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Date: 20141211

Dossier: 566-02-2964

  

 

 Référence: 2014 CRTEFP 03

 

Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

 

Devant un arbitre de grief

entre

 

DOUG NICOL

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Service Canada)

 

employeur

 

Répertorié

Nicol c. Conseil du Trésor (Service Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant :  Deborah M. Howes, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : John Haunholter et Kelly Minucci (née Drennar)

Pour l’employeur :  Martin Desmeules et Sebastian Chouinard, avocats

 

Affaire entendue à Edmonton (Alberta)

les 16 et 17 avril, du 12 au 14 juin, du 26 au 28 juin, les 22 et 23 août,

e 16 octobre et le 28 novembre 2012.

(Traduction de la CRTEFP)

 


Motifs de décision

I.  Introduction

[1]  Cette affaire concerne un employé qui a tenté d’effectuer un retour au travail à la suite d’un congé de maladie et qui n’a pas été accommodé par l’employeur. Cette histoire s’est terminée tristement près de quatre ans plus tard lorsque l’employé a choisi de prendre sa retraite pour des raisons médicales plutôt que de continuer à attendre que des mesures d’adaptation soient prises à son égard. Aucune des parties ne s’est opposée à ma nomination ou à ma compétence pour entendre cette affaire.

[2]  Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014‑84), et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission »), et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan daction économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014‑84). En vertu de l’article 396 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, un arbitre de grief saisi d’un grief avant le 1er novembre 2014 continue d’exercer les pouvoirs prévus à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) dans sa version antérieure à cette date.

II.  Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[3]  Selon le grief, il y a eu contravention à la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor (l’« employeur ») et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») pour le groupe Service des programmes et de l’administration (date expiration : le 20 juin 2011; la « convention collective »), ainsi qu’aux lois et politiques de l’employeur. Le grief se lit comme suit, les politiques pertinentes à l’époque ont été insérées entre crochets :

[Traduction]

Je dépose un grief parce que mon employeur a refusé de prendre des mesures d’adaptation en milieu de travail à mon égard conformément à la politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation du Conseil du Trésor, ce qui, par conséquent, m’a causé de graves préjudices financiers, physiques et psychologiques.

Je dépose un grief parce que mon employeur a fait preuve de discrimination à mon égard en raison de mon invalidité, et ce, de façon continue; par conséquent, il a contrevenu à la Loi canadienne sur les droits de la personne [L.R.C., 1985, ch. H-6], ainsi qu’à l’article 19 et à tous les articles connexes de notre convention collective.

Je dépose un grief parce que l’employeur a contrevenu à la politique sur la prévention et la résolution du harcèlement en milieu de travail du Conseil du Trésor du Canada [Politique sur la prévention et la résolution du harcèlement en date du 16 avril 2012] en omettant de fournir un milieu de travail exempt de harcèlement.

Je dépose un grief parce que l’employeur a contrevenu au Code de valeurs et d’éthique du Secrétariat du Conseil du Trésor du secteur public [Code de valeurs et d’éthique du secteur public en date du 16 avril 2012] en omettant de respecter l’application du Code.

[4]  La réparation demandée est considérable. Cependant, étant donné le temps écoulé dans le  cadre de la procédure de règlement des griefs, l’agent négociateur a modifié certaines des demandes de réparation à l’audience. Les modifications sont indiquées entre crochets et ont été numérotées par souci de commodité. La réparation demandée, selon les termes du fonctionnaire s’estimant lésé, est la suivante :

[Traduction]

1) Que la direction mette immédiatement en place des mesures d’adaptation conformément à mon état de santé décrit. [Cette réparation n’est plus demandée, car le fonctionnaire s’estimant lésé a pris sa retraite pour des raisons médicales.]

2) Que je sois indemnisé pour toutes les pertes, y compris le salaire et les prestations. Que tous les traitements perdus et les dépenses supplémentaires qui pourraient découler de cette situation soient également inclus. [Réparation demandée à compter du 1er juin 2008.]

3) Que l’employeur me verse une indemnisation de 20 000 $ pour les préjudices moraux, psychologiques et physiques dont j’ai souffert et dont je souffrirai de façon continue en raison de la négligence de mon employeur. [Demande active pour le montant maximal au titre des dommages.]

4) Que l’employeur me verse une indemnisation d’un montant de 20 000 $ en raison de la discrimination inconsidérée et délibérée dont j’ai été victime. [Demande active pour le montant maximal au titre des dommages.]

5) Je demande des excuses écrites du Ministère. [La demande est active, mais le fonctionnaire s’estimant lésé préfère que l’employeur exprime ses regrets volontairement.]

6) Je demande que mon employeur prenne des mesures correctives à l’égard de la personne responsable de ce harcèlement afin que ce comportement ne se reproduise plus. [La demande est abandonnée.]

7) Je demande la tenue d’une enquête dans cette affaire. [L’audience d’arbitrage répond à cette demande.]

8) Je demande un changement immédiat dans la relation hiérarchique jusqu’à ce que cette affaire soit réglée. [Cette réparation n’est plus demandée, car le fonctionnaire s’estimant lésé a pris sa retraite pour des raisons médicales.]

9) Je demande que mon employeur favorise un milieu de travail respectueux par l’intermédiaire de la prévention et de la résolution rapide du harcèlement, et qu’il offre une formation appropriée à l’intention des membres du personnel et de la direction. [Demande active.]

10) Je demande et je m’attends à ce que le dépôt du présent grief ne me porte pas atteinte dans mes rapports futurs avec mon employeur. [Cette réparation n’est plus demandée, car le fonctionnaire s’estimant lésé a pris sa retraite pour des raisons médicales.]

Je demande que toutes les répercussions fiscales découlant de ce grief soient assumées par l’employeur. [Demande active liée à la rémunération.]

11) Je demande que ce grief soit entendu au dernier palier de la procédure afin d’éviter d’aggraver mon invalidité. [L’audience d’arbitrage répond à cette demande.]

12) Je réserve le droit d’invoquer d’autres mesures correctives à l’audience de grief. [Aucune n’a été demandée.]

 

III.  Séquence des événements

[5]  Le fonctionnaire s’estimant lésé, Doug Nicol (le « fonctionnaire »), son père, différents médecins (la Dre Janet Berezowsky, psychologue clinicienne; le Dr Gillanders, omnipraticien; le Dr War, psychiatre; le Dr Douglas Ginter, expert‑conseil en psychiatrie), Kelly Minucci (née Drennar), représentante syndicale nationale, Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada, Jodi Casper, agente des relations du travail à l’échelle nationale, et Kelvin Mathuik, cadre de direction, Services d’intégrité, Opérations, ont témoigné longuement à propos des événements en lien avec la demande de mesures d’adaptation du fonctionnaire.

[6]  La chronologie des événements qui suit résume la séquence des événements à compter de 2005. Les activités entre 2005 et le printemps 2008 se reportent au contexte. Les événements visés par le grief ont commencé au début de 2008.

1) 2005 – Le poste d’attache du fonctionnaire était celui de représentant de la prestation des services (classifié au groupe et niveau CR‑05). Ce poste comprend des quotas de production, beaucoup de travail à l’ordinateur et une interaction avec la clientèle, ainsi que plusieurs heures de travail supplémentaires, et ce, de façon régulière. Le fonctionnaire a demandé des mesures d’adaptation en raison d’une condition physique. L’employeur l’a accommodé en approuvant un congé de maladie, des pauses pendant le travail et une chaise ergonomique. Le fonctionnaire a utilisé tous ses congés de maladie et a utilisé la chaise ergonomique de façon intermittente. Son état s’est toutefois détérioré, ce qui l’a incité à demander une mesure d’adaptation au moyen d’une activité de travail différente.

2) De janvier à mars 2006 – Le fonctionnaire a été détaché à un emploi dans le cadre du « Programme Nouveaux Horizons ». Ce poste ne comportait aucune interaction avec des clients et était moins stressant, mais le fonctionnaire devait effectuer plus de travail à l’ordinateur dans un cadre de travail d’intensité similaire. Selon le fonctionnaire, cet emploi ne correspondait pas à ce qu’on lui avait décrit; par conséquent, cette mesure d’adaptation n’était pas appropriée. Il a demandé un autre changement de travail.

3) Mars 2006 – La Dre Berezowsky a indiqué que le fonctionnaire n’était pas apte au travail en raison du manque de mesure d’adaptation.

4) Printemps 2006 – Le détachement du fonctionnaire a été prolongé. On ne l’a pas autorisé à retourner à son poste d’attache, à moins d’être en mesure de s’acquitter de toutes les tâches liées à son emploi. L’employeur a déterminé qu’il n’était pas en mesure de réorganiser les fonctions du poste d’attache (dans le cadre d’une mesure d’adaptation visant à sélectionner des tâches particulières du poste d’attache) tout en fournissant suffisamment de travail au fonctionnaire.

5) 2 mai 2006 – Le fonctionnaire a demandé un congé d’invalidité, qui a été approuvé.

6) Juillet 2006 – L’employeur a informé le fonctionnaire qu’à compter du 1er septembre 2006, son poste serait reclassifié du groupe et niveau CR-05 au groupe et niveau PM-01 dans le cadre de la nouvelle organisation du Modèle structurel de la gestion de service (MSGS), une reclassification à l’échelle du Ministère (pièce 43). L’employeur ne l’a pas informé de quelque condition que ce soit qui pourrait avoir une incidence sur la mise en œuvre de la reclassification.

7) Janvier 2008 – L’agent négociateur a communiqué avec l’employeur pour discuter du retour au travail imminent du fonctionnaire, car les prestations d’invalidité de ce dernier expiraient dans six mois.

8) Printemps 2008 – Les prestations d’invalidité du fonctionnaire arrivaient à leur fin. On lui a indiqué qu’il devait retourner au travail au plus tard le 30 juin 2008.

9) Le 14 mars 2008 – Un physiothérapeute a diagnostiqué chez le fonctionnaire une [traduction] « […] arthrose de la colonne cervicale et un dysfonctionnement postural secondaire » et a recommandé une évaluation ergonomique du poste de travail du fonctionnaire avant son retour au travail (pièce 19 YY).

10) Avril 2008 – L’agent négociateur et l’employeur ont discuté du retour au travail du fonctionnaire. L’employeur a exigé qu’il fasse l’objet d’une évaluation de son aptitude à travailler par le Dr Ginter.

11) Le 5 mai 2008 – Le Dr Ginter a rencontré le fonctionnaire et a produit un rapport (pièce 61). Il a déterminé que le fonctionnaire était apte à retourner au travail et a fourni des recommandations écrites relativement à des mesures d’adaptation, dont un programme et une évaluation de la réadaptation professionnelle (indiqués à sept reprises), une évaluation fonctionnelle (indiquée à au moins deux reprises), une rééducation professionnelle, le fait d’inciter le fonctionnaire à envisager d’autres postes, notamment un poste moins exigeant pour lui, le fait d’adapter le fonctionnaire à des fonctions et à un rendement moins rigoureux et un retour graduel au travail.

12) Le 23 juin 2008 – Le grief du fonctionnaire a été déposé. L’employeur et l’agent négociateur avaient des opinions différentes quant aux mesures d’adaptation requises.

13) Le 25 juin 2008 – Un avis a été envoyé à l’employeur dans lequel il était indiqué que le fonctionnaire n’était pas en mesure de retourner au travail (pièce 29) sans mesure d’adaptation.

14) Le 26 juin 2008 – Mme Casper a donné à Mme Miller, la représentante de l’employeur, une liste exhaustive des mesures d’adaptation requises par le fonctionnaire (pièce 60-11). Les mesures d’adaptation portaient sur les invalidités physiques et mentales documentées médicalement.

15) Le 30 juin 2008 – Fin des prestations d’invalidité du fonctionnaire.

16) Le 17 juillet 2008 – Le fonctionnaire, son agent négociateur et l’employeur se sont rencontrés à propos de son retour au travail et des mesures d’adaptation. L’employeur lui a offert trois possibilités : le retour à son poste d’attache ou l’acceptation de l’une de deux rétrogradations. L’employeur a présenté les descriptions de travail pour les trois postes.

17) Le 31 juillet 2008 – L’employeur a envoyé un courriel à l’agent négociateur, lui demandant la réponse du fonctionnaire à propos de son retour au travail au plus tard le 8 août 2008.

18) Août 2008 – Le fonctionnaire était apte à retourner au travail, à l’aide de mesures d’adaptation.

19) Le 5 août 2008 – L’agent négociateur a envoyé un courriel à l’employeur à propos du retour au travail du fonctionnaire et des modifications requises.

20) Le 11 août 2008 – L’employeur a envoyé une lettre (pièce 32) au fonctionnaire dans laquelle trois postes possibles lui étaient offerts, soit son poste d’attache et deux rétrogradations, dont l’une était de six mois. L’employeur a confirmé qu’il procéderait à une évaluation ergonomique dès que l’emplacement du retour au travail du fonctionnaire serait déterminé. Dans la lettre, il était également indiqué que le fonctionnaire pouvait démissionner d’ici le 18 août ou qu’il pouvait être congédié pour un motif autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite et qu’il avait une semaine pour répondre. Finalement, l’employeur a informé le fonctionnaire qu’à défaut d’une réponse le 18 août 2008 au plus tard, il serait congédié. Une copie conforme de la lettre a été envoyée à l’agent négociateur, mais il ne l’a reçu que le 15 août. Dans sa réponse, l’agent négociateur a obligé l’employeur à traiter avec lui et a inclus une autorisation écrite de la part du fonctionnaire.

21) Le 22 août 2008 – La Dre Berezowsky a demandé une mise à jour quant au plan de retour au travail du fonctionnaire (pièce 19 ZZ). Elle appuyait son [traduction] « retour au travail rapide » et a exprimé ses préoccupations comme suit :

[Traduction]

[...] plus il demeure absent du travail longtemps, plus il est probable qu’il lui sera difficile d’effectuer la transition de retour au milieu de travail. Étant donné qu’il a déjà fait au moins deux tentatives de retour de courte durée, il est douteux de s’attendre à un résultat plus favorable dans le cadre d’une autre tentative. Par conséquent, il est essentiel qu’il ait toutes les cartes en main avant de s’engager sur cette voie.

 

Elle était d’avis que le fonctionnaire était apte à un retour graduel avec des fonctions modifiées dans le cadre d’une réhabilitation. Elle a résumé comme suit les modifications qu’elle, le Dr Gillanders et un Dr Gendemann avaient recommandées :

· physique – [que le fonctionnaire] ne soit pas assis devant un écran d’ordinateur pendant de longues périodes; une alternance d’activités entre le travail informatique, la marche, se tenir debout et d’autres types d’activités physiques;

· psychologique – [il n’est] pas apte au travail qui nécessite des relations intenses et/ou continues avec des clients ou des collègues. L’augmentation des exigences de rendement lui cause de l’anxiété. [Elle a recommandé] que l’on utilise les services de l’assureur invalidité longue durée pour aider à trouver les personnes aptes à répondre aux modifications requises;

· un nouveau départ dans un nouveau poste – pour surmonter le scepticisme causé par les tentatives précédentes de retour au travail.

22) Le 4 septembre 2008 – L’agent négociateur a demandé un plan de retour au travail pour le fonctionnaire (pièce 34).

23) Le 24 septembre 2008 – L’employeur a envoyé une deuxième lettre d’avis au domicile du fonctionnaire. L’un des trois postes offerts à l’origine n’était plus disponible. Dans la lettre, l’employeur lui a demandé de l’informer de son choix parmi les postes offerts et lui a laissé savoir que ses autres choix consistaient à démissionner ou à ne prendre aucune mesure, ce qui obligerait l’employeur à le congédier.

