Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief contre son licenciement pour incapacité médicale, alléguant qu’il était inapproprié et discriminatoire en raison de son invalidité et qu’il était entaché de mauvaise foi de la part de l’employeur – bien que la Commission ait conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé avait établi une preuve prima facie de discrimination puisque son invalidité était un facteur dans le licenciement, elle a déterminé que l’employeur avait établi une contrainte excessive au motif que le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas en mesure de retourner au travail dans un avenir prévisible – la Commission a également conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas établi que la décision de l’employeur de le licencier était entachée de mauvaise foi, étant donné les preuves documentaires et les témoignages convaincants du contraire.

Griefs rejetés.

Contenu de la décision


MOTIFS DE DÉCISION (TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

[1]  David Glenn Babb, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a été licencié de son poste de vérificateur à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC » ou l’« employeur ») par lettre datée du 13 avril 2010. Il a été licencié en vertu de l’alinéa 51(1)g) de la Loi sur l’Agence du revenu Canada (L.C. 1999, ch. 17; la « LARC ») pour des motifs non disciplinaires. Dans la lettre de licenciement, l’employeur a déclaré qu’il était licencié pour incapacité, avec entrée en vigueur à la fermeture des bureaux cette journée-là.

[2]  Les griefs que le fonctionnaire a présentés à l’égard de son licenciement ont été rejetés au dernier palier le 16 septembre 2011. La partie importante de la réponse aux griefs au dernier palier est la suivante :

[Traduction]

[...]

Je constate que vous êtes absent du lieu de travail pour des raisons médicales depuis le 6 mars 2007. Dans les cas de périodes prolongées non payées, la direction doit déterminer si l’employé est en mesure de retourner au travail dans un avenir prévisible. Selon les renseignements médicaux au dossier, il est clair que vous n’êtes pas en mesure de revenir au travail dans un avenir prévisible et je suis donc convaincu que la décision de mettre fin à votre emploi pour incapacité était appropriée.

[3]  Le fonctionnaire a renvoyé ses griefs à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la CRTFP), qui est maintenant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), le 24 octobre 2011. Son syndicat, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« AFPC ») les a aussi renvoyés le 4 novembre 2011. Un avis a aussi été signifié à la Commission canadienne des droits de la personne, alléguant une discrimination fondée sur la déficience. Il a aussi soutenu que son licenciement contrevenait à la clause « Élimination de la discrimination » (article 19) de la convention collective conclue entre l’ARC et l’AFPC, pour le groupe Services des programmes et de l’administration, qui est venue à échéance le 31 octobre 2010 (la « convention collective »). Selon le fonctionnaire, son licenciement était inapproprié, discriminatoire, et entaché de mauvaise foi de la part de l’employeur.

[4]  Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu que l’employeur avait établi l’existence d’une contrainte excessive au motif que M. Babb ne pouvait retourner au travail dans un avenir prévisible. J’ai aussi conclu que le fonctionnaire n’avait pas été établi que la décision de l’employeur de le licencier était entachée de mauvaise foi. Par conséquent, les griefs sont rejetés.

II.  Résumé de la preuve

[5]  L’employeur a appelé deux témoins : Judie Thompson et Dan Couture. Le fonctionnaire a témoigné pour son propre compte. Il a aussi cité Jean-Claude Banville à témoigner. Les parties pertinentes de la preuve documentaire déposée à l’audience seront mentionnées au besoin.

A.  Pour l’employeur

1.  Mme Thompson

[6]  Au moment de l’audience, Mme Thompson était gestionnaire à l’ARC depuis 20 ans. Depuis février 2008, elle était gestionnaire, Traitement des recettes, Centre de technologie d’Ottawa (CTO), à l’ARC.

[7]  Une centaine de personnes relevaient de Mme Thompson, par l’entremise des chefs d’équipe de six unités différentes. Ses fonctions et responsabilités comprenaient le traitement des paiements des entreprises et des contribuables et leur allocation aux comptes appropriés. Les fonctions en matière de ressources humaines (RH), dont les mesures disciplinaires, l’établissement du budget et la dotation, étaient en majeure partie gérées par les chefs d’équipe. Les chefs d’équipe qui possédaient de l’expérience dans le traitement des congés de maladie de longue durée ou qui étaient à l’aise à cet égard géraient également ces questions. Les questions de RH dépassant le pouvoir des chefs d’équipe étaient renvoyées à Mme Thompson.

[8]  Mme Thompson connaît le fonctionnaire. En 2002, il travaillait à la Gestion des installations. Il était un technicien qui travaillait à la machine de distribution mécanisée du matériel à envoyer. En juin 2003, il est passé à l’unité de distribution mécanisée qu’elle dirigeait, sans changement à son emploi. Cette unité d’Ottawa a fermé à l’été 2007. L’équipement et le travail ont été transférés à Winnipeg, au Manitoba, et à Summerside, à l’Île-du-Prince-Édouard. Quarante employés, y compris Mme Thompson, ont fait l’objet d’un réaménagement des effectifs (RE). Auparavant, au printemps 2005, le fonctionnaire avait fait l’objet d’un autre RE, lorsqu’il a été muté de l’unité de distribution mécanisée à la section du Traitement des recettes à l’ARC.

[9]  En novembre ou en décembre 2004, le fonctionnaire a été envoyé à Santé Canada pour y subir une évaluation de l’aptitude au travail. En mars 2005, son rapport indiquait qu’il devait travailler dans un secteur bien ventilé. Il devait aussi éviter les solvants, mais s’il devait en utiliser, il devait porter un équipement de protection individuelle. Selon Mme Thompson, on lui a demandé le type de masque qu’il voulait, mais il n’a jamais fait de suivi. En octobre 2005, certaines des activités d’atelier ont été réduites. L’air a été jugé de même qualité que l’air des autres secteurs de l’immeuble en question.

[10]  Mme Thompson a vu le fonctionnaire pour la dernière fois en mars ou en avril 2008. À ce moment-là, il savait qu’il était sensible à certains éléments, mais il ne les connaissait pas tous ni ses médecins. Il lui a dit qu’il devait approuver tout ce qui entrait dans sa maison parce qu’il craignait d’avoir des réactions. Elle s’est rappelé que la conversation avait eu lieu à cause d’une odeur au sous-sol de l’immeuble situé au 875, chemin Heron, à Ottawa, en Ontario, où ils travaillaient tous les deux. Elle a déclaré que l’odeur avait fait l’objet d’une enquête approfondie la journée même et qu’aucun composé organique volatil n’avait été détecté.

[11]  Mme Thompson a demandé au fonctionnaire ce qui pouvait être fait pour le protéger et assurer sa santé et sa sécurité. Il lui a répondu qu’il ne le savait pas. Elle lui a demandé si un masque serait bénéfique. Il a répondu que ce serait trop chaud et inconfortable et qu’il serait trop difficile de communiquer en le portant. Lorsqu’il a mentionné la poudre d’encre utilisée sur le papier, elle lui a parlé de gants. Il a dit qu’ils lui causeraient une réaction. Selon Mme Thompson, le fonctionnaire a parlé de creuser dans le plancher du sous-sol et de remplacer le système de ventilation.

[12]  Mme Thompson a déclaré qu’elle a transmis un synopsis de cette conversation à son superviseur, indiquant que, si M. Babb et ses médecins ignoraient ce qui pouvait être fait pour le protéger, elle ne pouvait pas le deviner. Il lui a envoyé un courriel quelques jours plus tard pour lui dire qu’il n’était pas à l’aise de lui dire comment la situation pouvait être corrigée.

[13]  Mme Thompson a confirmé que, selon sa compréhension, tant la direction et que les Relations de travail (RT) géraient les cas d’invalidité longue durée. Lorsque les crédits de congé de maladie sont épuisés, les RT en sont avisées et elles assurent la liaison avec la Sun Life à partir du moment où des prestations de congé de maladie sont versées. L’employeur estime que les employés qui respectent les critères relatifs aux congés de maladie sont en congé non payé (CNP). Si la situation d’un employé change, les RT informent la direction, en général le gestionnaire de l’employé. Mme Thompson a interagi avec la représentante locale des RT; elle ne connaissait pas Kathy Mawbey, la spécialiste régionale en matière de santé et de sécurité au travail de l’Ontario.

[14]  Mme Thompson a pris connaissance de la situation du fonctionnaire pendant des discussions avec la représentante locale des RT, qui lui a dit que, selon elle, le congé du fonctionnaire approchait l’ [traduction] « échéance de deux ans ». La dernière note médicale à son dossier était datée de février 2008 (pièce E-3, onglet 12). Selon Mme Thompson, le dossier du fonctionnaire lui a été transmis parce que le premier de ses chefs d’équipe avait pris sa retraite et que son chef d’équipe actuel n’avait pas beaucoup d’expérience.

[15]  Mme Thompson a d’abord communiqué avec le fonctionnaire par téléphone durant son congé de maladie, en novembre 2008. À sa connaissance, il recevait des prestations de congé de maladie de la Sun Life à ce moment-là. Comme la Sun Life le prenait en charge, elle n’avait pas besoin d’un certificat médical autrement que pour le dossier. En contre-interrogatoire, elle a confirmé qu’elle a communiqué avec lui de sa propre initiative; elle n’a parlé à personne de la direction avant de faire l’appel. La dernière communication qu’elle a vue au dossier du fonctionnaire provenait de son chef d’équipe en mai 2008, mais elle ne connaissait pas le contexte de la communication. En outre, elle ne savait pas si un membre de la direction avait communiqué avec lui entre mai et novembre 2008.

[16]  Elle a déclaré qu’il est important de maintenir le contact avec les employés qui sont absents et, comme il y avait eu des changements à la division, de faire savoir aux employés qu’ils n’ont pas été oubliés. En contre-interrogatoire, Mme Thompson a confirmé que, depuis le début du congé de maladie du fonctionnaire, il y avait eu beaucoup de changements parmi la direction en raison des départs à la retraite. Lorsque le fonctionnaire a été licencié, M. Couture était le directeur du CTO.

[17]  Mme Thompson s’est présentée au fonctionnaire comme étant sa gestionnaire et lui a donné son numéro de téléphone dans l’éventualité où il voudrait l’appeler. Elle ne se souvient pas qu’il l’ait appelée ou qu’il ait demandé une rencontre en personne. À son avis, l’objet de l’appel consistait à lui demander comment il allait et à savoir s’il y avait des éléments nouveaux dans sa situation médicale. Il a confirmé qu’il était en discussion avec la Sun Life, ce qu’elle savait, et qu’il n’avait rien à déclarer quant à son état de santé.

[18]  Selon Mme Thompson, l’appel a duré de 15 à 20 minutes et le ton était bon. Elle a consigné la conversation de sa propre initiative dans un courriel daté du 12 novembre 2008 et adressé à son directeur, M. Couture, qu’elle a fait parvenir en copie conforme à un certain nombre d’employés de la direction et des RT (pièce E-3, onglet 13).

[19]  En contre-interrogatoire, on lui a posé des questions à ce sujet. Elle a déclaré que Greg Currie était probablement directeur adjoint, tout comme Frank Davoudi (le directeur adjoint du perfectionnement); elle les a énumérés tous les deux parce qu’à l’époque, l’un d’eux était en affectation de courte durée. Denis Maurice était responsable des RT et Edith Bernard était agente principale des relations de travail au niveau local. Enfin, Gary Gustafson était le directeur du CTO. Personne n’a demandé à Mme Thompson de mettre la conversation par écrit. Elle ne se souvient pas avoir eu de réponse de l’une des personnes énumérées dans son courriel. En contre‑interrogatoire, elle a confirmé avoir fait parvenir une copie conforme de son courriel à son directeur parce qu’elle savait que ce dernier avait reçu plusieurs plaintes au moyen de communications avec un certain nombre de personnes, dont elle ne connaissait pas la nature.

[20]  À la question de savoir s’il s’agissait d’une procédure standard d’appeler le fonctionnaire et de consigner la conversation dans une note de service à l’intention de son directeur, Mme Thompson a confirmé que [traduction] « cela arrivait souvent ». Elle a confirmé qu’à partir de 2008, d’autres employés étaient en CNP; toutefois, elle n’a fait intervenir le directeur que dans un seul cas.

[21]  Mme Thompson ne se rappelait pas avoir eu d’autres communications directes avec le fonctionnaire entre le jour de l’appel et avril 2009, au moment où elle l’a appelé de nouveau, pour l’informer que, puisqu’il avait été absent du travail pendant plus de deux ans, il recevrait une lettre d’option de deux ans. La lettre indiquerait trois options et lui donnerait deux mois pour prendre une décision.

[22]  La première option consistait à retourner au travail si un certificat médical précisait qu’il était apte à le faire et mentionnait toutes les restrictions et limites pour que l’employeur puisse formuler un plan de mesures d’adaptation, au besoin. Selon la deuxième option, s’il n’était pas apte à retourner au travail, il pourrait prendre sa retraite pour raisons médicales. La troisième option consistait à démissionner de son emploi. Si aucune option n’était choisie, un licenciement pouvait être imposé. Selon Mme Thompson, sa discussion avec le fonctionnaire partait du principe qu’il retournerait au travail.

[23]  Le fonctionnaire et Mme Thompson ont échangé des courriels entre avril et juillet 2009 (pièce E-3, onglet 17). En contre-interrogatoire, elle a confirmé avoir participé à la rédaction de la lettre, à la fin avril 2009, concernant la rémunération globale du fonctionnaire. Selon elle, la procédure normale veut que la lettre soit envoyée après l’échéance de la période de deux ans. En contre-interrogatoire, elle a confirmé ne pas savoir à quel moment le fonctionnaire avait présenté une demande à la Sun Life ou à quel moment ses prestations avaient été approuvées. Elle savait seulement qu’il avait pris un congé de maladie en avril 2007 et que ce congé avait été prolongé en avril 2009. En contre-interrogatoire, elle a aussi déclaré que, selon sa compréhension de l’expression [traduction] « avenir prévisible », l’employé ne devait jamais revenir. À la question de savoir si la recommandation de la retraite pour raisons médicales était habituelle, elle a répondu que la lettre est un modèle pour presque tous les employés en congé de longue durée.

[24]  Elle a déclaré que, contrairement à l’affirmation du fonctionnaire, dans son courriel du 24 avril 2009, selon laquelle on l’a avisé qu’en juin 2009, son emploi prendrait fin, elle n’avait rien dit de tel. Elle lui a dit que s’il ne choisissait aucune option, il pourrait être licencié. Elle a aussi réfuté l’affirmation du fonctionnaire selon laquelle elle n’a eu connaissance de l’hypersensibilité à l’environnement que lors de la discussion d’avril. En contre-interrogatoire, elle a confirmé qu’elle savait qu’il avait l’intention de retourner au travail, mais elle a dit qu’elle ne savait pas s’il en avait parlé à ce moment-là. Elle a reconnu qu’il aurait peut-être fallu inclure l’expression [traduction] « ou retourner au travail » dans la recommandation en vue d’une retraite pour raisons médicales.

[25]  Mme Thompson a aussi réfuté l’affirmation du fonctionnaire, dans son courriel du 24 avril 2009, selon laquelle il n’a [traduction] « jamais obtenu de mesures d’adaptation ». Elle a reconnu qu’elle ne connaissait pas certains de ses problèmes de santé. Toutefois, en ce qui concerne les mesures d’adaptation, de l’équipement de protection individuelle sous forme de masque, de gants et d’embouts d’aciers pour ses chaussures était à sa disposition. De plus, lorsqu’il se trouvait au cinquième étage du 875, chemin Heron, il a demandé et obtenu une évaluation ergonomique, qui a mené à la fourniture d’une nouvelle chaise, d’une armoire de rangement, d’un moniteur et d’un bureau à hauteur réglable. Un casque d’écoute a été refusé au fonctionnaire parce qu’il n’avait pas à utiliser le téléphone dans le cadre de son travail.

[26]  Le courriel de Mme Thompson au fonctionnaire, en date du 6 mai 2009 (pièce E-3, onglet 17, page 5) informait ce dernier qu’elle n’approuvait pas tout ce qui figurait dans le résumé qu’il avait fait de leur conversation. Elle a envoyé le courriel parce qu’elle voulait avoir une trace de ce qu’elle lui avait dit.

[27]  Mme Thompson a été interrogée au sujet de son appel téléphonique du 24 avril 2009 avec le fonctionnaire, d’une durée d’environ 30 minutes. Elle ne pouvait dire s’il s’agissait d’un appel tendu. Elle se sentait mal pour lui parce qu’il avait éprouvé tellement de difficultés et elle ressentait sa frustration. Elle ne l’a pas aiguillé vers le Programme d’aide aux employés ou le syndicat. Elle n’a pas appelé le syndicat parce que le fonctionnaire avait été délégué syndical et président de la section locale du syndicat. Il avait aussi siégé au comité de santé et sécurité au travail (CSST) en tant que coprésident. Il connaissait les représentants syndicaux et savait quoi faire. Elle croyait que, comme il consultait des médecins, il leur ferait part de ses préoccupations.

[28]  Selon Mme Thompson, le fonctionnaire lui a dit qu’il ne répondrait pas à la lettre d’option. Elle a confirmé qu’elle n’a pas obtenu sa permission pour communiquer avec son médecin.

[29]  La lettre d’option était datée du 11 mai 2009 (pièce E-3, onglet 18). Le fonctionnaire avait jusqu’au 10 juillet 2009 pour demander une retraite pour raisons médicales. Elle a reconnu qu’il y avait une erreur de frappe dans la lettre; l’échéance pour l’exercice d’une option aurait dû être le 10 juillet et non le 12 juin, comme il était mentionné dans la lettre. D’après son courriel du 24 avril 2009, elle savait qu’il n’avait pas ouvert la lettre d’option.

[30]  Mme Thompson a été interrogée au sujet de sa compréhension du sens de l’expression figurant dans la lettre d’option [traduction] « peut être prolongé pour accommoder des cas exceptionnels ». Selon elle, si un employé affirme souhaiter retourner au travail en attendant un certificat médical, il peut demeurer en congé un peu plus longtemps. Elle comprenait que l’expression [traduction] « avenir prévisible » signifiait six mois. Elle a été interrogée sur sa compréhension de la phrase [traduction] « [...] est incapable de revenir au travail dans un délai raisonnable (c.-à-d. deux ans) » dans la Politique relative aux blessures et maladies de l’ARC. À son avis, l’expression [traduction] « délai raisonnable » signifiait deux ans. Elle a confirmé que le terme [traduction] « gestionnaire » dans la Politique relative aux blessures et maladies renvoie à l’autorité déléguée; elle pouvait recommander le licenciement d’un employé, mais elle n’avait pas le pouvoir de le faire elle-même. Dans le contexte de la Politique relative aux blessures et maladies, le [traduction] « gestionnaire » pouvait être un gestionnaire à tout niveau ayant le pouvoir délégué visant la situation prévue par la politique.

[31]  En sa qualité de gestionnaire, Mme Thompson devait appliquer la convention collective. La période de deux ans est énoncée dans la Politique relative aux blessures et maladies et non dans la convention collective. Elle était au courant des dispositions sur le CNP de la convention collective, mais durant ses 20 ans de service, elle n’a jamais vu un employé prendre un congé de ce genre, comme pour prendre soin d’un parent ou pour la réinstallation d’un conjoint. Selon sa compréhension, la période de cinq ans mentionnée dans la convention collective vise toute la période de l’emploi d’un employé.

[32]  En réinterrogatoire, elle a déclaré qu’elle avait dû s’occuper à une seule occasion du dossier d’un employé bénéficiant d’un congé prévu à l’article 33 de la convention collective. Dans ce cas, elle a consulté la convention collective uniquement pour vérifier si la date de retour au travail respectait les dispositions de la convention collective.

[33]  En contre-interrogatoire, Mme Thompson a été interrogée au sujet d’un appel téléphonique fait le 29 juin 2009 (pièce E-3, onglet 17, page 4). Elle ne s’en souvenait pas, mais elle n’a pas nié qu’il ait eu lieu. Elle a confirmé qu’elle n’avait eu aucun contact avec le fonctionnaire entre le moment où la lettre a été envoyée le 11 mai 2009 et cet appel.

