Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief contre la décision de l’employeur de retenir sur sa paye le remboursement de l’aide au titre des voyages pour vacances qui lui avait été payée, en vertu de la Directive sur les postes isolés et les logements de l’état – le fonctionnaire s’estimant lésé n’a occupé un poste isolé qu’une partie de l’année en question, avant d’être muté dans un poste non isolé – la Commission a déterminé que l’aide prévue dans la directive était payable en totalité, et non pas proportionnellement au nombre de mois travaillés dans un poste isolé – la Commission a déterminé que la directive ne traitait pas spécifiquement du remboursement de l’aide payée à un employé qui obtient une mutation à un poste non isolé ni ne prévoyait le paiement de cette aide à un employé régulier à temps plein en fonction du temps passé au poste isolé – la Commission a conclu qu’en l’absence d’un article prévoyant l’application de la proportionnalité de paiement aux employés réguliers, cette notion ne s’appliquait pas dans les circonstances – la Commission a donc ordonné que l’employeur rembourse au fonctionnaire s’estimant lésé les sommes retenues sur sa paye au titre du remboursement de l’aide au titre des voyages pour vacances.

Grief accueilli.

Contenu de la décision

Date:  20200508

Dossier:  566-02-5960

 

Référence:  2020 CRTESPF 50

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Jacques DAVID Mimeault

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(ministère de l’Emploi et du Développement social)

 

employeur

Répertorié

Mimeault c. Conseil du Trésor (ministère de l’emploi et du développement social)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant :  Renaud Paquet, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé : Christine Dutka, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur : Julie Chung, avocate

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés
les 13 février, 13 mars et 23 mars 2020.


MOTIFS DE DÉCISION

I.  Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1]  Le 16 juin 2010, Jacques David Mimeault (M. Mimeault) a déposé un grief contre la décision du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences de lui réclamer un montant de 2 689,19 $ en tant que trop payé de l’aide au titre des voyageurs pour vacances (AVV) de 2 999,48 $, qui lui avait précédemment été payée. Cette aide est prévue dans la Directive sur les postes isolés et les logements de l’état du Conseil national mixte (la « directive du CNM »), qui fait partie de la convention collective de l’unité de négociation du groupe Services des programmes et de l’administration expirant le 20 juin 2011 (la « convention collective »).

[2]  Le 12 décembre 2013, le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences est devenu le ministère de l’Emploi et du Développement social (les termes « ministère » ou « employeur » sont utilisés pour faire référence à ce secteur de l’administration publique fédérale tout autant avant qu’après cette modification).

[3]  Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

[4]  Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et les titres de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans le fonction publique pour qu’ils deviennent, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.

II.  Positions des parties

[5]  L’employeur ne conteste pas que M. Mimeault avait droit de recevoir l’AVV quand il en a fait la demande alors qu’il travaillait à New Richmond, au Québec, car cette localité fait partie des postes isolés au sens de la directive du CNM. Cependant, M. Mimeault a été muté à Ste-Anne-des-Monts le 10 mai 2010, une ville qui n’est pas un poste isolé au sens de la directive du CNM. La position de l’employeur est que M. Mimeault ne peut recevoir comme AVV pour l’année 2010-2011 que la partie de l’année où il travaillait dans un poste isolé, soit du 1er avril 2010 au 9 mai 2010. Compte tenu que l’AVV avait déjà été payée en entier à M. Mimeault, l’employeur lui a réclamé un remboursement proportionnel aux jours où M. Mimeault ne travaillait plus dans un poste isolé. M. Mimeault prétend que l’employeur ne pouvait lui réclamer le remboursement de l’AVV déjà payée. Selon lui, rien dans la directive du CNM ne permettait à l’employeur d’agir comme il l’a fait. Notons que M. Mimeault a déjà remboursé les sommes réclamées par l’employeur.

III.  Résumé des faits admis par les parties

[6]  M. Mimeault a commencé à travailler pour l’employeur le 24 septembre 2007 à titre d’agent au paiement à New Richmond. Cette localité est un poste isolé, de classe 2, selon la directive du CNM. De par son statut d’employé nommé pour une période indéterminée à temps plein, il était dès lors éligible à l’AVV. Chaque année depuis 2007, M. Mimeault a reçu l’AVV. Notons que M. Mimeault a reçu en totalité l’AVV pour l’année financière commençant le 1er avril 2007 et se terminant le 31 mars 2008.

