Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a déposé une plainte auprès de la Commission contre l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) en vertu de l’art. 133 du Code canadien du travail (le « Code ») en vue de demander une mesure corrective – le plaignant devait comparaître à une audience du Tribunal de santé et sécurité au travail (SST) pendant plusieurs jours – il a demandé une modification de son quart de travail pour y comparaître, laquelle a été refusée et il a été informé que la comparution à l’audience constituait une situation personnelle – même si la modification de son quart avait été refusée et qu’une heure de retour au travail précise lui avait été imposée, il a comparu à l’audience et s’est présenté en retard au travail – en conséquence, il a dû prendre un congé non autorisé sans solde et a été suspendu pendant 7,5 heures sans solde pour insubordination – la plainte énonçait deux allégations distinctes de représailles, la première concernant le refus de la modification du quart de travail pour tous les jours de l’audience de SST et la deuxième concernant la suspension disciplinaire d’une journée pour insubordination – la Commission a conclu que la défenderesse a contrevenu à l’art. 147 du Code lorsqu’elle a agi d’une manière qui a pénalisé le plaignant pour avoir exercé ses droits en vertu des articles 128 et 129 – la Commission a conclu que le fait de refuser la modification du quart de travail peut constituer une pénalité et est donc visé par l’art. 147 – conformément au par. 133(6), la défenderesse était tenue d’établir que, selon la prépondérance des probabilités, le refus de la modification du quart de travail ne contrevenait pas à l’art. 147, ce qu’elle n’a pas fait – la Commission a conclu que bien à l’avance, l’employeur avait connaissance de l’horaire des quarts de travail visant la période englobant l’audience de SST et qu’il aurait pu prendre des mesures d’adaptation à l’égard des employés – de plus, la preuve indiquait que le processus mis en œuvre par les gestionnaires de l’ASFC à l’égard des agents des services frontaliers qui devaient comparaître à des audiences quasi judiciaires consistait à leur accorder une modification du quart de travail – en ce qui concerne la suspension disciplinaire, la Commission a conclu que la défenderesse n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que la mesure disciplinaire qu’elle a prise à l’égard du plaignant ne contrevenait pas à l’art. 147 – la Commission a déterminé que l’imposition par la défenderesse d’une heure précise de retour au travail a été effectuée de mauvaise foi, puisqu’elle échappait du contrôle du plaignant parce qu’il était tenu légalement, aux termes d’une citation à comparaître, de comparaître à l’audience quasi judiciaire et d’y rester – par conséquent, il ne pouvait pas être pénalisé.

Plainte accueillie.

Contenu de la décision

Date : 20200520

Dossier : 560-02-127

 

Référence : 2020 CRTESPF 55

 

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Code canadien du travail

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

enTRE

 

RONALD HARRIS

plaignant

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Agence des services frontaliers du Canada)

 

défendeur

Répertorié

Harris c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)

 

Affaire concernant une plainte visée à l’article 133 du Code canadien du travail

Devant :  John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant :  Morgan Rowe, avocate

Pour le défendeur :  Richard Fader, avocat

Affaire entendue à Toronto (Ontario)

du 25 au 27 juin 2019.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION (Traduction de la CRTESPF)

I.  Plainte devant la Commission

[1]  Le 7 septembre 2016, Ronald Harris (le « plaignant ») a déposé une plainte contre l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP), en vertu de l’article 133 du Code canadien du travail (L.R.C., 1985, ch. L-2; le « Code »). Le plaignant a allégué que le défendeur avait pris des mesures contre lui parce qu’il avait interjeté appel de la décision rendue par un agent de santé et sécurité (ASS) au travail le 7 octobre 2014. L’agent avait conclu à l’absence de danger dans le cas du refus de travailler que le plaignant avait exprimé le 11 septembre 2014. Le plaignant a comparu à une audience devant le Tribunal de santé et sécurité au travail Canada (« Tribunal de SST ») entre le 30 mai et le 2 juin 2016. Il a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

Je devais comparaître au Tribunal de santé et sécurité au travail du 30 mai au 2 juin 2016, à Toronto, parce que j’avais interjeté appel de la décision d’un ASS en 2014. Je devais travailler de 11 h 55 à 22 h les 30 et 31 mai. Le Tribunal se trouvait à environ 70 km de chez moi. J’ai demandé un changement de quart aux fins de la comparution, ce qui a été refusé. On m’a dit que la comparution au tribunal était une affaire personnelle. J’ai pris le transport en commun à destination et au retour du tribunal. Je suis passé à la maison afin de me préparer pour le travail, puisque je porte un uniforme, et je suis arrivé au travail à 20 h 10. J’ai été forcé de prendre un congé non payé non autorisé, et j’ai été suspendu sans solde pendant sept heures et demie pour insubordination, le 29 juillet 2016, parce que j’étais arrivé au travail en retard après l’audience. Je crois que le refus de l’employeur de changer mon quart et la suspension constituent des représailles pour avoir interjeté appel de la décision de l’ASS et avoir exercé mes droits en vertu de la partie II du CCT.

[2]  Le plaignant a demandé les mesures correctives suivantes :

Je voudrais que la mesure disciplinaire soit retirée de mon dossier d’employé, et que le congé non payé non autorisé et la suspension de sept heures et demie me soient remboursés. Je voudrais que mon employeur soit renseigné et reçoive une formation sur ses responsabilités et obligations en vertu de la partie II du CCT, afin de m’assurer que cela ne se reproduise plus. Je voudrais que l’employeur respecte la partie II du CCT à l’avenir et qu’il démontre son engagement envers la santé et sécurité, en autorisant les changements de quart aux fins des audiences devant les tribunaux, de façon à ne pas dissuader les employés d’exercer leurs droits ou de participer à l’avenir; que la direction prenne les allégations que j’ai faites contre elle tout aussi au sérieux que celles qu’elle a faites contre moi, et qu’une réprimande quelconque (mesures correctives) appropriée à ce type d’infraction soit imposée aux gestionnaires concernés et à l’Agence – et toute autre mesure corrective jugée appropriée dans les circonstances.

 

[3]  L’article 133 du Code indique ce qui suit :

Plainte au Conseil

133 (1) L’employé — ou la personne qu’il désigne à cette fin — peut, sous réserve du paragraphe (3), présenter une plainte écrite au Conseil au motif que son employeur a pris, à son endroit, des mesures contraires à l’article 147.

[4]  L’article 147 du Code indique ce qui suit :

Interdiction générale à l’employeur

147 Il est interdit à l’employeur de congédier, suspendre, mettre à pied ou rétrograder un employé ou de lui imposer une sanction pécuniaire ou autre ou de refuser de lui verser la rémunération afférente à la période au cours de laquelle il aurait travaillé s’il ne s’était pas prévalu des droits prévus par la présente partie, ou de prendre — ou menacer de prendre — des mesures disciplinaires contre lui parce que :

(a) soit il a témoigné — ou est sur le point de le faire — dans une poursuite intentée ou une enquête tenue sous le régime de la présente partie;

(b) soit il a fourni à une personne agissant dans l’exercice de fonctions attribuées par la présente partie un renseignement relatif aux conditions de travail touchant sa santé ou sa sécurité ou celles de ses compagnons de travail;

(c) soit il a observé les dispositions de la présente partie ou cherché à les faire appliquer.

[5]  Selon les allégations du plaignant, l’un des actes de l’employeur qui constituait des représailles contre lui était une suspension de sept heures et demie qui lui avait été imposée; une lettre du surintendant Greg Glazebrook, en date du 29 juillet 2016, précisait cette suspension en ces termes :

[Traduction]

[…]

Le 27 mai 2016, en présence des surintendants Mahon et Glazebrook, vous avez été avisé qu’un congé vous était octroyé les 30 et 31 mai, de 11 h 55 à 16 h, afin de comparaître au Tribunal de SST situé au 1, rue Front, et d’entendre votre appel d’une décision antérieure du ministère du Travail. On vous a aussi accordé une période raisonnable (16 h à 17 h 25) afin de vous laisser le temps de retourner au travail et de finir votre quart. Durant les consultations, le 14 juin, vous avez nié qu’on vous l’ait dit, malgré le fait que vous ayez déjà avisé la direction que cela ne donnait pas suffisamment de temps chaque jour. Cela est confirmé par le fait que les surintendants Salerno, Glazebrook et Mahon étaient présents à ce moment‑là, et que le congé a été saisi dans la planification de l’affectation du personnel.

Les 30 et 31 mai, vous ne vous êtes pas présenté au travail à 17 h 25, comme prévu, à la suite de votre comparution au Tribunal de SST, et vous vous êtes présenté plutôt à 20 h 10 et à 20 h 12, respectivement. À chacun des jours en question, vous n’avez pas appelé au numéro de signalement des absences suivant la procédure d’usage pour signaler les absences et/ou retards. De plus, le 30 mai, à votre arrivée au travail, vous n’avez pas signalé votre retour à un surintendant de service, en personne ou par radio, ayant plutôt envoyé un courriel à un groupe de surintendants qui n’étaient pas de service. Ce n’est qu’à 20 h 56 que vous avez envoyé votre premier courriel avisant que vous étiez arrivé. Vous avez admis que vous aviez reçu le rappel au sujet du numéro de signalement des absences, qui avait été envoyé par courriel à tout le personnel le 2 mai, et que vous en aviez pris connaissance.

Lorsque le surintendant Salerno vous a informé de l’heure à laquelle vous deviez revenir, vous avez mentionné que vous aviez prévu utiliser le réseau de transport GO Transit à partir de Hamilton et ne pourriez pas revenir à l’heure. Le surintendant Salerno vous a conseillé d’utiliser un autre mode de transport ces deux jours‑là, ce qui vous aurait permis d’arriver au travail à 17 h 25. Même si vous avez nié qu’on vous l’ait dit, le surintendant Glazebrook était présent à ce moment‑là et a confirmé que vous aviez été avisé. Malgré le fait qu’on vous ait avisé, vous avez décidé d’utiliser le réseau de transport GO Transit entre le 1, rue Front, et votre lieu de résidence à Hamilton, en Ontario, avant de tenter de revenir au travail.

Le 30 mai, le surintendant Mahon vous a informé que la direction n’accepterait pas un déplacement de plus de trois heures au retour de l’audience, mais le 31 mai, vous avez décidé d’agir de la même façon. Vous avez cependant signalé votre présence au surintendant de service vers 20 h 12, à votre retour ce jour‑là.

Il ressort clairement des éléments de preuve que vous étiez au courant de l’exigence de revenir au travail à 17 h 25, mais que vous avez décidé d’utiliser un mode de transport pour aller chez vous avant de vous présenter au travail, ce qui a retardé votre arrivée au travail de façon inacceptable. Il est également clair que vous connaissiez les procédures de présence au travail.

J’ai tenu compte des facteurs aggravants suivants :

Lorsque le surintendant Mahon vous a informé par courriel, le 30 mai, qu’un temps de déplacement excédant trois heures ne serait pas acceptable, vous avez décidé d’agir de la même façon le 31 mai.

Vous affirmez que vous étiez parfaitement au courant de la directive de la direction exigeant de signaler vos absences, qui a été réitérée dans le courriel du 2 mai concernant le numéro de signalement des absences au travail. Vous affirmez aussi que la directive exigeant de signaler les absences est sans pertinence, parce que le 27 mai, vous aviez avisé la direction que vous prendriez plus de temps, ayant ainsi négligé ouvertement les solutions de rechange plus raisonnables et décidé arbitrairement que les politiques et procédures clairement signifiées à tous les employés ne s’appliquaient pas à vous.

Comme vous êtes une personne qui a déjà travaillé comme cadre au sein de l’organisme, il est raisonnable de croire que vous êtes parfaitement au courant des procédures de signalement des absences et du fait que les agents doivent signaler leur présence à un surintendant dès leur retour au travail à la suite d’une absence.

La nature grave des allégations non fondées que vous faites à l’égard de la direction en ce qui concerne les tentatives d’entraver le processus judiciaire démontre un manque de respect complet pour la direction et l’Agence.

J’ai examiné les facteurs atténuants suivants :

L’audience devant le tribunal a pris fin plus tard que la direction ne l’avait prévu lorsqu’elle avait octroyé le congé et, par conséquent, le temps de déplacement initial d’une heure et demie aurait pu être envisagé jusqu’à 18 h 30 pour tenir compte des heures supplémentaires qu’avaient exigées les réunions du tribunal et des avocats chaque jour. Cependant, comme vous n’avez pas avisé la direction que l’audience avait eue du retard, conformément à la procédure normale ce facteur n’a pas été plus amplement examiné dans la décision finale.

Votre perception selon laquelle il s’agirait d’un risque pour la santé et la sécurité en raison de la longue journée et du trajet en voiture jusqu’au 1, rue Front.

Les actes ou omissions mentionnés ci-dessus constituent une insubordination et une violation du Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique et du Code de conduite de l’ASFC.

[…]

 

[6]  Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique pour qu’ils deviennent, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») et la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral.