[34]  Mme Thompson a ensuite témoigné au sujet de la correspondance entre le fonctionnaire et l’employeur, de juillet 2009 au 1er février 2010 (pièce E-3, onglet 29). Dans son courriel du 6 juillet 2009, elle a envoyé au fonctionnaire la Politique relative aux blessures et maladies et la Politique sur le congé non payé de l’employeur. Elle a déclaré que, s’il le souhaitait, il pouvait faire intervenir le syndicat, puisque le retour au travail est un processus de collaboration auquel participent le syndicat, la direction et le fonctionnaire. Dans le courriel de réponse du fonctionnaire, elle a vu pour la première fois qu’il en avait fait parvenir une copie conforme à Mary Mackinnon, l’avocate qui le représentait. Elle ne connaissait pas le rôle de l’avocate et elle a supposé que le fonctionnaire voulait la tenir informée.

[35]  En contre-interrogatoire, Mme Thompson a confirmé qu’elle n’avait pas offert au fonctionnaire une prolongation de son congé dans son courriel du 6 juillet 2009. Elle a confirmé qu’elle ne l’avait pas rencontré en personne et qu’elle n’avait pas eu d’autres conversations téléphoniques avec lui.

[36]  On lui a montré son courriel du 20 juillet 2009, envoyé au fonctionnaire (pièce E‑3, onglet 29, page 16). Mme Thompson a prolongé le congé du fonctionnaire jusqu’au 18 septembre 2009, afin de lui offrir une mesure d’adaptation pour des raisons médicales. Il avait précisé qu’il avait rendez-vous avec son médecin en août. Dans son courriel, elle renvoie à des notes médicales antérieures liées à l’évaluation de Santé Canada en 2005. Elle n’avait pas accès à son dossier d’invalidité de longue durée auprès de la Sun Life et elle n’était pas autorisée à traiter avec cette dernière. Elle a expliqué que l’expression [traduction] « respecter la politique » dans son courriel signifiait que la seule option à la disposition de l’employeur selon la Politique relative aux blessures et maladies était de licencier l’employé s’il ne fournissait pas les renseignements demandés.

[37]  Mme Thompson a été interrogée au sujet de l’expression dans le courriel du fonctionnaire indiquant [traduction] « travailler à la maison comme l’exige la Sun Life ». Elle a répondu que l’un des spécialistes de la Sun Life avait dit que le fonctionnaire devrait travailler à l’extérieur ou dans un endroit bien ventilé. Mme Thompson a déclaré qu’elle ne lui a jamais dit que l’ARC refuserait la mesure d’adaptation dans le cadre de laquelle il travaillerait de la maison, mais elle croyait qu’il l’avait appris de M. Davoudi.

[38]  Mme Thompson a déclaré que les fonctions du fonctionnaire ne pouvaient pas être accomplies à l’extérieur et que, bien que la direction ait examiné un certain nombre d’emplois pour lui, aucun ne pouvait être fait à l’extérieur ou à la maison. Pour ce qui est de l’endroit bien ventilé, la direction était d’avis qu’il pouvait travailler dans un bureau ayant sa propre alimentation en air, ce qui lui aurait permis d’assumer les fonctions de son poste. Toutefois, il a indiqué qu’il avait de la difficulté à marcher dans l’immeuble en question, comme lorsqu’il devait se rendre à la cafétéria ou à la salle de bains.

[39]  Mme Thompson a déclaré que l’employeur avait envisagé de permettre au fonctionnaire de travailler de la maison et qu’elle avait participé à cette solution. À l’époque, une demande de chèque pouvait être envoyée à l’ARC par télécopieur, courrier ou téléphone. La demande était consignée et remise au commis au contrôle de l’unité. Le commis effectuait la recherche et récupérait une copie du chèque demandé. Lorsqu’il était traité, recto verso, il était imprimé et envoyé au demandeur. Les demandes provenaient des bureaux des services fiscaux, de l’Administration centrale de l’ARC et de tout bureau de l’ARC.

[40]  L’employeur a envisagé une connexion technologique et a examiné des normes de production qui étaient immédiates, c.-à-d. que des réponses devaient être envoyées dans un délai de 24 à 48 heures. Il a également songé à des solutions comme le renvoi de chèques de clients soumis au receveur général par des contribuables ou des sociétés, mais il croyait que la sécurité et la confidentialité des renseignements des contribuables pouvaient être compromises. L’employeur a aussi envisagé que les demandes parviennent au fonctionnaire tous les jours et que les résultats soient retournés tous les jours. La direction a décidé qu’elle ne pouvait pas prendre de risque et que le travail à la maison ne serait pas possible pour le fonctionnaire. Les documents devaient être imprimés, et la poudre d’encre représentait un problème pour lui.

[41]  On a montré à Mme Thompson une lettre de la Sun Life envoyée au fonctionnaire et datée du 29 juillet 2009 (pièce E-3, onglet 19). Le médecin de la Sun Life n’était pas d’accord avec le médecin du fonctionnaire, la Dre Jennifer Armstrong. Mme Thompson a fait parvenir au fonctionnaire un courriel le 6 août 2009 (pièce E-3, onglet 29, page 14) et a suggéré une évaluation de Santé Canada, qui nécessitait deux consentements : l’un pour l’évaluation de l’aptitude au travail et l’autre pour la communication des renseignements médicaux à Santé Canada. Le 6 août 2009, Mme Thompson a fait parvenir un courriel au fonctionnaire; elle y avait joint les formulaires de consentement (pièce E-3, onglet 20).

[42]  La direction n’a pas reçu les formulaires de la part du fonctionnaire. Comme il ne croyait pas qu’il s’agissait de formulaires officiels et qu’il pensait que l’ARC les avait modifiés, il ne les a pas signés. Il n’a pas précisé quelles parties du formulaire avaient été modifiées selon lui. Les RT ont communiqué avec Santé Canada, qui a confirmé que les formulaires étaient les mêmes que ceux figurant dans son site Web et qu’ils étaient envoyés à toutes les personnes qui en avaient besoin. Mme Thompson a expliqué au fonctionnaire que, lorsqu’un employé signe le formulaire de consentement, une lettre est envoyée au médecin et l’employé en obtient une copie conforme. Le fonctionnaire voulait que l’on procède à l’inverse.

[43]  Mme Thompson a déclaré qu’elle a fourni toutes ces explications au fonctionnaire après le 2 octobre 2009.

[44]  En contre-interrogatoire, Mme Thompson a confirmé qu’elle a su que le fonctionnaire avait communiqué avec la directrice adjointe, Ainslee Cardinal, mais qu’elle ne connaissait pas le contenu de leurs discussions. Elle n’a jamais vu la lettre du 22 septembre 2009, envoyée par Mme Cardinal au fonctionnaire (pièce E-3, onglet 23). Elle ne se rappelait pas avoir discuté de délais avec Mme Cardinal.

[45]  Mme Thompson a reçu la lettre envoyée le 23 octobre 2009 par la Dre Armstrong (pièce E-3, onglet 27), après sa lettre du 2 octobre 2009. Mme Thompson a reconnu que la lettre de la Dre Armstrong était en réponse aux trois questions posées dans la lettre du 22 septembre 2009 de Mme Cardinal (pièce G-8).

[46]  En contre-interrogatoire, Mme Thompson a confirmé qu’elle n’avait pas eu de communication ou de rencontre avec le fonctionnaire durant la période entre l’envoi des deux courriels du 20 juillet et le 6 août 2009 et la période entre l’envoi des courriels du 6 août et du 2 octobre 2009. Elle ne savait pas s’il avait communiqué avec une autre personne durant cette période. Elle a aussi confirmé qu’elle n’avait pas eu d’échanges avec lui entre le 29 octobre et le 2 décembre 2009.

[47]  Mme Thompson a été interrogée au sujet d’une note médicale de la Dre Armstrong datée du 28 août 2009 (pièce E-3, onglet 21). Mme Thompson croit que la note est arrivée vers la mi-septembre 2009, mais qu’elle ne lui a pas été transmise. Elle a été envoyée à Mme Cardinal (onglet 25). Mme Thompson croit que, lorsque la direction a reçu cette note, une prolongation a été accordée au fonctionnaire. Son congé a été prolongé jusqu’au 18 septembre 2009 (pièce E-3, onglet 29, page 15). Par la suite, une autre lettre a été reçue de la Dre Armstrong, indiquant qu’une évaluation aurait lieu en novembre 2009.

[48]  Lorsque Mme Thompson a écrit une lettre envoyée par courrier recommandé au fonctionnaire le 2 octobre 2009 (pièce E-3, onglet 26), elle ne connaissait pas l’existence de la note médicale du 28 août 2009, de la Dre Armstrong, puisqu’elle avait été envoyée à Mme Cardinal. Dans sa lettre, Mme Thompson a recommandé le licenciement du fonctionnaire parce que ce dernier ne lui avait pas fourni d’information et, à sa connaissance, il n’y avait pas de certificat médical d’un médecin. Selon ses dires, elle voulait obtenir les renseignements visant la mesure d’adaptation pour permettre un retour au travail, comme le fonctionnaire le souhaitait. Ce n’est qu’à la fin octobre qu’elle a appris qu’il devait subir une évaluation médicale.

[49]  Après avoir reçu un certificat médical de la Dre Armstrong daté du 23 octobre 2009 (pièce E-3, onglet 27), Mme Thompson a alors informé le fonctionnaire que son congé était prolongé jusqu’au 15 février 2010, de sorte que le rapport d’une spécialiste, la Dre Ellie Stein, pourrait être rempli et fourni à la Dre Armstrong et qu’elle espérait pouvoir en parler avec lui.

[50]  Dans son témoignage, Mme Thompson a discuté de la correspondance qu’elle a fait parvenir au fonctionnaire le 4 décembre 2009 (pièce E-3, onglet 29, page 4). Elle a confirmé que, à ce moment-là, elle préconisait un retour au travail à l’époque, ce qui avait d’ailleurs toujours été son avis. Elle lui a fait parvenir un courriel le 6 décembre 2009 (pièce E-3, onglet 18). L’objet du formulaire relatif à la capacité fonctionnelle (pièce E-3, onglet 28) est de permettre à un médecin de le remplir et d’indiquer ce que peut faire ou non un employé, de sorte qu’il peut bénéficier de mesures d’adaptation. Ce formulaire n’a jamais été rempli pour le fonctionnaire, et l’employeur n’a jamais reçu d’information au sujet des capacités fonctionnelles de ce dernier. Elle a confirmé qu’elle n’avait pas eu copie conforme de la correspondance du 9 décembre 2009 entre le fonctionnaire et M. Scarcello, un directeur intérimaire du CTO.

[51]  En contre-interrogatoire, Mme Thompson a été interrogée davantage au sujet de sa correspondance du 4 décembre 2009. Elle a confirmé qu’on s’attendait à ce que la direction ait des nouvelles du fonctionnaire au plus tard le 15 février 2010. La période supplémentaire de deux mois était un exemple de mesure d’adaptation. L’avant‑dernier paragraphe de sa lettre indiquait qu’un autre CNP n’était plus possible. Mme Thompson a confirmé que son seul contact avec le fonctionnaire entre le 4 décembre 2009 et le 22 février 2010, était le courriel qu’elle lui avait envoyé le 6 décembre 2009 (pièce E-3, onglet 28). Elle n’a pas communiqué avec Mme Mackinnon durant cette période.

[52]  En réinterrogatoire, on a demandé à Mme Thompson ce qu’elle voulait dire par [traduction] « mesures d’adaptation ». Elle a répondu que cela voulait dire que la direction avait accordé au fonctionnaire des prolongations afin de fournir les renseignements requis pour retourner au travail.

[53]  Mme Thompson n’a pas eu de communication avec le fonctionnaire en janvier 2010. Elle a établi des communications en février, mais avec Mme Mackinnon, et ce, par écrit, le 22 février (pièce E-3, onglet 33), puisqu’elle avait besoin d’information au sujet de l’état du fonctionnaire. En contre-interrogatoire, elle a déclaré qu’elle ne se rappelait pas avoir eu une conversation téléphonique avec Mme Mackinnon, mais elle a reconnu qu’elle l’avait probablement fait au sujet d’une autre demande de prolongation du CNP du fonctionnaire. Mme Thompson n’a pas examiné le rapport médical du fonctionnaire et n’était pas au courant du type de spécialiste qu’il avait consulté. Selon elle, la prolongation du CNP au 31 mars 2010 était un exemple d’une mesure d’adaptation.

[54]  Mme Thompson et Mme Mackinnon ont continué d’échanger des courriels entre le 16 et le 29 mars 2010. Mme Thompson a été interrogée au sujet des motifs que Mme Mackinnon a fournis dans son courriel du 29 mars 2009 (pièce E-3, onglet 34), pour accorder une autre prolongation à la Dre Armstrong. Mme Thompson a déclaré que, à sa connaissance, ces motifs ne changent rien au fond de la question.

[55]  Le rapport médical de la spécialiste a été envoyé le 6 janvier 2010. Mme Thompson était d’avis que la Dre Armstrong aurait examiné le rapport avant de rencontrer le fonctionnaire, le 22 mars 2010, parce que cette rencontre devait permettre d’en discuter.

[56]  La demande de prolongation du CNP du fonctionnaire était de deux semaines. Mme Thompson a mis fin à la mesure d’adaptation qui consistait à prolonger le CNP le 29 mars 2010, parce que les raisons données par Mme Mackinnon n’étaient pas fondées. Le courriel du 22 février 2010, de Mme Thompson, était fondé sur des renseignements qui devaient être fournis au plus tard le 31 mars 2010. Mme Thompson croit que les RT ont participé à la rédaction de son courriel et, avant de l’envoyer, elle a probablement informé le directeur par téléphone de la demande de prolongation du CNP du fonctionnaire et des raisons de Mme Mackinnon. Les RT étaient au courant du refus de Mme Thompson de prolonger le CNP avant que le courriel soit envoyé.

[57]  Mme Thompson a déclaré que la direction devait respecter la politique en ce qui concerne les prolongations du CNP, la prolongation se fondant sur la réception de renseignements médicaux connus à la fin mars 2010. Le rapport de la spécialiste a été envoyé le 6 janvier 2010, et le fonctionnaire ainsi que la Dre Armstrong l’ont examiné le 22 mars 2010. La dernière prolongation du CNP était fondée sur la réception par la direction des renseignements au plus tard le 31 mars 2010.

[58]  De nouveau en contre-interrogatoire, Mme Thompson a été interrogée au sujet de l’incidence négative sur l’employeur de la prolongation du CNP du fonctionnaire. Elle a déclaré que les renseignements étaient disponibles et qu’ils n’ont pas été fournis. Elle ne voyait pas de raison de prolonger son CNP. La même question lui a été posée de nouveau. Elle a reconnu qu’elle ne savait pas ce qui se passait en coulisses. À la question de savoir si, en tant que gestionnaire, elle avait subi des répercussions négatives en ne prolongeant pas le CNP du fonctionnaire, elle a répondu [traduction] « Je ne le crois pas ».

[59]  En réinterrogatoire, on a demandé à Mme Thompson de préciser son témoignage sur le refus d’accorder au fonctionnaire une prolongation de deux semaines en mars 2010. Elle a déclaré que la demande a été refusée pour un certain nombre de raisons. Le fonctionnaire avait obtenu six prolongations, totalisant 11,5 mois. Chacune d’elle avait été accordée en tenant pour acquis que, à la date indiquée, il fournirait à la direction des renseignements concernant les limites et les restrictions nécessaires pour qu’il retourne au travail, ce qu’il souhaitait faire selon ses dires, et que la direction puisse prendre des mesures d’adaptation à son égard.

[60]  La dernière prolongation ne faisait pas exception. Il devait fournir les renseignements au plus tard le 31 mars 2010. Le fonctionnaire a été évalué en novembre 2009, et le rapport de la spécialiste était daté du 6 janvier 2010. La direction a appris qu’il avait rencontré la Dre Armstrong le 22 mars 2010, afin d’en discuter. Il ne manquait que les renseignements requis. La Dre Armstrong savait ce qui était requis, tout comme le fonctionnaire et Mme Mackinnon. Le lendemain, les renseignements selon lesquels il n’était pas apte à retourner au travail ont été fournis.

[61]  Le 30 mars 2010, Mme Thompson a reçu un courriel du cabinet de Mme Mackinnon qui avait joint un certificat médical de la Dre Armstrong, que Mme Thompson a remis au directeur et aux RT. Elle a déclaré ne pas avoir fait de recommandations au directeur et aux RT; elle leur a présenté les faits, y compris la lettre du cabinet d’avocats et de la Dre Armstrong. Elle a reconnu que les RT avaient probablement participé à sa présentation des faits. Elle n’a joué aucun autre rôle dans le dossier.

[62]  Mme Thompson a confirmé ne pas avoir parlé avec Mme Mackinnon après avoir reçu le courriel du 30 mars 2010 et le certificat; elle n’a pas non plus communiqué avec le fonctionnaire. Elle n’a pas communiqué avec le syndicat ou la Dre Armstrong par la suite. Elle ne s’est pas renseignée sur le sens de l’expression [traduction] « à ce moment-ci », qui figure dans la lettre de la Dre Armstrong, les traitements ou leur coût. Elle n’a pas non plus demandé à obtenir une copie de l’évaluation de la spécialiste après le 20 mars 2010, et avant le licenciement du fonctionnaire.

[63]  Mme Thompson ne savait pas qu’à une occasion la Dre Armstrong avait communiqué avec l’employeur avant le 30 mars 2010. Pour pouvoir s’entretenir avec la Dre Armstrong, l’employeur devait obtenir le consentement du fonctionnaire, ce qu’il n’avait pas. Mme Thompson n’a pas demandé à consulter le rapport de la spécialiste parce qu’il était confidentiel et qu’il ne la regardait pas. Tout ce dont l’employeur avait besoin était une personne pour attester que le fonctionnaire était apte au travail ainsi que ses limitations et restrictions, et ce, afin qu’il puisse bénéficier d’une mesure d’adaptation puisqu’il avait indiqué qu’il voulait retourner au travail.

[64]  Mme Thompson a déclaré que, pour toute mesure d’adaptation éventuelle, l’employeur devait connaître les restrictions ou les limites applicables au fonctionnaire afin que le matériel approprié puisse être utilisé. La direction lui a demandé à plusieurs reprises ses limites et restrictions, mais elle n’a jamais obtenu de réponse.

[65]  En contre-interrogatoire, Mme Thompson a été interrogée au sujet des lignes directrices de l’ARC sur les mesures d’adaptation (pièce G-4). Elle a déclaré que, selon sa compréhension de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, lorsque l’employeur apprend les limites ou les restrictions applicables à un employé, il a l’obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de cet employé dans la mesure du possible. Elle comprend que l’expression [traduction] « dans la mesure du possible » signifie [traduction] « raisonnable » et que ce mot désigne de l’argent. Elle a donné l’exemple où lorsque la moquette devient un problème de mesure d’adaptation, la moquette de tout l’étage n’est pas retirée, on déplace plutôt l’employé dans une zone où il n’y a pas de moquette.

[66]  Mme Thompson a confirmé que les embouts d’acier étaient requis lorsque le fonctionnaire était un technicien entre 2002 et 2005, et que l’évaluation ergonomique est survenue après mai 2005 et avant qu’il parte en 2007.

[67]  Mme Thompson a confirmé qu’entre février 2008 et avril 2010, elle n’a pas eu de rencontre en personne avec le fonctionnaire. Elle ne se rappelle pas qu’il en ait demandé une. Il ne lui est pas venu à l’esprit d’en organiser une puisqu’elle ne l’avait jamais fait avec un autre employé. Elle savait qu’il ne pouvait pas revenir dans l’immeuble. Elle communiquait par courriel, téléphone ou lettre. Pendant ce temps, elle a eu deux ou peut-être trois conversations téléphoniques avec lui. Toutes ses communications avec Mme Mackinnon figurent dans la preuve documentaire qui a été examinée. Mme Mackinnon n’a jamais demandé de rencontre en personne avec elle.

[68]  Selon le point de vue de Mme Thompson en sa qualité de gestionnaire, les prolongations accordées au fonctionnaire étaient extrêmement généreuses et deux fois plus longues que ce qui est accordé en général.

