Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté le refus de l’employeur de lui verser l’indemnité de rappel au travail après qu’il a reçu deux brefs appels à domicile après son quart – la convention collective prévoyait l’indemnité de rappel au travail lorsqu’un employé « rentre au travail » à la demande de l’employeur – la Commission a conclu que l’indemnité de rappel au travail visait historiquement à faire référence à une situation dans laquelle un employé doit retourner au lieu de travail pour exécuter un service supplémentaire à la demande de l’employeur – la Commission a conclu que l’expression « rentre au travail » dans la convention collective signifie « retourne au lieu de travail » et non pas simplement « accompli[r] du travail après avoir quitté le lieu de travail pour la journée ».

Grief rejeté.

Contenu de la décision


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1]  Robert Borgedahl, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a contesté la décision du Service correctionnel du Canada (l’« employeur ») de refuser de lui verser l’indemnité de rappel au travail. Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait droit à l’indemnité de rappel au travail lorsqu’il a reçu deux brefs appels de l’employeur au sujet de questions liées au travail alors qu’il était à domicile. L’employeur a refusé un tel droit pour plusieurs motifs, notamment le fait que l’indemnité de rappel au travail n’est payable que lorsqu’un employé est tenu de retourner à son lieu de travail après l’avoir quitté pour la journée.

[2]  Le fonctionnaire a renvoyé son grief à l’arbitrage le 5 août 2015.

[3]  Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (LRTSPF).

[4]  Aux fins du présent arbitrage de grief, le fonctionnaire était visé par la convention collective qui est venue à échéance le 31 mai 2018, pour l’unité de négociation du groupe Services correctionnels (la « convention collective »), qui avait été conclue entre l’employeur et le Syndicat des agents correctionnels du Canada – Union of Canadian Correctional Officers – CSN (l’« agent négociateur »).

II.  Énoncé conjoint des faits

[5]  Les parties ont convenu de procéder au moyen d’arguments écrits basés sur un exposé conjoint des faits. Je vais maintenant exposer l’énoncé dans son intégralité (sous réserve seulement de changements apportés à la numérotation).

[6]  Le fonctionnaire est employé par l’employeur à titre d’agent correctionnel, classifié au groupe et au niveau CX‑02, à l’Établissement de Bowden, situé à proximité d’Innisfail et de Bowden, en Alberta, dans sa section des Opérations de sécurité.

[7]  Le 31 mars 2015, le fonctionnaire a terminé son travail au poste de sécurité des visiteurs pour la journée et a quitté l’Établissement de Bowden à la fin de son quart. Il n’est jamais retourné à l’Établissement de Bowden ce jour‑là.

[8]  Le même jour, alors qu’il était à domicile entre 21 h 30 et 22 h, il a reçu deux brefs appels téléphoniques liés au travail sur son téléphone personnel. Les appels concernaient un insigne de visiteur manquant et un permis de conduire qui avait été laissé à la réception du poste de sécurité des visiteurs, où il avait travaillé de 7 h à 15 h 30.

[9]  Le premier appel téléphonique était de Phil Brochu, qui s’est identifié comme appelant du [traduction] « bureau du gestionnaire correctionnel », et le deuxième était de Kevin Machan. Les deux appels étaient brefs; combinés, ils n’ont duré que quelques minutes.

[10]  Le 13 avril 2015, le fonctionnaire a déposé un grief, qui était ainsi rédigé :

[Traduction]

Le 31 mars 2015, j’ai reçu deux appels téléphoniques à la maison du bureau du gestionnaire correctionnel, entre 21 h 30 et 22 h, concernant une question liée au travail (mon quart de travail à cette date était de 7 h à 15 h 30). Étant donné qu’il s’agissait d’une question liée au travail, j’estime que je devrais avoir droit à l’indemnité de rappel au travail. L’Établissement refuse de payer trois heures supplémentaires pour ces deux appels téléphoniques à mon domicile.

[11]  Dans son grief, il a demandé la mesure corrective suivante : [traduction] « Être rémunéré trois heures supplémentaires pour ces appels téléphoniques. »

[12]  L’employeur a rejeté le grief à tous les paliers de la procédure interne de règlement des griefs.

[13]  Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 5 août 2015.

[14]  Le fonctionnaire était visé par la convention collective. L’article 24 de la convention collective traite de l’indemnité de rappel au travail et les clauses 21.12 et 21.13 portent sur la rémunération du travail supplémentaire. Ces dispositions sont ainsi rédigées :

Article 21 : durée du travail et heures supplémentaires

[…]

21.12 Rémunération du travail supplémentaire

L’employé‑e a droit à une rémunération à tarif et trois quarts (1 3/4) sous réserve du paragraphe 21.13 pour chaque heure supplémentaire de travail supplémentaire exécutée par lui.

Pour plus de précision, toute référence à la rémunération du travail supplémentaire ailleurs dans la présente convention collective est à tarif et trois quarts (1 3/4).

21.13 L’employé‑e recevra une indemnité pour chaque période complète de quinze (15) minutes de travail qu’il exécute en temps supplémentaire.

[…]

Article 24 : indemnité de rappel au travail

À compter du 1er janvier 2014, toutes les références et les droits en lien avec les jours fériés désignés payés ne s’appliqueront plus aux employé‑e‑s qui travaillent par quarts conformément au paragraphe 21.02 de cette convention.