II.  Résumé de la preuve

A.  Contexte

[7]  Le plaignant est à l’emploi du Conseil du Trésor (« CT » ou l’« employeur »), auprès de l’ASFC, comme agent des services frontaliers (ASF) de la Division des opérations commerciales, qui exerce ses activités dans des installations désignées sous le nom de « Cargo 3 » à l’aéroport international Lester B. Pearson (« Pearson »), à Toronto (Ontario). Le plaignant s’est joint à l’ASFC à titre d’étudiant, en 2005, puis est devenu ASF en 2008 et employé pour une période indéterminée en 2016. Cette année‑là, il a travaillé au sein de l’unité des Expéditions de faible valeur (EFV), qui était responsable des services de l’ASFC offerts à l’égard des envois par messagerie à Pearson (c’est‑à‑dire, de FedEx, UPS, Purolator, etc.). Les activités menées à Cargo 3 emploient de 100 à 120 ASF, quoique, à l’époque de la plainte, 18 ou 20 ASF travaillaient dans l’unité des EFV.

[8]  Au moment de l’audience et des questions qui ont donné lieu à la plainte, Greg Glazebrook, Robert Salerno et Thomas Mohan étaient surintendants des Opérations commerciales de l’ASFC à Cargo 3. Au moment des événements qui ont donné lieu à la plainte, ils travaillaient tous au sein de l’unité des EFV. Ils ont tous témoigné. M. Glazebrook s’est joint au prédécesseur de l’ASFC en 2004, comme inspecteur des douanes à Pearson. En 2012, il a été nommé surintendant pour une période indéterminée. M. Salerno a déclaré qu’il s’était joint au prédécesseur de l’ASFC en 2002 comme ASF, et que, en 2007, il avait été nommé surintendant. Il a travaillé aux Opérations commerciales pendant toute sa carrière. M. Mahon s’est joint au prédécesseur de l’ASFC en 1997, comme inspecteur des douanes. Il a commencé à travailler à Cargo 3 en 2001. En 2002 et 2003, il a été délégué syndical. En 2004 et 2005, il a été surintendant intérimaire, et en 2011, il a été nommé au poste de surintendant pour une période indéterminée.

[9]  Au moment de l’audience, Lucido Fauceglia était employé comme ASF à Cargo 3 dans l’unité de la Gestion des services aux entreprises. À l’époque pertinente aux questions faisant l’objet de la plainte, M. Fauceglia travaillait dans l’unité des EFV. Au moment de l’audience, Brian Donohue était ASF à Pearson, au terminal 1. Il s’est joint au prédécesseur de l’ASFC en 1998, comme inspecteur des douanes. Au moment de l’audience, il était vice‑président des finances auprès du Syndicat des douanes et de l’immigration (SDI). Auparavant, M. Donohue a été vice‑président de sa section locale, et avant cela, délégué syndical. Au moment de l’audience, il avait occupé des postes au SDI pour une période d’environ neuf ou dix ans.

[10]  Les conditions d’emploi du plaignant sont régies, en partie, par une convention collective signée le 17 mars 2014, entre le CT et l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour tous les employés du groupe Services frontaliers (la « convention collective »); la convention collective venait à échéance le 20 juin 2014.

[11]  La clause 2.01 de la convention collective comprend les définitions. Le terme « congé » y est défini comme suit : « désigne l’absence autorisée du travail d’un employé-e pendant ses heures de travail normales ou régulières ».

[12]  L’article 25 de la convention collective est intitulé « Durée du travail ». Les clauses pertinentes à la présente affaire sont les suivantes :

[…]

Travail de jour

25.06 Sauf indication contraire dans les paragraphes 25.09, 25.10 et 25.11 :

a.  la semaine normale de travail est de trente-sept virgule cinq (37,5) heures et s’étend du lundi au vendredi inclusivement;

et

b.  la journée normale de travail est de sept virgule cinq (7,5) heures consécutives, sauf la pause-repas, et se situe entre 7 h et 18 h.

25.07 Les employé-e-s sont informés par écrit de leur horaire de travail, ainsi que des changements qui y sont apportés.

[…]

25.09 Horaire variable

a. Nonobstant les dispositions du paragraphe 25.06, l’employé‑e peut, s’il ou elle en fait la demande et que l’Employeur y consent, répartir sa semaine de travail autrement que sur une période de cinq (5) jours à condition que, au cours d’une période de quatorze (14), vingt et un (21) ou vingt-huit (28) jours civils, l’employé-e travaille en moyenne trente-sept virgule cinq (37,5) heures par semaine.

b. Au cours de chaque période de quatorze (14), vingt et un (21) ou vingt-huit (28) jours, l’employé-e doit bénéficier de jours de repos les jours qui ne figurent pas à son horaire de travail normal.

c. Les employé-e-s visés par le présent paragraphe sont assujettis aux dispositions concernant les horaires de travail variables qui figurent aux paragraphes 25.25 à 25.28.

[…]

25.22 Pourvu qu’il soit prévenu suffisamment d’avance, l’Employeur peut :

a.  autoriser les employé-e-s à échanger leurs postes si cela ne fait pas augmenter les frais de l’Employeur;

et

b.  nonobstant les dispositions de l’alinéa 25.13d), autoriser les employé-e-s à échanger leurs postes contre des jours de repos si cela ne fait pas augmenter les frais de l’Employeur.

[13]  L’article 47 de la convention collective s’intitule « Congé pour comparution ». La clause 47.01 est ainsi rédigée :

47.01 L’Employeur accorde un congé payé à l’employé-e pendant la période de temps où il ou elle est sommé :

a. d’être disponible pour la sélection d’un jury;

b. de faire partie d’un jury;

c. d’assister, sur assignation ou sur citation ou autres instruments juridiques, comme témoin à une procédure qui a lieu :

i. devant une cour de justice ou sur son autorisation, ou devant un jury;

ii. devant un tribunal, un juge, un magistrat ou un coroner;

iii. devant le Sénat ou la Chambre des communes du Canada ou un de leurs comités, dans des circonstances autres que dans l’exercice des fonctions de son poste;

iv. devant un conseil législatif, une assemblée législative ou une chambre d’assemblée, ou un de leurs comités, autorisés par la loi à obliger des témoins à comparaître devant eux;

ou

v. devant un arbitre, une personne ou un groupe de personnes autorisés par la loi à faire une enquête et à obliger des témoins à se présenter devant eux.

[14]  La convention collective prévoit plusieurs autres types de congés que les employés peuvent utiliser, dont les suivants peuvent s’avérer pertinents pour la présente plainte :

  • article 34, « Congé annuel payé »;
  • article 44, « Congé non payé pour les obligations personnelles »;
  • article 52, « Congés payés ou non payés pour d’autres motifs ».

 

[15]  La preuve a révélé que les ASF de l’unité des EFV n’étaient pas des travailleurs de jour, mais des travailleurs de quart, qui travaillaient sept jours par semaine à l’un ou l’autre de deux quarts, le premier de 5 h 55 à 16 h, et le deuxième de 11 h 55 à 22 h. Selon le régime de quart, les ASF effectuaient un cycle de quart de cinq jours de service et quatre jours de congé sur une période de 63 jours. Au cours de ce cycle, chaque ASF travaillait en moyenne 37,5 heures par semaine. L’horaire principal, qui était affiché dans le système interne de l’ASFC et auquel tous les superviseurs et les ASF avaient accès, était désigné sous le nom d’« horaire Y106 ». Il était publié au moins 14 jours avant son début, habituellement un dimanche. Selon la preuve présentée, l’employeur fournissait l’horaire Y106 au moins 17 jours avant son début.

[16]  La présente plainte découle d’un refus de travailler qui a été signifié le 11 septembre 2014 (le « refus de travailler du 11 septembre »). À l’époque, le plaignant travaillait aux Opérations de manutention de la cargaison commerciale de l’ASFC, également basées à Cargo 3, qui était responsable de l’inspection des cargaisons maritimes.

[17]  Les cargaisons maritimes sont expédiées dans de grands conteneurs d’acier, qui sont étanches et non aérés. Ils renferment des fumigants chimiques utilisés pour tuer les espèces envahissantes, préserver les cargaisons et optimiser les techniques d’expédition. Les conteneurs transitent des navires à divers entrepôts autorisés de la région de Toronto ou de ses environs, où ils sont subséquemment ouverts et où les ASF peuvent les inspecter. La preuve a révélé que la période écoulée entre l’arrivée d’un conteneur et son ouverture dans un entrepôt peut varier de quelques heures à plusieurs jours. À l’ouverture d’un conteneur, les fumigants chimiques se dispersent dans l’air. Le refus de travailler avait été signifié en raison de l’échappement des fumigants chimiques des conteneurs dans les entrepôts et de la question connexe de la sécurité des ASF lorsqu’ils inspectent les cargaisons qui se trouvent dans les conteneurs.

[18]  Dans le cadre du refus du 11 septembre, le plaignant et d’autres employés de l’ASFC ont refusé de travailler au titre de l’article 128 du Code, en raison de leurs préoccupations au sujet des fumigants qui pouvaient se trouver dans l’entrepôt à l’intérieur duquel ils devaient inspecter des cargaisons. Avant ce refus, le 1er mai 2014, le plaignant, M. Fauceglia et 21 autres employés de l’ASFC avaient exercé un autre droit de refus (le « refus de travailler du 1er mai ») à l’égard de la même question. Le 2 mai 2014, l’ASS Chris Wells a lancé une enquête sur ce refus. Le 22 mai 2014, M. Wells a publié son rapport, qui concluait à l’existence d’un danger.

[19]  L’ASS Greg Garron a enquêté sur le refus de travailler du 11 septembre en vertu de l’article 129 du Code. Il menait déjà une enquête sur un semblable refus de travailler que d’autres ASF avaient exprimé, y compris M. Fauceglia, à l’égard des fumigants chimiques et des conteneurs d’expédition, le 20 août 2014 (le « refus de travailler du 20 août »).

[20]  La preuve a révélé qu’à la suite du refus de travailler du 1er mai, l’ASFC avait établi de nouvelles procédures opérationnelles de sûreté, auxquelles les employés devaient se conformer lorsqu’ils inspectaient des cargaisons dans des entrepôts mettant en cause des conteneurs d’expédition maritime et des fumigants.

[21]  Les parties pertinentes des articles 128 et 129 du Code indiquent ce qui suit :

Refus de travailler en cas de danger

128 (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l’employé au travail peut refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche s’il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

a) l’utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;

b) il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;

c) l’accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé.

[…]

Enquête par l’employeur

(7.1) Saisi du rapport fait en application du paragraphe (6), l’employeur fait enquête sans délai en présence de l’employé. Dès qu’il l’a terminée, il rédige un rapport dans lequel figurent les résultats de son enquête.

Mesures à prendre par l’employeur

(8) Si, à la suite de son enquête, l’employeur reconnaît l’existence du danger, il prend sans délai les mesures qui s’imposent pour protéger les employés; il informe le comité local ou le représentant de la situation et des mesures prises.

Maintien du refus

(9) En l’absence de règlement de la situation au titre du paragraphe (8), l’employé, s’il y est fondé aux termes du présent article, peut maintenir son refus; il présente sans délai à l’employeur et au comité local ou au représentant un rapport circonstancié à cet effet.

[…]

Décision de l’employeur

(13) Après avoir reçu un rapport au titre des paragraphes (10.1) ou (10.2) et tenu compte des recommandations, l’employeur, s’il n’a pas l’intention de fournir des renseignements complémentaires en vertu du paragraphe (10.2), prend l’une ou l’autre des décisions suivantes :

a) il reconnaît l’existence du danger;

b) il reconnaît l’existence du danger mais considère que les circonstances prévues aux alinéas (2)a) ou b) sont applicables;

c) il conclut à l’absence de danger.

Décision — alinéa (13)a)

(14) S’il reconnaît l’existence du danger en vertu de l’alinéa (13)a), l’employeur prend sans délai les mesures qui s’imposent pour protéger les employés; il informe le comité local ou le représentant de la situation et des mesures prises.

Décision — alinéas (13)b) ou c)

(15) S’il prend la décision visée aux alinéas (13)b) ou c), l’employeur en informe l’employé par écrit. L’employé qui est en désaccord avec cette décision peut maintenir son refus, sous réserve des paragraphes 129(1.2), (1.3), (6) et (7).

Information au ministre

(16) Si l’employé maintient son refus en vertu du paragraphe (15), l’employeur informe immédiatement le ministre et le comité local ou le représentant de sa décision et du maintien du refus. Il fait également parvenir au ministre une copie du rapport qu’il a rédigé en application du paragraphe (7.1) ainsi que de tout rapport visé aux paragraphes (10.1) ou (10.2).

[…]

Enquête du ministre

129 (1) Le ministre, s’il est informé de la décision de l’employeur et du maintien du refus en application du paragraphe 128(16), effectue une enquête sur la question sauf s’il est d’avis :

a) soit que l’affaire pourrait avantageusement être traitée, dans un premier temps ou à toutes les étapes, dans le cadre de procédures prévues aux parties I ou III ou sous le régime d’une autre loi fédérale;

b) soit que l’affaire est futile, frivole ou vexatoire;

c) soit que le maintien du refus de l’employé en vertu du paragraphe 128(15) est entaché de mauvaise foi.