[69]  Enfin, en réinterrogatoire, Mme Thompson a déclaré qu’un employé en congé ne bénéficiait pas d’une mesure d’adaptation parce que, selon toute probabilité, le congé était accordé d’après les directives d’un médecin, que la direction respectait.

2.  M. Couture

[70]  Au moment de l’audience, M. Couture avait travaillé à l’ARC pendant 26 ans, à l’exception d’une année. Il a travaillé pendant un an au Secrétariat du Conseil du Trésor dans le secteur des pensions et des prestations. Il a été directeur des RH à l’Administration centrale à l’ARC, directeur général des programmes exécutifs et le directeur du CTO du 1er novembre 2009 à juillet 2013. De juillet 2013 jusqu’à la date d’audience, il était sous-commissaire adjoint, Direction générale des RH, ARC. Il relevait directement de Karen Ellis, sous-commissaire de la région de l’Ontario. Il avait le pouvoir délégué de licencier des employés, en consultation avec les RT au niveau local, régional et de l’Administration centrale, avec Mme Ellis.

[71]  Le CTO était le seul centre de technologie de l’ARC. Il a deux adresses : 875, chemin Heron, et 2215, croissant Gladwin, les deux à Ottawa. Entre 1 400 et 2 000 employés y travaillent en tout temps. En tant que directeur, M. Couture était chargé, par l’entremise d’une équipe de gestion, d’assurer le bon fonctionnement du CTO.

[72]  Avant d’occuper le poste de directeur du CTO, ce dernier a eu deux directeurs intérimaires : Mme Cardinal, dont le mandat a pris fin le 30 septembre 2009, et M. Scarcello, dont le mandat a pris fin à peu près à la nomination de M. Couture.

[73]  Pendant sa carrière, il a travaillé avec 17 syndicats sur des réintégrations dans le lieu de travail après des blessures ou des maladies.

[74]  Lorsqu’il a commencé à occuper le poste de directeur, M. Couture a été informé du programme et des dossiers de personnel. Il a été informé du cas du fonctionnaire, ainsi que d’autres, en vue de connaître le contexte des relations de travail au CTO. Il avait examiné le dossier du fonctionnaire en consultation avec les RT. Il était au courant du courriel du fonctionnaire daté du 17 décembre 2009 (pièce E-3, onglet 29, page 3), envoyé à M. Scarcello, dans lequel le fonctionnaire demandait une aide financière et alléguait entre autres choses du harcèlement. Il a confirmé qu’il avait aussi vu la lettre du fonctionnaire adressé à Mme Cardinal (pièce E-3, onglet 22).

[75]  En contre-interrogatoire, M. Couture a été interrogé sur la raison pour laquelle le dossier du fonctionnaire avait été soumis à son attention en tant que directeur. Il a déclaré que le dossier du fonctionnaire n’était pas le seul; il y avait d’autres dossiers de cette nature, notamment. Les séances d’information faisaient partie des 30 premiers jours de transition. La correspondance avec les deux directeurs précédents (Mme Cardinal et M. Scarcello) a été ajoutée à la trousse que les nouveaux directeurs reçoivent. Dans le cadre de cette correspondance, des échanges ont eu lieu sur la nature de l’échéancier du dossier, soit le fait que le fonctionnaire ait bénéficié de plusieurs prolongations. La correspondance renferme la demande par M. Couture du dossier des RT, des notes de service, des notes d’information et d’autres documents que le représentant local des RT possédait.

[76]  Avant le 1er novembre 2009, M. Couture n’avait jamais eu de rencontre en personne avec le fonctionnaire. La première fois qu’il a vu le fonctionnaire en personne était à l’audience. Il a eu son premier contact avec le fonctionnaire le 1er décembre 2009. Il ne lui a jamais parlé au téléphone et il ne savait pas si une personne à l’ARC l’avait rencontré en personne. En dehors de Mme Thompson, il ne connaissait personne d’autre qui avait appelé le fonctionnaire.

[77]  M. Couture n’a pas rencontré le syndicat avant le 17 décembre 2009 et il n’a jamais parlé avec qui que ce soit au niveau national du syndicat au sujet du fonctionnaire. Il savait que Me Mackinnon était l’avocate du fonctionnaire, mais il ne l’a jamais appelée.

[78]  M. Couture pensait qu’il était important de communiquer avec le fonctionnaire, il a donc invité ce dernier à communiquer avec lui. Il a lancé l’invitation au fonctionnaire dans un courriel envoyé le 21 décembre 2009. En contre-interrogatoire, il a confirmé que les représentants de la direction (Mme Thompson, M. Davoudi, Mme Cardinal, M. Scarcello et Mme Ellis) avaient des rencontres bilatérales avec lui et qu’ils faisaient partie de la discussion. Ce courriel abordait un certain nombre de questions, comme l’allégation de harcèlement, les procédures de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) et le retour au travail. Au sujet du dernier point, il a rappelé au fonctionnaire que Mme Thompson était sa gestionnaire et qu’il devait traiter avec elle en ce qui concerne son retour au travail. M. Couture a donné son numéro de téléphone direct au fonctionnaire dans son courriel.

[79]  On a demandé à M. Couture ce qu’il voulait dire par la déclaration suivante dans son courriel : [traduction] « Ce processus ne devrait pas être interminable ». Il a expliqué que, selon son examen, le dossier du fonctionnaire était complexe et compliqué. Il a pour nature de simplifier les choses; l’employeur doit retourner les employés à un travail productif. Des instructions médicales sur les limites et les restrictions sont requises. Il croyait qu’il devait le faire savoir au fonctionnaire parce que son examen du dossier a révélé qu’il y avait eu d’innombrables prolongations et délais, et que des renseignements manquaient. Selon M. Couture, la résolution des problèmes repose sur une discussion franche.

[80]  En contre-interrogatoire, il a confirmé que, dans son courriel, le terme [traduction] « interminable » renvoyait au congé original qui a commencé en 2007 et qui a été approuvé en 2009; l’expression [traduction] « retards dans le dossier » renvoyait aux nombreuses prolongations accordées au fonctionnaire pour fournir les renseignements. Il n’a pu confirmer s’il a vu des détails des renseignements médicaux qui ont été fournis entre mai et décembre 2009. M. Couture a reconnu qu’une référence dans son courriel du 21 décembre 2009 aurait pu être interprétée comme demandant au fonctionnaire de l’appeler en ce qui concerne la politique sur le harcèlement. Toutefois, à son avis, le règlement des problèmes concernait davantage que le harcèlement.

[81]  En contre-interrogatoire, M. Couture a déclaré que son commentaire selon lequel le dossier du fonctionnaire était complexe et compliqué renvoyait à tous les problèmes dans le dossier du fonctionnaire, non seulement le CNP, même si M. Couture se concentrait sur ce dernier.

[82]  Plutôt que de l’appeler, le fonctionnaire a répondu par courriel le 27 janvier 2010 (pièce E-3, onglet 29, page 1). M. Couture a été interrogé au sujet de la déclaration dans ce courriel portant sur [traduction] « vos exigences que je retourne au travail ». Il a répondu que rien dans son courriel du 21 décembre 2009 ne menait à la conclusion selon laquelle il avait formulé une telle exigence. Le courriel du fonctionnaire a été transmis à D. Martineau, le gestionnaire des RT à l’époque.

[83]  Selon son exposé, M. Couture s’attendait à ce que l’ARC reçoive une communication du fonctionnaire avant janvier 2010, en réponse à sa demande de renseignements.

[84]  M. Couture a été interrogé au sujet de son échange de courriels avec le fonctionnaire (pièce E-3, onglet 30). Avant le courriel du fonctionnaire, M. Couture n’était pas au courant de dépenses qui avaient été engagées ou si elles avaient été engagées en espérant qu’elles soient remboursées. Il savait que Mme Mackinnon était l’avocate du fonctionnaire. Selon M. Couture, le fonctionnaire a affirmé qu’il était incapable de retourner au travail. Son courriel n’était qu’une réponse partielle aux renseignements que demandait l’employeur. M. Couture voulait l’aide des RT en ce qui concerne le courriel du fonctionnaire.

[85]  En contre-interrogatoire, il a été interrogé au sujet du courriel du 27 janvier 2010 du fonctionnaire. Il ne se rappelait pas s’il en avait discuté avec les RT. On lui a demandé s’il pensait qu’il s’agissait d’un signal d’alarme concernant les problèmes de santé du fonctionnaire. Il a dit qu’il ne le pensait pas, mais qu’il ne s’en souvenait pas.

[86]  Dans son courriel du 4 février 2010, le fonctionnaire a supposé que les dépenses ne seraient pas remboursées. Dans sa réponse du 8 février 2010, M. Couture conseillait au fonctionnaire de ne pas tirer cette conclusion avant qu’il ait eu le temps d’examiner la question (pièce E-3, onglet 31). M. Couture a confirmé qu’il s’agissait de son seul contact avec le fonctionnaire entre le 27 janvier et le 22 février 2010. Il n’a pas eu de contact avec Mme Mackinnon entre ces dates. Il ne se rappelait pas si Mme Thompson et le fonctionnaire avaient discuté des dépenses engagées.

[87]  Le 22 février 2010, M. Couture a fait parvenir un courriel au fonctionnaire en réponse aux trois courriels de ce dernier (pièce E-3, onglet 32). Selon M. Couture, une réponse globale plutôt qu’à la pièce convenait mieux. Pour ce qui est du dernier paragraphe de son courriel, en ce qui concerne les renseignements médicaux, M. Couture a déclaré que, même si l’employeur avait des renseignements médicaux partiels, Mme Thompson avait prolongé le congé du fonctionnaire dans l’espoir de recevoir plus de renseignements des tests médicaux. Malgré le fait qu’il ait fait parvenir une copie conforme à l’avocate du fonctionnaire, M. Couture n’a jamais reçu de réponse à l’une des trois questions qu’il a soulevées dans sa correspondance. Sans renseignements supplémentaires, la question du remboursement des dépenses du fonctionnaire ne pouvait pas être réglée.

[88]  En contre-interrogatoire, M. Couture a confirmé qu’à ce moment-là, il devait avoir été au courant des discussions entre Mme Thompson et le fonctionnaire au sujet des dépenses. Il a été interrogé au sujet de sa déclaration dans le dernier paragraphe de son courriel qui commence par [traduction] « Je n’aurai d’autre choix [...] ». À ce moment-là, il n’aurait pas envisagé de prolonger le CNP sans obtenir d’autres renseignements, comme le consentement du fonctionnaire à une évaluation par Santé Canada ou à la transmission de renseignements médicaux selon lesquels il était apte à retourner au travail sous réserve de l’application de limites et de restrictions. Le courriel du 22 février 2010 était la dernière communication de M. Couture avec le fonctionnaire jusqu’à la lettre de licenciement. Il n’a pas eu de contact avec Mme Mackinnon. Il a répondu à Mme Addario, une représentante syndicale, même s’il ne la connaissait pas, de la même façon qu’il aurait répondu à toutes les parties au dossier.

[89]  M. Couture était au courant des communications entre Mme Thompson et l’avocate du fonctionnaire ainsi que des conditions que Mme Thompson avait établies pour une autre prolongation (pièce E-3, onglet 34). M. Couture a participé aux discussions avec Mme Thompson et les RT qui ont mené à la réponse et il appuyait la décision de ne pas prolonger le congé du fonctionnaire selon l’examen du dossier, les faits et sa nature pratique. Selon ses dires, [traduction] « Il faut dire ce que vous allez faire et faire ce que vous allez dire ». La dernière prolongation prenait fin le 31 mars 2010.

[90]  En contre-interrogatoire, il a déclaré qu’il ne se souvenait pas d’une demande de prolongation supplémentaire de deux semaines. Il a dit que le [traduction] « long rapport » aurait été présenté comme l’une des raisons de la prolongation. Selon lui, le fonctionnaire a été déclaré inapte au travail le 30 mars 2010.

[91]  En contre-interrogatoire, M. Couture a été interrogé au sujet du certificat médical de la Dre Armstrong du 30 mars 2010, et ce qu’il comprenait de son expression [traduction] « à ce moment-ci ». Il a confirmé qu’il n’a pas communiqué avec la Dre Armstrong ou Mme Mackinnon pour demander ce qu’elle signifiait et qu’il n’a demandé à personne de le faire. De plus, il n’a pas demandé de copie du rapport de la spécialiste ni ordonné à personne d’en demander une.

[92]  M. Couture a confirmé qu’il n’a pas vu le certificat médical de la Dre Armstrong daté du 30 mars 2010 (pièce E-3, onglet 35), lequel confirmait que le fonctionnaire n’était pas apte à retourner au travail.

[93]  M. Couture a confirmé qu’il ne savait pas si quelqu’un avait communiqué avec la Dre Ellie Stein. Il s’est penché sur la Politique relative aux blessures et maladies et son application. En réinterrogatoire, M. Couture a déclaré qu’il n’avait aucune raison de communiquer avec la Dre Stein parce que rien n’avait changé dans les scénarios qu’il examinait. Même si le fonctionnaire lui avait parlé en février 2010 du rapport de la Dre Stein, M. Couture ne pouvait pas, en sa qualité de gestionnaire, communiquer avec le médecin du fonctionnaire sans le consentement de ce dernier. M. Couture a déclaré que la même règle s’applique à l’avocat et au représentant syndical d’un employé. Il n’a jamais reçu de consentement écrit de la part du fonctionnaire pour communiquer avec l’une de ces personnes, leur cabinet ou leurs représentants. Aucune d’elles n’a communiqué directement avec lui par téléphone ou par d’autres moyens.

[94]  En contre-interrogatoire, M. Couture a été interrogé au sujet de la mention [traduction] « demande de soutien de la direction » dans le document d’information concernant le licenciement (pièce G-10). Il a déclaré que le document d’information avait été préparé afin d’appuyer la décision de Mme Ellis. Dans ce contexte, il aurait pu faire partie de la demande de soutien de la direction. Il a confirmé avoir consulté le document avant qu’il soit transmis à Mme Ellis et qu’il l’approuvait; son contenu reposait sur les faits.

[95]  M. Couture a été interrogé au sujet de la lettre de licenciement (pièce E-2). Selon lui, plusieurs éléments d’information l’ont amené à décider de licencier le fonctionnaire, qui bénéficiait d’un CNP depuis 2007. Le 11 mai 2009, diverses options ont été offertes au fonctionnaire, conformément à la politique. Il a obtenu plusieurs prolongations pour consulter des médecins. Les prolongations visaient à rappeler au fonctionnaire qu’il devait poursuivre sa collaboration, sans quoi il serait licencié. M. Couture a donné plusieurs exemples à l’appui du fait que le fonctionnaire n’était pas apte à retourner au travail. En outre, les certificats médicaux au sujet des limites et des restrictions n’ont jamais été reçus, tout comme le consentement en vue d’aiguiller le fonctionnaire vers Santé Canada. Le 30 mars 2010, les lettres du médecin et de l’avocate du fonctionnaire ont confirmé qu’il n’était pas apte à retourner au travail. M. Couture a conclu que le fonctionnaire n’avait pas fourni les renseignements médicaux requis, ce qui a mené à son licenciement.

[96]  En contre-interrogatoire, M. Couture a déclaré qu’une autre prolongation du CNP du fonctionnaire n’était pas nécessairement une option puisque plusieurs prolongations avaient déjà été accordées de bonne foi.

[97]  En contre-interrogatoire, il a déclaré qu’il ne se rappelait pas avoir consulté la Ligne directrice de l’ARC sur les mesures d’adaptation à l’intention des membres des groupes désignés (pièce E-3, onglet 5). Selon M. Couture, l’expression [traduction] « obligation de prendre des mesures d’adaptation » signifie que l’employeur doit faire tous les efforts raisonnables pour ramener un employé dans un environnement productif et positif, tout en respectant les limites et les restrictions précisées. Selon sa compréhension, un CNP ne correspond pas à une mesure d’adaptation.

[98]  Il a aussi été interrogé sur la Politique relative aux blessures et maladies de l’ARC. Il a confirmé qu’il la connaissait et qu’il l’avait appliquée. Lorsqu’il a été interrogé sur sa compréhension du sens de l’expression [traduction] « doit régler » dans la politique, il a déclaré que, selon son expérience, il s’agissait de collaborer positivement avec les employés. Les options sont la démission, la retraite pour raisons médicales ou le licenciement. L’employé peut choisir l’une de ces options ou retourner au travail. Il a affirmé qu’il commençait à régler ce genre de cas lorsque la période du congé atteint 18 mois, pour que celle-ci ne s’étende pas au-delà de deux ans, dans la mesure du possible. Il n’a pu expliquer pourquoi la limite est de deux ans plutôt que de trois ou de quatre ans. Il a reconnu que l’expression [traduction] « période raisonnable » dans la politique renvoie au délai de deux ans, qui commence lorsque l’employé a épuisé son congé de maladie. M. Couture a déclaré que l’objectif ultime est de réintégrer l’employé dans le lieu de travail.

[99]  Il a été interrogé sur le mot [traduction] « recommandation » qui figure dans la Politique relative aux blessures et maladies. En tant qu’autorité déléguée, sa décision ne nécessite pas une recommandation. Toutefois, il a consulté d’autres personnes. Il ne savait pas si une recommandation faisait partie du processus relativement au gestionnaire. Quoi qu’il en soit, Mme Thompson n’était pas la gestionnaire dans ce cas-ci; il l’était. Le terme [traduction] « gestionnaire » dans ce contexte n’était pas un titre hiérarchique.

[100]  En réinterrogatoire, M. Couture a déclaré que les attentes de l’employeur à l’égard des employés pour ce qui est du retour au travail ou des limites et des restrictions sont clairement définies dans la Politique relative aux blessures et maladies. L’employeur s’attend à obtenir des renseignements et la collaboration. Selon son expérience de ce type de cas, les partenaires syndicaux de l’employé et la direction discutent des détails pour appuyer un retour au travail. Dans ce cas, le syndicat n’a pas communiqué avec lui ni demandé de rencontre au sujet du fonctionnaire. Le fonctionnaire, le syndicat ou Mme Mackinnon n’a pas mentionné ou demandé de rencontre en personne avec lui avant qu’il prenne sa décision. Il n’a pas communiqué avec ces deux derniers sans l’autorisation du fonctionnaire, afin de protéger son droit à la vie privée.

[101]  M. Couture a été interrogé au sujet du fait que, dans une lettre du 2 octobre 2009 envoyée au fonctionnaire, Mme Thompson mentionne qu’elle allait donner suite à la recommandation. On a demandé à M. Couture si c’est à lui que Mme Thompson avait fait la recommandation. Il a répondu qu’elle pouvait l’avoir fait aux RT ou à d’autres personnes de la direction. Il ne se rappelait pas si la direction avait formulé une recommandation.

[102]  M. Couture a confirmé qu’il connaît les dispositions relatives aux congés de la convention collective (articles 41, 42 et 46) et que la période maximale est de cinq ans. Il a reconnu que le statut du congé du fonctionnaire était le même que ces types de congés, mais pour un objet différent.

[103]  M. Couture a été interrogé sur la façon dont un employé en CNP a une incidence sur lui en tant que directeur. Il a répondu que le traitement de l’information a une incidence sur l’employeur, y compris le temps des RT, le temps du directeur adjoint et le temps de la direction, et que cela enlève du temps pour les autres tâches. Pour ce qui est des coûts associés à un congé de cinq ans, la direction a conclu qu’elle n’a pas à être proactive avec l’employé en congé puisque ce dernier tient l’employeur au courant. En contre-interrogatoire, M. Couture a reconnu que, si un employé est en CNP, par exemple pour garde d’enfants, les coûts financiers sont les mêmes que pour un employé en CNP de maladie.

[104]  M. Couture a été interrogé sur les coûts dans l’éventualité où l’employeur décidait de prolonger le congé de maladie de quatre à cinq ans. Il a dit que les coûts n’étaient pas les mêmes que ceux pour d’autres congés de longue durée. Si le congé est accordé pour des raisons familiales, aucun renseignement n’est transmis par les avocats et aucuns frais liés aux demandes d’accès à l’information (AIPRP) ne doivent être pris en charge. Selon son expérience, les employés en CNP de maladie présentent davantage ce type de demande.

