demandé si une étude sur le milieu de travail était disponible. L’avocat l’a informé qu’il estimait que la demande n’était pas pertinente.

[12]  Le 11 juin 2019, lors d’une autre conférence préparatoire à l’audience à laquelle le fonctionnaire et l’employeur ont participé, j’ai rendu l’ordonnance suivante :

[Traduction]

La Commission ordonne que le défendeur fournisse au fonctionnaire, au plus tard à midi, HNE, le 13 juin 2019, tous les documents (y compris les notes, les courriels) du dossier personnel du fonctionnaire ainsi que tous les documents (y compris les notes, les courriels) couvrant la période d’avril 2016 à janvier 2017 faisant référence à une période de stage pour le fonctionnaire.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

[13]  L’avocat de l’employeur ne s’est pas opposé à l’ordonnance; il a indiqué que ces documents avaient déjà été produits.

[14]  L’audience a débuté le 17 juin 2019. Le matin du 20 juin, le fonctionnaire a indiqué que la veille au soir, il avait reçu 268 pages en réponse à sa demande d’AIPRP du 28 février 2019. L’avocat de l’employeur a soutenu que les documents étaient essentiellement les mêmes que ceux qui avaient déjà été fournis au fonctionnaire ou à son ancien avocat. J’ai accordé au fonctionnaire un ajournement pour lui laisser suffisamment de temps pour examiner ces documents et vérifier qu’il n’en avait pas déjà reçu.

[15]  À la reprise de l’audience le 2 juillet 2019, le fonctionnaire a indiqué que les 268 pages contenaient 11 courriels qu’il n’avait jamais vus auparavant. Il voulait en déposer 9 en preuve, ce que j’ai autorisé (pièces BA-41 à 50). Je lui ai également permis de formuler des observations à leur sujet.

[16]  Dans ses observations, le fonctionnaire a insisté sur le fait que l’employeur n’a pas cité les auteurs des courriels, en particulier Diane Brady, conseillère en dotation aux ressources humaines (RH), et Sophie Melanson, adjointe aux ressources humaines, comme témoins afin qu’elles puissent expliquer comment elles avaient géré la remise d’une lettre d’offre modifiée le 20 décembre 2016, qui lui avait été envoyée par courrier électronique le 4 janvier 2017.

[17]  Le fonctionnaire a souligné que, dans son courriel en date du 19 juin 2017, Mme Brady avait admis que ni elle ni Mme Melanson n’avaient expliqué le contenu de la lettre d’offre modifiée. Il a insisté sur le fait que personne ne lui avait parlé, et encore moins expliqué, de l’inclusion des paragraphes dans la lettre modifiée traitant d’une période de stage et d’une affirmation solennelle.

[18]  L’avocat de l’employeur a admis, et il n’est pas contesté que personne de la GRC n’a signalé ou expliqué au fonctionnaire l’ajout du paragraphe sur la période de stage dans la lettre d’offre modifiée du 20 décembre 2016.

[19]  À la fin de l’audience, j’ai passé en revue cette chronologie avec les deux parties. Aucune objection n’a été soulevée quant à son exactitude. Par conséquent, je suis convaincu qu’en temps opportun, le fonctionnaire a reçu les documents qu’il avait demandés ou ceux qui auraient pu être pertinents pour l’audience.

III.  Contexte et objection de l’employeur à l’égard de la compétence

[20]  Les faits qui ont mené à ce grief peuvent se résumer comme suit.

[21]  Le fonctionnaire était un employé du ministère des Transports. En 2013, il a été informé que son poste n’était plus requis. Il a été mis en disponibilité en mai 2015, après deux ans de congé d’études, conformément à sa convention collective. Il a ensuite été inscrit sur une liste de priorité des personnes mises en disponibilité conformément au paragraphe 41(4) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, articles 12 et 13; LEFP). La GRC l’a embauché comme employé civil en lui présentant une lettre d’offre en date du 28 avril 2016. Sa date de début était le 9 mai 2016.

[22]  La lettre d’offre originale ne faisait pas référence à une période de stage ni à un serment parce que, selon la GRC à ce moment-là, le fonctionnaire était considéré comme ayant été embauché à l’interne de la fonction publique et son salaire était calculé en conséquence. Cependant, après que le fonctionnaire a posé des questions sur son salaire, l’employeur a réalisé à l’automne 2016 que le fonctionnaire aurait dû être considéré comme ayant été embauché par nomination externe, puisqu’il avait été mis en disponibilité par son employeur précédent et qu’il bénéficiait d’une priorité de mise en disponibilité lorsque la GRC l’a embauché (pièces E-7, BA-47 et BA-48).

[23]  Dans ces circonstances, puisque le fonctionnaire était désormais considéré comme ayant été embauché par nomination externe, l’employeur a reconnu qu’il avait droit à un salaire supérieur au salaire minimum. Le 4 janvier 2017, il lui a envoyé par courrier électronique la lettre d’offre modifiée, qui comprenait non seulement un salaire supérieur au minimum, mais également des dispositions sur le fait qu’il était en période de stage et qu’il devait prêter serment.

[24]  Dès le départ, les choses ont commencé à devenir difficiles entre le fonctionnaire et sa superviseure de l’époque. En février 2017, une série d’événements a mené à son renvoi en cours de stage le 28 avril 2017. Il n’est pas contesté qu’il a reçu une indemnité tenant lieu de préavis en vertu du paragraphe 62(2) de la LEFP.

[25]  Le fonctionnaire a déposé un grief contestant son renvoi en cours de stage.

[26]  Le 27 octobre 2017, l’employeur s’est opposé à la compétence de la Commission pour entendre le grief au motif que le fonctionnaire avait été renvoyé en cours de stage en vertu du paragraphe 62(1) de la LEFP et que l’article 211 de la Loi empêche la Commission d’avoir compétence à l’égard d’un licenciement effectué en vertu de la LEFP.

IV.  Résumé de la preuve

[27]  La requête d’exclusion de témoins présentée par le fonctionnaire a été accueillie.

A.  Pour l’employeur

[28]  Dans sa déclaration préliminaire, l’avocat de l’employeur a soutenu que je n’avais pas compétence pour entendre le grief étant donné qu’il s’agit d’un renvoi en cours de stage en vertu de l’article 62 de la LEFP et non un licenciement en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. 1985, ch. F-11; LGFP). L’avocat de l’employeur a insisté sur le fait que le fonctionnaire n’était pas apte à travailler pour la GRC et que bien que la preuve démontrerait un comportement fautif de sa part, il n’en de meure pas moins que la mesure imposée n’est pas une mesure disciplinaire déguisée.

[29]  L’employeur a examiné les antécédents professionnels du fonctionnaire et a déclaré que le ministère des Transports l’avait mis en disponibilité. En conséquence, il s’est retrouvé sur une liste prioritaire de personnes mises en disponibilité, et l’employeur l’a embauché en tant que tel en avril 2016, avec une date de début fixée au 9 mai 2016. Selon l’avocat de l’employeur, le fait que le fonctionnaire ait été inscrit sur une liste prioritaire après sa mise en disponibilité signifiait qu’il avait été embauché par nomination externe. Par conséquent, les règles à appliquer étaient différentes de celles qui auraient été appliquées s’il avait été embauché par nomination interne de l’intérieur de la fonction publique.

[30]  L’avocat de l’employeur a déclaré que le fonctionnaire avait reçu une lettre d’offre de la GRC le 28 avril 2016, qui visait une nomination interne. En conséquence, elle ne faisait référence ni à une période de stage ni à un serment. De plus, puisque le fonctionnaire était considéré comme ayant été embauché à l’interne, comme faisant partie de la fonction publique, son salaire a été calculé en conséquence. Plus tard, en novembre 2016, lorsque le fonctionnaire a soulevé la question de l’augmentation de son salaire, l’employeur s’est rendu compte qu’une lettre d’offre modifiée devrait être émise, laquelle tiendrait compte du salaire approprié et comprendrait également des références au fait que le fonctionnaire était en période de stage pendant un an à compter de sa date d’entrée en fonction à la GRC.

[31]  L’avocat de l’employeur a soutenu qu’une période de stage est obligatoire et qu’elle ne peut pas être levée. Il importe donc peu qu’elle soit mentionnée dans la lettre d’offre initiale.

[32]  L’avocat de l’employeur a indiqué que la preuve établirait que le fonctionnaire a été embauché comme préposé au laboratoire, classifié au groupe et au niveau EG-01, à partir d’une liste de priorité de mise en disponibilité. Dès le début, il n’a pas bien suivi les instructions de sa superviseure de l’époque, Maureen Proulx, gestionnaire du Groupe de la gestion des pièces à conviction des Services nationaux de laboratoire judiciaire à Ottawa. Cela a entraîné un incident le 22 juillet 2016, au cours duquel il lui a envoyé un courriel irrespectueux, pour lequel il a reçu une lettre de réprimande le 10 août 2016, de la part du superviseur de Mme Proulx, François Proulx, directeur général des Services nationaux de laboratoire judiciaire à Ottawa (« M. F. Proulx »). L’avocat de l’employeur a déclaré qu’après cet incident, Mme Proulx a pris un congé de maladie de deux semaines et que, à son retour, elle ne voulait plus superviser le fonctionnaire.

[33]  L’avocat de l’employeur a indiqué que l’incident avec Mme Proulx n’était pas pertinent pour la décision de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage. Selon l’employeur, les événements de février 2017 sont à l’origine du renvoi.

[34]  L’avocat de l’employeur a déclaré que la preuve démontrerait qu’en mars 2017, la GRC avait reçu une plainte d’un membre du public au sujet de la conduite du fonctionnaire. La plainte indiquait qu’il avait été hostile et agressif dans son différend personnel avec cette personne et son épouse et que plusieurs fois, il avait communiqué en utilisant le téléphone de l’employeur et son adresse électronique professionnel, ce qui a amené les destinataires à croire qu’il agissait en tant que membre de la GRC.

[35]  L’avocat de l’employeur a déclaré que les éléments de preuve établiraient que, par ses actions répétées, le fonctionnaire a nui à la réputation de son employeur, ce qui était incompatible avec le mandat de la GRC. Dans ces circonstances, l’employeur n’avait d’autre choix que de le renvoyer en cours de stage, pour une raison légitime. Comme cela a été fait en vertu du paragraphe 62 de la LEFP, l’avocat de l’employeur a soutenu que je n’avais pas compétence pour traiter le grief.

[36]  Quatre témoins ont témoigné pour l’employeur. Wade Oldford, commissaire adjoint par intérim responsable des Services des sciences judiciaires et de l’identité, a été le premier à témoigner. L’ensemble de son témoignage  a duré 3 heures, dont 1 heure et 15 minutes en contre-interrogatoire.

[37]  Au moment des événements en question, M. Oldford était également directeur général des Services nationaux de laboratoire judiciaire. Il a expliqué que dans ce poste, il supervisait les trois laboratoires publics de la GRC, à Ottawa, Edmonton et Vancouver. Il a expliqué que lorsque le fonctionnaire a rejoint la GRC, il relevait de la gestionnaire des opérations de secteur du Groupe de la gestion des pièces à conviction, Mme Proulx, laquelle relevait du directeur général du laboratoire d’Ottawa, M. F. Proulx, lequel relevait de Michael Rannie; M. Oldford était le superviseur direct de M. Rannie. M. Oldford a expliqué que ceux qui travaillent dans le Groupe de la gestion des pièces à conviction des laboratoires sont les gardiens des pièces à conviction qui parviennent à la GRC. Après le triage, les pièces à conviction sont acheminées vers des sections précises de la GRC, comme la génoscopie ou les armes à feu.

[38]  M. Oldford a rencontré le fonctionnaire pour la première fois à l’audience. Il ne l’avait jamais vu auparavant. Il a indiqué qu’il avait entendu parler du fonctionnaire pour la première fois au printemps 2016, lorsque lui et son personnel avaient discuté de l’embauche d’un employé pour le laboratoire d’Ottawa.

[39]  M. Oldford a expliqué que la Direction des RH de la GRC avait préparé la lettre d’offre initiale du fonctionnaire et qu’il l’avait seulement signée. La lettre précisait que le fonctionnaire avait été mis en disponibilité et qu’il était prioritaire au moment de son embauche, mais ne mentionnait pas de période de stage (pièce E-1, onglet 3).

[40]  M. Oldford a indiqué que peu de temps après, M. Rannie et M. F. Proulx l’ont informé qu’il y avait des problèmes avec les employés du Groupe de la gestion des pièces à conviction du laboratoire d’Ottawa et que le fonctionnaire avait du mal à suivre les protocoles établis.

[41]  Quant à la lettre de réprimande, M. Oldford a témoigné qu’il avait été informé à ce moment-là, lors d’une séance d’information, probablement de M. Rannie et M. F. Proulx, que le fonctionnaire refusait de suivre les instructions et qu’il avait utilisé un langage inapproprié dans son courriel du 22 juillet 2016 adressé à Mme Proulx (pièces BA-18 et E-1, onglet 5).

[42]  M. Oldford a indiqué qu’étant donné que le fonctionnaire avait des problèmes au sein du Groupe de la gestion des pièces à conviction, la direction a cherché une affectation pour lui dans un autre secteur de la GRC où il pourrait mieux convenir. Il a ensuite été décidé de l’affecter au Groupe de la gestion du parc automobile, qui faisait toujours partie de la GRC, mais qui se trouvait dans un autre bâtiment, du 12 septembre 2016 au 11 janvier 2017. L’affectation a été prolongée jusqu’au 12 mai 2017, mais le fonctionnaire a été renvoyé en cours de stage le 28 avril 2017 (pièce E-1, onglet 6).

[43]  M. Oldford a affirmé que lorsque l’offre d’emploi a été faite au fonctionnaire le 28 avril 2016, il a été informé que le fonctionnaire était inscrit sur une liste prioritaire à la suite d’une mise en disponibilité (pièce E-1, onglet 3), et d’un problème avec le salaire du fonctionnaire à la fin de 2016, lorsque le fonctionnaire a soulevé le fait qu’à son embauche, on lui avait promis que son salaire serait le même qu’avant sa mise en disponibilité du ministère des Transports (pièce BA-3).