[…]

Décision du ministre

(4) Au terme de l’enquête, le ministre prend l’une ou l’autre des décisions visées aux alinéas 128(13)a) à c) et informe aussitôt par écrit l’employeur et l’employé de sa décision.

[…]

Instructions du ministre

(6) S’il prend la décision visée à l’alinéa 128(13)a), le ministre donne, en application du paragraphe 145(2), les instructions qu’il juge indiquées. L’employé peut maintenir son refus jusqu’à l’exécution des instructions ou leur modification ou annulation dans le cadre de la présente partie.

Appel

(7) Si le ministre prend la décision visée aux alinéas 128(13)b) ou c), l’employé ne peut se prévaloir de l’article 128 ou du présent article pour maintenir son refus; il peut toutefois — personnellement ou par l’entremise de la personne qu’il désigne à cette fin — interjeter appel de la décision par écrit au Conseil dans un délai de dix jours à compter de la réception de celle-ci.

[22]  Le 1er octobre 2014, l’ASS Garron a remis son rapport d’enquête sur les refus de travailler du 20 août et du 11 septembre (la « décision du 1er octobre »), qui concluait à l’absence de danger. Le 7 octobre 2014, le plaignant et M. Fauceglia ont interjeté appel de la décision du Tribunal de SST. Aucun des autres employés de l’ASFC qui avaient pris part aux refus de travailler du 20 août et du 11 septembre n’a interjeté appel de cette décision.

[23]  Le Tribunal de SST a mis au rôle l’audience relative à l’appel du 8 au 12 février 2016. Pour des motifs non divulgués et sans rapport avec la présente affaire, l’audience a été reportée et mise au rôle à nouveau pendant la semaine du 30 mai au 3 juin 2016 (l’« audience SST »). Le 5 avril 2016, le Tribunal de SST a avisé les représentants des parties des dates, du lieu et de l’heure de début de l’audience SST.

[24]  Le 21 avril 2016, M. Fauceglia a envoyé un courriel (le « courriel du 21 avril ») à MM. Salerno, Mahon et Glazebrook, avec copie au plaignant et au chef Siegfried Funk, concernant l’audience SST; le courriel indiquait ce qui suit :

[Traduction]

Nous avons confirmé les dates de l’audience du TSSTC qui se tiendra au 1, rue Front, du lundi 30 mai au vendredi 3 juin 2016, à partir de 9 h (voir la pièce jointe).

Ron et moi devrons être au tribunal à ces dates.

Je ne sais pas si vous devrez présenter une demande Y107 ni comment cela fonctionne.

Actuellement, nous n’avons même pas d’horaire après la fin de mai alors j’ignore ce que vous avez à faire de votre côté.

[…]

[25]  Le terme « demande Y107 » désigne une demande de changement de quart dans le système d’horaire électronique.

[26]  La preuve a révélé qu’une copie de la lettre du 5 avril 2016, adressé par le Tribunal de SST aux représentants des parties afin de les aviser des dates, de l’heure de début et du lieu de l’audience SST, était jointe au courriel du 21 avril.

[27]  M. Salerno a déclaré qu’il avait reçu le courriel du 21 avril et la lettre qui y était jointe. Il a ajouté qu’à ce moment‑là, l’horaire Y106 pour la période couvrant l’audience SST n’était pas émis au‑delà de la fin‑mai. À la question de savoir si le plaignant avait présenté des demandes distinctes de celles indiquées dans le courriel du 21 avril, M. Salerno a répondu que non. Lorsqu’il a été prié de dire ce qu’il avait fait en réponse au courriel, M. Salerno a dit qu’il n’avait rien fait, parce qu’il n’était pas certain qu’il était en fonction. Il a affirmé qu’il avait probablement laissé l’un des autres surintendants s’en occuper.

[28]  Le 2 mai 2016, M. Salerno a envoyé un courriel à tous les membres de l’unité des EFV, avec copie à MM. Mahon et Glazebrook, afin de leur rappeler les exigences en matière de signalement lorsqu’ils ne se présentaient pas au travail ou arrivaient en retard. La partie pertinente du courriel indique ce qui suit :

[Traduction]

Je tenais à vous rappeler brièvement que si vous prenez un congé de maladie ou pour obligations familiales (ou un autre congé qui doit être approuvé au préalable), vous devez appeler au numéro de signalement des absences, le 905-612-5320, et vous adresser au surintendant de service ou laisser un message.

Dans les cas où vous êtes en route pour le travail, mais savez que vous serez en retard (de 10 à 15 minutes), vous pouvez appeler au bureau des surintendants des EFV, au 905-612-7978, et vous adresser à l’un des surintendants des EFV ou laisser un message.

Lorsque vous laissez un message au numéro de signalement des absences, assurez‑vous de laisser un message clair comprenant les renseignements suivants :

· Nom

· Quart

· Unité

· Motif de l’absence au travail

· Type de congé demandé

· Un numéro de téléphone où l’on peut vous joindre

Si votre message n’est pas suffisamment précis, vous recevrez éventuellement un appel d’un surintendant qui demandera plus de précisions.

Lorsque vous laissez un message aux surintendants des EFV parce que vous êtes en retard, assurez‑vous de laisser un message clair comprenant les renseignements suivants :

· Nom

· Quart

· Vers quelle heure vous arriverez et/ou commencerez votre quart

· Motif du retard

· Type de congé demandé (vacances, DEFM ou remplacement de jour férié)

· Un numéro de téléphone où l’on peut vous joindre

Si vous avez appelé pour aviser que vous êtes en retard, assurez‑vous de trouver un surintendant des EFV à votre arrivée afin de nous signaler que vous êtes là; si aucun surintendant n’est disponible, envoyez un courriel à tous les surintendants des EFV pour indiquer que vous êtes arrivé.

[…]

[29]  L’audience SST a eu lieu entre le 30 mai et le 2 juin 2016, à Toronto, au 1, rue Front, 5e étage (adresse du lieu de l’audience), dans les salles d’audience du Conseil canadien des relations industrielles (CCRI). Cet immeuble est situé au cœur du centre‑ville de Toronto, entre les rues Yonge et By, juste en face de la rue Bay depuis la Gare Union, aux arrivées et départs des trains de GO Transit et Union Pearson (UP) Express.

[30]  Le train UP Express se rend jusqu’à Pearson et fait un arrêt à côté du terminal 1. Il passe toutes les 15 minutes et prend 25 minutes pour effectuer le trajet entre la Gare Union et le terminal 1. GO Transit est un système transbordeur régional qui dessert la région du Grand Toronto et les municipalités des environs au moyen d’autobus et de trains (« trains GO »).

[31]  M. Glazebrook a déclaré que Cargo 3 est situé au 2720, chemin Britannia, qui se trouve en plein centre du complexe Pearson. La preuve a révélé que les ASF qui travaillent à Cargo 3 bénéficient du stationnement sans frais. Il est bien connu qu’il y a un stationnement pour le grand public au terminal 1 à Pearson, où se trouve la gare des trains UP, ainsi qu’au terminal 3, d’où une navette relie la gare UP.

[32]  À l’époque de l’audience SST, selon son témoignage, le plaignant habitait au centre de Hamilton (Ontario), à une dizaine de minutes de marche de la gare GO Transit de Hamilton. Par ailleurs, au moment de la présente audience et de l’audience SST, une gare ferroviaire GO se trouvait dans le voisinage de Pearson et de Cargo 3.

[33]  Durant l’audience SST, le plaignant devait effectuer le quart de 11 h 55 à 22 h les lundi 30 et mardi 31 mai et faire relâche le reste de la semaine (les 1er et 2 juin 2016).

[34]  M. Salerno a déclaré que le jeudi 26 mai 2016, M. Fauceglia s’était adressé à lui au sujet d’un changement de quart, en raison de l’audience SST qui devait débuter le lundi 30 mai suivant, à 9 h. Dans son témoignage, M. Fauceglia ne se souvenait pas de cette rencontre. M. Salerno a affirmé qu’il avait dit à M. Fauceglia qu’il devait s’adresser aux Relations de travail (RT).

[35]   M. Salerno a affirmé qu’il avait parlé avec Pnina Ptasznik des RT. Selon lui, en ce qui concernait l’audience SST, les employés devaient être rémunérés pour la période qu’ils y passaient, mais qu’on ne devait pas leur accorder de changement de quart. M. Salerno a affirmé qu’il avait aussi discuté du cas du plaignant avec Mme Ptasznik, et qu’il avait été avisé que, pour une partie de l’audience SST, le plaignant ne serait pas de service, mais qu’il serait rémunéré pour la durée de l’audience qui chevauchait son quart. Il devait en outre disposer d’un temps de déplacement raisonnable pour revenir au travail. Ce temps de déplacement raisonnable devait durer une heure et demie, à partir de 16 h, parce qu’on croyait que l’audience SST se terminerait à cette heure‑là.

[36]  M. Fauceglia a déclaré que le 26 mai 2016, il a parlé avec M. Salerno. Il tentait de déterminer ce qu’il était censé faire au sujet de l’audience SST qui avait lieu la semaine suivante. M. Fauceglia a affirmé qu’il avait montré l’assignation à M. Salerno, et que ce dernier avait reconnu que M. Fauceglia devait comparaître. Aucune copie de l’assignation n’a été produite en preuve, et M. Fauceglia ne se souvenait pas de la date qui y était indiquée.

[37]  M. Fauceglia a affirmé que M. Salerno lui avait parlé une deuxième fois le 26 mai 2016. Il a affirmé qu’à ce moment‑là, M. Salerno lui avait dit qu’il pouvait se rendre à l’audience SST directement de chez lui. M. Fauceglia a affirmé que M. Salerno lui avait aussi dit comment rendre compte de la période passée à l’audience SST sur sa feuille de temps. Il a affirmé qu’il pensait que M. Salerno lui avait dit de consigner la période conformément à l’article 47 de la convention collective. Il a ajouté qu’il croyait s’être fait dire : [traduction] « Pas de demande Y107 ».

[38]  M. Fauceglia a affirmé que pendant le premier jour de l’audience SST, il était de service, mais que les quatre jours suivants étaient ses jours de relâche. Il a fait allusion au fait qu’en raison du caractère personnel de l’affaire, il ne devait pas y avoir de demande Y107. Il a ajouté qu’il n’était pas tenu de se présenter au travail le lundi 30 mai 2016, avant d’aller à l’audience SST.

[39]  Il a été demandé à M. Fauceglia si sa discussion avec M. Salerno avait porté uniquement sur sa situation, ou s’il avait été question de celle du plaignant. Il a répondu qu’il croyait qu’il avait été uniquement question de sa propre situation, mais qu’il s’était peut‑être enquis de celle du plaignant.

[40]  M. Fauceglia a déclaré qu’il habitait tout près de l’intersection de la rue Keele et de l’avenue St. Clair Ouest, à Toronto, à environ 10 kilomètres au nord‑ouest du 1, rue Front, un endroit assez central à Toronto. Pearson se trouve à environ 20 km au nord‑ouest de cette intersection.

[41]  M. Salerno a déclaré qu’après sa discussion avec Mme Ptasznik, le 26 mai 2016, il avait saisi dans le système de planification des quarts les données relatives aux quarts du plaignant pendant les deux premiers jours de l’audience SST. Une copie du [traduction] « Rapport de vérification des changements de quart » indiquant les inscriptions concernant le plaignant dans le système a été déposée en preuve. Selon M. Salerno, tous les ASF ont accès aux données de planification des quarts, y compris les changements de quart indiqués dans le « Rapport de vérification des changements de quart ». Cependant, seuls les surintendants autorisés peuvent saisir des modifications dans le système de planification des quarts.

[42]  Le « Rapport de vérification des changements de quart » déposé en preuve a révélé que le 26 mai 2016, à 14 h 51, M. Salerno avait enregistré une modification concernant le plaignant dans le système de planification des quarts, et que les 30 et 31 mai, ce dernier devait se présenter à l’audience SST. Les heures saisies vont de 11 h 55 à 17 h 25, et il est indiqué qu’il s’agissait de cinq heures et demie de congé payé (clause 47.01).

[43]  Le plaignant a déclaré qu’il n’avait pas travaillé le 26 mai 2016, mais qu’il avait reçu un message texte de M. Fauceglia concernant sa discussion avec M. Salerno ce jour‑là. Le plaignant a affirmé que le texte de M. Fauceglia indiquait que celui‑ci avait parlé à M. Salerno, qui lui avait dit que le plaignant recevrait un congé afin de se présenter à l’audience SST, mais qu’il devait revenir au travail après et qu’aucun véhicule de l’ASFC ne serait fourni.