24) Le 16 octobre 2008 – L’employeur a envoyé une dernière (soit la troisième) lettre d’avis au domicile du fonctionnaire. Dans cette lettre, l’employeur lui a demandé de l’informer de son choix parmi les postes offerts, c’est-à-dire son poste d’attache et une rétrogradation. L’employeur a confirmé qu’une évaluation ergonomique aurait lieu dès que son emplacement de travail serait déterminé et qu’un plan de travail décrivant des attentes claires dans un environnement de soutien ainsi qu’une formation appropriée seraient fournis au fonctionnaire. Une fois de plus, on a indiqué au fonctionnaire que ses autres choix consistaient à démissionner, ou de ne prendre aucune autre mesure, ce qui obligerait l’employeur à le congédier. Aucun autre poste ne lui a été offert. La santé mentale du fonctionnaire a commencé à se détériorer.

25) Le 24 octobre 2008 – Le fonctionnaire a répondu (dans le cadre de la réponse de l’agent négociateur). Il n’a pas accepté la rétrogradation en raison de l’emplacement de travail différent, la distance supplémentaire qu’il devrait conduire ainsi que l’absence de modification à ses fonctions pour répondre à sa demande de mesures d’adaptation. Il a indiqué qu’il refusait d’être intimidé en vue d’accepter une rétrogradation étant donné qu’aucune mesure d’adaptation n’avait été prise au niveau de son poste d’attache. Il a indiqué qu’il conserverait son poste d’attache jusqu’à ce qu’on lui offre des mesures d’adaptation.

26) Le 29 octobre 2008 – L’agent négociateur a écrit à l’employeur afin de revoir et de régler la question du retour au travail avec des mesures d’adaptation. L’agent négociateur a demandé que l’on procède à une évaluation des besoins ergonomiques et que l’on commande de l’équipement avant le retour au travail du fonctionnaire. Il a également suggéré, à titre de première mesure d’adaptation, de réorganiser les fonctions du rôle du fonctionnaire dans son poste d’attache plutôt que de lui offrir une rétrogradation.

27) Octobre 2008 – Le fonctionnaire a demandé un congé personnel non payé d’un an, ce qui lui a été refusé par M. Mathuik.

28) Le 12 novembre 2008 – La Dre Berezowsky a indiqué que le fonctionnaire n’était pas apte à retourner au travail, et ce, pour une période indéterminée.

29) Le 24 novembre 2008 – M. Mathuik a écrit au fonctionnaire à propos de son état d’employé en congé de maladie non payé (pièce 58). Dans sa lettre, M. Mathuik a renvoyé à une politique sur les congés non payés du Conseil du Trésor ainsi qu’à ses lettres récentes. Il a informé le fonctionnaire que les offres présentées dans ses lettres précédentes n’étaient plus possibles en raison des circonstances. Il a informé le fonctionnaire comme suit : [traduction] « J’ai le regret de vous informer que nous devons maintenant préparer votre départ de la fonction publique. Les options qui s’offrent à vous sont [trois options – présenter une demande de départ à la retraite pour des raisons médicales, démissionner ou être congédié] ». Il a ajouté que si le fonctionnaire ne choisissait pas une option au plus tard le 9 janvier 2009, l’employeur mettrait fin à son emploi.

30) Janvier 2009 – L’employeur a placé le fonctionnaire en congé payé pendant une période de 6,5 mois, en attente de la médiation. Aucune médiation n’a eu lieu.

31) Le 28 janvier 2009 – L’employeur a informé le fonctionnaire que son poste était reclassifié à celui d’un agent des services de paiement, soit au groupe et niveau PM-01, à compter du 15 septembre 2008, dans le cadre de la mise en œuvre de la nouvelle organisation du « Modèle structurel de la gestion de service » à Service Canada. Aucune condition n’était indiquée, à l’exception de sa signature. Le fonctionnaire a signé le 16 juin 2009, signifiant son acceptation.

32) Le 11 juin 2009 – L’employeur a écrit au fonctionnaire pour confirmer la reclassification de son poste d’attache (pièce 43). M. Mathuik a refusé de mettre en œuvre la reclassification avant le retour du fonctionnaire à son poste d’attache et que ce dernier se soumette à une évaluation de ses compétences en raison de la classification à un niveau supérieur. Le fonctionnaire était l’un des trois employés qui n’avaient pas été reclassifiés pour des motifs similaires.

33) Juin 2009 – L’agent négociateur a demandé la tenue d’une réunion avec l’employeur pour planifier le retour au travail du fonctionnaire. Une fois de plus, l’agent négociateur a demandé à l’employeur d’inscrire le fonctionnaire sur la liste de placement pour les bénéficiaires ayant un droit de priorité du gouvernement du Canada.

34) Le 29 juin 2009 – M. Mathuik a mis fin au congé payé du fonctionnaire en raison du manque de respect de ce dernier lorsqu’il a omis d’informer l’employeur de son état de santé et de son choix relatif à l’emploi.

35) Février 2010 – L’employeur a délivré un relevé d’emploi.

36) Le 2 mars 2010 – M. Mathuik était au courant que l’employeur avait délivré un relevé d’emploi au fonctionnaire et que les motifs de la séparation étant une maladie ou une blessure. À l’époque, M. Mathuik savait également que des discussions étaient en cours à propos d’une stratégie de retour au travail pour le fonctionnaire.

37) Le 26 juillet 2010 – L’employeur a placé le fonctionnaire sur la liste de placement des bénéficiaires ayant un droit de priorité (dans le « Système de gestion de l’information sur les priorités »). M. Mathuik a déterminé qu’il ne renverrait pas le fonctionnaire à d’autres ministères avant que son propre ministère ait reçu des renseignements médicaux à jour.

38) Le 11 février 2011 – L’agent négociateur et l’employeur se sont rencontrés pour discuter du départ à la retraite du fonctionnaire pour des raisons médicales.

39) Le 13 juillet 2011 – M. Mathuik a écrit au fonctionnaire (pièce 62) à propos de son souhait de prendre sa retraite pour des raisons médicales. Il l’a également informé qu’il était en congé non autorisé depuis le 1er avril 2011 et qu’il devait communiquer avec l’employeur avant le 12 août 2011, faute de quoi il ferait l’objet d’autres mesures administratives.

40) Le 22 juillet 2011 – Le fonctionnaire a déposé une demande de départ à la retraite pour des raisons médicales. Son départ à la retraite a été accepté en décembre 2011.

41) Du 1er juin 2008 à décembre 2011 – Le fonctionnaire n’est jamais retourné au travail. Il a demandé à l’employeur de l’aide afin d’être transféré à un autre ministère, mais l’employeur n’a pas donné suite à cette demande. Le fonctionnaire a déposé sa candidature en vue d’obtenir des postes dans d’autres ministères, mais il n’a pas été retenu.

[7]  La preuve a démontré que le fonctionnaire n’était pas retourné au travail après le 5 mai 2008.

IV.  Résumé de l’argumentation

[8]  Les parties ont présenté des arguments et une jurisprudence détaillés à l’appui de leurs positions. Leurs positions respectives sont présentées comme suit, la liste de la jurisprudence est jointe en annexe.

A.  Pour le fonctionnaire

[9]  Le grief porte sur un manquement à l’article 19 de la convention collective qui a fait en sorte que le fonctionnaire a été victime de discrimination et de harcèlement lorsqu’il a tenté de demander à l’employeur de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de son état de santé pour lui permettre de continuer à travailler. Il s’agit d’un grief portant sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation et qui m’amène à me pencher sur le processus de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation et sur la question de savoir si les parties se sont acquittées ou non de leurs obligations respectives dans le cadre de ce processus. Le grief, déposé le 23 juin 2008, comprend également la Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour les personnes handicapées dans la fonction publique fédérale (la « Politique sur les mesures d’adaptation ») de l’employeur et la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C., 1985, ch. H-6; la « LCDP »). Le grief fait valoir le point de vue généralement reconnu et apprécié qu’il existe une obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de tout employé qui n’est pas en mesure de s’acquitter d’une partie ou de l’ensemble des tâches liées à son emploi et qui demande que son employeur prenne des mesures pour lui permettre de continuer son emploi. Le fonctionnaire a fait valoir qu’il n’avait pas fait l’objet de mesures d’adaptation causant des contraintes excessives.

[10]  L’agent négociateur a soutenu que, avant d’être en mauvaise santé, le fonctionnaire cumulait plus de 20 années de service en tant qu’employé travaillant et dévoué et qu’il n’avait jamais fait l’objet de mesures disciplinaires ni déposé un grief. Il était aux prises avec des problèmes de santé qui avaient une incidence sur sa capacité à travailler de la même façon ou au même niveau qu’avant l’apparition de ces problèmes.

[11]  Les problèmes de santé n’ont eu que peu d’incidence sur le dévouement du fonctionnaire jusqu’en 2011, année où sa santé physique et mentale s’est détériorée au point où il est devenu inapte à travailler dans une capacité quelconque et a pris sa retraite pour des raisons médicales. Ce dénouement a été tragique pour lui, car il avait consacré sa vie à planifier une retraite normale.

[12]  La preuve présentée en l’espèce couvre des événements remontant à 2004. Le fonctionnaire et l’agent négociateur sont au courant des limites de l’arbitrage et que la réparation ne peut pas remonter à plus de 25 jours avant la date du grief. Par conséquent, le 1er juin 2008 constitue la date d’entrée en vigueur de la réparation. Cependant, le fonctionnaire a fait valoir qu’il était essentiel que la réparation commence à cette date et s’échelonne jusqu’à la perte de son statut d’emploi, c’est-à-dire au moment de sa retraite en décembre 2011.

[13]  Il a indiqué que les événements qui se sont produits entre 2004 et 2008 sont importants, car les mesures prises par l’employeur dans sa façon de traiter les demandes de mesures d’adaptation précédentes du fonctionnaire démontraient un modèle d’intérêt, d’intentions, d’actions et d’esprit qui s’avère très important dans cette affaire.

[14]  L’agent négociateur a fait valoir que la jurisprudence avait établi qu’il existe un processus tripartite relativement aux mesures d’adaptation entre l’employeur, l’agent négociateur et l’employé. La loi, en termes simples, stipule ce qui suit :

  • · Il incombe à l’employé qui présente des problèmes médicaux qui ont une incidence sur sa capacité de travailler d’informer l’employeur de ce qui suit :

  • o l’état de santé qui affecte sa capacité d’exercer les fonctions, jumelé à une demande de mesures d’adaptation;

  • o les renseignements médicaux à l’appui de la demande, y compris une évaluation médicale, une recommandation de mesures d’adaptation et les limites présentes dans les activités de travail.

  • · Par la suite, l’employé, par l’intermédiaire des mesures qu’il prend et de son agent négociateur, doit démontrer qu’il a la volonté de s’engager et de collaborer à ce qui devrait être un processus de mesures d’adaptation.

[15]  Lorsque l’employé satisfait à ses obligations, l’employeur, jusqu’à la limite de la contrainte excessive, doit effectuer ce qui suit :

  • · enquêter;

  • · évaluer;

  • · solliciter;

  • · proposer d’autres fonctions de travail ou processus;

  • · mettre en œuvre des efforts et des résultats visant à concrétiser une mesure d’adaptation.

[16]  Le fonctionnaire cherchait à obtenir une déclaration que l’employeur avait omis de respecter la Politique sur les mesures d’adaptation, la loi et la convention collective. En vertu de la Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation (pièce 7), l’administrateur général a des obligations et a la responsabilité de mettre en œuvre la politique au sein du Ministère. En plus de la liste des obligations générales, l’administrateur général et les délégués doivent s’acquitter de ce qui suit (Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, page 4) :

[…]

· une fois les obstacles généraux supprimés et des mesures d’adaptation générales adoptées, de répondre aux demandes d’adaptation individuelles des employés, de la façon suivante :

· consulter l’employé afin de définir la nature des mesures d’adaptation;

· consulter, s’il y a lieu, des conseillers et d’autres ressources pertinentes dans le domaine médical et de la réadaptation, après avoir obtenu le consentement de l’employé, pour déterminer les mesures d’adaptation appropriées dans son cas;

· prendre les mesures d’adaptation répondant aux besoins de l’employé […]

[17]  Dans ce cas, toute consultation menée auprès de conseillers médicaux a été faite de façon minimale, voire pas du tout.

[18]  En vertu de la Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, l’administrateur général et les délégués doivent également effectuer ce qui suit (Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, page 5) :

[…]

[...] de consulter les agents de négociation ou d’autres représentants des employés et de collaborer avec eux si les mesures d’adaptation prises ont une incidence sur d’autres employés ou si la personne pour qui une mesure d’adaptation est prise demande que les agents de négociation ou d’autres représentants des employés soient consultés [...]

[…]

[19]  Mme Casper s’est avérée être une représentante empathique sur les plans verbal et écrit pour le compte du fonctionnaire, mais M. Mathuik n’a pas respecté la politique. Mme Minucci a éprouvé des frustrations ainsi que des retards en raison des mesures prises par l’employeur et de son manque d’intérêt.

[20]  L’agent négociateur a indiqué qu’il existe un processus tripartite en matière de mesures d’adaptation, que le rôle de ce processus est important et qu’il s’efforce de s’en acquitter. Cependant, lorsque l’employeur ne lui permet pas de participer à part entière au processus de mesures d’adaptation, cela a une incidence importante sur ce qui peut être fait ou ce qui est fait. Irréfutablement, il est évident dans cette affaire que deux représentants de l’agent négociateur voulaient participer au processus de mesures d’adaptation du fonctionnaire et tenter de régler les problèmes.

[21]  Le fonctionnaire s’est acquitté de toutes ces obligations.

[22]  L’employeur ne s’est pas acquitté de ses obligations. Même s’il avait entre ses mains l’évaluation médicale et des recommandations de mesures d’adaptation, il n’a mis en place aucune mesure. Dans cette affaire, le fonctionnaire a vécu sa propre forme de contrainte excessive, ainsi la norme de l’employeur préconise un motif commun aux fins de règlement. Cet employeur, le Conseil du Trésor, doit calquer ce processus.

[23]  L’intention qui sous‑tend la Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation est que personne ne devrait perdre de revenus, sa capacité de contribuer ou son emploi en raison d’une invalidité médicale. Cet employeur est important, comprend une multitude de fonctions et de tâches au sein du ministère et du gouvernement du Canada. Le fonctionnaire a insisté sur une conception de bon sens qui ferait en sorte qu’il soit difficile pour l’employeur de déclarer que [traduction] « Il n’y a aucun poste adaptable disponible ».

[24]  L’agent négociateur et le fonctionnaire m’ont demandé de me pencher sur ce que l’employeur savait à propos des capacités et des incapacités du fonctionnaire, puis d’examiner ce qui a été fait et ce qui n’a pas été fait. La preuve a démontré un manque d’initiative de la part de l’employeur. La réponse de l’employeur à la demande de mesures d’adaptation était l’équivalent de mettre [traduction] « un bouchon de forme carrée sur une ouverture en forme de cercle » et, devant l’échec, d’éprouver de la frustration et déclarer [traduction] « nous avons essayé ». Cependant, la preuve médicale de l’employeur indique que d’autres mesures auraient dû être prises.

[25]  Il a fait valoir que l’affaire du fonctionnaire était clairement légitime et que l’employeur avait reconnu cette légitimité. Par conséquent, la question est de déterminer si les efforts de l’employeur et les mesures qu’il a prises étaient appropriés et si cela a été fait au point de causer des contraintes excessives.

