Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a été licenciée en raison d’un rendement insatisfaisant – l’employeur s’est appuyé sur la productivité et le taux d’erreur de la fonctionnaire s’estimant lésée pour mettre fin à son emploi – la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas contesté la pertinence des normes de productivité ou le fait qu’elles lui ont été clairement communiquées – elle a nié qu’une norme claire et objective relative aux taux d’erreur avait été établie ou qu’une telle norme lui avait été clairement communiquée – la fonctionnaire s’estimant lésée a reçu un avis écrit indiquant qu’elle avait une dernière possibilité de démontrer une amélioration – la fonctionnaire s’estimant lésée a fait valoir que même si la norme relative au taux de 5 % d’erreur ou moins lui a été présentée au début du processus d’amélioration du rendement et très tard dans ce processus, la plupart des éléments de preuve ont montré que la norme relative au taux d’erreur ne lui a pas été communiquée de façon significative – sa superviseure a rarement discuté des erreurs et, lorsqu’elle l’a fait, elle a rarement fourni un rapport quantifiable sur les progrès par rapport aux objectifs – la question des taux d’erreur et de ce qui était qualifié d’erreur à prendre en compte par rapport à la norme a été traitée de façon incohérente, si elle l’a été – l’employeur n’a pas créé de norme relative au taux d’erreur ou ne l’a pas communiquée réellement à la fonctionnaire s’estimant lésée – la Commission a conclu qu’il n’existait pas de taux d’erreur intelligible et objectif et que, si c’était le cas, il n’a pas été clairement communiqué à la fonctionnaire s’estimant lésée – à ce titre, la Commission a estimé qu’elle ne pouvait pas conclure que l’avis de l’administrateur général selon lequel le rendement de la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas satisfaisant était raisonnable – le grief a été accueilli et les parties ont été invitées à s’entendre sur une mesure corrective appropriée.

Grief accueilli.

Contenu de la décision


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Résumé

[1]  Carol Yates, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), comptait près de 20 ans de service (du 23 février 1995 au 3 juillet 2014) auprès du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (l’« employeur ») à son centre de traitement des demandes à Vegreville, en Alberta. À mesure que la charge de travail commençait à croître considérablement, de nouveaux processus de travail et programmes informatiques ont été instaurés, ainsi que des quotas de productivité.

[2]  La fonctionnaire s’est efforcée de s’adapter au [traduction] « nouveau monde », que Garrett Cuzner, son directeur général, a appelé l’évolution du fonctionnement du bureau. Elle a parfois réalisé et dépassé les objectifs de productivité, mais ses réussites ne pouvaient pas être maintenues. Son travail était parfois inférieur aux objectifs de productivité et parfois bien inférieur à ces derniers. Elle n’a pas contesté le caractère approprié des objectifs de productivité. Elle a suivi une formation et reçu un encadrement dans le cadre d’un plan de gestion du rendement auquel elle a été assujettie pendant presque trois ans. L’employeur a également conclu que ses dossiers contenaient un taux d’erreur élevé inacceptable.

[3]  Lors d’une réunion hebdomadaire d’examen du rendement, la superviseure de la fonctionnaire l’a avertie qu’elle pourrait être licenciée si son rendement ne s’améliorait pas. Après avoir reçu un avis écrit indiquant qu’elle avait une dernière possibilité de faire preuve d’amélioration, ce qui ne s’est pas produit, elle a été licenciée. Elle a déposé un grief contestant la décision de l’employeur au motif que l’évaluation de son rendement était déraisonnable.

[4]  La fonctionnaire a déclaré qu’une préoccupation quant à son taux d’erreur ne lui a jamais été communiquée et que si elle lui avait été communiquée, elle ne l’avait pas été clairement. Elle a également allégué que l’employeur a fait preuve de mauvaise foi en ne lui fournissant pas l’encadrement approprié et en lui confiant un travail plus difficile par rapport aux autres dans son bureau. À titre de mesure corrective, elle demande à être rétablie dans ses fonctions rétroactivement au 3 juillet 2014, avec salaire et avantages sociaux complets.

[5]  Je conclus que l’employeur ne s’est pas acquitté de son fardeau de la preuve consistant à établir que l’avis de l’administrateur général était raisonnable dans la mesure où il était lié au rendement insatisfaisant de la fonctionnaire. Par conséquent, je fais droit au grief concernant le licenciement.

II.  Contexte

[6]  La fonctionnaire a été licenciée pour des motifs non disciplinaires le 3 juillet 2014. Sa lettre de licenciement, provenant du sous‑ministre adjoint Robert Orr, indique en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] [V]ous n’avez pas réussi à respecter de manière uniforme le niveau de rendement exigé et à exécuter tous les aspects du poste. […]

Je suis parvenu à la conclusion que vous n’êtes pas en mesure d’exercer l’ensemble des fonctions de votre poste d’agente de traitement des demandes. […]

[…]

[7]  L’avocate de l’employeur a déposé des éléments de preuve et a présenté des arguments concernant les taux d’erreur élevés inacceptables de la fonctionnaire et sa productivité incohérente et faible, qui ne répondaient souvent pas aux normes requises.

[8]  La fonctionnaire a déposé un grief le même jour dans lequel elle allègue la violation de ses droits de la personne. Le grief concernant le licenciement (dossier 566‑02‑10563) a été renvoyé à l’arbitrage le 18 décembre 2014 en vertu du sous‑al. 209(1)c)(i) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, qui porte sur les licenciements pour rendement insuffisant. Le grief de la fonctionnaire concernant les droits de la personne (dossier 566‑02‑10564) n’a pas été abordé à l’audience et ne sera pas traité davantage dans la présente décision.

[9]  Il est bien établi, et les parties ont soutenu conjointement que, dans mon examen de l’art. 230 de la Loi, je dois déterminer s’il était raisonnable, en fonction des éléments de preuve, que l’administrateur général estime que le rendement de la fonctionnaire en question n’était pas satisfaisant.

[10]  Ce faisant, je dois tenir compte des critères suivants établis dans Raymond c. Conseil du Trésor, 2010 CRTFP 23, au par. 131 (voir également Plamondon c. Administrateur général (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2011 CRTFP 90 et Mazerolle c. Administrateur général (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CRTFP 6) :

131 […] Ainsi, je ne vois pas comment on pourrait conclure qu’il était raisonnable qu’un administrateur général estime le rendement de l’un de ses fonctionnaires insuffisant, si preuve est faite que :

· L’administrateur général ou les superviseurs qui ont apprécié le rendement du fonctionnaire se sont livrés à un exercice empreint de mauvaise foi;

· Le fonctionnaire n’était pas assujetti à des normes de rendement appropriées;

· L’employeur n’avait pas communiqué clairement au fonctionnaire les normes de rendement qu’il devait satisfaire; ou

· Le fonctionnaire n’avait pas reçu les outils, la formation et l’encadrement nécessaires pour atteindre les normes de rendement dans un délai jugé raisonnable.

 

[11]  L’employeur a indiqué que l’art. 230 de la Loi m’oblige à examiner uniquement la question de savoir si l’avis de l’administrateur général selon lequel le rendement de la fonctionnaire était insuffisant était raisonnable, compte tenu des éléments de preuve disponible à ce moment‑là.

[12]  Mon évaluation doit être axée non sur le caractère raisonnable de la décision de l’employeur de licencier la fonctionnaire, mais plutôt sur le caractère raisonnable de l’évaluation du rendement de la fonctionnaire par l’employeur. L’art. 230 prévoit ce qui suit :

230 Saisi d’un grief individuel portant sur le licenciement ou la rétrogradation pour rendement insuffisant d’un fonctionnaire de l’administration publique centrale ou d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe 209(3), l’arbitre de grief ou la Commission, selon le cas, doit décider que le licenciement ou la rétrogradation étaient motivés s’il conclut qu’il était raisonnable que l’administrateur général estime le rendement du fonctionnaire insuffisant.

[13]  L’avocate de l’employeur a fait référence à la directive de la Cour d’appel fédérale à l’intention des arbitres de grief concernant l’art. 230 de la Loi; à savoir qu’ils ne doivent pas faire des analyses indépendantes du rendement (voir Forner c. Canada (Procureur Général), 2016 CAF 136, au par. 18).