[44]  M. Oldford a expliqué que lorsque la question du salaire du fonctionnaire a été examinée, on s’est rendu compte que, en réalité, il avait été recruté à l’externe, puisqu’il avait été mis en disponibilité et qu’il n’était donc plus un fonctionnaire lorsque la GRC l’a embauché en avril 2016. Par conséquent, son salaire initial aurait dû être à un taux plus élevé sur l’échelle de rémunération applicable plutôt qu’au taux minimum. M. Oldford a expliqué que lorsqu’une personne est embauchée à l’extérieur de la fonction publique, l’employeur a un plus grand pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne le salaire, qui peut commencer plus haut sur une échelle salariale.

[45]  Le 13 décembre 2016, après avoir été informé que le fonctionnaire avait été recruté à l’externe, M. F. Proulx a demandé que le traitement du fonctionnaire soit ajusté en conséquence et qu’il touche le taux maximal de l’échelle de rémunération (pièces E-1, onglet 8 et BA-43).

[46]  M. Oldford a témoigné qu’au cours de la discussion sur l’ajustement du salaire du fonctionnaire au maximum de l’échelle de rémunération, il a été décidé que la lettre d’offre originale devrait être modifiée pour tenir compte du fait que le fonctionnaire avait été embauché par nomination externe et que son salaire était plus élevé. M. Oldford a indiqué qu’il avait signé la lettre d’offre modifiée le 20 décembre 2016. En plus du nouveau salaire, qui était plus élevé que celui indiqué dans la lettre d’offre originale, il y avait deux nouveaux paragraphes, l’un indiquant que le fonctionnaire était en période de stage pendant 12 mois et l’autre portant sur le serment. La lettre révisée a été envoyée par courriel au fonctionnaire le 4 janvier 2017. Le fonctionnaire l’a signée sans poser de questions le 6 janvier 2017 (pièce E-1, onglet 9).

[47]  M. Oldford a affirmé qu’après le détachement du fonctionnaire au sein du Groupe de la gestion du parc automobile, tout s’est bien déroulé pendant un certain temps, mais qu’elles sont devenues difficiles en 2017. M. Oldford a indiqué qu’il avait alors été informé qu’une plainte avait été déposée contre le fonctionnaire par un membre du public. La plainte faisait suite à un différend, en dehors des heures de travail, entre le fonctionnaire et une société de gestion du stationnement et le propriétaire qui l’avait embauchée, après le remorquage de la voiture du fonctionnaire pendant qu’il jouait au hockey.

[48]  M. Oldford a indiqué que la plainte portait sur la nature et le langage agressif utilisé par le fonctionnaire envers la société de gestion du stationnement et le gestionnaire immobilier impliqués et le fait qu’il avait utilisé son adresse courriel et le téléphone de la GRC dans le cadre du différend, ce qui les a amenés à croire qu’il était un agent de la GRC.

[49]  M. Oldford a indiqué qu’il avait remarqué que le fonctionnaire se comportait de la même façon avec les membres du public et avec ses collègues du Groupe de la gestion des pièces à conviction. De plus, étant donné que le fonctionnaire avait utilisé le système de courrier électronique et le téléphone de la GRC, M. Oldford comprenait que les plaignants se soient interrogés à savoir si le fonctionnaire agissait seul dans le cadre du différend ou au nom de la GRC. Par conséquent, M. Oldford était d’avis que cela mettait l’employeur dans une situation difficile et que le fonctionnaire n’aurait pas dû utiliser les biens de la GRC dans le cadre de ce différend.

[50]  M. Oldford a indiqué dans son témoignage qu’il était alors d’avis que, par ses gestes, le fonctionnaire avait enfreint le Code de déontologie pour les employés de la fonction publique de la GRC, en particulier la clause 4.1.1, intitulée « Respect et courtoisie » (pièce E-1, onglet 9, page 59). M. Oldford a soutenu que les personnes impliquées dans le différend avec le fonctionnaire croyaient que parce qu’il utilisait le téléphone et le compte de courriel de la GRC, il représentait la GRC. Son ton agressif a nui aux relations de la GRC avec le public.

[51]  En contre-interrogatoire, M. Oldford a admis qu’il n’avait jamais rencontré ni discuté de ces questions directement avec le fonctionnaire et qu’il avait fondé sa décision sur les renseignements et les exposés reçus par son subordonné direct. M. Oldford a convenu qu’avant avril 2016, le Groupe de la gestion des pièces à conviction avait rencontré des problèmes de relations de travail et certains problèmes de maintien de l’effectif en raison du niveau de classification. Selon lui, les laboratoires de Vancouver et d’Edmonton avaient également des problèmes de maintien de l’effectif, pour les mêmes raisons.

[52]  Lorsqu’on lui a demandé d’expliquer pourquoi le fonctionnaire avait refusé de suivre les instructions, M. Oldford a expliqué que, par exemple, le fonctionnaire n’avait pas respecté les politiques concernant la signature au laboratoire ou l’utilisation du téléphone cellulaire.

[53]  M. Oldford a reconnu que deux autres ébauches de lettres d’offre avaient été rédigées avant celle modifiée du 20 décembre 2016, que les RH avaient préparé les ébauches et qu’il n’avait pas participé à leur préparation ou à la rédaction de la lettre d’offre modifiée. Il a fait valoir que la lettre modifiée n’était en aucun cas un moyen de licencier le fonctionnaire. Il a soutenu que la lettre avait été préparée pour corriger le taux de rémunération du fonctionnaire et que, ce faisant, il a été décidé d’inclure les paragraphes habituels sur la période de stage et le serment. Il ne pouvait pas non plus indiquer si la préparation d’ébauches avant la préparation de la version finale d’une lettre d’offre était une pratique  habituelle (pièces BA-1 et BA-2).

[54]  Lorsqu’on a demandé à M. Oldford comment le fonctionnaire aurait dû savoir qu’il était en période de stage alors que l’employeur n’en avait même pas eu connaissance avant l’émission de la lettre d’offre modifiée (pièce BA-3), il a soutenu que ce n’est que lorsque le problème de rémunération est apparu à la fin de 2016 que les RH ont réalisé que le fonctionnaire n’était pas un employé de la fonction publique après sa mise en disponibilité. Par conséquent, il était nécessaire d’appliquer les règles concernant les employés recrutés par nomination externe, ce qui signifiait l’imposition d’une période de stage.

[55]  M. Oldford a indiqué qu’il ne savait pas comment la lettre d’offre modifiée avait été remise au fonctionnaire ou si le fonctionnaire avait été informé verbalement de l’inclusion du paragraphe sur la période de stage.

[56]  Le caporal Gabriel Letourneau était le deuxième témoin de l’employeur. Il travaillait comme agent de la GRC depuis 10 ans sur la Colline du Parlement. Il a témoigné le 17 juin 2019, pendant 1 heure et 45 minutes, dont 30 minutes en contre‑interrogatoire.

[57]  Le caporal Letourneau a témoigné en disant que, le 9 mars 2017, il remplissait le réservoir de sa voiture de police au coin des rues Bank et Gladstone, à Ottawa. Il a été abordé par Marc Proulx (« M. M. Proulx »), propriétaire d’une société de gestion de stationnement nommée Park Safe Inc. Ce dernier a indiqué qu’il avait des ennuis avec une personne dont la voiture avait été remorquée quelques jours plus tôt et qui était mécontente d’avoir à payer les frais de remorquage.

[58]  M. M. Proulx a indiqué que la personne lui envoyait continuellement, ainsi qu’à sa femme, des courriels intimidants qui semblaient provenir du gouvernement. M. M. Proulx a expliqué que la personne n’était pas contente que sa voiture ait été remorquée et qu’elle voulait se faire rembourser les frais de remorquage et de mise en fourrière. M. M. Proulx a montré au caporal Letourneau l’un des courriels, qui indiquait que l’expéditeur était le fonctionnaire et que son adresse courriel était James.Kot@rcmp-grc.ca.

[59]  M. M. Proulx a appelé son épouse, Marcie Tilley. Elle a expliqué au caporal que, depuis le remorquage de la voiture du fonctionnaire le 22 février 2017, elle et M. M. Proulx recevaient continuellement des appels et des courriels agressifs et belligérants du fonctionnaire. Mme Tilley a expliqué qu’elle était perturbée et irritée par les courriels et les appels puisqu’elle croyait qu’ils provenaient d’un agent de la GRC. Elle a indiqué qu’elle et M. M. Proulx avaient l’impression que le fonctionnaire était soit un agent de la GRC, soit quelqu’un en position d’autorité à la GRC.

[60]  Le caporal Letourneau a ensuite appelé son superviseur, l’inspectrice Marie-Claude Côté, qui l’a informé que, bien que le fonctionnaire soit un fonctionnaire de la GRC, il n’était pas un policier ou une personne en position d’autorité à la GRC. L’inspectrice Côté a indiqué qu’elle soulèverait la question auprès du superviseur du fonctionnaire. Néanmoins, M. M. Proulx et Mme Tilley ont décidé de déposer une plainte publique contre le fonctionnaire (pièce E-1, onglet 10).

[61]  Le caporal Letourneau a également demandé à M. M. Proulx, Mme Tilley et à l’opérateur de remorquage de Park Safe Inc., qui a remorqué la voiture du fonctionnaire, de rédiger une déclaration de ce qui s’est passé ce soir-là. Le caporal Letourneau a également reçu une copie d’un dossier concernant une plainte déposée par le fonctionnaire auprès du Conseil canadien des bureaux d’éthique commerciale contre Park Safe Inc. le 8 mars 2017, alléguant que son remorquage le 22 février 2017 était illégal. Il avait utilisé son adresse courriel de la GRC (pièce E-1, onglet 11).

[62]  Le caporal Letourneau a indiqué qu’il avait également communiqué avec Ralph Montone, le gestionnaire immobilier de Main and Main, qui était propriétaire du terrain de stationnement à partir duquel la voiture du fonctionnaire avait été remorquée. Bien qu’il n’ait pas parlé à M. Montone, il a reçu de lui ainsi que de M. M. Proulx et Mme Tilley des copies des courriels qu’ils avaient reçus du fonctionnaire après le remorquage de sa voiture. Plusieurs de ces courriels ont été envoyés à partir de l’adresse courriel de la GRC du fonctionnaire.

[63]  Le caporal Letourneau était d’avis que quiconque recevait les courriels du fonctionnaire supposait probablement qu’il était un agent de la GRC.

[64]  Étant donné que le fonctionnaire n’était pas membre de la GRC, le caporal Letourneau a renvoyé l’affaire au Service de police d’Ottawa pour enquête. Un détective de ce service a ensuite repris l’enquête policière (pièce E-1, onglet 11).

[65]  Mme Proulx a aussi témoigné pour l’employeur. Elle a témoigné le 18 juin 2019, pendant 2 heures et 50 minutes, dont 2 heures et 20 minutes en contre-interrogatoire.

[66]  Mme Proulx est maintenant gestionnaire par intérim de la Section des armes à feu de la GRC et du programme d’identification des armes à feu. Elle compte 28 années de service à la GRC. En 2016, elle était chef d’équipe du Groupe de la gestion des pièces à conviction des Services nationaux de laboratoire judiciaire de la GRC, à Ottawa. À ce titre, elle supervisait une équipe chargée de recevoir puis de cataloguer les pièces à conviction dans la base de données de la GRC. Le fonctionnaire relevait d’elle. À son tour, elle relevait de M. F. Proulx, un parent éloigné de son mari avec lequel elle n’a jamais socialisé. En plus du fonctionnaire, cinq autres employés relevaient d’elle.

[67]  Mme Proulx a expliqué qu’en 2016, il y avait un poste vacant dans son groupe. Les RH avaient identifié le fonctionnaire comme candidat prioritaire sur la liste de priorité de personnes mises en disponibilité de la fonction publique. Comme le fonctionnaire figurait sur cette liste, aucune évaluation technique n’a été effectuée. Il a été jugé apte à l’emploi dans le laboratoire des pièces à conviction. En conséquence, le 28 avril 2016, on lui a offert le poste avec une date de début prévue le 9 mai. Étant donné qu’il était un nouvel employé, le fonctionnaire devait suivre un programme de formation afin de satisfaire aux attentes. Le centre de décision de la GRC avait élaboré le programme de formation. Une formatrice principale, Maggie Schmidt, était chargée d’aider le fonctionnaire à atteindre les objectifs et les délais.

[68]  Mme Proulx a témoigné qu’au départ, rien n’indiquait des difficultés de formation. Cependant, après un certain temps, elle a commencé à remarquer des retards.

[69]  Jusqu’en juillet 2016, les interactions avec le fonctionnaire étaient cordiales et professionnelles. Cependant, lui et une collègue, Mashal Dawkins, également en formation, ont continué à effectuer des tâches ensemble bien qu’on leur ait dit que, pour éviter les retards, le travail devrait être effectué par la personne assignée à cette tâche et non par deux personnes. Mme Proulx a ensuite envoyé au fonctionnaire un rappel à cet égard le 22 juillet 2016. Une heure plus tard, il a répondu en donnant sa version de l’événement. Il a mentionné que deux employés avaient fait des fausses couches au cours de la dernière année et qu’il était donc [traduction] « […] souhaitable de repenser à ce qui retarde le processus de formation » (pièce BA-18).

[70]  Mme Proulx a témoigné avoir été déconcertée par la réponse du fonctionnaire, particulièrement en ce qui concerne la référence aux fausses couches. Elle a indiqué qu’elle considérait le courriel comme un manque de respect à son égard et comme une insubordination. Elle a indiqué qu’elle s’était sentie attaquée. Elle en a informé par courriel son supérieur hiérarchique, M. F. Proulx, et a pris deux semaines de congé de maladie, du 25 juillet au 8 août 2016, en raison de l’insensibilité du courrier électronique (pièce BA-22). M. F. Proulx a géré la situation pendant son absence. À son retour de congé annuel, le 30 août 2016, le fonctionnaire avait été affecté ailleurs, soit au Groupe de la gestion du parc automobile de la GRC. Tel qu’il a été mentionné, il a reçu la lettre de réprimande en raison de son courriel.