24.01 Si l’employé‑e est rappelé au travail :

a) un jour férié désigné payé qui n’est pas un jour de travail prévu à son horaire,

ou

b) un jour de repos,

ou

c) après avoir terminé son travail de la journée et avoir quitté les lieux de travail, et rentre au travail, il touche le plus élevé des deux (2) montants suivants :

i) une rémunération équivalente à trois (3) heures de rémunération au taux de rémunération des heures supplémentaires applicable pour chaque rappel au travail, jusqu’à concurrence de huit (8) heures de rémunération dans une période de huit (8) heures. Ce plafond comprend l’indemnité de rentrée au travail prévue au paragraphe 22.03 de la présente convention collective;

ou

ii) une rémunération au taux des heures supplémentaires applicable pour les heures de travail effectuées,

à la condition que la période travaillée ne soit pas accolée aux heures de travail normales de l’employé‑e.

d) Le paiement minimum mentionné au sous‑alinéa 24.01c)(i) ci‑dessus ne s’applique pas aux employé‑e‑s à temps partiel. Les employé‑e‑s à temps partiel recevront un paiement minimum en vertu du paragraphe 35.11 de la présente convention collective.

24.02 Sauf dans les cas où l’employé‑e est tenu par l’Employeur d’utiliser un véhicule de ce dernier pour se rendre à un lieu de travail autre que son lieu de travail normal, le temps que l’employé‑e met pour se rendre au travail ou pour rentrer chez lui n’est pas considéré comme du temps de travail.

[…]

[15]  Si le fonctionnaire se voyait accorder trois heures de rémunération en temps supplémentaire en vertu de l’article 24 de la convention collective, il aurait droit à un montant brut d’environ 190,98 $.

III.  Arguments

A.  Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

[16]  Le fonctionnaire a soutenu que la clause 24.01c) de la convention collective s’applique lorsqu’un employé effectue ce qui suit :

[17]  Le fonctionnaire a fait valoir que la troisième condition n’exige pas que l’employé exécute le travail supplémentaire au lieu de travail. L’expression « rentre au travail » signifie, en fait, [traduction] « entre ou retourne dans un état d’exécution du travail ». Il n’est pas nécessaire que le travail en question soit effectué au lieu de travail. Le travail envisagé par l’expression pourrait être effectué n’importe où. Tout ce qui compte, c’est qu’un employé qui a quitté son lieu de travail est ensuite tenu par l’employeur d’exercer certains travaux pendant une période qui serait par ailleurs du temps personnel.

[18]  Le fonctionnaire a soutenu que si la convention collective avait eu pour but que l’expression « rentre au travail », telle qu’elle est utilisée à la clause 24.01c) de la convention collective, signifie un retour nécessaire au lieu de travail, cela aurait été indiqué. La convention collective aurait pu indiquer [traduction] « retour au lieu de travail », comme, par exemple, dans OPSEU v. Ontario (Ministry of Government Services), 2011 CarswellOnt 7120, mais ce n’est pas le cas. Cela étant, un employé peut être considéré comme ayant fait un [traduction] « retour au travail », que le travail ait été effectué ou non dans les locaux de l’employeur ou à la résidence de l’employé; voir Markham Stouffville Hospital v. CUPE, Local 3651, 2007 CarswellOnt 8024, au paragraphe 31.

[19]  Le fonctionnaire a ajouté que l’intention de l’indemnité de rappel au travail est de rémunérer un employé pour la perturbation de son temps personnel. Elle ne vise pas à rémunérer le temps de déplacement; voir OPSEU v. Northeast Mental Health Centre, 2004 CarswellOnt 9815. En l’espèce, le fonctionnaire avait quitté le travail. Il était à la maison. Son temps personnel a été interrompu, perturbé et consacré aux deux appels de son employeur, aussi brefs aient-ils été, portant sur des questions liées au travail. En répondant aux appels, il a effectué un [traduction] « retour au travail » et avait donc droit à l’indemnité de rappel au travail en vertu de la clause 24.01c) de la convention collective.

[20]  En conséquence, le fonctionnaire a demandé ce qui suit :

B.  Pour l’employeur

[21]  Dans ses longs arguments écrits, l’employeur a soutenu essentiellement ce qui suit :

C.  Réponse du fonctionnaire s’estimant lésé

[22]  Le fonctionnaire a réitéré son argument central selon lequel l’expression « rentre au travail » est beaucoup plus large que l’expression [traduction] « retour au lieu de travail ». Bien que cette dernière formulation exige que l’employé retourne physiquement au lieu de travail, la première ne l’exige pas : [traduction] « En l’absence d’un libellé dans la convention collective qui exigerait la présence au travail, l’indemnité de rappel au travail devrait être interprétée comme une indemnisation pour la perturbation du temps personnel d’une personne et rien d’autre »; voir Northeast Mental Health Centre, au paragraphe 49.

[23]  Le fonctionnaire a fait valoir que la thèse de l’employeur figurant au paragraphe 8 de ses arguments en réplique lui permettrait [traduction] « […] d’utiliser ses employés pour des questions liées au travail, sans rémunération, après qu’ils ont quitté le lieu de travail ». Cette thèse est insoutenable, injuste et inéquitable. Il a ajouté que le travail exécuté à domicile constitue quand même du travail. Bon nombre de personnes travaillent à domicile, même lorsqu’elles ont un lieu de travail à l’extérieur du domicile.

[24]  Le fonctionnaire s’est également opposé à la suggestion de l’employeur selon laquelle, en tant qu’agent correctionnel, son poste diffère de celui d’un fonctionnaire ordinaire.