[14]  L’avocate de l’employeur a également indiqué que l’arbitre de grief Katkin avait conclu que, même lorsque la « direction aurait pu mieux gérer » un licenciement, il se peut que cela n’ait pas nécessairement une incidence sur la conclusion selon laquelle l’évaluation du rendement était raisonnable (au paragraphe 209 de Kalonji c. Administrateur général (Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada), 2016 CRTEFP 31 (confirmée dans 2018 CAF 8)).

[15]  M. Cuzner a fourni le contexte pertinent des événements qui ont donné lieu au présent grief. À l’époque pertinente, il était le directeur général chargé des centres de traitement des demandes, y compris celui de la fonctionnaire, à Vegreville. Il avait également été le directeur de ces centres, ce qui l’a parfois amené sur le lieu de travail, à Vegreville.

[16]  M. Cuzner a témoigné que la quantité des dossiers d’immigration et de réfugiés avait augmenté considérablement au cours des années précédant le dépôt du présent grief. Il a expliqué que le nombre de demandes de résidence permanente traitées avait presque doublé et qu’une partie de la stratégie pour faire face à la charge de travail accrue consistait à convertir le processus, passant de demandes sur papier à un processus informatique Windows (appelé « SMGC »). Ce changement a entraîné une mise à jour complète des anciens modèles dans lesquels les employés utilisaient simplement la fonction de tabulation sur leurs ordinateurs de bureau pour traiter les demandes.

[17]  M. Cuzner a également témoigné que le système d’immigration et de réfugiés procède souvent à des contrôles à l’étranger de plusieurs types de demandes en cours de traitement, ce qui permet un taux d’approbation très élevé, au centre de traitement des demandes de Vegreville, des dossiers jugés à faible risque et à faible complexité. L’employeur a qualifié cette façon de procéder comme une approche de [traduction] « gestion des risques » en matière d’approbation des demandes, dans le cadre de laquelle seule une petite partie de la charge de travail globale est considérée comme présentant un certain risque; ces dossiers font ensuite l’objet d’un examen plus approfondi. 

[18]  Je souligne que le rapport de l’évaluation du rendement annuelle daté du 25 avril 2013, déclare ce qui suit sous la rubrique [traduction] « Jugement et raisonnement analytique » : [traduction] « Répond à tous – Les décisions de Carol sont judicieuses et ses renvois à la SDS et au chef d’équipe sont appropriés. Carol devrait essayer d’intégrer davantage la gestion des risques dans son traitement […] ».

[19]  M. Cuzner a déclaré dans son témoignage que la fonctionnaire avait été embauchée au groupe et au niveau CR‑05. Elle a ensuite été reclassifiée au groupe et au niveau PM‑01, qui exigeait qu’elle effectue des tâches plus complexes, notamment connaître les règles, les lois et les décisions judiciaires et appliquer ces connaissances à l’évaluation des dossiers.

[20]  Même si l’employeur a mentionné la nouvelle époque d’augmentation en matière d’immigration et une charge de travail connexe accrue relative au centre de traitement des demandes, le témoignage de la fonctionnaire indiquait clairement que son approche concernant les dossiers restait ancrée dans une époque différente.

[21]  Elle a témoigné en disant qu’elle préférait prendre le temps de lire un dossier et que si un problème survenait, sa pratique consistait à prendre le temps de rédiger une lettre ou de téléphoner au demandeur pour tenter de le régler. Elle a affirmé dans son témoignage que cette approche permettait souvent d’aider les personnes à corriger les problèmes liés à leur demande d’immigration et qu’elle lui permettait de leur offrir de meilleurs services. M. Cuzner a témoigné en disant que les budgets ministériels et un arriéré important de dossiers qui exigeaient que des décisions soient prises exigeaient également l’amélioration des processus et de l’efficacité du travail.

[22]  La préférence de la fonctionnaire qui consistait à adopter une approche plus personnalisée à l’égard de ses dossiers n’était pas conforme à la nouvelle époque, dans le cadre de laquelle il y avait une quantité beaucoup plus élevée de dossiers et une productivité accrue dans son bureau. Son évaluation annuelle du rendement datée du 26 avril 2012 indique que, dans la section [traduction] « Compétences interpersonnelles efficaces », [traduction] « Carol traite avec les clients de façon polie et courtoise. Il a été discuté avec Carol qu’elle ne devrait pas trop étendre son service à la clientèle. »

[23]  De plus, dans un courriel daté du 11 septembre 2013, on a rappelé à la fonctionnaire qu’elle ne devait pas donner son numéro de téléphone aux clients ou à leur représentant, mais qu’elle devrait plutôt renvoyer toutes les personnes au centre d’appels sans frais. Le 14 mars 2014, son plan d’action en matière de gestion du rendement a été révisé en vue d’indiquer [traduction] « Maintenir une distance professionnelle et suivre les procédures établies dans le traitement des dossiers. »

[24]  L’opinion de la direction selon laquelle la fonctionnaire adoptait une approche anachronique relative à son travail a été résumée comme suit dans un courriel au sujet de sa situation, rédigé par M. Cuzner et daté du 24 mars 2014 :

[Traduction]

CY a demandé à me rencontrer. Elle était émotive et bouleversée […] elle estimait qu’on souhaitait en faire un exemple et que peu importe ce qu’elle faisait, elle serait congédiée. J’ai dit à Carol que ce n’était pas le cas […] [il s’agissait de son rendement.] […] Je lui ai également dit que je devais […] m’acquitter d’obligations à titre de représentant de l’employeur et que, peu importe la difficulté ou mon sentiment personnel, je m’acquitterais de mes fonctions même si cela signifiait le licenciement d’une personne. Je lui ai dit que j’avais l’impression (après m’être assis avec elle) qu’elle connaissait très bien les lois et les règlements, mais que j’estimais qu’elle était têtue en ce qui concerne son adaptation relativement à l’ancien modèle de service à la clientèle (tenir la main des demandeurs dans le cadre d’un processus) et que cela touchait sa productivité. Le plan avait pour objet de faire en sorte que sa productivité atteigne celle de la majorité au bureau […] Nous avons discuté de l’accent à mettre sur le service à la clientèle maintenant – c.‑à‑d. temps de traitement = service à la clientèle.

[…]

III.   Questions en litige et analyse

A.  L’employeur a‑t‑il établi des normes de rendement appropriées et les a‑t‑il communiquées clairement à la fonctionnaire?

[25]  L’argumentation finale de l’employeur pour justifier le licenciement de la fonctionnaire était fondée sur l’incapacité de la fonctionnaire à respecter les normes de productivité et son omission de respecter une norme de taux d’erreur.

[26]  La preuve non contredite a établi qu’après avoir consulté l’agent négociateur et les employés, l’employeur a commencé à adopter progressivement des normes de productivité. La preuve comprenait de nombreux exemples non contredits de communications écrites adressées à la fonctionnaire, y compris des plans d’action, qui ont toutes ont été confirmées par des témoignages qui ont clairement établi qu’elle était bien au courant des normes de productivité qu’elle devait respecter.

[27]  La fonctionnaire n’a pas contesté la pertinence des normes de productivité ni la question de savoir si elles lui avaient été clairement communiquées. Toutefois, elle a nié qu’une norme claire et objective relative aux taux d’erreur avait été établie ou lui avait été clairement communiquée.

[28]  Pour la direction, l’importance du taux d’erreur de la fonctionnaire est ressortie clairement du témoignage de M. Cuzner. C’est pourquoi il a décidé qu’elle ne pouvait pas être rétrogradée au lieu d’être licenciée. M. Orr était d’accord et a témoigné que la question des erreurs dans son travail était très importante. Il a ajouté que le travail du centre de traitement des demandes (CTD) est [traduction] « […] essentiel pour les personnes, le travail doit donc être fait sans erreur. »

[29]  La première indication qu’une norme de taux d’erreur avait été communiquée à la fonctionnaire est ressortie du document déposé en preuve intitulé [traduction] « Plan d’action pour la gestion du rendement personnel » (PAGRP) signé par son ancien gestionnaire le 24 février 2010. Il comprend ce qui suit sous la rubrique [traduction] « Objectifs de rendement » : [traduction] « […] s’assurer que le travail est de haute qualité et fiable comportant un taux d’erreur inférieur à 5 %. » Ce passage était également inclus dans un PAGRP non signé qui devait entrer en vigueur le 21 novembre 2011.