[71]  En contre-interrogatoire, Mme Proulx a confirmé que le fonctionnaire avait été sociable et chaleureux lors d’un déjeuner avec le personnel qu’il avait suggéré de faire (pièce BA-4). Quant à la raison pour laquelle elle lui a envoyé un courriel le 8 juin 2016, à propos de l’utilisation d’un téléphone cellulaire alors qu’il n’a fait que prendre un appel le 7 juin au sujet de l’admission de son père à l’hôpital, elle a témoigné qu’elle s’était inquiétée du volume de son téléphone et qu’elle ne savait pas que son père était malade (pièces BA-7 et BA-11).

[72]  Quant à l’avancement de la formation du fonctionnaire, Mme Proulx a indiqué qu’elle l’avait rencontré le 15 juin 2016 pour faire le point à ce sujet. Elle a déclaré que, à son avis, certaines petites choses auraient dû être terminées (pièce BA-12). En contre-interrogatoire, elle a indiqué que même si elle pensait que sa formation avait progressé jusqu’au 22 juillet 2016 (pièces BA-13 et BA-14), il continuait de ne pas suivre les instructions. Lorsqu’on lui a demandé des précisions, elle a mentionné qu’il continuait de faire équipe avec sa collègue, Mme Dawkins, sur certaines tâches et qu’il faisait ce qu’il voulait faire, malgré les instructions qui lui étaient données. Selon Mme Proulx, elle lui a fait des demandes auxquelles il n’a pas répondu. À titre d’exemple, elle a mentionné une demande concernant l’évaluation en ligne du rendement. Elle a témoigné qu’elle avait dû essayer plusieurs fois avant d’obtenir une réponse de la part du fonctionnaire (pièces BA-15 et BA-15A). Elle a également mentionné qu’il ne suivait pas le processus établi pour demander un congé. Mme Proulx a également indiqué qu’en août 2016, Mme Schmidt, la formatrice du fonctionnaire, avait soulevé un certain nombre de problèmes concernant sa formation et conclu qu’elle ne voulait plus être sa formatrice (pièce BA-20).

[73]  Mme Proulx a convenu qu’au cours de l’été 2016, il y avait beaucoup de roulement de personnel et que les choses étaient devenues stressantes avant même l’arrivée du fonctionnaire. Elle a également reconnu avoir été dépassée par la situation.

[74]  Benoit Ouellette était le dernier témoin de l’employeur. M. Ouellette est le gestionnaire du parc automobile du Groupe de l’organisation des transports au quartier général. Il a témoigné le 18 juin 2019, pendant 1 heure et 30 minutes, dont 50 minutes en contre-interrogatoire.

[75]  Le rôle principal de M. Ouellette consistait à acheter des véhicules et à assurer leur gestion.

[76]  Il a indiqué que M. F. Proulx était venu lui parler à l’automne 2016. Il cherchait une affectation pour le fonctionnaire. Le fonctionnaire a été affecté initialement au Groupe de la gestion du parc automobile du 12 septembre 2016 au 11 janvier 2017, sous la supervision de Richard Leduc, qui relevait de M. Ouellette. Cette affectation a été prolongée et devait couvrir la période du 12 janvier au 12 mai 2017. Le fonctionnaire ne l’a pas terminée en raison de son renvoi en cours de stage le 28 avril 2017 (pièce E-1, onglet 6).

[77]  M. Ouellette a témoigné que, le 14 mars 2017, son directeur général, Milton Jardine, l’a informé qu’une plainte du public avait été déposée contre le fonctionnaire. Puisque le fonctionnaire étant parti pour la journée, il a été décidé de le rencontrer le lendemain.

[78]  À la réunion, M. Jardine et M. Ouellette ont expliqué au fonctionnaire qu’une plainte avait été déposée contre lui et qu’il avait été allégué qu’il avait utilisé l’ordinateur de la GRC et son adresse courriel de la GRC dans son différend privé avec un membre du public (pièce E-1, onglet 10). M. Ouellette a indiqué qu’il ne savait pas grand-chose au sujet de la plainte, sauf qu’elle portait sur l’utilisation d’un ordinateur de la GRC à la suite d’un différend concernant un remorquage. Il a affirmé que lui et M. Jardine avaient ordonné au fonctionnaire de cesser d’utiliser l’ordinateur de la GRC, son adresse courriel de la GRC et le téléphone de la GRC pour son usage personnel. Le fonctionnaire a reçu une lettre de confirmation  à cet égard le 16 mars 2017. Nathalie Guilbault, directrice du Programme du matériel et de l’actif mobilier, a été mise en copie. Elle a envoyé un courriel au fonctionnaire le 24 mars 2017, l’informant que le gendarme Christopher Brophy de la GRC l’interrogerait pour recueillir des faits sur l’utilisation inappropriée du matériel de la GRC. Le rapport du gendarme Brophy a été publié le 27 mars 2017 (pièce E-1, onglets 12 à 14).

[79]  M. Ouellette a convenu que lors de la première affectation au Groupe de la gestion du parc automobile, le rendement du fonctionnaire était bon et qu’il n’y avait aucun problème concernant son travail, c’est pourquoi son affectation a été renouvelée le 12 janvier 2017.

[80]  M. Ouellette a également admis qu’une fois que la question de l’utilisation du téléphone et de l’adresse courriel de la GRC a été soulevée avec le fonctionnaire le 15 mars 2017, ce dernier s’était excusé pour ses actes; il a continué à avoir un bon rendement jusqu’à son licenciement (pièce E-1, onglet 18).

B.  Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

[81]  Dans sa déclaration d’ouverture, le fonctionnaire a indiqué que la GRC l’avait embauché comme employé prioritaire le 9 mai 2016. Il avait été à l’emploi du ministère des Transports. Il a déclaré qu’avant d’être licencié le 28 avril 2017, il avait accumulé environ 10 années de service dans la fonction publique et qu’il avait auparavant travaillé dans le secteur privé.

[82]  Il a tout d’abord déclaré qu’il s’était excusé pour ses erreurs et qu’il avait accepté la responsabilité de ses actes (pièce E-1, onglet 18). Il a ajouté que l’employeur n’avait pas établi un motif valable de licenciement. Il a déclaré que les éléments de preuve fournis par deux témoins et son propre témoignage démontreraient que la décision de l’employeur de mettre fin à son emploi n’était rien d’autre qu’un subterfuge.

[83]  Paolo Marcantonio a été le premier témoin du fonctionnaire. Il a témoigné le 18 juin 2019, pendant 35 minutes, dont 5 minutes en contre-interrogatoire.

[84]  M. Marcantonio était le directeur de la succursale de la Banque Scotia à partir de laquelle la voiture du fonctionnaire a été remorquée dans la soirée du 22 février 2017. M. Marcantonio a indiqué qu’il ne connaissait pas le fonctionnaire et qu’il ne l’avait rencontré qu’une seule fois. Il a accepté de témoigner parce que d’autres plaintes avaient été reçues au sujet de véhicules remorqués en soirée (pièce BA-24). Le journal Ottawa Citizen a publié un article sur Park Safe Inc., qui faisait remorquer des voitures stationnées dans les terrains de stationnement en soirée (pièce BA-26).

[85]  M. Marcantonio a expliqué que sa succursale louait ses locaux de la rue Preston à Ottawa et qu’elle avait des places de stationnement désignées réservées aux clients. Au fil des ans, la succursale avait autorisé le stationnement dans ces emplacements en soirée. Cependant, l’immeuble a été vendu et le nouveau propriétaire, Main and Main, et son gestionnaire immobilier, M. Montone, ne permettaient plus le stationnement en dehors des heures de travail. M. Marcantonio a indiqué que le nouveau propriétaire avait engagé Park Safe Inc. pour gérer le stationnement et lui avait permis de remorquer des voitures après les heures normales de travail. M. Marcantonio a fourni un croquis du stationnement (pièce BA-27).

[86]  M. Marcantonio a indiqué qu’il avait fourni au fonctionnaire le numéro de téléphone de M. Montone et que le fonctionnaire n’avait nullement tenté de lui faire croire qu’il agissait au nom de la GRC (pièce BA-23).

[87]  Mme Dawkins a également témoigné pour le fonctionnaire, le 19 juin 2019, pendant 1 heure et 15 minutes. Elle n’a pas fait l’objet d’un contre-interrogatoire.

[88]  Mme Dawkins est maintenant une employée à temps plein de la GRC. Elle est classifiée au groupe et au niveau CR-04. À l’été 2016, elle travaillait dans le cadre du Programme fédéral d’expérience de travail étudiant (PFETE). Après une affectation positive au sein des RH, elle a décidé d’utiliser ses compétences scientifiques et s’est jointe au Groupe de la gestion des pièces à conviction des Services nationaux de laboratoire judiciaire à Ottawa en tant qu’employée contractuelle.

[89]  Même si Mme Dawkins n’a eu aucune difficulté avec le matériel de formation, elle a rencontré des problèmes avec les hyperliens qu’il contenait, qui étaient toujours cassés. Pour cette raison, elle avait besoin d’aide. Elle a indiqué que lorsqu’elle posait des questions, on la renvoyait souvent aux manuels.

[90]  Mme Dawkins a témoigné que même si les deux premières semaines de formation se sont bien déroulées dans le Groupe de la gestion des pièces à conviction, elle a commencé à remarquer que l’environnement était hostile et que ses commentaires n’étaient souvent pas bien accueillis. Elle a souligné qu’il y avait de l’animosité entre Mme Proulx et Mme Schmidt, ce qui rendait les choses plus difficiles. Selon Mme Dawkins, le fait que le travail d’équipe n’était pas encouragé dans le Groupe de la gestion des pièces à conviction contribuait à l’environnement stressant et au problème de maintien de l’effectif.

[91]  Mme Dawkins a déclaré que lorsque le fonctionnaire s’est joint au Groupe de la gestion des pièces à conviction durant l’été 2016, Mme Proulx et Mme Schmidt lui ont dit de cesser de discuter avec lui au motif que les autres se sentaient alors isolés.

[92]  Au sujet de l’incident du 22 juillet 2016, pour lequel le fonctionnaire a reçu la lettre de réprimande, Mme Dawkins a expliqué qu’elle était enceinte à ce moment-là et qu’elle devait récupérer des preuves d’ADN du congélateur; elle ne se sentait pas bien ce matin-là. Elle a demandé l’aide du fonctionnaire. Elle devait également récupérer des armes à feu entreposées sur une étagère haute. Encore une fois, le fonctionnaire l’a aidée. Mme Schmidt a tout observé et l’a signalé à Mme Proulx, qui, quelques minutes plus tard, a dit à Mme Dawkins et au fonctionnaire de cesser de travailler ensemble (pièce BA-17).

[93]  Mme Dawkins a témoigné que, le 15 juin 2016, le fonctionnaire avait été convoqué à une réunion avec Mme Proulx et qu’elle avait entendu Mme Proulx lui dire que son souci du détail devait s’améliorer s’il voulait continuer à travailler au laboratoire.

[94]  Mme Dawkins a soutenu que le fonctionnaire n’avait jamais été impoli ou non professionnel; au contraire, il proposait souvent d’aider ses collègues.

[95]  À la fin de juillet 2016, Mme Dawkins a fait part de ses préoccupations au sujet du moral du Groupe de la gestion des pièces à conviction et de sa situation auprès de la surintendante intérimaire Manon McSween-Séguin (pièce BA-29).

[96]  Le fonctionnaire était le dernier témoin. Il a témoigné en interrogatoire principal le 19 juin 2019, pendant 4 heures, ce qui comprenait un contre-interrogatoire de 1 heure et 10 minutes.

[97]  Il a indiqué qu’il avait étudié le génie mécanique au Collège Algonquin, à Ottawa, et qu’avant d’être embauché par la GRC, il avait travaillé au ministère des Transports. Antérieurement, il avait été consultant dans le secteur privé. En 2013, il a été informé de la suppression de son poste au sein du ministère des Transports. En vertu des dispositions visant le réaménagement des effectifs de sa convention collective à l’époque, il a reçu deux ans de congé d’études. Puis, en mai 2015, il a été licencié et inscrit sur une liste prioritaire de personnes mises en disponibilité qui devait avoir une durée d’un an. En septembre 2015, la GRC l’a contacté et il a reçu l’offre d’emploi du 28 avril 2016, au sein du Groupe de la gestion des pièces à conviction, à titre de préposé au laboratoire classifié au groupe et au niveau EG-1. La date de début, soit le 9 mai 2016, était juste quelques jours avant la fin de son statut prioritaire (pièce E-1, onglet 3).

[98]  Le fonctionnaire a eu un premier contact avec M. F. Proulx le 21 septembre 2015. La direction de la GRC lui a fait passer une entrevue en octobre 2015. Il avait satisfait au test relatif aux qualités personnelles et avait fourni des références. Son statut prioritaire devait expirer en mai 2016, et il a finalement reçu l’offre d’emploi le 28 avril 2016, avec la date de début convenue du 9 mai. En avril 2016, il a soulevé la question du salaire lors de la réunion avec M. F. Proulx, qui lui a alors promis que la GRC lui donnerait un salaire égal à celui qu’il recevait au ministère des Transports.

[99]  Le fonctionnaire a indiqué qu’il suivait une formation lorsqu’il s’est joint au Groupe de la gestion des pièces à conviction. Son travail consistait à récupérer des preuves, à suivre des cours sur la façon de gérer les armes à feu, etc. Il a beaucoup appris sur le tas. Il avait des problèmes avec le système de laboratoire. Il a également observé le travail effectué par sa formatrice, Mme Schmidt, qui n’a pas été facile. Quand il avait une question, sa réponse habituelle était : [traduction] « Vous devriez savoir cela. »

[100]  Le fonctionnaire a expliqué qu’à la semaine du 6 juin 2016, il occupait le poste depuis cinq semaines. Un jour, il a dû quitter le laboratoire pour prendre un appel. En sortant, il a retiré ses gants. Son téléphone était dans une poche de sa blouse de laboratoire. L’appel concernait son père qui venait d’être admis à l’hôpital. Mme Proulx était là et lui a dit de s’occuper de son père. Le lendemain, il a reçu un courriel d’elle lui disant de baisser le volume de son téléphone et que les téléphones cellulaires n’étaient pas autorisés dans le laboratoire (pièces BA-7, BA-8 et BA-10).

