Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a déposé une plainte dans laquelle il a allégué que son agent négociateur a agi de manière arbitraire et discriminatoire lorsqu’il a retiré ses services de représentation dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Commission – la Commission a conclu que les arguments du plaignant reposaient sur son désaccord au sujet de la décision de son agent négociateur, qui, en elle-même, ne permettait pas d’établir une violation du devoir de représentation équitable – elle a également conclu qu’il n’avait pas établi que, si on y donnait foi, les allégations qu’il soulevait constituaient un argument défendable à l’effet que l’agent négociateur n’ait pas respecté son devoir de représentation équitable – elle a conclu que son allégation d’une discrimination fondée sur la confession ne soulevait pas un argument défendable de discrimination – la Commission a conclu qu’en l’absence d’un argument défendable à l’effet que l’agent négociateur ait agi de manière arbitraire ou discriminatoire dans sa décision de ne pas appuyer la demande de contrôle judiciaire, la plainte n’avait aucune chance de succès.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Plainte devant la Commission

[1]  Le 19 avril 2018, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») a reçu une plainte déposée en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), au moyen de la formule 16, de Ghani Osman (le « plaignant »). La plainte a désigné le Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada (SEIC) à titre de défendeur. Le SEIC est l’un des éléments constitutifs de l’Alliance de la Fonction publique du Canada, l’agent négociateur du plaignant.

[2]  Cette plainte déposée en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi allègue une pratique déloyale de travail sous la forme d’une contravention de l’art. 187, connue comme la disposition relative au devoir de représentation équitable, qui se lit comme suit :

 Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

[3]  Le plaignant a joint une déclaration à sa formule 16 dans laquelle il a allégué que le SEIC avait agi de manière arbitraire et discriminatoire lorsqu’il a [traduction] « retiré ses services de représentation ». La représentation qu’il a demandée de la part du défendeur concernait une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission dans Osman c. Administrateur général (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2018 CRTESPF 15 (« Osman »), en date du 26 février 2018. Dans Osman, la Commission a examiné l’argument du fonctionnaire s’estimant lésé selon lequel l’employeur avait fait de fausses déclarations relatives à une modalité d’une entente de règlement, notamment en ce qui concerne le contenu d’une lettre de recommandation. La Commission a conclu qu’il n’y avait eu aucune fausse déclaration parce qu’une ébauche de la lettre de recommandation avait été fournie au fonctionnaire s’estimant lésé avant la signature de l’entente. La Commission a conclu que le règlement était définitif et exécutoire et qu’il n’existait aucun motif pour la Commission de reprendre l’affaire.

[4]  Le plaignant, par l’intermédiaire d’un avocat privé, a déposé une demande de contrôle judiciaire d’Osman. Dans Osman c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 72, sa demande a été rejetée. Je cite l’extrait suivant de la brève décision de 11 paragraphes :

[…]

[9] Dans sa décision, la Commission note que le seul point de discorde portait sur la lettre de recommandation. Il était raisonnable pour la Commission de conclure que le demandeur « était entièrement informé des modalités du règlement » (décision de la Commission, au paragraphe 16) et qu’il n’y avait donc pas eu de fausses déclarations. De fait, bien que le demandeur affirme avoir été trompé quant au contenu de la lettre de recommandation, il était raisonnable pour la Commission de conclure que, puisque le demandeur avait reçu copie de cette lettre au moment de la signature de l’entente de règlement modifiée, il ne pouvait soutenir ultérieurement que cette lettre était insatisfaisante. Par conséquent, il était loisible à la Commission de conclure que les modalités de l’entente de règlement avaient été correctement exécutées et qu’aucun motif ne justifiait le réexamen du grief que le demandeur avait été retiré.

[…]

[5]  Dans l’affaire dont la Commission est actuellement saisie, le plaignant demande une mesure corrective pour la supposée violation par le défendeur de l’art. 187 de la Loi – c’est‑à‑dire sa décision de ne pas appuyer une demande de contrôle judiciaire d’Osman – sous forme d’indemnisation pour frais juridiques et de dommages pour détresse psychologique (dont les deux montants ne sont pas précisés).

