Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant n’a pas été le candidat retenu à la suite d’un processus de nomination interne annoncé au ministère de la Santé – il a affirmé qu’il y avait eu un abus de pouvoir dans l’application des critères de mérite – il a allégué que l’intimé l’avait évalué injustement, qu’il avait fait preuve de favoritisme personnel envers les deux personnes nommées, que l’intimé avait fait preuve de partialité à son égard en se fondant sur une plainte antérieure liée aux droits de la personne, et qu’il avait été victime de discrimination du fait de sa race ou de sa couleur – la Commission a été convaincue que les réponses du plaignant dans le cadre du processus de dotation avaient été évaluées adéquatement – la preuve n’a pas étayé l’allégation selon laquelle l’intimé avait fait preuve de favoritisme à l’égard des deux personnes nommées – le plaignant n’a pas établi que sa plainte antérieure liée aux droits de la personne ou toute caractéristique protégée contre la discrimination avait joué dans son élimination du processus de nomination – l’intimé a présenté une explication raisonnable et impartiale quant à l’évaluation du plaignant.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LACRTESPF)

I.  Plainte devant la Commission

[1]  Ray Davidson (le « plaignant ») n’a pas été le candidat retenu à la suite d’un processus de nomination interne annoncé au ministère de la Santé.

[2]  Le 21 juillet et le 14 août 2016, le plaignant a déposé des plaintes contre le sous-ministre de la Santé (l’« intimé ») dans lesquelles il alléguait un abus de pouvoir dans l’application des critères de mérite en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; la « Loi »). Les plaintes ont été regroupées en septembre 2016 en un seul dossier portant le numéro EMP‑2016‑10599.

[3]  Le plaignant a également déposé des avis auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP), qui a répondu qu’elle n’avait pas l’intention de présenter des observations dans cette affaire.

[4]  Pour les motifs suivants, je conclus que le plaignant n’a pas établi que l’intimé a abusé de son pouvoir. Je rejette donc les plaintes.

II.  Contexte

[5]  Le plaignant occupait un poste classifié au groupe et au niveau PM-05, à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, lorsqu’il a déposé sa plainte. Il a indiqué dans son témoignage qu’il possède une vaste expérience dans le domaine de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels (AIPRP). Il a posé sa candidature dans le cadre d’un processus interne annoncé par l’intimé pour un poste de chef de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels, classifié au groupe et au niveau PM-06. Le processus visait à pourvoir trois postes pour une durée indéterminée et à créer un répertoire de candidats présélectionnés.

[6]  Au départ, Cynthia Richardson a présélectionné le plaignant. Elle est la directrice de l’AIPRP de l’intimé et était la gestionnaire responsable de l’embauche, puisque le poste PM-06 relevait d’elle. Le plaignant et 11 autres candidats ont été invités à participer à un examen « in-basket ». Le comité d’évaluation était formé de Mme Richardson et de Kathy Rae, qui était à l’époque une PM-06 chevronnée dans le domaine de l’AIPRP dans l’organisation de l’intimé.

[7]  L’examen « in-basket » comprenait 10 questions. Le comité d’évaluation a examiné chaque question au moyen d’un guide de cotation créé à l’avance, qui comprenait plusieurs compétences. L’intimé recherchait, entre autres, les compétences suivantes : la gestion des communications, des capacités d’analyse  et de planification et des aptitudes d’organisation et de mobilisation (pièce R-1, onglets 5, 6 et 7). Après avoir examiné les réponses données par les 12 candidats, le comité d’évaluation a conclu à l’unanimité que le plaignant n’avait pas obtenu la note de passage pour ces cinq compétences (pièce R-1, onglets 8 à 12). L’intimé a ensuite affiché l’avis de nomination le 20 juillet et le 4 août 2016, pour les deux candidats retenus. Je les désignerai sous le nom de « personnes nommées ».