[44]  En contre‑interrogatoire, M. Fauceglia a affirmé qu’il ne se souvenait pas d’avoir parlé au plaignant après sa discussion avec M. Salerno le 26 mai 2016. Par ailleurs, il lui a été rappelé que le plaignant avait affirmé que M. Fauceglia lui avait envoyé un message texte après sa discussion avec M. Salerno, ce à quoi M. Fauceglia a rétorqué que cela ne lui disait rien, mais que c’était probable. Lorsqu’on a demandé à M. Fauceglia s’il avait pris des notes de sa discussion avec M. Salerno le 26 mai 2016, il a répondu que oui, quoique pas simultanément. Il les a prises dans son carnet d’agent le 30 mai 2016, entre 5 h 55 et 16 h, en ces termes :

[Traduction]

2016-05-30, de 5 h 55 à 16 h au TSSTC aujourd’hui. J’ai avisé le surint. SALERNO que je devais comparaître à une audience du Tribunal de santé et sécurité au travail Canada, à la fois comme témoin et comme appelant. Le surint. SALERNO a examiné mes documents et a reconnu que je devais comparaître. Il m’a dit de coder ma feuille de temps comme s’il s’agissait d’une journée régulière de neuf heures et 55 minutes, parce que cette situation correspond à la définition énoncée à l’alinéa 47.01c)(v) de la convention collective. À ce titre, je me suis rendu au tribunal directement de chez moi et je suis retourné à la maison à la fin de la journée. Assignation à comparaître devant un agent d’appels : no 891‑01‑594 2014‑45.

[45]  Aucun message texte n’a été déposé en preuve.

[46]  Une copie de [traduction] l’« assignation à comparaître » au Tribunal de SST signifiée au plaignant le 27 mai 2016 a été déposée en preuve. La preuve a révélé que l’Alliance de la Fonction publique du Canada l’avait envoyée par courriel à l’adresse personnelle du plaignant, le 27 mai 2016, à 14 h 58. M. Salerno a déclaré qu’il avait vu l’assignation pour la première fois au cours de la semaine précédant la comparution à l’audience devant moi. Rien n’indique que l’assignation ait été fournie à l’un ou l’autre des trois surintendants qui ont témoigné devant moi avant le 11 août 2016, date qui correspond à celle de deux courriels que le plaignant a envoyés, le premier à 15 h 30, de son adresse de courriel personnelle à celle de son adresse de courriel professionnelle, et le deuxième à 15 h 34, de son adresse de courriel professionnelle à M. Glazebrook.

B.  La réunion du 27 mai 2016

[47]  Le 27 mai 2016, une réunion a eu lieu au bureau des surintendants (la « réunion du 27 mai »). Pendant son interrogatoire principal, le plaignant a ainsi évoqué ce qui s’est passé à cette occasion :

  • il est arrivé pour son quart à 11 h 55 ce jour‑là et a consulté ses courriels;

ensuite, il s’est rendu au bureau des surintendants, et MM. Mahon et Glazebrook s’y trouvaient;

  • une discussion a suivi, au cours de laquelle il a affirmé qu’il leur avait dit qu’il devait comparaître à l’audience SST le lundi, qu’elle avait débuté à 9 h, et qu’il devait travailler de 11 h 55 à 22 h;
  • il a affirmé qu’il leur avait dit qu’il avait entendu dire qu’il n’obtiendrait pas de changement de quart et qu’ils ont confirmé que c’était exact;
  • il a affirmé qu’à ce moment‑là, M. Salerno était entré dans le bureau et avait dit que les surintendants n’étaient pas autorisés à changer son quart et qu’il devait se présenter au travail après l’audience SST;
  • il a affirmé qu’il avait demandé un véhicule de l’ASFC, qu’on le lui avait refusé et qu’il avait été avisé qu’il lui incombait de se rendre à l’audience SST par ses propres moyens, parce qu’il s’agissait d’une affaire personnelle;
  • il a dit aux trois surintendants qu’il ne s’agissait pas d’une affaire personnelle, qu’il s’agissait d’une préoccupation de SST pour tous les employés du bureau, et qu’il s’agissait d’une affaire concernant l’ASFC;
  • il a affirmé que M. Salerno n’était pas d’accord;
  • les trois surintendants ont affirmé qu’ils lui alloueraient du temps pour comparaître à l’audience SST, qu’il devait revenir au travail et qu’il n’obtiendrait pas de véhicule de l’ASFC;
  • il a affirmé qu’il leur avait dit qu’il partirait de Hamilton et qu’il utiliserait GO Transit en raison de la circulation;
  • il a affirmé que M. Salerno avait dit que c’était son choix, et qu’ils ne pouvaient pas l’enjoindre à faire quelque chose en particulier.

 

[48]  Lorsque son représentant lui a demandé s’il avait été mentionné qu’un temps de déplacement d’une heure et demie lui était alloué ou qu’il devait être revenu de l’audience SST à 17 h 25, le plaignant a répondu qu’il n’en avait pas été question. Son représentant lui a ensuite demandé pourquoi il en était aussi certain, et il a répondu : [traduction] « Si cette question avait été soulevée – ce délai –, cela m’aurait posé un problème, et j’aurais dit que j’ignorais à quelle heure l’audience se terminait ».

[49]  M. Glazebrook a déclaré que M. Mahon et lui étaient assis dans son bureau lorsque le plaignant était venu à la porte et leur avait parlé d’un changement de quart afin de comparaître à l’audience SST. Il a affirmé qu’après la réponse de M. Mahon qu’il examinerait cela, il a vu M. Salerno s’en venir vers le bureau, et il a su M. Salerno avait déjà parlé aux RT à ce propos. Il a affirmé que M. Salerno était entré et qu’il avait informé ce dernier au sujet de sa discussion avec M. Mahon et le plaignant à ce sujet. M. Glazebrook a ajouté que M. Salerno avait informé les trois autres de sa discussion avec les RT.

[50]  M. Glazebrook a affirmé que le plaignant n’avait pas droit à un changement de quart. Cependant, il avait droit à une rémunération pour la période qu’il passerait à l’audience SST et à être indemnisé pour son temps de déplacement d’une heure et demie. M. Glazebrook a affirmé que le plaignant leur avait dit qu’il prendrait le train GO sur place. Il a ajouté que M. Salerno avait dit au plaignant que les surintendants ne pouvaient pas lui dicter comment se déplacer, mais qu’il devait songer à utiliser une voiture. M. Glazebrook a dit que les surintendants croyaient comprendre que l’audience SST se terminerait à 16 h. Il a dit qu’ils n’avaient proposé aucune autre solution, mais que l’utilisation d’une voiture aurait permis au plaignant de rentrer au travail à l’heure.

[51]  M. Glazebrook a affirmé que le plaignant était visiblement contrarié à la réunion du 27 mai. En ce qui concerne les jours de l’audience SST allant du mercredi 1er au vendredi 3 juin 2016, M. Glazebrook a affirmé que le plaignant avait demandé un changement de quart pour ces jours‑là, parce qu’il faisait relâche et voulait être rémunéré pour ces jours‑là. Lorsqu’il a été questionné au sujet du changement de quart demandé pour les lundi et mardi (30 et 31 mai 2016), il a dit que le plaignant souhaitait que son quart de 11 h 55 à 22 h soit changé pour un quart de 5 h 55 à 16 h, et ainsi être, pleinement rémunéré pour le temps qu’il passait à l’audience SST.

[52]  En contre‑interrogatoire, M. Glazebrook a été informé que le plaignant déclarerait qu’il se souvenait qu’on lui avait dit à la réunion du 27 mai qu’on lui allouerait un temps de déplacement raisonnable. Il a été suggéré à M. Glazebrook que c’était peut‑être ce qui avait été dit au plaignant, et non qu’il disposerait d’une heure et demie pour effectuer le déplacement. M. Glazebrook a réitéré qu’on avait dit au plaignant qu’il disposait d’une heure et demie pour revenir à Cargo 3.

[53]  M. Mahon a affirmé que M. Glazebrook et lui se trouvaient dans le bureau des surintendants lorsque le plaignant était venu leur parler. Il a affirmé qu’il savait que les changements de quart pouvaient poser un problème. Il a confirmé que M. Salerno s’était adressé aux RT la veille. Peu de temps après l’arrivée du plaignant, M. Salerno est entré dans la pièce et leur a dit ce que les RT lui avaient conseillé. M. Salerno a dit aux personnes réunies qu’il n’y aurait pas de changement de quart aux fins de l’audience SST. Cependant, le plaignant allait obtenir un congé payé pour la période de l’audience SST qui chevauchait ses heures de travail, ainsi qu’un temps de déplacement.

[54]  M. Mahon a déclaré que le plaignant était mécontent de cette situation et qu’il avait dit qu’il prendrait le train GO à partir de Hamilton. Il a affirmé que M. Salerno avait dit au plaignant qu’il ne lui dirait pas quoi faire, qu’il lui avait suggéré d’envisager des solutions de rechange et qu’il devrait probablement prendre sa voiture.

[55]  Lorsqu’on a demandé à M. Mahon d’où émanait le délai d’une heure et demie, il a répondu que M. Salerno avait dit qu’ils devaient accorder une heure et demie au plaignant, ce qui était une période raisonnable. Il a affirmé que le plaignant devait être de retour à 17 h 25, ce qui lui était resté ancré dans l’esprit. Lorsqu’il a été questionné sur la justification du retour à 17 h 25, M. Mahon a dit que les quarts fonctionnent de cette façon.

[56]  En contre-interrogatoire, on a rappelé à M. Mahon que le plaignant déclarait qu’avant la fin de la journée du 27 mai 2016, il avait réitéré sa demande de changement de quart, et que M. Mahon en effectuait le suivi. M. Mahon a rétorqué qu’il n’était pas d’accord et que cela semblait peu probable, parce qu’ils avaient reçu des avis définitifs des RT.

[57]  Un échange de courriels entre plusieurs personnes au sujet des quarts du plaignant les 30 et 31 mai 2016 et de sa comparution à l’audience SST a été déposé en preuve. Le premier courriel a été envoyé par Jean‑Rodrigue Yoboua, le représentant de l’agent négociateur agissant pour le plaignant dans l’appel SST, et à Christine Langill, la conseillère juridique de l’employeur. Les parties pertinentes de cet échange de courriels sont ainsi rédigées :

[Traduction]

[M. Yoboua à Mme Langill, le 27 mai 2016, à 15 h 25 :]

Ron Harris s’est fait dire par son employeur qu’il devra effectuer son quart de 12 h à 22 h, lundi et mardi. Nous avons obtenu les assignations des deux appelants, mais l’employeur tient encore à ce que Ron travaille. Pouvons‑nous discuter de l’octroi d’un congé pour la durée de l’audience et ne pas l’obliger à travailler après l’audience? Il aura une longue journée devant lui s’il doit travailler et faire la navette entre Toronto et Hamilton chaque jour.

[Mme Langill à M. Yoboua, le 27 mai 2016, à 15 h 29 :]

J’ai transmis votre message à mon client et je vous aviserai si je reçois une mise à jour ou des instructions en réponse à votre question.

[58]  Le courriel de M. Yoboua a été transmis à M. Mahon le 27 mai 2016, à 16 h 46. À 17 h 24 ce jour‑là, M. Mahon a envoyé à plusieurs personnes, y compris M. Salerno et Mme Ptasznik,. un courriel ainsi rédigé :

[Traduction]

Rob Salerno a parlé de cette affaire à la responsable locale des Relations de travail, Pnina Ptasznik, le jeudi 26 mai. Mme Ptasznik a avisé Rob que l’employeur était obligé d’octroyer un congé payé aux employés pour la période au cours de laquelle ils doivent se désister de leurs quarts prévus pour comparaître à l’audience, ainsi qu’un temps de déplacement raisonnable, mais que nous ne sommes pas tenus, et ne devrions pas, en fait, changer leurs quarts ou les affecter à un quart pour comparaître à l’audience.

Mme Ptasznik a dit qu’elle se renseignerait davantage et appellerait Rob si elle obtenait des directives différentes. Nous n’avons pas eu d’autres nouvelles d’elle depuis lors. J’ai envoyé un courriel à Mme Ptasznik et à sa collègue, Vidyia Boodhoo, cet après‑midi à 15 h 36, pour faire un suivi, et je n’ai pas reçu de réponse. J’ai aussi appelé Mme Ptasznik à cette heure‑là, mais je suis tombé sur la boîte vocale.

Ron Harris doit travailler les lundi et mardi de cette semaine‑là, de 11 h 55 à 22 h. Il est en congé du mercredi au vendredi. À notre connaissance, le fait que Ron présente une demande de congé pour le reste de ses quarts ne pose aucun problème, à notre avis, s’il ne souhaite pas revenir au travail après l’audience.

Lou Fauceglia doit travailler seulement le lundi cette semaine‑là. Et Rob lui a donné la permission d’utiliser tout le quart pour assister à l’audience ce jour‑là, puisque Lou est affecté de 5 h 55 à 16 h.

Comme je l’ai déjà indiqué, en ce moment ce sont les directives que nous avons reçues des Relations de travail, alors nous n’avons rien à ajouter en l’absence de plus amples directives des Relations de travail ou de la haute direction.