[7]  En avril 2009, M. Mimeault a amorcé des démarches auprès de l’employeur afin de poursuivre sa carrière en tant qu’agent de services aux citoyens (ASC) à Ste-Anne-des-Monts. À la fin mars 2010, l’employeur lui a confirmé qu’il serait muté à Ste-Anne-des-Monts. Il a par contre complété sa formation d’ASC à New Richmond, de sorte qu’il a commencé à travailler à Ste-Anne-des-Monts le 10 mai 2010. Selon lui, pour des raisons familiales, M. Mimeault n’est déménagé à Ste-Anne-des-Monts que le 8 septembre 2010, retournant chez lui à New Richmond les fins de semaine entre mai et septembre 2010.

[8]  Le 1er avril 2010, M. Mimeault avait demandé à son supérieur, en remplissant le formulaire à cet effet, qu’on lui verse l’AVV pour l’année financière 2010-2011. Selon lui, n’ayant rien reçu, il a demandé à son supérieur vers le 20 avril 2010 ce qui se passait. Ce dernier lui aurait répondu qu’il était en attente d’une réponse à savoir si l’AVV serait payée pour l’année complète. Plus tard, M. Mimeault a été avisé que le plein montant lui serait versé. Puis, le 17 mai 2010, il a reçu un chèque au montant de 2 999,48$, soit le montant total qu’il avait réclamé pour toute l’année 2010-2011.

[9]  Le 26 mai 2010, Myriam Pelletier, une conseillère en rémunération du ministère, a informé M. Mimeault par courriel qu’un employé qui était muté à un poste « non isolé » en cours d’année financière avait droit à l’AVV au prorata du nombre de jours dans l’année travaillés dans un poste isolé. Ainsi, selon Mme Pelletier, M. Mimeault avait droit à l’AVV du 1er avril 2010 au 9 mai 2010, occasionnant un trop-payé à rembourser d’un montant de 2 689,19 $. À partir du 23 juin 2010, l’employeur a déduit 188,48 $ de chacune des payes aux deux semaines de M. Mimeault jusqu’à ce que le montant du trop-payé ait été complètement remboursé.

[10]  Le 16 juin 2010, M. Mimeault a déposé un grief pour contester la décision de l’employeur de lui payer l’AVV que pour la partie de l’année où il a travaillé à New Richmond, puis de lui imposer un trop-payé résultant de cette décision. L’employeur a rejeté le grief à chacun des paliers de la procédure interne de règlement des griefs. Au premier palier, l’employeur a appuyé sa décision sur la directive du CNM et « plus particulièrement le paragraphe 1.16 ». Le CNM a aussi rejeté le grief et conclu que M. Mimeault avait été traité selon l’esprit de la directive. L’essence de la réponse se lit ainsi : « Le Comité exécutif a déjà conclu que la prestation complète de l’aide au titre des voyages pour vacances est prévue pour les fonctionnaires qui travaillent au poste isolé pour une période de 12 mois. »

IV.  Résumé de l’argumentation de M. Mimeault

[11]  M. Mimeault rappelle que la directive du CNM fait partie de la convention collective qui régit les conditions de travail de M. Mimeault. Ce dernier était assigné dans un poste isolé de classe 2 et il était un employé nommé pour une période indéterminée à temps plein.

[12]  La directive du CNM est claire eu égard à l’octroi de l’AVV. L’AVV est payée une fois l’an pour les employés affectés à un poste isolé de classe 2 (clause 3.4.1). M. Mimeault était toujours admissible à l’AVV le 1er avril 2010 lorsqu’il en a fait la demande. L’employeur a accepté cette demande et a versé à M. Mimeault un montant de 2 999,48 $ le 17 mai 2010.

[13]  L’employeur ne pouvait comme il l’a fait réclamer un remboursement de l’AVV de la part de M. Mimeault au prorata des mois qui suivirent son affectation dans un poste non isolé. La directive du CNM prévoit un remboursement ou recouvrement lorsqu’un employé démissionne de ses fonctions (paragraphe 3.4.6, Note). Par contre, aucun remboursement n’est réclamé si un employé quitte pour la retraite, l’invalidité, le réaménagement des effectifs ou le licenciement pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite. Or, M. Mimeault n’a pas démissionné. Il n’a pas non plus été licencié pour des motifs disciplinaires ou une inconduite.

