Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé est un pompier travaillant à la base des Forces canadiennes d’Esquimalt pour le service d’incendie du ministère de la Défense nationale – il a déposé un grief contre les refus de lui accorder des jours de remplacement – la convention collective applicable contient certaines dispositions particulières exclusives au groupe des pompiers – la clause particulière sous la rubrique « Jours fériés désignés payés » (JFDP) traite de la façon dont les pompiers sont rémunérés pour les JFDP au cours d’un exercice financier – la rémunération des JFDP, lorsqu’ils sont pris en tant que congé, est désignée dans la convention collective comme un « jour de congé compensatoire », bien que ce terme ne soit pas défini – la clause prévoit que, lorsqu’un employé choisit de prendre tous les JFDP ou une partie de ceux-ci en congé compensatoire, ces congés doivent être prévus au calendrier de l’exercice financier au cours duquel ils sont portés à son crédit – la formation de la Commission a conclu que l’employeur était tenu de prévoir à l’horaire les jours de remplacement demandés, à moins que certaines conditions préalables énoncées dans la convention collective ne limitent leur insertion au calendrier – les conditions préalables étaient une demande écrite en temps opportun (présentée au moins 30 jours à l’avance) et les nécessités du service – le fonctionnaire s’estimant lésé a rempli la première condition préalable – donc, la seule raison avancée par l’employeur pour refuser les demandes de congé était les nécessités du service, qui ne sont pas définies dans la convention collective – la formation de la Commission a conclu que l’employeur n’avait pas fourni la preuve qu’aucun autre pompier n’était disponible pour remplacer le fonctionnaire s’estimant lésé, au moyen d’heures supplémentaires ou autre – la formation de la Commission a déclaré que l’employeur avait enfreint la convention collective puisqu’il n’avait pas établi que les nécessités du service exigeaient de refuser les jours de remplacement demandés.

Griefs accueillis.

Contenu de la décision

Date : 20200527

Dossiers : 566-02-9608 à 9610

 

Référence : 2020 CRTESPF 60

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

LENARD IANSON

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(ministère de la Défense nationale)

 

employeur

Répertorié

Ianson c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant :  John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Aaron Lemkow, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l’employeur : Patrick Turcot, avocat

 

 

 

Affaire entendue à Victoria (Colombie-Britannique)

les 3 et 4 mars 2020.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION (Traduction de la CRTESPF)

I.  Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

[1]  Au moment de l’audience, Lenard Ianson, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), était un employé du Conseil du Trésor (CT ou l’« employeur ») auprès du ministère de la Défense nationale (MDN) en tant que pompier, classifié au groupe et au niveau FR-03 (chef de peloton). Au moment du dépôt des griefs, il était pompier, classifié au groupe et au niveau FR-01. Pendant toute la période pertinente, il vivait à proximité de Victoria, en Colombie-Britannique. Il était affecté et travaillait à la base des Forces canadiennes d’Esquimalt (la « base »), à Victoria, au service d’incendie du MDN.

[2]  À l’époque pertinente, les conditions d’emploi du fonctionnaire étaient régies, en partie, par une convention collective entre l’employeur et l’Alliance de la Fonction publique du Canada, visant le groupe Services de l’exploitation (la « convention collective »). La convention collective a été signée le 6 février 2009, et elle est venue à échéance le 4 août 2011.

[3]  Le 23 avril 2010, le fonctionnaire a déposé un grief (dossier 566-02-9609), qui déclarait ce qui suit :

[Traduction]

Énoncé de grief :

JE DÉPOSE UN GRIEF CONTRE LE REFUS DE LA DIRECTION D’ACCORDER LES CONGÉS DE REMPLACEMENT DEMANDÉS.

Mesure corrective demandée :

Que soit accordé le congé conformément à la clause 6.01 de la convention collective.

(Spécifique au groupe FR).

 

[4]  Le 9 août 2010, le fonctionnaire a déposé un grief (dossier 566-02-9608), qui déclarait ce qui suit :

[Traduction]

Énoncé de grief :

Je dépose un grief contre le refus de la direction d’accorder les congés de remplacement demandés pour la période du 9 au 12 septembre 2010, conformément à la convention collective du groupe Services de l’exploitation. 6.01f)(i) X

Mesures correctives demandées :

– Que le congé soit accordé conformément à la clause 6.01f)(i) de la convention collective du groupe Services de l’exploitation.

Qu’une politique de congé normalisée pour le SV, qui reflète la convention collective du groupe Services de l’exploitation et qui s’applique à tous les quarts de travail, soit rédigée.

Qu’un superviseur soit formé sur l’application et l’interprétation de la convention collective du groupe Services de l’exploitation.

Que les congés non utilisés à l’exercice 2011-2012 soient reportés.

 

[5]  Le 9 novembre 2010, le fonctionnaire a déposé un grief (dossier 566-02-9610), qui déclarait ce qui suit :

[Traduction]

Énoncé de grief :

Je dépose un grief contre le refus de la direction d’accorder les congés de remplacement demandés.

Demande de congé pour la période du 25 décembre au 27 décembre 2010 [ceci est écrit à la main et paraphé « RM »]

Mesure corrective demandée :

Que le congé soit accordé conformément à la convention collective du groupe Services de l’exploitation spécifique au groupe FR.

et que je sois indemnisé intégralement [note manuscrite]

 

[6]  Les trois griefs ont été rejetés au cours de la procédure de règlement des griefs. Le 1er avril 2014, les trois griefs ont été renvoyés à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) pour arbitrage.