[30]  Cette déclaration selon laquelle il existait une norme de taux d’erreur inférieur à 5 % est, à première vue, claire. L’avocate de l’employeur a déclaré en conclusion que la question des taux d’erreur avait été discutée à presque toutes les réunions hebdomadaires de gestion du rendement tenues avec la fonctionnaire. Toutefois, la fonctionnaire a soutenu que la grande majorité des éléments de preuve trahissait un caractère beaucoup moins certain quant à la norme de taux d’erreur.

1.  Gestion des risques

[31]  Lorsqu’elle a été interrogée au sujet de son taux d’erreur, la fonctionnaire a témoigné qu’elle comprenait que l’approche en matière de gestion des risques qu’on avait demandé à son bureau d’utiliser signifiait qu’elle devait travailler plus rapidement et traiter plus de dossiers, et que la direction comprenait qu’il en découlerait davantage d’erreurs.

[32]  La fonctionnaire a mentionné son rapport d’évaluation du rendement que Fiona Smythe Wilson, sa superviseure, a signé le 25 avril 2013. Dans ce rapport, on souligne que [traduction] « le travail de Carol est de haute qualité […] les décisions de Carol sont judicieuses […] Carol devrait essayer d’intégrer une gestion des risques accrue dans son traitement […] » en tant que preuve de la façon dont elle a compris l’approche de la direction à l’égard des erreurs. Lorsqu’on lui a demandé de définir l’expression [traduction] « gestion des risques », elle a témoigné que, selon ce qu’elle comprenait, cela signifiait de travailler plus rapidement, avec plus d’erreurs.

[33]  L’avocate de l’employeur a poursuivi la question de la gestion des risques dans son contre‑interrogatoire de la fonctionnaire. Elle a déclaré dans son témoignage qu’elle ne croyait pas que la gestion des risques devrait être utilisée dans le traitement des demandes de résidence permanente puisque ces approbations autorisent les personnes à rester en permanence au Canada. Elle estimait qu’il était imprudent d’accélérer des examens aussi importants. Elle a expliqué qu’elle refusait d’examiner rapidement les demandes de résidence permanente du conjoint parce qu’elle a dit qu’il existait un risque selon lequel certains demandeurs utilisent des mariages frauduleux pour permettre à des personnes d’entrer au Canada. Elle a affirmé dans son témoignage qu’il lui était important de défendre la sécurité du Canada contre les demandeurs frauduleux.

[34]  La fonctionnaire a fourni un exemple de son travail qui, selon elle, démontrait qu’elle prenait soin d’examiner tous les aspects des dossiers et que, parfois, elle avait besoin de plus de renseignements, car elle a dit qu’il lui incombait de protéger le Canada. Elle a dit qu’un dossier qu’elle avait examiné comportait une demande de prolongation d’un permis de travail. Elle a indiqué que, dans le cadre de son enquête, elle a découvert que le demandeur souhaitait réellement séjourner au Canada simplement en vue de profiter d’une procédure d’implantation de cheveux. Elle a déclaré que cette raison n’était pas valable et elle a donc rejeté la demande. Elle a ajouté que, dans le cadre de la nouvelle approche de gestion des risques dans son bureau, elle n’aurait probablement qu’examiné rapidement ce dossier, pour ensuite l’approuver.

[35]  La fonctionnaire a indiqué que, à maintes reprises, les gestionnaires, qu’elle n’a pas identifiés, lui avaient dit d’augmenter sa production et qu’une augmentation de ses erreurs serait acceptable, à condition que sa production augmente. Elle a également témoigné que, dans les dossiers qui lui ont été affectés, elle a relevé de nombreuses erreurs causées par d’autres bureaux et qu’elle devait corriger ces erreurs, qui lui ont ensuite été attribuées dans sa mesure du rendement.

[36]  Colleen Wheatley comptait plus de 20 ans d’expérience au CTD de Vegreville et travaillait en tant que PM‑03 pendant la période pertinente. Mme Smythe Wilson l’a chargée d’effectuer une surveillance de la qualité du travail de la fonctionnaire. Mme Wheatley a témoigné en disant qu’elle était une experte en la matière et qu’on lui attribuait les cas les plus complexes. Elle a ajouté qu’on lui demandait régulièrement d’aider les chefs d’équipe relativement à certains projets ou tâches.

[37]  Lorsqu’elle a été interrogée au sujet d’une norme de taux d’erreur au bureau, Mme Wheatley a témoigné que le personnel était au courant que la direction avait des attentes très élevées à l’égard de leurs niveaux de production, et ce,  afin de réaliser des progrès dans le traitement de l’arriéré important des demandes et de maintenir le rythme avec la croissance rapide du nombre de nouvelles demandes. Elle a affirmé que les attentes de la direction étaient élevées en ce qui a trait au nombre important d’approbations de dossiers et que le personnel savait que la production élevée d’approbations était plus importante que de prendre du temps supplémentaire en vue d’éviter les erreurs.

[38]  En décrivant cette situation, elle a dit que le personnel comprenait que les gestionnaires préféraient avoir 125 permis de résidence temporaire approuvés au cours d’une période donnée avec des erreurs plutôt que 75 permis approuvés, mais sans erreur. Elle a précisé que ce n’était que son impression, mais que d’autres membres du personnel partageaient cette impression.

[39]  Lorsqu’on lui a demandé si elle avait entendu que d’autres employés du CTD faisaient l’objet d’une surveillance des taux d’erreur ou qu’ils étaient même assujettis à des taux d’erreurs établis dans le cadre de leurs attentes en matière de rendement, Mme Wheatley a répondu qu’elle n’avait rien entendu de la sorte.

[40]  Après avoir examiné les pièces, je constate que M. Cuzner a publié des bulletins d’information à l’intention du personnel aux dates suivantes :

· novembre 2013 (aucune mention d’erreurs);

· décembre 2013 (aucune mention d’erreurs);

· février et mars 2014.

 

[41]  Chaque bulletin d’information contenait une section intitulée [traduction] « Attentes en matière de production », qui indiquait que de nouvelles attentes étaient en cours d’élaboration et seraient mises en œuvre bientôt. Le bulletin de décembre comprenait un quota annuel de production pour le bureau de Vegreville concernant un type particulier de permis. Il indiquait que le quota du bureau de 2014 pour le traitement de ce permis augmenterait d’environ 350 % par rapport à 2013.

[42]  Le bulletin de février et mars contenait des détails sur les nouvelles normes de productivité qui étaient plus exigeantes en ce qui concerne le temps consacré à l’examen et à l’approbation des demandes. Le bulletin précisait également qu’il y avait eu une augmentation du rendement au cours des derniers mois, mais que le bureau devait être plus efficace dans son traitement.

[43]  Ce bulletin contenait la seule référence, quoiqu’indirecte, aux erreurs que j’ai pu trouver dans les bulletins, comme suit : [traduction] « La direction est consciente du nombre de changements qui sont apportés simultanément et sait qu’il y aura de plus en plus de difficultés et de faux pas et qu’il y aura des choses que nous devrons revoir si nous nous trompons. »

[44]  Je remarque que les termes [traduction] « difficultés » et « faux pas » font référence aux erreurs et concluent clairement que la direction comprenait qu’en raison de la modification des nombreux processus mis en œuvre et des demandes croissantes de productivité élevée, certaines erreurs seraient inévitablement commises.

[45]  Il n’y a aucune autre référence aux erreurs dans les bulletins déposés en preuve.

[46]  Même si les bulletins ne prouvent rien en soi, ils corroborent le témoignage de Mme Wheatley selon lequel les employés étaient au courant que la direction mettait l’accent sur l’augmentation de la production.

[47]  Dans une note de service détaillée datée du 17 janvier 2014 et envoyée à ses gestionnaires, M. Cuzner a expliqué les nombreuses nouvelles attentes en matière de rendement qui devaient entrer en vigueur le mois prochain. Je précise que sa note de service ne mentionne aucunement la question des erreurs.