[6]  Le 4 juillet 2018, un vice‑président de la Commission a ordonné que la plainte soit tranchée sur la base d’arguments écrits, conformément à la demande du défendeur. Je souligne que dans un courriel envoyé au greffe de la Commission daté du 7 août 2019, le plaignant a déclaré qu’il ne s’opposait pas à la demande du défendeur de régler l’affaire par écrit. Il a ajouté un autre commentaire, comme suit : [traduction] « Que la Commission décide ou non de tenir une audience pour régler cette affaire, je suis d’accord et je vais aller de l’avant. »

[7]  Le 9 juillet 2018, le Greffe de la Commission a informé les parties des dates de présentation de leurs arguments. La Commission a reçu les arguments du plaignant le 20 juillet 2018, la réponse du défendeur le 17 septembre 2018, et la réfutation du plaignant le 18 septembre 2018.

[8]  Le vice-président de la Commission m’a confié le dossier en février 2020. J’ai examiné les arguments des parties ainsi que les documents figurant au dossier et j’ai confirmé de nouveau que leur contenu comprenait suffisamment de renseignements pour trancher la plainte sans tenir une audience.

[9]  Le pouvoir de la Commission de trancher toute affaire sans tenir d’audience est énoncé à l’art. 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365), qui se lit comme suit : « La Commission peut trancher toute affaire ou question dont elle est saisie sans tenir d’audience. »

[10]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que le plaignant n’a pas établi que, si on y ajoute foi, les allégations qu’il soulève constituent une cause défendable selon laquelle le défendeur n’a pas respecté les interdictions énoncées à l’art. 187 de la Loi, et je rejette la plainte.

II.  Arguments écrits

A.  Pour le plaignant

[11]   Pour des raisons d’efficacité, j’ai présenté le texte principal de l’argumentation du plaignant dans son intégralité, comme suit :

[Traduction]

1. Le 30 novembre 2016, un protocole d’entente (PE) a été signé par la direction, moi‑même et le Syndicat.

2. Le 1er décembre 2016, l’employeur a reconnu la signature du contrat et m’a envoyé une lettre de recommandation en vue de respecter l’article 6 du PE. Je n’ai pas examiné la lettre au moment où elle m’a été envoyée, j’ai supposé qu’elle était exacte et j’ai fait confiance aux déclarations faites par la direction au cours de nos négociations.

3. Après avoir présenté une demande de changement de mon lieu de travail d’Ottawa à Toronto, l’employeur a signé une modification à ce contrat du 6 décembre 2016, et je l’ai signée le 14 décembre 2016.

4. En février 2017, j’ai obtenu une entrevue en tant que conseiller en relations de travail et j’ai constaté pour la première fois que la lettre de recommandation rédigée par mon employeur était inexacte. J’ai communiqué avec M. Ian Thompson, dont je n’ai pas eu de nouvelles. M. Thompson avait une relation avec M. Culverhouse, puisqu’il m’a dit qu’il avait travaillé avec M. Culverhouse pendant de nombreuses années, et le langage qu’il a utilisé contre ma confession constitue, selon lui, de la libre expression.

5. Le 14 mars 2017, j’ai communiqué avec Mme Nadine Labelle pour demander la lettre sur laquelle les parties se sont entendues par contrat. Le 5 avril 2017, Mme Labelle a répondu à mon courriel en reconnaissant que la lettre envoyée le 1er décembre 2016 contenait des renseignements inexacts, et elle a envoyé une deuxième lettre.

6. J’ai communiqué avec M. Chris Sloan, un représentant du SEIC de la région de l’Ontario, pour obtenir de l’aide. Je l’ai informé que l’obtention d’une recommandation m’aurait grandement aidé à poursuivre ma carrière. J’ai subi des conséquences négatives découlant de l’omission de l’employeur de fournir la lettre, car je n’ai pas été en mesure d’utiliser la lettre inexacte aux fins d’une entrevue importante que j’ai eue. En conséquence, j’ai perdu confiance et je n’ai pas obtenu le poste. M. Sloan n’était pas utile, alors j’ai embauché Mme Samantha Kompa, qui avait fait preuve d’empathie.