[105]  En réinterrogatoire, M. Couture a déclaré qu’il n’a pas demandé de copie du rapport de la spécialiste parce qu’il aurait fallu qu’il soit fourni avant la date d’échéance. Le courriel du 30 mars 2010 de l’adjoint de Mme Mackinnon ne comprenait pas ce rapport.

B.  Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

[106]  Le fonctionnaire travaillait à l’ARC depuis février 2002, en tant que technicien d’entretien et de réparation et mécanicien d’équipement au 875, chemin Heron. Sa principale fonction consistait à s’occuper de la machine de traitement du courrier. Il collaborait aussi avec un électricien dans tout l’immeuble. Il a accompli ces fonctions pendant environ trois ans. Il a aussi été délégué syndical, président de la section locale du syndicat et coprésident du CSST. Il a suivi une formation en 2006 pour être coprésident du CSST. Il a aussi suivi un cours d’introduction au syndicat d’un ou de deux jours.

[107]  Au début de son emploi, le gestionnaire du fonctionnaire était M. Banville, qui relevait de Rick Wiley, lequel à son tour relevait de M. Currie. Le fonctionnaire a confirmé qu’il a commencé son travail par une séance d’orientation. Il a rencontré les responsables de la rémunération, qui lui ont remis le Code de déontologie de l’ARC et des politiques en matière de sécurité; ils l’ont également informé des cours de formation. Mme Thompson était la gestionnaire de la distribution mécanisée. Les cotisations et les communications avec les contribuables étaient envoyées au moyen d’équipement de traitement du courrier. Au milieu de 2003, le fonctionnaire a été informé qu’il relèverait directement de Mme Thompson.

[108]  En 2005, le fonctionnaire a fait l’objet d’un RE et il a été muté à la section du Traitement des recettes à l’ARC. En 2005, la description de travail des commis (pièce G-3) s’appliquait à lui. La description de travail visait tous les employés de l’unité, mais le fonctionnaire n’accomplissait pas toutes les fonctions figurant dans la description de travail. Il a travaillé à l’unité de recherche documentaire. Son travail consistait à extraire certains documents concernant des contribuables à la demande des bureaux fiscaux.

[109]  Le système d’extraction mécanique est devenu électronique. Le fonctionnaire imprimait les documents requis et les plaçait sur le bureau de son superviseur pour qu’une mesure soit prise.

[110]  En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a répondu à des questions au sujet de son lieu de travail et de ses fonctions d’emploi. Au départ, il travaillait dans le sous-sol, et il a ensuite été réinstallé au cinquième étage. Il a confirmé que la section des résultats axés sur le service à la clientèle de la description de travail (pièce G-3) décrivait précisément la section du Traitement des recettes. Il ne traitait pas le courrier entrant, il n’attribuait pas les paiements aux comptes des clients et il ne gérait pas les conciliations. Son poste lui a été assigné dans le cadre du RE.

[111]  Sa routine quotidienne consistait à traiter les demandes de renseignements des contribuables. Il comparait les avis de cotisation aux pièces justificatives de paiement et aux chèques soumis. Les demandes étaient envoyées au superviseur. La façon dont les demandes étaient traitées a évolué; en dernier, elles étaient traitées par ordinateur, imprimées et placées dans le dossier des demandes terminées. Le fonctionnaire travaillait dans un immeuble hermétique qui avait un concept de bureau ouvert.

[112]  En plus de son travail décrit plus tôt dans la présente décision, le fonctionnaire était aussi délégué syndical, président de la section locale du syndicat (Syndicat des employé(e)s de l’impôt (SEI), section locale 70030) et coprésident du CSST. Dans le cadre de ces fonctions, il a participé au traitement des plaintes fondées sur le Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L-2; CCT), à des préoccupations en matière de santé et de sécurité au travail et à des questions de relations de travail. Il a participé activement aux démarches auprès de l’employeur en vue de régler les problèmes de la qualité de l’air intérieur au 875, chemin Heron.

[113]  En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a été interrogé au sujet de son évaluation à Santé Canada, en 2005, par le Dr John Given. Le Dr Given a fourni à l’employeur les recommandations en matière de mesures d’adaptation, mais elles ne portaient pas sur l’ergonomie.

[114]  Le fonctionnaire a déclaré que M. Banville était son superviseur lorsqu’il a commencé à travailler à l’ARC. Pour ce qui est de ses difficultés à travailler avec des solvants, il avait demandé un masque respiratoire. Il a été informé qu’il devrait consulter Santé Canada. Il a apporté son propre masque respiratoire et on lui a dit qu’il ne pouvait pas le porter. Il a été mis en probation. Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait soumis un reçu pour l’achat du masque respiratoire à M. Banville, qui lui a dit qu’il n’était pas autorisé à le porter. M. Banville lui a dit que la directive venait de M. Wiley. On a demandé au fonctionnaire qui lui avait dit qu’il était en probation. Il a répondu qu’il croyait que la question de son statut probatoire avait été soulevée, mais qu’il ne croyait pas que M. Banville l’avait menacé.

[115]  Bien que Mme Thompson ait déclaré qu’elle lui avait fourni un masque, il s’agissait d’un masque antipoussières, non d’un masque respiratoire à cartouche filtrante organique, ce dont il avait besoin, selon sa description de travail. L’employeur déterminait quels employés travaillaient avec un masque et informait Santé Canada que d’autres pièces d’équipement étaient à leur disposition, ce qui était faux.

[116]  Le fonctionnaire a été interrogé au sujet de l’évaluation de son poste de travail le 12 janvier 2007 (pièce E-7). Il a déclaré qu’il n’avait jamais reçu un poste de travail debout-assis avant de quitter le lieu de travail. Le rapport recommandait à la page 4 qu’il soit remis à son médecin traitant. Lorsqu’on lui a demandé s’il l’avait fait, il a répondu qu’il avait procédé à un refus de travail fondé sur la qualité de l’air intérieur et que ses problèmes avaient empiré. Il a affirmé que la possibilité d’une consultation avec Santé Canada avait fait l’objet de discussions et qu’il avait informé le responsable des RH qu’il se soumettrait à l’évaluation. Il n’avait pas son mot à dire dans le processus d’aiguillage. On lui a rappelé que sa visite à Santé Canada avait eu lieu en 2005 et que le rapport sur l’évaluation du poste de travail remontait à 2007. On lui a encore demandé s’il avait remis le rapport à son médecin traitant. Le fonctionnaire a déclaré qu’à l’automne 2007, il avait dit à l’employeur de l’envoyer à Santé Canada.

[117]  Un certificat médical du Dr Stuart Kurtz, daté du 22 février 2007 (pièce E-3, onglet 6), a été présenté au fonctionnaire. Il a dit qu’il croyait qu’il s’agissait de son premier certificat médical. Il a dit qu’un certain nombre de symptômes, qu’il avait énumérés, sont devenus plus fréquents en 2006.

[118]  Un certificat médical, daté du 15 mars 2007 (pièce E-3, onglet 7), a ensuite été présenté au fonctionnaire. Il a dit qu’il était retourné au travail entre les dates des deux certificats. Selon lui, il était évident que le lieu de travail lui avait causé ses problèmes de santé. Il a pris un congé de maladie du 15 mars au 15 avril 2007.

[119]  Le Dr Kurtz a renvoyé le fonctionnaire vers le Dr John Molot, un docteur en médecine de l’environnement, qui a fourni un certificat médical (pièce G-13).

[120]  On a montré au fonctionnaire une lettre de l’ARC datée du 20 avril 2007 (pièce G-9). Il ne se rappelait pas avoir rencontré quelqu’un ou avoir reçu des communications de l’ARC au sujet de la lettre. Le Dr Molot a rempli les documents de sa demande de prestations d’invalidité. Vers la même époque, le fonctionnaire a présenté sa demande à la Sun Life. Il ne croit pas qu’une personne à l’ARC lui ait parlé d’un délai maximal pour le CNP. En contre-interrogatoire, on lui a demandé s’il s’était exclu du Régime de soins de santé de la fonction publique. Il a répondu qu’il ne savait pas ce qu’il avait fait. Il ne se rappelait pas s’il avait demandé des frais médicaux alors qu’il était en CNP.

[121]  Le fonctionnaire a déclaré que, lors de son congé en novembre 2007, il était toujours coprésident du CSST. Un agent avait été désigné pour le remplacer, mais il était toujours actif. Alors qu’il était à l’extérieur du lieu de travail, le journal Ottawa Sun et la CBC l’ont interviewé. Le fonctionnaire a présenté une chaîne de courriels concernant M. Gustafson durant cette période. Il a confirmé qu’il a aussi obtenu ces documents au moyen d’une demande d’AIPRP.

[122]  Il a été interrogé au sujet d’une chaîne de courriels, datée du 13 au 16 novembre 2007, en ce qui concerne des renseignements sur la santé et la sécurité au travail (pièce E-6). Kevin Boyd était le directeur adjoint des installations. Debbie Rose était la remplaçante du fonctionnaire au CSST et Denis Lapointe représentait les employés au CSST.

[123]  Dans son courriel du 13 novembre, le fonctionnaire a déclaré qu’il avait besoin de renseignements pour ses médecins. On lui a demandé s’il avait fait une liste des renseignements requis en consultation avec ses médecins. Il a répondu qu’il ne s’était pas assis avec ses médecins pour faire une liste. L’objectif consistait à donner des renseignements au Service des accidentés du travail.

[124]  Le CSST traitait des questions de la qualité de l’air intérieur depuis des années. Il a déclaré qu’il participait toujours au CSST et au règlement de ses propres problèmes et qu’il était toujours président de la section locale du syndicat. Il avait besoin de renseignements pour lui-même et le CSST. Il ne savait pas s’il avait demandé à obtenir des données sur les maladies et l’utilisation des congés de tout le monde ou seulement les siennes, et il n’en avait aucun souvenir.

[125]  Le fonctionnaire a reçu une lettre datée du 26 novembre 2007, de M. Gustafson (pièce G-14, onglet 3), à laquelle était jointe une copie du Code de déontologie de l’ARC. Le fonctionnaire a déclaré qu’il ne croyait pas qu’avant de la recevoir, on lui avait parlé de toute sortie publique ou s’il avait été averti verbalement de ne pas le faire.

[126]  Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait reçu le Code de déontologie et qu’on l’avait menacé de lui imposer une mesure disciplinaire. Il a confirmé que ce n’était pas la première fois qu’il voyait le Code de déontologie. Dans le lieu de travail, il avait accès à l’intranet de l’ARC et il utilisait un ordinateur tous les jours, sur lequel apparaissait une fenêtre contextuelle mensuelle au sujet de l’utilisation des réseaux électroniques.

[127]  Le 4 décembre 2007, le fonctionnaire a rencontré pendant deux heures Mme Mawbey, Chris Aylward, le vice-président régional du SEI;,et Ted Nathanson, représentant du bureau national du SEI, en ce qui concerne les problèmes continus de qualité de l’air au 875, chemin Heron. Il a apporté ses registres et certificats médicaux et ils ont discuté de la qualité de l’air, de son absence du travail et de son état de santé. L’ARC savait que ses congés avaient été approuvés et qu’il recevait des prestations de congés de maladie.

[128]  Selon le fonctionnaire, il n’a reçu aucune communication de l’employeur au sujet du statut de son CNP entre le 20 avril et le 18 décembre 2007. Il a reçu une lettre datée du 18 décembre 2007, de M. Currie (pièce G-14, onglet 6). Il était bouleversé et il s’était senti menacé par la lettre parce qu’on lui demandait de présenter des certificats médicaux.

[129]  Il y a eu un échange de courriels, entre le 19 décembre 2007 et le 30 janvier 2008, entre le fonctionnaire et M. Currie (pièce G-14, onglet 7). Le fonctionnaire ne comprenait pas pourquoi il avait besoin d’un certificat médical alors que son congé avait été approuvé. Il a fourni un certificat médical daté du 15 février 2008, du Dr Kurtz (pièce E-3, onglet 12). On lui a demandé de présenter des certificats médicaux antérieurs au 13 février 2008. À la question de savoir s’il l’avait fait, il a répondu qu’il l’aurait fait si on le lui avait demandé.

[130]  En date du 30 janvier 2008, l’employeur savait que la Sun Life avait approuvé ses prestations parce qu’il recevait une copie conforme de chaque lettre que le fonctionnaire recevait de la Sun Life. Le fonctionnaire a été renvoyé à un courriel envoyé à Mme Mawbey, le 28 décembre 2007, concernant la date d’approbation de la Sun Life (pièce G-14, onglet 9). Il a reconnu qu’il était possible qu’il ait reçu une lettre de la Sun Life approuvant ses prestations en décembre 2007.

[131]  Le fonctionnaire a participé au CSST, mais il a cessé ses fonctions à la fin décembre 2007, parce que la section locale du syndicat lui a dit qu’il n’en faisait plus partie. On lui a montré un courriel daté du 2 janvier 2008, du coprésident de la partie patronale du CSST (pièce G-14, onglet 12). Comme une copie conforme de cette lettre ne lui avait pas été envoyée, il a présenté une demande d’AIPRP et en a obtenu une. Selon le courriel, les membres du comité ne devaient plus avoir de contact avec lui puisque cela aurait été incorrect et contraire aux politiques de l’ARC.

[132]  Le fonctionnaire a déclaré que, lorsque le courriel a été envoyé, la majorité des représentants de la section locale du syndicat (7 ou 8 sur 10) avaient démissionné et que la section locale avait été mise sous tutelle. Il a dit qu’il était anéanti de constater que l’employeur envoyait un tel courriel, qui coupait l’accès non seulement aux membres de la partie syndicale du CSST, mais également aux personnes qui n’en faisaient pas partie, en particulier puisqu’il était en congé.

[133]  En contre-interrogatoire, on a soumis au fonctionnaire qu’il avait continué de communiquer avec certaines personnes en ce qui concerne des questions relatives à la santé et à la sécurité au travail. Il a répondu que, à l’époque, M. Aylward lui avait dit qu’il était exclu du syndicat et du CSST, et c’est alors que les représentants du syndicat ont démissionné. Certains membres ont été exclus du CSST.

[134]  Le fonctionnaire a désigné une série de certificats médicaux pour la période de 2004 à 2007 (pièce G-17). Il a déclaré que l’employeur n’avait jamais remis en question la légitimité de ses certificats médicaux.

[135]  Le fonctionnaire a déclaré que, bien qu’il ait été en congé depuis 2007, il a tenté de conserver ses fonctions de coprésident du CSST aussi longtemps que possible. Il a présidé certaines réunions de la section locale lorsqu’il le pouvait. Il a déclaré que, étant donné qu’il avait des problèmes de santé, il aurait dû avoir accès au CSST. En décembre 2007 et en janvier 2008, des plaintes fondées sur l’article 133 du CCT et des plaintes liées au refus de travailler n’étaient toujours par réglées, et des enquêtes sur des accidents étaient en cours.

[136]  Le fonctionnaire a été renvoyé au courriel du 7 janvier 2008, de M. Gustafson (pièce G-14, onglet 10). Le fonctionnaire a déclaré que sa plainte auprès de la CSPAAT était en cours et que des éléments de preuve médicaux avaient été perdus.

[137]  Le fonctionnaire a été renvoyé à un échange de courriels qui a eu lieu en février 2008, entre plusieurs employés de l’ARC (pièce G-14, onglet 8). Il a déclaré que, pendant la période pertinente, il n’avait jamais reçu de questions de l’employeur sur la légitimité de ses certificats médicaux ou de ceux qu’il avait soumis entre 2002 et 2007.

[138]  Le fonctionnaire a déclaré que son interaction suivante avec l’employeur avait eu lieu en mai 2008 dans le cadre de l’audience de la plainte fondée sur l’article 133 du CCT. À l’exception peut-être du directeur, il ne se souvient d’aucune communication avec l’employeur, que ce soit avec les superviseurs ou les gestionnaires, entre mai et novembre 2008.

[139]  Le fonctionnaire a ensuite été renvoyé au courriel de Mme Thompson, daté du 12 novembre 2008 (pièce E-3, onglet 13), portant sur leur conversation téléphonique. Il a déclaré ne pas se rappeler de l’appel. On lui a demandé si des éléments étaient incorrects ou s’il approuvait le résumé de l’appel fait par Mme Thompson. Il a répondu qu’il ne se rappelait pas que quelqu’un l’avait appelé en mai 2008.

[140]  Le fonctionnaire a été interrogé au sujet la correspondance entre Mme Mawbey et un certain Pete Campbell, au début de 2009. La première était une lettre du 22 janvier 2009, de M. Campbell (pièce G-15), suivie d’une lettre de réponse du 16 mars 2009, de Mme Mawbey (pièce G-16), qui indiquait à la page 2 que les fonctions liées au poste du fonctionnaire ne pouvaient pas être exécutées depuis la maison. Le fonctionnaire a déclaré que M. Campbell est un entrepreneur de la Sun Life qui gère les retours au travail et les mesures d’adaptation. Il a aussi confirmé que son seul contact avec Mme Mawbey avait eu lieu à la réunion du 4 décembre 2007, au bureau national du SEI.

[141]  En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a déclaré qu’il pensait avoir reçu une copie de la lettre au moyen d’une demande d’AIPRP et qu’une copie avait été versée dans son dossier à la Sun Life. On lui a demandé si le rôle de M. Campbell était de faciliter les retours au travail après deux ans. Il a répondu que le rôle de M. Campbell était de faciliter le retour au travail durant toute la période du congé jusqu’à l’échéance de deux ans, sauf si ses prestations se poursuivaient par la suite. À la question de savoir s’il avait discuté du contenu de la lettre avec M. Campbell, le fonctionnaire a répondu qu’il n’avait pas examiné le dossier de la Sun Life pour se préparer pour la présente audience. À la question de savoir s’il avait discuté avec M. Campbell de la déclaration dans la lettre selon laquelle les fonctions de son poste d’attache ne pouvaient pas être exécutées depuis la maison, le fonctionnaire a répondu qu’il avait eu une discussion, mais qu’il se rappelait qu’aucun poste n’était disponible.

[142]  Le fonctionnaire savait que Mme Mawbey était la personne-ressource de l’employeur pour sa mesure d’adaptation. Ils ont échangé des courriels entre le 26 et le 27 janvier 2009 (pièce G-14, onglet 15). Il était confus parce qu’elle l’avait appelé au sujet d’un retour au travail et de la mesure d’adaptation.

[143]  Le fonctionnaire a été renvoyé à son courriel à l’intention de Mme Thompson le 24 avril 2009 (pièce E-3, onglet 17, page 8). Il a déclaré qu’il l’avait envoyé pour qu’il puisse s’en souvenir puisqu’il avait des problèmes de mémoire. Il a préparé un registre de ses appels téléphoniques. Il a dit qu’il avait reçu une lettre peu de temps après avril 2009, indiquant ses options. Il a déclaré qu’il ne se rappelait pas que Mme Thompson avait discuté des options avec lui le 24 avril 2009.

[144]  Le fonctionnaire a reçu la lettre envoyée par Mme Thompson le 11 mai 2009 (pièce E-3, onglet 18).

[145]  Le fonctionnaire a été renvoyé au courriel du 6 août 2009, de Mme Thompson, auquel elle avait joint les formulaires de consentement (pièce E-3, onglet 20). Il a répondu qu’il ne pouvait pas signer les formulaires parce que, selon sa compréhension, les protocoles n’avaient pas été respectés. Lorsqu’il a lu les formulaires, selon sa compréhension, les exigences n’avaient pas été respectées. Il a déclaré que des parties de la liste de vérification aux fins du renvoi pour l’évaluation de l’aptitude au travail (élément A – lettre du superviseur et élément B – questions importantes en matière de RH) renfermeraient ses plaintes et ainsi de suite. Selon son interprétation, l’inclusion de ces renseignements était nécessaire avant de donner son consentement. Il voulait que les lettres lui soient envoyées. Il s’est rendu à Santé Canada en 2005.