[25]  Le fonctionnaire ne souscrivait pas à l’argument de l’employeur selon lequel la version française de la clause 24.01c) appuie l’exigence que l’employé doit effectivement retourner au lieu de travail. Il a fait valoir que la version française comporte les mêmes trois exigences que la version anglaise, à savoir :

[Je souligne]

[26]  Il a soutenu que la version française établit clairement une distinction entre le fait de retourner au lieu de travail) et le fait de rentrer au travail. Il a ajouté que le terme « rentrer » ne précise pas en soi un lieu. Cela signifie [traduction] « retourner à ce que la personne faisait avant ». Par conséquent, l’expression « rentre au travail » signifie [traduction] « retour au travail » et non [traduction] « retour au lieu de travail ».

[27]  Le fonctionnaire a ensuite soutenu que l’argument de l’employeur, à savoir que la réception de deux brefs appels téléphoniques ne constituait pas du travail, était erroné. Le fonctionnaire a répondu au téléphone et aux questions de l’employeur portant sur un problème lié au travail. Quelle que soit la définition, il s’agissait d’un travail. Si l’intention de la convention collective avait été autre, elle aurait précisé qu’afin d’avoir droit à l’indemnité de rappel au travail, un employé devait retourner au lieu de travail. Ce n’est cependant pas ce que dit la convention collective.

[28]  Enfin, le fonctionnaire s’est opposé à ce que l’employeur s’appuie sur ce qui a été dit ou convenu dans d’autres conventions collectives conclues avec d’autres agents négociateurs. L’agent négociateur du fonctionnaire n’a pas négocié ces autres conventions. La convention collective qui s’applique en l’espèce est déterminante,  non la formulation d’autres conventions collectives conclues entre d’autres employeurs et agents négociateurs.

IV.  Analyse et décision

[29]  La principale tâche dans l’interprétation d’une disposition d’une convention collective consiste à déterminer son intention telle qu’elle est révélée dans les termes utilisés. On interprète la disposition dans le contexte de la convention dans son ensemble, on accorde aux termes leur sens ordinaire (sauf si ce sens donne lieu à un résultat absurde ou que la convention lui accorde une signification spéciale) et on tient compte des circonstances connues par l’employeur et par l’agent négociateur au moment où ils ont conclu la convention. En outre, et dans le contexte des conventions assujetties à la Loi, la décision de la Commission « […] ne peut avoir pour effet d’exiger la modification d’une convention collective ou d’une décision arbitrale »; voir l’article 229. Voir également Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, aux paragraphes 46 à 48.

[30]  En gardant ces observations à l’esprit, mais avant d’examiner les arguments des parties, j’établirai les dispositions de la convention collective qui, à mon avis, permettront d’interpréter la clause 24.01c).

A.  Dispositions pertinentes de la convention collective

[31]  La clause 2.01n) définit « heures supplémentaires » comme suit :

[…]

  1. dans le cas d’un‑e employé‑e à temps plein, les heures de travail qu’il est autorisé à effectuer en sus de son horaire normal de travail;

 ou

  1. dans le cas d’un‑e employé‑e à temps partiel, les heures de travail qu’il est autorisé à effectuer en sus de la durée normale journalière ou hebdomadaire de travail d’un‑e employé‑e à temps plein prévue dans la présente convention collective, mais ne comprend pas les heures effectuées un jour férié; […]

[32]  Le terme « quart » est défini comme suit à la clause 2.01p) « […] les heures de travail continues normalement prévues à l’horaire de l’employé‑e, ne désigne pas le poste auquel l’employé‑e est affecté […] ».

[33]  La Partie 3 (articles 21 à 35) de la convention collective porte sur les conditions de travail. Plusieurs dispositions concernent l’organisation et la rémunération de différents types de travail.

[34]  L’article 21 porte sur les heures de travail et les heures supplémentaires. La clause 21.01 prévoit que lorsque l’horaire de travail « […] est établi de manière régulière, il doit être tel que les employé‑e‑s travaillent » :

[35]  Les horaires de quarts doivent être affichés au moins 28 jours à l’avance, conformément à la clause 21.03a). Lorsque les quarts sont établis suivant un horaire irrégulier ou par rotation, ils doivent être établis de façon à ce que l’employé‑e (clause 21.02a)) :

[…]

  1. travaille une moyenne de quarante (40) heures par semaine pendant la durée de l’horaire de quarts,

et

  1. travaille huit virgule cinq (8,5) heures par jour.

[36]  La clause 21.10 porte sur la répartition des heures supplémentaires. Elle exige que l’employeur, entre autres, consacre « […] tout effort raisonnable pour […] donner aux employé‑e‑s, qui sont obligés de travailler des heures supplémentaires, un préavis suffisant de cette obligation » en vertu de la clause 21.01c). Les heures supplémentaires sont rémunérées à tarif et trois quarts (1 3/4) aux termes de la clause 21.11 pour chaque période complète de 15 minutes de travail que l’employé « exécute en temps supplémentaire »; voir la clause 21.13

[37]  La clause 21.16 (« Situation d’urgence ») prévoit la rémunération au taux des heures supplémentaires lorsqu’un employé, dans « le cas d’une situation d’urgence » est tenu de travailler entre la fin de son quart normalement prévu à son horaire et le début du prochain quart de travail normalement prévu à son horaire.