7. J’ai communiqué avec le comité de révision afin de déterminer si les parties avaient conclu une entente définitive et exécutoire à la suite des fausses déclarations de l’employeur.

8. Le 15 décembre 2017, l’employeur a fourni de faux renseignements à la Commission et a fortement soutenu que j’avais reçu la lettre de recommandation avant la signature du PE initial le 6 décembre 2016.

9. Je n’ai pas eu l’occasion d’être entendu quant aux faits, et le décideur a tranché l’affaire en fonction de ces faux renseignements sans aucun élément de preuve. Voir le par. 16 de Osman c. Administrateur général (ministère de l’Emploi et du Développement social).

10. Le 28 février 2018, j’ai eu une discussion par téléconférence avec M. Ram Sivapalan en vue de discuter d’un autre grief que j’ai déposé le 2 février 2018, concernant une mesure disciplinaire (grief no 4840) et que j’ai retiré plus tard. Au cours du même appel, j’ai demandé l’aide de M. Sivapalan et du Syndicat pour interjeter appel de la décision à laquelle l’arbitre de grief est parvenu le 26 février 2018, et j’ai fourni les faits dont il avait déjà connaissance selon lesquels la lettre de recommandation est inexacte quant aux faits et constitue pour moi une modalité essentielle de l’entente. M. Sivapalan, sans justification ni raisonnement, a refusé et a seulement déclaré que le Syndicat [traduction] « ne souhaitait pas reprendre cette affaire » et il a estimé que le règlement était entièrement mis en œuvre, mais il a néanmoins offert de m’aider à obtenir une lettre de recommandation corrigée de l’employeur. J’ai choisi de donner suite au contrôle judiciaire; je refuse de confirmer le contrat après avoir pris connaissance des fausses déclarations.

11. Dans un courriel daté du 17 avril 2018, M. Sivapalan a confirmé la position du Syndicat , dont il m’avait informé le 28 février 2018, soit que l’entente de règlement est [traduction] « pleinement mise en œuvre par toutes les parties », malgré le fait qu’elle ne comprenne pas une modalité essentielle de l’entente, ce qui m’a incité à croire que le contrat n’a pas été exécuté à mon égard.

Argument

12. Une modalité essentielle d’un contrat ne peut pas être ignorée et non exécutée sans recours. Le Syndicat ne souhaite tout simplement pas reprendre le grief, malgré le fait que la question a entraîné une perte d’emploi, et il s’attend à ce que je continue d’utiliser une lettre qui est inexacte. J’ai choisi de présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission; j’ai respectueusement refusé de confirmer le contrat après avoir pris connaissance des fausses déclarations. La jurisprudence prévoit qu’une partie qui confirme un contrat après avoir pris connaissance de la nature des fausses déclarations perd le droit de l’annuler : Voir : Samson v. Lockwood (1998), 40 O.R. (3d) 161, 110 O.A.C. 301. Le droit s’attend à ce que l’on prenne des mesures et que l’on fasse valoir nos droits, et c’est exactement ce que j’ai fait.

13. L’employeur avait une obligation de diligence raisonnable dans la préparation de la lettre de recommandation lorsqu’il a accepté de fournir une lettre de recommandation. Il est raisonnable de supposer que le fait d’accepter de fournir une lettre de recommandation laisse entendre qu’il accepte d’en fournir une qui contient des renseignements exacts. Pasimanik v. Central Epicure Food Products, 2009 HRTO 1727, au par. 12.