[59]  La chaîne de courriels se poursuit du 30 mai au 1er juin 2016. Mme Ptasznik a envoyé à plusieurs personnes, y compris MM. Mahon et Salerno, un courriel ainsi rédigé :

[Traduction]

[Le 30 mai 2016, à 16 h 42 :]

J’avais parlé à Robert [Salerno] la semaine dernière au sujet du congé, etc., et depuis j’ai tenté de confirmer toutes les réponses. Il me reste à recevoir une confirmation. Il est évident que les employés ne doivent pas être pénalisés parce qu’ils comparaissent devant le tribunal. Cependant, lorsque je lis la Loi et la convention collective je ne vois aucun $ [sic] pour le déplacement. Je ne vous ai pas oubliés et nous obtiendrons la confirmation définitive de la réponse.

[Le 1er juin 2016, à 10 h 25 :]

Bonjour tout le monde, je voulais seulement confirmer qu’il n’y a aucune obligation de payer le déplacement ou des heures supplémentaires pour ce genre d’affaires aux employés qui comparaissent devant le tribunal. Si un employé doit être au travail, il va sans dire qu’il ne doit pas être pénalisé pour avoir comparu à l’audience. Cependant, la façon de s’y rendre pour cette personne ne relève pas de la responsabilité de l’employeur.

[60]  M. Mahon a déclaré qu’environ une semaine ou 10 jours après la réunion du 27 mai, il avait rédigé un résumé de la question qui indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Le vendredi 27 mai, vers 14 h 30, Ron Harris est entré dans le bureau des surintendants afin de parler aux gestionnaires EFV de sa comparution devant un tribunal de SST la semaine suivante. Rob Salerno, Greg Glazebrook et moi étions dans le bureau. Ron avait demandé s’il pouvait être muté d’un quart d’après‑midi à un quart de jour les lundi et mardi de la semaine suivante, les 30 et 31 mai. Rob a avisé Ron que nous avions communiqué avec les Relations de travail et qu’on nous avait dit que nous ne pouvions pas changer ses quarts afin de les harmoniser avec les heures de l’audience. Que nous pouvions lui octroyer un congé payé pour se présenter à la cour aux heures où elle siégeait alors qu’il devait travailler, et que nous pouvions aussi lui allouer un temps de déplacement raisonnable pour revenir au travail après l’audience, puisque dans les jours en questions, il devait travailler de 11 h 55 à 22 h. Rob a dit à Ron qu’on lui allouait environ une heure et demie pour revenir au travail à la fin de l’audience chaque jour. Rob a dit à Ron que cela voulait dire que si l’audience se terminait à 16 h comme prévu, il devait être de retour au travail vers 17 h 25 et enregistrer cette information dans l’infotexte du LSG, et la communiquer à Ron [sic, il devrait s’agir de Rob] en personne. Ron a dit qu’il prévoyait prendre le train GO entre son domicile, à Hamilton, et le tribunal, et qu’il ne pensait pas pouvoir venir au travail dans le délai accordé. Rob a réitéré que le délai accordé était une période raisonnable et a suggéré à Ron d’envisager d’autres solutions pour se rendre au tribunal et venir au travail dans le délai accordé, comme d’utiliser sa voiture pour se rendre directement au tribunal, par exemple. La conversation a pris fin à ce moment‑là et Ron a quitté le bureau. Peu de temps après cela, Rob et Greg ont quitté les lieux à la fin de leur quart.

[…]

[61]  M. Glazebrook a déclaré qu’après avoir été chargé de mener une enquête disciplinaire, il a aussi rédigé un résumé de la réunion du 27 mai, qui indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Vers 14 h 30, j’étais dans mon bureau avec le surintendant Mahon. L’ASF Harris est venu à la porte et a questionné le surintendant Mahon au sujet d’un changement de quart parce qu’il devait comparaître à un tribunal de SST au 1, rue Front, à Toronto. À ma connaissance, c’était la première demande de l’employé concernant des changements de quart afin de comparaître au tribunal.

Le surintendant Mahon a répondu en disant qu’il n’était pas sûr qu’on puisse changer les quarts. À ce moment de la conversation, j’ai interrompu parce que je savais que, plus tôt durant la journée, le surintendant Salerno avait communiqué avec les Relations de travail. L’ASF Fauceglia, qui comparaissait aussi au tribunal, avait présenté une demande analogue au surintendant Salerno, qui avait joint les Relations de travail pour obtenir des précisions. J’ai suggéré que nous attendions et confirmions auprès du surintendant Salerno qui s’approchait de mon bureau pendant que nous discutions.

À son arrivée, le surintendant Salerno a été mis au courant de la demande de l’ASF Harris. Il a avisé ce dernier qu’il s’était adressé aux Relations de travail et que l’employeur octroierait un congé payé pour la période de séance du tribunal qui coïncidait avec son quart, mais qu’il n’avait pas droit à un changement de quart afin de comparaître.

Le surintendant Salerno a ensuite avisé l’ASF Harris qu’étant donné qu’il devait effectuer un quart d’après‑midi (11 h 55 à 22 h) les 30 et 31 mai, le congé serait octroyé de 11 h 55 à 16 h pour comparaître au tribunal, et qu’il s’y ajouterait un temps de déplacement raisonnable pour effectuer le trajet entre le 1, rue Front, à Toronto, et le lieu de travail. Il a avisé l’ASF Harris qu’un temps de déplacement d’environ une heure et demie serait alloué de 16 h à 17 h 25. Il a aussi avisé l’ASF Harris que du 1er au 3 juin, ses jours de relâche, il devait comparaître au tribunal dans ses temps libres.

L’ASF Harris a répondu en disant qu’il prévoyait utiliser le réseau de transport GO Transit à partir de Hamilton et qu’il ne pensait pas pouvoir être de retour au bureau dans le délai accordé.

Le surintendant Salerno a rétorqué que la direction ne dicterait pas comment il devait se déplacer, mais que son congé était approuvé jusqu’à 17 h 25 seulement. Il a suggéré à l’ASF Harris d’envisager un autre mode de transport s’il n’avait pas le sentiment de pouvoir revenir au bureau à l’heure. Il l’a aussi avisé d’envisager de se rendre plutôt au tribunal en voiture, et qu’une période d’une heure et demie suffirait pour revenir au travail.

Selon mes observations, l’ASF Harris a commencé à s’agiter et à se montrer contrarié par la réponse qu’il recevait à sa demande de changement de quart. À mon avis, l’ASF Harris était clairement insatisfait de la position de la direction lorsqu’il a mis fin à la conversation, mais il comprenait très bien l’objet de la discussion et quel type de congé lui était octroyé pour comparaître au tribunal.

[…]

[62]  M. Salerno a déclaré qu’il avait été prié de fournir un résumé écrit de ce dont il se rappelait au sujet de la réunion du 27 mai, ce qu’il a fait le 25 juin 2016, dans un courriel dont les parties pertinentes indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[]

Vers 14 h 30, j’étais dans le bureau du surintendant en compagnie des surint. Mahon et Glazebrook et de l’ASF Ron Harris. Nous discutions de la demande de changements de quart de ce dernier afin de comparaître à un tribunal de SST au cours de la semaine du 30 mai au 3 juin.

En présence des surint. Mahon et Glazebrook, j’ai avisé l’ASF R. Harris que, conformément à ma discussion avec les Relations de travail, il n’avait pas droit à des changements de quart pour comparaître à ce tribunal. J’ai avisé l’ASF R. Harris qu’il recevrait un congé payé (en vertu de la convention collective) pour comparaître au tribunal durant les heures où il aurait été de service. J’ai avisé l’ASF R. Harris qu’étant donné qu’il effectuait le quart d’après‑midi, il obtiendrait un congé payé de 11 h 55 à 16 h chaque jour pour comparaître au tribunal, ainsi qu’un temps de déplacement raisonnable pour faire le trajet entre le 1, rue Front, et Cargo 3, chaque jour, à l’heure où le tribunal terminait sa séance pour la journée; je l’ai avisé que nous approuverions un temps de déplacement d’environ une heure et demie (16 h à 17 h 25) chaque jour, ce qui était raisonnable. Je l’ai avisé qu’il devait être au travail à 17 h 25. Je l’ai aussi avisé qu’au cours de ses jours de relâche, du 1er au 3 juin, il comparaîtrait dans ses temps libres et ne recevrait aucune rémunération de l’employeur.

À ce moment‑là, l’ASF Ron Harris a mentionné qu’il voulait prendre le train Go entre Hamilton et le 1, rue Front, et qu’il ne pensait pas pouvoir être à Cargo 3 à 17 h 25. J’ai alors dit à l’ASF R. Harris que la direction de l’ASFC ne lui dicterait pas comment il devait se déplacer, mais qu’on lui octroyait un congé payé jusqu’à 17 h 25 seulement et qu’il pouvait peut‑être envisager l’utilisation d’autres moyens de transport pour se rendre au 1, rue Front, par exemple, de se rendre au centre‑ville en voiture et de payer le stationnement. Je l’ai avisé que s’il se rendait directement au centre‑ville en voiture, le temps de déplacement d’une heure et demie serait plus que suffisant pour lui permettre d’arriver au travail à 17 h 25, ou avant, à chacun des deux jours (les 30 et 31 mai).

[…]

[63]  Dans son témoignage, M. Salerno a raconté ce qui suit au sujet des événements préalables à la rencontre et de la rencontre elle‑même :

  • le 26 mai, le plaignant s’est adressé à lui au sujet d’un changement de quart aux fins de l’audience SST, et il a dit qu’il avait dit au plaignant qu’il devait vérifier auprès des Ressources humaines (RH);
  • il a parlé à Mme Ptasznik, qui l’a rappelé plus tard et l’a avisé qu’elle avait parlé aux RH à l’Administration centrale nationale de l’ASFC, qui lui avaient dit que la période de l’audience SST serait indemnisée, mais qu’il n’y aurait pas de changement de quart;
  • il a été informé que le plaignant serait rémunéré pour la période où il était censé être de service et pour une période raisonnable de déplacement, qui devait durer une heure et demie à partir de 16 h;
  • le plaignant et MM. Glazebrook et Mahon se trouvaient déjà dans le bureau du surintendant à son arrivée à ce qui est connu comme la réunion du 27 mai;
  • le 27 mai, le plaignant a de nouveau posé des questions au sujet du changement de quart; à ce propos, lui et MM. Mahon et Glazebrook ont été informés qu’il obtiendrait un congé payé pour la période allant de 11 h 55 à 17 h 25, ce qui couvrait l’audience SST et un temps de déplacement raisonnable;
  • le plaignant a dit aux personnes présentes à la réunion qu’il voulait prendre le train GO au départ de Hamilton, et les surintendants lui ont dit qu’il était un adulte et qu’ils ne pouvaient pas lui dire comment se déplacer, mais que s’il le faisait comme il le suggérait il n’était pas possible de revenir au travail à l’heure.

 

[64]  En contre-interrogatoire, M. Salerno a déclaré qu’il avait dit aux personnes présentes à la réunion que le plaignant utilisait son propre temps, et qu’il serait rémunéré pour son temps passé à l’audience SST et disposerait d’un temps de déplacement raisonnable. Lorsqu’on lui a laissé entendre qu’il n’avait proposé aucune autre solution de déplacement raisonnable, il a déclaré qu’il se souvenait d’avoir dit au plaignant qu’il devrait utiliser une voiture et payer le stationnement, et qu’il se souvenait aussi que le plaignant avait dit que les frais de stationnement étaient exorbitants. M. Salerno a convenu que le trajet en voiture entre le centre‑ville de Toronto et Pearson pouvait durer une heure et demie, ou même plus, en fonction des circonstances.

[65]  En contre‑interrogatoire, lorsqu’on a dit à M. Salerno que les RT avaient dit qu’il fallait disposer d’un délai raisonnable pour effectuer le trajet entre le centre‑ville de Toronto et Pearson et qu’il avait suggéré une heure et demie, il en a convenu, puis a ajouté que selon les RT une heure et demie était un délai généreux. Il a affirmé qu’il était impossible de quitter le centre‑ville de Toronto et d’arriver sur‑le‑champ à Pearson; par conséquent, le plaignant disposait d’une période de déplacement.

C.  L’audience SST (les 30 et 31 mai 2016)

[66]  L’audience SST s’est déroulée les 30 et 31 mai 2016. Le plaignant a déclaré qu’il était parti de chez lui à Hamilton par le train GO, jusqu’à la gare Union au centre‑ville de Toronto. Il ne portait pas son uniforme de l’ASFC et ne l’avait pas emporté. Il a déclaré qu’à la fin de l’audience SST, chaque jour, il avait passé un moment à discuter de choses et d’autres avec le représentant de l’agent négociateur, puis avait utilisé le réseau GO Transit pour rentrer chez lui. En contre‑interrogatoire, il n’a pas été en mesure dire combien de temps il était resté après l’audience SST avant de partir; cependant, il a affirmé avoir quitté le tribunal à 17 h.