[7]  Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365; LCRTEFP) a été proclamée en vigueur (TR/201484) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « CRTEFP »), qui remplace l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique et l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40; LPAE no 2) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la LPAE no 2, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTFP) avant le 1er novembre 2014, se poursuit sans autres formalités en conformité avec la LRTFP, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la LPAE no 2.

[8]  Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP et le titre de la LCRTEFP et de la LRTFP pour qu’ils deviennent, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

II.  Résumé de la preuve

A.  Contexte

[9]  En général, les éléments de preuve n’ont pas été contestés. Deux témoins ont témoigné, le fonctionnaire et Stephen Mullen, qui, à l’époque pertinente, était le chef du service d’incendie de la base, soit la Flotte du Pacifique de la Marine royale canadienne.

[10]  Le fonctionnaire a commencé son emploi en tant que FR-01, en septembre 2003. Il a travaillé à la base toute sa carrière.

[11]  À l’époque pertinente aux griefs, le service d’incendie du MDN situé à la base employait environ 80 pompiers désignés dans quatre pelotons composés chacun d’environ 20 personnes. Chaque peloton était composé d’environ 15 ou 16 pompiers et de trois ou quatre officiers. Le service d’incendie était chargé de veiller à ce qu’au moins 16 pompiers (y compris les officiers) soient présents 24 heures sur 24, sept jours sur sept, tous les jours de l’année (appelé l’« effectif minimum ») dans deux casernes de pompiers distinctes de la base, dont la principale est située à l’arsenal maritime et la deuxième, plus petite, au magasin de munitions à Rocky Point. L’effectif minimum exigeait 11 pompiers (y compris les officiers) à l’arsenal maritime, ainsi que cinq à Rocky Point.

[12]  On m’a décrit l’effectif minimum simplement comme étant le personnel minimum requis pour intervenir adéquatement en cas d’incendie à l’arsenal maritime ou à Rocky Point.

[13]  Le service d’incendie fonctionnait selon un système d’horaire, lequel effectuait une rotation entre quatre pelotons en service et hors service. Les horaires étaient établis et publiés avant le début de chaque exercice, et fournis à tous les pompiers. En termes simples, chaque peloton suivait le même horaire : un quart de travail de 24 heures, suivi d’un quart de repos de 24 heures, puis d’un quart de travail de 24 heures et enfin de cinq jours de repos, après quoi le processus recommençait.

[14]  Chaque quart de travail de 24 heures commençait à 8 h et se terminait à 8 h le lendemain. Chaque quart de travail de 24 heures était sous-divisé en deux sous-quarts : un de 14 heures et un de 10 heures. Les détails du fonctionnement de ces quarts de travail ne sont pas pertinents à la détermination de l’issu des griefs.

[15]  Pendant la période pertinente aux faits qui ont mené aux griefs, le fonctionnaire a été membre du peloton 4 jusqu’en octobre 2010, puis, après cette date, il a été membre du peloton 1.

B.  La convention collective

[16]  Les dispositions suivantes de la convention collective sont pertinentes aux questions dont je suis saisi :

[…]

ARTICLE 32

JOURS FÉRIÉS PAYÉS

32.01  Sous réserve du paragraphe 32.02, les jours suivants sont désignés jours fériés désignés payés pour les employé-e-s :

a)  le jour de l’An,

b)  le Vendredi saint,

c)  le lundi de Pâques,

d)  le jour fixé par proclamation du gouverneur en conseil pour la célébration de l’anniversaire de la Souveraine,

e)  la fête du Canada,

f)  la fête du Travail,

g)  le jour fixé par proclamation du gouverneur en conseil comme jour national d’action de grâces,

h)  le jour du Souvenir,

i)  le jour de Noël,

j)  l’après-Noël,

k)  un autre jour dans l’année qui, de l’avis de l’Employeur, est reconnu comme jour de congé provincial ou municipal dans la région où travaille l’employé-e ou, à défaut, le premier (1er) lundi d’août,

l)  un autre jour désigné jour férié national lorsqu’une loi du Parlement le proclame.

Dispositions exclues

Les employé-e-s du groupe FR sont exclus de l’application des dispositions suivantes du présent article.

[…]

ARTICLE 35

CONGÉ ANNUEL PAYÉ

Dispositions exclues

Le paragraphe 35.02 ne s’applique pas aux employé-e-s du groupe FR.

35.01  L’année de congé s’étend du 1er avril au 31 mars inclusivement de l’année civile suivante.

[…]

Établissement du calendrier et attribution des congés annuels payés

35.05

a) Les employé-e-s sont censés prendre tous leurs congés annuels au cours de l’année pendant laquelle ils ou elles les acquièrent.

b) L’employeur se réserve le droit de déterminer les périodes de congés annuels de l’employé-e-s. Lorsqu’il accorde un congé annuel payé a l’employé-e-s, l’Employeur doit faire tout effort raisonnable pour :

(i) lui accorder un congé annuel dont la durée et le moment sont conformes à la demande de l’employé-e-s;

(ii) ne pas rappeler l’employé-e-s au travail après son départ en congé annuel;

(iii) ne pas annuler ni modifier une période de congé annuel lorsqu’il a précédemment approuvée par écrit;

(iv) s’assurer que les congés annuels pris en périodes de deux (2) semaines ou plus, demandés par l’employé-e-s, commencent après une période de jours de repos prévue a l’horaire.