III.  Questions

[8]  Le plaignant a allégué ce qui suit :

  1. l’intimé l’a évalué injustement;
  2. les personnes nommées ont fait l’objet de favoritisme personnel;
  3. l’intimé avait un parti pris contre lui;
  4. il a été victime de discrimination du fait de sa race ou de sa couleur.

 

[9]  En guise de réparation, le plaignant me demande de révoquer les deux nominations et de faire examiner les questions et toutes les réponses des candidats de façon indépendante. Par ailleurs, il a demandé à être indemnisé pour l’écart salarial entre les postes PM-05 et PM-06 et à obtenir l’indemnisation prévue à l’alinéa 53(2)e) et au paragraphe (3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6; LCDP).

IV.  Analyse

[10]  L’article 77 de la Loi prévoit qu’un candidat qui n’est pas nommé dans la zone de sélection d’un processus de nomination interne annoncé peut présenter à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») une plainte selon laquelle il n’a pas été nommé ni fait l’objet d’une proposition de nomination en raison d’un abus de pouvoir.

[11]  La Loi ne prévoit aucune définition de l’expression « abus de pouvoir ». Toutefois, le par. 2(4) prévoit ce qui suit : « Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par abus de pouvoir la mauvaise foi et le favoritisme personnel ». Selon Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, un abus de pouvoir peut aussi comprendre une conduite inappropriée ou des omissions importantes.

1.  L’intimé a-t-il évalué injustement le plaignant?

[12]  Dans son témoignage, le plaignant a insisté sur le fait que les réponses qu’il avait données étaient tout-à-fait à propos et que, dans certains cas, il aurait même dû obtenir des notes plus élevées. Pendant son témoignage, et pendant son contre‑interrogatoire des témoins de l’intimé, il a minutieusement examiné les 10 questions et ses réponses, et il a indiqué les passages où les commentaires de l’intimé étaient injustifiés ou manifestement erronés selon lui (pièce R-1, onglet 8).

[13]  Il a également comparé certaines de ses réponses à celles des personnes nommées et a soutenu que ses réponses étaient toutes aussi bonnes que les leurs, et qu’elles étaient souvent plus étoffées que les leurs (pièces 9 et 10, et R-1, onglet 8). Il a insisté sur le fait que ses réponses démontraient l’étendue de son expertise dans le domaine de l’AIPRP et qu’il n’avait délibérément pas été retenu. Il a également soutenu que les deux personnes nommées n’avaient pas démontré qu’elles possédaient les qualifications requises.

[14]  Je ne souscris pas à la position du plaignant. Premièrement, le témoin de l’intimé, Mme Richardson, a expliqué le choix des questions et a indiqué qu’elle avait préparé le guide de cotation à l’avance, qui comprenait les compétences et les réponses qu’elle cherchait (pièce R-1, onglets 5 et 6). Dans son témoignage, elle a aussi examiné en détail chacune des questions, a expliqué les réponses qu’elle recherchait et a expliqué pourquoi les réponses du plaignant avaient été notées comme elles l’avaient été. Elle a également expliqué les raisons sous-jacentes aux notes accordées par le comité d’évaluation à certaines des réponses données par les deux personnes nommées.

[15]  À cet égard, l’intimé m’a renvoyé aux commentaires suivants indiqués dans Portree c. L’administrateur général de Service Canada, au sein du ministère des Ressources humaines et Développement social canada, 2006 TDFP 14, au par. 52 : « Dans cet esprit, le rôle du Tribunal n’est donc pas de réévaluer les notes attribuées à un plaignant pour une réponse donnée ou de réviser les réponses fournies pendant une entrevue simplement parce qu’un plaignant n’est pas d’accord avec la décision concernant une question d’entrevue ».

