Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Vingt-cinq fonctionnaires ont déposé des griefs individuels alléguant que les Opérations des enquêtes statistiques (l’« employeur ») ont enfreint la clause 23.20 de la convention collective – cette clause prévoit que « […] lorsque les nécessités du service le permettent, l’Employeur s’efforcera d’offrir le travail additionnel disponible à un lieu de travail aux employés/es qualifiés/es qui sont facilement disponibles à ce lieu de travail […] avant d’embaucher du personnel additionnel » – les fonctionnaires s’estimant lésés ont soutenu qu’en vertu de la clause 23.20 de la convention collective, l’employeur était tenu d’offrir des heures de travail supplémentaires aux fonctionnaires s’estimant lésés avant d’embaucher 18 nouveaux employés, ce qu’il n’a pas fait – l’employeur a soutenu qu’il avait embauché 18 nouveaux employés pour répondre aux nécessités du service et que les fonctionnaires s’estimant lésés n’avaient pas perdu d’heures de travail au profit des nouveaux employés puisque ces derniers travaillaient des quarts lorsque les fonctionnaires s’estimant lésés travaillaient déjà ou lorsqu’ils n’étaient pas disponibles – la Commission a conclu que, pour établir une violation de la clause 23.20, il incombait aux fonctionnaires s’estimant lésés de prouver deux conditions – premièrement, ils devaient prouver que les heures de travail supplémentaires qu’ils voulaient se voir offrir répondaient aux « nécessités du service » de l’employeur – deuxièmement, ils devaient prouver qu’il y avait des « employés/es qualifiés/es […] facilement disponibles » auxquels l’employeur n’a pas offert d’heures de travail supplémentaires – sur la base de ces deux conditions, la Commission a conclu que les fonctionnaires s’estimant lésés n’avaient pas établi que l’employeur avait enfreint la clause 23.20 – en ce qui concerne la première condition, la Commission a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour conclure à l’existence de la condition des « nécessités du service » de la clause 23.20 – en ce qui concerne la deuxième condition, la Commission a conclu que les fonctionnaires s’estimant lésés n’étaient pas disponibles pour travailler les heures supplémentaires puisque les nouveaux employés travaillaient des quarts lorsque les fonctionnaires s’estimant lésés travaillaient déjà ou lorsqu’ils n’étaient pas disponibles – par conséquent, les fonctionnaires s’estimant lésés n’étaient pas disponibles au sens de la clause 23.20 pour travailler les heures supplémentaires – la Commission a conclu que l’employeur n’a pas enfreint la clause 23.20 de la convention collective.

Griefs rejetés.

Contenu de la décision

Date:  20200506

Dossiers:  566-24-12144 à 566-24-12148

et 566-24-12249 à 12268

 

Référence:  2020 CRTESPF 47

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Alice Clark, alice vallée, chantal ménard, tanya smeltzer, louise gendron, marie audet, roberto bonfiglio, gilles castonguay, marie-philippe chouinard, bernard desparois, zeljko frzovic, poe kayan fung, jacques inkel, loic kabamba, diane labrecque, ginette lajeunesse, nancy laplante, jessica leblanc distefano, estelle lepage, jean-fidÈLe mahoro bucyanayan, patricie nyirahabinka, ludwig ortiz gagnÉ, marijana sakic, christian sauriol ET JEAN-MARC TÉTREAULT

fonctionnaires s’estimant lésés

 

et

 

 OPÉRATIONS DES ENQUÊTES STATISTIQUES

 

employeur

Répertorié

 Clark c. Opérations des enquêtes statistiques

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant :  Linda Gobeil, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés :  Guido Miguel Delgadillo, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur : Cristina St-Amant-Roy, avocate

Affaire entendue à Sherbrooke (Québec),

les 2 et 3 mai 2019.


MOTIFS DE DÉCISION

I.  Griefs individuels renvoyés à l'arbitrage

[1]  Vingt-cinq fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires ») ont déposé des griefs alléguant que les Opérations des enquêtes statistiques (l’« employeur ») ont violé la clause 23.20 de la décision arbitrale rendue à l’égard de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») et l’employeur pour le groupe Intervieweurs et Intervieweurs principaux (pièce BA-1, onglet G). Cette décision arbitrale fait partie de la convention collective entre les mêmes parties, et dont la date d’expiration est le 30 novembre 2014 (la « convention collective ») (pièce BA-2). Les postes de ces fonctionnaires sont à durée indéterminée ou déterminée (pièce BA-1, onglet B).

[2]  Les griefs ont été déposés en anglais et en français le 15 juillet 2015. La réponse de l’employeur a été émise au dernier palier de la procédure de règlement des griefs en anglais le 4 janvier 2016, et en français, le 13 janvier 2016. Les griefs en anglais ont été référés par l’agent négociateur à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») le 12 février 2016. Pour sa part, le renvoi des griefs en français a été fait le 9 mars 2016. À l’audience, les parties ont demandé à ce que la décision originale soit rendue en français.

II.  Résumé de la preuve

[3]  Les parties ont soumis un énoncé conjoint des faits, qui se lit comme suit pour l’essentiel (pièce BA-1) :

Énoncé des faits

1. Les parties sont liées par la convention collective entre l’Alliance de la fonction publique du Canada et Opérations des enquêtes statistiques pour le groupe des intervieweurs et intervieweurs principaux qui travaillent aux enquêtes principalement dans les bureaux régionaux de Statistique Canada – Date d’expiration : le 30 novembre 2014.

2. Les plaignants ont déposés leurs griefs le 15 juillet 2015.

3. Au moment du dépôt de grief, les plaignants travaillaient comme des intervieweurs ou intervieweurs principaux, soit à durée indéterminée ou à durée déterminée au bureau de l’employeur à Sherbrooke. La description de tâches applicable est incluse à l’Appendice A. Une liste avec le poste de chaque plaignant et plaignante au moment du dépôt des griefs se retrouve à l’Appendice B.