[…]

35.06 L’Employeur, aussitôt qu’il lui est pratique et raisonnable de le faire, prévient l’employé-e de sa décision d’approuver, de refuser, de modifier ou d’annuler une demande de congé annuel ou de congé d’ancienneté. S’il refuse, modifie ou annule un tel congé, l’Employeur doit en donner la raison par écrit si l’employé-e le demande par écrit.

[…]

ARTICLE 41

CONGÉ POUR BÉNÉVOLAT

41.01 Sous réserve des nécessités du service telles que déterminées par l’Employeur et sur préavis d’au moins cinq (5) jours ouvrables, l’employé-e-s se voit accorder, au cours de chaque année financière, une seule période maximale de huit (8) heures ou de sept virgule cinq (7,5) heures si la semaine de travail normal est de trente-sept virgule cinq (37,5) heures, pour travailler à titre de bénévole pour une organisation ou une activité communautaire ou de bienfaisance, autre que les activités liées à la Campagne de charité en milieu de travail du gouvernement du Canada.

Ce congé est pris à une date qui convient à la fois à l’employé-e-s et à l’Employeur. Cependant, l’Employeur fait tout son possible pour accorder le congé à la date demandée par l’employé.

[…]

APPENDICE A

POMPIERS

DISPOSITIONS PARTICULIÈRES AU GROUPE ET TAUX DE RÉMUNÉRATION

[…]

2.08 Rémunération du travail supplémentaire

a) Sous réserve des dispositions de l’alinéa 2.08b) et sous réserve du paragraphe 2.10, tout employé-e a droit au tarif et demi (1 1/2) pour chaque heure supplémentaire effectuée par lui ou elle. Lorsqu’un employé-e doit effectuer des heures supplémentaires immédiatement à la suite de son quart de travail normalement prévu, ou lors d’une journée de repos, ou d’un jour férié payé, qui s’étendent jusqu’à son prochain quart de travail, l’employé-e continuera d’être indemnisé au taux applicable aux heures supplémentaires jusqu’à ce qu’il ou elle ait une pause d’au moins huit (8) heures.

[…]

2.09 Sous réserve du paragraphe 2.10, l’employé-e a droit à une rémunération à tarif double (2) pour chaque heure supplémentaire effectuée son deuxième (2e) jour de repos ou son jour de repos subséquent, à condition que les jours de repos soient consécutifs et accolés.

[…]

Jours fériés payés

6.01  Rémunération des jours fériés payés

a) Les jours fériés payés d’un exercice financier sont prévus pour toute l’année et des crédits de « jours de congé compensateur » établis. Chaque exercice financier est réputé comprendre onze (11) jours fériés payés.

b) L’employé-e choisit la méthode de règlement des jours de remplacement qu’il ou elle préfère. Ce choix se fait au 1er avril et reste valable pendant les douze (12) mois suivants.

c) L’employé-e a le choix de l’une des méthodes suivantes de règlement des jours de remplacement :

(i) paiement en espèces;

(ii) congé compensateur;

ou

(iii) une combinaison de paiements en espèces et de congés compensateurs.

d) L’employé-e informe l’Employeur de son choix de la façon prescrite par ce dernier.

e) Si l’employé-e ne fait pas le choix précité, la méthode de règlement est déterminée par l’Employeur.

f) Les jours de remplacement de l’employé-e qui choisit la méthode du congé compensateur sont prévus au calendrier dans l’exercice financier au cours duquel ils ont été portés à son crédit. En fixant la date de ces congés, l’Employeur, sous réserve des nécessités du service :

(i) fixe les jours de remplacement de l’employé-e aux dates demandées si la demande est présentée par écrit trente (30) jours à l’avance;

(ii) fixe la date des autres jours de remplacement après consultation avec l’employé-e, si au 1er octobre l’Employeur a été incapable de satisfaire à la demande de l’employé-e ou si ce dernier ou cette dernière n’en a pas fait, sous réserve qu’il ou elle présente à l’Employeur un préavis d’au moins vingt-huit (28) jours des dates fixées;

(iii) nonobstant ce qui précède, accorde par accord mutuel les congés compensateurs demandés avec un préavis plus court.

g) Des jours de congé compensateur peuvent être accordés comme prolongation du congé annuel ou comme jours de congé isolés et sont imputés sur les crédits de jours de congé compensateur à raison d’un (1) poste de travail pour un (1) jour.

h) À la fin de chaque exercice financier, l’employé-e touche en espèces les jours de congé compensateur non utilisés à raison d’une fois et demie (1 1/2) son taux de rémunération journalier.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[…]

 

[17]  Aucune définition de « jour de congé compensateur » ou de « jour de remplacement » n’est fournie dans la convention collective.

C.  Faits particuliers du grief

[18]  Selon la preuve, à un moment donné après l’établissement du calendrier, mais avant le début d’un nouvel exercice, un processus est mené au cours duquel chaque pompier choisit ses congés annuels pour le prochain exercice.

[19]  Des copies de lignes directrices administratives sur l’établissement des congés ont été déposées en preuve. La première est datée de mars 2005 (la « ligne directrice de 2005 ») et la deuxième est datée du 31 mai 2010. Bien qu’aucune n’indique expressément qu’elle ne concerne que l’établissement des congés annuels, la preuve dont je suis saisie indique que les deux lignes directrices visaient cette fin. On y indiquait également que l’effectif minimum constituait une restriction à l’établissement des congés. Cela signifie que, si un peloton comptait 20 personnes, pas plus de trois pompiers et un officier pouvaient être en congé en même temps.