[26]  La preuve a démontré que les efforts de l’employeur avaient retardé le processus, qu’ils étaient obstructifs, qu’ils excluaient l’agent négociateur et qu’ils n’étaient pas raisonnables et très loin du seuil des contraintes excessives. L’employeur devait démontrer qu’il acceptait son obligation et qu’il avait pris des mesures à l’égard de cette obligation, conformément à la loi et à la politique.

[27]  Le fonctionnaire a insisté pour que j’entende et examine la preuve de l’employeur à propos de sa conduite par l’entremise de la preuve présentée par lui-même et celle présentée par l’agent négociateur et les médecins praticiens en ce qui concerne :

  • · le moment où les conseils ont été offerts;

  • · les conseils qui ont été offerts;

  • · la façon dont ils ont été surveillés;

  • · ce qui a été visé;

  • · le degré de circonspection de l’employeur dans ses efforts;

  • · le niveau d’ouverture de l’employeur à l’égard de l’innovation;

  • · l’attention accordée par l’employeur au fonctionnaire;

  • · la question de savoir si l’employeur a fait des efforts suffisants dans le cadre du processus de mesures d’adaptation.

[28]  Sur ce dernier point, l’agent négociateur a fait valoir que je devrais prendre note que le seul témoin de l’employeur était un gestionnaire en affectation qui ignorait ce que signifiait « agoraphobie », mais qui croyait cependant qu’un poste en première ligne (contact direct avec les clients) constituait la meilleure option pour le fonctionnaire. Ce témoin ignorait quelles étaient les fonctions du fonctionnaire. Ce même gestionnaire a exprimé des regrets, mais lui a tout de même envoyé des lettres contenant les options de congédiement, de démission et de départ à la retraite. Ce même gestionnaire a excusé les actions ou les omissions de personnes qui n’ont pas témoigné, mais qui auraient dû témoigner.

[29]  L’agent négociateur a également fait valoir que l’employeur devait consentir des efforts pour démontrer les mesures qu’il a prises pour accommoder le fonctionnaire, et que la preuve dont je suis saisie sur ce point était du ouï‑dire et de la conjecture. L’employeur ne pouvait pas se fier à la preuve de M. Mathuik concernant ce que d’autres avaient dit, fait ou senti. L’absence de témoins de la part de l’employeur exige qu’on y accorde de l’attention et je devrais en tirer une conclusion défavorable.

[30]  L’absence d’éléments de preuve est une autre indication du manque d’importance accordée par l’employeur à l’affaire du fonctionnaire. Il n’était pas acceptable que M. Mathuik attribue la responsabilité à d’autres alors qu’ils n’étaient pas présents à l’audience pour témoigner; il se défilait, ce qui ne l’a pas empêché de communiquer au fonctionnaire trois avis comprenant des menaces de congédiement s’il ne retournait pas à son poste d’attache ou s’il n’acceptait pas l’une des offres de rétrogradation limitées (pièces 32, 35 et 36). Cela sous‑tend que des événements se sont produits pour lesquels aucune explication n’a été présentée.

1.  Mesures d’adaptation

[31]  En se fondant sur la preuve, l’agent négociateur a présenté de nombreux exemples où le fonctionnaire a informé l’employeur de son besoin relatif à des mesures d’adaptation en raison de son état de santé. L’agent négociateur a fait valoir qu’il incombait maintenant à l’employeur de démontrer pourquoi il a fait ce qu’il a fait et si cela était suffisant pour respecter son obligation.

a.  Conduite de l’employeur après avoir été informé du besoin en mesures d’adaptation et de la collaboration du fonctionnaire

[32]  Les paragraphes qui suivent ont été présentés par le fonctionnaire à titre d’exemple de la preuve relative à la conduite ou à la réponse de l’employeur après que ce dernier a été informé de la nécessité de prendre des mesures d’adaptation et de la collaboration du fonctionnaire.

  • i) M. Mathuik a communiqué avec le médecin du fonctionnaire sans son consentement, ce qui a été confirmé tant par le fonctionnaire que son médecin.

ii)  En mars 2006, le fonctionnaire a été informé (pièce 19 O) que l’employeur prendrait des mesures en vue d’obtenir une évaluation médicale indépendante et qu’il était tenu de continuer à occuper le poste en détachement jusqu’à ce que cette évaluation soit menée. Cependant, les services pour cette évaluation n’ont jamais été retenus et celle‑ci n’a jamais été prévue. Une fois de plus, cela a déclenché les troubles médicaux du fonctionnaire, et a poussé ce dernier à s’absenter du travail une fois de plus (pièces 19 P et Q).

iii) L’employeur a offert au fonctionnaire un poste de première ligne, alors que les conseils médicaux indiquaient clairement qu’il devrait occuper un poste moins axé sur le public, comprenant peu d’échéanciers et moins d’exigences, et ce, de façon permanente.

iv) M. Mathuik a déclaré que le poste de représentant de la prestation des services, soit le poste d’attache du fonctionnaire, avait changé au fil du temps, mais il n’a présenté aucune preuve que la description de travail du poste avait changé.

v)  L’employeur a ignoré ou refusé l’aide de professionnels de la santé lorsqu’il y a été invité, comme les multiples offres de la Dre Berezowsky à partir de novembre 2005.

vi) Dès octobre 2007 (pièce 19 EE), l’employeur a commencé à donner au fonctionnaire des ultimatums à propos de son emploi futur.

vii)  En janvier 2008, Mme Casper a indiqué que les recommandations médicales incluraient le fait que le fonctionnaire [traduction] « [...] ne devrait plus avoir de contacts avec M. Mathuik ou quiconque l’avait déjà supervisé ». Elle a demandé une rencontre avec le supérieur de M. Mathuik pour discuter d’un plan de retour au travail, mais M. Mathuik (le cadre du fonctionnaire) était présent à la rencontre.

viii) L’employeur a limité le représentant de l’agent négociateur à un rôle d’observateur, et ce, dès juin 2008 (pièce 19 NN) ou a omis de l’inclure dans les réunions ou la correspondance à partir du printemps 2008 (pièce 19 TT).

ix) L’employeur a annulé des réunions avec l’agent négociateur pour discuter du retour au travail ou du grief du fonctionnaire, ou ne s’y est pas présenté (pièces 13, 20 et 21; preuve de Mme Minucci).

x)  L’employeur a continué de s’attendre à ce que le fonctionnaire retourne à son poste d’attache, lequel poste incluait quotidiennement de longues heures de travail devant un ordinateur, et a continué à offrir ce poste comme l’une des options de mesures d’adaptation, et ce, contrairement aux conseils médicaux et à la demande de mesures d’adaptation.

xi) L’employeur a refusé, était réticent et a traîné des pieds en ce qui a trait au fait d’inscrire le fonctionnaire sur la liste de placement pour les bénéficiaires ayant un droit de priorité de sorte que, le fonctionnaire a perdu les 18 premiers mois d’un accès possible de deux ans à des renvois, donc des possibilités d’emploi à Service Canada et ailleurs qui auraient pu répondre à ses besoins en matière de mesures d’adaptation.

xii) L’employeur a omis d’obtenir les renseignements médicaux et de coordonner un plan de retour au travail à l’aide de tous les renseignements. Voir la pièce 19 PP pour les renseignements contradictoires entre les mains de l’employeur en date du 13 juin 2008.

xiii) L’employeur a omis de communiquer avec exactitude à d’autres intervenants du dossier le contenu de l’évaluation médicale indépendante du Dr Ginter et ses recommandations (pièce 19 PP, le courriel au bas). Même si l’employeur avait été informé que la date de retour au travail prévu du fonctionnaire était le 30 juin 2008 (pièce 19 QQ) et même s’il disposait d’un rapport d’évaluation sur son aptitude au travail, aucune réunion visant à traiter du plan de retour au travail n’a eu lieu avant le 15 juillet 2008. En outre, l’employeur n’a pris aucune mesure entre le 20 juin et le 30 juin 2008 pour prévoir une réunion avant le 30 juin (pièce 19 QQ), même si l’agent négociateur avait tenté d’organiser une réunion. Le 20 juin, l’agent négociateur a demandé la tenue d’une réunion avant le 30 juin, mais l’employeur n’a répondu à cette demande de l’agent négociateur qu’après le 23 juin. Le 25 juin, l’agent négociateur a communiqué de nouveau avec l’employeur pour lui demander une réponse.

b.  Exemples présentés par l’agent négociateur quant à la conduite de l’employeur

[33]  Les paragraphes qui suivent présentent des exemples de la preuve présentée par l’agent négociateur qui montrent que l’employeur a été informé du besoin en matière de mesures d’adaptation et de la collaboration du fonctionnaire.

  • i) Le 30 décembre 2004, l’employeur a reçu la première note du médecin, dans laquelle il était indiqué que le fonctionnaire avait besoin d’un changement de fonctions de travail [traduction] « pour des raisons médicales » (pièce 19 B).

  • ii) En janvier 2005, M. Mathuik a communiqué avec le médecin du fonctionnaire par téléphone et, dans ses notes, a consigné que [traduction] « le médecin a recommandé un poste qui comprend moins d’interaction avec le public – moins exigeant – qui ne comprend pas beaucoup d’échéanciers ». Le médecin a recommandé [traduction] « […] un changement permanent, car un changement temporaire fera en sorte que ses troubles médicaux reviennent ». Lorsqu’on lui a demandé si un poste de première ligne (avec des contacts directs avec les clients) était une possibilité, le médecin a répondu que [traduction] « […] cela ne serait pas un poste convenable en raison du niveau élevé d’interaction avec la clientèle […] [le fonctionnaire] a besoin d’un poste qui comprend beaucoup moins d’interaction avec le public ». Marlene Duncan, la superviseure directe du fonctionnaire, a confirmé ces renseignements avec lui dans une lettre en février 2005 (pièce 19 F).

  • iii) L’employeur a demandé au fonctionnaire de répondre à des questions à propos des fonctions et des limites de deux postes, le poste de représentant de la prestation des services (son poste d’attache) et un poste d’agent de la prestation de services, un poste des programmes de la sécurité du revenu, afin de l’aider à répondre à la demande.

  • iv) Le Dr Gillanders a répondu le 5 février 2005 en indiquant que le fonctionnaire pourrait retourner au travail le 7 février 2005, avec une charge de travail réduite et que, après six à huit semaines, il devrait passer au poste d’agent de la prestation des services en personne.

  • v) En novembre 2005, le Dr Gillanders (pièce 19 M) a communiqué une mise à jour à l’employeur et a recommandé le transfert du fonctionnaire à un autre ministère ayant un environnement moins stressant. Il a également indiqué qu’il n’était pas en mesure de fournir d’autres recommandations particulières en raison de la complexité des fonctions du travail du fonctionnaire.

  • vi) En novembre 2005, la Dre Berezowsky (pièce 19 N) a écrit à l’employeur afin de l’aider à prendre des mesures d’adaptation en réponse aux besoins du fonctionnaire en milieu de travail. Elle a indiqué son état physique et psychologique, ainsi que le plan de traitement. Elle l’a averti que les relations directes ou continues avec les clients étaient en dehors de la zone de confort du fonctionnaire. Une charge de travail accrue et une interaction avec les clients causeraient une augmentation de sa douleur cervicale et de ses maux de tête (qui découlaient d’un accident de véhicule à moteur). Elle a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[...] plus la situation persiste, plus le stress personnel est important et plus il est probable que ses symptômes physiques s’aggraveront. Pour cette raison, je recommande de l’affecter à un emploi qui le mettra au défi sur le plan intellectuel dans le cadre duquel l’exigence d’interagir directement avec les clients est considérablement réduite. L’attente selon laquelle il doit accomplir des heures supplémentaires pourrait devoir être revue, puisque le fait de passer de longues heures devant un ordinateur pourrait également aggraver ses problèmes cervicaux.

  • vii) Au moyen d’un avis d’appel de juillet 2006 et d’une télécopie d’août 2006, Sharon Slaney, gestionnaire de dossiers à la Sun Life, a tenté d’obtenir tous les renseignements médicaux que les médecins avaient communiqués à l’employeur, le statut de l’évaluation médicale indépendante ainsi qu’une description des modifications apportées au travail du fonctionnaire (pièces 19 S et T).

  • viii) Le 15 septembre 2006, le représentant de l’agent négociateur a effectué un suivi concernant la demande d’assurance‑invalidité de longue durée (AILD) du fonctionnaire, qui a été retardée en raison de la réponse tardive de l’employeur à la Sun Life (pièce 19 X).

  • ix) En août 2006, la Dre Berezowsky a écrit (pièce 19 V) à la Sun Life pour recommander ce qui suit, ce que l’on a également communiqué à l’employeur :

[Traduction]

[...] que la période de temps où fonctionnaire doit être penché au‑dessus de son ordinateur soit réduite, que l’attente d’accomplir des heures supplémentaires soit éliminée et que la période de temps consacrée aux relations directes avec les clients et les collègues soit réduite.

  • x) En septembre 2006, le Dr Gillanders (pièce 19 Z) a écrit à l’employeur, indiquant que le fonctionnaire n’avait pas été en mesure de travailler dans son ancien poste depuis le 1er juillet 2006 et que ce serait le cas dans un avenir prévisible.

  • xi) En décembre 2007, la Financière Sun Life a écrit au fonctionnaire et a envoyé une copie conforme au conseiller en rémunération de l’employeur, indiquant que son médecin appuyait le plan de réhabilitation en vue d’aider à sa réintégration dans l’effectif, mais qu’elle était contre son retour à son ancien environnement de travail. Elle a également indiqué que les prestations d’AILD pour les 24 premiers mois de son invalidité professionnelle arriveraient à échéance le 29 juin 2008, mais qu’elle ne prévoyait pas que le demandeur serait admissible aux prestations au‑delà de cette date.

  • xii) En janvier 2008, Mme Casper a informé l’employeur qu’elle aidait le fonctionnaire avec son retour au travail et qu’il était très probable qu’une question relative à l’obligation en matière de mesures d’adaptation soit soulevée, ce qui correspondrait plus particulièrement à une recommandation voulant que le fonctionnaire retourne à un lieu de travail et à un poste différents. Elle a demandé si l’employeur demandait la tenue d’une évaluation de l’aptitude au travail. Elle a également indiqué que les recommandations médicales comprendraient que le fonctionnaire [traduction] « […] n’ait plus de contact avec M. Mathuik ou avec quiconque l’a déjà supervisé ». Cependant, M. Mathuik et sa superviseure, Leigh‑Ann Gardner, ont continué d’être les principaux représentants de l’employeur dans ce dossier et d’avoir le plus de contacts avec le fonctionnaire jusqu’à son départ à la retraite.

  • xiii) En mai 2008, le Dr Ginter, dans un rapport d’évaluation médicale indépendant (pièce 19 QQ), a formulé des recommandations en sa qualité de médecin spécialiste contractuel de l’employeur.

  • xiv) M. Mathuik n’a contesté aucune des constatations ou des recommandations de ce rapport, mais n’a pas mis en œuvre les recommandations; en effet, il a même ignoré ou rendu inexécutable ces recommandations par ses actions.

  • xv) Même si l’employeur savait que la date de retour au travail prévue du fonctionnaire était le 30 juin 2008 et qu’il avait en main le rapport d’évaluation de l’aptitude au travail, aucune réunion portant sur le plan de retour au travail n’a eu lieu avant le 15 juillet 2008.