[101]  Le 10 juin 2016, le fonctionnaire a pris une journée de congé pour assister aux funérailles du père d’un ami. Le matin, il a informé Mme Proulx qu’il ne serait pas au travail ce jour-là. Elle lui a demandé pourquoi il ne l’avait pas informée à l’avance (pièces BA-9 et BA-10).

[102]  Au cours de cette période de juin, le fonctionnaire a demandé à M. F. Proulx quel était son salaire. Le fonctionnaire a soutenu que bien qu’il n’ait pas reçu de ventilation de son salaire en raison de problèmes avec le système de rémunération Phénix, il semblait néanmoins qu’il ne percevait pas le salaire que M. F. Proulx lui avait promis.

[103]  Quant au travail dans le Groupe de la gestion des pièces à conviction, le fonctionnaire a déclaré que lui et ses collègues, Mme Dawkins et Cheryl Radmore, avaient des problèmes avec la façon dont la formation était dispensée au laboratoire.

[104]  Le 28 juin 2016, les problèmes relatifs à l’environnement de travail, les difficultés liées à la formation et l’utilisation du téléphone cellulaire ont été portés à l’attention de son représentant de l’agent négociateur, Patrick Goudreault (pièce BA-30). Le 6 juillet 2016, une réunion a eu lieu avec lui, le fonctionnaire, M. F. Proulx et Mme Proulx, ce qui a donné lieu à l’élaboration d’un calendrier de formation. Même avec le nouveau calendrier, le fonctionnaire a affirmé que la formatrice, Mme Schmidt, était devenue plus impliquée et plus négative à l’égard de son travail. En août 2016, Mme Schmidt a fait le point avec Mme Proulx au sujet de la formation du fonctionnaire. Elle a soulevé un certain nombre de questions (pièce BA-20). Le 8 mars 2017, il a déposé une plainte de harcèlement contre Mme Proulx. Celle-ci a été rejetée en novembre 2017 (pièce BA-39).

[105]  Revenant à l’incident qui a mené à la lettre de réprimande, le fonctionnaire a expliqué que, le 22 juillet 2016, il est retourné au bureau après quelques jours de congé. Mme Dawkins, qui était enceinte, avait froid. Elle lui a demandé de l’aide pour récupérer des pièces à conviction dans un congélateur. Mme Schmidt a tout observé et l’a signalé à Mme Proulx, qui a grondé le fonctionnaire et Mme Dawkins pour avoir de nouveau travaillé ensemble.

[106]  Le fonctionnaire a expliqué qu’il était offensé par la réaction de Mme Proulx puisque Mme Dawkins était enceinte et ne se sentait pas bien ce jour-là. Il a indiqué que la situation lui avait rappelé un événement familial douloureux que lui et sa femme avaient vécu quelques années plus tôt. C’est pourquoi il a envoyé le courriel du 22 juillet faisant référence à une fausse couche (pièce E-1, onglet 4). Il a expliqué qu’il n’avait eu aucune intention malveillante en envoyant le courriel. Il a expliqué qu’il avait ensuite été convoqué à une réunion avec M. F. Proulx à ce sujet. Selon le fonctionnaire, M. F. Proulx était en colère au sujet du courriel et lui a dit qu’il était en retard dans sa formation par rapport aux autres personnes aux laboratoires d’Edmonton et de Vancouver (pièce BA-32). Quant à la lettre de réprimande qu’il a reçue le 10 août 2016, le fonctionnaire a déclaré que son agent négociateur lui avait dit que ce n’était pas grave; il n’a donc présenté aucun grief à ce sujet.

[107]  En ce qui concerne son salaire, le fonctionnaire a indiqué qu’il avait reçu des informations de Mme Brady de la Section de la dotation en personnel des RH. Bien qu’elle n’ait pas résolu le problème lié au salaire, il a indiqué que, contrairement à la position qui est maintenant adoptée par la GRC, elle a reconnu qu’il était déjà un employé de la fonction publique lorsque la GRC l’a embauché en mai 2016 (pièce BA‑33). Cependant, il convient de noter que le 22 novembre 2016, lorsqu’il a demandé à M. F. Proulx quel était son salaire par rapport à son salaire au ministère des Transports, le fonctionnaire a également soulevé le fait qu’il semblait qu’il avait été embauché comme nouvel employé et que sa nomination à la GRC n’avait pas été effectuée à titre de mutation (pièce E-1, onglet 7).

[108]  Le 4 janvier 2017, le fonctionnaire a témoigné qu’il avait reçu un appel de Mme Melanson des RH lui demandant de signer la lettre d’offre modifiée, qui comprenait son salaire rajusté et les nouveaux paragraphes, un concernant la période de stage et l’autre portant sur un serment ou une affirmation solennelle. Il a insisté sur le fait qu’à aucun moment Mme Melanson, Mme Brady ou quelqu’un d’autre de la GRC n’a mentionné quoi que ce soit au sujet du fait qu’il était en période de stage. Tout ce qu’il a compris, c’est que son salaire avait finalement été ajusté à un taux supérieur au taux minimum. Quoi qu’il en soit, il a signé la lettre modifiée le 6 janvier 2017 (pièces BA-42, BA-48 et E-1, onglet 9).

[109]  Le fonctionnaire a déclaré que, en janvier 2017, il était en affectation au sein du Groupe de la gestion du parc automobile depuis septembre 2016, et que cette affectation avait été prolongée jusqu’au 12 mai 2017 (pièce E-1, onglet 6). Les choses allaient suffisamment bien pour qu’il ait discuté avec M. Ouellette de la possibilité d’un déploiement permanent dans ce groupe.

[110]  Le 22 février 2017, le fonctionnaire a indiqué qu’il était sorti jouer au hockey avec des amis tôt dans la soirée. Il a stationné sur le terrain de la Banque Scotia, sur la rue Preston, comme il l’avait fait auparavant; rien ne semblait sortir de l’ordinaire. Sa voiture a été remorquée pendant son absence.

[111]  Le lendemain, il est allé voir M. Marcantonio, qui lui a fourni le nom de la société de gestion du stationnement, Park Safe Inc., et le nom du gestionnaire immobilier, M. Montone. Le fonctionnaire est ensuite retourné au travail et a appelé M. Montone à partir du téléphone de la GRC. Il a témoigné que M. Montone lui avait demandé son adresse électronique. Étant donné que son ordinateur à la maison était en réparation, le fonctionnaire lui a donné son adresse courriel de la GRC, ce qui, selon le fonctionnaire, était une erreur (pièce BA-37).

[112]  Dans son témoignage, le fonctionnaire a reconnu avoir envoyé des courriels à M. Montone, à Mme Tilley et au journal Ottawa Citizen à partir de son adresse courriel de la GRC et il s’en est excusé. Il a indiqué qu’il leur écrivait souvent à partir du travail, à l’heure du déjeuner, pour lequel il bénéficiait d’une certaine souplesse. Quant aux appels prétendument passés à partir du téléphone de la GRC, le fonctionnaire a déclaré qu’il avait passé la plupart de ses appels à partir de son cellulaire ou de son téléphone résidentiel.

[113]  Le fonctionnaire a fait valoir qu’il se conduisait toujours de façon professionnelle et qu’il n’avait jamais eu l’intention de faire croire aux gens qu’il était un agent de la GRC.

[114]  Le fonctionnaire a déclaré que dès que M. Ouellette et M. Jardine l’ont informé de la plainte du public, il avait immédiatement arrêté et s’était excusé auprès de M. Jardine pour ses actes (pièce E-1, onglet 18). À la demande de Mme Guilbault, il a ensuite rencontré le gendarme Brophy, qui a été chargé de recueillir les faits sur la présumée mauvaise utilisation du matériel de la GRC. Le gendarme Brophy a interrogé le fonctionnaire le 27 mars 2017, et a conclu que le fonctionnaire avait utilisé à mauvais escient des biens de la GRC (pièce E-1, onglets 14 et 15).

[115]  Le fonctionnaire a également mentionné que le Service de police d’Ottawa l’avait contacté. Il a considéré la question comme un litige civil et a donc classé l’affaire.

[116]  En conclusion, le fonctionnaire s’est excusé pour ses erreurs et a insisté sur le fait que M. M. Proulx avait été hostile et dans le déni. Le fonctionnaire a fait valoir fait qu’il avait effectué la grande majorité des appels à partir de son téléphone résidentiel ou de son téléphone cellulaire, qu’il avait toujours clairement indiqué qu’il s’agissait d’une affaire personnelle et qu’il n’avait jamais essayé de faire croire aux gens qu’il était un agent de la GRC. Il a indiqué qu’il s’était toujours comporté avec civilité et qu’il était un contributeur respecté dans sa communauté, comme en témoignent certains journaux locaux (pièce BA-40).

[117]  Lorsqu’il a été interrogé par l’avocat de l’employeur, le fonctionnaire a convenu que lorsqu’il a rencontré le gendarme Brody le 27 mars 2017, ce dernier lui a lu ses notes écrites, que le fonctionnaire a signées (pièce E-1, onglet 14).

[118]  Les notes du gendarme Brody indiquaient que le fonctionnaire avait admis avoir envoyé quelque 23 courriels en utilisant son adresse courriel de la GRC à, collectivement, M. Montone, Mme Tilley, le journal Ottawa Citizen, la Banque Scotia et la Ville d’Ottawa. Le fonctionnaire a soutenu qu’il n’avait jamais eu l’intention d’utiliser son compte de courriel ou son téléphone de la GRC dans l’espoir d’obtenir un résultat favorable dans le cadre de son différend avec Park Safe Inc. et Main and Main. Après l’entrevue, le gendarme Brody a conclu que les courriels étaient agressifs et hostiles.

[119]  En ce qui concerne les appels téléphoniques depuis le téléphone fixe de la GRC, le fonctionnaire a admis au gendarme Brody qu’au moment de communiquer avec M. Montone ou à Mme Tilley, il savait que leurs afficheurs indiqueraient « GRC » comme appelant. Il a admis n’avoir fait aucun effort pour que le numéro de téléphone de la GRC n’apparaisse pas sur leurs afficheurs. Il a fait le contraire quand il les a appelés de chez lui; il a bloqué son numéro afin que le destinataire ne sache pas qui appelait. L’écran du récepteur indiquerait [traduction] « Appelant inconnu ». Il a expliqué qu’il l’avait fait pour qu’aucun appel de retour ne dérange sa femme malade (pièce E‑1, onglet 14).

V.  Résumé de l’argumentation

A.  Pour l’employeur

[120]  L’avocat de l’employeur a souligné que le fonctionnaire avait été renvoyé en cours de stage en vertu du paragraphe 62(1) de la LEFP et qu’il n’a pas été licencié en vertu de la LGFP. À ce titre, l’employeur disposait d’un pouvoir discrétionnaire plus large. De plus, l’avocat de l’employeur a insisté sur le fait que bien qu’une certaine mesure disciplinaire aurait pu être imposée pendant la courte période durant laquelle le fonctionnaire a travaillé pour la GRC, cette affaire était fondée sur son inaptitude à travailler pour l’employeur. L’employeur a fait valoir qu’il n’y avait aucune preuve de complot ou de mauvaise foi de la part de l’employeur. Il y avait une raison légitime de le renvoyer en cours de stage; par ses actes, il a nui à la réputation de son employeur. Par conséquent, il était clair qu’il y avait une raison liée à l’emploi de le renvoyer en cours de stage. Par conséquent, l’employeur a soutenu que je n’avais pas compétence sur la question, conformément à l’article 211 de la Loi.

[121]  L’avocat de l’employeur a donné un aperçu de la jurisprudence relative aux renvois en cours de stage remontant à Jacmain c. Procureur général, [1978] 2 R.C.S. 15, qui confirme le droit d’un employeur de renvoyer un employé en cours de stage. L’employeur m’a également renvoyé à Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, 2001 CFPI 529, qui indiquait clairement que la charge de la preuve incombait à l’employé renvoyé en cours de stage pour démontrer que la décision de l’employeur était un subterfuge. L’avocat de l’employeur a soutenu que tel n’était pas le cas en l’espèce; le fonctionnaire n’a pas démontré que les actions de l’employeur pouvaient être considérées comme du camouflage.

[122]  L’avocat de l’employeur a soutenu que même en cas de problème disciplinaire, l’employeur a toujours le pouvoir discrétionnaire de choisir de renvoyer un employé en cours de stage à moins que la mauvaise foi ne soit prouvée, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. L’avocat m’a renvoyé à Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 134. Bien que cette décision porte sur la nouvelle LEFP, telle que modifiée en 2005, elle n’a pas fondamentalement modifié la loi. Cela a également été confirmé dans Warman c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 103.

[123]  Selon l’avocat de l’employeur, un renvoi ne doit pas nécessairement être lié au rendement d’un employé. Ainsi, dans cette affaire, le rendement du fonctionnaire n’était peut-être pas un problème lors de son affectation au Groupe de la gestion du parc automobile. Néanmoins, la preuve a établi que, par ses actes, le fonctionnaire n’était manifestement pas apte à travailler pour son employeur; voir D’Aoust c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2015 CRTEFP 94.

[124]  En ce qui concerne la preuve, l’employeur a soutenu que, bien que M. Oldford n’ait jamais rencontré le fonctionnaire avant de décider de le renvoyer en cours de stage, son équipe de gestion l’avait cependant informé de manière appropriée que le fonctionnaire ne suivait pas les directives de ses superviseurs. L’avocat de l’employeur a fait valoir que M. Oldford et les gestionnaires du fonctionnaire avaient été assez patients et accommodants; ils lui ont confié une affectation lorsque les choses sont devenues difficiles dans le Groupe de la gestion des pièces à conviction et ont même envisagé de rendre l’affectation permanente, n’eut été ses actes de février et mars 2017, qui ont conduit à son renvoi en cours de stage (pièce E-1, onglet 10).