[20]  En résumé, selon la preuve, une fois le calendrier de l’exercice publié, entre janvier et mars d’une année donnée, les pompiers et les officiers de chaque peloton choisissent leur congé annuel, selon une liste de priorité préétablie. Les pompiers et les officiers ont des listes distinctes. Selon la preuve, la priorité du choix change chaque année, comme suit : la personne qui a choisi son congé en premier une année sera la dernière à choisir l’année suivante, la personne qui a été la deuxième à choisir son congé sera la première à choisir l’année suivante, et ainsi de suite. Par conséquent, tous les pompiers et officiers avaient choisi leurs congés au début de l’exercice, le 1er avril 2010.

[21]  La preuve a également révélé que si, un jour donné, un peloton était en service et qu’il était prévu à l’horaire que les activités soient effectuées avec un effectif minimum (seulement 16 membres du peloton) et que des membres du peloton étaient malades ou blessés, ou qu’ils ne pouvaient autrement pas s’acquitter de leurs fonctions, d’autres pompiers ou officiers seraient alors appelés à venir couvrir leurs quarts de travail et ceux-ci seraient payés au taux des heures supplémentaires, au besoin.

[22]  Une série de résumés de chaque mois de l’exercice 2010-2011 ont été déposés en preuve. Ces résumés indiquent, pour chaque jour, quels pompiers et officiers étaient en service, en congé, en formation, ou ont effectué des heures supplémentaires, et ce, pour tous les pelotons. Ils m’ont été désignés sous le nom [traduction] « document principal de suivi des congés ». Ce document établissait qu’au cours de l’exercice 2010-2011, dans tous les pelotons, 1 366 quarts de pompier ou d’officiers ont été couverts par un autre employé, à qui on a payé des heures supplémentaires.

[23]  À un moment donné avant le 25 mars 2010, le fonctionnaire a demandé que 5 des 11 jours fériés payés (JFP) lui soient accordés sous forme de jours de remplacement pendant l’exercice 2010-2011. Il a demandé des jours de remplacement pour les jours de travail suivants : les 23 et 24 juillet, les 25 et 26 juillet, les 8 et 9 août, les 10 et 11 août, et les 24 et 25 décembre (les « choix de jours de remplacement »). Cette demande a également été faite dans ce qu’on appelait un [traduction] « bulletin de correspondance » en date du 25 mars 2010.

[24]  Le 26 mars 2010, à 14 h 27, M. Mullen a envoyé un courriel à Kim Dunaway, un officier du peloton du fonctionnaire, mentionnant les choix de jours de remplacement et lui donnant les instructions suivantes :

[Traduction]

[…]

[…] ces demandes devraient passer par vous. Cela étant dit, je dois voir les choix de congés de votre peloton. Le calendrier de ces jours de remplacement doit être conforme aux politiques existantes concernant les choix de congé par rotation et aux exigences en matière d’effectif [effectif minimum]. Une fois que j’aurai tous les renseignements, je fournirai des conseils concernant la voie à suivre. Je serai en congé jusqu’au 6 avril; nous pourrons nous rencontrer le 9 avril; veuillez avoir à votre disposition les renseignements que j’ai demandés pour cette réunion.

[…]

[25]  Le 27 mars 2010, à 22 h 3, Randy Morton, sous-chef du service d’incendie, a envoyé un courriel à M. Mullen, déclarant ce qui suit :

[Traduction]

Les dates que M. Ianson, FR-01, a demandées à titre jours de remplacement entrent en conflit avec les congés prévus de notre peloton. Notre peloton compte déjà quatre membres dont le congé annuel est prévu aux dates suivantes :

  • les 23 et 24 juillet 2010 – trois pompiers et un officier d’incendie [noms omis];

  • les 25 et 26 juillet 2010 – trois pompiers et un officier d’incendie [noms omis];

  • les 8 et 9 août 2010 – trois pompiers [noms omis] un officier d’incendie demeure disponible jusqu’à 14 jours avant la date du congé, conformément à AG 11.01;

  • les 10 et 11 août 2010 – trois pompiers [noms omis] un officier d’incendie demeure disponible jusqu’à 14 jours avant la date du congé, conformément à AG 11.01;

  • les 24 et 25 décembre 2010 – deux pompiers et un officier d’incendie [noms omis] les 24 et 25 décembre – 1800-0800 – un pompier [nom omis].

Le seul congé disponible en vertu de la politique actuelle en matière d’établissement des congés est le 24 décembre – 0800-1800. Mon interprétation de la demande de M. Ianson, FR-01, permet que ce congé soit prévu sous réserve des nécessités du service, conformément à la clause 6.01f).

 

[26]  Le 20 avril 2010, M. Morton a envoyé un courriel au fonctionnaire, en mettant M. Mullen en copie conforme. Il a informé le fonctionnaire que ses choix de jour de remplacement étaient en conflit avec les choix de congé des membres de son peloton, et il a confirmé les renseignements qu’il avait déjà confirmés auprès de M. Mullen dans le courriel précédent du 27 mars. Il a dit au fonctionnaire que le seul congé disponible selon la ligne directrice de 2005 était le 24 décembre, entre 8 h et 18 h, et que tous les congés devaient être administrés conformément à la ligne directrice de 2005.