[16]  Même si je suis d’accord avec ces commentaires, j’ai également en tête, comme le plaignant l’a indiqué, ceux formulés comme suit par la formation de la Commission dans Clark c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2019 CRTESPF 8, au par. 58 : « [...] je n’ai pas compétence pour réévaluer les réponses d’examen du plaignant. Cependant, j’ai compétence pour évaluer si les réponses à l’examen ont été correctement évaluées ».

[17]  Comme il est indiqué, en l’espèce, Mme Richardson a répondu de manière satisfaisante aux questions soulevées par le plaignant. Elle a examiné chacune des questions et des réponses et a fourni des explications raisonnables indiquant pourquoi le comité d’évaluation en était arrivé à ces conclusions. Par conséquent, contrairement à ce qui est survenu dans Clark, je suis convaincue que les réponses du plaignant ont été évaluées adéquatement.

2.  A-t-on fait preuve de favoritisme personnel à l’égard des deux personnes nommées?

[18]  Je ne suis pas convaincue non plus que l’intimé a fait preuve de favoritisme à l’égard des réponses des personnes nommées. Dans les questions qu’il a posées à Mme Richardson et plus tard dans son témoignage, le plaignant a tenté sans succès de faire ressortir que ses réponses étaient meilleures que celles données par les personnes nommées. Comme je l’ai indiqué, Mme Richardson a examiné de façon détaillée non seulement les réponses du plaignant, mais également celles des deux personnes nommées, et elle a de nouveau donné une explication raisonnable en ce qui concerne les conclusions et les décisions du comité d’évaluation.

[19]  Dans son témoignage, Mme Richardson a expliqué que le comité d’évaluation avait utilisé le guide de cotation établi à l’avance afin d’évaluer les examens écrits de tous les candidats. Selon la preuve présentée, le guide était impartial et neutre.

[20]  Mme Richardson a indiqué dans son témoignage qu’elle connaissait le plaignant depuis plusieurs années. Elle l’avait embauché, ainsi que l’une des personnes nommées, en tant que PM-04 en 2005, au cours de l’année qu’elle avait passée au ministère des Finances. Elle a indiqué qu’elle avait une bonne relation avec lui et a mentionné qu’il travaille avec acharnement et qu’il a de bonnes idées.

[21]  Mme Richardson a également indiqué qu’en 2009, alors qu’elle travaillait à l’Agence canadienne d’inspection des aliments, l’une des personnes nommées relevait d’elle et qu’elle avait assisté au mariage de celle-ci. Mme Richardson a indiqué qu’elle avait également dîné une fois avec cette personne nommée, toujours en 2009. Mme Richardson a indiqué dans son témoignage qu’elle n’avait eu aucun autre contact du genre après 2009 avec cette personne, jusqu’au processus de dotation mené en 2016, soit sept ans plus tard.

[22]  Mme Richardson a aussi indiqué dans son témoignage que, même si elle avait vu au départ les noms des 12 candidats inscrits sur les examens, elle avait demandé aux Ressources humaines de les supprimer et de les remplacer par des numéros, de sorte qu’elle ne puisse pas identifier les candidats au moment de l’évaluation. Elle a indiqué que Mme Rae n’a jamais vu de nom. Donc, lorsque le comité d’évaluation a examiné toutes les réponses des candidats, ces réponses étaient anonymes. Autrement dit, les membres du comité d’évaluation ignoraient quel candidat ils évaluaient, y compris le plaignant. Selon moi, cette façon de procéder permettait très difficilement d’aligner les résultats de manière à favoriser un candidat.

[23]  Le plaignant a fait valoir que, malgré le fait que les examens étaient anonymes lorsqu’ils ont été notés, il demeurait possible de deviner l’identité d’un candidat donné, puisque le nombre de candidats était limité et que le domaine d’expertise, soit l’AIPRP, couvert par le processus de dotation était précis. Il n’était pas difficile de deviner qui avait écrit une réponse donnée.