[125]  L’avocat de l’employeur a souligné que M. Oldford avait affirmé dans son témoignage que la conduite du fonctionnaire en utilisant son adresse courriel et son téléphone de la GRC dans son différend personnel avec des tiers avait nui à la réputation de la GRC. L’avocat de l’employeur a souligné le fait que M. Oldford avait raison de croire que M. M. Proulx, Mme Tilley et M. Montone pouvaient raisonnablement supposer que lorsqu’ils ont reçu un appel affichant « GRC » en tant qu’appelant ou qu’ils ont reçu un courriel de l’adresse électronique de la GRC, en fait, c’était un agent de la GRC qui les appelait ou leur écrivait. Le problème découle du fait que le fonctionnaire ait sciemment utilisé le téléphone et l’ordinateur de la GRC, par lequel il a fait croire aux destinataires que la GRC faisait partie du différend. L’avocat de l’employeur m’a renvoyé à Apenteng c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2017 CRTEFP 58, au paragraphe 95, qui se lit comme suit :

95 Je suis d’avis que la défenderesse était, à juste titre, préoccupée par ces faits, surtout par l’échange au cours duquel M. Apenteng a demandé à récupérer son investissement dans MacDoff dans un courriel qui comportait son bloc-signature avec son titre et le logo de l’ASFC. Il est raisonnable de croire que le courriel aurait pu être perçu comme intimidant et qu’il aurait pu induire le destinataire à croire que l’ASFC prendrait des mesures contre lui relativement aux activités d’expédition de marchandises de MacDoff.

[126]  L’avocat de l’employeur m’a renvoyé au code de déontologie des employés de la GRC et a indiqué que le fonctionnaire avait clairement violé ce code dans ses échanges avec les propriétaires de la société de gestion du stationnement et M. Montone. Le fait que le fonctionnaire ait utilisé les ressources de son employeur dans son litige avec des tiers a certainement nui à la réputation de la GRC, comme l’indique clairement la lettre de renvoi en cours de stage (pièce E-1, onglet 2).

[127]  L’avocat de l’employeur a examiné le témoignage du caporal Letourneau et a souligné qu’il n’avait aucun intérêt dans cette affaire. M. M. Proulx est venu le voir pour lui poser des questions sur les courriels et appels reçus de la GRC. Après avoir effectué une vérification et réalisé que le fonctionnaire n’était pas membre de la GRC, le caporal Letourneau était d’avis que cela projetait une image défavorable de la GRC. Après avoir examiné la plainte, il l’a renvoyée à ses supérieurs et au Service de police d’Ottawa. À ce sujet, l’avocat de l’employeur a fait valoir que les courriels envoyés à Park Safe Inc. et à M. Montone parlent d’eux-mêmes et sont souvent très agressifs, irrespectueux, et qu’ils prétendent énoncer la loi et induisent souvent le destinataire en erreur en lui faisant croire qu’ils proviennent de la GRC (pièce E-1, onglet 15).

[128]  Sur la base de ces faits en soi, l’avocat de l’employeur a soutenu qu’il y avait clairement une raison appropriée liée à l’emploi de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage.

[129]  En ce qui concerne la question de savoir si le fonctionnaire était en période de stage lorsque son emploi a pris fin le 28 avril 2017, l’avocat de l’employeur a examiné les faits et la loi en ce qui concerne la mise en disponibilité du fonctionnaire du ministère des Transports et son emploi à la GRC.

[130]  L’avocat de l’employeur a souligné que le poste du fonctionnaire au ministère des Transports avait été déclaré excédentaire en 2013. Il a ensuite pris un congé d’études pendant deux ans. En 2015, le ministère des Transports l’a mis en disponibilité et il a été inscrit sur une liste de priorité de personnes mises en disponibilité d’une durée d’un an, conformément au paragraphe 41(4) de la LEFP.

[131]  L’avocat de l’employeur a souligné qu’en 2015, le licenciement par le ministère des Transports a eu pour effet que le fonctionnaire a cessé d’être un fonctionnaire, conformément au paragraphe 64(4) de la LEFP, qui se lit comme suit : « Le fonctionnaire mis en disponibilité perd sa qualité de fonctionnaire. »

[132]  À l’appui de son argument, l’avocat de l’employeur a souligné le libellé du paragraphe 41(4) de la LEFP, qui renvoie à une personne qui a été mise en disponibilité et qui figure sur une liste prioritaire en tant que « personne » et non en tant que « fonctionnaire ». En revanche, au paragraphe 41(1), il est fait référence à un « fonctionnaire » lorsqu’il s’agit d’une personne qui n’a pas été mise en disponibilité et qui jouit toujours du statut de « fonctionnaire ». Ces dispositions se lisent comme suit :

41 (1) Dans le cas où un fonctionnaire est en congé […]

[…]

(4) La personne mise en disponibilité au titre du paragraphe 64(1) a droit à une priorité de nomination absolue [...]

[133]  Par conséquent, l’avocat de l’employeur a conclu que le fonctionnaire était en période de stage en vertu de l’alinéa 61(1)a) de la LEFP lorsque son emploi a pris fin à la GRC, malgré le fait que la lettre d’offre initiale n’avait pas mentionné une période de stage.

[134]  J’ai demandé à l’avocat si l’employeur aurait pu renoncer à la période de stage puisque la lettre d’offre initiale ne mentionnait rien à ce sujet, et il a été admis qu’aucun membre de la GRC n’a attiré l’attention du fonctionnaire sur l’ajout de ce stage dans la lettre d’offre modifiée.

[135]  L’avocat de l’employeur a indiqué que l’employeur n’aurait pas pu renoncer à la période de stage de 12 mois puisque c’est prévu par la loi et que toute personne embauchée par nomination externe doit en effectuer une en vertu de l’alinéa 61(1)a) de la LEFP.

[136]  À l’appui de son argument selon lequel l’employeur n’aurait pas pu renoncer à la période de stage, l’avocat m’a renvoyé à l’affaire Hicks c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), dossier de la CRTFP 166-2-27345 (19970425), [1997] C.C.R.T.F.P. no 43 (Q.L.) et Morin c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans Canada), 2004 CRTFP 168.

[137]  Selon l’avocat de l’employeur, le fonctionnaire ne pouvait pas invoquer la doctrine de préclusion en l’espèce puisque celle-ci ne peut pas être utilisée pour contourner la loi, ce que la Cour suprême du Canada a déclaré dans Immeubles Jacques Robitaille inc. c. Québec (Ville), 2014 CSC 34.

[138]  Quant à la durée de la période de stage, étant donné que la GRC est une organisation figurant à l’annexe IV de la LGFP, l’avocat de l’employeur a souligné qu’elle est de 12 mois en vertu du Règlement fixant la période de stage et le délai de préavis en cas de renvoi au cours de la période de stage (DORS/2005-375; le « Règlement fixant la période de stage »).

[139]  L’avocat de l’employeur a soutenu que, dans les circonstances, il importe peu que la lettre d’offre initiale mentionne une période de stage. Étant donné que la GRC a recruté le fonctionnaire par nomination externe, il devait effectuer sa période de stage de 12 mois à compter du 9 mai 2016, son premier jour à la GRC. Par conséquent, sa période de stage devait se terminer le 9 mai 2017 et il a été congédié le 28 avril 2017.

[140]  Se référant à la preuve, l’avocat de l’employeur a soutenu que les témoignages de M. Oldford et de Mme Proulx ainsi que les actions du fonctionnaire en février et mars 2017, démontraient qu’il ne suivait pas bien les instructions. Même si l’on peut parfois utiliser le courriel ou le téléphone de l’employeur, en l’espèce, cette utilisation allait au-delà de ce qui est considéré comme acceptable.

[141]  Le fonctionnaire a sciemment utilisé son adresse courriel de la GRC pour intimider M. M. Proulx, Mme Tilley et M. Montone. Il l’a également utilisé avec des tiers tels que la Ville d’Ottawa et le journal Ottawa Citizen. En ce qui concerne ses appels téléphoniques, comme l’a fait remarquer le gendarme Brody dans son rapport d’enquête, lorsque le fonctionnaire a appelé M. M. Proulx, Mme Tilley et M. Montone, il s’est assuré de bloquer son numéro de téléphone résidentiel afin qu’ils ne sachent pas qui appelait, mais il n’a pas pris la même précaution lorsqu’il a utilisé le téléphone de la GRC. Par conséquent, « GRC » était affiché comme l’appelant sur l’écran du téléphone lorsqu’il a appelé au sujet de son différend. Tout cela, ainsi que le ton agressif et intimidant qu’il a utilisé dans les courriels qu’il a envoyés à partir de son adresse courriel de la GRC, a clairement démontré qu’il ne convenait pas en tant qu’employé de la GRC. Son comportement a terni l’image de l’organisation; il a pris des décisions incompatibles avec la GRC.

[142]  L’avocat de l’employeur a souligné que l’on ne peut pas dire que les actions du fonctionnaire ont été commises sur un coup de tête. Comme en témoignent les nombreux courriels qu’il a envoyés aux personnes impliquées dans son différend lié au remorquage de son véhicule, cela a duré un certain temps. Il ne s’est arrêté que lorsque le Service de police d’Ottawa lui a dit de le faire (pièce E-1, onglet 15).

B.  Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

[143]  Il convient de noter que dans son argumentation, le fonctionnaire a fait plusieurs fois référence à des faits qui n’ont pas été présentés en preuve et à « des situations qui n’ont pas été soulevées dans son témoignage ». L’avocat de l’employeur n’a soulevé aucune objection à cet égard.

[144]  Au début de son argumentation, le fonctionnaire a expliqué qu’il voulait diviser ses arguments en quatre sections :

1.  Le milieu de travail

[145]  Le fonctionnaire a expliqué qu’après avoir été mis en disponibilité par le ministère des Transports en 2013, et après deux ans de congé d’études, il s’est retrouvé sur une liste prioritaire en 2015. Il a été renvoyé à la GRC pour une occasion d’emploi potentielle. Il a d’abord rencontré M. F. Proulx pour une entrevue. Après avoir fourni des références et une fois sa cote de sécurité validée, sa candidature a été retenue. Il a reçu la lettre d’offre originale trois jours seulement avant l’expiration de son statut prioritaire.

[146]  Au cours de ses premiers jours de travail comme préposé au laboratoire, le fonctionnaire a commencé la période de formation avec Mme Schmidt. Elle était sa formatrice désignée. Il devait suivre 11 cours pendant la période de formation. Dès le début, il a noté des problèmes avec de nombreux hyperliens dans les modules de formation. Il a soulevé ces problèmes auprès de sa superviseure, Mme Proulx, mais elle les a simplement minimisés. Malgré le défi de la formation, il a indiqué qu’à la fin de la 5e semaine, il avait suivi les 11 cours, dont celui sur les armes à feu.

[147]  Il a souligné que, durant cette période, il avait trouvé difficile d’observer le travail de Mme Schmidt. Les questions qu’il lui posait faisaient l’objet de critiques.

[148]  Il a témoigné en disant qu’au cours des mois de juin et juillet 2016, les choses étaient difficiles et stressantes au travail.

[149]  Le fonctionnaire a mentionné que, le 6 juin 2016, il était au laboratoire et avait oublié qu’il avait apporté son téléphone cellulaire. Le téléphone a sonné et le fonctionnaire est sorti du laboratoire pour prendre l’appel. Il a été informé que son père avait été admis à l’hôpital. À son retour au laboratoire, Mme Proulx lui a dit de prendre le reste de la journée pour s’occuper de son père. Le lendemain, le fonctionnaire a laissé son téléphone cellulaire sur son bureau avant d’entrer dans le laboratoire. Il ne s’était pas rendu compte que son téléphone n’était pas en mode silencieux, ce qui a incité Mme Proulx à lui envoyer un courriel au sujet de l’utilisation et du volume des téléphones cellulaires. Il lui a rappelé qu’aucune politique sur les téléphones cellulaires n’était en place et que, par conséquent, il n’y en avait aucune à enfreindre. De plus, il a demandé pourquoi, étant donné que ses parents étaient âgés et malades, il n’était pas admissible à utiliser son téléphone cellulaire  en raison de circonstances particulières (pièces BA-7, BA-8, BA-10 et BA-11). Il a laissé entendre que le fait qu’elle ait été dérangée par un téléphone qui sonne montrait qu’elle avait du mal à s’adapter et qu’elle s’en prenait à ses employés. Il a également indiqué que les autres laboratoires permettaient aux employés d’emporter leur téléphone cellulaire à l’intérieur.

[150]  Le fonctionnaire a également évoqué la situation de la mort du père de son ami et qu’il avait eu peu de temps pour informer Mme Proulx qu’il ne serait pas au travail ce jour-là. Le matin des funérailles, soit un vendredi, il a envoyé à Mme Proulx l’informant qu’il serait absent et pourquoi. À son retour au travail le lundi matin, il avait un courriel de Mme Proulx lui reprochant de ne pas l’avoir informée plus tôt de son absence (pièce BA-9).

[151]  Quant à la progression de sa formation, le fonctionnaire a expliqué que même si quelques erreurs avaient pu être commises, c’était normal, étant donné qu’il était en formation. Abordant expressément la question du courrier électronique de Mme Proulx, dans lequel, après avoir rencontré le fonctionnaire, elle a soulevé quelques problèmes concernant sa formation le 15 juin 2016, il a indiqué qu’il fallait tenir compte du fait que l’évaluation avait été effectuée une semaine seulement après l’hospitalisation de son père. (pièce BA-12). De plus, lors de la réunion, il a tenté de discuter avec Mme Proulx de certains problèmes liés à la méthode de formation, mais elle a rejeté ses remarques. Il a indiqué que les jours suivants, il avait passé le test relatif au souci du détail et obtenu 17 points sur 20, ce qui, contrairement à ce que Mme Proulx avait dit, indiquait qu’il progressait bien.