4. Les heures de chaque plaignant et plaignante peuvent varier de trimestre à trimestre selon les besoins opérationnels de l’employeur. L’ensemble des plaignants sont des employés à temps partiel et n’ont pas d’heures de travail garanties outre mesure l’article 23.07 de la convention collective.

5. Les trimestres sont de trois mois, soit du 1 janvier au 31 mars, 1 avril au 30 juin, 1 juillet au 30 septembre, 1 octobre au 31 décembre.

6. Au cours du trimestre d’avril à juin 2015, l’employeur informe les plaignants qu’il procédera à l’embauche de 18 nouveaux intervieweurs pour le trimestre de juillet à septembre 2015. Cette décision fut confirmée à la section locale lors de la rencontre du Comité consultatif du 10 juin 2015. Le procès-verbal de la rencontre du comité consultatif patronal syndical local du 10 juin 215 se retrouve à l’Appendice C.

7. L’embauche des nouveaux intervieweurs était initialement pour travailler sur l’Enquête nationale auprès des apprentis qui a été retardée à Septembre 2015. De ce fait, les nouveaux employés ont travaillé sur l’enquête de la population active et ont remplacé les employés réguliers en vacances pendant la période estivale.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

A.  Preuve de l’agent négociateur

[4]  L’agent négociateur a fait entendre deux témoins.

[5]  Alice Vallée a témoigné qu’elle travaille à titre d’intervieweuse pour l’employeur. Pendant son emploi, elle a occupé plusieurs postes auprès de l’agent négociateur, y compris en tant que représentante de la section locale et, à ce titre, elle était membre du Comité de consultation patronale-syndicale (CCPS).

[6]  Elle a expliqué qu’elle travaille à temps partiel et que, du 1er avril au 30 juin 2015, son horaire trimestriel était de 35 heures par semaine. En tant qu’intervieweuse, son travail consiste à recueillir des données pour l’employeur en effectuant des enquêtes téléphoniques (pièce BA-3). Mme Vallée a expliqué qu’elle est formée pour réaliser de nombreux types d’enquêtes sociales et d’enquête-entreprise, ce qui n’est pas le cas de tous les intervieweurs. Toutefois, ils sont tous qualifiés pour réaliser l’Enquête sur la population active (EPA), qui est accomplie tous les mois; ses données sont considérées comme des renseignements essentiels pour l’employeur. Elle a expliqué que pour chaque type d’enquête, il y a un moment idéal pour appeler les personnes interviewées, ce dont un intervieweur doit tenir compte avant de faire un appel. Par exemple, pour les enquêtes concernant des agriculteurs, il est mieux de tenter de les joindre le matin ou le soir et, pour les enquêtes sociales, comme l’EPA, il convient mieux d’appeler le soir. Pour les enquêtes-entreprises, il est préférable d’appeler le jour, mais pas avant 9 h.

[7]  Mme Vallée a indiqué qu’à l’été 2015, elle était disponible pour travailler toute la journée, même les fins de semaine, à partir de 8 h, mais que pour des raisons médicales, elle ne pouvait pas travailler durant le quart de soir qui commençait à 17 h. De plus, comme elle ne vivait pas à Sherbrooke, elle ne pouvait pas faire un quart divisé, par exemple travailler de 9 h à midi, puis faire un autre quart plus tard cette journée-là. Cette façon de faire n’aurait pas été commode ni pratique pour elle.

[8]  Au cours de son témoignage, Mme Vallée a reconnu que les intervieweurs sont informés trois mois à l’avance de leur semaine de travail attribuée, y compris leurs heures de travail, et qu’il n’y a aucune garantie d’un nombre minimal ou maximal d’heures (pièces BA-1, E-1 et E-2).

[9]  Mme Vallée a déclaré qu’elle avait assisté à la réunion du CCPS du 10 juin 2015, au cours de laquelle la direction avait informé les participants que certaines enquêtes prévues étaient reportées, que l’employeur embauchait de nouveaux intervieweurs et que les heures de travail des fonctionnaires diminueraient (pièce BA-1, onglet C, élément 21). Deux jours plus tard, l’employeur, comme il le fait normalement tous les trois mois, lui a envoyé ainsi qu’à ses collègues des lettres indiquant leurs heures de travail pour le prochain trimestre. Elle a remarqué que ses heures avaient été réduites. Même si la réduction des heures était différente pour chaque employé, Mme Vallée a indiqué que les siennes étaient passées de 35 à 32 pour les mois de juillet à septembre 2015 (pièce BA-3 et BA‑4). Compte tenu de ces faits, Mme Vallée et les autres fonctionnaires ont décidé de contester la décision de l’employeur de réduire leurs heures de travail.

[10]  Même si ses heures de travail hebdomadaires du 1er juillet au 30 septembre 2015 étaient passées à 32, Mme Vallée a reconnu que pour le précédent trimestre et celui qui suivait, de septembre à décembre 2015, elles étaient de 35 (pièces BA-3, BA-4 et E-2).

[11]  En contre-interrogatoire, Mme Vallée a reconnu que sur les 30 candidats qualifiés, 18 nouveaux intervieweurs avaient été embauchés, comme il avait été indiqué à la réunion de juin du CCPS. Elle a aussi reconnu que, parfois, des enquêtes prévues étaient reportées.

[12]  Mme Vallée a témoigné qu’elle ne savait pas comment l’horaire était établi, mais elle a reconnu que lorsqu’il présente un horaire à venir, l’employeur tient compte de l’expérience de chaque employé, de la nature de l’enquête et des restrictions des employés, le cas échéant. Elle a reconnu que, comme elle ne travaillait pas les quarts de soir, elle n’aurait pas pu les travailler entre le 19 et le 22 juillet 2015 et que le travail avait été attribué à l’un des 18 nouveaux employés (pièce E-3, onglet 2, page 4).

[13]  Diane Labrecque a aussi témoigné. Elle a indiqué être intervieweuse pour l’employeur depuis 2008. Elle a précisé être elle aussi une employée à temps partiel.