[48]  M. Cuzner a également rédigé un courriel le 14 février 2014, dans lequel il a donné une orientation à son équipe de gestion quant aux [traduction] « Attentes en matière de rendement » et a fixé une [traduction] « date cible » du 1er avril, date à laquelle les employés devaient répondre aux [traduction] « nouvelles attentes » plus exigeantes qui étaient alors mises en œuvre. Il a aussi rédigé ce qui suit :

[Traduction]

[…]

En tant que chefs d’équipe, je m’attends à ce que vous gériez cela. Cela comprend la reconnaissance que tout le monde – y compris nous‑mêmes – a de bons et de mauvais jours. Notre approche ne devrait pas consister à gérer le rendement sur une base quotidienne ou même hebdomadaire. Nous devons établir les normes et nous engager avec tout notre personnel et expliquer clairement les attentes […]

[…]

[49]  Je précise que ce courriel ne mentionne aucunement des taux d’erreur.

2.  Qu’est‑ce qu’une erreur?

[50]  Dans une note de service non signée déposée au dossier et datée du 18 décembre 2013, intitulée [traduction] « Plan d’action en matière de rendement », Mme Smythe Wilson a indiqué qu’elle venait de rencontrer la fonctionnaire et lui avait dit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] Vous continuez à recevoir des erreurs chaque semaine. Cela va de problèmes mineurs, comme le fait de ne pas compléter la chemise d’un dossier, à des erreurs plus graves dans le contenu des lettres et des entrées dans le SMGC. J’ai discuté avec vous des erreurs qui ont été commises et de la façon dont elles auraient dû être traitées. Je reconnais que les personnes commettent des erreurs. Toutefois, il est important d’être diligent quant à l’exactitude de votre travail.

[…]

Même s’il y a eu une diminution des erreurs, je ne suis pas satisfaite parce que les erreurs portées à mon attention indiquent un manque continu d’attention aux détails.

[…]

[51]  La dernière ligne de cette note de service contraste avec celle du 21 mars 2014 dans laquelle Mme Smythe Wilson écrit également que les erreurs de la fonctionnaire ont diminué au cours de la période d’évaluation, mais elle n’ajoute pas la préoccupation quant au manque de détails.

[52]  Comme le représentant de la fonctionnaire l’a abordé dans son argumentation, les questions des erreurs [traduction] « mineures » et [traduction] « graves » ont donc été incluses dans le lexique des examens du rendement de la fonctionnaire. De plus, la question des erreurs [traduction] « législatives » a été reconnue au cours du témoignage de Mme Wheatley.

[53]  Mme Wheatley a rédigé une note de service datée du 16 juin 2014, qui faisait état de son examen des dossiers de la fonctionnaire au cours des deux semaines précédentes. À ce stade, je tiens à souligner qu’elle comprend les extraits suivants portant sur son examen de la qualité et de la recherche d’erreurs dans les dossiers de la fonctionnaire :

[Traduction]

[…]

Les [erreurs] suivantes [ont été] relevées :

[…]

Elles sont toutes mineures et sans conséquence pour le client.

52 demandes de résidence temporaire ont été traitées correctement et conformément aux politiques et aux procédures […]

Ce qui suit ne constitue pas des erreurs, mais exige une clarification du point de vue des opérations

[…]

Erreurs législatives (6)

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[54]  Dans la conclusion de sa note de service, Mme Wheatley a déclaré que la fonctionnaire [traduction] « a dûment exercé son pouvoir délégué » mais que [traduction] « […] elle semble se fier aux codes de l’ancien agent et, dans la plupart des cas, c’est acceptable. Toutefois, le nombre faible d’erreurs de saisie de données qui sont énumérées ci‑dessus découlent parfois du fait de suivre les directives données antérieurement. »

[55]  Mme Wheatley a expliqué que certains types de dossiers traités au bureau de Vegreville avaient déjà été traités par d’autres employés, habituellement aux ambassades ou aux consulats à l’étranger. Elle a témoigné que le personnel de Vegreville avait suivi une formation lui permettant de se fier au traitement antérieur d’un dossier afin de diminuer le temps de traitement et de ne pas l’examiner à la recherche d’erreurs.

[56]  Elle a déclaré que si son travail relatif à un dossier était acceptable, mais que le dossier contenait une erreur intégrée découlant du travail qu’un autre bureau avait déjà effectué, l’erreur serait relevée et le dossier lui serait renvoyé aux fins de correction. Par conséquent, ses mesures de rendement seraient réduites en termes du nombre de minutes qu’elle a consacré au dossier en raison du temps nécessaire pour corriger l’erreur qui est survenue dans un autre bureau.

[57]  Dans son témoignage concernant sa note d’évaluation, Mme Wheatley a expliqué plusieurs des erreurs ou des problèmes qu’elle avait cernés et a indiqué que bon nombre de ces erreurs n’avaient aucune incidence sur le client et que seules certaines de ces erreurs pourraient avoir une incidence minimale. De plus, dans certains de ces cas, d’autres approbations d’immigration en cours à l’égard de la même personne auraient rendu l’erreur sans objet; par exemple, une approbation pourrait avoir été accordée avant qu’une date erronée n’entre en vigueur à l’égard d’un permis que la fonctionnaire a traité.

[58]  Dans un commentaire sommaire sur la note de service très détaillée qu’elle a produit pour surveiller la qualité du travail de la fonctionnaire, Mme Wheatley a déclaré qu’à son avis, leur bureau n’avait aucune définition claire de ce qui constituait une erreur. Elle a dit que ses nombreuses explications détaillées sur le travail de la fonctionnaire et les éléments qui nécessitent des éclaircissements ont été rédigées afin d’illustrer l’absence d’une définition claire.

3.  La chef d’équipe de la fonctionnaire

[59]  Mme Smythe Wilson était une chef d’équipe classifiée au groupe et au niveau PM‑05. Elle a supervisé directement 20 employés pendant la période pertinente. Dans son interrogatoire principal, Mme Smythe Wilson a témoigné au sujet des erreurs de la fonctionnaire. En examinant ses nombreuses notes au dossier confirmant les discussions hebdomadaires avec la fonctionnaire, elle a indiqué que le 3 décembre 2013, la fonctionnaire avait fait preuve d’une amélioration progressive tant en ce qui concerne ses statistiques que la qualité de son travail et qu’aucun dossier n’avait fait l’objet d’un examen, ce qui signifiait qu’il n’y avait eu aucune erreur. Cependant, dans sa discussion sur le suivi du temps de la fonctionnaire pour la semaine du 2 décembre 2013 (dans la pièce E‑2), elle a expliqué que le mercredi de cette semaine-là, la fonctionnaire avait enregistré 4,5 heures de travail de correction, ce qui, selon elle, indiquait que la fonctionnaire avait commis de nombreuses erreurs.

[60]  Mme Smythe Wilson a ensuite commenté sa note du 18 décembre 2013, dans laquelle elle a écrit ce qui suit : [traduction] « Même s’il y a eu une diminution des erreurs, je ne suis pas satisfaite parce que les erreurs portées à mon attention indiquent un manque continu d’attention aux détails. » Dans sa tentative d’éclaircir ce commentaire paradoxal et opaque, elle a indiqué dans son témoignage que la fonctionnaire commettait [traduction] « des erreurs quelque peu aléatoires qui étaient souvent différentes. »

[61]  Dans un courriel daté du 20 janvier 2014 (pièce E‑1, onglet 27), Mme Smythe Wilson a confirmé les détails d’une discussion sur la gestion du rendement qu’elle venait juste d’avoir avec la fonctionnaire. Il comprenait un PAGRP signé le 16 janvier 2014. Le PAGRP comprenait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La productivité de Carol s’est améliorée et, au cours du dernier mois, elle répondait aux attentes. Étant donné que le rendement de Carol a fluctué dans le passé une fois qu’un plan d’action en matière de rendement avait été mené à bien et qu’elle n’a répondu aux attentes qu’au cours du dernier mois, ce plan est mis en œuvre en vue de permettre à Carol de démontrer qu’elle peut maintenir sa productivité.

Carol continue de commettre des erreurs dans la saisie de l’information et, dans certains cas, dans la prise de décisions. Les erreurs qui semblent découler d’un manque d’attention aux modifications apportées aux procédures constituent un sujet de préoccupation. Les procédures et les méthodes de traitement au sein de l’Immigration et particulièrement le SMGC sont en constante évolution, il est essentiel de se tenir au courant des changements.