[146]  Le fonctionnaire a ensuite été interrogé au sujet du témoignage de Mme Thompson selon lequel il a remis en question l’authenticité du formulaire de consentement. Il a répondu qu’il avait un autre formulaire de consentement qui indiquait : [traduction] « les motifs m’ont été expliqués par écrit ». Sa principale préoccupation concernait l’absence de la clause : [traduction] « m’ont été fournis par écrit ». Pour s’occuper de son dossier, il devait obtenir des documents écrits.

[147]  Aucune réunion n’a eu lieu avec Mme Thompson au sujet de l’ensemble du processus. Il a obtenu les documents par courriel.

[148]  En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a été interrogé au sujet de son refus de signer le formulaire de consentement d’évaluation de l’aptitude au travail. Il a répondu que son refus reposait sur de nombreuses raisons. Il y avait de nombreuses politiques à prendre en considération dans le cadre du processus et il croyait que, selon les politiques, des motifs écrits devaient être fournis. Il n’était pas d’accord avec ce que Mme Thompson avait écrit. Il ne croyait pas que les raisons invoquées pour justifier le renvoi respectaient les exigences de Santé Canada. Les motifs du formulaire de consentement étaient différents que ceux utilisés par Mme Thompson pour justifier la nécessité d’une évaluation.

[149]  Le fonctionnaire a déclaré qu’il croyait que le passage suivant du courriel de Mme Thompson, [traduction] « Comme vous l’avez suggéré », renvoyait à sa suggestion qu’ils devaient communiquer avec Santé Canada et d’autres personnes qui participaient au processus relatif à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. Il a dit qu’il voulait retourner au travail dans un avenir rapproché. Toutefois, il n’était pas d’accord pour dire que l’évaluation de Santé Canada serait utile à cet égard. Il a déclaré que, si Santé Canada n’obtenait pas les renseignements appropriés, ce serait problématique. Une déclaration générale dans un formulaire ne correspondait pas à la situation réelle de ses problèmes de santé complexes.

[150]  Le fonctionnaire a été interrogé à savoir si, de façon générale, il croyait que son consentement était nécessaire à l’obtention de ses renseignements par son employeur auprès de Santé Canada ou de ses médecins. Il a répondu qu’à ce moment-là, en août 2009, l’employeur communiquait avec la CSPAAT et avec la Sun Life. À la réunion du 4 décembre 2007, il a expliqué ses problèmes de santé.

[151]  Le fonctionnaire a été interrogé au sujet de la note médicale de la Dre Armstrong, datée du 21 août 2009 (pièce E-3, onglet 21). Il a déclaré qu’il voyait la Dre Armstrong depuis un an à ce moment-là. La référence dans sa note au renvoi vers [traduction] « une autre équipe médicale » désignait Haydon & Associates. Il a déclaré qu’il a d’abord discuté d’une évaluation neuropsychologique avec le Dr Given (de Santé Canada) et le Dr. Molot.

[152]  En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a été interrogé au sujet de sa lettre envoyée à Mme Cardinal, le 16 septembre 2009 (pièce E-3, onglet 22). Il a déclaré qu’il ne savait pas ce qui lui avait passé par la tête à ce moment-là. Il devait déterminer ses restrictions et limites pour retourner au travail. Il a été interrogé au sujet de sa déclaration à la fin demandant que [traduction] « toutes les communications soient transmises par écrit ». Il a déclaré qu’il n’avait pas adopté cette position pendant tout le processus. Dans cette lettre en particulier, il a indiqué qu’il avait un problème avec le fait de traiter avec Mme Thompson pour retourner au travail. À la question de savoir si sa méthode de communication préférée était par écrit, il a déclaré qu’il ne s’agissait pas d’un processus de mesure d’adaptation; il s’agissait d’un litige concernant un retour au travail, une mesure d’adaptation et l’indemnisation des travailleurs.

[153]  Toujours en contre-interrogatoire, le fonctionnaire a été interrogé au sujet de la lettre du 9 octobre 2009 que Mme Thompson lui avait envoyée (pièce G-19). Il a confirmé qu’il était l’auteur de la note manuscrite indiquant [traduction] « Voir les exigences relatives à l’aptitude au travail » figurant sur la première page. Il a déclaré qu’il renvoyait aux lettres de Santé Canada qui devaient indiquer toutes les questions. Il croyait que l’employeur n’avait pas fourni tous les documents nécessaires pour ses médecins.

[154]  Le fonctionnaire a été interrogé à savoir s’il avait communiqué avec l’employeur pour s’enquérir de la possibilité d’un retour au travail. Il a répondu que, selon sa compréhension, la Politique relative aux blessures et maladies n’avait pas été respectée.

[155]  Du 8 au 15 novembre 2009, le fonctionnaire s’est rendu à Calgary, en Alberta, pour l’évaluation de la Dre Stein. Il a reçu une copie du rapport de la Dre Stein.

[156]  Le fonctionnaire a confirmé qu’il avait reçu le rapport de la Dre Stein (pièce G-18), à la mi-janvier 2010. Il ne pouvait rien en faire parce qu’il devait attendre jusqu’à la date de sa consultation avec la Dre Armstrong. Le rendez-vous avec cette dernière a eu lieu à la fin mars 2010. Selon le fonctionnaire, la Dre Armstrong a pris connaissance du rapport pour la première fois lors de cette consultation. La Dre Armstrong savait que le fonctionnaire avait été privé de ses prestations de la Sun Life et elle était au courant de ses difficultés financières puisqu’il avait dû payer l’évaluation de la Dre Stein, ainsi que son hébergement à l’hôtel et son billet d’avion.

[157]  Le fonctionnaire a été interrogé au sujet de la feuille de renseignements sur la cessation (pièce G-14, onglet 25). Il connaissait l’autre personne nommée dans le document, Samantha Scharf. Elle était sa collègue, trésorière de la section locale du syndicat et membre du CSST. Elle avait aussi déposé des plaintes au sujet de la qualité de l’air intérieur, lesquelles n’avaient toujours pas été réglées.

[158]  En contre-interrogatoire, on a demandé au fonctionnaire s’il avait demandé, à un moment ou un autre, une rencontre avec Mme Cardinal, M. Currie, M. Couture ou une autre personne. Il a répondu qu’il avait demandé une rencontre avec M. Nathanson, à laquelle avaient assisté Mme Mawbey et M. Aylward. Le fonctionnaire a confirmé qu’il n’avait pas demandé à rencontrer la direction.

1.  M. Banville

[159]  M. Banville a été embauché à l’ARC au début de 1996; il a pris sa retraite en 2014. À compter de 1997 ou de 1998, il était un superviseur et il relevait de Mme Thompson. Ses fonctions consistaient à gérer les employés et la charge de travail. En 2002, il était le superviseur du fonctionnaire.

[160]  Les responsabilités de M. Banville à l’égard des employés en congé de maladie dépendaient de la durée du congé. S’il était d’un an ou plus, il communiquait avec l’employé tous les mois pour favoriser un retour au travail et offrir un soutien, au besoin. Parfois, il en prenait l’initiative, mais la plupart du temps, il le faisait à la demande de la direction. S’il faisait un suivi avec un employé, il rédigeait une note de service ou un résumé et l’envoyait à son gestionnaire et, dans certains cas, aux RT. M. Banville a confirmé que son gestionnaire ne lui avait pas demandé de faire un suivi lorsque le fonctionnaire était en CNP alors qu’il était son superviseur. Bien qu’on ne lui ait pas demandé de téléphoner au fonctionnaire, il a confirmé qu’il n’avait pas suivi sa pratique d’appels téléphoniques mensuels et de rédaction de notes de service dans le cas du fonctionnaire.

[161]  M. Banville a confirmé qu’il savait que le fonctionnaire avait quitté le lieu de travail depuis un long moment. En tant que superviseur, M. Banville n’avait eu qu’un seul cas d’un employé en congé de maladie pendant plus de deux ans. Il ne savait pas si cette personne avait été licenciée.

III.  Résumé de l’argumentation

A.  Pour l’employeur

[162]  L’employeur soutient que la question à trancher en l’espèce est celle de savoir si, au moment où il a licencié le fonctionnaire le 13 avril 2010, ce dernier était en mesure de retourner au travail dans un avenir prévisible.

[163]  Le critère à appliquer est celui de savoir si un employé est inapte au travail et au retour au travail dans un avenir prévisible. Le sens des expressions [traduction] « une période raisonnable » et [traduction] « avenir prévisible » dépend des circonstances de chaque cas.

[164]  En août 2010, le fonctionnaire n’était pas apte à se rendre dans le lieu de travail. Selon la lettre du 30 mars 2010, de la Dre Armstrong (pièce E-3, onglet 35), il n’était pas apte à retourner au travail.

[165]  En outre, le rapport médical de la Dre Stein, daté du 6 janvier 2010 (pièce G-18), donne un résumé de l’état de santé du fonctionnaire et il indique que le fonctionnaire est [traduction] « actuellement complètement invalide ».

[166]  Dans aucun des rapports médicaux, les médecins ne prévoient que le fonctionnaire peut retourner au lieu de travail.

[167]  L’employeur déclare que les faits sont simples et non contestés en ce qui concerne les délais pertinents en litige dans la présente affaire. Le fonctionnaire était absent du lieu de travail du 5 mars 2007 au 11 mai 2009. Le 20 avril 2007, l’employeur lui a envoyé une lettre dans laquelle il a noté qu’il pouvait envisager la retraite pour raisons médicales (pièce E-3, onglet 9, page 6).

[168]  Mme Thompson a téléphoné au fonctionnaire en novembre 2008 et a consigné l’appel dans un courriel daté du 12 novembre 2008 (pièce E-3, onglet 13). Elle a pris l’initiative de faire l’appel puisqu’on avait communiqué avec le fonctionnaire pour la dernière fois en mai 2008. Elle voulait prendre des nouvelles pour vérifier s’il y avait de nouveaux éléments en ce qui concerne son état de santé ou les mesures d’adaptation dont il pouvait avoir besoin. Elle lui a donné son numéro de téléphone et l’a invité à communiquer avec elle s’il y avait des changements dans son état de santé ou les mesures d’adaptation nécessaire. Il ne lui a jamais téléphoné.

[169]  En avril 2009, Mme Thompson et le fonctionnaire ont eu plusieurs échanges de courriels (pièce E-3, onglet 17, pages 8 et 9).

[170]  L’employeur a ensuite envoyé une lettre datée du 11 mai 2009, au fonctionnaire (pièce E-3, onglet 18), pour établir deux éléments, à savoir que ce dernier était en CNP depuis presque deux ans et qu’il devrait envisager une retraite pour raisons médicales.

[171]  Le 6 août 2009, Mme Thompson a fait parvenir un courriel au fonctionnaire et y a joint les formulaires de consentement pour une évaluation par Santé Canada (pièce E‑3, onglet 20). Une note médicale de la Dre Armstrong, datée du 28 août 2009, indiquait que le fonctionnaire était incapable de retourner au travail (pièce E-3, onglet 21). L’employeur soutient que, chaque fois qu’il a demandé des renseignements sur le retour au travail du fonctionnaire, la réponse était qu’il était incapable de le faire.

[172]  En septembre 2009, le fonctionnaire a dit à l’employeur qu’il ne donnerait pas son consentement à une évaluation de Santé Canada.

[173]  L’employeur a continué de prolonger le CNP du fonctionnaire en attendant des renseignements sur une date de retour au travail, accompagnés de restrictions et de limites pour une mesure d’adaptation. Il n’a obtenu aucune réponse de sa part. Il lui a donné des options pour régler la question de son absence du lieu de travail, pourtant il n’a fourni aucune information concrète sur son retour au travail.

[174]  Même s’il a prolongé le CNP de maladie du fonctionnaire, l’employeur soutient que le CNP de maladie n’est pas en soi une mesure d’adaptation, pas plus que de garder dans l’effectif un employé en CNP.

[175]  L’employeur soutient également que les faits entourant la question relative au CSST n’étaient pas pertinents et qu’ils n’ont eu aucune incidence sur sa décision de licencier le fonctionnaire.

[176]  Enfin, l’employeur fait valoir que le syndicat du fonctionnaire aurait pu intervenir et que, pour qu’une rencontre en personne ait lieu, tout le monde devait faire un effort puisque le fonctionnaire ne pouvait pas se trouver dans le lieu de travail. Le fait est qu’une rencontre en personne a eu lieu entre Mme Mawbey, une représentante syndicale, et le fonctionnaire, indique qu’une rencontre avec l’employeur aurait pu être initiée par le fonctionnaire ou le syndicat. On ne l’a jamais demandé à l’employeur.

[177]  L’employeur renvoie aux décisions suivantes dans son recueil de jurisprudence et de doctrine :

[178]  Dans mon analyse, je reprendrai les décisions que j’estime utiles en l’espèce.

B.  Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

[179]  Le fonctionnaire a été licencié en raison d’une incapacité. Il soutient qu’il a établi l’existence d’une discrimination prima facie, invoquant à la fois McGill et Rogers c. Agence du revenu du Canada, 2016 CRTEFP 101. Ainsi, l’aspect fondamental en l’espèce concerne l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, laquelle a évolué avec la jurisprudence. Subsidiairement, le fonctionnaire a soutenu que le licenciement découlait de la mauvaise foi de l’employeur.

[180]  La Politique relative aux blessures et maladies (pièce E-3, onglet 4) de l’employeur est au cœur de cette affaire. Elle établit que le CNP de maladie des employés ne doit pas dépasser deux ans. L’employeur déclare que la limite de deux ans peut être prolongée dans des cas exceptionnels, et qu’il n’a pas l’obligation de garder indéfiniment un employé dans l’effectif.

[181]  Le fonctionnaire soutient que, puisqu’il a établi l’existence d’une discrimination prima facie, le fardeau est maintenant transféré à l’employeur. Il reconnaît que la limite de deux ans respecte les deux premiers volets du critère à trois étapes bien connu « Meiorin » établi dans l'arrêt Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3, aux paragraphes 54 et 79 (l’arrêt « Meiorin »). Il soutient que l’employeur a échoué à la troisième étape, à savoir démontrer la contrainte excessive. Selon lui, il n’y a aucune preuve de contrainte excessive en l’espèce.

[182]  La nature discriminatoire de la limite de deux ans a été confirmée dans Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404. Le fonctionnaire soutient que les faits dans Sketchley sont remarquablement semblables à ceux de l’espèce. La Cour d’appel fédérale a confirmé les conclusions de discrimination de la Cour fédérale. Conformément à Sketchley, la preuve en l’espèce révèle que l’employeur s’en est simplement remis à une application mécanique de la règle de deux ans.

[183]  Le fonctionnaire invoque McGill, où la Cour suprême du Canada a confirmé (au paragraphe 22) ce qui suit : « L’accommodement raisonnable est donc incompatible avec l’application mécanique d’une norme d’application générale ». La preuve a établi de façon irréfutable que la direction s’est sentie obligée de simplement appliquer la règle de deux ans prévue à la Politique relative aux blessures et maladies d’une façon automatique et obligatoire. McGill établit le principe selon lequel l’accommodement raisonnable est incompatible avec l’application mécanique de la norme. L’accommodement est un processus individualisé; il faut examiner la situation et les circonstances pour déterminer si l’employeur a démontré la contrainte excessive.

[184]  Le fonctionnaire affirme que l’employeur ne peut utiliser l’exigence professionnelle justifiée (EPJ) à titre de défense sans présenter des éléments de preuve précis quant à l’existence d’une contrainte excessive. Il invoque Multani c. Commission scolaire Marguerite‑Bourgeoys, 2006 CSC 6, au paragraphe 133, où la Cour a souligné que « [...] la détermination de l’existence de la contrainte excessive requiert la preuve de contraintes réelles dans un cas donné ». L’employeur doit présenter une preuve convaincante pour établir qu’il ne pourrait pas accommoder le fonctionnaire sans subir une contrainte excessive; ces éléments de preuve ne peuvent pas être constitués d’anecdotes ou d’impressions (voir Meiorin, au paragraphe 70). Le fonctionnaire soutient que le Tribunal canadien des droits de la personne a suivi la même approche. Par exemple, dans Hicks c. Ressources humaines et Développement social Canada, 2013 TCDP 20, au paragraphe 70, on dit qu’« [u]n employeur doit démontrer que la discrimination est nécessaire pour respecter un objectif légitime de travail et doit présenter une preuve directe qu’il a atteint une contrainte excessive dans ses efforts pour accommoder les besoins de l’employé ».

[185]  En avril 2009, Mme Thompson a appelé le fonctionnaire et lui a envoyé une lettre pour l’avertir que l’échéance de deux ans du CNP pour raison de blessure ou de maladie était bientôt écoulée. Elle a déclaré que la lettre était envoyée [traduction] « automatiquement » et qu’ [traduction] « il s’agit d’un processus; à l’approche de l’échéance de deux ans, nous envoyons la lettre automatiquement ». Elle a déclaré qu’une prolongation de six mois pouvait être accordée dans des cas exceptionnels. Le directeur, M. Couture, a déclaré que la limite de deux ans ne devrait pas être prolongée et qu’il préférait examiner les cas après 18 mois pour qu’ils puissent être réglés durant la période de deux ans. Le fonctionnaire a reçu la lettre normalisée relative à la période de deux ans le 11 mai 2009, laquelle indiquait que la direction réglait ces situations dans un délai de deux ans. Son échange de courriels avec Mme Thompson, en juillet 2009, a d’ailleurs démontré que l’employeur était uniquement motivé par la règle de deux ans.

[186]  Le fonctionnaire a résumé les principaux événements qui ont eu lieu du 23 octobre 2009 au 30 mars 2010. Bien que Mme Thompson ait reçu la lettre du 30 mars 2010 de la Dre Armstrong, elle n’a pas fait de suivi pour vérifier les éléments suivants : le sens de l’expression [traduction] « à ce moment-ci » dans la lettre de la Dre Armstrong, les options de traitement offertes ou le pronostic du fonctionnaire quant à l’accès possible à ces traitements.

[187]  La lettre de licenciement du 13 avril 2010 faisait référence à la Politique relative aux blessures et maladies. Bien que l’employeur ait mis l’accent sur l’exigence de règlement en deux ans prévue par la politique, il a été sélectif quant à l’application d’autres aspects de la politique. L’employeur n’a pas fait de suivi lorsqu’il a appris qu’un traitement était à la disposition du fonctionnaire. Mme Thompson n’a clairement pas fait de suivi comme il était prévu par l’exigence de la politique de [traduction] « maintenir un contact fréquent et régulier ».

[188]  L’employeur a soutenu que la preuve documentaire et le témoignage des témoins confirment que la règle de deux ans revêtait une importance primordiale dans sa décision de licencier le fonctionnaire. Cette preuve révèle le type précis d’application mécanique d’une norme d’application générale qui, selon la Cour suprême dans McGill, est incompatible avec un accommodement raisonnable.

[189]  Le témoignage des témoins de l’employeur, ainsi que les communications de ce dernier avec le fonctionnaire durant son congé, démontrent que le licenciement était fondé sur une application de la limite de deux ans figurant dans la politique. La gestionnaire du fonctionnaire, Mme Thompson, a reconnu que la prolongation de son CNP n’aurait créé aucune incidence négative. Il n’y a aucun doute quant à l’importance la période de deux ans, si l’on se fie aux lettres, aux courriels et aux témoignages de Mme Thompson et de M. Couture. De nombreux documents indiquent que la direction doit régler les CNP de maladie dans un délai de deux ans. En outre, la Commission a entendu des témoignages selon lesquels les [traduction] « cas exceptionnels » signifient que, dans ces circonstances, le CNP pourrait être prolongé d’une autre période de six mois.

[190]  Le fonctionnaire soutient également qu’il existe une preuve claire selon laquelle un autre CNP n’aurait pas entraîné de contrainte excessive. Un poids considérable peut être accordé à la convention collective. Il invoque McGill, où la Cour suprême a conclu qu’une clause prévoyant une période d’absence autorisée peut être un « facteur important » pour déterminer la période appropriée au cours de laquelle les employés peuvent s’absenter du lieu de travail.