[67]  Cependant, le train GO ne se rendait pas toujours jusqu’à Hamilton; parfois, il se rendait seulement à Aldershot, qui est un arrêt entre la gare Union et la gare du réseau GO à Hamilton. À partir d’Aldershot, les passagers en route pour Hamilton doivent prendre un autobus GO. Selon l’horaire du réseau GO Transit qui s’applique au trajet entre la gare Union et Hamilton, des trains en direction de Hamilton ou d’Aldershot quittaient la gare Union à 17 h, 17 h 10, 17 h 15, 17 h 30 et 17 h 40. Seuls les trains de 17 h et 17 h 30 allaient jusqu’à Hamilton. Le plaignant a confirmé dans son témoignage qu’il avait dû prendre un autobus à Aldershot. Si les trains et les autobus étaient à l’heure, ils devaient arriver à 18 h 15 (le train de 17 h), 18 h 48 ou 18 h 45 à la gare du réseau GO à Hamilton, en fonction du train (ou de la combinaison train‑autobus) qui était utilisé.

[68]  Le plaignant a dit qu’à son arrivée à la gare du réseau GO à Hamilton, il s’était rendu chez lui à pied, où il avait enfilé son uniforme, puis s’était rendu à Cargo 3 en voiture. Le 30 mai, il est arrivé au travail à 20 h 10, et le 31 mai, à 20 h 13. Il a confirmé que, dans les deux cas, il n’avait pas appelé pour signaler qu’il serait en retard ou qu’il était en route.

[69]  M. Mahon était le surintendant responsable de l’unité des EFV le soir du 30 mai 2016. Il a travaillé de 10 h à 20 h, ce jour‑là. Il a déclaré que lorsque le plaignant ne s’est pas présenté au travail ce jour‑là, vers la fin de son quart, il a vérifié s’il y avait des messages aux numéros où les employés appelaient. N’en ayant trouvé aucun, il a appelé le plaignant et a laissé le message vocal suivant au numéro de son téléphone cellulaire :

[Traduction]

Bonjour Ron, c’est Tom Mahon à l’appareil. Nous sommes lundi 30 mai, à 19 h 51. J’ai vérifié aux numéros de signalement des congés de maladie et de nos lignes téléphoniques ici, et il n’y a aucun appel de vous. Ah! J’essaie simplement de trouver où vous êtes, bon, pourquoi vous n’êtes pas là, en fait. Bon, très bien, merci. Vous pouvez appeler au numéro de signalement des congés de maladie ou au présent numéro, je suis là pour encore une dizaine de minutes et ensuite il n’y aura plus personne pour répondre à ce numéro. Merci. Au revoir.

[70]  M. Mahon a dit qu’il avait quitté le travail à 20 h et qu’il n’avait toujours pas eu de nouvelles du plaignant.

[71]  Un échange de courriels en date des 30 et 31 mai 2016, entre M. Mahon et plusieurs autres personnes, y compris Patricia Blake, une représentante de l’employeur qui a assisté à l’audience SST, a été déposé en preuve. Les parties pertinentes de cet échange indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[M. Mahon à plusieurs destinataires, le 30 mai 2016, à 20 h 7 :]

Pour l’instant, Ron Harris n’est toujours pas rentré au travail après son audience au tribunal. Shana et moi avons vérifié au numéro de signalement des congés de maladie et il n’y a pas eu d’appels de lui. Il n’y a pas d’appels au numéro des surintendants des EFV non plus. J’ai appelé à son numéro, à 19 h 50, et je suis tombé sur la messagerie vocale. J’ai laissé un message lui demandant où il était et pourquoi il n’était pas au travail. Je crois comprendre que l’audience devait se terminer à 16 h aujourd’hui, et qu’on devait accorder un délai raisonnable à Ron pour rentrer au travail ensuite. Cela étant, je crois qu’il aurait dû être ici à 18 h ou 18 h 30 au plus tard. Assurément, il aurait dû appeler s’il éprouvait de la difficulté à venir ici. J’ai appelé Patti Blake afin de voir si elle était allée au tribunal cet après‑midi, mais je suis tombé sur la messagerie vocale. Alors peut‑être que Patti a des renseignements qui pourraient éclaircir cela. Mais pour l’instant, Ron semble manquer à l’appel, à moins qu’il n’y ait une autre explication que j’ignore.

[…]

[Mme Blake à M. Mahon et d’autres personnes, le 31 mai 2016, à 7 h 16 :]

L’audience s’est terminée vers 16 h 30 hier et j’y ai vu Ron, mais je n’ai pas d’autre renseignement à offrir.

[…]

[72]  Le 30 mai 2016, à 20 h 56, le plaignant a envoyé un courriel à M. Salerno avec copie à M. Mahon et d’autres personnes. Les parties pertinentes de ce courriel indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Comme vous le savez, je comparais au Tribunal de santé et sécurité cette semaine aux fins de l’appel que nous avons interjeté (Lou et moi) concernant la présence de fumigants dans les cargaisons expédiées par conteneur maritime. J’ai reçu une assignation de l’avocat de l’AFPC afin de comparaître au tribunal cette semaine. À ce titre, j’ai terminé à 17 h et je ne suis pas arrivé au travail avant 20 h 10 aujourd’hui, en raison du fait que j’habite à Hamilton et que j’ai dû utiliser le réseau de transport GO Transit pour me rendre sur la rue Front, revenir chez moi, enfiler mon uniforme, prendre ma voiture et me rendre au travail. Je n’ai même pas eu le temps de m’asseoir pour souper durant tout ce temps‑là. À mon arrivée au travail, comme je n’ai trouvé aucun surintendant de service dans l’unité des EFV, je suis descendu afin de chercher un surintendant principal ou un surintendant de l’exécution (je n’en ai trouvé aucun et un ASF m’a dit qu’ils étaient sortis dîner), puis je suis remonté à l’unité des EFV et j’ai écrit le présent courriel. Lorsque je me suis assis à mon bureau, j’ai réalisé qu’il y avait un message vocal dans mon téléphone cellulaire, que Tom avait laissé à 19 h 51, en disant qu’il n’y avait pas de message aux numéros de signalement des congés de maladie ou de la ligne des surintendants des EFV et qu’il se demandait où j’étais. Il m’avisait dans le message qu’il quitterait dans 10 minutes et qu’il n’y aurait donc aucun surintendant sur place à partir de ce moment‑là.

Le vendredi, j’avais parlé à Rob, Tom et Greg afin de tenter de faire changer mon quart pour ces jours‑là, de pouvoir comparaître au tribunal et de ne pas avoir de difficulté à me présenter au travail ensuite. Rob m’a avisé que la direction n’était pas tenue de changer mon quart, puisque la comparution au tribunal était une question « personnelle » mise en œuvre à notre initiative. Je lui ai dit que ce n’était pas personnel et que c’était lié au travail. Je les ai aussi avisés de la difficulté à me rendre au travail ensuite, puisque j’habite à Hamilton, mais la direction n’était toujours pas disposée à changer mon quart. À ce titre, je me suis rendu au travail dès que je l’ai pu. Veuillez noter que la situation pourrait fort bien être la même demain, puisque nous devons terminer à la même heure et que je dois travailler l’après‑midi.

[…]

[73]  Le 30 mai, à 21 h 39, M. Mahon a répondu comme suit au courriel du plaignant :

[Traduction]

[]

Je ne suis pas sûr qu’une période de plus de trois heures pour se rendre à l’aéroport en partant du centre‑ville de Toronto sera acceptée comme étant un temps de déplacement « raisonnable », étant donné que vous avez décidé d’utiliser le réseau de transport GO Transit pour aller au tribunal. Vous n’étiez pas obligé, comme vous le mentionnez dans votre courriel. Vous auriez pu vous rendre au tribunal en voiture, en emportant votre uniforme afin de venir directement au travail après l’audience. Encore une fois, vous avez décidé de passer chez vous après l’audience. Vous n’étiez pas obligé.

J’ai transmis votre courriel au chef Tam pour examen.

[…]

[74]  Toujours le 30 mai, à 22 h 35, le plaignant a répondu à ce courriel en ces termes :

[Traduction)

[]

Il se trouve que l’utilisation du réseau de transport GO Transit réduisait mes frais et mon temps de déplacement. Si j’avais pris ma voiture, je n’aurais pas pu être à Toronto à une heure raisonnable pour l’audience, cela aurait été beaucoup plus long pour sortir de Toronto et, en plus, j’aurais engagé des frais de stationnement. En ce moment, toute cette affaire entraîne des coûts en temps déraisonnables de ma part. En réalité, il me semble que compte tenu du fait que l’audience concerne une affaire quasi judiciaire liée à l’exercice de mes fonctions qui exige ma présence, j’ai droit à des frais de déplacement, des repas, un temps de déplacement et des heures supplémentaires. Je crois aussi que le fait que la direction n’ait pas changé mes quarts donne l’impression que celle‑ci tente directement de miner le processus du tribunal. En refusant de changer mes quarts, vous suscitez en outre des préoccupations de santé et de sécurité pour moi, puisqu’étant donné que je dois me présenter au travail demain, à l’heure où j’arriverai chez moi je ne disposerai en tout que de six heures et demie pour dormir, faire mes ablutions et arriver au terminal Go à temps pour me rendre au tribunal, etc. Cela est déraisonnable, puisque j’ai été assigné à témoigner et me suis mis à la disposition de nos propres avocats de l’ASFC aux fins du contre‑interrogatoire. En réalité, votre décision elle‑même a engendré un problème de santé et de sécurité. Il y a plusieurs mois que la direction a été avisée de la présente affaire. Il convient de noter que la direction m’a avisé seulement le vendredi 27 mai, en après‑midi, que mon quart ne serait pas changé, à un moment où il n’était plus possible d’acheminer l’affaire en amont de la hiérarchie de gestion. Tout cela est totalement déraisonnable et inutile. Un simple changement de quart aurait permis d’éviter tout le problème. En dernier lieu, du fait que j’ai dû répondre à votre courriel je quitte maintenant le bureau plus d’une demi‑heure plus tard que la fin de mon quart, ce qui réduit encore mon temps de sommeil d’ici à demain.

[…]

[75]  Un échange de courriels entre M. Salerno et plusieurs personnes, notamment John Dawson (un autre surintendant à Cargo 3), le 31 mai 2016, a été déposé en preuve. Les parties pertinentes de l’échange indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[M. Salerno à plusieurs destinataires, à 12 h 57 :]

Comme vous devez tous être ici ce soir, pouvez‑vous tous répondre au présent courriel afin de nous signaler quand vous verrez arriver l’ASF Ron Harris?

Ron est présentement au tribunal et a obtenu un congé payé de 11 h 55 à 17 h 25 pour comparaître. Le tribunal est situé au 1 Front, l’audience devrait prendre fin à 16 h, et nous avons accordé une heure et demie à Ron pour revenir à Cargo 3.

Hier, il n’est pas arrivé avant 20 h 15; alors nous avons besoin de savoir à quelle heure il va se pointer aujourd’hui. Merci.

[M. Dawson à M. Salerno et d’autres personnes, à 20 h 27 :]

Il s’est présenté à 20 h 15 aujourd’hui.

J’ai découvert qu’il utilise le réseau de transport GO Transit pour effectuer le trajet entre sa résidence et le centre‑ville. Il retourne ensuite chez lui à Hamilton par le train et utilise son véhicule personnel pour se rendre à Cargo 3 afin de se présenter au travail.

[76]  Un échange de courriels entre le plaignant et M. Glazebrook le 31 mai 2016 a été déposé en preuve. Ses parties pertinentes indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[M. Glazebrook au plaignant, à 12 h 58 :]

Comme aucun surintendant des EFV en après‑midi ne sera là ce soir, vous devez signaler votre présence au surintendant de l’Exécution qui sera de service ou au surintendant principal à votre arrivée. De plus, vous devez envoyer un courriel à Rob, Tom et moi‑même à votre arrivée au bureau.

[Le plaignant à MM. Glazebrook, Mahon et Salerno et d’autres personnes, à 20 h 30 :]

Je suis arrivé au travail à 20 h 12 aujourd’hui, et comme j’ai constaté qu’il n’y avait aucun surintendant des EFV en haut, j’ai trouvé plutôt le surintendant principal John Dawson. Je lui ai signalé ma présence. J’ai envoyé une réponse au présent courriel quand je l’ai vu.

[…]

D.  Après l’audience SST : l’enquête disciplinaire et la mesure disciplinaire

[77]  M. Glazebrook a affirmé qu’à un moment donné, après le 31 mai 2016, il avait été chargé de mener une enquête disciplinaire sur le défaut du plaignant de se présenter au travail après l’audience SST. M. Mahon a déclaré qu’il avait été coprésident de l’enquête. La date précise de l’enquête et l’identité de la personne qui l’a commandée ne m’ont pas été dévoilées.