[14]  M. Mimeault demande à la Commission de faire droit au grief.

V.  Résumé de l’argumentation de l’employeur

[15]  Afin de déterminer l’intention réelle des parties à la convention collective, la Commission doit prendre les mots utilisés dans leur sens ordinaire. Il doit aussi tenir compte du reste de la convention collective, car c’est la convention dans son ensemble qui forme le contexte dans lequel les mots utilisés doivent être interprétés. Ainsi, lorsqu’une disposition permet plusieurs interprétations, il faut privilégier celle qui s’accorde le mieux avec l’ensemble de la convention. Aussi, un avantage qui implique un coût monétaire doit avoir été clairement et expressément stipulé dans la convention.

[16]  Selon l’employeur, M. Mimeault a été traité selon l’esprit de la directive du CNM. Cette dernière accorde des indemnités aux employés qui travaillent dans un poste isolé. Or, M. Mimeault ne travaillait plus dans un poste isolé à compter du 10 mai 2010. Il ne pouvait donc plus bénéficier des avantages conférés par la directive du CNM, car il avait été muté dans un poste non isolé.

[17]  L’employeur réfère aux paragraphes 1.13.1, 1.14.3, 1.18, 1.18.3, 1.201.1 et 3.4.5 de la directive du CNM qui requièrent que l’employé demeure dans le poste isolé pour bénéficier des indemnités prévues dans la directive. Même si ces dispositions n’abordent pas spécifiquement le paiement de l’AVV, la directive du CNM stipule que les indemnités prévues dans la partie I sont accordées aux employés qui continuent d’occuper un poste dans une localité isolée. La jurisprudence a reconnu qu’on doit accorder le même sens à des termes similaires utilisés dans différentes parties de la convention collective.

[18]  L’interprétation de l’employeur est appuyée par le Comité exécutif du Conseil national mixte. Le Comité exécutif est composé à part égale de représentants des agents négociateurs et de l’employeur. Ce comité est ultimement responsable de développer les directives du CNM et de rendre les décisions à la suite de griefs déposés. Évidemment, les agents négociateurs et l’employeur qui ont écrit la directive sont ceux qui la comprennent la mieux et qui détiennent l’expertise pour l’interpréter. Or, le Comité exécutif a rejeté l’interprétation mise de l’avant par M. Mimeault. Il a conclu que le droit à l’intégralité de l’AVV visait les employés qui étaient dans un poste isolé durant 12 mois.

[19]  Une fois établi que l’AVV n’aurait dû être payée que pour la période où M. Mimeault était dans un poste isolé, il est clair que l’employeur était en droit de recouvrer les montants payés en trop. Le paragraphe 3.6.1 de la directive du CNM prévoit les situations où l’employeur ne peut recouvrer une AVV déjà payée. Or, ces situations diffèrent de celle de M. Mimeault. Si les parties à la convention collective avaient voulu que le paragraphe 3.6.1 de la directive s’applique à une situation comme celle de M. Mimeault, elles l’auraient spécifié.

[20]  Enfin, la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11) accorde à l’employeur le pouvoir de recouvrement des sommes payées en trop. À cet égard, le paragraphe 155(3) de cette loi stipule ce qui suit :

155(3) Le receveur général peut recouvrer les paiements en trop faits sur le Trésor à une personne à titre de salaire, de traitements ou d’allocations en retenant une montant égal sur toute somme due à cette personne par Sa Majesté du chef du Canada.

[21]  L’employeur m’a renvoyé aux décisions 27.4.99 (15 juin 2011), 27.4.66 et 27.4.67 (12 décembre 2007), et 27.4.125 (11 octobre 2018) du CNM. L’employeur m’a aussi renvoyé aux décisions suivantes : Arsenault c. Agence Parcs Canada, 2008 CRTFP 17; Cooper et Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 160;  Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence Parcs Canada, 2020 CRTESPF 13; Pâtes et Papier Irving Ltée c. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et des travailleurs du papier, section locale 30, 2002 CAMB  30. Enfin, l’employeur m’a renvoyé à deux documents produits par le CNM ainsi qu’à Palmer et Snyder, Collective Agreement Arbitration in Canada, 6e éd., Partie 1, chapitre 2 à 2,23.