[191]  La convention collective précise que les employés peuvent obtenir un CNP maximal de cinq ans pour s’occuper d’enfants (article 41) ou d’un parent (article 42) et pour la réinstallation d’un époux (article 46). Selon le fonctionnaire, le fait que les parties ont accepté que les employés puissent s’absenter du lieu de travail jusqu’à concurrence de cinq ans est essentiel à l’analyse de la contrainte excessive. Il est tout à fait arbitraire d’imposer une limite de deux ans dans les cas de maladie ou de blessure et de permettre des congés jusqu’à concurrence de cinq dans les autres cas précisés. L’existence de ces droits à un CNP considérablement plus long empêche l’employeur de soutenir qu’il est soumis à une contrainte excessive en l’espèce.

[192]  Selon le fonctionnaire, l’allégation de contrainte excessive de l’employeur repose sur le fardeau administratif imposé par le traitement de son dossier durant le CNP de maladie. En contre-interrogatoire, Mme Thompson a confirmé qu’elle n’a subi aucune conséquence négative en tant que gestionnaire du CNP prolongé du fonctionnaire. Il soutient que la contrainte excessive a été soulevée pour la première fois lors du contre‑interrogatoire de M. Couture. Il est d’avis que le témoignage de M. Couture a établi que sa justification démontrait l’existence d’un stéréotype discriminatoire clair, selon lequel les employés invalides causent plus de problèmes que ceux qui sont en congé pour d’autres raisons.

[193]  Deux aspects différents du fardeau administratif de l’employeur ont été présentés. Tout d’abord, à la question de savoir quelle était la différence entre un CNP utilisé pour prendre soin d’un enfant et celui utilisé pour s’occuper de soi-même, M. Couture a confirmé que le statut est le même, mais que les coûts étaient différents. En ce qui concerne un CNP pour prendre soin d’un enfant, il n’y a aucuns frais d’avocat ou de médecin et la direction n’est pas touchée. Le deuxième aspect du fardeau administratif de l’employeur concernait les demandes d’AIPRP que le fonctionnaire a présentées après son licenciement.

[194]  Le fonctionnaire soutient qu’en ce qui concerne le premier aspect du fardeau administratif, il est créé par les politiques de l’employeur. Pour ce qui est du CNP pour prendre soin d’un enfant, l’employeur pourrait exiger des mises à jour mensuelles. En ce qui a trait au CNP pour prendre soin d’un époux, l’employé doit fournir une mise à jour à l’employeur. Dans le cas du fonctionnaire, le fardeau administratif que l’employeur invoque correspondait à l’appel de Mme Thompson. Les frais d’avocat et de médecin surviennent uniquement à cause de la règle de deux ans. Pour ce qui est du deuxième aspect, l’employeur devait présenter une preuve de contrainte liée aux demandes d’AIPRP; il n’a fourni aucune preuve de contrainte, seulement des spéculations à ce sujet.

[195]  Le fonctionnaire est visé par la convention collective (pièce G-7) dans laquelle chaque type de CNP est le même pour ce qui est du codage. Les articles 41, 42 et 46 prévoient les CNP jusqu’à concurrence de cinq ans pour prendre soin d’un enfant ou d’un parent ou pour la réinstallation temporaire d’un époux. Ainsi, le fait d’offrir un CNP de maladie jusqu’à concurrence de cinq ans ne devrait pas imposer à l’employeur une contrainte excessive puisque ce dernier offre déjà un tel avantage aux employés.

[196]  Le fonctionnaire ne croit pas que son congé devrait être prolongé indéfiniment. Toutefois, il devrait être comparable aux autres CNP de cinq ans prévus par la convention collective. À tout le moins, la règle de cinq ans qui prévaut pour les autres types de CNP devrait également s’appliquer au CNP de maladie. Cela signifierait que l’employeur prendrait des mesures d’adaptation à l’égard des employés en CNP de maladie pendant cinq ans. Dans le cas du fonctionnaire, s’il avait eu un an de crédits de congé de maladie en banque, il aurait été en congé pendant trois ans.

[197]  Le fonctionnaire soutient que l’employeur n’a pas établi l’existence d’une contrainte excessive liée à la prolongation du CNP en vue de permettre au fonctionnaire de suivre un traitement pour son invalidité de façon à ce qu’il puisse retourner au travail.

[198]  Pour ce qui est des faits pertinents, l’employeur n’a établi qu’un seul premier contact, soit l’appel de Mme Thompson au fonctionnaire en novembre 2008. Selon cette dernière, elle voulait maintenir un contact pour vérifier s’il y avait de nouveaux éléments en ce qui concerne la condition médicale du fonctionnaire. Elle savait que le fonctionnaire était pris en charge par la Sun Life, qui lui versait des prestations, et des certificats médicaux n’étaient pas nécessaires, sauf à des fins de consignation au dossier.

[199]  Il n’y a eu aucun suivi auprès du fonctionnaire avant avril 2009, pour le prévenir de la fin imminente de l’échéance de deux ans. Il s’agit là de l’étendue du fardeau administratif que subissait l’employeur à ce moment-là. Dans son témoignage, Mme Thompson a confirmé que, dans le cadre du processus, une lettre est envoyée au bout de deux ans. En d’autres termes, il s’agit simplement d’une étape mécanique et automatique du processus.

[200]  Le fonctionnaire attendait de consulter des spécialistes, comme le Dr Molot, depuis 2007. Entre 2007 et 2009, l’employeur a appelé le fonctionnaire une seule fois. La lettre de licenciement, datée du 13 avril 2010, mentionne six prolongations de son CNP. Il a pleinement collaboré, alors qu’il attendait de consulter les spécialistes. En mai 2009, une période de deux mois lui a été accordée pour faire connaître à l’employeur l’option choisie, soit le retour au travail, la retraite pour raisons médicales ou le licenciement.

[201]  Le fonctionnaire voulait retourner au travail (pièce E-3, onglet 29, page 15). C’est à ce moment-là que le fardeau administratif de l’employeur a commencé.

[202]  Le fonctionnaire soutient aussi que, malgré le fait que le fondement manifeste du licenciement était discriminatoire, il existe une preuve convaincante qu’il ne s’agissait pas de la véritable motivation de l’ARC. Les interactions de l’ARC avec le fonctionnaire durant son CNP ainsi que la note de service interne sur le licenciement démontrent que, lorsque l’ARC a pris la décision de licencier le fonctionnaire, elle était motivée en partie par les nombreuses plaintes en matière de santé et de sécurité et demandes de renseignements de la part du fonctionnaire. Par conséquent, le licenciement était entaché de mauvaise foi et il doit être annulé.

[203]  L’employeur considérait le fonctionnaire comme une personne qui causait de nombreux problèmes en raison de sa participation au syndicat et au CSST; il a donc saisi la première occasion de mettre fin à son emploi. À cet égard, le fonctionnaire invoque McMorrow c. Conseil du Trésor (Anciens combattants Canada), dossier de la CRTFP 166‑02-23967 (19931119), [1993] C.R.T.F.P.C. no 192 (QL), et Laird c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-19981 (19901207), [1990] C.R.T.F.P.C. no 213 (QL).

[204]  Le fonctionnaire a résumé les éléments de preuve suivants à l’appui de ses arguments.

[205]  Tout d’abord, il a mentionné la lettre renvoyant au Code de déontologie de l’ARC. Il affirme que la preuve démontre clairement que l’employeur a tenté de le décourager de parler publiquement au sujet des problèmes de qualité de l’air intérieur dans le lieu de travail en question, ce qui est plus tard mentionné dans une note de service interne appuyant son licenciement.

[206]  Ensuite, la preuve relative aux demandes abusives de l’employeur de notes médicales et sa menace de lui imposer une mesure disciplinaire à la fin de 2007 démontrent qu’il cherchait une façon de contester les congés autorisés du fonctionnaire.

[207]  Troisièmement, il y a lieu de noter les événements entourant le fait que le fonctionnaire a été privé de toute communication avec le CSST entre la fin de décembre 2007 et le début de janvier 2008.

[208]  Quatrièmement, la CRTFP avait accueilli la plainte du fonctionnaire fondée sur l’article 147 du CCT et déclaré que l’employeur avait exercé des représailles. Cinquièmement, l’appel téléphonique suspect de Mme Thompson en novembre 2008, ainsi que ses notes méticuleuses et son courriel envoyé à plusieurs membres de la direction, lesquels sont tous des éléments compatibles avec l’ébauche d’un cas de licenciement par l’employeur.

[209]  Sixièmement, et peut-être l’élément le plus important, la recommandation de licencier le fonctionnaire a été préparée avant que l’employeur n’ait reçu les renseignements médicaux à jour. Le document d’information de licenciement interne et la feuille de renseignements ont été préparés avant que l’employeur ne reçoive le rapport médical final de la Dre Armstrong. L’employeur a pris une décision avant de recueillir tous les renseignements pertinents, ce qui indique manifestement sa mauvaise foi.

[210]  Les trois premières puces de la feuille de renseignements confirment le lien clair entre les plaintes du fonctionnaire en matière de santé et de sécurité et son licenciement. La troisième puce indique que [traduction] « Les lettres de licenciement pour incapacité seront envoyées aux deux employés à la même date. Cette affaire peut entraîner une attention négative pour l’ARC ». La feuille de renseignements mentionne que le fonctionnaire a soulevé dans le passé des problèmes en matière de santé et de sécurité, qu’il était représentant syndical et qu’il a siégé au CSST. La feuille conclut que la lettre de licenciement serait envoyée le 1er avril 2010, à lui-même ainsi qu’à un autre employé qui a occupé les fonctions de représentant syndical et de membre du CSST.

[211]  Le document d’information sur le licenciement établit clairement que l’employeur avait de nombreuses autres considérations à l’esprit lorsqu’il a licencié le fonctionnaire, lesquelles n’avaient absolument rien avoir avec un licenciement pour incapacité et, par conséquent, démontraient la mauvaise foi de l’employeur.

[212]  En conclusion, le fonctionnaire soutient que les interactions de l’employeur avec lui durant son CNP révèlent une tendance de conduite de représailles pour ses plaintes et demandes [traduction] « constantes », y compris des menaces d’imposition de mesures disciplinaires, des demandes non justifiées et abusives de renseignements médicaux et des tentatives de l’isoler de ses collègues. En outre, la feuille de renseignements et le document d’information sur le licenciement confirment que l’ARC s’est empressée de conclure le licenciement, et ce, avant de recevoir d’autres renseignements médicaux, et que cette décision reposait du moins en partie sur ses nombreuses plaintes et demandes au fil des ans. Par conséquent, la décision de l’employeur de le licencier était aussi entachée de mauvaise foi.

[213]  À titre de réparation, le fonctionnaire demande la réintégration rétroactive à la date du licenciement, les dommages maximaux permis en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6; LCDP) pour préjudice moral et conduite délibérée ou inconsidérée de la part de l’employeur, ainsi que des dommages punitifs de 20 000 $ pour le comportement malveillant de ce dernier.

[214]  Le fonctionnaire présente les affaires suivantes à l’appui de ses arguments :

[215]  J’examinerai les affaires pertinentes plus loin dans mon analyse.

C.  La réponse de l’employeur

[216]  Le concept d’accommodement doit être précisé. Le fonctionnaire déclare que le CNP était un accommodement, mais les affaires en matière de droits de la personne appuient le principe selon lequel l’obligation de prendre des mesures d’adaptation est un processus fondé sur l’objectif. La prise de mesures d’adaptation envers un employé qui a des restrictions et des limites signifie lui permettre de rester dans le lieu de travail. Un employeur n’accommode pas un employé qui n’est pas au travail. Le fonctionnaire confond le CNP avec une mesure d’adaptation.

[217]  McGill et Hydro-Québec confirment qu’un employé doit être soutenu alors qu’il est en congé de maladie. La mesure d’adaptation commence lorsque l’employé retourne au travail. L’employeur n’a pas reçu de réponse des fournisseurs de soins médicaux du fonctionnaire au sujet de ses restrictions et limites. Le rétablissement du statut de CNP ne constitue pas une mesure d’adaptation.

[218]  Pour ce qui est des dispositions la convention collective, l’employeur répond qu’elles n’ont pas été soulevées au début de l’audience ou dans le cadre de la procédure interne de règlement des griefs. Par conséquent, selon Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109 (C.A.), le fonctionnaire ne pouvait pas soulever cet argument. En tout état de cause, les clauses 35.09 et 41.02(iii) prévoient cinq ans de CNP pour toute la durée de l’emploi d’un employé à la fonction publique. Bien que les parties à la convention collective aient inclus le congé de maladie payé, le CNP de maladie n’a pas été inclus. Par conséquent, on peut soutenir qu’il relève du pouvoir discrétionnaire de l’employeur en vertu de l’article 54.

[219]  Dans les faits, l’employeur n’a jamais su pendant combien de temps au total le fonctionnaire a attendu d’être vu par un médecin. La Dre Armstrong n’a pas précisé ce qu’elle entendait par « avenir prévisible », même si elle disposait de tous les renseignements pour le faire. Dans le certificat médical du 28 août 2009 (pièce E-3, onglet 21), elle a déclaré que le fonctionnaire n’était pas apte à retourner au travail. En octobre 2009, il a dit à l’employeur qu’il avait un rendez-vous pour des tests en novembre et que la production du rapport prendrait deux mois. L’employeur l’a informé qu’il attendrait le rapport. Le rapport du 6 janvier 2010 indiquait que le fonctionnaire n’était pas apte à retourner au travail. En février 2010, il a fait parvenir un courriel à M. Couture pour indiquer que la Dre Stein avait déclaré que le fonctionnaire était complètement invalide (pièce E-3, onglet 30).

[220]  Pour ce qui est du courriel du 30 mars 2010, de l’avocate du fonctionnaire à Mme Thompson, qui comprenait le certificat médical de la Dre Armstrong daté du 30 mars 2010 (pièce E-3, onglet 35), rien n’indique que, si une prolongation de deux semaines était accordée, le fonctionnaire subirait une autre évaluation. Le certificat médical indiquait qu’il n’était pas apte à accomplir [traduction] « n’importe quel travail ». Sur la question de la contrainte, il n’y a pas de preuve de sa situation véritable.

[221]  Pour ce qui est de l’argument selon lequel l’employeur a créé un fardeau administratif, ce dernier a indiqué que, puisque le fonctionnaire avait été absent pendant deux ans, il cherchait à se renseigner sur le statut d’emploi du fonctionnaire. Comme le fonctionnaire a dit vouloir retourner au travail, l’employeur a exigé des renseignements médicaux. La situation est différente lorsqu’il s’agit d’un employé en CNP pour prendre soin d’un enfant ou d’un parent. Si un employé manifeste le désir de retourner au travail, l’employeur doit prendre des mesures en conséquence. À aucun moment il n’a fait pression sur le fonctionnaire pour qu’il prenne une retraite pour raisons médicales.

[222]  L’argument selon lequel l’employeur a appliqué la politique d’une manière mécanique et automatique est loin d’être la réalité. Après l’échéance de deux ans, l’employeur a envoyé la lettre, mais cette lettre ne constitue pas la fin du processus de réintégration de l’employé. Plus tôt un employé revient au travail, plus la réintégration a des chances de réussir. Si l’on examine l’ensemble des communications entre avril et juillet 2009, on constate que l’employeur n’a pas appliqué mécaniquement la règle de deux ans.

[223]  Le fonctionnaire avait tort de soutenir que l’expression « avenir prévisible » visait un délai de six mois. L’expression « avenir prévisible » ne visait que la période où il a subi des tests. L’employeur n’a pas soutenu que, dans tous les cas, un délai de six mois correspondait à un avenir prévisible.

[224]  En ce qui concerne les allégations de mauvaise foi formulées par le fonctionnaire, l’employeur soutient que les RH n’ont pas fait preuve de mauvaise foi en se préparant à une éventualité; il s’agit d’une attitude proactive.

[225]  Le fonctionnaire déclare que son retrait du comité était un signe de la mauvaise foi de l’employeur. Il siégeait au CSST en tant que représentant syndical, et le syndicat devait nommer une autre personne pour le remplacer.  Dans le courriel du 2 janvier 2008, envoyé par le coprésident du CSST (pièce G-14, onglet 12), la mention  selon laquelle l’employeur ne communique pas avec le fonctionnaire indique uniquement que des remplacements ont été faits. Si le remplacement n’avait pas eu lieu, le fonctionnaire aurait pu dire que l’employeur lui demandait de travailler alors qu’il était en congé de maladie. Selon l’employeur, le fonctionnaire ne devait pas se préoccuper de problèmes concernant le travail pour qu’il puisse se rétablir.

[226]  Pour ce qui est de la décision de représailles, elle concernait le procès-verbal du CSST. Mme Thompson et M. Couture n’ont pas participé à ce dossier, n’ont pas été interrogés à ce sujet ni sur la question de savoir s’ils avaient été influencés par celle-ci.

[227]  Il n’y a aucune preuve convaincante de mauvaise foi, sauf la référence à la préparation du document d’information sur le licenciement. Si l’employeur rompt une relation d’emploi, il doit tenir compte de tout le contexte, ce qui ne correspond pas à de la mauvaise foi. Autrement, le fonctionnaire pourrait soutenir que le licenciement était déraisonnable parce que l’employeur n’a pas tenu compte de tous les renseignements. Les RH devaient aborder tous les éléments que le directeur devait connaître.

[228]  Dans son argumentation, le fonctionnaire n’a pas précisé la durée du CNP de maladie. L’employeur n’a pas reçu les renseignements dont il avait besoin pour mener une évaluation de la contrainte excessive. Le fait de garder un employé dans l’effectif de manière indéterminée sans renseignements quant au moment où il pourra retourner au travail constitue en soi une contrainte excessive. L’employeur a demandé une date de retour au travail ainsi que les limites et les restrictions applicables au travail du fonctionnaire, sans succès.

[229]  Le fonctionnaire demande la réintégration à titre de réparation. Toutefois, lorsqu’il a été licencié, il n’était pas apte au travail. Il soutient qu’il devrait être réintégré à un CNP indéfiniment ou réintégré au travail avec une mesure d’adaptation. L’employeur fait valoir que sa réintégration nécessiterait une ordonnance précise.

[230]  Rien ne justifie l’octroi de dommages fondés sur les droits de la personne et l’employeur n’a fait preuve d’aucune mauvaise foi qui justifierait l’octroi de dommages.

[231]  L’employeur répond également à certaines des affaires que le fonctionnaire a invoquées. Il déclare que Rogers se distingue au regard des faits. Dans cette affaire, l’employé était apte à un retour au travail graduel. Le fonctionnaire en l’espèce n’était pas apte au travail. Contrairement à Multani, l’employeur en l’espèce n’a pas reçu de renseignements. Enfin, il déclare que Sketchley ne l’a pas emporté sur l’analyse dans Calabretta et les affaires qui ont suivi.

[232]  En conclusion, l’employeur répond que la Commission devrait rejeter le grief au motif que l’application par l’employeur de sa politique sur les congés de maladie n’a pas été faite de façon automatique, et que l’employeur a tenu compte de la situation du fonctionnaire. Ses médecins ont estimé qu’il était inapte à retourner au travail. Rien dans la preuve n’indique qu’il a examiné la question de la retraite pour raisons médicales. Il n’a pas non plus démontré la mauvaise foi de l’employeur qui aurait mené à la lettre de licenciement. Compte tenu de tout ce qui précède, l’employeur n’avait d’autre choix que de le licencier pour incapacité.

D.  Observations supplémentaires

[233]  Après l’audience, le fonctionnaire a demandé que la Commission permette aux parties de présenter d’autres observations sur la récente décision Edwards c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2019 CRTESPF 62. J’ai accueilli la demande, et d’autres observations ont été fournies le 24 octobre, le 7 novembre et le 14 novembre 2019, respectivement.

[234]  Dans Edwards, la Commission a conclu que l’employeur avait commis un acte discriminatoire à l’égard des fonctionnaires sur la base d’une invalidité, en rejetant leurs demandes de congé pour des raisons personnelles au motif qu’elles étaient en CNP de maladie.