[27]  Le 23 avril 2010, le fonctionnaire a déposé son premier grief. Le 7 mai 2010, M. Mullen a émis la réponse au grief provenant du premier palier, laquelle rejetait le grief. Le commandant de la base, le capitaine Hallé, a rejeté le grief dans la réponse au deuxième palier qui a été émise le 21 mai 2010. Les deux paragraphes suivants de la réponse au deuxième palier peuvent être pertinents aux questions dont je suis saisi :

[Traduction]

Une audience était prévue pour le lundi 17 mai 2010, pour vous permettre, à vous et à votre représentant syndical, de présenter vos arguments concernant le présent grief. Étant donné que je n’ai reçu aucune réponse à la demande d’audience ni aucune observation écrite portant sur vos arguments concernant le présent grief, je répondrai en fonction de la présentation de votre grief et de la réponse au premier palier à la référence B, ainsi que d’autres documents à l’appui.

J’ai examiné attentivement la réponse au premier palier, votre convention collective à la référence D et la politique sur les congés aux casernes de pompiers à la référence E, qui prévoit que seuls quatre employés peuvent être en congé en même temps. Je conclus que, dans la mesure où votre congé a été refusé, on avait déjà approuvé les congés du nombre maximal permis de membres du personnel de la caserne de pompiers. Cela étant, il n’était pas possible d’accorder un congé pour les quarts de travail en question et de maintenir un effectif minimum sans demander à ce que des heures supplémentaires soient effectuées. En raison du climat actuel de contraintes financières et de ma directive aux gestionnaires de limiter l’utilisation des heures supplémentaires, le chef des pompiers n’avait pas d’autre choix que de refuser les jours de remplacement demandés pour ces dates. Par conséquent, votre grief est rejeté au deuxième palier.

[…]

 

[28]  Le fonctionnaire a témoigné avoir ensuite demandé les 9 et 11 septembre 2010 à titre de jours de remplacement. La demande écrite n’a pas été déposée en preuve, bien que son courriel au chef Mullen, envoyé en copie conforme à M. Morton, daté du 3 août 2010, à 8 h 3, indiquait ce qui suit :

[Traduction]

J’ai envoyé un courriel à M. Morton pour lui demander des renseignements sur la raison pour laquelle on m’a refusé un congé de remplacement au motif que trois personnes étaient en congé du 9 au 11 septembre. J’ai envoyé la demande de congé à environ 16 h 45 pour l’informer que j’avais demandé le congé; à ce moment-là, M. Morton a dit que le congé n’était pas disponible parce que trois personnes étaient en congé, ce qui m’a dérouté; j’ai donc envoyé un courriel à 16 h 55 pour demander des précisions à savoir pourquoi le congé était refusé parce que sa raison ne faisait pas de sens. M. Morton a accusé réception, montrant que mon courriel avait été lu à 17 h 16; à 7 h 19, j’ai envoyé un autre courriel demandant un suivi de mon courriel, qui a été lu à 7 h 21, et j’ai dit que je suivrais la hiérarchie si je ne recevais pas de réponse avant 8 h ce matin. M. Morton n’a pas répondu. De même, M. Morton n’a pas refusé le congé dans oracle.

Il semble que M. Morton soit trop occupé pour répondre à ma demande ou qu’il ne veut pas y répondre. Je serai absent les cinq prochains jours. Alors pourriez-vous répondre en envoyant un courriel à mon adresse personnelle pour expliquer pourquoi mon congé est refusé, car je dois prendre des dispositions en ce qui concerne le refus [adresse courriel omise].

J’ai présenté cette demande de congé plus de 30 jours avant les dates exigées.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[29]  En octobre 2010, le fonctionnaire a été affecté au peloton 1.

[30]  Un courriel en date du 25 novembre 2010, à 21 h 34, de Jeff Schwarzenberger à une personne désignée comme [traduction] « RA McClintock » a été déposé en preuve. Selon d’autres documents déposés par consentement, il semble que M. Schwarzenberger était un représentant de l’agent négociateur. Il a représenté le fonctionnaire au moins une fois, soit lors de l’audience d’un de ses griefs concernant le refus d’accorder ses jours de remplacement. RA McClintock semble être Ron McClintock, qui travaillait auprès des ressources humaines du MDN dans sa région du Pacifique. Le courriel se lisait comme suit :

[Traduction]

Oui, Len Ianson a demandé un congé pour les 25 et 27 décembre, ce qu’on lui a refusé, il a déposé un grief le 9 novembre, signé par a/c Crisp. Je suppose qu’il a disparu dans le vide du pont supérieur dans l’immeuble 212, j’ai copié le grief et l’ai laissé à l’intention du chef des pompiers de la base.

 

[31]  Une copie des transactions de congés du fonctionnaire, qui couvrent la période visée dans la présente audience, a été déposée en preuve. Ses transactions de congés démontrent que sa demande de jours de remplacement pour décembre, qui semble avoir été présentée en novembre 2010, aurait été refusée le 7 novembre 2010.

III.  Résumé de l’argumentation

[32]  Le fonctionnaire a demandé que les trois griefs soient accueillis. Il a également demandé une déclaration selon laquelle l’employeur a violé la convention collective, et qu’il soit indemnisé sous forme de deux jours de congé supplémentaires portés à son crédit, qu’il pourra utiliser à sa discrétion. À titre subsidiaire, il a demandé qu’on lui verse le taux des heures supplémentaires en vigueur pour ces journées.