14. Cependant, le décideur dans mon cas m’a reproché de ne pas avoir vérifié l’exactitude de la lettre. En règle générale, le destinataire n’est pas tenu d’enquêter sur la véracité des déclarations « même si des sources lui permettent d’être informé » Opron Construction Co. Ltd. v. Alberta (1994), 151 AR 241, au par. 560, voir également Jessel M.R. dans l’affaire Redgrave v. Hurd (1881), 20 Ch. D. 1(C.A.), au par. 13 : Si un homme est incité à conclure un contrat au moyen de fausses déclarations, il ne suffit pas de lui répondre [traduction] « Si vous aviez fait preuve de diligence raisonnable, vous auriez constaté que la déclaration était fausse, vous aviez les moyens de découvrir son caractère faux et vous avez choisi de ne pas vous en prévaloir ».

15. Étant donné l’importance de cette question pour moi, et les importantes conséquences sur mes moyens de subsistance qui en découlent, le Syndicat n’est pas en mesure de trouver une raison valable justifiant pourquoi il a décidé de ne pas contester les faux renseignements clairs que l’employeur a fournis à la Commission. Il convient de noter que le procureur général du Canada a refusé de présenter son affidavit à l’appui de ses arguments à la Cour d’appel fédérale. Il est juste de conclure que la décision du Syndicat est sans fondement et arbitraire lorsque ses actes ne peuvent certainement pas être valable en droit, étant donné ce que la Cour a conclu dans Noël c. Société d’énergie de la Baie James, [2001] 2 R.C.S. 207 (C.S.C.) :

« Se reliant étroitement, les concepts d’arbitraire et de négligence grave définissent la qualité de la représentation syndicale. L’élément de l’arbitraire signifie que, même sans intention de nuire, le syndicat ne saurait traiter la plainte d’un salarié de façon superficielle ou inattentive. Il doit faire enquête au sujet de celle‑ci, examiner les faits pertinents ou obtenir les consultations indispensables. »

16. Le Syndicat n’a pas procédé à un examen du bien‑fondé des fausses déclarations, sauf pour me dire qu’il ne souhaite pas reprendre le grief. Ma carrière est au point mort, car j’éprouve beaucoup de difficultés à obtenir un poste lié à mon domaine d’expertise en raison du manque de recommandation en matière d’emploi. Je crois qu’on me punit pour avoir dénoncé la haine en milieu de travail, et mon syndicat appuie les actes de l’employeur en ne me représentant pas de manière adéquate et, par conséquent, cet acte est discriminatoire au motif de ma religion.

17. Les actes du Syndicat constituent une négligence flagrante étant donné les éléments de preuve clairs dont il était saisi, et le fait de permettre à l’employeur, sans répercussions, d’induire la Commission en erreur le rend responsable. Archambault c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2002 CRTFP 56.

 

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

B.  Pour le défendeur

[12]  Les arguments du défendeur décrivent comme suit ses communications avec le plaignant au sujet de la lettre de recommandation :

[Traduction]

[…]

8. À divers moments en 2017 et en 2018, le plaignant a demandé de l’aide pour répondre à ses préoccupations relatives à la lettre par l’intermédiaire du Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada (SEIC), qui est une composante de l’AFPC.

9. Tout d’abord, le plaignant a demandé l’aide d’un représentant du syndicat national du SEIC, soit M. Chris Sloan. En septembre 2017. M. Sloan a évalué les préoccupations soulevées par le plaignant et l’a informé verbalement que, même s’il n’était pas d’avis que la lettre de recommandation modifiée constituait une violation du règlement, il comprenait que le plaignant était insatisfait de la lettre. M. Sloan a suggéré quelques solutions de rechange pour s’adresser à l’employeur afin de déterminer s’il existait un moyen de régler de manière officieuse l’insatisfaction du plaignant à l’égard de la lettre.

10. Insatisfait de l’évaluation de M. Sloan à l’égard de la lettre et du règlement, le plaignant a choisi d’embaucher son propre avocat privé pour obtenir de l’aide. En septembre 2017, il a déposé une plainte contre l’employeur, dans laquelle il a allégué qu’il avait signé le PE en se fondant sur de fausses déclarations de l’employeur et il a fait valoir que le PE était donc invalide.