  • xvi) En juin 2008, Mme Casper a de nouveau confirmé qu’elle représentait le fonctionnaire, ainsi que la responsabilité conjointe de l’employeur et de l’agent négociateur afin de travailler ensemble dans le but d’offrir au fonctionnaire des mesures d’adaptation (pièce 19 TT).

  • xvii) En août 2008, la Dre Berezowsky (pièce 19 ZZ) a écrit à son employeur afin de faciliter le retour au travail du fonctionnaire à des fonctions modifiées (on avait indiqué qu’il pouvait retourner au travail en mai 2008). Elle a soulevé l’urgence de l’affaire; elle a confirmé les modifications que le Dr Gendemann et elle‑même avaient définies, soit que le fonctionnaire ne demeure pas assis devant un écran d’ordinateur pendant de longues périodes de temps et qu’il n’entretienne pas de relations intenses ou continues avec des clients ou des collègues; elle a préconisé le recours aux services de réhabilitation de l’AILD (qu’elle a expliqué et illustré) afin de faciliter le processus de mesures d’adaptation.

2.  Discrimination

[34]  En ce qui concerne la question de la discrimination, l’agent négociateur a indiqué que la LCDP et la convention collective (article 19) ne toléraient pas la discrimination fondée sur une invalidité. Des exemples de discrimination contre le fonctionnaire étaient clairs dans les secteurs suivants : reclassification, options de description travail présentées par l’employeur, manquement au Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique, harcèlement et manque de respect.

a. Reclassification

[35]  On a informé le fonctionnaire en janvier et en juin 2009 que, en date du 15 septembre 2008, son poste avait été reclassifié du groupe et niveau CR‑05 au groupe et niveau PM‑01 dans le cadre d’une réorganisation et d’une reclassification des services à l’échelle ministérielle (pièce 43).

[36]  Cependant, M. Mathuik et Mme Gardner ont retenu la reclassification du fonctionnaire, car ils n’avaient pas été en mesure d’évaluer sa compétence dans le rôle du poste PM‑01 étant donné qu’il était en congé d’invalidité. Parallèlement, l’employeur n’était pas en mesure de présenter une preuve crédible qu’il suivait une politique de l’employeur plutôt que de choisir personnellement de viser le fonctionnaire.

[37]  L’avis de reclassification de l’employeur (pièce 74) ne renvoyait pas à une exigence de réévaluer chaque titulaire d’un poste touché par la reclassification en raison d’un effort de reclassification à l’échelle nationale. Il n’y avait également aucune exigence empêchant une évaluation fondée sur le dernier rendement connu d’un employé relativement à ces fonctions.

[38]  Cela serait intolérable si sa seule absence faisait obstacle à la reclassification du fonctionnaire, car celle-ci touchait le poste, non pas la personne occupant le poste. Il n’existe aucune preuve qu’à l’époque, l’employeur éprouvait des problèmes relativement au rendement du fonctionnaire; il n’existe aucune trace verbale ou écrite en ce sens. M. Mathuik a décrit le fonctionnaire comme une personne travaillant fort et dont le rendement était élevé.

[39]  Il n’existe aucune preuve appuyant ou justifiant les actions de l’employeur dans cette affaire, ce qui mène à une inférence de discrimination.

b. Options de description de travail présentées par l’employeur (pièces 15, 16 et 17)

[40]  Ces postes comprennent de longues périodes de temps en position assise, de travail au clavier et d’interaction avec le public. Ces postes ont été présentés au fonctionnaire à titre d’options en vue d’accommoder ces besoins médicaux déclarés, mais ils allaient à l’encontre des rapports médicaux et des renseignements disponibles à l’employeur et au fonctionnaire à l’époque.

[41]  Le fait que l’employeur présente ces postes au fonctionnaire en guise de choix de mesures d’adaptation est un indice que l’employeur a) n’a pas prêté attention aux renseignements médicaux communiqués, et b) avait une attitude démontrant qu’il n’accordait pas d’importance ou qu’il avait choisi d’ignorer l’invalidité, ou qu’il faisait preuve d’aveuglement. Le fait d’agir comme si une personne n‘avait pas d’invalidité à la lumière des renseignements médicaux et de la connaissance qu’une personne a effectivement une invalidité constitue une pratique discriminatoire.

c.  Manquement au Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique

[42]  Sous le titre « Valeurs liées aux personnes », le Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique (le « Code »; pièce 8) stipule que le respect de la dignité humaine et la valeur de chaque personne doivent toujours inspirer l’exercice de l’autorité et de la responsabilité.

[43]  Sous le titre « Administrateurs généraux », il est indiqué que les administrateurs généraux doivent veiller à ce que les renseignements divulgués dans les rapports confidentiels demeurent strictement confidentiels.

[44]  Sous le titre « Mesures pour éviter les situations de conflit d’intérêts », il est indiqué que les fonctionnaires ont les responsabilités individuelles de ne jamais utiliser à leur propre avantage ou de bénéficier de renseignements obtenus dans l’exercice de leurs fonctions officielles et qui, de façon générale, ne sont pas facilement accessibles au public.

[45]  M. Mathuik a manqué à deux reprises au Code, d’abord lorsqu’il a communiqué avec le Dr Gillanders sans le consentement du fonctionnaire, ainsi qu’en recueillant et en communiquant des renseignements qui figuraient uniquement dans le dossier de demande de prestations d’assurance‑emploi du fonctionnaire. M. Mathuik, à titre de cadre du programme, avait accès au dossier. Même s’il a déclaré avoir obtenu les renseignements dans une lettre qu’il a reçue de la Dre Berezowsky, cette lettre n’existe pas et, si effectivement elle existe, elle n’a pas été déposée en preuve à l’audience.

[46]  M. Mathuik a abusé de son autorité en vertu du Code, au détriment du fonctionnaire.

d.  Harcèlement

[47]  Sur la question du harcèlement, l’agent négociateur a fait valoir que la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement de l’employeur (la « Politique sur le harcèlement ») stipulent que toutes les personnes travaillant pour le secteur public doivent être traitées avec respect et dignité. Le harcèlement n’est pas toléré. Cela commence par la LCDP, qui interdit le harcèlement fondé sur l’invalidité, et s’étend à la Politique sur le harcèlement et à d’autres types de harcèlement en milieu de travail. Elle définit le harcèlement. Selon cette politique, il est attendu des gestionnaires qu’ils mènent par l’exemple et qu’ils agissent de façon respectueuse dans leurs rapports avec les employés.

[48]  M. Mathuik a continué d’être mêlé à l’affaire après que l’employeur a reçu un avis médical selon lequel le fonctionnaire devrait traiter avec des gestionnaires différents.

e.  Manque de respect

[49]  Le fonctionnaire n’a pas été traité avec respect par l’employeur ou ses gestionnaires. L’employeur a continué d’envoyer des communications au fonctionnaire, même après que l’agent négociateur a envoyé un avis indiquant qu’il participerait à l’affaire et qu’il le représenterait. L’employeur aurait dû savoir que cela offenserait et nuirait au fonctionnaire et que ce dernier percevrait les actions de l’employeur comme étant intimidantes et offensantes à son endroit. L’employeur a tardé à prévoir une réunion concernant le grief du fonctionnaire au troisième palier de la procédure de règlement des griefs. Par ses actions, l’employeur a démontré qu’il ne considérait pas le grief comme étant suffisamment important pour justifier une réponse au troisième palier. En vertu de la convention collective et de la bonne foi, l’employeur est tenu de répondre aux griefs. En omettant de le faire, il a nui à la procédure de règlement des griefs qui est utilisée pour régler les griefs des employés, et il a empêché la mise en œuvre des mesures d’adaptation demandées.

[50]  Le fonctionnaire s’est fondé sur les affaires suivantes : Alberta (Human Rights and Citizenship Commission) v. Federated Co-operatives, [2005] A.J. No. 1023; Boehringer Ingelheim (Canada ) Ltd. v. Kerr, [2010] B.C.J. No. 583; Brewer’s Distributor Ltd. v. Brewery Winery and Distillery Workers’ Union, Local 300 (Peebles Grievance), [2011] B.C.C.A.A.A. No. 49; Canada Safeway v. United Food and Commercial Workers, Local , [2000] A.G.A.A. No. 43; Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970 (Renaud); Coca-Cola Bottling v. CAW, Local 385, [2011] O.L.A.A. No. 447; Cyr c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, 2011 CRTFP 35; Cyr c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, 2011 C.R.T.F.P.C. 34; Delage c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2009 CRTFP 43; Fidler c. Sun Life du Canada, compagnie d’assurance‑vie, 2006 CSC 30; Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d`Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), [2008] A.C.S. no 44; Lloyd c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 15; Colombie‑Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. British Columbia and Service Employees’ Union, [1999] A.C.S. no 46 (Meiorin); Boardman Nnagbo c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2001 C.R.T.F.P.C. no 1, (dossier 166‑02‑30045); Panacci c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2011 CRTFP 2; Panacci c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2011 CRTFP 72; Stringer c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale) et Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2011 CRTFP 110.

B.  Pour l’employeur

[51]  L’employeur a déclaré qu’il comprenait et reconnaissait l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. Cependant, dans la Politique sur les mesures d’adaptation, le fardeau n’est pas vraiment clair. L’argument de l’employeur comprend deux volets : (1) la compétence et (2) les mesures d’adaptation.

1. Compétence

[52]  Dans le cadre de cet argument, l’employeur a abordé six sujets : les dommages, la demande d’invalidité, les coûts continus des services de counseling, les politiques de l’employeur, la reclassification et la date d’entrée en vigueur.

a. Dommages

[53]  L’employeur a soutenu que l’alinéa 226(1)i) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « LRTFP ») s’applique uniquement dans le cas d’un congédiement, d’une rétrogradation, d’une suspension ou d’une sanction pécuniaire. Le présent grief porte sur une interprétation de la convention collective, non sur la discrimination. Par conséquent, je n’ai pas compétence pour accorder des dommages, car l’autorité pour accorder une réparation figure aux paragraphes 53(2) et (3) de la LCDP, non au paragraphe 53(4).

b. Demande d’invalidité

[54]  L’employeur a indiqué qu’il n’était pas au courant d’affaires antérieures portant sur cette question et que tout recours devrait viser la Sun Life, non l’employeur.

c. Coûts continus pour le counseling

[55]  L’employeur a fait valoir qu’il n’existait aucune autorité en vertu de laquelle on pouvait lui ordonner d’octroyer des prestations quelconques à un ancien employé. Si le fonctionnaire était un employé et qu’il recevait des prestations d’AILD, il existerait alors une disposition relativement à ces prestations. Le fait d’ordonner un employeur à payer pour des services de counseling s’assimile au fait de lui ordonner de continuer à octroyer des prestations à un employé. Un congédiement ne constitue pas en soi de la discrimination.

d. Politiques de l’employeur

[56]  À ce sujet, l’employeur a fait valoir qu’un manquement à la politique ne peut faire l’objet d’un grief. Cela peut constituer une preuve de discrimination (p. ex. un défaut de respecter la politique), mais il doit être lié à la convention collective.

e. Reclassification

[57]  L’employeur a affirmé que si j’arrive à la conclusion que l’avis de reclassification (pièce 43) est un avis de la nomination du fonctionnaire à un poste de groupe et niveau PM-01, alors Delage c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2009 CRTFP 43, s’applique au 15 septembre 2008. Si la question est la discrimination pour ne pas avoir placé le fonctionnaire dans un poste de groupe et niveau PM-01, le recours approprié est le processus de dotation.

[58]  En ce qui concerne la question de la reclassification, la preuve n’a clairement démontré que le fonctionnaire avait été nommé à un poste PM-01 (voir la pièce 60-32, onglets 19, 22 et 23, la pièce 19-Y, la pièce 74-D, la pièce 60-32).

[59]  En ce qui concerne le fond du problème, la reclassification en soi ne constitue pas une preuve de nomination ou de discrimination ou de mauvaise foi, car le fonctionnaire était absent et ne pouvait pas attester ses compétences, et cela n’a pas de répercussion sur les suggestions formulées ou sur les tentatives de prendre des mesures d’adaptation à son égard.

f.  Date d’entrée en vigueur de la réparation

[60]  L’employeur a déclaré que je ne pouvais pas remonter au‑delà de la période de temps précisée dans la convention collective, soit 25 jours avant le grief, ce que les parties n’ont pas contesté.

2. Mesures d’adaptation

[61]  Les arguments de l’employeur en l’espèce portaient sur dix éléments : l’historique des mesures d’adaptation de 2004 à 2006, l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, le statut actuel du fonctionnaire, l’obligation de l’employé de faciliter les mesures d’adaptation, l’obligation du fonctionnaire de retourner au travail à l’intérieur d’un délai raisonnable, l’étendue de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, qui évalue le caractère raisonnable des offres, les contraintes excessives, le moment du début de l’obligation de l’employé et la limite de l’obligation de l’employeur. Chaque élément est résumé dans les paragraphes qui suivent.

a.  De 2004 à 2006

[62]  Le fonctionnaire a indiqué à l’employeur les exigences relatives aux mesures d’adaptation. L’employeur a modifié ses fonctions, puis l’a envoyé en détachement, ce qui n’a pas fonctionné.

[63]  La preuve n’est pas claire, mais selon le fonctionnaire, le poste exigeait trop de travail informatique et il souhaitait retourner à son ancien poste.

[64]  En mars 2006, le fonctionnaire a vu la Dre Berezowsky, puis s’est absenté du travail. À l’époque, l’employeur et le fonctionnaire voulaient tous deux une évaluation de Santé Canada, mais celle‑ci n’a jamais eu lieu, car il s’est absenté du travail pendant deux ans.

b.  Obligation de prendre des mesures d’adaptation

[65]  Cette affaire porte sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. L’employeur n’a pas nié son obligation de prendre des mesures à l’égard d’un employé ayant une invalidité et des besoins particuliers. Cependant, un corollaire important est que l’employé et l’agent négociateur ont l’obligation de participer au processus de mesures d’adaptation et d’y collaborer.

[66]  L’employeur m’a demandé de rejeter le grief, car, selon la preuve et la prépondérance des probabilités, le fonctionnaire n’est pas retourné au travail pour une seule raison – non pas parce que l’employeur n’a pas pris de mesures d’adaptation à son égard, mais parce qu’il a effectivement omis d’essayer les mesures d’adaptation suggérées.

c.  Statut actuel du fonctionnaire

[67]  L’employeur a indiqué qu’on ne pas avoir mis fin à l’emploi du fonctionnaire, même s’il a émis un relevé d’emploi. Jusqu’à ce que le fonctionnaire lui communique des renseignements indiquant qu’il était incapable d’effectuer un retour au travail de façon permanente, l’employeur a sans cesse tenté de l’aider et était ouvert à un retour au travail. L’emploi du fonctionnaire a pris fin lorsqu’il est parti à la retraite.

d.  L’employé doit faciliter les mesures d’adaptation

[68]  L’employeur a fait valoir qu’un employé doit faciliter une mesure d’adaptation de deux façons. Dans un premier temps, un employé doit informer l’employeur. Dans le cas présent, le dossier comprend une quantité importante de renseignements médicaux et il est évident que l’employeur était au courant que le fonctionnaire avait besoin de certaines mesures d’adaptation. Dans un deuxième temps, un employé doit recouvrer la santé, reprendre son emploi et accepter une proposition de mesures d’adaptation raisonnable.

[69]  Dans la présente affaire, l’employeur a présenté une proposition raisonnable à la lumière des renseignements médicaux; il n’est pas juste de s’attendre à la perfection. Le fonctionnaire a déclaré qu’il aurait peut-être voulu travailler à Parcs Canada ou comme chauffeur à titre de mesure d’adaptation privilégiée, mais cela ne rend pas moins raisonnable la proposition de l’employeur.