[33]  Le fonctionnaire a invoqué ou m’a renvoyé à la Loi, à la LCRTESPF, à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13), au Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L-2), à Beese et al. c. Conseil du Trésor (Commission canadienne des grains), 2012 CRTFP 99, à Bucholtz et al. c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 111, à Canada (Procureur général) c. Bucholtz, 2011 CF 1259, à Campione c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 161, à Société canadienne des postes c. Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 1993 CarswellNat 3475, à Société canadienne des postes c. Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 1993 CarswellNat 2946, à Société canadienne des postes c. Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 1999 CarswellNat 2712, à Degaris c. Conseil du Trésor (Transports Canada), 1993 CarswellNat 2712, à Canada (Procureur général) c. Degaris, [1993] A.C.F. no 1011 (QL), à Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, à Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, à Edwards c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2019 CRTESPF 62, à Ewen c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 113, à Association des chefs d’équipe des chantiers maritimes du gouvernement fédéral c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2013 CRTFP 139, à Ferguson c. Conseil du Trésor (Statistique Canada), 2009 CRTFP 21, à Journal Publishing Company of Ottawa c. Ottawa Newspaper Guild, Local 205, [1977] O.J. No 8 (QL), à Power c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-17064 (19880225), [1988] C.R.T.F.P.C. no 56 (QL) (« Power »), à Sturt‑Smith c. le Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada), dossier de la CRTFP 166-02-15137 (19860731), [1986] C.R.T.F.P.C. no 195 (QL), à Mailly c. le Conseil du Trésor (Défense nationale), 1988 CarswellNat 1675, à Boone c. le Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accise), 1989 CarswellNat 1607, à Evans c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), 1988 CarswellNat 1880, à Walcott c. Turmel, 2001 CRTFP 86, à Brown c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans Canada), 2002 CRTFP 59, à Dillon et le Conseil du Trésor (Transports Canada), 1992 CarswellNat 1640, à Fraternité internationale des ouvriers en électricité – section locale2228 c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2009 CRTFP 2, à Faryna c. Chorny, [1951] B.C.J. No 152 (QL), et à George W. Adams, Canadian Labour Law, 2e édition, partie II, chapitre 4, alinéa 4.3(iii), « Natural Justice ».

[34]  L’employeur a fait valoir que les griefs devaient être rejetés et m’a renvoyé à la Loi et à Chafe et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112, Irving Pulp & Paper Ltd. c. Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 30, 2002 NBCA 30, Delios c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 133, Delios c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 117, Doherty et Hawkes c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2014 CRTFP 77, Jenks et al. c. Agence du revenu du Canada, 2010 CRTFP 27, Lahnalampi et al. c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2015 CRTEFP 96, Ontario Power Generation c. Society of Energy Professionals, 2013 CarswellOnt 17912, Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2014 CRTFP 18, et Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 55.

IV.  Motifs

[35]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que l’employeur a violé la convention collective.

[36]  À l’appendice A, la convention collective contient certaines dispositions particulières qui sont exclusives au groupe des pompiers. La clause 6.01, qui figure sous le titre « Jours fériés payés » et le sous-titre [traduction] « Rémunération des jours fériés payés », y est incluse. Elle porte sur la façon dont les pompiers reçoivent une rémunération pour les JFP au cours d’un exercice. Il existe trois méthodes :

  • ils peuvent recevoir un paiement en espèces pour les 11 JFP;
  • ils peuvent prendre un congé compensateur;
  • ils peuvent choisir une combinaison de paiements en espèces et de congés compensateurs.

 

[37]  La rémunération des JFP, lorsqu’ils sont pris en tant que congé, est désignée dans la convention collective comme un « jour de congé compensateur », bien que cette expression ne soit pas définie. Cela signifie tout simplement que la journée remplace un JFP. Le processus de choix des jours de congé compensateur est énoncé à la clause 6.01f), qui prévoit que les jours de remplacement de l’employé qui choisit de prendre tous les JFP ou une partie de ceux-ci en congé compensateur doivent être prévus au calendrier dans l’exercice financier au cours duquel ils ont été portés à son crédit. La clause 6.01f) se lit comme suit :

f) [...] En fixant la date de ces congés, l’Employeur, sous réserve des nécessités du service :

(i) fixe les jours de remplacement de l’employé-e aux dates demandées si la demande est présentée par écrit trente (30) jours à l’avance;

(ii) fixe la date des autres jours de remplacement après consultation avec l’employé-e, si au 1er octobre l’Employeur a été incapable de satisfaire à la demande de l’employé-e ou si ce dernier ou cette dernière n’en a pas fait, sous réserve qu’il ou elle présente à l’Employeur un préavis d’au moins vingt-huit (28) jours des dates fixées;

(iii) nonobstant ce qui précède, accorde par accord mutuel les congés compensateurs demandés avec un préavis plus court.

 

[38]  La clause 6.01h) de l’appendice A prévoit que, lorsqu’un paiement en espèces est effectué, ou qu’un jour de congé compensateur est accordé à titre de rémunération pour un JFP, il doit équivaloir à une fois et demie le taux de rémunération journalier.

[39]  L’article 35 de la convention collective énonce les dispositions relatives aux congés annuels. La clause 35.05 se trouve sous le sous-titre [traduction] « Établissement du calendrier et attribution des congés annuels payés ». Les clauses 35.05b) et 35.06 se lisent comme suit :

35.05 

[…]

b) L’employeur se réserve le droit de déterminer les périodes de congés annuels de l’employé-e-s. Lorsqu’il accorde un congé annuel payé a l’employé-e-s, l’Employeur doit faire tout effort raisonnable pour :

(i) lui accorder un congé annuel dont la durée et le moment sont conformes à la demande de l’employé‑e‑s;

(ii) ne pas rappeler l’employé-e-s au travail après son départ en congé annuel;

(iii) ne pas annuler ni modifier une période de congé annuel lorsqu’il a précédemment approuvée par écrit;

(iv) s’assurer que les congés annuels pris en périodes de deux (2) semaines ou plus, demandés par l’employé‑e‑s, commencent après une période de jours de repos prévue a l’horaire.