[38]  La clause 22.01 (dans la section portant sur l’indemnité de rentrée au travail) prévoit qu’un employé qui se présente au travail pour travailler son quart prévu à l’horaire est rémunéré pour le temps réellement passé à travailler ou pour quatre (4) heures au minimum aux taux des heures normales, soit le plus élevé de ces deux (2) montants. La clause 22.02 prévoit que « [l]e temps que l’employé‑e met pour se rendre au travail ou pour rentrer chez lui n’est pas considéré comme étant du temps de travail. » La clause 22.03 ajoute ce qui suit :

22.03 Les paiements prévus aux termes de l’indemnité de rappel au travail et de l’indemnité de rentrée au travail ne sont pas cumulés, c’est‑à‑dire que l’employé‑e n’a pas droit à plus d’une rémunération pour le même service.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

[39]  Cela nous amène à l’article 24 (indemnité de rappel au travail), que j’ai reproduit intégralement ci‑dessous par souci de commodité :

[…]

24.01  Si l’employé‑e est rappelé au travail :

  1. un jour férié désigné payé qui n’est pas un jour de travail prévu à son horaire,

ou

  1. un jour de repos,

ou

  1. après avoir terminé son travail de la journée et avoir quitté les lieux de travail, et rentre au travail, il touche le plus élevé des deux (2) montants suivants :

  1. une rémunération équivalent à trois (3) heures de rémunération au taux de rémunération des heures supplémentaires applicable pour chaque rappel au travail, jusqu’à concurrence de huit (8) heures de rémunération dans une période de huit (8) heures. Ce plafond comprend l’indemnité de rentrée au travail prévue au paragraphe 22.03 de la présente convention collective;

ou

  1. une rémunération au taux des heures supplémentaires applicable pour les heures de travail effectuées,

à la condition que la période travaillée ne soit pas accolée aux heures de travail normales de l’employé‑e.

  1. Le paiement minimum mentionné au sous‑alinéa 24.01c)(i) ci‑dessus ne s’applique pas aux employé‑e‑s à temps partiel. Les employé‑e‑s à temps partiel recevront un paiement minimum en vertu du paragraphe 35.11 de la présente convention collective.

24.02  Sauf dans les cas où l’employé‑e est tenu par l’Employeur d’utiliser un véhicule de ce dernier pour se rendre à un lieu de travail autre que son lieu de travail normal, le temps que l’employé‑e met pour se rendre au travail ou pour rentrer chez lui n’est pas considéré comme du temps de travail.

Non‑cumul des paiements

24.03  Les paiements prévus en vertu des dispositions concernant les heures supplémentaires, l’indemnité de rentrée au travail, des dispositions concernant les jours fériés désignés payés et l’indemnité de disponibilité de la présente convention collective, ainsi que du paragraphe 24.01 ci‑dessus, ne doivent pas être cumulés; c’est‑à‑dire que l’employé‑e n’a pas droit à plus d’une rémunération pour le même service.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

[40]  Je précise que la convention collective ne comporte aucune disposition relative à la disponibilité.

B.  Interprétation

[41]  La question centrale concerne le sens de l’expression « rentre au travail » qui figure à la clause 24.01c). Selon le fonctionnaire, elle signifie que l’employé retourne à [traduction] « un état de travail » ou [traduction] « au travail » – c’est‑à‑dire qu’il exécute un service ou une tâche pour l’employeur. L’endroit où ce service ou cette tâche est exécuté importe peu. Tout ce qui importe, c’est qu’il est exécuté après que l’employé ait quitté son lieu de travail.

[42]  En revanche, selon l’employeur, l’expression « rentre au travail » signifie [traduction] « retourne au lieu de travail ». La clause 24.01c) ne s’applique que lorsque l’employé doit retourner physiquement au lieu de travail.

[43]  Ce désaccord quant à la signification de l’expression « rentre au travail » est survenu en partie parce que l’expression, de manière indépendante et sans le bénéfice du contexte, est ambiguë. Par exemple, supposons qu’un employé est en pause‑café et déclare [traduction] « Je dois retourner au travail ». Puisque l’employé est déjà à son lieu de travail, l’expression serait interprétée comme signifiant [traduction] « retourner travailler ». D’autre part, si le même employé est à domicile et dit qu’il [traduction] « doit retourner au travail », alors normalement, on entendrait qu’il doit [traduction] « retourner au lieu de travail ».

[44]  L’ambiguïté apparente de l’expression découle des sens distincts, mais qui se chevauchent, du terme « travail ». Le terme « travail » peut être un verbe ou un nom, et ses définitions comprennent à la fois la prestation d’un service en contrepartie d’une rémunération et le lieu où ce service est effectué. Voici quelques exemples de définitions prévues dans des dictionnaires :

[Traduction]

[Tiré de Merriam‑Webster.com :]

[…] activité dans le cadre de laquelle on exerce sa force ou ses capacités pour faire ou accomplir quelque chose […]

[…]

[…] lieu de travail d’une personne […].

[…]

[Tiré de Dictionary.com :]

[…] emploi, comme dans une certaine forme d’industrie, surtout comme moyen de gagner sa vie […]

[…]

[…] lieu de travail d’une personne […].

 

[Tiré de Dictionary.Cambridge.Org :]

[…] une activité, comme un emploi, dans le cadre de laquelle une personne exerce un effort physique ou mental, habituellement en contrepartie d’argent […]

[…]

[…] un endroit où une personne se rend particulièrement pour exécuter son emploi […].