[70]  L’employeur m’a demandé de tenir compte des faits de sa proposition. Lors de la réunion de juillet 2008, il a proposé trois postes, qui, selon lui, étaient tous raisonnables. Il est permis de penser que l’employeur peut toujours faire plus, mais la question consiste à déterminer s’il en a fait suffisamment. L’employeur a fait sa proposition à la lumière des renseignements médicaux qui lui étaient disponibles. Il a offert trois points de départ possibles à parti desquels il était possible de travailler. Le fonctionnaire et l’agent négociateur avaient également une obligation de désigner des postes.

[71]  L’employeur a offert trois postes, mais n’a reçu aucune réponse portant sur des solutions de rechange ou ce qui n’allait pas avec les trois offres. Ni le fonctionnaire ni l’agent négociateur n’ont présenté de solution de rechange. Il n’est pas nécessaire que la mesure d’adaptation soit parfaite.

[72]  Selon la preuve, le fonctionnaire et l’agent négociateur ont supposé que l’offre ne fonctionnerait pas; malheureusement, cela s’est avéré fatal pour son cas.

e.  Le fonctionnaire devait retourner au travail dans un délai raisonnable

[73]  L’employeur a fait valoir que le fonctionnaire devait être en mesure de retourner au travail à l’intérieur d’un délai raisonnable. L’employeur n’était pas tenu de le garder en congé non payé si l’accent était mis sur son retour au travail.

[74]  L’employeur a refusé la demande de congé non payé fonctionnaire pour des motifs légitimes. De plus, pendant six mois, l’employeur l’a réintégré avec son plein salaire pendant qu’il s’efforçait toujours de trouver une solution pour le ramener au travail. Cependant, l’employeur n’a reçu aucune réponse ou décision de sa part à l’égard des trois postes de rechange; il n’a pas non plus suggéré d’autres possibilités à examiner.

f.  Obligation de prendre des mesures d’adaptation

[75]  L’employeur est tenu de prendre des mesures d’adaptation, mais pas de créer de nouveaux emplois. Par conséquent, il faut accorder de l’importance à ce qui a été offert plutôt que sur ce qui aurait dû être offert.

[76]  Les trois postes proposées par l’employeur constituaient des mesures actives. Le fonctionnaire n’avait qu’à choisir un emplacement. Par la suite, l’employeur aurait pu gérer les arrangements physiques ainsi que son exposition au public et à ses collègues.

[77]  Une fois qu’un poste et un emplacement ont été déterminés, on connaît alors la description du poste, les fonctions et le gestionnaire, par conséquent, les fonctions, les heures et les mesures d’adaptation peuvent faire l’objet d’une discussion dans le cadre d’un processus continu.

[78]  Selon la présentation de l’employeur, le fait que le fonctionnaire ne choisisse même pas une option et ne tente pas un essai s’est avéré fatal. Les trois postes représentaient une possibilité raisonnable visant à lui permettre de retourner au travail.

[79]  Le fait de critiquer l’employeur ne satisfait pas à l’obligation de participation dans le cadre de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation.

g.  Évaluation du caractère raisonnable des offres

[80]  Qui évalue le caractère raisonnable des offres de l’employeur? À la lumière de toutes les circonstances du cas, l’employeur a déclaré qu’il s’agissait de l’arbitre de grief.

h.  Contraintes excessives

[81]  À quel moment atteint-on le seuil des contraintes excessives? L’employeur a fait valoir qu’il est hypothétique de déterminer si le fonctionnaire avait été en mesure de gérer la mesure d’adaptation avec succès, car il n’est pas retourné au travail. L’employeur ne l’a pas congédié; cela aurait été une contrainte excessive.

[82]  L’employeur a le droit d’obtenir un certain niveau de rendement d’un employé. L’employeur n’a pas allégué qu’il y avait eu contrainte excessive. Il a indiqué que cela faisait simplement partie du processus des mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire. Il n’a pas fait valoir que le seuil des contraintes excessives avait été atteint.

[83]  Selon l’employeur, les mesures d’adaptation n’ont pas été un succès parce que le fonctionnaire n’y a pas participé. Si l’employé ne se montre pas réceptif à la proposition de l’employeur, ce dernier ne peut pas obliger l’employé à effectuer un retour au travail.

i.  Moment où commence l’obligation de l’employé

[84]  À quel moment l’obligation de l’employé de participer entre-t-elle en jeu? Quels sont les critères? L’employeur a indiqué que les mesures d’adaptation étaient un processus continu multipartite, par conséquent, on doit tenir des discussions continues.

[85]  L’offre des trois postes visait à créer le point de départ d’un processus continu où plusieurs parties formulent des commentaires.

[86]  Le fonctionnaire éprouvait des problèmes au cou et au dos, d’agoraphobie et de stress, et la pression liée au rendement a exacerbé sa douleur cervicale et ses maux de dos. Il ne pouvait pas demeurer assis devant un ordinateur pendant une période de temps prolongée; cependant, son exposition au public, aux clients et à ses collègues était également limitée. En conséquence, l’employeur, dans l’ensemble, devait s’adapter à tout cela.

[87]  L’employeur a fait valoir que la preuve a démontré qu’il avait fait des efforts au moyen de la réunion multipartite de mars 2008, de l’évaluation de l’aptitude au travail, de la réunion de juillet 2008 au cours de laquelle les mesures d’adaptation ont été offertes, et du courriel en date du 11 août 2008 confirmant l’offre des mesures d’adaptation. L’employeur a reconnu que ses communications n’étaient pas parfaites.

j.  Limite de l’obligation de l’employeur

[88]  Sur ce point, l’employeur a fait valoir que le grief sur les mesures d’adaptation avait été déposé le 23 juin 2008, soit une considération importante pour déterminer si l’employeur s’est acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation.

[89]  En date du 23 juin 2008, cela faisait deux ans que le fonctionnaire était absent et qu’il s’était soumis à une évaluation de son aptitude au travail, dont il avait une copie. Cependant, l’agent négociateur et lui n’ont pas aimé le résultat de l’évaluation et ils ont déposé un grief. En juin 2008, l’employeur n’aurait rien pu faire de plus que de demander au fonctionnaire de se soumettre à une évaluation de son aptitude au travail.

[90]  Le défendeur m’a renvoyé à : Pepper c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2008 CRTFP 8; Kane c. Procureur général du Canada (Procureur général), [2011] A.C.F. no 79; Brown c. Canada (Procureur général, [2011] A.C.F. 1483; Brown c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 127; Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970 (Renaud); Scheuneman c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.S. no 1997; Canada (Procureur général) c. Tipple, 2012 C.A.F. 158; Gentek Building Products Ltd. v. U.S.W.A. Loc. 1105 (Batko) (Re); [2003] O.L.A.A. No. 806; United Food and Commercial Workers, Local 1288P v . Maple Leaf Consumer Foods Moncton Ltd. (Nugent Grievance), [2008] N.B.L.A.A. No. 1; English-Baker c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CRTFP 24; Lindsay c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2009 CRTFP 62; Sioui c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada, 2009 CRTFP 44.

V.  Motifs de décision

[91]  L’article 19 de la convention collective interdit à l’employeur de faire preuve de discrimination à l’égard d’un employé en raison d’une déficience mentale ou physique. Les parties ont convenu que cette interdiction est exhaustive. L’article 19 stipule ce qui suit :

19.01 n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un employée du fait de [...] son incapacité mentale ou physique […]

[92]  La convention collective intègre des principes et des interdictions semblables à celles de la LCDP, plus particulièrement aux articles 2, 3, 7, 10, 14, 15, 25 et 39 de la LCDP, qui imposent des obligations importantes à un employeur. Ces articles sont libellés comme suit :

2. La présente loi a pour objet de compléter la législation canadienne en donnant effet, dans le champ de compétence du Parlement du Canada, au principe suivant : le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l’égalité des chances d’épanouissement et à la prise de mesures visant à la satisfaction de leurs besoins, indépendamment des considérations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, la déficience ou l’état de personne graciée.

3. (1) Pour l’application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, l’état de personne graciée ou la déficience.

[…]

7. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu;

b) de le défavoriser en cours d’emploi.

[…]

10. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite et s’il est susceptible d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement d’un individu ou d’une catégorie d’individus, le fait, pour l’employeur, l’association patronale ou l’organisation syndicale :

a) de fixer ou d’appliquer des lignes de conduite;

b) de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l’engagement, les promotions, la formation, l’apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d’un emploi présent ou éventuel.

[…]

14. (1) Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait de harceler un individu :

a) lors de la fourniture de biens, de services, d’installations ou de moyens d’hébergement destinés au public,

b) lors de la fourniture de locaux commerciaux ou de logements;

c) en matière d’emploi.

 

15. (1) Ne constituent pas des actes discriminatoires :

a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l’employeur qui démontre qu’ils découlent d’exigences professionnelles justifiées;

[…]

e) le fait qu’un individu soit l’objet d’une distinction fondée sur un motif illicite, si celle-ci est reconnue comme raisonnable par une ordonnance de la Commission canadienne des droits de la personne rendue en vertu du paragraphe 27(2); […]

 

(2) Les faits prévus à l’alinéa (1)a) sont des exigences professionnelles justifiées ou un motif justifiable, au sens de l’alinéa (1)g), s’il est démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d’une personne ou d’une catégorie de personnes visées constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.

[…]

25. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

[…]

« déficience » "disability”

« déficience » Déficience physique ou mentale, qu’elle soit présente ou passée, y compris le défigurement ainsi que la dépendance, présente ou passée, envers l’alcool ou la drogue.

[…]

« emploi » “employment”

« emploi » Y est assimilé le contrat conclu avec un particulier pour la fourniture de services par celui-ci.

[…]

39. Pour l’application de la présente partie, « acte discriminatoire » s’entend d’un acte visé aux articles 5 à 14.1.

 

[93]  En vertu de la politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, en date du 1er octobre 2009 (pièce 7), l’administrateur général a l’obligation et la responsabilité de mettre en œuvre la politique au sein du ministère. En plus de la liste des obligations générales, le chef de service et les délégués doivent s’acquitter de ce qui suit :

[…]

· une fois les obstacles généraux supprimés et des mesures d’adaptation générales adoptées, de répondre aux demandes d’adaptation individuelles des employés, de la façon suivante :

– consulter l’employé afin de définir la nature des mesures d’adaptation;

– consulter, s’il y a lieu, des conseillers et d’autres ressources pertinentes dans le domaine médical et de la réadaptation, après avoir obtenu le consentement de l’employé, pour déterminer les mesures d’adaptation appropriées dans son cas;

– prendre les mesures d’adaptation répondant aux besoins de l’employé;

[…]

[94]  En vertu de la Politique sur les mesures d’adaptation, l’administrateur général et les délégués doivent également s’acquitter de ce qui suit :

  […]

[…] de consulter les agents de négociation ou d’autres représentants des employés et de collaborer avec eux si les mesures d’adaptation prises ont une incidence sur d’autres employés ou si la personne pour qui une mesure d’adaptation est prise demande que les agents de négociation ou d’autres représentants des employés soient consultés [...]

[…]

A. Mesures d’adaptation

[95]  Au paragraphe 45 de Cyr c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 35, l’arbitre de grief a résumé de façon succincte les obligations de l’employeur en ce qui a trait à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. Je suis d’accord avec son résumé et j’applique la même obligation dans cette affaire. Ce paragraphe se lit comme suit :

[45] La Cour suprême a établi dans Simpsons-Sears que l’employeur a l’obligation de prendre des mesures raisonnables afin d’accommoder les limitations fonctionnelles d’un employé pourvu que ces mesures ne lui causent pas de contraintes excessives. La Cour a aussi spécifié dans Meiorin que l’employeur doit faire des efforts soutenus et prolongés pour trouver une solution qui permette à l’employé de demeurer au travail malgré ses contraintes médicales […]

[96]  Il n’existe aucun doute que le fonctionnaire souffrait d’invalidités physiques et mentales appuyées par des preuves médicales qui l’obligeaient à demander des mesures d’adaptation. La preuve médicale pour la période entre 2004 et 2010 est accablante.

[97]  Il n’existe aucun doute que l’employeur était au courant des invalidités physiques et mentales du fonctionnaire au moyen du diagnostic médical, car il a reçu des rapports médicaux exhaustifs et des lettres détaillées. Ces lettres et ces rapports précisent les restrictions quant au travail du fonctionnaire et les mesures d’adaptation demandées.

[98]  L’employeur a également demandé une évaluation médicale indépendante en mai 2008. Le rapport du Dr Ginter qui en a découlé est ensuite devenu l’outil principal de l’employeur pour déterminer les mesures d’adaptation requises par le fonctionnaire.

[99]  L’employeur a reconnu que le fonctionnaire avait demandé des mesures d’adaptation, qu’il avait une obligation de prendre des mesures d’adaptation à son égard, et qu’il était en voie de prendre des mesures d’adaptation à son égard. Je constate que je suis saisie d’une preuve abondante selon laquelle les invalidités du fonctionnaire étaient visées par la définition de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[100]  Les vrais enjeux entre les parties, hormis la réparation, consistent à déterminer si l’employeur a présenté une offre raisonnable de mesures d’adaptation et si le fonctionnaire a omis de respecter son obligation de collaborer dans les efforts relatifs aux mesures d’adaptation. Je dois trancher en faveur du fonctionnaire sur ces deux questions.

[101]  M. Mathuik était le seul témoin de l’employeur qui pouvait parler des décisions et des actions de l’employeur pendant la période en cause. Il connaissait le fonctionnaire et disait beaucoup de bien de ses compétences, de son dévouement et de ses niveaux de production élevés avant de demander des mesures d’adaptation.

[102]  M. Mathuik a décrit le processus utilisé par l’employeur en 2008 pour décider s’il devait prendre des mesures d’adaptation à l’égard d’un employé. Le processus a commencé par une discussion avec l’employé et les autres parties intéressées. Le processus était ouvert et transparent. Le fait de demander de l’aide ou des renseignements de médecins et d’autres personnes pouvant aider faisait partie du processus. La décision relevait du gestionnaire délégué du jour, ce qui, dans le cas présent, l’aurait inclus. Lorsqu’une décision de prendre des mesures d’adaptation est prise, des discussions ont lieu et des descriptions de travail sont examinées, notamment par un médecin, et le partage de rapports sur toutes les évaluations fonctionnelles est encouragé. Le dialogue est continu jusqu’à ce que l’employé appuie la résolution.

[103]   La preuve a démontré de façon accablante que c’est ce type de processus et de dialogue que l’agent négociateur a tenté d’entreprendre au nom du fonctionnaire. L’agent négociateur a également tenté de prendre part au processus dans le cadre du respect de ses obligations. Toutefois, ce qui s’est réellement produit ne correspond pas du tout au processus décrit par M. Mathuik.

[104]  M. Mathuik a indiqué que l’employeur ne disposait d’aucun renseignement [traduction] « qui articulait ce dont on avait réellement besoin pour prendre des mesures d’adaptation » à l’égard du fonctionnaire, hormis une recommandation relative à une évaluation ergonomique une fois que l’emplacement de travail serait déterminé. Il a déclaré : [traduction] « Mis à part cela, nous n’avons pas obtenu une liste bien conçue » et il a indiqué que l’employeur s’attendait à ce que les médecins fournissent ces renseignements. En se fiant au rapport du Dr Ginter, il a compris qu’il n’y avait [traduction] « aucune restriction quant au retour du fonctionnaire au travail ».