[…]

35.06 L’Employeur, aussitôt qu’il lui est pratique et raisonnable de le faire, prévient l’employé-e de sa décision d’approuver, de refuser, de modifier ou d’annuler une demande de congé annuel ou de congé d’ancienneté. S’il refuse, modifie ou annule un tel congé, l’Employeur doit en donner la raison par écrit si l’employé-e le demande par écrit.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[…]

[40]  La convention collective établit une distinction claire entre les congés annuels et les congés en remplacement de JFP prévus à l’appendice A. À l’article 35, les parties ont convenu que l’employeur se réservait le droit d’organiser les congés annuels des employés. Par conséquent, lorsqu’un employé demande un congé en vertu de l’article 35, son congé est inscrit à l’horaire par l’employeur. Les employés présentent une demande de congé, que l’employeur approuve ou refuse. L’employeur a le contrôle du calendrier des congés; il peut accorder ou refuser un congé. Les clauses 35.05b)(ii) et (iii) portent sur le rappel d’un employé au travail après son départ en congé et l’annulation d’une demande de congé annuel précédemment approuvée. Ces pouvoirs négociés dans la convention collective sont en faveur de l’employeur et permettent à ce dernier d’exercer un contrôle sur son effectif.

[41]  Le libellé de l’article 35 contraste nettement avec celui de la clause 6.01 de l’appendice A, qui emploie le terme « shall » (dans la version anglaise) conjointement avec le pouvoir de l’employeur d’accorder un congé à un employé; c’est tout le contraire de l’article 35. L’employeur ne possède aucune prérogative.

[42]  Le verbe anglais « shall » est couramment employé pour exprimer une directive obligatoire. En d’autres termes, l’employeur est tenu de prévoir à l’horaire les jours de remplacement demandés par les fonctionnaires, à moins que certaines conditions préalables, énoncées à la clause 6.01f), ne limitent leur insertion au calendrier. La clause 6.01f) ne prévoit que les deux conditions préalables suivantes, qui permettraient à l’employeur de ne pas inscrire au calendrier les jours de remplacement demandés :

  • la demande n’a pas été présentée par écrit au moins 30 jours avant les dates demandées;
  • les nécessités du service.

 

[43]  Dans le cas du fonctionnaire, la première condition préalable a été remplie puisque la demande pour les cinq jours de remplacement a été présentée par écrit plus de 30 jours avant le premier ensemble de jours de remplacement, c’est-à-dire les quarts de travail prévus du 23 au 24 juillet et du 25 au 26 juillet.

[44]  La deuxième condition préalable demeure le seul motif du refus. Le fait sous-jacent n’est pas contesté – le peloton du fonctionnaire était déjà à son effectif minimum en raison du congé annuel approuvé pour le nombre maximal de pompiers.

[45]  La convention collective ne définit pas les « nécessités du service »; toutefois, la Commission et ses prédécesseurs ont interprété ce terme. La meilleure description figure dans Power, où on énonce ce qui suit :

44 Les « nécessités du service » ne constituent pas une formule magique que l’employeur peut employer en vue de refuser à des employés ce qui leur est dû en vertu d’une convention collective. Me Gobeil, au nom de l’employeur, invoque un argument ingénieux à cet égard. Elle affirme d’abord que par nécessité du service, on entend en fait tout ce qui, au dire de l’employeur, constitue une nécessité, et notamment le désir de tenir compte des imprévus. Se fondant ensuite sur la décision rendue par l’arbitre et sur le jugement rendu par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Tremblay (supra), elle soutient qu’une fois que l’employeur a établi l’existence d’une nécessité du service, il n’est plus obligé de « faire tout effort raisonnable » pour répondre aux vœux d’un employé.

45 On ne saurait retenir ce genre d’argument. Cela aurait pour effet d’assujettir à la discrétion de l’employeur certains droits reconnus aux employés par la convention collective [...]

[…]

46 Il ne serait pas sage de tenter de donner une définition s’appliquant dans tous les cas de ce qui constitue une véritable nécessité du service. En l’espèce, il suffit de dire que les lignes de conduite que l’employeur établit unilatéralement pour des raisons d’ordre financier seulement ne peuvent pas être considérées comme constituant vraiment une nécessité du service si elles ont pour effet de dénier aux employés les droits qui leur sont reconnus par la convention collective […]

[…]

50 Si une convention collective prévoit que les employés bénéficieront d’avantages accrus, le coût de ces avantages doit être assumé par quelqu’un. Or, si l’employeur refuse d’allouer des ressources additionnelles pour répondre à ces besoins, le coût sera d’une manière ou d’une autre assumé par les employés [...]

[…]

 

[46]  L’effectif minimum n’équivaut pas aux nécessités du service; toutefois, les deux termes peuvent potentiellement se recouper. L’effectif minimum est une exigence que personne ne conteste. Il s’agit du nombre minimal de personnes (pompiers et officiers) qui sont en service et disponibles pour intervenir en cas d’incendie. Il se peut qu’un jour donné, un nombre suffisant d’employés soient disponibles pour s’assurer qu’il y a suffisamment de pompiers et officiers en service pour maintenir l’exigence de l’effectif minimum.