VI.  Motifs

[22]  La clause 7.03 de la convention collective stipule entre autres que la Directive sur les postes isolés et les logements de l’état fait partie de la convention collective.

[23]  La version de 2007 de la directive du CNM est celle qui était en vigueur en 2010. Il faut donc s’y référer. Il est pertinent d’examiner les paragraphes qui suivent de la directive du CNM :

[…]

1.13.1 Les personnes qui se trouvent à un poste isolé, qui sont considérées comme en voyage au sens de la Directive sur les voyages du CNM, et dont le lieu d’affectation n’est pas un poste isolé, ne sont pas visées par la présente directive.

[…]

1.14.3 Les employé(e)s en congé de maternité/parental non payé qui demeurent au poste isolé continuent à avoir droit aux indemnités accordées aux termes de la présente directive ainsi qu’aux prestations mentionnées à l’article 3.1.1.

[…]

1.15.1 La période d’admissibilité aux indemnités versées aux fonctionnaires commence à la plus tardive des éventualités suivantes :

a) à 00 h 01 le jour de son arrivée au lieu d’affectation;

b) à minuit le dernier jour pour lequel il touche des frais de voyage ou de transport du fait de son affectation à un poste isolé; et

c) à 00h01 le jour où le fonctionnaire retourne au travail après la fin de son congé non payé.

1.16 Date de cessation

1.16.1 La période d’admissibilité aux indemnités versées aux fonctionnaires se termine à minuit le jour précédent la première des éventualités suivantes :

a) le premier jour pour lequel ils touchent des frais de voyage ou de transport du fait de leur mutation de leur lieu d’affectation;

b) le jour où ils cessent d’être fonctionnaires.

c) à 00 h 01 le jour où le fonctionnaire commence un congé non payé.

[…]

1.18.1 Sous réserve du présent article, lorsque les fonctionnaires sont absents de leur lieu d’affectation et reçoivent des indemnités de voyage ou de transport à l’égard de cette absence, le 31e jour civil d’absence, leurs indemnités

a) cessent, dans le cas des fonctionnaires avec personnes à charge dont aucune des personnes à charge ne demeure au lieu d’affectation,

b) retournent au taux des fonctionnaires sans personnes à charge, dans le cas des fonctionnaires avec personnes à charge dont une des personnes à charge demeure au lieu d’affectation, ou

c) demeurent au taux des fonctionnaires avec personnes à charges, dans le cas des fonctionnaires avec personnes à charge dont plus d’une personne à charge demeure au lieu d’affectation.

[…]

1.18.3 Le présent article ne doit pas être interprété comme modifiant les indemnités versées aux fonctionnaires à qui on a accordé un congé annuel, un congé compensatoire ou un congé de récupération en vertu d’une autorisation appropriée et :

a) qui demeurent à leur lieu d’affectation ou

b) qui reviennent à leur lieu d’affectation à la fin de leur congé.

[…]

1.20.1 Sous réserve du présent article, lorsque, au début d’une période pendant laquelle ils reçoivent des indemnités en vertu de la présente directive, les fonctionnaires n’ont pas de personnes à charge, mais qu’ils établissent, d’une façon jugée satisfaisante par leur administrateur général, qu’une telle personne se propose de demeurer avec eux à leur logement au lieu d’affectation pendant la durée entière de leur affectation à cet endroit, le montant de toutes les indemnités auxquelles ils ont droit est calculé au taux accordé à un fonctionnaire avec personnes à charge à compter du jour où la période commence, si la personne à charge arrive à leur lieu d’affectation dans les 90 jours civils suivants.

[…]

3.4 Aide au titre des voyages pour vacances (AVV)

3.4.1 Les paiements au titre de l’aide au titre des voyages pour congé annuel sont limités à :

a) une fois par année financière pour le fonctionnaire dont le lieu d’affectation a une classification d’IE 1, 2 ou 3,

[…]

3.4.5

a) Le fonctionnaire à qui l’on a remboursé les dépenses de réinstallation visées par la partie IV de la présente directive et qui déménage d’une localité non isolée à un poste isolé doit attendre trois mois à compter de la date de sa réinstallation au poste pour présenter une demande d’AVV.

b) Le fonctionnaire embauché sur place et nommé pour la première fois à un poste dans une localité isolée doit aussi attendre trois mois à compter de la date de sa nomination pour présenter une demande d’AVV.