[105]  La preuve documentaire détaillée des médecins et de Mme Casper contredit l’affirmation de M. Mathuik voulant que l’employeur n’ait pas reçu suffisamment de renseignements à propos des contraintes du fonctionnaire ou des mesures d’adaptation requises. Mme Casper, le Dr Ginter et la Dre Berezowsky ont fourni des renseignements importants à propos des contraintes du fonctionnaire et des exigences recommandées relativement aux mesures d’adaptation. Le Dr Ginter a recommandé des mesures précises que devrait prendre l’employeur, ce qu’il n’a pas fait. De façon répétée, dans les communications internes par courriel de l’employeur, il a mis l’accent sur l’évaluation ergonomique recommandée par le Dr Ginter, mais il a ignoré les autres recommandations.

[106]  M. Mathuik n’a jamais demandé une évaluation fonctionnelle par un spécialiste des emplois et, à sa connaissance, aucun autre employé de l’employeur ne l’avait fait. Il n’a pas demandé une évaluation ergonomique pour le fonctionnaire, mais il s’attendait à ce qu’une évaluation soit menée une fois que le fonctionnaire aurait choisi un emploi et un emplacement de travail.

[107]  Même si M. Mathuik était au courant d’une exigence du protocole des mesures d’adaptation selon laquelle il devait solliciter la participation de l’agent négociateur, il ne l’a pas invité à participer aux discussions sur les mesures d’adaptation. Il a toutefois indiqué que le fonctionnaire était invité à solliciter la participation de quelqu’un s’il le souhaitait.

[108]  La preuve a démontré que M. Mathuik a continuellement évité la demande du fonctionnaire et de son agent négociateur. Il a continué de traiter avec l’agent négociateur, plutôt que de traiter directement avec le fonctionnaire.

[109]  De façon répétée, M. Mathuik a envoyé des lettres directement au domicile du fonctionnaire et a insisté pour qu’il lui réponde directement. Plus loin dans la présente décision, je formulerai des commentaires sur les autres conséquences de ces lettres.

[110]  L’employeur n’a tenté qu’une seule fois de prendre des mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire après mai 2008, même s’il a répété son offre à plus d’une reprise. La tentative de prendre des mesures d’adaptation découlait de la réunion d’août 2008, au cours de laquelle l’employeur a offert au fonctionnaire trois postes en vue de l’accommoder. Les trois postes correspondaient à son poste d’attache et à deux rétrogradations.

[111]  Compte tenu des renseignements dont disposait l’employeur à l’époque, je conclus qu’aucun de ces trois postes ne constituait une offre raisonnable de mesures d’adaptation dans les circonstances.

[112]  L’employeur a omis de suivre les recommandations formulées par son évaluateur médical indépendant. Le Dr Ginter a recommandé à l’employeur d‘exécuter un programme et une évaluation de la réhabilitation professionnelle (à sept reprises), d’effectuer une évaluation fonctionnelle (à au moins deux reprises), d’entreprendre une réadaptation professionnelle, d’inciter le fonctionnaire à envisager d’autres postes (possiblement un poste moins exigeant), et de mettre en œuvre une mesure d’adaptation qui consistait en des fonctions et des normes de rendement moins rigoureuses ainsi qu’un retour progressif au travail.

[113]  L’employeur n’a pris aucune mesure pour effectuer une évaluation de la réhabilitation professionnelle et a refusé de discuter la façon de réorganiser l’un des emplois pour répondre aux recommandations en vue d’assujettir le fonctionnaire à des exigences moindres, et à des fonctions et à des normes de rendement moins rigoureuses.

1. Poste d’attache du fonctionnaire

[114]  En ce qui concerne le poste d’attache du fonctionnaire, la preuve présentée par M. Mathuik n’était pas cohérente relativement à l’offre et à ce qui aurait pu être fait pour prendre des mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire dans son poste d’attache. Lorsqu’il a offert le poste au fonctionnaire, la seule mesure d’adaptation indiquée était une évaluation ergonomique.

[115]  M. Mathuik a indiqué que le regroupement des fonctions ne constituait pas réellement une option. Les fonctions d’un poste CR-05 sont limitées et, prises séparément, elles ne permettent pas d’offrir un emploi significatif durable à long terme. Selon lui, il serait très difficile de remanier un emploi de la description du poste d’attache en vigueur à l’époque.

[116]  Même si, dans une certaine mesure, M. Mathuik avait l’autorité de regrouper les fonctions, le remaniement d’un emploi allait au‑delà de son autorité et tout emploi devait s’inscrire à l’intérieur du système de classification et de description de travail de l’employeur. L’employeur avait remanié certaines fonctions en 2005, mais ne pouvait les conserver dans cet état et n’a plus regroupé de fonctions à compter de 2008. M. Mathuik n’a présenté aucun détail sur les regroupements qui avaient été envisagés en 2008 ou après, ou sur la façon dont un tel regroupement de fonctions aurait pu rendre l’emploi non durable.

[117]  Sans données précises, je ne suis pas prête à accepter l’évaluation de l’employeur selon laquelle les fonctions regroupées n’auraient pas offert un emploi significatif ou auraient été non durables.

[118]  Le fonctionnaire comprenait que M. Mathuik lui avait indiqué plus tôt qu’il pourrait retourner à son poste d’attache uniquement s’il était en mesure d’accomplir l’intégralité des tâches. M. Mathuik a contesté cette information. J’arrive à la conclusion qu’il est plus probable que l’employeur ait effectivement communiqué cette attente au fonctionnaire. La compréhension du fonctionnaire est conforme aux actions de l’employeur de ne pas le retourner à son poste d’attache et à la preuve de l’employeur selon laquelle les fonctions du poste d’attache ne pouvaient pas être regroupées en un poste durable.

[119]  La réticence de l’employeur à discuter du regroupement des fonctions du poste d’attache démontre qu’il n’était pas raisonnablement prêt à éliminer les obstacles du poste d’attache du fonctionnaire ou d’un poste à un niveau semblable afin de prendre des mesures d’adaptation tenant compte des contraintes identifiées découlant des invalidités du fonctionnaire.

[120]  En l’espèce, les actions de l’employeur ont débouché sur une offre déraisonnable consistant à réintégrer le fonctionnaire à son poste d’attache sans que l’on prenne de mesures d’adaptation qui tiennent compte des contraintes autres qu’ergonomiques.

[121]  L’obligation de prendre des mesures d’adaptation exige de l’employeur qu’il prenne, dans un premier temps, des mesures d’adaptation raisonnables à l’égard de l’employé dans son poste d’attache avant d’envisager des postes à un niveau inférieur. L’employeur aurait dû faire d’autres tentatives pour accommoder le fonctionnaire dans un poste à son niveau d’attache avant de lui offrir des postes à un niveau de classification et de salaire inférieur. Cependant, l’employeur n’a fait aucun effort en ce sens, malgré les demandes du fonctionnaire et de l’agent négociateur. La seule mesure prise par l’employeur a été d’encourager le fonctionnaire à trouver un autre poste à son niveau d’attache.

[122]  M. Mathuik a dit qu’il n’avait pas effectué de recherche à l’extérieur du Ministère pour trouver des postes qui accommoderaient le fonctionnaire. Il n’a pas non plus demandé à quelqu’un d’autre de le faire. Il n’était pas au courant de l’existence de quelque document exigeant que l’employeur prenne des mesures d’adaptation à l’égard d’un employé en cherchant des postes à l’extérieur du ministère. Selon lui, toute responsabilité en ce sens relevait de l’employé et il aurait appuyé une telle initiative.

[123]  M. Mathuik savait que le fonctionnaire avait cherché des emplois dans d’autres ministères et l’a encouragé à utiliser les outils du site Web offerts aux employés, même s’il a reconnu que le fonctionnaire n’avait pas accès aux postes affichés à l’interne s’il était absent du travail. Il savait qu’une mesure d’adaptation était possible après 2008, au groupe et niveau CR-05, mais l’employeur n’a pas offert un de ces postes au fonctionnaire, car il n’y en avait pas de vacant.

[124]  En juillet 2010, M. Mathuik était au fait que des experts‑conseils en relations de travail avaient inscrit le fonctionnaire sur la liste de placement des bénéficiaires ayant un droit de priorité (dans le Système de gestion de l’information sur les priorités). L’agent négociateur exerçait des pressions relativement à ce statut prioritaire depuis plus d’un an.

[125]  Toutefois, l’employeur a une fois de plus nui au processus de mesures d’adaptation en demandant des renseignements médicaux à jour avant de renvoyer le fonctionnaire à d’autres ministères. Le fonctionnaire ne pouvait pas accéder aux ressources supplémentaires par l’intermédiaire du statut prioritaire en raison du retard de l’employeur et de son besoin relatif au renouvellement des renseignements médicaux. Cela s’est soldé par la perte d’une autre possibilité.

2. Deux offres de rétrogradation

[126]  En ce qui concerne les deux offres de rétrogradation, je conclus également que les deux postes à un niveau de classification inférieur offert au fonctionnaire ne constituaient pas des offres raisonnables dans les circonstances. Un poste était à court terme et l’autre, à long terme.

[127]  Pour chaque poste, l’employeur n’offrait que des mesures d’adaptation de nature ergonomique. Une fois de plus, il n’y a eu aucune discussion sur la portée des ajustements à faire aux fonctions du poste afin d’accommoder les autres contraintes médicales identifiées, aucune évaluation n’a été effectuée et aucune question n’a été posée en ce sens. Dans chaque cas, l’employeur n’était pas prêt à discuter d’options de protection salariale.

[128]  Selon M. Mathuik, le meilleur poste offert au fonctionnaire pour répondre à ses contraintes aux fins des mesures d’adaptation à son égard était le poste de première ligne à court terme, même s’il s’agissait d’une rétrogradation. Il croyait que ce poste était compatible avec les recommandations figurant dans le rapport d’évaluation indépendante du Dr Ginter, car le travail avec la clientèle pouvait être attribué à d’autres employés. L’offre concernant ce poste à court terme allait à l’encontre de l’avis médical voulant que le fonctionnaire ait un poste stable afin de favoriser la réussite du retour au travail.

[129]  M. Mathuik a déclaré que ce travail offrait de la souplesse en ceci qu’il n’était pas structuré et qu’il ne comprenait aucun quota de production. Toutefois, l’emploi exigeait des heures normales de 8 h à 16 h 30 quotidiennement, cinq jours par semaine. Il était possible de modifier les heures, dans la mesure où il était convaincu que, en ses propres mots, il disposait [traduction] des « bonnes ressources sur le terrain pour répondre aux besoins du service à la clientèle ». Il n’a pas été en mesure, lorsqu’on l’a questionné, d’expliquer comment l’emploi ou l’environnement de travail pouvait répondre à certains des autres besoins du fonctionnaire. Cette offre d’emploi a été retirée par la suite, car la formation requise dépassait la durée de l’emploi. En conséquence, la [traduction] « meilleure offre de l’employeur » n’était pas disponible longtemps et l’autre poste ne satisfaisait pas aux mesures d’adaptation médicales recommandées.

3.  Obligation de collaboration de la part du fonctionnaire

[130]  Le fonctionnaire a-t-il manqué à son rôle de collaboration dans le cadre du processus de mesures d’adaptation lorsqu’il n’a pas accepté l’un des trois postes offerts? Je conclus que non.

[131]  Dès le début de 2008, le fonctionnaire et l’agent négociateur ont fait des efforts considérables pour inviter l’employeur à participer à un processus collaboratif pour établir un plan de retour au travail réussi pour le fonctionnaire. Il voulait effectuer un retour au travail à la fin de juin 2008 et il était médicalement apte à le faire.

[132]  L’employeur n’a rencontré ni l’agent négociateur ni le fonctionnaire et ne lui a offert une mesure d’adaptation que deux semaines après l’expiration des prestations d’invalidité du fonctionnaire. Le fonctionnaire était sans revenu et a continué de l’être pendant la majeure partie des années qui ont suivi.

[133]  Il est important qu’une personne qui demande des mesures d’adaptation collabore au processus et ne se limite pas, par exemple, à une seule option. La preuve a démontré que le fonctionnaire et l’agent négociateur ont agi de bonne foi pendant toute la durée du processus. À la demande de l’employeur, le fonctionnaire a consulté un médecin indépendant qui a fourni des conseils à l’employeur sur la façon d’approcher les mesures d’adaptation. À plusieurs occasions, en 2006 et en 2008, le fonctionnaire a respecté son obligation de collaborer pleinement au processus de mesures d’adaptation. Le fonctionnaire a également fait preuve d’ouverture relativement à un certain nombre de possibilités, mais celles‑ci se devaient d’être des possibilités réelles, qui tenaient compte des contraintes médicales qu’il avait communiquées à l’employeur.

[134]  L’employeur a omis de procéder aux évaluations appropriées des mesures d’adaptation nécessaires et, en conséquence, a omis de communiquer au fonctionnaire les renseignements dont il avait besoin pour faire une évaluation raisonnable des mesures d’adaptation offertes dans les trois emplois. Il n’a pas communiqué au fonctionnaire les renseignements nécessaires sur la façon dont les fonctions respecteraient ses contraintes médicales. L’employeur n’a cessé d’insister sur le fait qu’une évaluation ergonomique était la seule information requise et qu’on procéderait à une telle évaluation une fois que le fonctionnaire aurait choisi un emploi. Ce faisant, le fonctionnaire n’était raisonnablement pas en mesure d’évaluer les postes offerts ou d’en choisir un.

[135]  Le fonctionnaire est demeuré ouvert aux différentes possibilités, mais a demandé à l’employeur en toute légitimité de prendre des mesures d’adaptation à son égard à son propre niveau d’attache avant d’envisager des rétrogradations. Il a tenté de trouver du travail dans d’autres ministères. Il a demandé à l’employeur de l’aider, mais l’employeur n’a rien fait.

[136]  J’en conclus que le fonctionnaire s’est acquitté de son obligation en vertu de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation.

4.  Contraintes excessives

[137]  En dernier lieu, j’aborderai le concept des contraintes excessives. L’employeur n’a pas allégué avoir subi de contraintes excessives.

[138]  Je ne crois pas que le concept peut s’appliquer en l’espèce, car j’ai conclu que l’employeur n’avait pas fait d’offre raisonnable de mesures d’adaptation.

[139]  Il n’y a aucun élément de preuve appuyant une constatation selon laquelle les actions de l’employeur sont allées suffisamment loin pour soulever le spectre de la contrainte excessive. Il n’existe aucune preuve de contraintes excessives quelconques éprouvées par l’employeur dans cette affaire.

[140]  Il est vrai que l’employeur a fait en sorte que le fonctionnaire soit en congé non payé entre le 1er juillet 2008 et décembre 2011, à l’exception d’une période de 6,5 mois pendant laquelle il était en congé payé. Pendant cette période, l’employeur a déclaré qu’il avait été patient et qu’il avait sans cesse tenté d’obtenir du fonctionnaire qu’il indique son choix parmi une liste de six options énoncées, soit choisir l’un des trois postes offerts, démissionner, prendre sa retraite pour des raisons médicales ou être congédié. Attendre ne constitue pas une contrainte excessive. Aucune des actions de l’employeur relativement aux mesures d’adaptation n’a entraîné de contraintes excessives.

[141]  En résumé, je conclus que l’employeur a refusé au fonctionnaire les mesures d’adaptation en milieu de travail requises par sa propre politique et ses obligations juridiques de prendre des mesures d’adaptation à son égard.