[78]  Le 5 juin 2016, à 14 h 37, M. Mahon a envoyé la version corrigée d’un courriel qui avait été envoyé en réponse à celui du plaignant le 30 mai 2016, à 22 h 35. La date et l’heure du courriel non corrigé ne m’ont pas été précisées. Les parties pertinentes de ce courriel indiquent ce qui suit :

[Traduction]

J’ai examiné les renseignements que vous m’avez transmis, et même si une réunion sera fixée afin de discuter plus amplement des préoccupations de la direction, j’aimerais éclaircir quelques points à ce stade‑ci. Je crois comprendre que vous êtes d’avis que la direction avait l’obligation de modifier l’horaire de vos quarts, de payer les frais de déplacement, des repas, etc. Cependant, après avoir examiné le Code du travail, je souligne que l’obligation de la direction est de s’assurer que vous disposez du temps nécessaire pour comparaître à l’audience relative à l’appel, si elle est mise au rôle durant les heures de travail. Les dispositions supplémentaires auxquelles vous faites allusion ne semblent pas être prises en compte ou nécessaires en vertu du Code du travail. À cet égard, on vous a octroyé un congé afin d’assister à la réunion prévue durant votre quart de travail régulier, ainsi qu’une heure et demie pour vous rendre au bureau après la fin de cette audience. Malgré tout, vous n’avez pas communiqué avec la direction afin d’être autorisé à prendre le temps supplémentaire que vous avez mis à vous rendre chez vous puis à revenir.

Plus préoccupant encore est le fait que même si vous aviez été avisé des préoccupations de la direction à cet égard le 30 mai 2016, vous avez agi de la même façon le 31 mai 2016, en rentrant au travail à 20 h 12. De plus, le 2 mai 2016, un courriel a été envoyé à tous les membres du personnel afin de leur rappeler leur obligation d’obtenir l’autorisation dans les cas où ils ne peuvent pas se présenter au travail comme il est exigé. Je souligne que vous avez reçu une copie de ce courriel et que, par conséquent, la présente affaire demandera un plus ample examen.

Même si vous avez déclaré qu’à votre avis la direction avait l’obligation de modifier vos heures de travail, cela n’est pas non plus assimilé à une exigence en vertu du Code canadien du travail. Malgré cela, si vous aviez présenté une demande officielle à cet égard bien avant l’audience, il aurait été possible de prendre en considération un pareil arrangement et de voir aux nécessités du service.

[…]

[79]  Le 9 juin 2016, à 19 h 12, le plaignant a envoyé un courriel à Lisa Costanzo, une autre surintendante. À cette date, le plaignant relevait désormais d’elle. Le courriel a également été envoyé au représentant de son agent négociateur, et Mme Costanzo a transmis le courriel à MM. Glazebrook, Mahon et Salerno. Les parties pertinentes de ce courriel indiquent ce qui suit :

[Traduction]

Comme vous êtes maintenant ma superviseure directe, je vous envoie le présent courriel. J’ai maintenant soumis ma feuille de temps pour les jours indiqués et j’ai tenu compte de toutes les heures régulières durant cette semaine‑là (je comparaissais au tribunal d’appel de santé et de sécurité cette semaine avec Lou). Cependant, [passage confus] je ne suis pas sûr de savoir comment comptabiliser le reste du temps où j’ai comparu au tribunal en dehors de mon quart régulier ce jour‑là. Les heures indiquées ci‑après excèdent mes quarts d’après‑midi prévus au cours de cette semaine‑là et doivent être comptabilisées :

– le 30 mai, j’ai comparu au tribunal avant mon quart prévu, de 9 h à 11 h 55 (2,92 heures)

– le 31 mai, j’ai comparu au tribunal avant mon quart prévu, de 9 h à 11 h 55 (2,92 heures)

– le 1er juin, j’ai comparu au tribunal durant un jour de relâche, de 9 h à 17 h (8 heures)

– le 2 juin, j’ai comparu au tribunal durant un jour de relâche, de 9 h à 11 h 30 (2,5 heures)

Pouvez‑vous me conseiller, s’il vous plaît?

[…]

[80]  Le 14 juin 2016, M. Mahon a répondu à ce courriel, avec copie à MM. Glazebrook et Salerno et à Mme Costanzo. Il indiquait ce qui suit :

[Traduction]

Comme je l’ai déjà indiqué dans le courriel que je vous ai envoyé le 4 juin 2016 et que j’ai annexé au bas de la présente chaîne, l’employeur n’est pas obligé de faire quoi que ce soit d’autre que de vous octroyer un congé pour comparaître au tribunal pendant vos quarts réguliers, et de vous accorder un temps de déplacement raisonnable pour comparaître au tribunal et revenir au travail.

[81]  Le plaignant a été invité à rencontrer M. Glazebrook le 14 juin 2016, afin de discuter de ses absences du lieu de travail les 30 et 31 mai 2016. La rencontre a eu lieu, et le plaignant s’est présenté accompagné du représentant de son agent négociateur, Douglas Venier, un délégué syndical du SDI pour l’unité des Opérations commerciales de l’ASFC. M. Mahon était également présent.

[82]  Les notes manuscrites et dactylographiées que M. Mahon a prises lors de la rencontre du 14 juin 2016 ont été déposées en preuve, ainsi que le rapport faisant état de la mesure disciplinaire. Un courriel de M. Salerno à M. Glazebrook en date du 15 juin 2016, qui, selon lui, tenait lieu de compte rendu des faits qui sont survenus lors de la réunion du 27 mai, a aussi été déposé en preuve. La partie pertinente du courriel indique ce qui suit :

[Traduction]

Vers 14 h 30, j’étais dans le bureau du surintendant en compagnie des surint. Mahon et Glazebrook et de l’ASF Ron Harris. Nous discutions de la demande de changements de quart de ce dernier afin de comparaître à un tribunal de SST au cours de la semaine du 30 mai au 3 juin.

En présence des surint. Mahon et Glazebrook, j’ai avisé l’ASF R. Harris que, conformément à ma discussion avec les Relations de travail, il n’avait pas droit à des changements de quart pour comparaître à ce tribunal. J’ai avisé l’ASF R. Harris qu’il obtiendrait un congé payé (en vertu de la convention collective) pour comparaître au tribunal durant les heures où il aurait été de service. J’ai avisé l’ASF R. Harris qu’étant donné qu’il effectuait le quart d’après‑midi, il obtiendrait un congé payé de 11 h 55 à 16 h, chaque jour, pour comparaître au tribunal, ainsi qu’un temps de déplacement raisonnable pour faire le trajet entre le 1, rue Front, et Cargo 3, chaque jour, à l’heure où le tribunal terminait sa séance pour la journée; je l’ai avisé que nous approuverions un temps de déplacement d’environ une heure et demie (16 h à 17 h 25) chaque jour, ce qui était raisonnable. Je l’ai avisé qu’il devait être au travail à 17 h 25. Je l’ai aussi avisé qu’au cours de ses jours de relâche, du 1er au 3 juin, il comparaîtrait dans ses temps libres et ne recevrait aucune rémunération de l’employeur.

À ce moment‑là, l’ASF Ron Harris a mentionné qu’il voulait prendre le train Go entre Hamilton et le 1, rue Front, et qu’il ne pensait pas pouvoir être à Cargo 3 à 17 h 25. J’ai alors dit à l’ASF R. Harris que la direction de l’ASFC ne lui dicterait pas comment il devait se déplacer, mais je l’ai avisé qu’on lui octroyait un congé payé jusqu’à 17 h 25 seulement, et qu’il pouvait peut‑être envisager l’utilisation d’autres moyens de transport pour se rendre au 1, rue Front, par exemple, de se rendre au centre‑ville en voiture et de payer le stationnement. Je l’ai avisé que s’il se rendait directement au centre‑ville en voiture, le temps de déplacement d’une heure et demie serait plus que suffisant pour lui permettre d’arriver au travail à 17 h 25 ou avant à chacun des deux jours (les 30 et 31 mai).

[…]

[83]  Le 29 juillet 2016, M. Glazebrook a pris une mesure disciplinaire contre le plaignant, laquelle est exposée en détail au début des motifs de la présente décision.

[84]  M. Donahue, qui est ASF à Pearson, a déclaré qu’il n’avait pas pris part à l’affaire qui a donné lieu à l’audience tenue devant moi. Cependant, il avait déjà été mêlé à un refus de travailler qui avait abouti devant le Tribunal de SST et dont l’audience avait eu lieu en mars ou avril 2016. À l’époque, M. Donahue était à l’emploi du CT auprès de l’ASFC comme ASF à Pearson, aux Opérations passagers. M. Donahue a déclaré qu’il n’avait eu aucune difficulté à obtenir un changement de quart aux fins de sa comparution à cette audience, et l’échange de courriels faisant état de sa demande et du changement de quart a été présenté en preuve.

[85]  Un échange de courriels en date des 9 et 11 janvier 2016, entre MM. Funk et Venier, a été déposé en preuve. Cet échange portait sur la présence du plaignant et de M. Fauceglia à une téléconférence préparatoire à l’audience, ayant pour but de prévoir les dates initiales de l’audience SST, en février 2016. La réponse par courriel de M. Funk à M. Venier, le 11 janvier 2016, a aussi été transmise à plusieurs autres personnes, notamment le plaignant, ainsi que MM. Fauceglia, Mahon et Glazebrook (l’échange sera collectivement désigné sous le terme d’« échange du 9 au 11 janvier »). Les parties pertinentes de ces courriels indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[M. Venier à M. Funk, le 9 janvier 2016 :]

[…]

Je vous écris à tous deux aujourd’hui afin que vous sachiez que deux ASF qui travaillent aux Opérations commerciales seront chargés de comparaître au Tribunal de santé et sécurité afin de traiter les appels mentionnés ci‑après.

Les appels ont été mis au rôle du 8 au 12 février 2016. Avant les audiences relatives aux appels, les deux ASF devront assister à une téléconférence préparatoire à l’audience qui doit avoir lieu le 20, le 21 ou le 22 janvier 2016 (la date devrait être confirmée le lundi 11 janvier 2016). La téléconférence obligera ces deux ASF à se rendre disponibles pour une période de 60 à 90 minutes au préalable. Je demande que des arrangements soient pris afin de permettre à ces agents d’être libérés de leurs fonctions régulières aux EFV avant la téléconférence.

[…]

[M. Funk à M. Venier et à d’autres personnes, le 11 janvier 2016 :]

[…]

J’ai vérifié auprès des RH de quelle façon les employés doivent rendre compte de leur temps lorsqu’ils comparaissent au tribunal, et on m’a laissé entendre qu’il est d’usage de changer le quart contre des jours et d’autoriser l’utilisation d’une voiture de la flotte. Il est aussi probable que la présence des deux ASF ne soit pas requise pour toute la durée de l’audience. Ron et Lou devraient déterminer à quel moment ils doivent comparaître et fixer des heures précises avec leurs surintendants. Ils devraient s’efforcer de fournir cette information suffisamment à l’avance pour aviser du changement de quart. Je n’ai aucune objection à ce qu’ils assistent à la téléconférence, mais j’aimerais obtenir des précisions sur l’utilité de la période supplémentaire de 60 à 90 minutes.

[…]

[86]  Ni M. Funk ni M. Venier n’ont témoigné devant moi, ni qui que ce soit des RH ou des RT.

[87]  En contre‑interrogatoire, l’échange du 9 au 11 janvier a été présenté à MM. Mahon et Glazebrook. M. Mahon a déclaré qu’il ne se souvenait pas de l’avoir vu, mais qu’il ne contestait pas l’avoir reçu. Lorsqu’on lui a demandé s’il se souvenait de la réponse de M. Funk à l’époque, il a répondu : [traduction] « Oui ».

[88]  Une chaîne de courriels en date du 29 décembre 2015, concernant l’audience SST a aussi été déposée en preuve. Susan Lake, qui est conseillère en RT à l’ASFC, a rédigé ou reçu tous les courriels. À 10 h 11, Mme Lake a envoyé le dernier courriel de la chaîne à M. Funk, avec copie à M. Mahon. La chaîne de courriels indique ce qui suit :

[Traduction]

Mme Lake à Teresa Jancsurak et une autre personne, avec copie à MM. Funk et Mahon, à 9 h 22 :]

Pourriez‑vous m’indiquer comment ces employés doivent comptabiliser leur temps aux fins de la comparution? La CA fait état des moments où un employé est cité comme témoin aux audiences d’un conseil arbitral, d’une CIP et d’un mode substitutif de règlement des différends.

[Mme Jancsurak à Mme Lake et une autre personne, à 10 h 4 :]

Je crois que nous changeons le quart contre des jours et autorisons l’utilisation d’une voiture de la flotte.

[Mme Lake à M. Funk, avec copie à M. Mahon, à 10 h 11 :]

Veuillez consulter la réponse de Teresa. Il est probable que la présence des employés ne sera pas requise pour toute la durée de l’audience. Ils devraient déterminer à quel moment ils doivent comparaître lorsque se tiendra leur conférence préparatoire à l’audience. Ils devraient s’efforcer de vous communiquer cette information suffisamment à l’avance pour aviser du changement de quart.

[89]  Le poste qu’occupe Mme Jancsurak à l’ASFC ne m’a pas été précisé.

[90]  Ni Mme Lake ni Mme Jancsurak n’ont témoigné.

[91]  En contre‑interrogatoire, on a montré à M. Mahon les courriels du 29 décembre 2015, et celui‑ci a confirmé les avoir vus.