Au cours de la dernière semaine, un certain nombre d’erreurs ont été retournées de la Section des services opérationnels (SSO) et de la Gestion de l’information et de la qualité (GIQ) pour Carol. En raison des erreurs persistantes relevées dans l’évaluation de la qualité et des erreurs retournées par d’autres unités, la surveillance intégrale sera mise en œuvre de nouveau.

[…]

[…] La direction fournira une feuille d’agrandissement, conformément à la demande de Carol.

[62]  Dans sa note de service du 14 février 2014, Mme Smythe Wilson a écrit, [traduction] « J’ai constaté des améliorations dans votre organisation des dossiers et dans votre productivité » et [traduction] « Lors de notre réunion, j’ai discuté de mes sujets de préoccupation, tels que les erreurs persistantes. Le présent plan a pour but de veiller à ce que vous répondiez au niveau de productivité attendu et que la qualité de votre travail demeure élevée. » Lorsque je lui ai demandé si elle pouvait m’aider à comprendre le taux d’erreur de la fonctionnaire à ce moment‑là, elle a répondu que les erreurs constituaient effectivement encore un problème et que le taux constituait peut‑être un problème.

[63]  Dans son témoignage concernant le PAGRP du 14 février 2014, Mme Smythe Wilson a expliqué que la productivité de la fonctionnaire s’était améliorée, mais qu’il existait des [traduction] « préoccupations persistantes relatives à la qualité du travail de Carol ». Le document indique que, du 20 janvier au 7 février [traduction] « […] 12, 10 et 9 erreurs lui avaient été retournées chaque semaine ».

[64]  La réunion hebdomadaire suivant le PAGRP qui a été consignée dans les pièces a été tenue le 21 mars 2014. Au cours de cette réunion, on a dit à la fonctionnaire que ses [traduction] « […] erreurs avaient diminué et, au cours de la dernière semaine, vous avez été en mesure d’améliorer votre productivité. » Mme Smythe Wilson a confirmé l’exactitude de cette citation, mais a ajouté qu’après un examen approfondi des détails (figurant à la pièce E‑3), les résultats apparemment positifs découlaient d’un très petit échantillon de travail.

[65]  Le 25 mars 2014, Mme Smythe Wilson était plus succincte dans ses commentaires sur la question des erreurs, en écrivant simplement que [traduction] « […] vous n’avez pas encore démontré que vous êtes en mesure de répondre aux attentes en matière de rendement, et ce, de manière constante. »

[66]  En avril 2014, il y a eu un écart de deux mois entre les notes au dossier relatives aux réunions hebdomadaires d’examen du rendement. Toutefois, dans un énoncé écrit, les parties ont confirmé que les discussions hebdomadaires entre Mme Smythe Wilson et la fonctionnaire se sont poursuivies.

[67]  La fonctionnaire a témoigné qu’au cours de bon nombre des réunions hebdomadaires d’examen du rendement avec Mme Smythe Wilson, la question des erreurs n’a pas été mentionnée. Elle a ajouté qu’elle avait l’impression que son taux d’erreur ne constituait pas un problème.

[68]  Dans le cadre de l’examen d’un plan d’amélioration du rendement (PAR) daté du 8 avril 2014, Mme Smythe Wilson a dit que le taux d’erreur s’était amélioré. Ce document répète l’affirmation de 2011 selon laquelle un taux d’erreur de 5 % ou moins devait être maintenu.

[69]  Puis, le 7 avril 2014, M. Cuzner a signé une lettre de [traduction] « dernière chance » à l’intention de la fonctionnaire. La lettre commence en indiquant : [traduction] « Depuis février 2011, vos superviseurs ont fait part de leurs préoccupations quant à votre rendement et à votre capacité d’assurer, de manière constante, le niveau de rendement prévu pour votre poste […] ».

[70]  Dans la lettre, il indique les [traduction] « objectifs progressifs » spécifiques qui avaient été établis à l’égard de tous les membres du personnel classifiés au groupe et au niveau PM‑01 qui exécutaient ses fonctions. Les valeurs numériques réelles des objectifs de rendement ne sont pas en litige. Il déclare ensuite ce qui suit dans la lettre :

[Traduction]

[…]

Une évaluation finale du rendement sera effectuée le 3 juillet 2014. Si vous avez réalisé tous vos objectifs et répondu à toutes les normes de production de manière constante, vous serez retiré du plan d’amélioration du rendement et on s’attendra à ce que vous mainteniez le niveau de rendement qui est exigé de tous les agents de traitement des cas ou décideurs de niveau un aux groupe et niveau PM‑01. Veuillez noter que si vous ne réalisez pas pleinement tous vos objectifs et que vous ne respectez pas toutes les normes de production, vous serez licenciée pour rendement insuffisant.

Au cours des prochains mois, je vous recommande de profiter de toutes les possibilités d’apprentissage et de demander de l’aide lorsque vous en avez besoin. Il n’existe aucune autre formation à vous offrir puisque vous avez suivi toute la formation requise pour votre poste. Je vous encourage vivement à déployer tous les efforts nécessaires au cours de cette période pour apporter les améliorations nécessaires en vue de perfectionner et de démontrer davantage les compétences requises.

[…]

[71]  Je souligne que le taux d’erreur de la fonctionnaire n’est pas mentionné dans sa lettre de dernière chance.

[72]  La fonctionnaire a reçu une version révisée du PAGRP qu’elle a signé le 8 avril 2014. Il déclarait que si elle ne participait pas au plan ou qu’elle ne respectait et ne maintenait pas de manière constante tous les objectifs et toutes les normes de production au plus tard le 30 juin 2014, il serait mis fin à son emploi pour rendement insuffisant.

[73]  Le 16 mai 2014, Mme Smythe Wilson a transmis à la haute direction une note de service et une mise à jour sur le PAR de la fonctionnaire qui indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Carol continue de commettre des erreurs lors du traitement. Pour le mois d’avril, 120 dossiers et demandes ont été examinés et elle avait commis 33 erreurs. La grande partie des erreurs se rapportaient aux procédures internes, comme les dates de rappel du SMGC ou le fait de ne pas changer la correspondance à « envoyé ». Toutefois, il existait des erreurs liées à la politique, comme la transmission de documents lorsqu’elle n’était pas justifiée, la non‑prise en compte d’un B.O. et l’envoi de correspondance supplémentaire plutôt que de refuser. […]

[74]  Des mesures précises du rendement lui avaient été fournies dans le PAGRP. Ensuite, une norme de rendement pour les taux d’erreur est apparue. Un taux d’erreur de 5 % ou moins a été fixé comme objectif indicateur de succès. La signature de la fonctionnaire figurait au bas du PAR, confirmant qu’elle avait lu et compris les conditions.

[75]  Le représentant de la fonctionnaire a déclaré en conclusion que ces questions démontrent que la définition d’une erreur n’a jamais été communiquée à la fonctionnaire. En outre, l’employeur n’a même pas été en mesure de le préciser à l’audience.

[76]  Je conclus que cette seule citation de Mme Smythe Wilson dans ses notes de réunion du 18 décembre 2013 avec la fonctionnaire saisit le mieux l’opacité de la norme d’erreur de l’employeur : [traduction] « Même s’il y a eu une diminution des erreurs, je ne suis pas satisfaite parce que les erreurs portées à mon attention indiquent un manque continu d’attention aux détails. »

[77]  Je suis particulièrement convaincu par le témoignage de Mme Wheatley, puisqu’elle n’avait aucun lien de dépendance dans la relation entre la fonctionnaire et Mme Smythe Wilson et elle a été choisie par la direction pour effectuer une évaluation de la qualité juste avant que la fonctionnaire n’ait été informée qu’elle n’avait pas répondu aux normes exigées.

[78]  Mme Wheatley a fourni les détails les plus clairs des différentes erreurs qui sont survenues dans le traitement des dossiers assignés à la fonctionnaire. Sa conclusion selon laquelle les erreurs étaient relativement mineures et n’avait que peu ou aucune conséquence a été corroborée par l’avant‑dernière évaluation de la fonctionnaire qui a été envoyée à la haute direction en mai, qui semble anticiper l’observation de la fonctionnaire puisqu’elle indiquait que [traduction] « [l]a grande partie des erreurs se rapportaient aux procédures internes […] ». Cela reconnaissait ainsi le manque de gravité dans de nombreuses erreurs.