[14]  Au cours de son témoignage, Mme Labrecque a indiqué que les fonctions d’intervieweur impliquent de faire des entrevues téléphoniques avec différents répondants dans plusieurs domaines. Mme Labrecque a précisé qu’en 2015, elle travaillait surtout sur des enquêtes concernant les entreprises, mais que de temps à autre elle devait, dans une même journée, participer à d’autres enquêtes.

[15]   Mme Labrecque a indiqué qu’en juin 2015 elle était présidente de la section locale. Lors de la rencontre du CCCPS du 10 juin 2015, la direction les a informés de son intention d’embaucher des personnes supplémentaires tout en réduisant le nombre d’heures des intervieweurs déjà en poste pour les mois de juillet et août 2015. Selon Mme Labrecque, cette approche de l’employeur était incohérente : d’une part on réduit les heures de travail des fonctionnaires, et d’autre part, on embauche 18 nouveaux employés. Lorsqu’elle a réalisé deux jours plus tard que, tout comme pour Mme Vallée, ses heures de travail allaient passer de 35 heures à 32 heures par semaine pour le prochain trimestre, elle a décidé de déposer un grief (pièces BA-5 et BA-6).

[16]  Mme Labrecque a témoigné avoir été disponible tant pour les mois d’avril 2015 à juin 2015, que pour la période de juillet à septembre 2015 pour travailler de 9 h, ou même plus tôt, jusqu’à 17 h. Mme Labrecque a précisé qu’une condition médicale l’empêchait toutefois de travailler après 17 h.

[17]  En contre-interrogatoire, Mme Labrecque a, tout comme Mme Vallée, convenu que l’employeur n’avait jamais garanti un nombre minimal ou maximal d’heures de travail par semaine (pièces E-4, BA-5 et BA-6). Questionnée quant à savoir si on l’avait informée que les nouveaux employés travailleraient pour le trimestre de juin à septembre 2015 sur l’EPA et ensuite remplaceraient les personnes en vacances, Mme Labrecque a dit « ne pas avoir été vraiment mise au courant ». Mme Labrecque a convenu que son travail à l’époque était surtout en lien avec l’enquête sur l’industrie manufacturière et, qu’à cet égard, aucun des 18 nouveaux employés n’a travaillé sur cette enquête. Finalement, Mme Labrecque a aussi reconnu, compte tenu de ses restrictions médicales qui l’empêchaient de travailler au-delà de 17 h, qu’elle n’aurait pas pu travailler le quart de travail qui commençait à 17 h pour finir à 21 h les 19, 20 et 21 juillet 2015. Ces quarts de travail ont été effectués par les nouveaux employés (pièces E-7 et E-3, onglet 15, lettres du 4 novembre 2015 et du 13 janvier 2016).

B.  Preuve de l’employeur

[18]  Christina Philbrick a témoigné pour l’employeur. Elle est chef de district pour les bureaux de Montréal et de Sherbrooke (pièce E-6). Elle était auparavant une intervieweuse principale. En 2015, elle était gestionnaire de collecte de données. Son rôle concernait principalement la planification des activités d’enquête, la formation des intervieweurs, l’établissement de leurs horaires et le recrutement de nouveaux intervieweurs.

[19]  Mme Philbrick a expliqué qu’elle avait planifié la charge de travail en 2015. Elle a témoigné que l’employeur avait réduit les heures de travail cet été parce que la charge de travail avait diminué. Elle a expliqué que la réduction des heures de travail durant l’été était une pratique très commune pour l’employeur, à l’exception des années de recensement, ce qui n’était pas le cas de 2015.

[20]  Mme Philbrick a témoigné qu’il existe de nombreux types d’enquêtes et que certaines portent sur des sujets sociaux et d’autres, des sujets commerciaux ou agricoles. Leur fréquence varie. Certaines sont réalisées chaque mois, alors que d’autres sont faites chaque année ou tous les cinq ou six ans. D’autres encore ne sont réalisées qu’une seule fois.

[21]  Mme Philbrick a expliqué que la direction examine plusieurs facteurs au moment d’attribuer une enquête à un intervieweur. Par exemple, si l’employé est nouveau, il se verra habituellement attribuer l’enquête précise pour laquelle il a été embauché. Si l’employé est expérimenté, l’employeur examine sa disponibilité, son expérience et sa préférence et, le cas échéant, la question de savoir s’il a des restrictions médicales ou autres.

[22]  Mme Philbrick a expliqué qu’un nouvel employé suit une formation de deux jours et demi sur les compétences de base en matière de techniques d’entrevue ainsi qu’un aperçu des règles. Un intervieweur principal offre une formation sur les enquêtes en utilisant des documents de référence créés au bureau central de l’employeur à Ottawa, en Ontario.

[23]  Elle a examiné la façon dont les enquêtes sont attribuées. Elle a indiqué que les employés ne sont pas tous formés pour accomplir toutes les enquêtes. Mme Philbrick a dit que l’EPA est considérée comme une enquête sociale et que presque tous les employés sont formés pour la réaliser. La direction tente d’affecter autant d’employés que possible à cette enquête, qui revient au milieu de chaque mois (pièce E‑7).

[24]  Mme Philbrick a expliqué que le moment idéal pour appeler des personnes à interviewer varie selon le type d’enquête. Par exemple, il est préférable de réaliser les enquêtes-entreprises entre 9 h et 17 h, alors que les enquêtes agricoles devraient être réalisées tôt le matin ou en soirée, après 18 h 30. Comme l’EPA est une enquête sociale, il est préférable de l’accomplir le soir ou la fin de semaine, lorsque les gens sont à la maison.

[25]  Par conséquent, selon Mme Philbrick, lorsque la direction décide d’attribuer un type d’enquête à un intervieweur, en plus de tenir compte de son expérience, de ses préférences et de ses restrictions, elle tient aussi compte du meilleur moment pour appeler les personnes, selon le type d’enquête. Par exemple, si un employé peut travailler uniquement durant la journée, il se verra principalement attribuer les enquêtes-entreprises.