[47]  Selon la preuve, pour maintenir un effectif minimum de pompiers à la base, le MDN disposait d’environ 80 pompiers (y compris les officiers) affectés à quatre pelotons d’environ 20 personnes chacun. Étant donné que l’effectif minimum était de 16 employés par quart de travail, chaque peloton, dépendamment de son nombre exact de membres, avait un tampon d’environ quatre employés pouvant être absents pendant un quart de travail donné.

[48]  Cependant, comme dans tout autre milieu de travail et pour tout autre employé, il arrive que les pompiers ne puissent pas travailler et qu’ils doivent prendre un congé sous une autre forme qu’un congé annuel. Dans le secteur public fédéral, cela pourrait signifier d’être en congé de maladie, de s’occuper d’un enfant malade ou de s’occuper d’un décès dans la famille, pour ne nommer que quelques exemples. Bien entendu, ni l’employé ni l’employeur n’ont le contrôle sur ces situations. Dans ces cas, les employés sont absents du travail et, selon les circonstances d’une journée donnée, y compris l’effectif du groupe, l’effectif minimum peut être un problème.

[49]  En fait, il ressort clairement de la preuve qu’à plusieurs moments différents au cours de l’exercice 2010-2011, lorsqu’un peloton était en service, il y avait souvent plus de quatre pompiers en congé pendant un quart de travail donné. Il est également évident que, lorsque l’effectif minimum était inférieur aux 16 membres requis, des pompiers ou des officiers d’autres groupes, selon les besoins de la situation, ont été appelés à travailler et ont été payés des heures supplémentaires. Les éléments de preuve documentaire présentés ont révélé qu’au cours de l’exercice 2010-2011, des heures supplémentaires ont été utilisées pour couvrir un total de 403 quarts de travail pour le peloton dont le fonctionnaire était membre, tandis qu’au cours de cette même période, des heures supplémentaires ont été utilisées pour couvrir 1 366 quarts de travail au total.

[50]  Bien que je n’aie pas essayé de compter combien des 1 366 quarts de travail supplémentaires qui ont été consignés ont fait en sorte que le personnel ne puisse pas prendre de congés annuels, il suffit d’indiquer que la preuve a révélé que des heures supplémentaires ont été utilisées en moyenne 113,83 fois par mois pour assurer un effectif minimum et que certaines ont certainement été utilisées pour remplacer le personnel en congé annuel.

[51]  Il semble que l’employeur utilise assez librement les heures supplémentaires pour assurer le maintien de l’effectif minimum. Compte tenu de ces faits, je ne vois pas comment il pourrait affirmer que, en raison des nécessités du service, il ne pouvait pas accorder au fonctionnaire les jours de remplacement demandés. En plus d’affirmer qu’on lui refusait ses jours de remplacement en raison des nécessités du service, aucun élément de preuve réel n’a été présenté établissant qu’aucun autre pompier n’était disponible pour le remplacer, au moyen d’heures supplémentaires ou pas.

[52]  Étant donné que l’employeur n’a pas établi que les nécessités du service exigeaient le refus d’accorder les jours de remplacement, il a enfreint la convention collective.

V.  Mesures de réparation

[53]  Le fonctionnaire a demandé à la Commission de rendre une ordonnance selon laquelle l’employeur a violé la convention collective, ce qui sera ordonné.

[54]  Le fonctionnaire a également demandé qu’on lui accorde deux jours supplémentaires de congé annuel payé pour l’exercice à venir (2020-2021) ou que, à titre subsidiaire, on lui verse le taux des heures supplémentaires en vigueur pour les jours de remplacement qu’il n’a pas reçus.

[55]  Le paragraphe 228(2) de la Loi prévoit qu’après étude d’un grief, la Commission doit rendre une décision et émettre l’ordonnance qu’elle juge appropriée dans les circonstances. Le fonctionnaire m’a renvoyé à trois affaires dans le cadre desquelles les arbitres de grief ont rendu des ordonnances dans lesquelles le congé n’a pas été accordé.

[56]  L’employeur a fait valoir que l’article 229 de la Loi constitue une défense contre l’octroi de jours de congé supplémentaires par la Commission, car cela pourrait avoir pour effet d’exiger la modification d’une convention collective ou d’une décision arbitrale. Je suis d’accord.

[57]  Bien que la Commission ait le pouvoir de remédier à une violation, la mesure de réparation comporte des limites. La convention collective prévoit précisément comment les JFP seront rémunérées, et le défaut d’accorder ces JFP exige que l’employeur paie un employé touché une fois et demie son taux de rémunération journalier. Cette somme a été versée au fonctionnaire. Par conséquent, il a déjà été rémunéré pour cette perte.

[58]  Il ne s’agit pas d’une situation où un employé s’est vu refuser un congé sans être indemnisé. Si j’acceptais la demande du fonctionnaire, je modifierais la convention collective en lui accordant des jours de congé qu’il n’a pas le droit de recevoir à titre d’indemnisation pour quelque chose pour laquelle il a déjà reçu une indemnisation.

[59]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI.  Ordonnance

[60]  Les griefs sont accueillis.

[61]  Je déclare que l’employeur a violé la convention collective.

Le 27 mai 2020.

Traduction de la CRTESPF

John G. Jaworski,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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