[79]  Je retiens également le témoignage non contredit de Mme Wheatley et de la fonctionnaire selon lequel tous les membres du personnel comprenaient très bien qu’ils étaient sous pression pour accroître la productivité et qu’il était tacitement entendu que les erreurs augmenteraient. Cela est confirmé par l’omission totale de toute mention de taux d’erreur dans les bulletins et la note de service de M. Cuzner à l’intention des gestionnaires.

[80]  Enfin, les notes hebdomadaires de Mme Smythe Wilson au dossier ont établi que la question des taux d’erreur et ce qui était qualifié d’une erreur à imputer par rapport à la norme avaient été traités de manière non constante, voire pas du tout.

4.  Communication à la fonctionnaire

[81]  La fonctionnaire a également allégué qu’on ne lui avait pas donné un préavis approprié d’un problème lié à son taux d’erreur. L’employeur a répondu qu’il ressort de la preuve qu’elle avait été informée à chacune des réunions d’évaluation du rendement du fait que les erreurs constituaient un problème. Il a ajouté qu’au cours des derniers mois, on lui a dit que ces erreurs donneraient lieu à son licenciement si elles n’étaient pas corrigées.

[82]  Dans son courriel du 28 octobre 2013 à la fonctionnaire, Mme Smythe Wilson a déclaré qu’elle souhaitait ajouter à leur discussion sur [traduction] « l’omission de répondre aux attentes en matière de rendement », qui [traduction] « peut entraîner le licenciement ». Son courriel ne mentionne aucune attente particulière en matière de rendement et ne fait aucune référence aux erreurs.

[83]  Une note de réunion intitulée [traduction] « Réunion sur le rendement – Carol Yates » et datée d’une semaine plus tard, soit le 5 novembre 2013, déclare [traduction] « aucun problème cette semaine » sous la rubrique [traduction] « Rendement au niveau de compétence attendu ». Elle déclare que la fonctionnaire avait traité les groupes « LCP C10 », les avait tous achevés et n’avait manqué le code LCP que dans une des 64 demandes.

[84]  À sa réunion de gestion du rendement une semaine plus tard, le 12 novembre 2013, il a été indiqué que la surveillance des dossiers de la fonctionnaire serait réduite, passant de 100 % à 50 %, puisque Mme Smythe Wilson a affirmé qu’elle avait [traduction] « […] constaté une amélioration dans la qualité du travail [de la fonctionnaire]. »

[85]  Dans un courriel daté du 20 janvier 2014, Mme Smythe Wilson a déclaré que les conséquences de l’omission de répondre aux attentes énoncées dans le plan d’action en matière de rendement de la fonctionnaire pourraient comprendre le licenciement. Le plan y était joint. Il comprenait les références suivantes aux erreurs :

[Traduction]

[…]

Problèmes actuels en matière de rendement :

[…]

Carol continue de commettre des erreurs de saisie de l’information et, dans certains cas, dans la prise de décisions. Les erreurs qui semblent découler d’un manque d’attention aux modifications apportées aux procédures constituent un sujet de préoccupation.

Au cours de la dernière semaine, un certain nombre d’erreurs ont été retournées de la Section des services opérationnels (SSO) et de la Gestion de l’information et de la qualité (GIQ). En raison des erreurs persistantes relevées dans l’évaluation de la qualité et des erreurs retournées par d’autres unités, la surveillance intégrale sera mise en œuvre de nouveau.

Objectifs de rendement

[…]

· Faire preuve d’un rendement au niveau de compétence attendu, conformément aux attentes des groupe et niveau PM‑01 […]

[…]

· Faire preuve de compétences en gestion des dossiers et de temps et s’assurer que le travail est de haute qualité et fiable.

[…]

Plan d’action

[…]

3. Les dossiers doivent faire l’objet d’un suivi approprié. […]

[…]

7. Elle vérifiera quotidiennement sa boîte aux lettres pour y trouver les éléments de travail et elle en donnera suite le jour où ils sont reçus. Si elle ne souscrit pas à l’erreur, elle doit la porter à l’attention de la chef d’équipe pour en discuter. Une fois qu’elle a corrigé les erreurs reçues, elle doit retourner la feuille d’erreur à son chef d’équipe. […]

[…]

[86]  Dans ses notes résumant leur réunion du 14 février 2014, Mme Smythe Wilson a écrit avoir dit à la fonctionnaire qu’elle ’s'inquiétait des [traduction] « erreurs continues » et que [traduction] « […] le présent plan a pour objet de veiller à ce que vous répondiez au niveau de productivité et que la qualité de votre travail demeure élevée. »

[87]  Un PAGRP signé à cette date indique que, récemment, [traduction] « […] Carol a amélioré son organisation et sa gestion des dossiers […] ». Toutefois, il indique qu’il existe [traduction] « […] des préoccupations persistantes quant à la qualité du travail de Carol […] Pendant les semaines du 20 janvier au 7 février, j’ai retourné à Carol 12, 10 et 9 erreurs chaque semaine. »

[88]  Les notes de Mme Smythe Wilson concernant la réunion du 21 mars 2014 avec la fonctionnaire indiquent que les [traduction] « […] erreurs avaient diminuées et, au cours de la dernière semaine, vous avez été en mesure d’améliorer votre productivité. »

[89]  Le 25 mars 2014, Mme Smythe Wilson a envoyé un courriel à la fonctionnaire et a confirmé leur discussion sur le dernier PAGRP. Elle a écrit que la fonctionnaire n’avait [traduction] « […] pas encore démontré qu’[elle était] en mesure de répondre aux attentes en matière de rendement, et ce, de manière constante. » Aucun détail n’a été fourni sur les aspects du rendement qui avaient diminué depuis la note de service de quatre jours plus tôt, mais on a néanmoins rappelé à la fonctionnaire que [traduction] « [n]ous avons discuté des conséquences du non-respect des attentes – la rétrogradation ou le licenciement. » Un PAGRP daté du 24 mars 2014 y était joint. Il ne contenait aucune référence quantifiée aux erreurs.

[90]  Sa lettre de dernière chance, datée du 7 avril 2014, et signée par M. Cuzner, contient des renseignements très détaillés sur des objectifs de production précis, mais ne fait référence à aucune erreur. La lettre mentionne le fait que la fonctionnaire doit réaliser et respecter de manière constante [traduction] « […] tous [ses] objectifs et les normes de production ». On lui a ensuite donné un PAR dans un format différent de celui de tous les PAGRP mentionnés plus tôt. Il contenait les indicateurs d’objectifs suivants liés aux erreurs :

[Traduction]

[…]

· Prendre des décisions motivées […]

[…]

· Vérifier deux fois l’exactitude du travail;

[…]

· Atteindre un taux d’erreur de 5 % ou moins [à l’égard des demandes de résidence temporaire et de résidence permanente]

[…]

[91]  Dans son argumentation sur ce point, l’avocate de l’employeur a souligné qu’une norme claire avait été établie et communiquée à la fonctionnaire dans son PAGRP de novembre 2011 et encore lorsqu’elle a reçu sa lettre de dernière chance.

[92]  Le représentant de la fonctionnaire a soutenu que, malgré la référence à une norme d’erreur de 5 % ou moins au début et à la fin du processus d’amélioration du rendement, la grande partie des éléments de preuve indiquait que la norme n’avait pas été communiquée à la fonctionnaire de façon significative.

[93]  Je trouve troublant le fait que les éléments de preuve à l’égard de la plus grande partie de la période de gestion du rendement de la fonctionnaire étaient que sa superviseure discutait rarement des erreurs et que, lorsqu’elle en discutait, elle fournissait rarement un rapport quantifiable sur les progrès réalisés à l’égard de l’objectif.

[94]  Pour les motifs que j’ai indiqués, je conclus qu’il n’existait aucun taux d’erreur intelligible et objectif et que, s’il existait, il n’avait pas été communiqué clairement à la fonctionnaire.