[26]  Mme Philbrick a témoigné que la direction prend en considération les demandes des employés et tente, autant que possible, de prendre des mesures d’adaptation à leur égard. À titre d’exemple, elle a mentionné le cas de Nancy Laplante. Immédiatement après avoir appris que ses heures de travail seraient réduites pour passer de 35 à 32 en juin 2015, elle a demandé à faire des postes divisés pour conserver ses 35 heures. Son gestionnaire a accepté et ses heures sont revenues à 35 pour le trimestre de juillet à septembre 2015 (pièce BA-1, onglet E).

[27]  Mme Philbrick a expliqué que chaque gestionnaire de collecte de données est responsable des horaires de ses employés, tenant compte de facteurs comme la nature de l’enquête et la question de savoir si un employé est nommé pour une période indéterminée ainsi que son expérience et sa disponibilité.

[28]  Même si le meilleur moment pour appeler des personnes varie selon le type d’enquête, Mme Philbrick a expliqué qu’il ne serait pas efficace et pratique de demander à un employé qui vient de terminer un poste de travailler encore 30 minutes sur une autre enquête. Elle a expliqué que cette façon de faire pourrait créer de la confusion chez l’intervieweur.

[29]  Mme Philbrick a déclaré que les horaires couvrent une période de trois mois et qu’il est très rare de réduire les heures de travail durant ces trois mois. Elle a aussi insisté pour dire qu’il n’y a pas de garantie quant à un nombre minimal ou maximal d’heures de travail durant une semaine de travail (pièces E-2, E-5, BA-3 et BA-4).

[30]  Mme Philbrick a expliqué qu’en 2015, la direction a décidé d’embaucher de nouveaux employés et que le processus d’embauche a commencé à la fin avril ou au début mai. L’objectif était de recruter 18 nouveaux employés pour travailler principalement à l’Enquête nationale auprès des apprentis (ENA) qui devait commencer en juillet, mais aussi à l’EPA et de remplacer des employés qui prenaient leurs vacances d’été.

[31]  Toutefois, la direction a découvert seulement en juin que l’ENA avait été reportée par le bureau central de l’employeur à Ottawa pour tous les bureaux du pays. Mme Philbrick a témoigné que puisque les nouveaux employés avaient déjà été embauchés, l’employeur voulait leur donner du travail à faire pour les retenir. Mme Philbrick a insisté sur le fait que le processus d’embauche avait été long et que beaucoup de temps et d’efforts avaient été nécessaires pour recruter les nouveaux employés. L’employeur ne voulait pas devoir recommencer le processus d’embauche presque immédiatement.

[32]  Les 18 nouveaux employés ont été affectés à l’EPA pour juillet et août; ils ont aussi remplacé des employés en vacances.

[33]  Mme Philbrick a témoigné que les nouveaux employés suivaient une formation sur les compétences de base en juillet pour l’équivalent de 17 heures de travail. Puis, ils suivaient une formation sur l’EPA pendant trois jours ou pour l’équivalent de 21 heures. Ensuite, ils travaillaient trois ou quatre jours sur l’EPA, pour l’équivalent de 16 à 20 heures. En août, ils ont travaillé sur l’EPA uniquement en remplacement des employés en vacances et pendant 16 à 18 heures seulement. En septembre 2015, ils ont commencé à travailler à l’ENA. À ce moment, les heures de travail des fonctionnaires sont en général revenues à ce qu’elles étaient avant juillet 2015 (pièces E-2 et E-5).

[34]  Mme Philbrick a insisté pour dire qu’en avril et mai 2015, la direction n’avait pas le choix d’embaucher les 18 nouveaux employés parce que l’ENA était prévue pour juillet et qu’elle n’avait eu aucun signe indiquant qu’elle serait reportée.

[35]  À la question de savoir pourquoi les heures de travail de Mme Laplante n’avaient pas été réduites de juillet à septembre 2015, Mme Philbrick a expliqué que dans le cas de Mme Laplante, après avoir appris que, comme pour les autres fonctionnaires, ses heures de travail seraient réduites, cette dernière a dit à son gestionnaire qu’elle voulait faire des quarts divisés et que, comme sa demande respectait les exigences opérationnelles, la direction l’a acceptée.

[36]  Claudette Baillargeon a aussi témoigné pour l’employeur. Elle a commencé à titre d’intervieweuse chez l’employeur il y a plus de 25 ans. En 2015, elle était gestionnaire de district, qui incluait le bureau de Sherbrooke. Son travail consistait entre autres à recevoir les demandes du bureau d’Ottawa quant aux types et nombre d’enquêtes à mener. Elle rencontrait alors ses gestionnaires de collecte de données, comme Mme Philbrick, qui lui faisaient part de leurs besoins quant au nombre d’employés et au nombre d’heures nécessaires pour compléter les enquêtes demandées par le bureau d’Ottawa.

[37]  Mme Baillargeon coordonnait alors les demandes d’enquêtes provenant du bureau d’Ottawa avec les demandes de ressources de ses gestionnaires et elle décidait alors si elle devait embaucher du personnel. Ces demandes d’enquêtes viennent donc de l’employeur, du bureau d’Ottawa qui, après consultation avec les ministères clients, décide du type d’enquêtes de même que la date où celle-ci doit avoir lieu. La date pour ces enquêtes n’est toutefois pas ferme; elle peut donc changer.

[38]  Mme Baillargeon a expliqué avoir décidé en 2015 d’embaucher 18 nouveaux employés à la suite de la demande venant du bureau d’Ottawa de mener une ENA, originalement prévue pour juillet 2015, en raison de la charge de travail supplémentaire que cela comportait. Le profil des employés recherchés était alors que ces personnes aient une grande flexibilité au niveau des heures de travail, qu’elles soient bilingues et prêtes à travailler les soirées et fins de semaine.