[235]  Je n’ai pas l’intention de fournir un résumé exhaustif des arguments des parties en ce qui concerne l’application de Edwards à la présente affaire. Il suffit de dire que le principal argument du fonctionnaire est indiqué au paragraphe 11 de ses arguments en réponse : [traduction] « L’importance primordiale de la décision Edwards pour la présente affaire concerne la conclusion de la Commission selon laquelle le congé non payé est une forme de mesures d’adaptation et que la contrainte excessive n’est pas simplement théorique, il s’agit d’une évaluation fondée sur la preuve ». Pour sa part, l’employeur soutient que Edwards « [...] ne s’applique pas à la présente affaire et qu’elle se distingue complètement selon les faits et le droit ».

[236]  Je suis certainement disposé à accepter l’argument du syndicat selon lequel la contrainte excessive nécessite une évaluation fondée sur la preuve. À mon avis, la Cour suprême du Canada a établi ce principe bien avant Edwards. Toutefois, je ne suis pas disposé à adopter tout autre élément de Edwards dans mon raisonnement en l’espèce. Dans Edwards, la Commission a examiné l’interaction entre la directive du Conseil du Trésor et la Politique relative aux blessures et maladies de l’ARC, dont le libellé est semblable pour ce qui est du CNP de maladie, à savoir « [...] les cas de congé non payé doivent être réglés dans les deux ans [...] ».

[237]  Un passage important de Edwards de la Commission est ainsi rédigé (au paragraphe 66) :

[66] Puisqu’il n’y a pas de disposition pour le congé de maladie non payé dans la convention collective, l’employeur peut appliquer la directive et régler toute question de congé de maladie non payé au-delà de la période de deux ans. Toutefois, l’employeur ne peut s’appuyer sur la Directive pour rejeter un avantage auquel un employé a droit en vertu de la convention collective. [...]

[238]  La Commission a conclu qu’en l’absence d’une disposition dans une convention collective prévoyant le CNP de maladie, un employeur peut appliquer sa directive, ce qui est le cas en l’espèce. Je suis d’accord avec l’employeur pour dire que Edwards se distingue de la présente affaire. Je n’en ai donc pas tenu compte dans les présents motifs.

IV.  Analyse

[239]  Je dois déterminer si l’employeur a commis un acte discriminatoire à l’égard du fonctionnaire sur la base d’une invalidité lorsqu’il l’a licencié pour incapacité médicale le 13 avril 2010. On me demande aussi de déterminer si le licenciement du fonctionnaire était entaché de mauvaise foi. Je commencerai par l’analyse fondée sur les droits de la personne.

A.  Discrimination prima facie

[240]   La fonctionnaire a allégué que son licenciement était discriminatoire, en contravention de la LCDP et de l’article 19 de la convention collective.

[241]  Selon l’alinéa 226(2)a) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2), la Commission peut, pour instruire toute affaire dont elle est saisie, interpréter et appliquer la LCDP (sauf les dispositions de cette loi sur le droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes), qu’il y ait ou pas un conflit entre la LCDP et la convention collective, selon le cas.

[242]  Selon l’article 7 de la LCDP, constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, de refuser de continuer d’employer un individu.

[243]  Afin d’établir qu’un employeur a fait preuve de discrimination, un fonctionnaire doit d’abord produire une preuve prima facie de l’existence de l’acte discriminatoire qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur du fonctionnaire, en l’absence de réplique de l’employeur (voir Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 RCS 536, au paragraphe 28). La Commission ne peut pas examiner la réplique de l’employeur avant de déterminer si une preuve prima facie de discrimination a été établie (voir Lincoln c. Bay Ferries Ltd., 2004 CAF 204, au paragraphe 22).

[244]  Il n’est pas nécessaire que les considérations en matière de discrimination constituent l’unique raison des actions en litige pour prouver l’allégation de discrimination. Le fonctionnaire n’a qu’à démontrer que la discrimination constituait l’un des facteurs de la décision de l’employeur (voir Holden v. Canadian National Railway Company (1990), 14 C.H.R.R. D/12 (C.A.F.) au paragraphe 7). La norme de preuve dans les affaires de discrimination est la norme civile de la prépondérance des probabilités (voir Alliance de la fonction publique du Canada c. Canada (Ministère de la Défense nationale)), [1996] 3 CF 789 (C.A.)).

[245]  Pour établir l’existence prima facie de discrimination, le fonctionnaire devait démontrer qu’il possède une caractéristique protégée par la LCDP contre la discrimination, qu’il a subi un effet préjudiciable relativement à son emploi et que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable (voir Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 CSC 61, au paragraphe 33).

[246]  Selon les faits dont je dispose, je n’ai aucune difficulté à conclure que le fonctionnaire a établi une preuve prima facie de discrimination en l’espèce. Dans un premier temps, il possédait une caractéristique protégée contre la discrimination par LCDP. Il souffrait d’une déficience au sens de l’article 25 de la LCDP, à savoir une « [...] [d]éficience physique ou mentale, qu’elle soit présente ou passée [...] ». Il convient de noter que, à juste titre, l’employeur n’a pas prétendu qu’il n’avait pas établi qu’il souffrait d’une déficience. Deuxièmement, il a subi un effet préjudiciable relativement à son emploi : il a été licencié. Enfin, sa déficience a clairement constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable : il a été licencié pour incapacité.

B.  La défense relative à l’EPJ

[247]  Un employeur qui doit répondre à une preuve prima facie de discrimination peut éviter une conclusion défavorable en présentant des éléments de preuve permettant de fournir une explication raisonnable qui démontre que ses agissements n’étaient pas discriminatoires ou en invoquant un moyen de défense prévu par la loi qui justifie la discrimination (voir A.B. c. Eazy Express Inc., 2014 TCDP 35, au paragraphe 13). Si une explication raisonnable est fournie, il appartient au fonctionnaire de démontrer que l’explication constitue un simple prétexte pour exercer de la discrimination.

[248]  En l’espèce, l’employeur a invoqué la défense relative à l’EPJ prévue par la loi. 

[249]  Le paragraphe 15(2) de la LCDP établit une défense prévue par la loi qui serait par ailleurs une pratique discriminatoire. Les parties applicables de l’article 15 de la LCDP sont ainsi rédigées :

Exceptions

15 (1) Ne constituent pas des actes discriminatoires :

a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l’employeur qui démontre qu’ils découlent d’exigences professionnelles justifiées;

Besoins des individus

(2) Les faits prévus à l’alinéa (1)a) sont des exigences professionnelles justifiées ou un motif justifiable [...], s’il est démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d’une personne ou d’une catégorie de personnes visées constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[250]  Étant donné que j’ai conclu à l’existence d’une preuve prima facie de discrimination, il incombait à l’employeur d’établir que son application de la norme de deux ans était justifiée. Dans McGill, la Cour suprême a réitéré le critère en trois parties établi dans Meorin comme suit (au paragraphe 13) :

13 Il est bien établi que l’employeur doit justifier la norme qu’il cherche à appliquer en démontrant :

(1) qu’il a adopté la norme dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause;

(2) qu’il a adopté la norme particulière en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail;

(3) que la norme est raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail. Pour prouver que la norme est raisonnablement nécessaire, il faut démontrer qu’il est impossible de composer avec les employés qui ont les mêmes caractéristiques que le demandeur sans que l’employeur subisse une contrainte excessive.

(Meiorin, par. 54)

[251]  Le fonctionnaire a reconnu que l’employeur a respecté les deux premières parties du critère de Meiorin. L’essence de la présente affaire réside dans la troisième partie.

[252]  Comme c’est souvent le cas pour ce type de grief, le moyen de défense relatif à l’EPJ concerne le concept de la contrainte excessive. Les deux parties reconnaissent que c’est bien le cas en l’espèce. Par conséquent, l’analyse porte maintenant sur la question de savoir si l’invalidité de M. Babb imposerait une contrainte excessive à l’employeur.

[253]  Le fonctionnaire a renvoyé à d’autres dispositions sur le CNP de la convention collective qui accordent aux employés un congé jusqu’à concurrence de cinq ans. Invoquant McGill, il a soutenu qu’une clause d’une convention collective prévoyant une période d’absence autorisée peut être un facteur important pour déterminer la période appropriée au cours de laquelle les employés peuvent s’absenter du travail. Si la convention collective prévoit une absence de cinq pour un CNP dans d’autres situations, alors l’employeur peut clairement prendre des mesures d’adaptation à l’égard d’un employé en congé de maladie pour une période maximale de cinq ans, sans subir de contrainte excessive. Comme je l’ai indiqué, le fonctionnaire a aussi soutenu que Edwards appuie également cet argument. Je suis d’accord pour dire que c’est logique.

[254]  Cet argument pose problème à deux égards. Tout d’abord, contrairement à McGill, le CNP de maladie n’est pas inclus dans la convention collective. Dans Edwards, ce fait est mis en évidence par la Commission, qui précise également que, comme la politique du Conseil de Trésor sur le CNP de maladie ne faisait pas partie de la convention collective, l’employeur avait le loisir d’appliquer la politique.

[255]  Dans un deuxième temps, et plus important encore, l’argument du fonctionnaire ne fait aucune mention, à son avantage, des directives explicites de la Cour suprême dans McGill et Hydro-Québec, selon lesquelles je dois déterminer si l’employeur a établi que l’employé est incapable de retourner au travail dans un avenir raisonnablement prévisible. Le cas échéant, l’employeur s’est acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation.

[256]  Le fonctionnaire a soutenu que le fait de le garder en CNP de maladie pour encore quelques années en vue de lui permettre de suivre les traitements nécessaires à son retour au travail ne constituerait pas une contrainte excessive. Toutefois, je dois examiner les renseignements médicaux que l’employeur possédait au moment où il a décidé de le licencier. Le fonctionnaire était en congé de maladie depuis trois ans. Dans son courriel du 4 février 2010, envoyé à M. Couture, le fonctionnaire fait brièvement mention du rapport de la Dre Armstrong formulant [traduction] « huit recommandations de traitement » (pièce E-3, onglet 30). Pour sa part, la Dre Armstrong a informé l’employeur que des [traduction] « [t]raitements ont été recommandés afin d’améliorer la tolérance aux expositions (du fonctionnaire) » (pièce E-3, onglet 35). Il s’agissait là de l’étendue des renseignements médicaux. J’apporterai d’autres précisions à ce sujet plus loin dans la présente décision.

[257]  En invoquant Multani et Hicks, le fonctionnaire a soutenu que l’employeur ne peut présenter un moyen de défense relative à l’EPJ sans déposer des éléments de preuve précis concernant l’existence d’une contrainte excessive. Il a renvoyé aux témoignages de Mme Thompson et de M. Couture pour faire valoir que l’employeur n’a présenté aucun élément de preuve explicite concernant la contrainte excessive. Il a soutenu que les raisons fournies par M. Couture, à savoir les fardeaux administratifs présumés de devoir traiter des demandes d’AIPRP et les coûts associés aux CNP pour raisons médicales par rapport au CNP pour prendre soin d’un enfant ou d’un parent ou pour la réinstallation d’un époux, étaient absurdes. Encore une fois, je reconnais que, si l’employeur a invoqué ces raisons pour démontrer l’existence d’une contrainte excessive, il n’aurait alors nettement pas établi son moyen de défense relatif à l’EPJ.

[258]  Dans Hydro-Québec, la Cour suprême du Canada a fourni une directive explicite que je dois suivre dans le cadre de mon analyse. J’ai mis en évidence ci-dessous une partie considérable du raisonnement de la Cour suprême parce que, selon moi, c’est exactement ainsi que je vais aborder l’analyse de la contrainte excessive dans le contexte de l’emploi :

[...]

[12] [...] Ce qui est véritablement requis ce n’est pas la démonstration de l’impossibilité d’intégrer un employé qui ne respecte pas une norme, mais bien la preuve d’une contrainte excessive qui, elle, peut prendre autant de formes qu’il y a de circonstances. [...]

[13] [...] l’obligation d’accommodement dans un contexte d’emploi implique que l’employeur est tenu de faire preuve de souplesse dans l’application de sa norme si un tel assouplissement permet à l’employé concerné de fournir sa prestation de travail sans que l’employeur subisse une contrainte excessive. [...]

[...]

[15] L’obligation d’accommodement n’a cependant pas pour objet de dénaturer l’essence du contrat de travail, soit l’obligation de l’employé de fournir, contre rémunération, une prestation de travail. [...]

[16] Le critère n’est pas l’impossibilité pour un employeur de composer avec les caractéristiques d’un employé. [...] L’employeur [...] a [...] l’obligation d’aménager, si cela ne lui cause pas une contrainte excessive, [...] les tâches de l’employé pour lui permettre de fournir sa prestation de travail.

[17] [...] Cependant, en cas d’absentéisme chronique, si l’employeur démontre que, malgré les accommodements, l’employé ne peut reprendre son travail dans un avenir raisonnablement prévisible, il aura satisfait à son fardeau de preuve et établi l’existence d’une contrainte excessive.

[18] L’incapacité totale d’un salarié de fournir toute prestation de travail dans un avenir prévisible n’est donc pas le critère de détermination de la contrainte excessive [...] lorsque l’employeur a tenté de convenir de mesures d’accommodement avec l’employé aux prises avec une telle maladie, mais que ce dernier demeure néanmoins incapable de fournir sa prestation de travail dans un avenir raisonnablement prévisible, l’employeur aura satisfait à son obligation.

[19] [...] L’obligation d’accommodement qui incombe à l’employeur cesse là où les obligations fondamentales rattachées à la relation de travail ne peuvent plus être remplies par l’employé dans un avenir prévisible.

[...]

[Je mets en évidence]

[259]  Dans McGill, la Cour suprême a déclaré ce qui suit au paragraphe 11 :

[11] L’obligation d’accommodement en milieu de travail naît lorsqu’un employeur cherche à appliquer une norme qui cause préjudice à un employé en raison de caractéristiques particulières protégées par la législation sur les droits de la personne. Il peut s’agir comme en l’espèce du droit d’une employée malade de s’absenter du travail [...]

 

[260]  Toutefois, de manière importante, la Cour suprême a ajouté ce qui suit au paragraphe 38 :

[38] L’obligation d’accommodement n’est ni absolue ni illimitée. L’employée doit collaborer à la recherche d’un compromis raisonnable. Si l’accommodement prévu par la convention collective en l’espèce lui paraissait insuffisant [une période de trois ans] et qu’elle estimait être en mesure de reprendre le travail dans un délai raisonnable, elle devait fournir à l’arbitre des éléments permettant à celui-ci de conclure en sa faveur.

[Je mets en évidence]

[261]  Aucune des parties n’était d’avis qu’un employé a le droit d’être en CNP pour une période indéterminée. L’employeur a soutenu qu’il s’est acquitté en l’espèce de son fardeau d’établir l’existence d’une contrainte excessive au motif que le fonctionnaire n’était pas en mesure de retourner au travail dans un avenir raisonnablement prévisible. Le fonctionnaire a répliqué que l’employeur était bien loin de s’être acquitté de son fardeau d’établir l’existence d’une contrainte excessive.

[262]  Je me penche maintenant sur la preuve dont je suis saisi pour déterminer si je suis convaincu que l’employeur s’est acquitté de son fardeau d’établir que le fonctionnaire était incapable de retourner au travail dans un avenir raisonnablement prévisible.

[263]  Le point de départ de cette analyse est la lettre de licenciement du 13 avril 2010, que M. Couture a envoyée au fonctionnaire. Il ressort clairement d’un examen de cette lettre et des témoignages de M. Couture et de Mme Thompson que l’application de la Politique relative aux blessures et maladies a donné lieu aux événements qui ont mené au licenciement de M. Babb. Ce constat est confirmé dans le paragraphe d’introduction de la lettre, qui est rédigé comme suit : [traduction] « Notre Politique sur le congé non payé de l’ARC indique que la direction doit régler ces situations de congé non payé dans les deux ans qui suivent le début du congé ».

[264]  Le fonctionnaire était en CNP de maladie depuis le 19 avril 2007. Il n’a pas été licencié après l’échéance de deux ans, mais le 13 avril 2010. Il a soutenu que l’employeur avait appliqué la norme des deux ans de façon automatique et mécanique. Je ne suis pas d’accord. Même si la lettre qui lui a été envoyée peut avoir contenu une quantité importante de phrases normalisées en ce qui concerne les options qui étaient à sa disposition, tant avant qu’après l’échéance de deux ans, elles ne correspondent pas en soi à une application automatique et mécanique d’une politique. Comme l’indique la lettre de licenciement et ainsi qu’il ressort clairement de la preuve dont je suis saisi, le fonctionnaire s’est vu offrir une série de prolongations pour fournir des renseignements médicaux établissant les limites et les restrictions permettant un retour au travail.

[265]  Le fonctionnaire a soutenu que, conformément à Sketchley, la preuve en l’espèce révèle que l’employeur s’en est simplement remis à une application mécanique de la règle de deux ans. À mon avis, Sketchley n’est d’aucun secours au fonctionnaire. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a reconnu que l’inflexibilité relative du délai de deux ans imposé par la politique du Conseil du Trésor relative aux congés pour des raisons médicales suffisait à établir une discrimination à première vue. Toutefois, de manière importante, la Cour a conclu ce qui suit (au paragraphe 95) :

[95] [...] En rendant sa décision préalable dans cette affaire, la Commission n’a certainement pas tenu compte du critère relatif à l’EPJ et elle ne s’est pas prononcée sur cette importante question. Dans ces circonstances, les exigences du critère Meiorin n’ont pas été établies tel que requis, et la Cour ne tiendra pas pour acquis qu’elles l’ont été comme le demande l’appelant.

[Je mets en évidence]

[266]  J’ai déjà conclu que le fonctionnaire a établi une preuve prima facie de discrimination. En l’espèce, je dois rendre une décision sur la question essentielle de savoir si l’employeur a respecté le critère relatif à l’EPJ.

[267]  Encore une fois, il est important d’examiner la lettre de licenciement à cet égard. Son deuxième paragraphe renvoie aux prolongations accordées au fonctionnaire pour lui donner le temps de rencontrer ses médecins traitants afin de déterminer les limites et restrictions médicales et de transmettre ces renseignements à l’employeur pour faciliter son retour au travail.

[268]  Dans le troisième paragraphe, la lettre renvoie à la communication du 17 septembre 2009, du fonctionnaire avec Mme Cardinal, selon laquelle il n’était toujours pas apte à retourner au travail. M. Couture renvoie ensuite au certificat médical du 24 août 2009, de la Dre Armstrong, confirmant que le fonctionnaire était toujours inapte à retourner au travail. Il a aussi indiqué ce qui suit dans le même paragraphe :

[Traduction]

[...]

[...] Le 2 février 2010, vous m’avez dit que vous n’étiez pas apte à retourner au travail et que vous ne pouviez communiquer aucune date éventuelle de retour au travail. Vous avez soutenu que d’après un rapport médical de la Dre Ellie Stein, datée du 6 janvier 2010, vous souffriez « actuellement d’une invalidité totale ».

[...]

 

[269]  Toujours dans cette lettre, au même paragraphe, les efforts de la direction pour obtenir une date de retour au travail sont soulignés, notamment les tentatives pour que le fonctionnaire subisse une évaluation de Santé Canada et pour obtenir des renseignements de ses médecins traitants.

[270]  Au cinquième paragraphe, la lettre de licenciement indique ce qui suit :

[Traduction]

[...]

Le 30 mars 2010, votre gestionnaire a reçu une copie d’une lettre de la Dre Jennifer Armstrong datée du 30 mars 2010. [...] La Dre Armstrong indique que vous n’êtes pas apte à retourner au travail à ce moment-ci et qu’il n’y a aucune autre mesure d’adaptation précise qui serait appropriée ou adéquate puisque vous n’êtes pas du tout en mesure de travailler à ce moment-ci.

[...]

[271]  Le CNP pour raisons médicales du fonctionnaire a commencé le 19 avril 2007. Le 11 mai 2009, il a reçu une lettre de l’employeur qui indiquait en partie ce qui suit : [traduction] « La direction doit régler ces situations de congé non payé dans les deux ans qui suivent le début du congé » (pièce G-6). La lettre se poursuit pour l’informer que ces options consistaient à retourner au travail, à demander une retraite pour raisons médicales ou à être licencié en vertu de l’alinéa 51(1)g) de la LARC. Ces options ont été répétées dans un courriel du 6 juillet 2009, de Mme Thompson (pièce E‑3, onglet 17, pages 3 et 4). Sa réponse par courriel, datée du 9 juillet 2009, indiquait qu’il [traduction] « avait l’intention de retourner au travail » (pièce E-3, onglet 17, pages 1 à 3).