B.  Les outils, la formation et l’encadrement nécessaires ont‑ils été donnés à la fonctionnaire afin qu’elle puisse atteindre les normes fixées dans un délai raisonnable?

[95]  La fonctionnaire a soutenu qu’elle n’a pas reçu un encadrement efficace et que l’aide qu’elle avait reçue n’était pas suffisante et adaptée à ses besoins particuliers. Son représentant a fait valoir que l’employeur n’avait fait aucun effort pour distinguer les jours ou les semaines pendant lesquels les objectifs fluctuaient considérablement entre le respect ou le dépassement des quotas de production ou l’omission de les respecter de façon significative. Il a présenté le même argument pour les fluctuations des taux d’erreur signalés.

[96]  Mme Smythe Wilson, la superviseure directe de la fonctionnaire pendant la plus grande partie de la période en litige, a témoigné que les services de plusieurs mentors avaient été offerts à la fonctionnaire entre 2011 et 2014. Son évaluation annuelle du rendement datée du 26 avril 2012 indique que, dès octobre 2011, un mentor lui avait été affecté pour l’aider à apprendre à traiter efficacement les dossiers. Je précise que le PAGRP non signé devant entrer en vigueur le 21 novembre comprend des dates précises qui ont été fixées afin que la fonctionnaire collabore avec son mentor pendant ce mois‑là.

[97]  Je remarque également que son plan d’amélioration du rendement daté du 26 avril 2012 déclare que [traduction] « […] un mentor lui avait été affecté en octobre pour l’aider à apprendre comment traiter efficacement les dossiers. » Son examen en milieu d’année, daté du 18 septembre 2012, affirme ceci : [traduction] « Une mentore, Marcia, a été affectée à Carol […] afin de lui montrer comment utiliser le SMGC et améliorer sa vitesse. Depuis sa réunion avec Marcia, les chiffres de Carol se sont améliorés. »

[98]  L’évaluation annuelle du rendement de la fonctionnaire, datée du 25 avril 2013, indique qu’elle était réticente à rencontrer un mentor pour lui montrer comment utiliser le SMGC, mais qu’elle a finalement accepté. Elle indique qu’elle a suivi une formation sur le SMGC.

[99]  Les notes de réunion de Mme Smyth Wilson du 2 juillet 2013 indiquent que la fonctionnaire avait été interrogée à savoir si son équipe avait continué de lui offrir un encadrement. Elle a répondu par l’affirmative. On lui a rappelé qu’elle pouvait demander de l’aide à tout moment. Elle a répondu qu’elle l’avait effectivement demandé à une personne appelée Tracy, qui l’a toujours aidé.

[100]  Les notes de leur réunion du 26 novembre 2013, indiquent que Mme Smythe Wilson a dit à la fonctionnaire qu’elle passerait un après‑midi cette semaine-là pour la rencontrer et l’observer, afin de lui offrir des idées pour améliorer sa productivité.

[101]  En contre‑interrogatoire, M. Cuzner a confirmé que, en réalité, la fonctionnaire avait eu de nombreux formateurs et mentors et qu’il savait que, parfois, elle rencontrait un mentor et observait le travail effectué dans les dossiers. En réalité, M. Cuzner a témoigné qu’il avait passé un après‑midi assis à côté de la fonctionnaire à son bureau pour observer son travail et pour mieux comprendre ses capacités et ses besoins d’amélioration. Sa note au dossier du 30 janvier 2014 indique qu’il a eu l’impression qu’elle connaissait bien les pouvoirs législatifs du Ministère, mais qu’elle était têtue et lente à s’adapter au nouveau modèle de service puisqu’elle continuait d’essayer de [traduction] « tenir la main » des clients tout au long du processus, au lieu de se concentrer sur sa productivité. La note indique qu’il lui a dit de se concentrer simplement sur les renseignements requis pour prendre une décision et de ne pas examiner chaque page d’une demande, par exemple.

[102]  Dans son témoignage, la fonctionnaire a mentionné à plusieurs reprises que des mentors avaient été affectés pour l’aider. Elle a témoigné qu’à un moment donné, elle avait trois mentors qui observaient à tour de rôle son travail et qui lui offraient des idées quant à la façon dont elle pourrait améliorer son efficacité. Elle a ajouté que, parfois, elle estimait que ses mentors ne voulaient pas l’aider et qu’ils auraient préféré qu’on ne leur ait pas confié cette tâche. Elle a également déclaré qu’elle estimait que ses mentors ne lui avaient pas donné l’aide dont elle avait besoin ou n’acceptaient pas ses commentaires visant à lui suggérer d’autres façons avec lesquelles ils pourraient mieux l’aider. Elle a ajouté qu’elle n’a pas fait part à sa superviseure de ses préoccupations quant à son impression que ses mentors n’étaient pas efficaces.

[103]  Étant donné les nombreux témoignages et la preuve documentaire indiquant que la fonctionnaire avait suivi une formation et reçu un encadrement tout au long de la période d’environ trois ans en litige, je conclus qu’elle a reçu les outils, la formation et l’encadrement nécessaires pour répondre aux normes de rendement dans un délai raisonnable.

C.  La mauvaise foi a‑t‑elle entaché l’évaluation du rendement de la fonctionnaire?

[104]  Lorsqu’elles ont examiné les questions liées à l’allégation de mauvaise foi de la fonctionnaire, les parties ont toutes les deux invoqué Raymond. Dans cette décision, il a été conclu qu’une décision prise de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire ne pouvait pas être raisonnable (voir le paragraphe 129). Elle a également indiqué que si une évaluation du rendement d’un employé a été faite de mauvaise foi, elle ne peut pas être raisonnable (voir le paragraphe 131). Enfin, elle a indiqué qu’il n’était pas nécessaire qu’une évaluation soit parfaite pour être jugée raisonnable (voir les paragraphes 140 et 141).

[105]  Je souligne que la « mauvaise foi » est définie comme suit dans le Black’s Law Dictionary, 6e éd. :

[Traduction]

[…] pas simplement un mauvais jugement ou une négligence, mais elle concerne plutôt un méfait accompli sciemment pour des raisons malhonnêtes ou d’obliquité morale […] elle envisage un état d’esprit comportant un objectif furtif ou une mauvaise volonté.

[106]  La fonctionnaire a invoqué Raymond pour soutenir que Mme Smythe Wilson avait adopté un ton négatif avec elle, ce qui a été établi dans le témoignage dans le cadre de la discussion du refus apparemment obstiné de Mme Smythe Wilson de traiter de façon opportune et compatissante les demandes de la fonctionnaire de commencer sa journée de travail plus tôt, de travailler une semaine de travail comprimée et d’obtenir un visionneur de documents pour les dossiers papiers, afin de répondre à ses besoins concernant sa vue.

[107]  La fonctionnaire a également souligné que, malgré les nombreux exemples d’amélioration de son rendement, comme il a été indiqué antérieurement, Mme Smyth Wilson ne lui a offert aucun mot d’encouragement au cours de leurs réunions hebdomadaires d’examen du rendement.

[108]  Plus particulièrement, la fonctionnaire a témoigné qu’elle était une personne matinale. Elle estimait avoir plus d’énergie et pouvoir faire plus de travail le matin. Elle a déclaré que, pendant plusieurs années, elle avait un horaire de travail flexible selon lequel elle commençait à travailler à 7 h, mais que Mme Smythe Wilson a mis fin à cette situation afin que leurs journées de travail coïncident. Elle l’a fait pour veiller à ce que la fonctionnaire puisse faire l’objet d’une surveillance en tout temps.

[109]  La fonctionnaire a témoigné qu’elle avait demandé une deuxième fois qu’on lui permette de continuer de commencer plus tôt, ce qui a été refusé de nouveau par Mme Smythe Wilson. La fonctionnaire l’a alors demandé à M. Cuzner, qui a témoigné qu’il a parlé à Mme Smythe Wilson et qu’il a fait la suggestion éminemment raisonnable que si la fonctionnaire estimait que cela aiderait sa productivité, la demande devrait être accordée.

[110]  La fonctionnaire a également affirmé dans son témoignage que Mme Smythe Wilson a commencé à lui apporter des dossiers de travail. La fonctionnaire a expliqué que les autres employés étaient autorisés à choisir leurs propres dossiers et qu’ils recherchaient normalement les types de dossiers moins détaillés afin de pouvoir les traiter en moins de temps par rapport aux autres dossiers, améliorant ainsi leurs statistiques de productivité.