[39]  Mme Baillargeon a expliqué que l’embauche de personnel prend beaucoup de temps. Plusieurs facteurs doivent être pris en considération, par exemple l’analyse des compétences des postulants, leur profil linguistique et leur attestation de sécurité. Selon Mme Baillargeon, souvent, seulement une personne sur quatre se qualifie pour un poste. Il faut souvent rencontrer de 60 à 70 candidats avant d’en sélectionner 20.

[40]  Au cours de son témoignage, Mme Baillargeon est revenue sur le type d’enquêtes effectuées par les intervieweurs de même que sur le meilleur temps pour les faire. Par exemple, les EPA, qui aident à mesurer le taux de chômage au pays, sont effectuées chaque mois et elles se font le soir et les fins de semaine. Il est donc important que les intervieweurs soient disponibles en soirée et les fins de semaine. Pour leur part, les enquêtes portant sur la santé des communautés canadiennes sont effectuées une fois par année, et elles ont lieu elles aussi le soir et les fins de semaine. Quant aux enquêtes-entreprises elles se font aussi chaque mois; elles sont faites pendant le jour et seulement durant la semaine. Les enquêtes sur des sujets agricoles ont pour leur part lieu tout au long d’une année et elles se font le midi ou en soirée.

[41]  Mme Baillargeon a expliqué que les horaires des employés sont déterminés par les gestionnaires de collecte de données. À cet égard, les employés nommés pour une période indéterminée ont plus d’heures de travail que ceux nommés à temps partiel. Une fois qu’il a déterminé l’horaire des employés nommés pour une période indéterminée, le gestionnaire considère alors la disponibilité des employés nommés à temps partiel, et leurs expériences, préférence et restrictions, le cas échéant. Selon Mme Baillargeon, l’été est toujours plus tranquille; les heures de travail sont généralement réduites pendant cette période. Pour les employés nommés à temps partiel, ces heures augmentent toujours à partir du mois de septembre (pièce BA-1, onglet E).

[42]  Mme Baillargeon a expliqué qu’à partir de septembre 2015, les 18 nouveaux employés ont été affectés principalement à l’ENA, qui était une enquête importante qui avait nécessité l’embauche de ces intervieweurs supplémentaires. Selon Mme Baillargeon, cette enquête devait au départ se tenir pendant l’été 2015. Elle a toutefois été avisée par le bureau d’Ottawa, au début juin 2015, que l’enquête était retardée au mois de septembre partout au pays. Mme Baillargeon a insisté sur le fait que lorsqu’elle a été avisée du retard, l’embauche des 18 employés était déjà bien commencée mais qu’elle ne savait pas si cette embauche était totalement complétée.

[43]  Selon Mme Baillargeon, l’embauche des 18 intervieweurs n’a pas eu d’impact sur les employés nommés à temps partiel, car les gens prennent leur vacances l’été, et que les 18 nouveaux employés ont soit travaillé sur l’EPA, remplacé des employés en vacances, travaillé pendant les quarts de travail où les employés nommés à temps partiel étaient déjà en train de travailler ou travaillé pendant que ces derniers avaient indiqué ne pas être disponibles, comme par exemple pour les quarts de travail de soir. Mme Baillargeon a témoigné que le fait que les 18 nouveaux intervieweurs aient été affectés entre autres au remplacement d’employés en vacances lui a permis, pour cet été de 2015, d’accorder les demandes de vacances de tous ses employés.

III.  Résumé de l’argumentation

A.  Pour l’agent négociateur

[44]  Le représentant a plaidé que 18 nouveaux intervieweurs ont été embauchés par l’employeur ce qui a fait en sorte que les fonctionnaires ont vu leurs heures de travail diminuer pour le trimestre de juillet à septembre 2015. La réduction d’heures de travail a varié selon l’employé. Toutefois, pour Mmes Vallée et Labrecque, leurs heures de travail ont passé de 35 heures à 32 heures, le tout, selon l’agent négociateur, en violation de la clause 23.20 de la convention collective (pièce BA-1, onglets C et E).

[45]  Selon le représentant, la preuve démontre que Mmes Vallée et Labrecque ont une vaste expérience et sont habilitées à travailler sur diverses enquêtes. De plus, la preuve démontre aussi que la disponibilité de ces deux témoins n’a pas changé; elles étaient toujours prêtes pour les mois de juillet à septembre 2015 à continuer de travailler 35 heures par semaine.

[46]  Selon le représentant, c’est l’employeur qui a décidé de retarder l’ENA, ce qui fait qu’il a dû affecter les 18 nouveaux employés aux enquêtes existantes, notamment l’EPA, ayant comme résultat que les heures de travail des employés ont été réduites pendant le trimestre de juillet à septembre 2015.

[47]  Le représentant a ajouté que rien dans la preuve de l’employeur ne démontre qu’il avait comme pratique d’embaucher du nouveau personnel pour combler les absences pendant les vacances d’été.

[48]  Selon le représentant, l’employeur savait déjà, lors de la réunion du CCPS de juin 2015, que l’ENA serait retardée. La preuve démontre que le lendemain de la réunion du CCPS, soit le 11 juin 2015, les employés étaient déjà avisés de la réduction du nombre d’heures à travailler (pièces BA-4 et BA-6).

[49]  Le représentant a plaidé que l’employeur a fait aucun effort d’offrir aux fonctionnaires l’occasion de faire plus d’heures, et ce, en contravention de la clause 23.20 de la convention collective.

[50]   Le représentant a insisté sur le fait que la première partie de cette clause est claire quant à l’obligation de l’employeur de d’abord donner le travail aux fonctionnaires avant de l’offrir à de nouveaux employés. De plus, l’employeur n’a jamais consulté les employés en poste pour voir si ces derniers étaient intéressés à maintenir le même nombre d’heures de travail par semaine. Si ces employés déjà en place avaient été consultés, peut-être auraient-ils demandé à changer d’enquête ou auraient modifié leurs choix d’horaire de travail de façon à pouvoir travailler 35 heures pendant le trimestre de juillet à septembre 2015.