3.4.6 Le fonctionnaire à qui l’on a remboursé les dépenses de réinstallation visées par la partie IV de la présente directive et qui déménage d’un poste isolé à un autre poste isolé n'est pas tenu d’attendre trois mois avant de présenter une demande.

Note :

Les prestations versées en vertu de l’article 3.4 peuvent faire l’objet d’un recouvrement lorsqu’un fonctionnaire démissionne de la fonction publique durant l’exercice au cours duquel il a reçu ces prestations. L’article 3.6 fournit de plus amples détails.

[…]

3.6 Recouvrement de l’aide au titre des voyages pour vacances (AVV)

3.6.1 Aucun montant ne sera recouvré lorsque le fonctionnaire cesse d’être fonctionnaire pour les raisons suivantes : retraite, invalidité, réaménagement des effectifs ou licenciement pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite.

3.6.2 Sous réserve du présent article, lorsque des fonctionnaires, sauf ceux qui sont visés par les articles 5.2 ou 5.11, démissionnent de la fonction publique après avoir touché des prestations quelconques en vertu de l’article 3.4 dans les trois mois précédents (si leur lieu d’affectation a une classification d’environnement 4 ou 5) ou dans les cinq mois précédents (si leur lieu d’affectation a une classification d’environnement 1, 2 ou 3), le montant de ces prestations

a) est déduit de celui qui leur aurait été versé en vertu de la partie V, ou

b) est considéré comme une dette envers l’État, s’il n’y a pas suffisamment de fonds payables en vertu de la présente partie ou si lesdits fonctionnaires n’ont pas droit aux prestations qui y sont prévues.

[24]  Le litige que je dois trancher en l’espèce est relativement simple. Une fois les autres conditions d’éligibilité remplies, il s’agit de déterminer si l’AVV annuelle prévue dans la directive du CNM est payable ou non proportionnellement au nombre de mois travaillés dans un poste isolé. M. Mimeault prétend que la proportionnalité ne s’applique pas. L’employeur est plutôt d’avis que M. Mimeault ne peut recevoir l’AVV pour l’année 2010-2011 que pour la partie de l’année où il travaillait dans un poste isolé, soit du 1er avril 2010 au 9 mai 2010. Compte tenu que l’AVV avait déjà été payée en entier à M. Mimeault, l’employeur a recouvré la partie de l’année correspondant aux jours où M. Mimeault ne travaillait plus dans un poste isolé. M. Mimeault prétend que l’employeur ne pouvait lui réclamer le remboursement de l’AVV déjà payée. Selon lui, rien dans la directive du CNM ne permettait à l’employeur d’agir comme il l’a fait.

[25]  Les articles 3.4 à 3.7 de la directive du CNM traitent spécifiquement de l’AVV. L’article 3.4 traite surtout des modalités, l’article 3.5 des voyages à taux fixes, l’article 3.6 du recouvrement de l’AVV par l’employeur et l’article 3.7 des emplois saisonniers et à temps partiel. La seule question ici en jeu est de savoir si M. Mimeault avait droit à l’entièreté de l’AVV ou s’il n’avait droit qu’à une portion de cette dernière compte tenu qu’il a été muté à un poste non isolé à peu près six semaines après le début de l’année (1er avril au 10 mai). À l’article 3.4, la directive du CNM stipule que l’AVV n’est payable qu’une fois l’an pour un poste de classification 1 à 3. Au paragraphe 3.4.5, elle stipule que l’employé à qui on a payé des dépenses de réinstallation et qui arrive dans un poste isolé doit attendre trois mois pour demander l’AVV. L’employé embauché sur place doit aussi attendre trois mois. Par contre, le paragraphe 3.4.6 stipule que l’employé qui arrive d’un autre poste isolé n’est pas tenu d’attendre trois mois pour demander l’AVV. Plus loin dans la même section, il est stipulé que lorsqu’un employé démissionne de la fonction publique au cours de l’année où l’AVV a été payée, cette dernière peut être recouvrée. L’article 3.6 porte spécifiquement sur le recouvrement de l’AVV. Elle ne sera pas recouvrée dans les cas de retraite, d’invalidité, de réaménagement des effectifs ou de licenciement autre que disciplinaire (paragraphe 3.6.1). Par contre, l’AVV sera recouvrée dans le cas où un employé démissionne de la fonction publique dans les cinq mois (en l’espèce classification 1 à 3) après avoir reçu l’AVV (paragraphe 3.6.2). L’AVV déjà payée sera alors déduite de ce qui aurait été versé en vertu de la partie V de la directive du CNM ou sera considérée comme une dette envers l’État. Quant à l’article 3.7, elle stipule que l’employé saisonnier ou à temps partiel a droit aux bénéfices de l’article 3.5 (voyages à taux fixe) au prorata des heures annuelles travaillées en relation avec un employé à temps plein.