[152]  Le fonctionnaire a soutenu qu’il avait essayé d’améliorer les choses dans son milieu de travail. Il a décidé d’impliquer son représentant de l’agent négociateur et lui a envoyé un courriel le 28 juin 2016, lui demandant de l’aide à ce sujet.

[153]  Le fonctionnaire a soutenu qu’il voulait discuter du harcèlement dont il avait été victime à l’égard du téléphone cellulaire et indiquer qu’il continuait de faire l’objet de critiques de la part de Mme Proulx et de Mme Schmidt. Il a expliqué qu’à ce moment-là, il était préoccupé. D’autres personnes l’étaient également. Par exemple, Mme Radmore a également rencontré des problèmes en milieu de travail et a décidé d’être mutée à l’extérieur, et Mme Dawkins avait fait part de ses préoccupations auprès de la surintendante McSween-Séguin au sujet des mauvais traitements et du harcèlement au travail (pièces BA-29 et BA-30).

[154]  Le fonctionnaire a déclaré qu’en juillet 2016, une réunion avait eu lieu avec lui, M. F. Proulx, Mme Proulx et M. Goudreault. Il a indiqué qu’il avait soulevé la question du téléphone cellulaire ainsi que les problèmes spécifiques relatifs au matériel de formation et aux hyperliens. Il a indiqué que, à la fin de la réunion, M. Goudreault l’avait félicité pour son approche positive.

[155]  Malgré tout, le fonctionnaire a soutenu que ses superviseurs n’avaient pas essayé d’améliorer les choses, qui sont allées de mal en pis. Il a soutenu que Mme Proulx et Mme Schmidt étaient toujours [traduction] « sur son dos » et qu’elles n’étaient pas prêtes à aider. Elles sont restées critiques à l’égard de son rendement (pièces BA-14, BA-15, BA-15A et BA-20).

[156]  Le fonctionnaire a soutenu qu’avant son arrivée, Mme Proulx avait admis que l’équipe était stressée et que la direction avait du mal à retenir le personnel. Il était donc injuste de  le blâmer (pièce E-1, onglet 8).

[157]  Concernant l’incident spécifique du 22 juillet 2016, qui a motivé la lettre de réprimande, il a soutenu que tout ce qu’il avait fait ce jour-là était d’aider une collègue qui était enceinte et qui ne se sentait pas assez bien pour récupérer certaines pièces du congélateur du laboratoire. Il a soutenu que lorsque Mme Proulx l’a su, elle l’a sermonné pour ce qu’il avait fait. Il a déclaré qu’elle n’aurait pas dû réagir de cette façon, car tout ce qu’il avait fait était d’aider brièvement une collègue qui en avait besoin.

[158]  Le fonctionnaire a soutenu qu’il avait écrit son courriel sous l’impulsion du moment et l’élément déclencheur avait été le fait que la situation avec Mme Dawkins lui rappelait ce que lui et sa femme avaient vécu quelques années plus tôt (pièce E-1, onglet 4). Il a soutenu qu’il était complètement injuste qu’on lui reproche d’avoir aidé un collègue dans une situation difficile et que l’allégation que son courriel était une preuve d’insubordination constituait une exagération (pièces BA-18 et BA-22).

2.  L’incident du remorquage

[159]  Concernant l’incident du remorquage, le fonctionnaire a souligné qu’en février 2017, il était en affectation au sein du Groupe de la gestion du parc automobile. Le soir du 22 février, sa femme l’a encouragé à sortir boire un verre au restaurant après la partie de hockey. Il a indiqué que, comme il le faisait depuis des années sans problème, il avait stationné sur le terrain de la Banque Scotia après les heures normales de travail, alors qu’il était au restaurant. Il a déclaré qu’il ne savait pas que le terrain de la banque était administré par une nouvelle équipe de direction qui n’autorisait pas le stationnement après les heures de travail. De plus, à cause de la neige, il n’a vu aucun panneau interdisant le stationnement.

[160]  Le fonctionnaire a expliqué qu’en quittant le restaurant, il a découvert que sa voiture avait été remorquée. Il a appelé Park Safe Inc. et s’est entretenu avec le propriétaire, M. M. Proulx, qui était très agressif. Le fonctionnaire a finalement récupéré sa voiture, mais seulement après avoir payé le remorquage.

[161]  Le fonctionnaire a soutenu que les actions de Park Safe Inc. n’étaient pas inhabituelles et que M. Marcantonio lui avait dit, le 23 février, que la banque avait reçu de nombreuses plaintes de clients qui, tout comme le fonctionnaire, s’étaient fait remorquer leur voiture. Le fonctionnaire a soutenu que cela démontrait que Park Safe Inc. avait agi illégalement et qu’il avait le droit de contester ce qui avait été fait (pièces BA‑23, BA-24 et BA-25).

[162]  Le fonctionnaire a fait valoir fait que lorsqu’il a communiqué avec M. M. Proulx pour contester le remorquage de sa voiture par Park Safe Inc., il n’avait pas son ordinateur personnel, qui était en réparation (pièce BA-37). Il a soutenu que cela démontrait qu’il n’avait jamais prévu utiliser l’ordinateur de la GRC pour intimider un tiers. Bien qu’il ait admis qu’il avait commis une erreur en utilisant l’ordinateur de la GRC et son adresse courriel de la GRC, il a soutenu qu’il ne se rendait pas compte que les choses allaient s’aggraver. Il a ajouté qu’à aucun moment il n’avait indiqué que la GRC était impliquée dans le différend. Il a toujours clairement indiqué qu’il s’agissait d’une affaire personnelle. Il m’a renvoyé au témoignage de M. Marcantonio, qui avait indiqué que le fonctionnaire ne lui avait jamais fait croire que la GRC était impliquée dans le différend.

[163]  Le fonctionnaire a fait valoir que même s’il était persistant dans ses efforts pour récupérer l’argent qui lui a été illégalement retiré lorsque sa voiture a été remorquée, il n’a jamais été impoli et agressif dans ses interactions avec M. Montone et avec la société de gestion du stationnement. Il a soutenu qu’une fois que M. Jardine et M. Ouellette l’avaient informé de la plainte déposée contre lui, il s’était immédiatement excusé, avait arrêté et renoncé (pièce E-1, onglet 18).

[164]  En ce qui concerne les appels téléphoniques qu’il a passés depuis le téléphone fixe de la GRC qui indiquait que la GRC était l’appelant, le fonctionnaire a soutenu que M. Montone lui avait fourni le numéro de téléphone cellulaire de Mme Tilley. Il a également soutenu que lorsqu’il a appelé sa femme de son travail, son téléphone résidentiel indiquait [traduction] « Appelant inconnu ». Par conséquent, il a naturellement supposé que c’était le cas également lorsqu’il appelait Mme Tilley ou M. Montone. Quant aux appels qu’il a passés depuis son téléphone résidentiel, il a indiqué qu’il s’était assuré de bloquer l’identifiant, car il ne voulait pas qu’ils rappellent et dérangent sa femme malade. Il a de nouveau souligné qu’il n’a jamais essayé de faire croire aux gens que la GRC était impliquée dans ses appels.

[165]  Après avoir examiné le témoignage du caporal Letourneau, le fonctionnaire a fait valoir que, tout comme le témoignage de M. Oldford, il était fondé sur du ouï-dire et que, par conséquent, je ne devrais pas lui accorder beaucoup de poids. Par exemple, le fonctionnaire a souligné que le caporal Letourneau ne lui avait jamais demandé de faire une déclaration alors qu’il l’a demandé à d’autres personnes.

[166]  Le fonctionnaire a terminé cette partie de ses arguments en m’exhortant à conclure que même s’il a fait une erreur en utilisant l’ordinateur de la GRC, il n’a jamais eu l’intention d’induire quelqu’un en erreur en essayant de leur faire croire que la GRC l’appuyait dans ses actions. Il a également souligné que la plainte de harcèlement qu’il avait déposée contre Mme Proulx le 8 mars 2017 avait probablement incité l’employeur à le renvoyer.

3.  La question du salaire

[167]  Le fonctionnaire a déclaré que lorsqu’il a reçu la confirmation de son salaire le 26 octobre 2016, il s’est rendu compte que ce n’était pas le montant qu’il avait convenu avec M. F. Proulx avant d’être embauché (pièce BA-1). Lorsqu’il a posé des questions à ce sujet, le 22 novembre 2016, on lui a dit qu’en effet, il était fonctionnaire lorsque la GRC l’avait recruté (pièce BA-33). Selon lui, la GRC a tenté de changer sa position en affirmant qu’il avait été recruté par nomination externe afin de pouvoir faire valoir qu’il était en période de stage et le congédier. Ce n’est que peu de temps après le 22 novembre 2016 qu’il a été informé qu’il était un nouvel employé lorsque la GRC l’a embauché (pièce E-1, onglet 7).

[168]  Selon le fonctionnaire, ce n’est que le 4 janvier 2017 qu’il a reçu une nouvelle lettre d’offre incluant le bon salaire. La lettre comprenait également deux nouveaux paragraphes, l’un indiquant qu’il était en période de stage et l’autre faisant référence à un serment ou à une affirmation solennelle (pièce E-1, onglet 8). Il a souligné que ce n’est qu’après son licenciement qu’il a eu connaissance des trois ébauches de lettres d’offre. Alors que la première et la troisième ébauche comprenaient des paragraphes sur une période de stage, ce n’était pas le cas de la seconde (pièces BA-2 et BA-36).

[169]  Encore une fois, le fonctionnaire a fait valoir que lorsque la lettre d’offre modifiée en date du 20 décembre 2016 lui a été envoyée le 4 janvier 2017, personne ne lui a parlé du changement de son statut ou l’a informé que la lettre modifiée contenait le nouveau paragraphe sur la période de stage.

[170]  Le fonctionnaire a soutenu qu’il avait été embauché dans le cadre d’un processus interne et que, s’il avait su qu’il était en période de stage, il n’aurait jamais signé la lettre d’offre modifiée (pièces E-1, onglet 9, BA-42, BA-43, BA-47 et BA-48). Il a soutenu que la GRC avait fait une erreur et qu’elle voulait qu’il en paie le prix. Cela aurait été bien s’il avait reçu des explications de Mme Brady ou de Mme Melanson à propos de ce qui s’est réellement passé concernant la confusion liée à la lettre d’offre. Malheureusement, il n’en a pas reçu (pièces BA-46 et BA-48).

4.  Le congédiement

[171]  Le fonctionnaire a soutenu qu’il n’aurait pas dû être licencié et que, tout au long de cette affaire, la GRC a agi de manière totalement injuste et de mauvaise foi.

[172]  Après avoir examiné le témoignage de M. Oldford et sa justification concernant le licenciement, le fonctionnaire a fait valoir que je devrais accorder peu de poids à son témoignage étant donné que M. Oldford n’avait jamais rencontré le fonctionnaire, et qu’il n’avait fondé sa décision que sur ce que les autres lui avaient dit. Par conséquent, sa décision était fondée sur du ouï-dire et ne peut être invoquée.

[173]  Pour le fonctionnaire, les preuves concernant son rendement sont également faibles. Il m’a invité à tenir compte du fait qu’il était en formation et que, pour cette raison, il y a eu des erreurs. Il a également souligné que les informations et le matériel nécessaires à l’exécution des travaux n’étaient pas toujours adéquats et que sa superviseure, Mme Proulx, clairement stressée et dépassée, rejetait simplement ce fait au lieu d’essayer de trouver des solutions. Le fonctionnaire a souligné que pendant la période qu’il a passée au Groupe de la gestion des pièces à conviction, il avait reçu des messages contradictoires au sujet de son rendement, ce qui, à tout le moins, n’était pas pertinent. Il a mentionné les commentaires de Mme Schmidt, qui étaient parfois positifs ou critiques (pièces BA-20 et BA-31).

[174]  Le fonctionnaire a indiqué qu’il ne devrait pas être tenu responsable de l’incapacité de ses supérieurs à maintenir un milieu de travail harmonieux. Il y avait des problèmes dans le laboratoire des pièces à conviction avant son arrivée. Il a souligné qu’un bon environnement de travail fait toute la différence. Par exemple, son affectation au sein du Groupe de la gestion du parc automobile, sous la supervision de M. Ouellette, s’était très bien passée. Il a demandé pourquoi son excellent travail sous la direction de M. Ouellette n’avait pas été pris en considération avant que l’on mette fin à son emploi.

[175]  Le fonctionnaire a soutenu que la GRC voulait se débarrasser de lui en raison de ce qui s’était passé lorsqu’il était dans le Groupe de la gestion des pièces à conviction et que, à cette fin, le prétexte qu’il était en période de stage a été utilisé. Il s’agit d’un subterfuge ou un camouflage de sa véritable intention. Selon lui, à la dernière minute, la GRC a inséré le paragraphe indiquant qu’il était en période de stage dans le seul but de le licencier. Il s’agit de mauvaise foi de la part de l’organisation.

[176]  Le fonctionnaire a soutenu que le paragraphe sur la période de stage était caché dans la lettre d’offre modifiée, dont le but était soi-disant l’ajustement de son salaire, ce qui démontre les mauvaises intentions de l’employeur à son égard.

[177]  Le fonctionnaire a contesté l’explication de l’avocat de l’employeur selon laquelle il n’était pas nécessaire d’inclure la référence à la période de stage dans la lettre, car la période de stage est clairement prévue par la loi. Selon le fonctionnaire, la GRC n’aurait pas pris la peine d’émettre une nouvelle lettre faisant référence à la période de stage si cela ne faisait aucune différence. Il a déclaré qu’une période de stage est uniquement à l’avantage de l’employeur; ce n’est certainement pas dans l’intérêt de l’employé. Il m’a renvoyé à Wallace c. United Grain Growers Ltd, [1997] 3 RCS 701, qui traitait de l’incidence d’une perte d’emploi.