[45]  Le fonctionnaire, lorsqu’il a fait valoir ses arguments selon lesquels l’expression « rentre au travail » dans le contexte de la disposition relative à l’indemnité de rappel au travail signifie simplement le retour à la prestation d’un service, a insisté sur le fait que ce qu’il a déclaré constitue la justification de l’indemnité de rappel au travail. Il a déclaré que l’indemnité de rappel au travail vise à indemniser les employés uniquement pour la perturbation de leur vie personnelle causée par l’obligation d’exécuter un travail supplémentaire après leur retour à la maison. L’argument du fonctionnaire signifierait que l’indemnité de rappel au travail ne vise pas à rémunérer le temps de déplacement nécessaire pour retourner au lieu de travail, surtout maintenant, alors que les progrès technologiques permettent, dans certains cas, d’exécuter le travail en question sans avoir à retourner au lieu de travail.

[46]  Le fonctionnaire s’est appuyé fortement sur une série de décisions arbitrales qui semblent appuyer sa position selon laquelle la justification de l’indemnité de rappel au travail n’a rien à voir avec une obligation d’un retour physique au travail. J’ai à l’esprit les décisions rendues dans Northeast Mental Health Centre et Markham Stouffville Hospital.

[47]  Northeast Mental Health Centre concernait des employés qui travaillaient en deux équipes et qui traitaient avec des clients atteints de maladies mentales chroniques ou graves. Pendant leurs quarts réguliers, ils recevaient des appels et offraient un soutien à leurs clients. Pendant les fins de semaine, un membre de chaque équipe devait être en disponibilité à partir de son domicile et il touchait une indemnité de disponibilité en contrepartie. Pendant qu’il était en disponibilité, l’employé pouvait recevoir des appels de clients et leur offrir un soutien. Le travail était exactement le même travail qu’il effectuait pendant les heures normales de travail au cours de la semaine. Lorsqu’il exécutait ce travail, il était rémunéré en tant qu’heures supplémentaires. Parfois, les employés en disponibilité devaient également se rendre à l’extérieur de leur domicile pour répondre aux appels. Dans ces cas, ils touchaient une indemnité de rappel au travail minimal de deux heures, plutôt que l’indemnité de disponibilité.

[48]  L’agent négociateur dans cette affaire a contesté le refus de l’employeur de verser les taux d’indemnité de rappel au travail aux employés qui ont répondu, alors qu’ils étaient en disponibilité, à des appels qui n’ont pas nécessité qu’ils quittent leur domicile. Un conseil d’arbitrage a examiné la jurisprudence arbitrale portant sur l’indemnité de rappel au travail et sa justification. L’examen, aux paragraphes 20 à 45, est instructif. Il résume la jurisprudence au paragraphe 46 comme suit :

[Traduction]

46 Depuis [International Molders & Allied Workers’ Union, Local 49 v. Webster Manufacturing (London) Ltd. (1971), 23 L.A.C. 37; « Webster »], les premières décisions semblent indiquer que les objectifs initiaux de l’indemnité de rappel au travail étaient tripartites – (1) fournir une rémunération pour la perturbation de la vie privée de la personne, (2) pour le désavantage physique d’avoir à se déplacer de nouveau et à faire un déplacement imprévu à destination et en provenance du lieu de travail et (3) créer une dissuasion à l’égard de l’employeur afin de s’assurer qu’il n’abuse pas du rappel au travail.

[49]  Toutefois, le conseil d’arbitrage a ajouté que, selon lui, [traduction] « […] il a été reconnu que le deuxième objectif (si jamais il existe) est devenu de moins en moins pertinent étant donné que la technologie moderne a permis de brouiller sensiblement les lignes entre le travail et la vie privée » (au paragraphe 47). Par conséquent, il y a eu [traduction] « […] une marche constante visant à s’écarter de l’analyse initiale de Webster » de sorte que la [traduction] « […] vaste majorité des arbitres de différends comprennent maintenant l’objectif général justifiant l’indemnisation de la perturbation de la vie privée et rien de plus » (au paragraphe 48). En conséquence, le conseil d’arbitrage a conclu que [traduction] « [e]n l’absence d’un libellé dans la convention collective qui exigerait une présence au travail, l’indemnité de rappel au travail devrait être interprétée comme la rémunération pour la perturbation du temps personnel d’une personne et rien d’autre » (au paragraphe 49). Toutefois, je précise que le conseil d’arbitrage a trouvé des termes du contraire dans la convention collective dans cette affaire et qu’il a fini par rejeter le grief.

[50]  Markham Stouffville Hospital concernait des employés d’entretien dont les fonctions régulières comprenaient le contrôle et l’ajustement des systèmes environnementaux et des capteurs de l’employeur (un hôpital). La convention collective prévoyait la rémunération des heures supplémentaires, l’indemnité de rentrée au travail, l’indemnité de disponibilité et l’indemnité de rappel au travail. Les employés en disponibilité, dont on exigeait qu’ils soient disponibles en dehors des heures normales de travail, avaient droit à une indemnité de disponibilité. Les employés [traduction] « […] rappelés au travail après avoir terminé un quart régulier […] » devaient toucher une rémunération minimale de quatre heures au tarif et demi. L’indemnité de disponibilité cessait lorsqu’un employé était appelé au travail en vertu de la disposition relative au rappel au travail.