[24]  Même si je suis d’accord avec le fait que le domaine de connaissances couvert par le processus de nomination était précis et qu’il demeure toujours possible qu’un membre du comité d’évaluation ait une idée de l’identité de la personne ayant écrit les réponses évaluées, je conclus néanmoins qu’il n’y a aucun élément de preuve qui étaye l’allégation selon laquelle les deux membres du comité d’évaluation connaissaient l’identité de la personne dont l’examen était évalué. De plus, je suis convaincue que, même si Mme Richardson a peut-être eu la chance de voir les noms inscrits sur les douze examens au début, elle a indiqué dans son témoignage qu’elle avait demandé aux Ressources humaines de supprimer les noms et les remplacer par des numéros.

[25]  Mme Rae a également témoigné et confirmé que les copies d’examen qu’elle avait reçues ne comportaient qu’un numéro et qu’elle ignorait qui avait répondu à un examen donné. En outre, elle a indiqué dans son témoignage que Mme Richardson n’avait exercé aucune pression de quelque sorte afin de favoriser ou de défavoriser un candidat donné. Elles ont toutes deux évalué des examens anonymes et débattu du mérite de chacun au moyen de la grille d’évaluation préparée d’avance, laquelle comprenait les compétences recherchées chez un candidat. Le témoignage de Mme Rae n’a pas été contredit.

[26]  Je suis d’avis que l’intimé a exécuté le processus de manière très impartiale et neutre en choisissant de corriger des examens sur lesquels était indiqué un numéro seulement plutôt qu’un nom et en préparant d’avance le guide de cotation.

[27]  En ce qui concerne le fait que Mme Richardson avait embauché l’une des personnes nommées en 2005, qu’elle avait assisté à son mariage en 2009 et qu’elle avait dîné avec elle à une occasion cette année-là, je ferais simplement remarquer que Mme Richardson a aussi embauché le plaignant en 2005. En ce qui concerne la présence au mariage et le dîner, il me semble que ces événements remontent à sept ans avant le lancement du processus d’embauche et qu’aucun contact de toute sorte ne s’est produit par la suite, selon les éléments de preuve déposés.

[28]  En conséquence, je suis convaincue que la preuve n’étaye pas l’allégation selon laquelle l’intimé a fait preuve de favoritisme à l’égard des deux personnes nommées.

3.  L’intimé a-t-il agi de façon partiale à l’égard du plaignant?

[29]  Le plaignant a indiqué dans son témoignage qu’il était d’avis que l’intimé avait fait preuve de partialité inéquitable à son égard lors du processus de dotation en litige. Premièrement, il a insisté sur le fait qu’il n’avait pas fait l’objet d’une évaluation, mais plutôt d’une « attaque », dans certains des commentaires formulés par le comité d’évaluation sur ses réponses et dans le ton utilisé. À titre d’exemple, il a renvoyé aux commentaires indiqués à la question 3, qui sont rédigés ainsi : [traduction] « explication très simple des questions liées aux ressources humaines » et [traduction] « très général + pas assez approfondi » (pièce E-12, page 1). Même si le choix de mots aurait peut-être pu être moins direct, cela ne suffit pas néanmoins pour conclure qu’il y avait une crainte raisonnable de partialité à l’endroit du plaignant ou, comme celui-ci l’a indiqué, pour conclure qu’il a été victime d’une approche concertée et ciblée du comité d’évaluation pour le discréditer.

[30]  Dans son témoignage, le plaignant a également fait référence à une plainte qu’il a déposée à la CCDP en 2008, à l’encontre du ministère de la Santé parce qu’il n’avait pas été retenu à la suite d’un autre processus de dotation (pièce R-1, onglet 17). Selon lui, dans le processus en litige dans cette plainte, l’intimé a usé de mesures de représailles contre lui pour avoir déposé la plainte en 2008.