[26]  Rien dans les articles 3.4 à 3.7 ne porte explicitement sur une situation comme celle de M. Mimeault. Ce dernier était un employé régulier travaillant depuis plus de deux ans et demi dans un poste isolé lors de sa mutation dans un poste non isolé. Il n’a pas démissionné de la fonction publique, n’a pas été licencié, n’a pas pris sa retraite ou quitté pour invalidité. Il a simplement été muté dans un poste non isolé.

[27]  L’employeur m’a renvoyé à plusieurs articles de la partie 1 de la directive du CNM. J’ai examiné ces dispositions et j’en conclus qu’elles sont peu utiles pour trancher le présent litige. M. Mimeault n’était pas en situation de voyage quand il travaillait à New Richmond (paragraphe 1.13.1). M. Mimeault n’était pas en congé non payé, ni ne demandait des prestations prévues au paragraphe 3.1.1 (paragraphe 1.14.3). M. Mimeault n’était pas non plus en congé payé (paragraphe 1.18.3). M. Mimeault n’était pas absent de son lieu d’affectation et ne recevait évidemment pas d’indemnité de transport ou de voyage pour cette absence (paragraphe 1.18.1). Rien dans ce qui m’a été soumis ne vise la question des personnes à la charge de M. Mimeault (paragraphe 1.20.1). En somme, même si pour certains ces paragraphes traitent de la proportionnalité des bénéfices, ils ne renvoient en rien à l’AVV et à son prétendu paiement proportionnel à la période travaillée au cours d’une année. Selon l’employeur, s’il y a dans ces articles une application proportionnelle des bénéfices, il devrait en être de même pour l’AVV. Je ne suis pas d’accord avec une telle conclusion.

[28]  La directive du CNM prévoit le remboursement de l’AVV déjà payée dans les cas où un employé régulier cesse d’être fonctionnaire en raison de sa démission de la fonction publique (paragraphe 3.4.6, note) ou d’un congédiement pour motifs disciplinaires (paragraphe 3.6.1). Il n’est ici nullement question de proportionnalité. Par contre, la directive du CNM stipule au paragraphe 3.6.1 qu’aucun montant ne sera recouvré à la suite d’un départ à la retraite, pour invalidité ou lors d’un réaménagement des effectifs. Enfin, au paragraphe 3.4.5, la directive stipule que le nouvel employé doit attendre trois mois pour demander l’AVV. Encore une fois, il n’est ici nullement question de proportionnalité. Ainsi, l’employé embauché, disons en mai, devrait attendre en août pour demander une pleine AVV et non pas 7/12 de l’AVV. D’ailleurs, même s’il avait été embauché le 24 septembre 2007 au milieu de l’année financière 2007-2008, M. Mimeault avait alors reçu l’AVV en totalité. Le seul cas dans la directive du CNM où la proportionnalité de l’AVV s’applique est celui des saisonniers ou temps partiel, ce qui est tout à fait cohérent avec le reste de la convention collective. La notion de proportionnalité de l’AVV n’existe pas pour les employés réguliers (nommé pour une période indéterminée) à temps plein.