B. Allégation de discrimination

[142]  Je me pencherai maintenant sur la discrimination alléguée par le fonctionnaire. En raison de mes constatations quant au défaut de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation, je conclus qu’il a également fait preuve de discrimination à l’égard du fonctionnaire en ce qui concerne ses invalidités physiques et médicales, allant ainsi à l’encontre de la convention collective et de la LCDP. L’employeur a omis ou a refusé de donner au fonctionnaire la possibilité de poursuivre son emploi et a agi de la sorte en se fondant uniquement sur ses invalidités médicales, car il ne voulait pas prendre de mesures d’adaptation appropriées à l’égard du fonctionnaire.

[143]  Je conclus également que les actions supplémentaires de l’employeur, établies par la preuve et présentées de façon détaillée dans les prochains paragraphes, établissaient une conduite discriminatoire à l’égard du fonctionnaire. Je conclus, selon la preuve concernant les actions de l’employeur quant à la demande de mesures d’adaptation, que cette discrimination est survenue en raison des invalidités médicales du fonctionnaire. Ces actions comprennent l’approche téméraire de l’employeur en ce qui concerne le processus de mesures d’adaptation; les lettres de M. Mathuik adressées au fonctionnaire en 2008; le fait de placer le fonctionnaire en congé non payé et ensuite le lui enlever sans l’en aviser; la délivrance d’un relevé d’emploi; la participation continue de M. Mathuik dans l’affaire, malgré une recommandation médicale qu’il n’y participe pas; la décision de ne pas reclassifier le fonctionnaire; le défaut d’effectuer des recherches de postes à l’extérieur du ministère dans le cadre du processus de mesures d’adaptation;

i) L’employeur a maintenu une approche téméraire consistant à ignorer que les postes qu’il avait offerts au fonctionnaire ne tenaient pas compte de sa propre opinion médicale indépendante. L’employeur a choisi de faire ce qu’il a fait en dépit de la recommandation de son propre médecin spécialiste indépendant quant à ce que le fonctionnaire pouvait faire et ne pas faire.

ii) Les lettres répétées de M. Mathuik à l’automne 2008 menaçaient le fonctionnaire de congédiement tout en lui proposant des soi-disant mesures d’adaptation. On a envoyé ces trois lettres au fonctionnaire plutôt qu’à l’agent négociateur, comme il l’avait expressément demandé. M. Mathuik a expliqué avoir agi ainsi parce qu’il voulait une réponse et qu’il ne savait pas que le rôle de l’agent négociateur dans le processus était reconnu. En ignorant la demande du fonctionnaire de traiter avec son agent négociateur, l’employeur a réussi à l’isoler davantage. Les lettres ont été envoyées pendant une période où il ne gagnait aucun revenu et où il devenait de plus en plus désespéré d’obtenir les fonds pour répondre aux besoins de base. L’état de santé du fonctionnaire devenait de plus en plus fragile avec chaque lettre envoyée par l’employeur. Chaque lettre présentait une option de démission ou de congédiement. Chaque lettre contenait un délai de réponse très court et annonçait une date de congédiement s’il ne répondait pas. À chaque nouvelle lettre, le ton et le contenu exerçaient de plus en plus de pression, par exemple, en étant intitulée, « Deuxième avis » ou « Dernier avis ». M. Mathuik a affirmé qu’il était tenu par la politique d’offrir au fonctionnaire l’option de démissionner ou de prendre des mesures pour le congédier. Je ne peux pas accepter l’explication de M. Mathuik concernant l’envoi répété de ces lettres en 2008. Ses actions (l’envoi de la lettre de menaces, puis retirer la menace pour la reformuler par la suite), ne s’harmonisaient pas avec ses renseignements à propos des étapes qu’il était tenu de prendre en vertu de la politique. J’en conclus que M. Mathuik n’a pas exécuté la politique telle qu’elle était énoncée en 2008, car il savait que l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire l’emportait sur celle‑ci. Je conclus que les lettres ont été rédigées et livrées d’une façon à frustrer le fonctionnaire et à l’inciter à prendre une mesure désespérée, comme démissionner.

iii) M. Mathuik a pris la décision de placer le fonctionnaire en congé payé, pour ensuite annuler ce congé sans préavis. M. Mathuik a affirmé avoir annulé ce congé car le fonctionnaire était peu réceptif, mais il a omis d’accuser réception ou de répondre aux répliques de l’agent négociateur ou du fonctionnaire parce que celles‑ci, j’en conclus, n’étaient pas conformes aux réponses qu’il souhaitait recevoir. Selon moi, il s’agit d’une mesure de plus visant à forcer le fonctionnaire à accepter une rétrogradation sans mesure d’adaptation adéquate ou à démissionner.

iv) L’employeur a délivré un relevé d’emploi au fonctionnaire. Un tel document signale la fin d’une relation d’emploi; cependant, l’employeur a argué qu’il n’avait pas congédié le fonctionnaire. Une fois de plus, M. Mathuik savait que ce document avait été envoyé. Il n’a rien fait pour l’en empêcher. Il n’existe aucune preuve indiquant que le fonctionnaire a été prévenu ou qu’on lui a fourni une explication relativement à cette mesure. L’employeur s’est livré à une pratique discriminatoire, directement ou indirectement, en exprimant son refus de continuer à employer (pendant toute la durée du processus de mesures d’adaptation) le fonctionnaire pour des motifs liés à ses invalidités physiques et mentales. Cette mesure renforce mon opinion que l’employeur voulait mettre un terme à la relation avec le fonctionnaire et éviter qu’il retourne au travail. Il s’agissait d’une autre forme de menace.

Une fois de plus, le fonctionnaire était dans une situation financière désespérée. À chaque nouvelle menace de l’employeur, l’état de santé du fonctionnaire devenait de plus en plus fragile. Cette menace l’a forcé à déposer une demande de départ à la retraite pour des raisons médicales. Il n’a pas été en mesure de présenter une demande de prestations d’invalidité, car son employeur ne l’avait pas autorisé à retourner au travail depuis 2008. Il n’était pas en mesure de retourner au travail et de continuer jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge normal de départ à la retraite.

Au lieu de cela, le fonctionnaire a été contraint (en raison de la pression et de la résistance passive de son employeur à l’égard de son retour au travail ainsi que son manque de revenu, ce qui l’a plongé dans le désespoir) de présenter une demande de départ à la retraite pour des raisons médicales, car il s’agissait, selon lui, de la seule façon d’obtenir un revenu quelconque.

v) M. Mathuik a continué de participer personnellement au cas du fonctionnaire, malgré les recommandations médicales voulant qu’un autre gestionnaire prenne le contrôle du processus. À compter de 2009 et par la suite, M. Mathuik a indiqué que sa participation était moindre, à l’exception de la préparation en lien avec les séances de médiation et d’arbitrage prévues. La preuve indique le contraire, soit que M. Mathuik a continué d’être le principal décideur en ce qui concerne l’emploi du fonctionnaire, et ce, jusqu’au départ à la retraite du fonctionnaire pour des raisons médicales en 2011, inclusivement.

vi) M. Mathuik et l’employeur ont décidé de ne pas reclassifier le poste d’attache du fonctionnaire, même si tous les postes similaires l’avaient été en raison de la reclassification générale des postes CR-05 au groupe et niveau PM-01. Le fonctionnaire était l’un des trois ou quatre employés se trouvant dans des situations similaires qui n’avaient pas fait l’objet d’une reclassification. La preuve a établi qu’il n’y avait eu aucune modification des fonctions du poste d’attache du fonctionnaire, seulement une reclassification du niveau et du salaire. La reclassification générale devait entrer en vigueur six semaines après la date prévue de retour au travail du fonctionnaire en 2008. La reclassification touchait son poste, et non lui personnellement. Les [traduction] « Questions et réponses à l’intention des gestionnaires à propos de la reclassification des CR-05 » (pièce 74C) de l’employeur ne prévoient aucune condition ou critère pour la reclassification d’un poste CR-05 quelconque relativement à l’emploi de représentant de la prestation des services. Au lieu de cela, ce document réitère plus d’une fois le message voulant que tous les représentants de la prestation des services soient reclassifiés, peu importe l’endroit où ils travaillent. Le fonctionnaire était un représentant de la prestation des services à l’époque. Toutefois, M. Mathuik n’était pas prêt à envisager la reclassification avant que le fonctionnaire ne retourne au travail et que ses compétences et capacités au groupe et niveau PM-01 soient évaluées. M. Mathuik avait des connaissances directes du fonctionnaire et disait grand bien de ses compétences et de ses aptitudes dans son rôle avant sa demande de mesures d’adaptation. Au cours de la même période, M. Mathuik a continué d’offrir au fonctionnaire de retourner à son poste d’attache.

M. Mathuik a indiqué qu’il avait pour obligation d’examiner si les aptitudes connues du fonctionnaire répondraient aux besoins de la classification à un niveau supérieur. J’arrive à la conclusion qu’il n’y a aucune preuve que la reclassification l’obligeait à agir ainsi. Il n’a pas été démontré qu’un autre employé de ce groupe a été nommé à un poste PM‑01 en vue de réaliser la reclassification, tel qu’il est requis selon l’employeur. En outre, j’en conclus que M. Mathuik a effectué cette évaluation des aptitudes du fonctionnaire lorsqu’il lui a offert de retourner à son poste d’attache (qui appartenait alors au groupe et niveau PM‑01) en septembre 2008. Aucun élément de preuve n’appuie la position de l’employeur voulant qu’il était tenu par la politique de procéder à une nouvelle évaluation des capacités du fonctionnaire d’accomplir le même travail (maintenant reclassifié à un niveau supérieur) qu’il avait précédemment fait pendant des années. Selon la preuve, les fonctions du poste n’ont pas changé en l’absence du fonctionnaire. Les nouveaux renseignements à l’époque concernaient l’état de santé physique et psychologique du fonctionnaire. Je conclus également que l’une des raisons qui expliquent le refus de reclassifier le fonctionnaire était que ses invalidités physiques et mentales étaient connues.

J’en conclus que l’employeur a différencié le fonctionnaire des autres employés en refusant de mettre en œuvre la reclassification et qu’il a agi de la sorte pour des motifs liés aux invalidités du fonctionnaire.

Cette décision de l’employeur a eu une incidence sur le fonctionnaire en ceci qu’on lui a refusé une rémunération à un niveau supérieur à tout le moins pendant la période au cours de laquelle M. Mathuik l’a placé en congé payé. Cela aurait également eu une incidence sur le calcul de son revenu de retraite pour des raisons médicales, qui est lié à son revenu touché avant la retraite.

vii) M. Mathuik et l’employeur ont omis de chercher des postes en dehors du secteur de responsabilité de gestion de M. Mathuik ou du ministère afin de prendre des mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire. L’obligation de prendre des mesures d’adaptation exige qu’un employeur examine d’abord l’emploi actuel de l’employé, puis d’autres emplois au même niveau de rémunération, et ensuite qu’il élargisse le cercle d’examen afin de chercher des emplois en dehors de la portée de gestion immédiate au sein du ministère, puis dans d’autres ministères au sein de l’organisation de l’employeur (en l’espèce, le Conseil du Trésor); il doit examiner les postes à un niveau inférieur au sein de l’organisation de l’employeur à la fin. L’employeur a passé outre toutes les étapes qui auraient mené le fonctionnaire en dehors du cercle d’influence de M. Mathuik.

[144]  En somme, l’employeur s’est livré et s’est fié à des politiques et à des pratiques qui ont privé ou qui visaient à priver le fonctionnaire de possibilités d’emploi en raison de ses invalidités.

[145]  Je conclus que l’employeur s’est livré à des pratiques discriminatoires de façon délibérée et inconsidérée. Il a refusé et omis de créer un plan de mesures d’adaptation pour le fonctionnaire qui tenait compte des contraintes liées à ses invalidités. J’étais saisie d’une preuve insuffisante pour expliquer pourquoi l’employeur a omis de procéder d’une façon plus transparente. L’employeur a agi de cette façon dans des circonstances où il avait reçu des options précises, à plusieurs reprises, notamment de la part d’un conseiller médical indépendant (CMI) qu’il avait lui-même demandé. Il n’a pas réussi à établir de quelque façon que ce soit qu’il n’était pas en mesure de prendre des mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire dans son poste d’attache sans subir une contrainte excessive de différentes façons que j’ai déjà abordées dans la présente décision. Par exemple, il n’a tenu compte que d’aspects limités de l’opinion médicale indépendante. De plus, la preuve présentée ne démontrait pas de façon précise en quoi le regroupement ou la réorganisation de l’emploi du fonctionnaire ne serait pas possible, il n’a pas tenu compte d’autres outils d’évaluation indiqués par le CMI qui auraient pu mener à d’autres possibilités et n’a pas prêté attention aux difficultés évidentes éprouvées par le fonctionnaire dans sa recherche d’emploi alors qu’il n’avait pas accès au site Web interne. La lenteur de l’employeur à répondre signifiait également que des possibilités réelles, qui auraient été équivalentes à son poste d’attache, deviendraient des possibilités perdues. En outre, les postes offerts qui auraient constitué une rétrogradation n’étaient pas conformes aux contraintes déterminées médicalement et, dans ces circonstances, il n’est pas possible d’arriver à la conclusion que le fonctionnaire n’a pas collaboré. Bien au contraire, le fonctionnaire a agi de bonne foi et n’a pas cessé de participer au processus.

[146]  Le retard a frustré son retour au travail, a exacerbé sa situation et a entraîné la détérioration de sa santé, alors qu’il s’inquiétait d’un retour au travail et d’une situation financière de plus en plus désespérée. Il n’était pas en mesure d’entretenir un soutien médical constant, car il n’avait pas les moyens de payer pour recevoir des services professionnels. Sans le soutien régulier de ses professionnels de la santé et sans l’appui de son milieu de travail, l’état du fonctionnaire s’est détérioré.

[147]  Au lieu de cela, le fonctionnaire était accaparé par la pression et la résistance passive de son employeur à l’égard de son retour au travail ainsi que par son manque de revenu, ce qui l’a plongé dans le désespoir et l’a contraint à présenter une demande de départ à la retraite pour des raisons médicales, car il s’agissait de la seule façon d’obtenir un revenu quelconque. En conséquence, il a perdu l’avantage et la sécurité de la convention collective et de son emploi; il a subi une perte réelle et matérielle.

C.  Réparation

[148]  Je me pencherai maintenant sur la question de la réparation.

[149]  En vertu de la LRTFP, un arbitre de grief dispose de pouvoirs relativement étendus pour accorder une réparation dans le cas d’un grief prouvé. Les pouvoirs de réparation comprennent certains des mêmes pouvoirs dont jouit la Commission canadienne des droits de la personne. Les articles pertinents sont ainsi libellés :

[…]

226. (1) Pour instruire toute affaire dont il est saisi, l’arbitre de grief peut :

[…]

g) interpréter et appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne, sauf les dispositions de celle-ci sur le droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes, ainsi que toute autre loi fédérale relative à l’emploi, même si la loi en cause entre en conflit avec une convention collective;

h) rendre les ordonnances prévues à l’alinéa 53(2)e) et au paragraphe 53(3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne;

i) dans le cas du grief portant sur le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire, adjuger des intérêts au taux et pour la période qu’il estime justifiés;

j) rejeter de façon sommaire les griefs qu’il estime frustratoires.

[…]

228. (2) Après étude du grief il tranche celui‑ci par l’ordonnance qu’il juge indiquée […].

[…]

[150]  La LCDP prévoit les pouvoirs de réparation qui suivent :

[…]

53. (1) À l’issue de l’instruction, le membre instructeur rejette la plainte qu’il juge non fondée.