[178]  Le fonctionnaire a soutenu qu’une période de stage devrait être fixée au début de l’emploi d’un employé, pas après, et qu’elle doit être discutée avec l’employé au début de cet emploi et pas huit mois plus tard.

[179]  De plus, le fonctionnaire a soutenu que rien dans la LEFP n’empêchait l’employeur de choisir de « retirer » l’exigence relative à la période de stage. En d’autres termes, l’employeur aurait pu la réduire ou même y renoncer. Il a expliqué que cela différait de la Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation, L.O. 2006, chap. 17 de l’Ontario, qui stipule que parfois des dispositions législatives spécifiques ne peuvent être simplement dérogées. Il a insisté sur le fait que la période de stage en vertu de la LEFP peut être supprimée.

[180]  Le fonctionnaire a examiné la jurisprudence citée par l’avocat de l’employeur et l’a rejetée parce qu’elle n’était pas pertinente ou parce que, contrairement à celle-ci, son licenciement n’était pas vraiment fondé sur une insatisfaction de bonne foi quant à son aptitude à l’emploi, mais bien une mesure disciplinaire déguisée.

[181]  Selon le fonctionnaire, son cas est également différent de la jurisprudence soumise par la GRC en ce sens que la GRC a principalement agi en se basant sur du ouï-dire.

[182]  Le fonctionnaire m’a renvoyé à la jurisprudence qui, à son avis, s’applique davantage aux faits en l’espèce. Par exemple, il a comparé ses courriels à M. M. Proulx et M. Montone et a soutenu que leur ton n’était pas aussi agressif que celui mentionné dans Air Canada v. CUPE – Air Canada Component, 2011 CanLII 81802 (ON LA). Il m’a également renvoyé à International Brotherhood of Electrical Workers, Local 353 v. Ainsworth Inc. (2016), 266 L.A.C. (4th) 67.

[183]  En ce qui concerne la production de documents, le fonctionnaire a fait valoir qu’il n’avait peut-être pas reçu tous les documents pertinents et m’a renvoyé à A.B. c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada), 2016 CRTEFP 23.

[184]  Il a conclu en me demandant de déclarer que les actes de la GRC étaient un subterfuge, qu’ils avaient été commis de mauvaise foi et qu’il n’aurait pas dû être renvoyé en cours de stage.

C.  Réplique de l’employeur

[185]  L’avocat de l’employeur a souligné que le fonctionnaire n’avait jamais présenté de demande dans le cadre d’un processus de nomination interne à la GRC. Puisqu’il n’était plus un employé lorsque la GRC l’a embauché, il était simplement sur une liste prioritaire après sa mise en disponibilité. Même s’il a été évalué, aucun processus de sélection n’a été mené.

VI.  Motifs

[186]  Comme il a été indiqué au début, l’avocat de l’employeur a soulevé une objection à la compétence de la Commission pour entendre ce grief parce que le fonctionnaire a été renvoyé en cours de stage en vertu du paragraphe 62(1) de la LEFP et parce que l’article 211 de la Loi stipule que la Commission n’a pas compétence à l’égard d’un licenciement effectué en vertu de la LEFP.

[187]  En ce qui concerne la période de stage, la LEFP énonce ce qui suit à l’alinéa 62(1)a) :

62 (1) À tout moment au cours de la période de stage, l’administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de mettre fin à son emploi au terme du délai de préavis :

a) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques [...]

[…]

Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de ce délai.

[188]  Le règlement traitant les périodes de stage prévoit que dans le cas du fonctionnaire, la période de stage est de 12 mois.

[189]  De plus, le paragraphe 211a) de la Loi se lit comme suit :

211 Les articles 209 et 209.1 n’ont pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur :

a) soit tout licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique [...]

[190]  Par conséquent, en vertu de la LEFP, le fonctionnaire pouvait être rejeté en cours de stage à condition que cela se soit produit pendant sa période de stage de 12 mois. La Commission n’a pas compétence pour un licenciement effectué en vertu de la LEFP.

[191]  En ce qui concerne la jurisprudence applicable, il est juste de dire qu’au cours des dernières années, l’approche à suivre dans les affaires de renvoi en cours de stage a été assez cohérente.

[192]  Un examen de la jurisprudence en vertu de la Loi (telle que modifiée en 2005) montre clairement que la Commission n’a pas compétence pour un renvoi en cours de stage à moins qu’il y ait des preuves que la décision de l’employeur de renvoyer l’employé reposait en fait artificiellement sur la LEFP, ou constituait un subterfuge ou un camouflage. En ce qui concerne le fardeau de la preuve, une fois que l’employeur démontre que l’employé a été licencié en cours de stage et qu’un avis ou une rémunération tenant lieu de préavis a été fourni, le fardeau de la preuve incombe ensuite à l’employé, qui doit démontrer que la décision de l’employeur reposait en fait artificiellement sur la LEFP, ou qu’il s’agissait d’un subterfuge ou d’un camouflage. Tello, l’une des principales décisions de la Commission sur la question, offre certainement un bon aperçu des principes applicables à un renvoi en cours de stage, comme suit au paragraphe 111 :

111 Selon moi, le changement entre l’ancienne LEFP et la nouvelle LEFP, considéré dans le contexte de la jurisprudence récente de la Cour suprême du Canada sur l’approche adéquate à adopter en matière d’emploi dans le secteur public, ne modifie pas considérablement la substance de l’approche que les arbitres de grief devraient prendre à l’égard des griefs sur le renvoi d’un employé en cours de stage. Toutefois, l’omission des mots « pour un motif déterminé » dans l’article 62 de la nouvelle LEFP modifie les exigences du fardeau de la preuve. Le fardeau de la preuve qui incombe à l’administrateur général a été allégé. L’administrateur général n’a maintenant qu’à établir que l’employé était en stage, que la période de stage était encore en vigueur au moment du licenciement et qu’un préavis ou une indemnité en guise de préavis a été donné. L’administrateur général n’est plus tenu de prouver « un motif déterminé » pour le renvoi en cours de stage. En d’autres termes, l’administrateur général n’a pas à établir, selon la prépondérance des probabilités, un motif légitime lié à l’emploi pour le licenciement. Toutefois, les Lignes directrices sur le renvoi en cours de stage du Conseil du Trésor exigent que la lettre de licenciement d’un employé en stage énonce le motif de la décision de licenciement. L’administrateur général demeure tenu de produire la lettre de licenciement comme pièce (généralement par l’intermédiaire d’un témoin) pour prouver qu’il a rencontré les exigences législatives du préavis et du statut de stagiaire. Cette lettre énonce habituellement le motif de la décision de licencier l’employé qui est en cours de stage. Le fardeau de la preuve devient alors celui du fonctionnaire. Il incombe au fonctionnaire de prouver que le licenciement reposait artificiellement sur la nouvelle LEFP, un subterfuge ou un camouflage. Si le fonctionnaire établit qu’il n’y avait pas de « motifs liés à l’emploi » légitimes justifiant le licenciement (autrement dit, si la décision ne reposait pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant aux aptitudes de l’employé : Penner, à la page 438), le fonctionnaire se sera acquitté de son fardeau de la preuve. Outre ce changement au niveau du fardeau de la preuve, la jurisprudence rendue sous l’ancienne LEFP demeure pertinente pour déterminer la compétence sur les griefs à l’encontre du licenciement d’un employé en stage.

[193]  Les principes énoncés dans Tello ont été suivis dans de nombreuses autres décisions, notamment Warman, Ricard c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2014 CRTFP 72, et Le Page c. Agence du revenu du Canada, 2015 CRTEFP 13.

[194]  Bien que la jurisprudence ait été constante au cours des dernières années en ce qui concerne les renvois en cours de stage, cette affaire est particulière en ce sens que le fonctionnaire a contesté le fondement même de la position de l’employeur, à savoir qu’il a été embauché par nomination externe et qu’il était en période de stage lorsque son emploi a pris fin. De plus, il a soutenu que, en réalité, il avait été sanctionné pour ce qui s’était passé alors qu’il était sous la supervision de Mme Proulx dans le Groupe de la gestion des pièces à conviction. Selon lui, il s’agit d’une question disciplinaire à l’égard de laquelle j’ai compétence. Il ajoute que le congédiement repose artificiellement sur la LEFP, un subterfuge ou un camouflage orchestré par la GRC pour se débarrasser de lui.

[195]  Les questions en litige sont les suivantes :

  1. Le fonctionnaire a-t-il été embauché par nomination externe en avril 2016?
  2. Dans l’affirmative, le fonctionnaire était-il en période de stage en vertu du paragraphe 61(1) de la LEFP?
  3. À titre d’argument subsidiaire, en n’incluant pas de référence à la période de stage dans sa lettre d’offre initiale, la GRC est-elle réputée avoir renoncé à la période de stage?
  4. Si le fonctionnaire était en période de stage, le renvoi en cours de stage reposait-il artificiellement sur la LEFP, un subterfuge ou un camouflage?

A.  Le fonctionnaire a-t-il été embauché par nomination externe en avril 2016?

[196]  Selon la preuve non contestée, en 2013, le ministère des Transports a informé le fonctionnaire que ses services n’étaient plus requis. Il a ensuite pris un congé d’études de deux ans, tel qu’il était prévu par sa convention collective de l’époque. En 2015, il a été mis en disponibilité en vertu du paragraphe 64(1) de la LEFP, puis a reçu une priorité de personne mise en disponibilité pendant un an conformément au paragraphe 41(4). Ainsi, en avril 2016, lorsque la GRC l’a recruté, il avait une priorité de personne mise en disponibilité, mais c’était après qu’il ait cessé d’être un fonctionnaire en vertu du paragraphe 64(4) de la LEFP. Cet article énonce clairement l’effet d’une mise en disponibilité sur un fonctionnaire, comme suit : « Le fonctionnaire mis en disponibilité perd sa qualité de fonctionnaire. »

[197]  De plus, lorsque le paragraphe 64(4) est lu conjointement avec le paragraphe 41(4), qui utilise « personne » plutôt que « fonctionnaire » pour décrire la priorité d’une personne mise en disponibilité, il ne fait aucun doute que le fonctionnaire n’était plus un fonctionnaire lorsqu’il a reçu sa lettre d’offre le 28 avril 2016.

[198]  Par conséquent, je conclus qu’une fois qu’il a été mis en disponibilité, en 2015, le fonctionnaire a cessé d’être un fonctionnaire et qu’il a été embauché par nomination externe le 28 avril 2016.

[199]  En tirant ma conclusion, je suis encouragée par le récent jugement de la Cour fédérale dans Canada (Procureur général) c. Santawirya, 2019 CAF 248, où la question consistait à déterminer si Mme Santawirya pouvait déposer un grief après avoir été mise en disponibilité. La Cour a examiné l’effet d’une mise en disponibilité en vertu de l’article 64 de la LEFP et a conclu ce qui suit au paragraphe 15 :

[Traduction]

[15] Le paragraphe 64(4) exprime clairement l’intention du Parlement de déterminer si une personne bénéficiant d’une priorité de mise en disponibilité est un fonctionnaire. Il n’y a aucun doute ou aucune incertitude quant à sa signification ou à la portée de son application. Le Parlement a décidé qu’une personne mise en disponibilité en vertu du paragraphe 64(1) de la LEFP cesse d’être un fonctionnaire […]

B.  Le fonctionnaire était-il en période de stage en vertu du paragraphe 61(1) de la LEFP?

[200]  Normalement, il s’agirait d’une question facile à répondre. Le paragraphe 61(1) de la LEFP indique clairement qu’une personne nommée par nomination externe est en période de stage :

61 (1) La personne nommée par nomination externe est considérée comme stagiaire pendant la période.

a) fixée, pour la catégorie de fonctionnaires dont elle fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques [...]

[…]

[201]  Dans le cas du fonctionnaire, la période de stage est de 12 mois, conformément au paragraphe 2(1) du règlement abordant les périodes de stage. Selon la pratique normale, une personne de l’extérieur de la fonction publique embauchée par une organisation figurant aux annexes I ou IV de la LGFP recevra une lettre d’offre qui, entre autres choses, indiquera à cette personne qu’elle est en période de stage pendant 12 mois.

[202]  Cependant, en l’espèce, la lettre d’offre originale du 28 avril 2016, ne faisait pas référence à la période de stage; selon la preuve, la GRC a pensé à tort que le fonctionnaire était une recrue interne. La preuve a également démontré que personne de la GRC ne lui avait dit qu’il était en période de stage pendant un an. De plus, lorsque la lettre d’offre modifiée lui a été envoyée, personne ne lui a expressément signalé qu’un nouveau paragraphe sur la période de stage avait été ajouté. C’est regrettable.

[203]  Par conséquent, le fonctionnaire a affirmé qu’il n’était pas en période de stage lorsque son emploi a pris fin. L’avocat de l’employeur a soutenu qu’il importait peu que la lettre d’offre originale mentionne qu’il y avait une période de stage de 12 mois, puisque le paragraphe 61(1) de la LEFP indique clairement qu’une personne nommée par nomination externe est considérée comme stagiaire, et qu’une disposition législative claire et non ambiguë ne peut être ignorée.

[204]  Je dois convenir avec l’employeur qu’une fois qu’il est établi que la personne en cause a été nommée par nomination externe, comme en l’espèce, une période de stage s’applique automatiquement. Tel qu’il est indiqué, le paragraphe 61(1) de la LEFP est assez clair et ne peut être ignoré. Même si la lettre d’offre originale ne mentionnait malheureusement pas la période de stage, il n’en demeure pas moins que la loi est très claire en ce qui concerne le fait qu’une personne embauchée par nomination externe est en période de stage, en l’occurrence pendant 12 mois. À mon avis, le fait que la lettre d’offre originale soit malheureusement erronée et ne fasse pas référence à la période de stage ne peut accorder au fonctionnaire des droits substantiels compte tenu des exigences très claires de l’article 61(1).