[51]  Selon le représentant, l’employeur a plutôt choisi de diviser le temps à allouer à l’EPA parmi tous les employés, sans se soucier du fait que cette décision réduirait les heures des fonctionnaires.

[52]  Le représentant me demande une déclaration voulant que la clause 23.20 de la convention collective a été violée, et de réserver le calcul sur l’indemnisation qui pourrait en découler.

B.  Pour l’employeur

[53]  L’avocate a d’abord insisté sur le fait qu’une nouvelle ENA devait être tenue en juillet 2015. Compte tenu du fait qu’il s’agissait d’une enquête avec une charge de travail importante, Mme Baillargeon a donc décidé d’embaucher du personnel supplémentaire. L’avocate a insisté sur le fait que l’embauche de personnel est un processus long, couteux et laborieux.

[54]  L’avocate a rappelé qu’en juin 2015, le bureau d’Ottawa a décidé de retarder cette ENA dans tous les bureaux au pays et qu’afin de ne pas perdre les nouveaux employés, l’employeur leur a d’abord donné une formation. Par la suite, les nouveaux employés ont travaillé sur l’EPA et remplacé des employés déjà en poste, qui étaient en vacances, pour environ 16 à 20 heures en juillet et 16 à 18 heures en août 2015. Ces employés supplémentaires ont aussi travaillé des quarts de travail pour lesquels les témoins de l’agent négociateur avaient indiqué ne pas être disponibles.

[55]  À cet égard, l’avocate a mis en relief l’horaire de travail de Mme Vallée et Mme Labrecque du 19 juillet au 21 juillet 2015, tel qu’il a été détaillé dans la lettre du 4 novembre 2015. Selon l’avocate, les tableaux reproduits dans ces lettres démontrent soit que les heures travaillées par les nouveaux employés étaient concurrentes aux heures où Mme Vallée et Labrecque travaillaient déjà, soit que les nouveaux employés ont travaillé pendant le quart de soir pendant lequel Mme Vallée et Mme Labrecque avaient indiqué ne pas être disponibles.

[56]  L’avocate a insisté sur le fait que les horaires de travail sont planifiés avec minutie et que les gestionnaires de collecte de données prennent en considération de nombreux facteurs, tels par exemple le type d’enquête à réaliser, l’ancienneté des employés, leur expérience, leurs préférences, les restrictions médicales ou autres, s’il y en a, leur disponibilité, leur désir de travailler ou pas à des quarts de travail divisé.

[57]  Selon l’avocate, c’est une analyse complète et continue qui est faite par le gestionnaire de collecte de données. Ainsi, si la disponibilité d’un employé change ou que des restrictions quant aux heures de travail sont levées ou ajoutées, l’employé n’a qu’à aviser son gestionnaire qui, sous réserve des nécessités du service, tentera de prendre des mesures d’adaptation. L’avocate a repris l’exemple de Mme Laplante qui a avisé son gestionnaire qu’elle était prête à travailler un quart de travail divisé et qui a été accommodée. Selon l’avocate, contrairement à ce qu’a soutenu le représentant de l’agent négociateur, la clause 23.20 de la convention collective n’exige pas que l’employeur refasse chaque fois aux employés une offre d’heures de travail supplémentaires.

[58]  L’avocate a souligné le fait que les lettres d’offre aux employés précisaient qu’il n’y avait pas de garantie d’un nombre minimum ou maximum d’heures de travail. Cet avis était répété dans les lettres trimestrielles remises aux employés, et se trouve aussi dans la clause 23.02 de la convention collective. Selon l’avocate, la seule restriction imposée à l’employeur en matière de nombre d’heures de travail se trouve dans la clause 23.07 de la convention collective. Cette clause stipule que l’employeur doit s’efforcer de fournir 15 heures de travail. Cette obligation n’est pas en cause en l’espèce (pièces E-1, E-2, BA-2, BA-3, BA-4, BA-5 et BA-6).

[59]  Selon l’avocate, l’employeur a fait le nécessaire en préparant les horaires du trimestre de juillet à septembre 2015 pour fournir le maximum d’heures aux fonctionnaires.

[60]   Selon elle, la clause 23.20 de la convention collective doit être lue dans son ensemble. L’avocate a insisté sur le choix des mots « s’efforcera d’offrir » de la clause 23.20, au soutien que l’employeur a une obligation de moyen et non pas de résultat. Ainsi, selon l’avocate, l’employeur n’a qu’à démontrer les tentatives faites pour satisfaire à la fois aux demandes des fonctionnaires et aux nécessités du service pour satisfaire à son obligation.

[61]  L’avocate m’a renvoyée aux décisions suivantes : Burgess c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien) 2004 CRTFP 164; Burgess c. Canada (Procureur général), 2006 CAF 159; Chafe c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112; Marine v. Ontario Nurses’ Association, 2013 Can LII 84904 (On LA); Syndicat des chauffeurs d’autocars de la Rive sud c. Autocars Des Chûtes Inc., 2015 CANLII 27472 (QC SAT); Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 55.

C.  Réplique

[62]  Le représentant de l’agent négociateur a fait valoir que les comparaisons entre les heures de travail des fonctionnaires et celles des 18 nouveaux employés pendant 3 jours au mois de juillet contenues dans les réponses au dernier palier de la procédure de règlement des griefs ont été faites après le fait, et ne portent que sur trois jours (pièce E-3). Selon le représentant, l’employeur avait l’obligation d’offrir aux fonctionnaires la possibilité de continuer à travailler 35 heures de travail par semaine et ce, avant même d’embaucher les 18 nouveaux employés.

IV.  Motifs

[63]  Avant de décider s’il y a eu violation de la clause 23.20 de la convention collective par l’employeur, il y a lieu de revenir sur certains éléments de preuve.

[64]  Les fonctionnaires qui ont déposé un grief travaillent à temps partiel. Leurs heures de travail hebdomadaires sont en moyenne inférieures à 37,5 heures en vertu de la convention collective (pièces BA-1 et BA-2, et clause 2.01 de la convention collective).