[51]  Aucun employé d’entretien n’était sur place à l’hôpital pendant la nuit. Un employé d’entretien était en disponibilité pour régler tout problème qui survenait pendant la nuit. Le système environnemental de l’employeur pouvait être contrôlé à distance au moyen d’un ordinateur portable, qui était fourni aux employés d’entretien mis en disponibilité. Parfois, ils étaient appelés pendant la nuit au sujet d’un problème qu’ils pouvaient régler à distance, sans quitter leur domicile, au moyen de l’ordinateur portable. Lorsque de tels appels étaient reçus, l’employeur a dit que les employés devraient être rémunérés au taux des heures supplémentaires. L’agent négociateur a dit qu’ils devraient être rémunérés en vertu des dispositions relatives au rappel au travail.

[52]  Le conseil d’arbitrage était d’avis que la disposition relative au rappel au travail ne comportait aucune ambiguïté. Il a indiqué ce qui suit au paragraphe 20, conformément à l’analyse dans Northeast Mental Health Centre :

[Traduction]

20 Les changements technologiques permettent de plus en plus aux employés d’exécuter leur travail aussi bien à distance. Lorsqu’ils travaillent dans le cadre des activités de l’employeur à leur domicile pendant leur temps de repos, les employés ne sont pas moins rappelés au travail que s’ils sont tenus de se rendre physiquement au travail […] même si la perturbation physique sera évidemment moindre. […]

[53]  Il a ensuite expliqué ce qui suit au paragraphe 22 :

[Traduction]

22 […] la principale différence entre les dispositions relatives aux heures supplémentaires et celles relatives au rappel au travail est la garantie d’une rémunération de quatre heures pour le rappel au travail. Pourquoi la garantie existe‑t‑elle? La justification d’avoir une prime de rappel au travail a été expliquée comme une rémunération pour la perturbation importante que représente l’obligation de travailler pendant ses heures de repos et comme le fait de décourager les employeurs de recourir inutilement et trop souvent aux services de ses employés lorsqu’ils ne sont pas censés de travailler.

[54]  Le conseil d’arbitrage a ajouté au paragraphe 23 qu’il était d’avis que l’approche adoptée dans Webster, [traduction] « […] qui comprenait un renvoi à la perturbation causée par le fait de quitter son domicile et de se rendre physiquement au travail […] », avait été [traduction] « […] progressivement écartée dans le cadre de la jurisprudence arbitrale subséquente. » En fin de compte, au paragraphe 30, il a suivi la voie tracée dans Northeast Mental Health Centre et a conclu qu’en l’absence d’un libellé exprès exigeant une présence physique au lieu de travail, le fait d’être [traduction] « rappelé au travail » ou [traduction] « appelé au travail » pourrait signifier [traduction] « […] être rappelé physiquement au lieu de travail, mais […] il comprend le rappel temporaire, l’obligation de “reprendre le travail”, pour continuer le travail pour l’employeur. »

[55]  En fin de compte, je n’ai pas été convaincu que la nécessité de retourner au lieu de travail n’est plus un élément constitutif de l’indemnité de rappel au travail prévue dans la convention collective dont je suis saisi. Mon scepticisme est justifié par plusieurs raisons.

[56]  En premier lieu, l’expression « rappel au travail » n’est pas un terme technique. Elle a des significations bien reconnues en dehors des modalités particulières des conventions collectives. Voici quelques exemples :

[Traduction]

[Tiré de Dictionary.com (comme « rappel ») :]

[…] un acte de rappel.

[…] une convocation de travailleurs pour retourner au travail après une mise à pied.

[…] une convocation d’un employé pour retourner au travail après les heures de travail, aux fins d’affaires urgentes.

[…] une demande à un artiste qui a auditionné pour un rôle, une réservation ou quelque chose de semblable pour revenir faire une autre audition.

[Tiré de Merriam‑Webster.com (aussi « rappel ») :]

[…]

[…] un appel public d’un fabricant visant le retour d’un produit qui peut être défectueux ou contaminé […]

[…] un rappel d’un employé pour travailler après une mise à pied

[…] une deuxième audition ou une audition supplémentaire aux fins d’un rôle au théâtre […].

[Tiré de The Canadian Oxford Dictionary (1998) (également « rappel » :]

[…] une situation de rappel; p. ex. par un représentant de commerce ou une personne qui offre un service, ou aux fins d’une entrevue d’emploi ou une audition de théâtre.

[57]  Ces utilisations courantes du terme « rappel » suggèrent une signification qui comprend un retour ou un déplacement de retour à un point d’origine; c’est‑à‑dire un retour à un endroit d’où une personne est partie. En réalité, cette signification courante du terme a été reconnue dans le contexte des relations de travail depuis au moins la publication de Labour Law Terms ‑ A Dictionary of Canadian Labour Law, par Sack et Poskanzer, en 1984, qui déclare ce qui suit :

[Traduction]

« Indemnité de rappel au travail » – indemnité supplémentaire, souvent aux taux de salaire majoré, à payer aux employés qui doivent se présenter au travail après avoir terminé les heures de travail prévues; la convention collective peut accorder aux employés un nombre minimal d’heures.

[58]  Cela étant, je ne comprends pas pourquoi on devrait supposer que lorsqu’une convention collective utilise un terme qui, historiquement (c’est‑à‑dire, avant les progrès technologiques), prévoyait en tant que l’une de ses conditions un déplacement supplémentaire à destination et en provenance du lieu de travail, il devrait plutôt avoir un sens plus large, un sens qui élimine cette condition, sans être plus explicite quant à l’abandon de cette condition. Les décisions arbitrales invoquées par le fonctionnaire, comme Northeast Mental Health Centre et Markham Stouffville Hospital, n’expliquent pas non plus pourquoi on ne devrait pas tenir compte de la signification historique plutôt qu’un sens plus large.