[29]  Compte tenu de ce qui précède, je conclus que l’employeur ne peut réclamer le remboursement de l’AVV déjà payée à un employé qui ne quitte pas la fonction publique, et qui, en l’espèce, est plutôt muté au cours de l’année dans un poste non isolé. Si les parties à la convention collective avaient voulu appliquer une règle de proportionnalité pour l’AVV payée à un employé régulier, elles auraient dû l’écrire. Il me semble raisonnable de conclure que des mutations hors d’un poste isolé sont des situations normales, bien que peut-être occasionnelles, et que les agents négociateurs et l’employeur qui ont négocié la directive connaissaient cette réalité et n’ont pas prévu de remboursements dans ce cas. 

[30]  L’AVV pour un employé régulier de New Richmond est payable une fois l’an (paragraphe 3.4.2) et l’employé doit en faire la demande par écrit (paragraphe 3.4.4). M. Mimeault travaillait à New Richmond et il a fait sa demande par écrit. L’employeur a décidé d’accepter la demande de M. Mimeault même s’il savait au moment même de la demande que M. Mimeault quitterait dans les semaines qui allaient suivre pour un poste non isolé. Ce n’est que plus tard que l’employeur s’est ravisé et a changé sa position.

[31]  J’ajouterais qu’il y a lieu de distinguer les indemnités payables en vertu de la directive du CNM (partie I), des frais de voyage dont il est question à la partie III. Il me semble tout à fait logique de cesser de payer des indemnités d’environnement, de vie chère, de combustible ou de frais de logement prévues à la partie I dès que la personne cesse de travailler dans un poste isolé. La personne n’ayant alors plus besoin de l’indemnité, car elle n’est plus là, on cesse de la lui verser. Par contre, on ne stipule pas à la partie III qu’un employé à qui on aurait payé, par exemple, des frais de voyage pour un traitement médical ou un décès dans la famille immédiate devrait rembourser ces sommes partiellement s’il quitte le poste isolé plus tard au cours d’une même année financière. Pour l’AVV, on exige un remboursement que pour certains cas d’employés qui quittent la fonction publique. En aucun cas, il n’est question de remboursement proportionnel. L’employé rembourse ou on ne rembourse pas. 

[32]  L’employeur m’a soumis de la jurisprudence pour appuyer son argument qu’il a le droit de réclamer des trop-payés. Néanmoins, aucun trop-payé n’existait dans le cas de M. Mimeault, car ce dernier avait droit à une pleine AVV pour l’année 2010-2011.

[33]  L’argument de l’employeur est à savoir que, parce que le CNM développe les directives, son interprétation de ces dernières lors de l’étude des griefs est nécessairement la bonne. Avec un tel argument, l’arbitrage des griefs sur l’interprétation des directives du CNM devient un exercice futile. Or, les parties à la convention collective en ont décidé autrement en intégrant ces directives à la convention collective et, par le fait même, en donnant compétence à la Commission de les interpréter de la même façon ou différemment du CNM.

[34]  Quoiqu’il en soit, l’employeur m’a soumis quatre décisions du CNM. La décision 27.4.99 fait suite au grief de M. Mimeault. Le CNM a rejeté le grief de M. Mimeault dans une décision d’un peu plus de quatre lignes sans trop fournir d’explications. Dans les décisions 27.4.66 et 27.4.67, le CNM a tranché un litige portant sur le paiement proportionnel de l’AVV à des employés embauchés pour une période déterminée. M. Mimeault étant un employé régulier à temps plein nommé pour une période indéterminée, ces décisions ne s’appliquent pas en l’espèce. Enfin, la décision 27.4.125 traite d’une situation où au cours d’une année une ville était passée de poste isolé de niveau 4 à poste isolé de niveau 3, réduisant ainsi le droit des employés de deux versements annuels d’AVV (niveau 4) à un seul (niveau 3). Même si le changement était survenu avant le début de l’année financière, les employés avaient demandé deux versements qui leur furent accordés. Plus tard, l’employeur a décidé de recouvrer le deuxième versement. Les employés ont déposé un grief que le CNM a ultimement rejeté. La question en cause dans ces griefs n’est pas la même que celle en l’espèce.

[35]  Pour ces motifs, la Commission accueille le grief de M. Mimeault et elle rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VII.  Ordonnance

[36]  J’ordonne à l’employeur de rembourser dans les 30 jours au fonctionnaire la somme de 2 689,19 $.

Le 8 mai 2020.

Renaud Paquet,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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