[65]   Il ressort de la preuve qu’en avril ou mai 2015, Mme Baillargeon a été avisée que le bureau de Sherbrooke participerait à une nouvelle ENA, qui devait se tenir en juillet 2015. Mme Baillargeon a été avisée par le bureau d’Ottawa au début du mois de juin 2015 que cette enquête était reportée à septembre. Quant à savoir si les 18 nouveaux employés avaient été embauchés au moment où Mmes Baillargeon et Philbrick ont été avisées du retard, je dois souligner que la preuve de l’employeur sur ce point n’est pas concluante. D’une part, Mme Philbrick a soutenu que l’embauche était terminée lorsque l’ENA a été retardée, alors que Mme Baillargeon ne le savait pas. De son côté, l’agent négociateur n’a pas non plus démontré que l’embauche n’était pas terminée. Mmes Baillargeon et Philbrick ont néanmoins indiqué que le processus d’embauche était long et fastidieux et qu’elles ne voulaient pas perdre leurs nouvelles ressources qu’elles venaient tout juste d’embaucher. Elles devaient donc leur donner du travail.

[66]  Lors de la réunion du CCPS du 10 juin 2015, l’agent négociateur a été avisé que l’ENA était retardée, que les heures de travail pour le trimestre de juillet à septembre 2015 avaient été réduites et qu’il y avait de nouveaux employés. Le lendemain, soit le 11 juin 2015, les fonctionnaires ont été avisés que leurs heures de travail seraient réduites. Dans le cas des deux témoins de l’agent négociateur, les heures devaient être réduites pour passer de 35 à 32 heures pour le prochain trimestre (pièces BA-1, onglet C, BA-3, BA-4, BA-5 et BA-6).

[67]  Mmes Philbrick et Baillargeon ont témoigné que, pendant la période estivale, les activités ralentissent et les heures de travail des fonctionnaires diminuent. Ces affirmations n’ont pas été contredites.

[68]  La preuve a aussi révélé que le gestionnaire de collecte de données chargé de déterminer les heures de travail prend en considération plusieurs facteurs, par exemple le type d’enquête à compléter, le meilleur temps pour communiquer avec les répondants de l’enquête, l’expérience des intervieweurs, leurs préférences, leur disponibilité et les restrictions, le cas échéant.

[69]  La preuve non contredite a aussi révélé qu’il a été possible, à l’été 2015, de s’entendre avec l’employeur pour continuer à travailler le même nombre d’heures par semaine pour le trimestre de juillet à septembre 2015. Ainsi, Mme Laplante a pu garder le même nombre d’heures de travail par semaine, soit 35 heures, en optant pour travailler des quarts de travail divisés (pièce BA-1, onglet G).

[70]  Mmes Baillargeon et Philbrick ont témoigné que l’arrivée des nouveaux employés n’a eu aucune incidence sur la réduction des heures de travail des fonctionnaires, car les nouveaux employés ont été essentiellement affectés soit à de la formation, soit à l’EPA pendant les heures où leurs collègues en poste travaillaient déjà; ils remplaçaient également pendant les vacances estivales. Ces nouveaux employés ont aussi travaillé pendant les quarts de travail pour lesquels les deux témoins de l’employeur avaient déjà signifié qu’elles n’étaient pas disponibles (pièce E‑3, onglets 2 et 15, réponses au 3e palier de la procédure de règlement des griefs).

[71]  Plus précisément, dans le cas de Mmes Vallée et Labrecque, pour la période du 19 juillet au 21 juillet 2015, la preuve est à savoir que les heures travaillées par les fonctionnaires supplémentaires coïncidaient avec les heures travaillées par ces deux fonctionnaires ou pendant des heures où ces dernières avaient indiqué ne pas pouvoir travailler, soit les quarts de travail de soirée. J’en conclus donc, en fonction de ces données, que ces deux fonctionnaires n’ont pas perdu d’heures de travail pour ces jours au profit des nouveaux employés; soit elles travaillaient déjà, soit elles avaient indiqué ne pas être disponibles (pièce E-3, onglets 2 et 15).

[72]  Le représentant de l’agent négociateur a contesté la pertinence de cette preuve au motif qu’il ne s’agissait que d’un échantillonnage basé sur 3 jours de travail pour deux employées, et que ces données avaient été fournies après le dépôt des griefs, soit aux troisième et quatrième paliers de la procédure de règlement des griefs. Je ne suis pas d’accord avec ces arguments. D’une part, la validité de ces données n’a pas été contestée. Il revenait à l’agent négociateur, qui a le fardeau de la preuve dans cette affaire, de démontrer que cet échantillonnage ne reflétait pas la situation. De plus, il s’agit ici d’informations communiquées à l’agent négociateur dans le cadre de la procédure de règlement des griefs en 2015. L’agent négociateur avait donc amplement le temps de vérifier ces données et de préparer sa preuve pour la présente audience en tenant compte de cette information. Je conclus donc qu’il n’a pas été démontré que les 18 nouveaux employés ont travaillé des heures qui, normalement, auraient pu être effectuées par les fonctionnaires; soit que les fonctionnaires travaillaient déjà pendant ces quarts de travail, soit qu’ils n’étaient pas disponibles.

[73]  Considérant maintenant la clause 23.20 de la convention collective, je dois me demander si, compte tenu de la preuve, l’employeur a violé cette disposition. Cette clause 23.20 fait partie d’une décision arbitrale, et ainsi fait partie intégrante de la convention collective. La clause se lit comme suit :

23.20 Nonobstant la clause 23.18, lorsque les nécessité du service le permettent, l’Employeur s’efforcera d’offrir le travail additionnel disponible à un lieu de travail aux employés/es qualifiés/es qui sont facilement disponibles à ce lieu de travail, indépendamment de la nature de l’enquête, avant d’embaucher du personnel additionnel. Sous réserve de ce qui précède, l’Employeur peut embaucher du personnel additionnel et il ne lui est pas interdit d’embaucher du personnel additionnel avant d’offrir aux employés/es du travail à temps plein.