[272]  La Dre Armstrong a rédigé une lettre à l’intention de l’employeur datée du 23 octobre 2009 (pièce E-3, onglet 27) pour l’aviser qu’elle ne pouvait pas commenter le retour au travail du fonctionnaire tant qu’elle n’avait pas reçu le rapport de la spécialiste. Sa lettre est rédigée en partie comme suit :

[Traduction]

[...]

Je m’attends à ce que M. Babb soit en mesure de retourner au travail dans un avenir prévisible; toutefois, je ne peux aborder les détails tant que je n’aurai pas reçu un rapport de ces spécialistes. Je ne peux pas dire qu’il pourra retourner au travail dans un délai précis.

[...]

 

[273]  Entre ce moment et le 31 mars 2010, des prolongations ont été demandées et accordées pour permettre à la Dre Armstrong d’examiner le rapport de la spécialiste.

[274]  L’avocate du fonctionnaire a écrit à Mme Thompson, le 29 mars 2010 (pièce E-3, onglet 34), pour demander une prolongation afin de permettre à la Dre Armstrong d’examiner le rapport de la spécialiste et de rédiger une lettre à l’intention de l’employeur. Mme Thompson a refusé deux demandes de prolongation.

[275]  Le 30 mars 2010, la Dre Armstrong a rédigé une lettre qui indiquait en partie ce qui suit (pièce E-3, onglet 33) :

[Traduction]

[...]

Comme vous le savez, ce patient a récemment subi une évaluation neuropsychiatrique. [...] On y a conclu que M. Babb n’est pas apte à retourner au travail en ce moment. Il n’y a donc aucune mesure d’adaptation précise qui serait appropriée ou adéquate puisqu’il n’est pas du tout en mesure de travailler à ce moment-ci. Des traitements ont été recommandés pour améliorer sa tolérance aux expositions, mais le patient éprouve des problèmes financiers. Or, il n’a pas été en mesure de trouver des fonds pour financer les traitements, qui ne sont pas couverts par le RAMO ou la Sun Life; le fait de ne pas avoir obtenu les traitements a nui à son rétablissement et l’a empêché de retourner au travail.

[...]

 

[276]  L’employeur n’avait pas consulté le rapport de la Dre Stein lorsqu’il a licencié le fonctionnaire pour incapacité. Toutefois, le fonctionnaire a déclaré qu’il a eu le rapport à la mi-janvier 2010. Bien qu’il ne l’ait pas fourni à l’employeur, il a fait parvenir un courriel à M. Couture, le 2 février 2010 (pièce E-3, onglet 30), dont l’objet était [traduction] « Mise à jour sur le congé – Renseignements médicaux confidentiels – aucun consentement fourni quant à la distribution ou à la diffusion ». Il a écrit en partie ce qui suit :

[Traduction]

[...]

Conformément aux exigences relatives aux CNP et à mon obligation de communiquer, le présent courriel a pour but de vous aviser que « M. Babb est actuellement complètement invalide » comme l’a écrit la Dre Ellie Stein dans son rapport daté du 6 janvier 2010, que j’ai récemment reçu par télécopieur. Il n’est pas précisé quand et comment je pourrai reprendre mon emploi. [...]

[...]

 

[277]  J’ai examiné le rapport en gardant à l’esprit la directive fournie par la Cour suprême du Canada dans McGill, au paragraphe 38, qui indique que le fonctionnaire devait me fournir la preuve me permettant de conclure en sa faveur. La partie essentielle dont ne disposait pas l’employeur au moment du licenciement est la suivante (à la page 15) :

[Traduction]

[...]

En résumé, M. Babb a un grave problème de santé probablement causé par son exposition antérieure à des produits chimiques. De plus, il souffre d’une sensibilité aux produits chimiques qui l’empêche de recommencer à accomplir un travail semblable. [...] La combinaison particulière de ces problèmes rend impossible tout type de travail durable (c.-à-d. travailler un nombre d’heures suffisant pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille), en particulier un travail pour lequel il a été formé et pour lequel il possède l’expérience, à l’heure actuelle. Par conséquent, M. Babb est actuellement complètement invalide.

[...] Selon mon expérience, très peu de personnes avec ce degré de symptomatologie sont en mesure de recommencer à occuper un emploi rémunérateur. Toutefois, depuis qu’il a cessé de travailler, M. Babb a noté certaines améliorations. Il est possible que d’autres améliorations minimes se produisent, mais le pronostic s’approchant d’un rétablissement complet est très faible.

[...]

 

[278]  Si l’employeur avait consulté le rapport de la Dre Stein avant de licencier M. Babb, il n’y a aucun doute dans mon esprit que, malheureusement pour le fonctionnaire, il serait parvenu à la conclusion justifiable qu’il était inapte à retourner au travail dans un avenir raisonnablement prévisible. L’extrait du rapport de la Dre Stein est encore plus concluant que la preuve médicale postérieure au licenciement dans Calabretta, où la Commission a conclu que le rapport médical était vraisemblablement renforcé par la décision de l’employeur de licencier le fonctionnaire.

[279]  Pourtant, en l’absence du rapport complet de la Dre Stein, à mon avis, compte tenu de la preuve médicale dont je dispose quant à l’absence de progrès dans le rétablissement de M. Babb après son absence du travail depuis 2007, je conclus que, si une autre de demande de prolongation sans indication de la part des médecins traitants du fonctionnaire d’une date éventuelle de retour au travail avait été reçue, l’employeur aurait eu raison de penser qu’il était incapable de retourner au travail dans un avenir prévisible. Ainsi, je suis convaincu, conformément aux instructions de la Cour suprême du Canada dans Hydro-Québec et McGill, que l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation avait pris fin.

[280]  Comme j’ai déterminé que l’employeur s’est acquitté de son fardeau d’établir son moyen de défense relatif à l’EPJ prévu par la loi, je conclus qu’il n’a pas commis un acte discriminatoire à l’égard du fonctionnaire lorsqu’il a mis fin à son emploi pour incapacité.

C.  Mauvaise foi

[281]  Il revient au fonctionnaire d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la décision de l’employeur de le licencier était entachée de mauvaise foi. Le syndicat a invoqué McMorrow et Laird. Comme l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) l’a conclu dans McMorrow « l’on doit toujours, en partant, présumer de la bonne foi » (à la page 10). Dans cette affaire, l’ancienne Commission a conclu que les « faits [...] prouv[ai]ent de façon concluante » que la décision de l’employeur de renvoyer l’employé en probation était « empreinte de mauvaise foi » (à la page 10) et elle a déclaré ce qui suit dans Laird (à la page 10) :

[...]

Selon la preuve documentaire produite et les témoignages entendus, une seule conclusion est possible. À mes yeux, il est clair que la décision de l’employeur de mettre la fonctionnaire en disponibilité pue la mauvaise foi et que celui-ci avait toutes sortes de raisons autres que la nécessité économique ou le volume de travail pour vouloir mettre fin à la relation employeur-employé.

[...]

 

[282]  Dans l’affaire dont je suis saisi, la principale preuve documentaire que le fonctionnaire a invoquée comporte deux aspects : la feuille de renseignements et le document d’information sur le licenciement. La feuille de renseignements était datée du 30 mars 2010. Selon moi, les deux documents renvoient à un certain nombre de questions qui n’ont rien à voir avec le motif énoncé de licenciement par l’employeur, à savoir l’incapacité.

[283]  La personne qui aurait préparé la feuille de renseignements n’a pas été citée à témoigner; elle travaillait apparemment pour le service de Communications de la région de l’Ontario. Le fonctionnaire a déposé la feuille à l’audience. Il a déclaré l’avoir obtenue à la suite d’une demande d’AIPRP. La feuille indique qu’elle a été préparée en consultation avec M. Couture. Toutefois, rien dans la preuve dont je suis saisi n’indique que M. Couture s’en est inspiré lorsqu’il a pris la décision de licencier le fonctionnaire pour incapacité. En contre-interrogatoire, aucune question n’a été posée à M. Couture au sujet de la feuille de renseignements.

[284]  À la troisième puce de la page 3 de la feuille de renseignements, sous l’intitulé [traduction] « Prochaines étapes » se trouve une référence au fonctionnaire à qui a été envoyée une lettre de licenciement le [traduction] « 1er avril 2010 ». Il a demandé que je conclue que la décision de le licencier a été prise avant que l’employeur reçoive les renseignements médicaux à jour de la Dre Armstrong. Bien que ce soit possible, il y a une façon tout aussi vraisemblable, et même plus probable, d’interpréter la feuille. Dans la puce située au-dessus, la feuille confirme que l’employeur attend une autre mise à jour médicale d’ici le 31 mars 2010 en ce qui concerne les limites et restrictions médicales du fonctionnaire. Elle indique ensuite [traduction] « Si M. Babb ne soumet pas ces renseignements, son emploi avec l’ARC prendra fin ». Selon mon interprétation de ces puces, dans l’éventualité où les renseignements étaient fournis avant la date limite, M. Babb n’aurait pas reçu une lettre de licenciement le 1er avril 2010. Les éléments qui en ressortent sont conformes aux faits. La lettre de licenciement lui a été envoyée le 13 avril 2010.

[285]  Le fonctionnaire souhaite que j’examine une autre note de service interne, à savoir le document d’information sur le licenciement. Le syndicat affirme que, à l’instar de la feuille de renseignements, le document a été préparé avant que l’employeur reçoive le rapport médical de la Dre Armstrong. Je ne peux accepter l’affirmation du fonctionnaire. Le document est daté du 6 avril 2010. Je dois demander pourquoi il aurait été nécessaire que l’employeur ait déjà décidé de le licencier le 1er avril 2010. En tout état de cause, le document a aussi été déposé par M. Babb. Il avait été préparé par Mme Bernard, une conseillère en relations du travail. Encore une fois, Mme Bernard n’a pas été citée à témoigner. Sur la première page, l’auteur indique [traduction] « La dernière évaluation reçue concernant l’aptitude au travail de M. Babb est datée du 30 mars 2010. Son médecin, la Dre Armstrong indique que “M. Babb n’est pas apte à retourner au travail en ce moment” ».

[286]  En contre-interrogatoire, M. Couture a été interrogé au sujet de la mention du document d’information sur le licenciement concernant la [traduction] « demande de soutien de la direction ». Il a déclaré que le document d’information avait été créé afin d’obtenir un soutien à la décision de la part de la sous-commissaire régionale, Mme Ellis. Dans ce contexte, il aurait pu faire partie de la demande de soutien de la direction. Il a confirmé avoir consulté le document avant qu’il soit transmis à Mme Ellis et qu’il l’approuvait puisque son contenu reposait sur les faits. Il s’agissait là de l’étendue du témoignage sur le document d’information sur le licenciement.

[287]  Selon la preuve dont je dispose, je ne peux pas conclure que le document d’information sur le licenciement a été préparé avant que l’employeur reçoive les renseignements médicaux à jour de la Dre Armstrong.

[288]  J’ai aussi examiné les autres éléments de preuve qui, de l’avis du fonctionnaire, appuient sa position selon laquelle son licenciement était entaché de mauvaise foi. Tout d’abord, il y a eu les événements de la fin de 2007 et du début de 2008, la lettre de l’employeur renvoyant à son Code de déontologie, ses demandes de notes médicales et les événements concernant le fait que le fonctionnaire a été privé de toute communication avec le CSST.

[289]  Le fonctionnaire a affirmé que la lettre de l’employeur qu’il lui a envoyée le 26 novembre 2007 (pièce G-14, onglet 3), mentionnant son Code de déontologie, démontrait qu’il a tenté de l’empêcher de parler publiquement du problème de qualité de l’air intérieur et que cette question était mentionnée à la fois dans la feuille de renseignements et le document d’information sur le licenciement. Bien qu’il ait déclaré qu’on l’a menacé de lui imposer une mesure disciplinaire en ce qui concerne cette question en 2007, rien dans la preuve n’indique qu’il en a subi une en conséquence. Je souligne que M. Gustafson, l’ancien directeur du CTO qui a écrit la lettre, n’a pas été cité à témoigner.

[290]  Il existe une explication tout aussi plausible et logique d’inclure le renvoi au Code de déontologie dans la lettre. Dans le paragraphe qui précède la référence au Code de déontologie, M. Gustafson a mentionné un rapport indépendant sur la qualité de l’air intérieur et a insisté pour dire que le rapport était la propriété de l’expert-conseil indépendant. M. Gustafson a écrit que (le rapport) [traduction] « ne pouvait pas être distribué sans un consentement écrit préalable [...] ».

[291]  Après avoir lu la lettre, je conclus qu’il est tout aussi probable que le fonctionnaire ait fait mention hors contexte du Code de déontologie. La référence a fort probablement été faite dans le contexte visant à veiller à ce qu’il ne distribue pas le rapport. Les courriels qu’il a obtenus à la suite de la présentation d’une demande d’AIPRP sur la rédaction de la lettre appuient aussi cette interprétation. En tout état de cause, rien dans la preuve dont je suis saisi n’indique que M. Couture a vu la lettre ou qu’il s’en est inspiré pour appuyer sa décision de licencier le fonctionnaire.

[292]  Je me penche maintenant sur l’allégation du fonctionnaire selon laquelle la preuve a révélé que la combinaison de demandes abusives de notes médicale de l’employeur et la menace de ce dernier d’imposer des mesures disciplinaires pour avoir omis de les fournir démontrent qu’il cherchait une façon de contester son congé autorisé. Après avoir examiné la preuve applicable à cet égard, je ne peux pas être d’accord avec lui. Les courriels qu’il a obtenus au moyen de sa demande d’AIPRP révèlent que l’employeur était incapable de trouver les certificats médicaux et qu’il a demandé au fonctionnaire de les fournir. La demande provenait de son gestionnaire de l’époque, M. Currie. Bien que ces courriels puissent démontrer un manque d’organisation de la part de l’employeur, je ne suis pas disposé à y voir autre chose. L’employeur a le droit de demander des notes médicales attestant les congés de maladie d’un employé pour ses dossiers, et l’employé est tenu de les fournir lorsqu’ils sont raisonnablement demandés.

[293]  L’échange de courriels que je trouve troublant a eu lieu entre M. Currie et M. Maurice, les 20 et 21 février 2008, en ce qui concerne le certificat médical fourni par le fonctionnaire (pièce G-14, onglet 8). Le courriel du 20 février de M. Currie semble être tout à fait déplacé et dénué de sensibilité. Le courriel de réponse de M. Maurice est encore plus troublant; il a demandé [traduction] « Ce certificat semble-t-il légitime? ». Mme Thompson a répondu, en l’absence de M. Currie, [traduction] « Le certificat semble légitime, mais je n’ai qu’une copie – Greg [M. Currie] a l’original ». Cet échange de courriels, bien qu’il soit troublant, ne concerne pas M. Couture; il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour lier M. Currie ou M. Maurice au licenciement éventuel du fonctionnaire en 2010. De plus, rien dans la preuve dont je suis saisi n’indique que M. Couture croyait que le fonctionnaire tentait de prendre un congé de maladie non autorisé. Je ne peux certainement pas y voir d’éléments répréhensibles dans la réponse par courriel de l’autre intervenante principale en l’espèce, Mme Thompson.

[294]  Je vais maintenant examiner les circonstances entourant la participation du fonctionnaire au CSST, entre la fin de 2007 et le début de 2008. La principale preuve documentaire figure dans les courriels des 2 et 3 janvier 2008, qu’il a obtenus grâce à sa demande d’AIPRP (pièce G-14, onglets 11 et 12). Il a affirmé que l’action de l’employeur de cesser toute communication avec lui était une preuve supplémentaire de mauvaise foi. Je ne partage pas cet avis.

[295]  Les courriels fournissent une explication vraisemblablement légitime des agissements de l’employeur qui ne constituent pas de la mauvaise foi. Le fonctionnaire était à l’extérieur du bureau en congé de maladie prolongé. De plus, l’employeur a déclaré que la décision de le remplacer comme président de la section locale et coprésident du CSST découlait d’une rencontre avec les représentants syndicaux.

[296]  Bien que la référence au fait que les courriels envoyés à M. Babb et reçus de ce dernier [traduction] « au moyen des systèmes de l’ARC » correspondaient à un [traduction] « usage personnel » puisse être quelque peu exagérée, l’employeur avait certainement le droit d’inclure un rappel sur les lignes directrices visant les réseaux électroniques de l’ARC. Le fonctionnaire a reconnu dans son témoignage qu’il était au courant de la fenêtre contextuelle mensuelle de l’employeur sur l’utilisation de ses réseaux électroniques.

[297]  De plus, je souscris à l’argument de l’employeur selon lequel s’il n’avait pas envoyé un message pour cesser les communications avec le fonctionnaire alors qu’il était en congé maladie, il aurait pu soutenir qu’il lui demandait de travailler alors qu’il était en congé de maladie.

[298]  Le fonctionnaire affirme aussi que sa plainte pour représailles fondée sur l’article 147 du CCT, que la CRTFP a autorisée, constitue une preuve supplémentaire de mauvaise foi. Je ne partage pas cet avis. Bien que la décision de la CRTFP ait été rendue en 2008, la plainte concernait une sanction disciplinaire qu’il s’est vu imposer en mars 2006. Cet événement est survenu avant qu’il prenne un congé de maladie en 2007 et qu’il soit licencié en 2010.

[299]  Le dernier élément de preuve que le fonctionnaire a invoqué est ce qu’il a qualifié [traduction] « d’appel téléphonique suspect » de Mme Thompson en novembre 2008, ainsi que ses notes méticuleuses et son courriel envoyé à plusieurs membres de la direction. Il demande que je conclue que cet appel [traduction] « suspect » cadrait avec le fait que l’employeur commençait à monter un dossier en vue de son licenciement.

[300]  Mme Thompson a déclaré que l’appel avait duré de 15 à 20 minutes. À mon avis, son explication de la raison pour laquelle elle a communiqué avec le fonctionnaire semble raisonnable. Il semble qu’il y a eu beaucoup de changement dans le personnel de la direction au CTO alors qu’il était en congé de maladie. Quant à lui, il ne se souvient pas de l’appel. À la question de savoir s’il était d’accord avec le courriel de Mme Thompson, il a seulement répondu qu’il ne pensait pas que quelqu’un avait communiqué avec lui en mai 2008.

[301]  Ni les notes de Mme Thompson ni son témoignage sur l’appel téléphonique de novembre 2008 ne me mènent à conclure qu’il s’agit d’éléments « suspects », comme le fonctionnaire le souhaiterait. En réalité, ses notes renvoient à plusieurs occasions où elle lui a demandé comment l’employeur pouvait accommoder son retour au travail. À mon avis, il ne s’agit absolument pas d’une allégation qu’il s’agissait là d’un plan esquissé par l’employeur en vue de le licencier.

[302]  Comme je l’ai indiqué au début de la présente section, il revenait au fonctionnaire d’établir que la décision de l’employeur de le licencier était empreinte de mauvaise foi. Contrairement à McMorrow, où la CRTFP a conclu que les faits prouvaient de façon concluante la mauvaise foi, ou dans Laird, où la CRTFP a conclu que la mauvaise foi était la seule conclusion qu’elle pouvait tirer, je ne suis pas aussi convaincu que le fonctionnaire se soit acquitté du fardeau qui lui incombait.

[303]  L’employeur a présenté une preuve documentaire et testimoniale convaincante à l’appui de sa position selon laquelle le fonctionnaire avait été licencié pour incapacité. D’autres éléments l’ont-ils motivé à mettre fin à son emploi? C’est possible, mais je suis loin d’être convaincu que ses agissements « pue[nt] la mauvaise foi », pour citer Laird de nouveau. Selon la preuve présentée, et examinée individuellement et collectivement, je conclus que le fonctionnaire n’a pas démontré qu’il est vraisemblable que la décision de l’employeur de licencier était entachée de mauvaise foi.

[304]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V.  Ordonnance

[305]  Les griefs sont rejetés.

Le 23 avril 2020.

 

Traduction de la CRTESPF

Steven B. Katkin,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.