11. En outre, le plaignant a déposé une plainte en vertu de l’art. 190 contre M. Sloan et le défendeur en novembre 2017. Cette plainte a ensuite été retirée par le plaignant.

12. En février 2018, le plaignant a de nouveau soulevé la question de la lettre de recommandation auprès de son nouveau représentant du syndicat national du SEIC, soit M. Ram Sivapalan. M. Sivapalan avait été affecté à son dossier en novembre 2017 et l’avait aidé à régler d’autres questions liées aux griefs. M. Sivapalan a examiné les faits du règlement et a discuté des préoccupations du plaignant au sujet de la lettre de recommandation. Après avoir examiné la question de manière approfondie, selon l’évaluation de M. Sivapalan, la lettre de l’employeur respectait le règlement et, par conséquent, le PE de décembre 2016 avait été pleinement mis en œuvre. Toutefois, comprenant que le plaignant n’était pas content, M. Sivapalan a offert de continuer à le représenter et a suggéré d’utiliser d’autres moyens légitimes pour répondre à ses préoccupations à l’égard de l’employeur, y compris son insatisfaction à l’égard de la lettre de recommandation.

13. Le 26 février 2018, la Commission a rendu une décision concernant la plainte que le plaignant avait déposée en septembre 2017 contre l’employeur. Dans sa décision, la Commission a conclu que l’employeur n’avait fait aucune fausse déclaration au sujet du PE et que le règlement était définitif et exécutoire.

[…]

[13]  Le défendeur a examiné la jurisprudence applicable en matière de devoir de représentation équitable et a cité les décisions suivantes : Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon et autre, [1984] 1 R.C.S. 509; Sayeed c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 44; Ouellet c. Luce St‑Georges et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 107; Tsai c. Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada et Sand, 2011 CRTFP 78; Nowen c. UCCO‑SACC‑CSN, 2003 CRTFP 98; et Mangat c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 52.

[14]   Le défendeur a résumé comme suit l’essentiel de la jurisprudence portant sur le devoir de représentation équitable :

[Traduction]

 

[15]   En ce qui concerne la représentation du plaignant par le défendeur, il a soutenu ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Le défendeur est d’avis que la présente plainte porte sur un employé particulier de l’unité de négociation qui ne souscrit pas à la stratégie de l’agent négociateur pour s’acquitter de ses obligations en matière de représentation. En exerçant son pouvoir discrétionnaire pour traiter tous les aspects du dossier du plaignant en l’espèce, y compris la question de savoir s’il devrait appuyer son appel du règlement négocié, le défendeur fait respectueusement valoir qu’il a agi dans le cadre du pouvoir discrétionnaire conféré à un agent négociateur. Par conséquent, il n’a pas agi d’une manière qui équivaut à de la mauvaise foi ou qui est arbitraire ou discriminatoire et n’a donc pas manqué à son devoir de représentation équitable en vertu de la LRTSPF.

[…]

[…] le défendeur soutient respectueusement que ses actes dans le cadre de la représentation du plaignant concernant les affaires liées à son règlement avec l’employeur n’ont été commis ni de mauvaise foi, ni de manière arbitraire, ni de manière discriminatoire. Le défendeur fait valoir que M. Sivapalan, tout comme M. Sloan avant lui, a fait tout son possible pour aider le plaignant relativement à ses préoccupations concernant la mise en œuvre du règlement de décembre 2016 conclu avec son employeur. En ce qui concerne les deux représentants du défendeur, une attention sérieuse a été accordée au bien‑fondé de toutes les préoccupations du plaignant concernant la lettre de recommandation de l’employeur, une évaluation a été effectuée, l’évaluation a été clairement communiquée au plaignant (verbalement et par écrit) et des solutions de rechange ont été offertes pour répondre aux préoccupations du plaignant.