(2) À l’issue de l’instruction, le membre instructeur qui juge la plainte fondée, peut, sous réserve de l’article 54, ordonner, selon les circonstances, à la personne trouvée coupable d’un acte discriminatoire :

a) de mettre fin à l’acte et de prendre, en consultation avec la Commission relativement à leurs objectifs généraux, des mesures de redressement ou des mesures destinées à prévenir des actes semblables, notamment :

(i) d’adopter un programme, un plan ou un arrangement visés au paragraphe 16(1),

(ii) de présenter une demande d’approbation et de mettre en œuvre un programme prévus à l’article 17;

b) d’accorder à la victime, dès que les circonstances le permettent, les droits, chances ou avantages dont l’acte l’a privée;

c) d’indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction des pertes de salaire et des dépenses entraînées par l’acte;

d) d’indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction des frais supplémentaires occasionnés par le recours à d’autres biens, services, installations ou moyens d’hébergement, et des dépenses entraînées par l’acte;

e) d’indemniser jusqu’à concurrence de 20 000 $ la victime qui a souffert un préjudice moral.

(3) Outre les pouvoirs que lui confère le paragraphe (2), le membre instructeur peut ordonner à l’auteur d’un acte discriminatoire de payer à la victime une indemnité maximale de 20 000 $, s’il en vient à la conclusion que l’acte a été délibéré ou inconsidéré.

(4) Sous réserve des règles visées à l’article 48.9, le membre instructeur peut accorder des intérêts sur l’indemnité au taux et pour la période qu’il estime justifiés.

Restriction

54. L’ordonnance prévue au paragraphe 53(2) ne peut exiger :

a) le retrait d’un employé d’un poste qu’il a accepté de bonne foi;

b) l’expulsion de l’occupant de bonne foi de locaux, moyens d’hébergement ou logements.

[…]

[Je mets en évidence]

[151]  Si l’employeur avait respecté les recommandations contenues dans le rapport médical indépendant du Dr Ginter, le fonctionnaire serait probablement retourné à un travail productif dès le 1er juin 2008.

1. Rémunération et avantages sociaux

[152]  Le fonctionnaire a perdu la possibilité de recevoir l’avantage lié à sa rémunération régulière, ses crédits de congé annuel, ses avantages sociaux ainsi que ses cotisations au régime de pension à compter du 1er juin 2008. Il devrait être indemnisé la perte de ces prestations, moins la rémunération et les avantages sociaux qu’il a reçus alors qu’il était en congé payé. J’ordonne que l’employeur indemnise le fonctionnaire pour toutes les sommes perdues au titre de la rémunération, des crédits de congé annuel, des avantages sociaux et des cotisations au régime de pension pour la période allant du 1er juin 2008 jusqu’à la date d’entrée en vigueur de son départ à la retraite pour des raisons médicales. Les parties devraient établir conjointement le montant dû au fonctionnaire et le faire dans les 90 jours civils. Au moment d’effectuer les calculs, les facteurs qui suivent doivent également être appliqués :

  • 1) Les calculs portent sur la rémunération, et non pas sur la catégorie ou la terminologie associée au système de rémunération des ressources humaines que l’employeur doit utiliser pour traiter la rémunération.

  • 2) Pour la période du 1er juin 2008 au 15 septembre 2008, le paiement doit être calculé au groupe et niveau CR-05 et comprendre les redressements pour les années de service du fonctionnaire et la progression normale dans l’échelle salariale.

  • 3) Pour la période du 15 septembre 2008 jusqu’à la date du départ à la retraite du fonctionnaire, le paiement doit être calculé au groupe et niveau PM‑01 en guise d’indemnisation pour la perte découlant du refus de le reclassifier pour des motifs discriminatoires.

  • 4) Toutes les augmentations au titre du salaire et des avantages sociaux négociées à compter du 1er juin 2008 doivent être incluses.

  • 5) Les cotisations au régime de pension applicables à compter du 1er juin 2008 devraient être appliquées au compte de pension du fonctionnaire et sa pension de retraite devrait faire l’objet d’un nouveau calcul en conséquence.

  • 6) Toutes les répercussions fiscales pour le fonctionnaire devraient être calculées de façon à minimiser leurs incidences.

2. Dommages pour préjudice moral

[153]  Quant à l’alinéa 53(2)e) de la LCDP, la jurisprudence sur laquelle se sont appuyées les parties a démontré que la preuve dans chaque cas mène à une variété d’indemnités pécuniaires. Chaque cas est différent en ce qui a trait aux montants octroyés en raison de la capacité du plaignant d’aller de l’avant, mais le fonctionnaire dans la présente affaire a perdu cette possibilité en raison de son départ à la retraite pour des raisons médicales. Il devrait recevoir l’indemnité pécuniaire maximale en raison des répercussions à long terme pour lui. Les circonstances font en sorte qu’il est impossible de remédier à la situation autrement que financièrement.

[154]  Au fil des ans, les médecins ont indiqué que le fait de retarder continuellement la prise de mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire accroîtrait la gravité de sa maladie, qui s’est accrue au point de causer un trouble de stress post‑traumatique. Si l’employeur l’avait autorisé à retourner au travail en prenant des mesures d’adaptation, le fonctionnaire aurait pu avoir accès à des prestations du régime d’assurance-invalidité de longue durée, qui sont plus élevées que les prestations de retraite pour raisons médicales. Il aurait pu continuer à être un employé productif pendant de nombreuses années, comme le laisse supposer la preuve. Au lieu de cela, il a passé près de quatre ans, sans revenu ou soutien, à tenter de faire en sorte que son employeur élimine les obstacles en milieu de travail pour lui permettre d’effectuer un retour au travail. La preuve présentée par le fonctionnaire, son père et ses médecins a établi qu’il a considérablement souffert pendant cette période. Son état de santé s’est détérioré au point de causer un trouble de stress post‑traumatique. « Désespérée » est le seul adjectif qui convient pour décrire sa situation financière; il a emprunté de l’argent à sa famille, a augmenté le solde de sa carte de crédit et il a offert sa maison en garantie pour un emprunt. Il a envisagé de se suicider. Il est devenu de plus en plus dysfonctionnel dans un environnement social.

[155]  J’accorde une somme de 20 000 $ pour le préjudice moral, attribuable à la discrimination et aux préjudices psychologiques et physiques qu’a souffert le fonctionnaire et qu’il continuera à souffrir en raison de la négligence de l’employeur et de son incapacité à corriger la situation pendant ce qui aurait dû être ses années normales de préretraite.

3. Dommages spéciaux

[156]  Je suis d’avis qu’il s’agit d’un cas approprié pour octroyer des dommages spéciaux en application du paragraphe 53(3) de la LCDP. Il ne s’agit pas d’un exercice académique et il ne s’agit pas non plus d’enrichir le fonctionnaire. Il s’agit de reconnaître les actions de l’employeur et de réparer ce qui découle de ces actions.

[157]  Je conclus que l’employeur s’est livré à des pratiques discriminatoires dans cette affaire. À mon avis, la conduite était répétée, soutenue et calculée pour s’assurer que le fonctionnaire ne retourne pas au travail et que celle-ci a duré pendant près de quatre ans.

[158]  L’incidence de cette conduite devrait justifier près du maximum des dommages pour discrimination.

[159]  J’octroie près du maximum des dommages, dans le cas présent, 18 000 $.

4. Intérêts, pratiques de l’employeur et excuses

[160]  En ce qui a trait aux intérêts, je suis liée par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et ses exigences de tenir compte de l’alinéa 226(1)h) de la LRTFP de « rendre les ordonnances prévues à l’alinéa 53(2)e) ou au paragraphe 53(3) de la LCDP ». En conséquence, j’arrive à la conclusion que je n’ai pas compétence pour accorder des intérêts dans cette affaire.

[161]  La LCDP m’interdit de rendre des ordonnances à propos des pratiques actuelles de l’employeur.

[162]  Même si le fonctionnaire aimerait recevoir des excuses, je vois peu de valeur d’ordonner à l’employeur de présenter ses excuses dans ces circonstances.

5.  Mise sous scellés des pièces

[163]  Les parties ont demandé que je mette sous scellés les pièces en raison des renseignements médicaux détaillés à propos du fonctionnaire.

[164]  La Commission a publié sa politique sur le principe de transparence judiciaire dans le site Web de l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique et dans le site Web de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique. Cette politique reconnaît l’importance du principe de la transparence judiciaire dans notre système juridique et que, conformément à ce principe constitutionnel, la Commission mène ses audiences en public, sauf dans des circonstances exceptionnelles. De par son mandat et la nature des affaires qu’elle entend, la Commission pratique une politique d’ouverture qui favorise la transparence de ses procédures, la responsabilisation et l’équité dans la conduite de ses audiences.

[165]  La Cour suprême du Canada a précisé qu’il incombe à la partie qui demande l’ordonnance de mise sous scellés de justifier la délivrance de cette ordonnance en se fondant sur une preuve suffisante — une assertion générale de préjudice potentiel n’est pas suffisante. Le critère Dagenais/Mentuck (Dagenais c. Société Radio‑Canada, [1994] 3 R.C.S. 835 et R. c. Mentuck, 2001 CSC 76) comprend les deux volets suivants :

a) L’ordonnance est-elle nécessaire pour écarter un risque sérieux à l’égard d’un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le cadre d’un litige en l’absence d’autres mesures raisonnables pouvant écarter le risque?

b) Les effets bénéfiques de l’ordonnance, y compris les effets sur les droits des parties civiles à un procès équitable, l’emportent-ils sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur le droit à la liberté d’expression, qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans des procédures judiciaires ouvertes et accessibles?

[166]   Dans les circonstances de la présente affaire, je conclus que le préjudice éventuel pour le fonctionnaire l’emporte sur le principe de la transparence judiciaire. Je n’ordonne pas la mise sous scellés de toutes les pièces dans cette affaire. Cependant, même si je comprends qu’il s’agit d’une affaire concernant l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, je suis préoccupée par le fait que certaines pièces comprennent des renseignements exhaustifs et très détaillés à propos du fonctionnaire. Étant donné le consentement mutuel relatif à une ordonnance de mise sous scellés, les parties n’ont évidemment soulevé aucune préoccupation voulant qu’une ordonnance nuise à la justice procédurale dans cette affaire. La publication de ces renseignements n’est pas nécessaire à une compréhension transparente des enjeux et la mise sous scellés de ces pièces particulières, et non pas de toutes les pièces, est une mesure de rechange qui empêcherait le risque de divulgation de la quantité de détails que contiennent ces documents. J’ordonne la mise sous scellés des pièces ou parties de pièces qui suivent :

  1. Pièce 19 – « I »

  2. Pièce 19 – « N »

  3. Pièce 19 – « V », pages 1 et 2

  4. Pièce 19 – « W »

  5. Pièce 19 – « Z »

  6. Pièce 19 – « NN » et pièce jointe

  7. Pièce 19 – « OO », pages 1 à 11

  8. Pièce 19 – « WW », page 4

  9. Pièce 19 – « XX », pages 3 et 4

  10. Pièce 19 – « YY »

  11. Pièce 19 – « ZZ »

  12. Pièce 31 – pages 3 et 4

  13. Pièce 37 – page 2

  14. Pièce 38 – page 3

  15. Pièce 45

  16. Pièce 48

  17. Pièce 49

  18. Pièce 50

  19. Pièce 53 – page 1

  20. Pièce 54

  21. Pièce 55

  22. Pièce 56

  23. Pièce 59

  24. Pièce 60 – onglet 2

  25. Pièce 61

  26. Pièce 64

  27. Pièce 65

  28. Pièce 66

  29. Pièce 67

  30. Pièce 68

  31. Pièce 69 (et les pièces jointes)

  32. Pièce 71.

 

[167]  Pour tous les motifs indiqués ci-dessus, je rends l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance figure à la page suivante)


VI.  Ordonnance

[168]  En conclusion, j’accueille le grief.

[169]  J’ordonne à l’employeur de verser au fonctionnaire, dans les 90 jours suivants la date de la présente décision, l’indemnité pour toutes les sommes perdues au titre de la rémunération, des crédits de congé annuel, des avantages sociaux et des cotisations au régime de pension pour la période du 1er juin 2008 jusqu’à la date d’entrée en vigueur de son départ à la retraite pour des raisons médicales. Les parties devraient établir conjointement le montant dû au fonctionnaire et doivent le faire dans les 90 jours civils. Au moment d’effectuer les calculs, les facteurs qui suivent doivent également être appliqués :

1) Les calculs portent sur la rémunération, et non pas sur la catégorie ou la terminologie associée au système de rémunération des ressources humaines que l’employeur doit utiliser pour traiter la rémunération.

2) Pour la période du 1er juin 2008 au 15 septembre 2008, le paiement doit être calculé au groupe et niveau CR-05 et comprendre les redressements pour les années de service du fonctionnaire et la progression normale dans l’échelle salariale.

3) Pour la période du 15 septembre 2008 jusqu’à la date du départ à la retraite du fonctionnaire, le paiement doit être calculé au groupe et niveau PM‑01 en guise d’indemnisation pour la perte découlant du refus de le reclassifier pour des motifs discriminatoires.

4) Toutes les augmentations au titre du salaire et des avantages sociaux négociées à compter du 1er juin 2008 doivent être incluses.

5) Les cotisations au régime de pension applicables à compter du 1er juin 2008 devraient être appliquées au compte de pension du fonctionnaire et sa pension de retraite devrait faire l’objet d’un nouveau calcul en conséquence.

6) Toutes les répercussions fiscales pour le fonctionnaire devraient être calculées de façon à en minimiser les conséquences.

[170]  J’ordonne à l’employeur de verser au fonctionnaire, dans les 90 jours suivant la date de la présente décision, 20 000 $ pour les préjudices moraux en application de l’alinéa 53(2)e) de la LCDP.

[171]  J’ordonne à l’employeur de verser au fonctionnaire, dans les 90 jours suivant la date de la présente décision, 18 000 $ pour les préjudices moraux en application du paragraphe 53(3) de la LCDP.

[172]  Les pièces ou parties qui suivent seront mises sous scellés :

  1. Pièce 19 – « I »

  2. Pièce 19 – « N »

  3. Pièce 19 – « V », pages 1 et 2

  4. Pièce 19 – « W »

  5. Pièce 19 – « Z »

  6. Pièce 19 – « NN » et pièce jointe

  7. Pièce 19 – « OO », pages 1 à 11

  8. Pièce 19 – « WW », page 4

  9. Pièce 19 – « XX », pages 3 et 4

  10. Pièce 19 – « YY »

  11. Pièce 19 – « ZZ »

  12. Pièce 31 – pages 3 et 4

  13. Pièce 37 – page 2

  14. Pièce 38 – page 3

  15. Pièce 45

  16. Pièce 48

  17. Pièce 49

  18. Pièce 50

  19. Pièce 53 – page 1

  20. Pièce 54

  21. Pièce 55

  22. Pièce 56

  23. Pièce 59

  24. Pièce 60 – onglet 2

  25. Pièce 61

  26. Pièce 64

  27. Pièce 65

  28. Pièce 66

  29. Pièce 67

  30. Pièce 68

  31. Pièce 69 (et les pièces jointes)

  32. Pièce 71.

 

[173]  Je demeurerai saisie du présent grief pendant 90 jours à compter de la date de la présente décision pour régler toutes questions découlant de sa mise en œuvre.

 

Le 11 décembre 2014.

 

Traduction de la CRTEFP

 

 

Deborah M. Howes,

Arbitre de grief

 

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