[111]  La fonctionnaire était d’avis que la plupart des dossiers qui lui étaient confiés étaient plus complexes et qu’il lui fallait donc plus de temps pour les traiter, ce qui faisait en sorte qu’il lui était plus difficile de répondre aux normes de productivité. Dans le témoignage, on a présenté des détails sur les divers dossiers traités au bureau et les divers niveaux de complexité de chacun pour étayer l’affirmation de la fonctionnaire selon laquelle on lui confiait injustement les dossiers les plus complexes et qui exigeaient le plus de temps.

[112]  La fonctionnaire a décrit l’examen d’un dossier et la détermination d’un problème qu’il comporte. Elle a entrepris une recherche et a pu trouver un document qui avait été jugé manquant, ce qui aurait pu autrement causer pour le demandeur des retards potentiellement importants dans l’obtention d’un permis. Malgré le fait qu’elle fournissait un service inestimable au client et qu’elle permettait de corriger l’erreur du dossier et de le faire progresser à une autre étape du traitement du dossier, le temps considérable qu’elle a consacré au dossier n’a pas été considéré comme productif puisque son travail n’a pas entraîné la délivrance d’un permis, soit la façon dont la mesure du rendement était évaluée.

[113]  Les notes prises par un membre de l’équipe de gestion à la réunion de gestion du rendement tenue le 12 novembre 2013, auquel la fonctionnaire a participé, indiquaient qu’en réponse à la question de savoir ce qui pouvait être fait pour améliorer sa productivité, la fonctionnaire a déclaré qu’elle avait un problème visuel tel qu’elle ne pouvait pas bien voir et lire les documents à son bureau et qu’une note du médecin avait été fournie à cet égard. Malgré le fait qu’elle avait déjà fourni une telle note sur sa vue, une semaine plus tard, soit le 18 novembre 2013, sa superviseure, Mme Smythe Wilson, a consigné ce qui suit dans ses notes de réunion :

[Traduction]

[…]

Nous avons ensuite discuté de la lettre que vous avez fournie de votre médecin qui indiquait que vous [la fonctionnaire] « avez besoin d’une mesure d’adaptation pour mieux voir la demande imprimée. » Étant donné que le fait d’être en mesure de voir concerne votre vue, je vous ai demandé si vous aviez consulté un optométriste récemment. Vous avez indiqué que vous aviez fourni une note du médecin concernant la lumière au‑dessus de votre poste de travail.

Au cours de notre réunion, vous avez déclaré que vous trouvez la demande difficile à lire et que vous tenez souvent la demande près de votre visage pour la lire. Je rédigerai une lettre à votre médecin pour demander une évaluation de votre vue. Lors de notre réunion, j’ai dit que je n’étais pas certaine de pouvoir préciser le type de médecin par lequel l’évaluation médicale devrait être effectuée, j’ai reçu des éclaircissements et je demanderai que vous soyez évaluée par un optométriste puisque la difficulté que vous avez indiquée concerne votre vue.

Un porte‑document a été trouvé que vous pourriez utiliser dans l’intervalle. Si d’autres équipements sont recommandés, nous devrons peut‑être organiser une évaluation ergonomique afin de nous assurer qu’ils sont installés correctement. […]

[…]

[114]  Après deux mois, l’équipe de gestion a examiné la demande de la fonctionnaire pour obtenir quelque chose qui l’aiderait à voir les petits caractères du travail qu’elle traitait. Le plan d’action en matière de gestion du rendement a été révisé de façon à indiquer ceci : [traduction] « […] son chef d’équipe lui fournira un soutien en effectuant ce qui suit : […] La direction fournira une feuille d’agrandissement, conformément à la demande de Carol. »

[115]  L’employeur a invoqué la décision de l’arbitre de grief Katkin dans Kalonji à titre d’exemple d’une décision récente de la Commission dans laquelle un fonctionnaire avait soutenu avoir fait l’objet d’un mauvais traitement et d’un traitement différentiel en ce qui concerne la façon dont la direction a appliqué les règles et les mesures disciplinaires. Malgré cela, l’arbitre de grief a souligné son devoir de concentrer son examen sur le caractère raisonnable de l’évaluation de l’employeur, en plus des critères de Raymond mentionnés précédemment.

[116]  L’avocate de l’employeur a également invoqué ma décision dans Williams, qui, à son tour, cite Grant, comme suit :

 

[…]

[306] […] Je tiens à souligner le fait que le pouvoir législatif a orienté mon examen de ces questions et mon analyse de la question de savoir si la mauvaise foi se limitait strictement à l’évaluation du rendement du fonctionnaire, à l’exclusion de ses relations avec ses superviseurs. Comme je l’ai conclu dans la décision que j’ai rendue récemment dans Grant c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTEFP 59, aux paragraphes 108 et 109 :

[108] Le législateur m’oblige à l’art. 230 à examiner la question de savoir s’il était raisonnable que l’employeur estime le rendement du fonctionnaire insuffisant. Je constate que de nombreux fonctionnaires éprouvent des sentiments négatifs dans leur relation avec les superviseurs qui sont aux prises jour après jour avec les difficultés vécues par leur personnel qui sentent la pression de respecter les normes de rendement. Selon moi, l’art. 230 est une reconnaissance par le législateur de ces difficultés et même du ressentiment qui peuvent survenir, mais cette évaluation du rendement doit être examinée séparément et selon son bien‑fondé.

[109] La mauvaise foi, s’il est prouvé qu’elle a entaché l’évaluation du rendement, peut mener à une conclusion de caractère déraisonnable en vertu de l’art. 230. J’accepte le fait que, pour un fonctionnaire qui a vécu des expériences difficiles avec un gestionnaire, cette distinction peut être difficile, voire impossible, pour lui.

[…]

[117]  L’extrait suivant tiré de ma décision dans Grant, invoqué par l’employeur, s’applique également aux éléments de preuve dont je suis saisi en l’espèce :

[…]

[108] […] Je constate que de nombreux fonctionnaires éprouvent des sentiments négatifs dans leur relation avec les superviseurs qui sont aux prises jour après jour avec les difficultés vécues par leur personnel qui sentent la pression de respecter les normes de rendement. Selon moi, l’art. 230 est une reconnaissance par le législateur de ces difficultés et même du ressentiment qui peuvent survenir, mais cette évaluation du rendement doit être examinée séparément et selon son bien‑fondé.

[…]

[118]  Même si, sans aucun doute, certaines des mesures prises par Mme Smythe Wilson ont mené la fonctionnaire à percevoir de façon tout à fait raisonnable que son milieu de travail était froid, je ne crois pas que cela soit suffisant pour parvenir à une conclusion de mauvaise foi de la part de l’employeur puisque le mauvais traitement invoqué par la fonctionnaire ne remet pas en question le caractère raisonnable de l’évaluation de l’employeur de son rendement au‑delà de ce que j’ai déjà mentionné.

IV.  Conclusion et réparation

[119]  J’aurais pu être convaincu par les arguments de l’avocate de l’employeur et les éléments de preuve concernant le non-respect constant par la fonctionnaire des normes de productivité si ce facteur en soi avait été invoqué dans la décision de licencier la fonctionnaire.

[120]  Toutefois, la preuve ne me convainc pas, selon la prépondérance des probabilités, qu’une norme de taux d’erreur a été établie ou communiquée de manière efficace à la fonctionnaire.

[121]  Puisque l’employeur a invoqué à la fois la productivité et le taux d’erreur de la fonctionnaire, je dois faire droit au grief, car je ne peux conclure que l’avis de l’administrateur général selon lequel son rendement était insuffisant était raisonnable.

[122]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)

V.  Ordonnance

[123]  Le grief 566‑02‑10563 est accueilli.

[124]  Le grief 566‑02‑10564 est rejeté.

[125]  Les parties sont invitées à s’entendre sur une réparation appropriée.

[126]   Je demeurerai saisi pendant 90 jours à compter de la date de la présente décision de toute affaire relative à la réparation.

Le 25 février 2020.

Traduction de la CRTESPF

Bryan R. Gray,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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