[31]  Sur ce point, la preuve indique que l’un des membres du comité d’évaluation, soit Mme Richardson, n’était même pas au ministère de la Santé en 2008, lorsque la plainte a été déposée. En ce qui concerne Mme Rae, même si elle était employée au ministère de la Santé à ce moment, elle a indiqué dans son témoignage qu’elle n’avait aucune connaissance de cette plainte et qu’à l’instar de Mme Richardson, elle n’en avait eu connaissance qu’au moment de se préparer à la présente instance. À la lumière de la preuve, je ne peux simplement pas conclure que l’intimé en voulait au plaignant d’avoir déposé une plainte quelque huit années plus tôt. Le plaignant n’a pas établi que sa plainte antérieure liée aux droits de la personne avait joué dans son élimination du processus de nomination.

4.  Le plaignant a-t-il été victime de discrimination du fait de sa race ou de sa couleur?

[32]  Tout au long de son témoignage, le plaignant, qui s’est identifié en tant qu’homme noir, a affirmé qu’il possède une vaste expérience dans le domaine de l’AIPRP et que, même s’il n’a pas répondu aux questions de la même manière que les autres, ses réponses étaient tout de même semblables et bonnes. Il a indiqué qu’il n’a pas réussi à progresser dans sa carrière, malgré son expérience, plusieurs tentatives et la pénurie de personnes qualifiées dans le domaine de l’AIPRP. Il a indiqué dans son témoignage qu’il a vu, au fil des ans, des personnes occupant un poste classifié à un niveau inférieur au sien progresser dans leur carrière. Selon lui, il n’y a qu’une seule explication : il a été victime de discrimination.

[33]  Je peux certainement comprendre que les processus de dotation peuvent parfois sembler frustrants et même inéquitables. Même si je suis d’accord avec le plaignant que la discrimination est très souvent insidieuse et qu’il n’a pas toujours, comme il l’a indiqué, de « preuve irréfutable », il n’en reste pas moins qu’il devait établir une preuve prima facie de discrimination avant que le fardeau ne soit transféré à l’intimé pour qu’il explique sa décision. Il devait en faire davantage que de simplement déclarer que la raison pour laquelle il n’avait pas été sélectionné devait être la discrimination. Cette affirmation devait être étayée par une preuve et il devait établir une preuve prima facie de discrimination.

[34]  Dans Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 CSC 61, au par. 33, la Cour suprême du Canada a exposé le critère suivant sur la façon d’établir une preuve prima facie de discrimination :

[33] [...] pour établir à première vue l’existence de discrimination, les plaignants doivent démontrer qu’ils possèdent une caractéristique protégée par le Code contre la discrimination, qu’ils ont subi un effet préjudiciable relativement au service concerné et que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable. […]

 

[35]  En l’espèce, la caractéristique est protégée en vertu de la LCDP (plutôt que par le Human Rights Code de la Colombie-Britannique, R.S.B.C. 1996, ch. 210) et l’effet préjudiciable est relatif au processus de nomination (plutôt qu’au service).

[36]  Il ne fait aucun doute que la race et la couleur du plaignant sont des caractéristiques protégées en vertu de la LCDP. Étant donné que le plaignant s’est identifié en tant qu’« homme noir », je fais également remarquer que l’art. 3.1 de la LCDP prévoit que « [...] les actes discriminatoires comprennent les actes fondés sur un ou plusieurs motifs de distinction illicite ou l’effet combiné de plusieurs motifs ». En outre, il ne fait aucun doute que son échec à l’examen écrit lui a causé un effet préjudiciable. La seule question qu’il reste à trancher est celle de savoir si les caractéristiques protégées étaient un facteur dans l’évaluation de l’intimé, selon laquelle il n’était pas qualifié.

[37]  Comme je l’ai indiqué, le plaignant a insisté sur le fait qu’il possède une vaste expérience dans le domaine de l’AIPRP, et il ne parvient pas à expliquer pourquoi d’autres employés ont progressé plus vite que lui dans leur carrière. Il a soutenu que la discrimination doit en être la cause, puisqu’il n’existe aucune autre explication valable selon lui. Je suis d’accord avec le plaignant lorsqu’il affirme que le fait que Mme Richardson l’ait embauché par le passé à un poste PM-04, signifiant donc qu’elle ne commettrait pas un acte discriminatoire, ne constituait peut-être pas un argument convaincant.