[74]  Le représentant a essentiellement plaidé que la clause 23.20 de la convention collective imposait à l’employeur l’obligation d’offrir la possibilité aux fonctionnaires de faire des heures de travail supplémentaires et ce, avant même d’embaucher 18 nouveaux employés.

[75]   Ce n’est qu’au début de juin 2015 que la décision a été prise de reporter cette enquête en septembre. Mmes Philbrick et Baillargeon ont expliqué que le processus d’embauche était long et laborieux, et qu’en juin 2015, le processus d’embauche était terminé selon Mme Philbrick, alors que Mme Baillargeon n’était pas en mesure d’affirmer que le processus d’embauche s’était bel et bien terminé à ce moment. Elles ont néanmoins témoigné que compte tenu de l’investissement effectué pour l’embauche de ces 18 nouvelles personnes, elles ont décidé de les former, de les faire travailler sur l’EPA et de les faire travailler en remplacement des fonctionnaires pendant les vacances d’été. Mmes Philbrick et Baillargeon ont soutenu que l’embauche de ces 18 personnes n’avait pas eu d’impact sur la décision de réduire les heures de travail (passant de 35 à 32 heures).

[76]  Reprenant les éléments de la clause 23.20 de la convention collective, je constate que la première partie de cette clause précise ce qui suit : « […] lorsque les nécessités du service le permettent, l’Employeur s’efforcera d’offrir le travail additionnel disponible […] aux employés/es qualifiés/es qui sont facilement disponibles […] avant d’embaucher du personnel additionnel […] ». Cette clause précise entre autres deux éléments, à savoir les nécessités du service, et le fait que les fonctionnaires doivent être disponibles pour effectuer ces heures de travail supplémentaires.

[77]  En ce qui a trait à la notion des « nécessités du service », en l’espèce, il m’apparaît que si effectivement l’embauche de personnel supplémentaire était complétée lorsque la décision de reporter l’ENA en septembre 2015 a été prise, les nécessités du service permettaient à l’employeur de voir à ce que ces nouveaux employés puissent travailler ne serait-ce que de façon minimale. Toutefois, tel que je l’ai déjà mentionné, la preuve à cet égard, n’est pas claire. Le témoignage de Mme Baillargeon est à savoir qu’elle ne savait pas si effectivement la dotation de ces postes était complétée. Si, effectivement, l’embauche des nouveaux employés n’était pas terminée, je vois mal comment l’employeur, sachant que l’ENA serait reportée pouvait être justifié d’embaucher de nouveaux employés avant d’offrir ce travail aux fonctionnaires. En ce sens, l’employeur ne serait pas justifié d’évoquer les nécessités du service pour justifier l’embauche d’employés additionnels.

[78]   La clause 23.20 de la convention collective stipule également que « […] l’Employeur s’efforcera d’offrir le travail additionnel disponible […] aux employés/es qualifiés/es qui sont facilement disponibles […] ». La clause 23.20 exige en effet que les employés en poste soient disponibles pour effectuer ces heures additionnelles. Tel qu’il a été mentionné précédemment, considérant la preuve, je ne vois pas comment Mmes Vallée et Labrecque pouvaient prétendre être « disponibles » au sens de la clause 23.20 lorsqu’on considère la période du 19 au 21 juillet 2015. Il appert en effet que les nouveaux employés ont travaillé soient pendant que ces dernières travaillaient déjà, soit pendant le quart du soir pendant lequel elles avaient indiqué ne pas être disponibles. Est-ce que la situation était différente pendant d’autres jours de juillet à septembre 2015 pour Mme Vallée et Mme Labrecque ou pour d’autres fonctionnaires? Je ne peux le dire, car la preuve a été limitée à ces deux témoins et qu’aucune autre preuve n’a été soumise. J’en conclus donc que la preuve est à savoir que les fonctionnaires n’étaient pas disponibles au sens de la clause 23.20 de la convention collective pour faire des heures supplémentaires (pièce E-3, onglets 2 et 15).

[79]   Tel qu’indiqué, la preuve de l’employeur est nuancée quant à savoir si effectivement les nouveaux employés étaient déjà embauchés lorsque l’ENA a été reportée. Pour sa part, l’agent négociateur n’a pas non plus fait la preuve contraire à savoir que l’embauche des nouveaux employés n’était pas terminée au moment du report et que, donc, l’employeur se devait d’offrir les heures additionnelles aux fonctionnaires. Sous réserve du paragraphe suivant, si effectivement, la preuve avait révélée que l’embauche des nouveaux employés n’avait pas été complétée lorsque l’ENA a été reportée, tel que j’ai déjà indiqué, je vois mal comment l’employeur aurait pu invoquer la nécessité du service pour ne pas faire l’offre d’heures supplémentaires aux fonctionnaires.

[80]  Cela étant dit, il ne faut pas perdre de vue que cette clause 23.20 de la convention collective doit être lue dans son ensemble et qu’elle comporte une autre exigence. Cette clause stipule en effet qu’il faut démontrer que les fonctionnaires étaient disponibles pour faire ces heures additionnelles. Or à cet égard, il n’y a pas d’équivoque. La preuve est claire à savoir que les deux témoins de l’agent négociateur n’étaient pas disponibles pour effectuer les heures additionnelles  au sens de la clause 23.20. Tel que je l’ai déjà mentionné, aucune autre preuve n’a été soumise à l’effet contraire.

[81]  Puisqu’il s’agit d’une question d’interprétation de la convention collective, le fardeau de la preuve revenait aux fonctionnaires de démontrer que l’employeur avait violé la clause 23.20 de la convention collective.

[82]  Je conclus donc que la preuve n’a pas établi que l’employeur a violé les conditions de la clause 23.20 de la convention collective.

[83]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V.  Ordonnance

[84]  Les griefs sont rejetés.

Le 6 mai 2020.

Linda Gobeil,

 une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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