[59]  En deuxième lieu, je suis préoccupé par le fait que dans ces décisions, les conseils d’arbitrage remédiaient aux lacunes dans les conventions collectives dont ils étaient saisis, lacunes auxquelles on aurait plutôt dû remédier à la table de négociation. Prenons l’exemple dans Markham Stouffville Hospital. La disposition relative au rappel au travail prévoyait une rémunération minimale de quatre heures à tarif et demi. Le travail en question pouvait être effectué dans [traduction] « une très courte période ». Avant les [traduction] « changements technologiques » mentionnés dans cette décision, un employé devait retourner à l’hôpital la nuit pour apporter les changements nécessaires au système environnemental. Du point de vue de l’employeur et de l’agent négociateur dans cette affaire, une entente visant à indemniser un tel employé à cette époque pour une durée minimale de quatre heures semblait raisonnable parce qu’elle représentait plus équitablement le fardeau imposé à l’employé par rapport à la situation où le travail supplémentaire était considéré simplement comme des heures supplémentaires.

[60]  Toutefois, une fois qu’un changement technologique élimine la nécessité pour un employé de se déplacer, de nouvelles questions surviennent quant au moment et à la façon dont un employeur peut interrompre le temps personnel de l’employé – et à la façon dont le temps de l’employé devrait être indemnisé. Le temps passé à travailler devrait‑il être considéré comme des heures supplémentaires? Ou s’agissait‑il encore de temps de rappel au travail même si un déplacement physique n’était plus nécessaire? Bon nombre de conventions collectives – y compris, j’ajouterai, celle dont je suis saisi – contiennent des dispositions relatives aux changements technologiques précisément parce qu’elles reconnaissent la nécessité d’autoriser la renégociation pendant la durée de la convention en vue d’aborder de tels changements à la nature du travail. Cela étant, les arbitres de différends et les arbitres de grief ne devraient pas se précipiter en vue de remédier aux lacunes qu’il pourrait y avoir dans une convention collective en raison de changements technologiques.

[61]  En troisième lieu, l’argument selon lequel la justification de l’indemnité de rappel au travail est fondée uniquement sur la perturbation que le rappel cause à la vie privée de l’employé ne tient pas compte du fait que le travail peut imposer différents types et niveaux de perturbation. Il ne tient pas compte non plus du fait qu’au fil des décennies, les employeurs et les agents négociateurs ont élaboré différents types de rémunérations pour tenir compte de ces différences dans le type et le niveau de perturbation de la vie personnelle d’un employé.

[62]  Ainsi, par exemple, les heures supplémentaires, peu importe qu’elles soient volontaires ou obligatoires, constituent une contrainte sur la vie personnelle d’un employé. Tout travail effectué au‑delà des heures normales de travail signifie une réduction absolue du temps personnel qui serait par ailleurs à la disposition de l’employé. Il faut aussi souvent modifier les horaires, les obligations et les plaisirs de la vie personnelle de l’employé. Cela est particulièrement vrai puisque de nombreux employés ont des conjoints qui travaillent aussi. C’est en reconnaissance de cette contrainte importante sur la vie personnelle des employés que, normalement, les heures supplémentaires sont rémunérées selon une prime importante.

[63]  La mise en disponibilité constitue également une contrainte, bien que de type différent. Il se peut que les employés en disponibilité n’aient jamais à effectuer de travail, mais ils doivent être disponibles si on leur demande de travailler. Cette exigence signifie qu’ils doivent rester près de leur domicile et ne pas consommer de substances, que ce soit de l’alcool ou une drogue à usage récréatif, qui peuvent porter atteinte à leur capacité à accomplir le travail. Par conséquent, même s’il est possible qu’ils ne travaillent jamais lorsqu’ils sont en disponibilité et que le temps personnel dont ils disposent n’est pas réduit ou limité comme dans le cas des heures supplémentaires, il demeure vrai que leur vie est touchée. D’où la prime relative à la disponibilité, même si celle-ci est habituellement à un taux inférieur à celui des heures supplémentaires.

[64]  Enfin, il y a la situation d’un employé qui est revenu à la maison pour la journée et a reçu un appel lui demandant de retourner au lieu de travail parce que l’employeur a besoin de lui pour accomplir un travail. La contrainte est double. En premier lieu, l’employé perd du temps personnel. En deuxième lieu, il doit se rendre au travail et revenir ensuite. En règle générale, le déplacement à destination et en provenance du travail pour un quart régulier n’est pas rémunéré. Toutefois, dans le cas d’un rappel au travail, un employé pourrait perdre du temps à se rendre et à revenir du travail en plus du temps nécessaire pour accomplir le travail demandé d’où la différence commune d’indemnisation entre la mise en disponibilité et un rappel au travail; voir Gasbarro c. Conseil du Trésor (Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports), 2007 CRTFP 87, au paragraphe 98. Dans un tel cas, la contrainte sur la vie personnelle d’un employé se rapproche plus des heures supplémentaires que de la mise en disponibilité. Cet employé subit une réduction du temps personnel qui consiste à travailler, ainsi qu’à se rendre au lieu de travail et à en revenir. Cette dernière situation signifie que le fait de limiter l’employé aux heures supplémentaires ne représenterait pas équitablement le coût et la contrainte sur la vie personnelle de l’employé. Par conséquent, la plupart sinon toutes les dispositions relatives au rappel au travail dans les conventions collectives prévoient un nombre minimal d’heures rémunérées, peu importe le nombre d’heures réellement travaillées.