[205]  Dans Morin, l’arbitre de grief devait décider si le fonctionnaire s’estimant lésé dans cette affaire pouvait invoquer une erreur dans sa lettre d’offre. Tout comme en l’espèce, M. Morin a soutenu qu’il n’était pas en période de stage au moment de son licenciement. Les faits de cette affaire sont essentiellement que la lettre d’offre originale indiquait que M. Morin serait en période de stage pendant 12 mois à compter de la date de son embauche. Cependant, M. Morin a été embauché dans le cadre d’un programme de progression de carrière, approuvé par la Commission de la fonction publique, qui déclarait qu’il serait stagiaire jusqu’à sa nomination à un niveau supérieur, soit au-delà des 12 mois stipulés dans la lettre d’offre originale. Comme dans le cas présent, une fois que la direction a réalisé l’erreur, elle a publié une lettre d’offre modifiée précisant que la période de stage était plus longue que les 12 mois initialement prévus. Il a signé la lettre modifiée et n’a soulevé aucune question. L’arbitre de grief a déclaré ce qui suit aux paragraphes 22 et 24 :

22 Il s’agit plutôt de déterminer si le fonctionnaire s’estimant lésé peut se baser sur une lettre que lui a adressée l’employeur, l’informant, par erreur, qu’il serait considéré en période de stage pendant toute la durée de son emploi jusqu’à concurrence de 12 mois, contrairement à ce que prévoit la loi et le PDCAP approuvé par la CFP.

[…]

24 Le libellé de la lettre du 29 juillet 1999 et le fait que ses supérieurs lui auraient ainsi donné à croire que son stage se terminait dans les 12 mois ne sont pas suffisants pour lui accorder des droits. La décision Hicks (supra) est dans le même sens.

[206]  Par conséquent, je conclus que le fonctionnaire était en période de stage lorsque son emploi a pris fin en avril 2017.

C.  À titre d’argument subsidiaire, en n’incluant pas de référence à la période de stage dans sa lettre d’offre initiale, la GRC est-elle réputée avoir renoncé à la période de stage?

[207]  Comme je l’ai indiqué, j’estime que les exigences du paragraphe 61(1) de la LEFP énoncent clairement que chaque nomination par nomination externe comprend une période de stage. Par conséquent, je suis d’avis que l’argument selon lequel la GRC a renoncé à son droit à une période de stage ne peut être invoqué contre une disposition législative expresse telle que le paragraphe 61(1). Encore une fois, le fait regrettable que la lettre d’offre originale ne mentionne rien au sujet de la période de stage ne suffit pas à conférer des droits incompatibles avec la disposition expresse du paragraphe 61(1).

[208]  Je note que l’alinéa 61(1)a) de la LEFP prévoit clairement que la période de stage doit être fixée par règlement. Les règlements sont pris conformément à des exigences procédurales et légales strictes. Le pouvoir discrétionnaire d’un employeur d’établir ou non une période de stage n’est pas envisagé à l’article 61 de la LEFP et ne respecterait pas les exigences procédurales et juridiques strictes qui s’appliquent à la prise de règlements.

[209]  Le fonctionnaire a également soutenu que, s’il avait su qu’il serait assujetti à une période de stage, il n’aurait pas signé la lettre d’offre modifiée. Le stage étant fixé par la loi et sa durée étant fixée par règlement, le consentement du fonctionnaire n’était pas nécessaire.

D. Si le fonctionnaire était en période de stage, le renvoi en cours de stage reposait-il artificiellement sur la LEFP, un subterfuge ou un camouflage?

[210]  Tel qu’indiqué, la jurisprudence sur les renvois en cours de stage est claire en ce sens que l’employeur doit d’abord démontrer que le licenciement a eu lieu pendant la période de stage et que le fonctionnaire a reçu un préavis ou qu’il a reçu une indemnité tenant lieu de préavis. Il incombe ensuite au fonctionnaire d’établir que le renvoi n’était pas fondé sur une insatisfaction de bonne foi à l’égard de son aptitude à l’emploi, mais plutôt qu’il s’appuyait artificiellement sur la LEFP, ou qu’il constituait un subterfuge ou un camouflage.

[211]  Bien que la jurisprudence soit claire au sujet des fardeaux de preuve respectifs de l’employeur et des employés, il convient de noter qu’il est aussi non équivoque que le fait qu’un employeur déclare qu’un employé a été renvoyé en cours de stage ne suffit pas pour éviter le contrôle de la Commission. La Commission a compétence pour examiner le vrai motif de licenciement d’un employé avant de conclure si elle a compétence pour statuer sur le fond du grief. La Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit dans Jacmain, à la page 42 :

[…] Bien que je convienne que dans le cas d’un employé en stage renvoyé par le sous-chef en vertu de l’art. 28, un arbitre a compétence pour examiner si ce qui a l’apparence d’un renvoi est au fond un congédiement disciplinaire, à mon sens, ceci ne confère pas à l’arbitre compétence pour réviser l’évaluation de l’employé par le sous-chef.

[212]  Ce raisonnement a également été suivi dans Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429; (C.A.), dans laquelle la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

[…]

17 [...] un arbitre saisi d’un grief déposé par un employé renvoyé en cours de stage a le droit d’examiner les circonstances de l’affaire pour s’assurer qu’elle soit réellement ce qu’elle semble être. Cet examen serait effectué en application du principe selon lequel la forme ne devrait pas l’emporter sur le fond. L’on ne peut tolérer que, par l’effet d’un camouflage, une personne soit privée de la protection que lui accorde une loi [...]

[…]

[213]  J’ai déjà constaté que le fonctionnaire avait été licencié alors qu’il était en période de stage. La preuve a également démontré qu’il a reçu une rémunération tenant lieu de préavis. Cependant, le fonctionnaire n’a pas établi que la décision de l’employeur de le licencier n’était pas fondée sur une insatisfaction de bonne foi à l’égard de son aptitude à l’emploi, et qu’il s’appuyait plutôt artificiellement sur la LEFP, ou qu’il s’agissait d’un subterfuge ou d’un camouflage.

[214]  Tout au long de l’audience, à l’appui de son argument selon lequel la décision de renvoi de l’employeur était une ruse, le fonctionnaire a soutenu que la GRC avait tenté de le punir pour son comportement alors qu’il était dans le Groupe de la gestion des pièces à conviction et qu’il s’agit donc d’une affaire disciplinaire, sur laquelle j’ai compétence. Bien qu’il y ait réellement eu des problèmes entre le fonctionnaire et Mme Proulx, dans le Groupe de la gestion des pièces à conviction, problèmes pour lesquels il a reçu la lettre de réprimande, la preuve a révélé que la direction avait décidé d’aller de l’avant et de l’affecter à un autre groupe, sous la supervision de M. Ouellette. La preuve a démontré que les choses s’étaient bien déroulées, que l’affectation du fonctionnaire avait été renouvelée et qu’il était même envisagé de la rendre permanente.

[215]  Ainsi, en décembre 2016, lorsque la lettre d’offre modifiée a été émise, la preuve a démontré que la direction prenait des mesures pour garder le fonctionnaire au sein de l’effectif. Elle n’a pas cherché à tendre un piège au fonctionnaire; au contraire, des pourparlers étaient en cours pour faire de lui un membre permanent du Groupe de l’organisation des transports.

[216]  Ce n’est qu’en mars 2017, lorsqu’elle a été mise au courant des actions du fonctionnaire à la suite d’une plainte du public, que la GRC a réalisé qu’il utilisait une adresse courriel et un téléphone de la GRC dans son différend personnel avec des membres du public. À ce moment, la décision a été prise de le renvoyer alors qu’il était encore en période de stage. Bien que la GRC aurait pu décider de lui imposer des mesures disciplinaires, elle était également disposée à le renvoyer en cours de stage. Comme on le sait, ce n’est pas parce que les actes d’un employé auraient pu être sanctionnés par des mesures disciplinaires que l’employeur ne pouvait pas le renvoyer en cours de stage et que sa décision reposait artificiellement sur la LEFP ou constituait un subterfuge ou un camouflage. Ainsi, les situations dans lesquelles le comportement d’un employé pourrait entraîner des mesures disciplinaires peuvent, dans des circonstances appropriées, être également à l’origine d’un renvoi en cours de stage. D’Aoust énonce ce qui suit au paragraphe 133 :

133 Je conclus, sur le fondement des propres déclarations écrites du fonctionnaire et de son témoignage, que l’employeur avait des motifs justifiant la prise de mesures disciplinaires contre le fonctionnaire, mais qu’il a décidé de ne pas les prendre. Cela ne permet pas pour autant de conclure que le renvoi du fonctionnaire en cours de stage était une mesure disciplinaire déguisée, ni d’établir que l’employeur a agi de mauvaise foi (Ricard c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2014 CRTFP 72). Même si un employé peut faire l’objet de mesures disciplinaires en raison d’un comportement fautif, l’employeur peut tout de même décider de renvoyer cet employé en cours de stage, plutôt que d’imposer une mesure disciplinaire.

[217]  Tel qu’il est mentionné, les choses ont changé en février 2017 après l’incident impliquant le fonctionnaire et des parties publiques en dehors des heures de travail. Sa voiture a été remorquée le 22 février, ce qui a déclenché son différend privé avec la société de gestion du stationnement et le gestionnaire immobilier du terrain de stationnement qui l’a embauchée. Il s’agit d’un différend privé et je n’aborderai pas son mérite.

[218]  Selon la preuve, au cours de son différend, le fonctionnaire a envoyé un courriel à des tiers à partir d’un ordinateur de la GRC, utilisant ainsi son adresse courriel de la GRC. Par conséquent, les propriétaires de la société de gestion du stationnement ont affirmé qu’ils pensaient qu’il était un agent de la GRC. Il leur a également téléphoné depuis la ligne fixe de la GRC, de sorte que, parfois, l’écran de leur téléphone indiquait que la GRC appelait.

[219]  Dans son témoignage et ses arguments, bien que le fonctionnaire ait reconnu avoir utilisé son adresse courriel de la GRC dans son différend avec des particuliers et présenté des excuses à ce sujet, il a soutenu qu’il l’avait fait parce que son ordinateur personnel était en réparation et qu’il n’avait jamais eu l’intention de faire croire aux gens qu’il était un agent de la GRC.

[220]  Lors de son entrevue avec le gendarme Brody, le fonctionnaire a admis avoir utilisé 23 fois l’adresse courriel de la GRC dans son différend. Quant aux appels passés aux particuliers impliqués dans le différend en utilisant la ligne fixe de la GRC, il n’a pas nié l’avoir fait. Il a expliqué qu’il ne savait pas que les personnes qu’il avait appelées voyaient la GRC comme l’appelant sur leur afficheur téléphonique. De nouveau, lors de son entrevue avec le gendarme Brody, il a confirmé avoir bloqué son nom lorsqu’il appelait de chez lui, mais a admis ne pas le faire lorsqu’il appelait depuis le téléphone de la GRC (pièce E-1, onglet 14, page 2).

[221]  Face à cette situation, je peux comprendre que la GRC avait de sérieuses inquiétudes concernant les actions du fonctionnaire, surtout qu’il l’a apparemment entraînée dans son différend avec des membres du public. Malgré sa déclaration selon laquelle il n’a jamais eu l’intention d’utiliser son adresse courriel de la GRC et son téléphone pour faire croire aux gens qu’il était un agent de la GRC, j’ai quelques doutes. M. M. Proulx l’a certainement pensé en soulevant la question auprès du caporal Letourneau. J’ajouterais que tout le monde sait que la GRC est le corps policier national du Canada et que toute personne recevant un appel ou un courriel de la GRC pourrait très bien être intimidée et supposer que l’appelant est un agent de la GRC.

[222]  Le fonctionnaire a soutenu qu’il avait utilisé l’ordinateur de son employeur parce que son ordinateur était cassé. Même si cela était vrai, et bien que je convienne qu’il pourrait être toléré que les employés utilisent, à l’occasion, les ordinateurs de leurs employeurs, l’utilisation d’une adresse électronique de la GRC n’est certainement pas encouragée lorsqu’il s’agit d’un différend personnel avec des tiers. Il en va de même pour le téléphone; les employés ne devraient pas utiliser un téléphone de la GRC dans des litiges avec des tiers. Sur ce point, je note que, selon les notes du gendarme Brophy, le fonctionnaire a pris des mesures pour bloquer son numéro de téléphone résidentiel lorsqu’il a fait des appels dans le cadre de son différend. Bien qu’il ait dit qu’il avait fait cela pour éviter que sa femme malade ne soit dérangée par les appels de retour, je note qu’il n’a pas pris la même précaution lors des appels effectués à partir du téléphone de la GRC (pièce E-1, onglet 4, page 2).

[223]  Par conséquent, je comprends pourquoi, lorsqu’elle a été informée que le fonctionnaire avait utilisé son adresse électronique et son téléphone lors de son différend avec des particuliers, la GRC a mis en doute l’aptitude du fonctionnaire à travailler au sein de son organisation.

[224]  La période de stage prévue dans la LEFP est un délai qui permet à un employeur de déterminer si un employé convient à son organisation. Dans Ricard, l’arbitre de grief a indiqué ce qui suit :

[…]

[119] Une période de stage est conçue pour donner à un employeur du temps pour évaluer l’aptitude d’un nouvel employé à occuper un poste. C’est pourquoi les stagiaires n’ont pas la même sécurité d’emploi que les employés permanents. Dans Penner et Tello, il est clairement établi que l’évaluation de l’aptitude d’un employé ne se limite pas au rendement au travail ou à la production, mais peut également avoir trait au caractère ou à l’aptitude générale [...]

[…]

[225]  Je conclus que le fonctionnaire ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve de démontrer que la décision de l’employeur de mettre fin à son emploi n’était pas fondée sur une insatisfaction sincère quant à son aptitude à l’emploi, mais qu’elle s’appuyait artificiellement sur la LEFP, ou constituait un subterfuge ou un camouflage. Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VII.  Ordonnance

[226]  L’objection à la compétence est accueillie.

[227]  Le grief est rejeté.

Le 23 mars 2020.

Traduction de la CRTESPF

Linda Gobeil,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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