[38]  Par conséquent, un commissaire qui examine la décision prise par l’intimé doit regarder au-delà de ce type d’affirmation afin de déterminer s’il existe d’autres indices qui pourraient mener à la conclusion qu’il y a une preuve prima facie de discrimination. Le cas échéant, il appartiendrait donc à l’intimé de réfuter les allégations ou de présenter une explication raisonnable. Il ne faut pas oublier que la discrimination est souvent pratiquée de manière très subtile.

[39]  En l’espèce, le plaignant n’a pas établi que les caractéristiques protégées étaient un facteur dans la décision de l’intimé. Encore une fois, comme je l’ai indiqué, la preuve détaillée a démontré qu’à plusieurs reprises, il n’avait pas bien répondu aux questions que l’intimé avait préparées de façon impartiale et neutre. Bien que l’intimé n’ait pas contesté le fait que le plaignant possédait une vaste expérience et des connaissances approfondies dans le domaine de l’AIPRP, le plaignant n’a pas démontré que l’approche adoptée par l’intimé était injuste, déraisonnable ou discriminatoire. Il n’a pas non plus démontré que les personnes nommées ne possédaient pas les qualifications requises pour occuper les postes PM-06. Une simple allégation ne suffit pas. En outre, comme il a été indiqué, le témoin de l’intimé a présenté une explication raisonnable relativement à la différence entre les notes accordées, et ce, lorsqu’il a comparé les réponses du plaignant à celles des personnes nommées. Comme il est indiqué dans Tajitsu c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada, 2013 TDFP 30, au par. 27 :

27 Même si le Tribunal peut accorder du poids à ce que croit le plaignant, c’estàdire, en lespèce, qu’il a fait l’objet de discrimination en raison de son ascendance japonaise; le Tribunal canadien des droits de la personne a indiqué que « le fait de croire abstraitement qu’une personne fait l’objet de discrimination, sans qu’il existe un certain fait qui le confirme, n’est pas suffisant » [...] En l’espèce, le candidat n’a pas été jugé qualifié pour le poste et n’a démontré aucun lien entre cette décision et les motifs de distinction illicites qu’il invoque.

 

[40]  Comme je l’ai indiqué, je suis d’avis que le plaignant n’a pas établi que des caractéristiques protégées étaient un facteur dans la décision de l’intimé. En outre, l’intimé a présenté une explication raisonnable et impartiale quant à son évaluation.

[41]  Le plaignant devait établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’intimé avait abusé de son pouvoir. Il ne s’est pas acquitté de ce fardeau, tel qu’il est précisé comme suit dans Tibbs, aux par. 49 et 50 :

[49] La règle générale devant les tribunaux civils et dans les audiences en matière d’arbitrage veut qu’il incombe à la partie qui fait une allégation de prouver celle-ci plutôt qu’à l’autre partie de la réfuter. [...]

[50] […] S’il incombait à l’intimé de prouver qu’il n’y a pas eu abus de pouvoir, cela soulèverait une présomption d’abus de pouvoir dans toutes les nominations, ce qui, sans l’ombre d’un doute, n’était pas l’intention du législateur. La règle générale dans les causes civiles devrait être suivie et il incombe à la plaignante, dans les procédures intentées auprès du Tribunal, de faire la preuve de l’allégation d’abus de pouvoir.

 

[42]  Par conséquent, je conclus que le plaignant n’a pas démontré que l’intimé a abusé de son pouvoir.

[43]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V.  Ordonnance

[44]  Les plaintes sont rejetées.

Le 22 mai 2020.

Traduction de la CRTESPF

Linda Gobeil,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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