[65]  Au bout du compte, chacune de ces situations bien connues et les taux de rémunération correspondants existent parce que les parties ont reconnu que les demandes de travail empiètent sur la vie personnelle des employés de différentes manières et à différents niveaux. Il n’existe aucun taux de rémunération universel. Les taux diffèrent parce que la nature de l’empiétement est différente. Soutenir, comme le fait le fonctionnaire, que l’indemnité de rappel au travail vise à indemniser la seule perturbation de son temps personnel ne tient pas compte du fait que bon nombre des différents types de taux de rémunération peuvent être compris de la même manière. L’astuce – et l’intention claire de la convention collective – est d’indemniser les différents types de contrainte de manière à tenir compte de la nature et du type de la contrainte. Il ne s’agit pas de les réduire tous à la même chose.

[66]  En somme,  je suis disposé à considérer que les dispositions relatives à l’indemnité de rappel au travail visent historiquement à faire référence à une situation dans laquelle un employé doit retourner au lieu de travail pour exécuter un service supplémentaire à la demande de l’employeur. La portée exacte du droit – et les circonstances dans lesquelles il pourrait s’appliquer – sera précisée dans la convention. Toutefois, en l’absence de toute indication contraire, il y a lieu de supposer que l’atteinte à la vie personnelle d’un employé que l’indemnité de rappel au travail vise à rémunérer comprend la nécessité de se déplacer du domicile de l’employé au lieu de travail.

[67]  Quoi qu’il en soit, je précise que les décisions arbitrales invoquées par le fonctionnaire et l’employeur conviennent toutes que les termes de la convention ont préséance. Dans cette optique, j’examine maintenant l’interprétation du libellé de la convention collective dont je suis saisi et de la clause 24.01c) en particulier. Après avoir examiné cette clause dans le contexte de la convention collective dans son ensemble, et en particulier dans le contexte de la Partie 3, j’estime que la convention collective utilise l’expression « rentre au travail » pour signifier [traduction] « retourne au lieu de travail » plutôt que [traduction] « retourne dans un état d’exécution du travail ». Je dis cela pour deux raisons.

[68]  En premier lieu, la convention collective utilise le terme « rappel au travail ». Tel que je l’ai indiqué, le sens courant qui y est associé historiquement comprend le déplacement d’un endroit pour retourner à un autre.

[69]  En deuxième lieu, la clause 24.01c) s’applique « […] après avoir terminé son travail de la journée et avoir quitté les lieux de travail, et rentre au travail […] ». L’expression « rentre au travail » figure immédiatement après « […] avoir quitté les lieux de travail […] », qui est clairement axé sur le lieu de travail et non sur l’exécution du travail. Étant donné que l’expression « rentre au travail » suit immédiatement l’expression « lieu de travail », on s’attendrait à ce que le même sens y soit accordé. En outre, si la convention collective visait à ce que l’expression « rentre au travail » signifie [traduction] « retourne à l’exécution du travail », elle aurait, à tout le moins dans le contexte de la formulation de la clause 24.04c), utilisé le terme « travailler » plutôt que le terme « travail ». En d’autres termes, si elle avait utilisé l’expression [traduction] « rentre travailler », il n’y aurait eu aucun doute quant à l’intention de la convention collective.

[70]  Par conséquent, je suis convaincu que l’expression « rentre au travail » utilisée dans la convention collective à la clause 24.01c) signifie [traduction] « retourne au lieu de travail ». Un employé qui accomplit un travail après avoir quitté le lieu de travail pour la journée n’a pas droit à une indemnité de rappel au travail en vertu de cette clause s’il n’avait pas à retourner au lieu de travail pour l’accomplir.

[71]  De manière distincte et indépendamment de ma conclusion quant au sens de la clause 24.01c), il s’agit de savoir si le fonctionnaire a effectivement effectué un travail lorsqu’il a répondu aux deux appels de l’employeur le 31 mars 2015. En l’espèce, le fardeau de la preuve incombait au fonctionnaire. L’énoncé conjoint des faits indique que les appels [traduction] « […] portaient sur des questions liées au travail […] concernaient un insigne de visiteur manquant et un permis de conduire qui avait été laissé à la réception du poste de sécurité des visiteurs, où le fonctionnaire avait travaillé de 7 h à 15 h 30. » Aucun élément de preuve n’a été déposé quant à la question de savoir si les appels exigeaient que le fonctionnaire effectue un travail pour l’employeur. Aucun élément de preuve n’a été déposé quant à la question de savoir si les appels avaient trait à quelque chose que le fonctionnaire aurait dû faire pendant qu’il était au travail ou s’ils étaient liés à quelque chose qu’une autre personne a fait ou n’a pas fait pendant cette période. Si les appels étaient liés à la première situation, j’aurais du mal à comprendre pourquoi un employé devrait être rémunéré pour avoir fait quelque chose après avoir quitté le travail, chose qu’il aurait dû faire pendant qu’il était au travail. Quoi qu’il en soit, il n’est pas nécessaire que je me prononce sur cette question.

[72]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V.  Ordonnance

[73]  Le grief est rejeté.

Le 31 mars 2020.

(Traduction de la CRTESPF)

Augustus Richardson,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

 

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