Le défendeur soutient donc respectueusement que le défendeur s’est acquitté de son devoir de représentation équitable dans cette affaire lorsqu’il a offert au plaignant une représentation motivée et compétente. La décision du défendeur de ne pas le représenter dans le cadre d’un appel interjeté contre le règlement, que l’AFPC estimait être pleinement mis en œuvre, ne justifie pas une conclusion selon laquelle le plaignant n’a pas bénéficié d’une représentation pleine et diligente et que cette représentation a été exécutée de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

[…]

La norme de diligence que le défendeur doit respecter en l’espèce consiste à agir de manière qui n’est ni arbitraire, ni discriminatoire, ni de mauvaise foi. Il n’existe aucun élément de preuve pour étayer les affirmations du plaignant selon lesquelles la décision du Syndicat était « sans fondement et arbitraire » ou que ses actes correspondent à une « négligence flagrante ». En outre, contrairement aux affirmations du plaignant dans ses arguments écrits, les actes du défendeur sont valables en droit. […]

[…]

C.  Réfutation du plaignant

[16]  À mon avis, la réfutation du plaignant ne contient aucun argument pertinent à la supposée violation de l’art. 187 de la Loi par le défendeur. Étant donné qu’elle est axée exclusivement sur l’état de l’entente de règlement et de sa modification et qu’elle ne traite pas de manière substantielle les allégations de comportement arbitraire et discriminatoire, je ne vois pas la nécessité de la résumer.

III.  Motifs

[17]  Je dois d’abord indiquer ce que la présente décision ne vise pas. Bien que le plaignant ait consacré une partie importante de son argumentation sur son affirmation, manifestement passionnée, selon laquelle la lettre de recommandation ne répondait pas aux exigences de son règlement de décembre 2016 conclu avec l’employeur, je ne suis pas saisi de cette affirmation. La présente instance ne constitue pas non plus un examen de la décision de la Commission dans Osman, une décision dans laquelle la Commission n’a trouvé aucun motif de reprendre l’entente de règlement, qu’elle a conclu être définitive et exécutoire. L’examen de cette décision relevait de la Cour d’appel fédérale; le plaignant a donné suite à cet examen. La Cour a rejeté ses arguments. La question relative au caractère suffisant de la lettre de recommandation est donc close aux fins de la présente décision.

[18]  La décision à prendre est simple : le plaignant a‑t‑il établi que, si on y ajoute foi, les allégations qu’il soulève constituent une cause défendable selon laquelle le défendeur n’a pas respecté les interdictions énoncées à l’art. 187 de la Loi? À ce stade de l’instance, et aux seules fins de mon analyse, je dois supposer que le plaignant serait en mesure d’établir ses allégations. Selon le libellé clair de l’art. 187, le critère consiste à déterminer si les allégations du plaignant constituent une cause défendable selon laquelle la décision de M. Sivapalan était arbitraire ou discriminatoire.

[19]  Même si cela ne permet pas de trancher la question, je trouve intéressant que le plaignant ait déposé, mais ensuite retiré, une plainte antérieure en matière de devoir de représentation équitable lorsque M. Sloan, son ancien représentant du SEIC, a décidé que la lettre de recommandation était conforme à l’entente de règlement. Si le plaignant était d’avis, à l’automne 2017, qu’il ne devrait pas donner suite à la plainte et que, par conséquent, il l’a retiré officiellement, pourquoi a‑t‑il alors déposé une nouvelle plainte en avril 2018 contre M. Sivapalan, qui a essentiellement pris la même décision que M. Sloan?

[20]  Outre l’allégation selon laquelle la décision de M. Sivapalan constituait de la négligence flagrante, sans fondement, arbitraire et discriminatoire, je suis d’avis que dans ses arguments, le plaignant n’a rien offert qui pourrait constituer une cause défendable de violation de l’art. 187 de la Loi.

[21]  Les arguments du plaignant reposent essentiellement sur son désaccord au sujet de la décision de M. Sivapalan.

[22]  La jurisprudence énonce clairement que le fait qu’un employé ne souscrive pas à une décision prise par son agent négociateur ne permet pas en soi d’établir une violation de l’art. 187 de la Loi. L’agent négociateur conserve un pouvoir discrétionnaire considérable lorsqu’il décide si, et dans quelle mesure, il doit représenter un membre, à condition qu’il respecte les principes fondamentaux établis par la Cour suprême du Canada dans Guilde de la marine marchande du Canada, à la page 527, et comme le reflète l’ensemble de la jurisprudence de la Commission :

3. Cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l’importance du grief et des conséquences pour le salarié, d’une part, et des intérêts légitimes du syndicat d’autre part.

4. La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire, ni abusive.

5. La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le salarié.

[23]  Selon l’allégation du plaignant, l’évaluation de M. Sivapalan selon laquelle l’agent négociateur ne pouvait pas étayer une demande de contrôle judiciaire d’Osman, comme l’avait déterminé M. Sloan avant lui, était arbitraire parce qu’elle [traduction] « n’était pas valable en droit ». Toutefois, le plaignant n’a donné aucun détail sur la façon dont M. Sivapalan avait procédé à cette évaluation et il n’a allégué aucun fait laissant entendre quelque chose d’inconvenant. Les allégations du plaignant laissent entendre qu’il n’était pas disposé à accepter d’autres options que de donner suite au contrôle judiciaire. Ses allégations laissent également entendre que les solutions de rechange pour donner suite à ses préoccupations concernant la lettre de recommandation ne lui étaient pas acceptables.

[24]  Lorsqu’il a appris que l’agent négociateur n’était pas du même avis quant à l’entente de règlement et la lettre de recommandation, le plaignant a persisté à contester Osman devant la Cour d’appel fédérale en embauchant un avocat privé, comme il était en droit de le faire. Le fait que les observations de son avocat privé aient ensuite été rejetées par la Cour d’appel fédérale permet de confirmer après coup que le plaignant n’a aucune cause défendable selon laquelle la décision de M. Sivapalan était arbitraire parce qu’elle [traduction] « ne peut être valable en droit ».

[25]  Tel qu’il a été déclaré dans Sayeed, au par. 37, le devoir de représentation équitable « ne confère pas aux membres de l’agent négociateur le droit absolu d’être représentés ni ne les autorise à décider de la manière dont l’agent négociateur s’acquitte de ses obligations dans leurs causes. »

[26]  En février 2018, le plaignant avait certainement droit à son opinion  selon laquelle la décision de la Commission dans Osman était erronée lorsqu’il en a discuté avec M. Sivapalan. Ce à quoi il n’avait pas droit, c’était l’accord de M. Sivapalan de renvoyer l’affaire à la Cour d’appel fédérale. M. Sivapalan, au nom de l’agent négociateur, était tenu d’examiner les options disponibles, de prendre une décision motivée et de communiquer cette décision au plaignant.

[27]  En outre, l’allégation du plaignant indiquant que l’évaluation de M. Sivapalan selon laquelle l’agent négociateur ne pouvait pas appuyer une demande de contrôle judiciaire d’Osman découlait d’une discrimination fondée sur la confession du plaignant semble constituer une simple allégation présentée pour faire bonne mesure. En fait, les allégations du plaignant n’offrent aucune explication sur la façon dont il en est venu à croire que l’évaluation de M. Sivapalan a été entachée de discrimination. Étant donné que la Cour d’appel fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire du plaignant, je ne peux, en toute conscience, conclure que la plainte soulève une cause défendable de discrimination en l’espèce.

[28]  En l’absence d’une cause défendable selon laquelle M. Sivapalan a agi de manière arbitraire ou discriminatoire dans son évaluation selon laquelle l’agent négociateur ne pouvait pas appuyer une demande de contrôle judiciaire d’Osman, en violation de l’art. 187 de la Loi, la présente plainte n’a aucune chance de succès et devrait être rejetée sommairement.

[29]   Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


IV.  Ordonnance

[30]  La plainte est rejetée.

Le 22 avril 2020.

Traduction de la CRTESPF

D. Butler,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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