III.  Résumé de l’argumentation

A.  Pour le défendeur

[92]  Le défendeur a soutenu que l’allégation du plaignant selon laquelle l’employeur lui avait fait subir des représailles comportait les deux volets suivants :

  • (i) le refus des changements de quart tous les jours de l’audience SST;

  • (ii) la mesure disciplinaire prise sous la forme de la suspension d’un jour pour insubordination.

 

[93]  Le défendeur m’a renvoyé à White c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 63 et Martin-Ivie c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2013 CRTFP 40, pour ce qui est des critères dont je dois tenir compte pour déterminer si le défendeur s’est acquitté du fardeau de démontrer que le plaignant n’a pas subi de représailles. Le plaignant ne pouvait pas utiliser comme prétexte l’exercice de ses droits en vertu du Code pour éviter des mesures disciplinaires, qui pouvaient découler d’une violation du code de conduite de l’employeur de sa part. Il doit exister plus qu’un lien étroit.

[94]  Dans Patrick R. Ridge (1992), 88 di 20, le plaignant avait déposé une plainte alléguant que l’employeur avait pris une mesure disciplinaire contre lui pour avoir exercé son droit de refuser un travail qui risquait de l’exposer aux BPC. Le Conseil canadien des relations du travail (CCRT) a conclu que, en réalité, le plaignant avait fait l’objet d’une mesure disciplinaire pour avoir refusé de se raser, ce qui ne lui permettait pas d’ajuster adéquatement un respirateur. Le défendeur a souligné que le CCRT avait conclu qu’il ne faisait guère de doute que la mesure disciplinaire prise contre M. Ridge était vaguement liée à son refus de travailler, dans la mesure où il s’agissait d’un élément corrélatif des faits qui en découlaient. Le CCRI a aussi exprimé ce principe dans A. Patrick Gilmore (1994), 96 di 61. L’employeur doit avoir l’intention de prendre une mesure disciplinaire ou d’exercer des représailles contre l’employé; il ne suffit pas qu’il existe simplement un lien. À cet égard, le défendeur m’a aussi renvoyé à Ouimet c. VIA Rail Canada Inc., [2002] D.C.C.R.I. n14 (QL).

[95]  Ridge, Gilmore et Nash c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTEFP 4, appuient la proposition selon laquelle le tribunal (en l’espèce, la Commission) n’a pas pour objectif d’examiner un grief afin de déterminer son bien‑fondé et si la mesure disciplinaire prise était appropriée, mais seulement de décider si la mesure de l’employeur a été prise contre l’employé parce celui‑ci a agi conformément à l’article 128 ou 129 du Code.

[96]  Dans Paquet c. Air Canada, [2013] D.C.C.R.I. n32 (QL), le CCRI a exposé ce qui suit au paragraphe 78 :

[78] Pour justifier une conclusion de violation du Code, il ne suffit pas de démontrer que des mesures disciplinaires ont été imposées dans le contexte général d’un processus de la partie II. Le Code protège les employés contre les mesures disciplinaires qui leur ont été imposées parce qu’ils ont pris part à un processus de la partie II. Si, toutefois, les mesures disciplinaires ont été imposées pour d’autres raisons, le lien essentiel est alors inexistant.

[97]  Nash confirme ce qui est énoncé dans Paquet : pour établir qu’un employeur a exercé des représailles disciplinaires, il doit exister un lien entre l’exercice des droits du fonctionnaire s’estimant lésé en vertu de la partie II du Code et la mesure disciplinaire de l’employeur. Au paragraphe 81, la CRTEFP cite en ces termes Brown et Beatty, dans Canadian Labour Arbitration (4e édition) :

[81] […] Au moment de décider si un employé a fait l’objet d’une mesure disciplinaire, un arbitre de différends ou un arbitre de grief doit tenir compte de l’objet et de l’effet des mesures de l’employeur. La caractéristique essentielle de la mesure disciplinaire est l’intention de corriger un mauvais comportement. La garantie d’un employeur selon laquelle il ne souhaite pas que ses mesures aient une nature disciplinaire règle souvent la question […]

[98]  La recherche consiste en une évaluation subjective de l’intention, avec pour toile de fond une preuve objective.

[99]  Les trois surintendants ont tous déclaré qu’à leur avis, les refus de travailler en rapport avec les fumigants chimiques et les conteneurs d’expédition maritime étaient importants et légitimes. Avant d’être cadre, M. Mahon avait été délégué syndical. Les surintendants n’ont pas été mêlés aux refus de travailler et, selon le témoignage de M. Glazebrook, ces refus de travailler ont profité à tous les employés.

[100]  Le plaignant a fait l’objet d’une mesure disciplinaire pour insubordination. La preuve a révélé qu’il voulait effectuer le quart de 5 h 55 à 16 h, plutôt que celui de 11 h 55 à 22 h. La direction a refusé et dit qu’il demeurerait à ce dernier quart et serait rémunéré pour le temps passé à l’audience SST qui chevaucherait ses quarts, ainsi que pour la période d’une heure et demie allouée à son déplacement entre le tribunal et Cargo 3.

[101]  La clause 47.01c)(v) de la convention collective prévoit les congés auxquels ont droit les employés sommés d’assister à une audience (ce qui comprend une audience du Tribunal de SST). Elle prescrit que l’employé‑e doit recevoir un congé payé pendant la période où il ou elle est sommée de comparaître devant un arbitre de grief ou de différend. Le « congé » s’entend dans la convention collective au sens de l’absence autorisée du travail d’un employé-e pendant ses heures de travail normales ou régulières.

[102]  La clause 47.01c)(v) de la convention collective est similaire à l’article 146.5 du Code, qui était ainsi libellé aux époques pertinentes :

146.5 L’employé qui assiste au déroulement d’une procédure engagée en vertu du paragraphe 146.1(1) à titre de partie ou de témoin cité à comparaître par le Conseil a le droit d’être rémunéré par l’employeur à son taux de salaire normal pour les heures qu’il y consacre et qu’il aurait autrement passées au travail.

[103]  Même si des éléments de preuve ont été présentés selon lesquels, dans certaines circonstances, l’employeur a accordé aux employés plus que ce qui était énoncé dans la convention collective ou éventuellement à l’article 146.5 du Code, les parties ont négocié la convention collective, et la façon dont la direction les applique ne doit en aucun cas être odieuse. En réalité, dans la présente affaire, l’employeur a accordé plus. Le plaignant n’avait pas droit à être rémunéré pour son temps de déplacement.

[104]  Le témoignage du plaignant a été évasif et a varié.

[105]  Les surintendants ont pris des notes contemporaines de la réunion du 27 mai.

[106]  Le plaignant disposait d’une heure et demie pour retourner au travail. Il aurait dû y retourner dans ce délai et contester l’instruction plus tard. Il a pris plus de trois heures pour retourner au travail et n’a pas appelé; il savait qu’il devait le faire.

[107]  Le plaignant aurait pu prendre le train UP à destination et au retour de Pearson; il aurait pu aussi utiliser le réseau GO Transit qui est offert par Pearson. Il ne l’a pas fait.

[108]  Il s’agit d’un cas évident d’insubordination. La question à trancher n’est pas celle des griefs que le plaignant a aussi déposés, mais celle de la plainte seulement. Selon la position du défendeur, il s’est acquitté de son fardeau en vertu du Code. Il n’y a aucun lien entre le refus du changement de quart, la mesure disciplinaire et l’allégation de représailles.

[109]  Le défendeur a demandé que la plainte soit rejetée.

B.  Pour le plaignant

[110]  Les deux actes du défendeur indiqués ci‑après constituaient des représailles :

  • (i) le refus du changement de quart;

  • (ii) la suspension d’un jour (7,5 heures) sans solde.

 

[111]  Il n’y a aucun élément de preuve quant aux raisons pour lesquelles la demande de changement de quart du plaignant a été refusée. Il ne fait aucun doute qu’elle a été présentée et examinée. Il semble même qu’en plus du plaignant et de M. Fauceglia, les trois surintendants, MM. Glazebrook, Mahon et Salerno, y ont donné suite avec diligence.

[112]  De plus, les documents indiquent qu’il y avait tout lieu de croire que le plaignant et M. Fauceglia obtiendraient un changement de quart. Ce n’est qu’à la dernière minute que le plaignant a été informé que ce ne serait pas le cas. Selon son témoignage, M. Salerno a été avisé à la dernière minute que ce ne serait pas le cas. Toujours selon son témoignage, M. Salerno n’avait aucune idée de la façon dont cette décision avait été prise; il n’avait pas non plus pris part aux discussions qui avaient conduit à la décision. Les surintendants Salerno, Mahon et Glazebrook n’ont pas pris cette décision.

[113]  Il y a tout lieu de croire que le 30 mai 2016, à 16 h 42, après le premier jour de l’audience SST, Mme Ptasznik, l’agente des RT avec qui M. Salerno discutait de cette question, attendait toujours des réponses au sujet du congé. Il incombait à l’employeur de s’acquitter du fardeau de la preuve; cependant, le 30 mai, Mme Ptasznik, l’agente des RT, a dit qu’elle tenait encore des discussions sur cette question.

[114]  M. Donahue a déclaré que lorsqu’il avait dû comparaître à une audience SST, il avait demandé et obtenu un changement de quart. Cela ne peut s’expliquer simplement en disant que M. Donahue travaillait aux Opérations passagers plutôt qu’aux Opérations commerciales, puisque rien n’indiquait qu’il existait des différences entre sa demande et celle du plaignant, ni pourquoi l’une a été accordée et l’autre refusée.

[115]  En vertu de l’article 133 du Code, le silence ne suffit pas. Personne n’a la moindre idée de ce qui a été discuté au sujet du changement de quart. Le défendeur devait établir qu’il ne s’agissait pas de représailles. Par conséquent, il devait présenter une preuve; il n’y en a aucune.

[116]  Si un changement de quart avait été fait, la situation du plaignant qui s’est prétendument présenté au travail en retard ne serait pas survenue; il n’y aurait donc aucune plainte. Le fait que le changement de quart ait été refusé a engendré une situation lourde pour le plaignant; lorsqu’il n’a pas pu respecter l’heure d’arrivée prévue au travail, une mesure disciplinaire a été prise contre lui.

[117]  Comme le plaignant ignorait quand l’audience SST se terminerait, il n’aurait jamais accepté un délai de retour au travail fixé à 17 h 25. Il a toujours dit qu’il n’avait jamais su qu’il disposait d’une heure et demie pour se rendre au travail, ni qu’il devait y être à 17 h 25. M. Mahon a eu la possibilité de l’en informer, puisqu’il lui a envoyé des courriels les 30 et 31 mai, mais il n’a jamais fait mention du délai fixé à 17 h 25, ni de la période d’une heure et demie. Le terme qu’il a utilisé était celui de [traduction] « temps de déplacement raisonnable ». Si la direction a vraiment dit 17 h 25 ou une heure et demie, il aurait été raisonnable de l’indiquer par écrit.

[118]  M. Salerno a affirmé qu’un délai d’une heure et demie était raisonnable et peut‑être habituel. Mais il n’est pas plausible qu’une personne puisse préparer ses affaires, rencontrer son représentant, se rendre à un stationnement, le payer, puis se rendre au travail à Pearson en voiture dans ce délai. Cela ne peut assurément pas être raisonnable non plus parce que M. Fauceglia a obtenu trois heures pour effectuer le même déplacement. Le plaignant a été soumis à des conditions qu’il ne pouvait pas respecter en grande partie.

[119]  Si le temps de déplacement d’une heure et demie ou l’heure d’arrivée fixée à 17 h 25 avaient été communiqués à la réunion du 27 mai, cela aurait été indiqué par écrit quelque part. Il est probable que le terme [traduction] « délai raisonnable » ait été utilisé. Il se peut même que M. Salerno ait escompté le temps de déplacement d’une heure et demie ou l’heure d’arrivée fixée à 17 h 25, mais ni l’un ni l’autre n’ont été communiqués à la réunion.

[120]  Les notes de la réunion du 27 mai que les surintendants ont prises n’étaient pas contemporaines de cette réunion, mais ont été prises ultérieurement, jusqu’à cinq ou dix jours plus tard.

[121]  Le plaignant avait aussi une préoccupation compréhensible au sujet de la conduite au centre‑ville de Toronto.

[122]  Tout comme le défendeur, le plaignant m’a renvoyé au Code, à White et à Martin‑Ivie. Il m’a aussi renvoyé à Chaney c. Auto Haulaway Inc., 2000 CCRI 47, Pruyn c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2002 CRTFP 17, Ferrusi c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2007 CRTFP 1, Lequesne c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2004 CCRI 276, et Fuel, Bus, Limousine, Petroleum Drivers and Allied Employees, Local 352 v. Lembo Corporation of Canada Ltd., [1969] O.L.R.B. Rep. 893.

IV.  Motifs

[123]   La Commission a compétence pour entendre et trancher les plaintes dont elle est saisie au titre de l’article 133 du Code, en vertu de l’article 240 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, L.C. 2002, ch. 22, art. 2.

[124]  L’article 133 du Code énonce le processus de dépôt des plaintes, et ses parties pertinentes sont ainsi rédigées :

Plainte au Conseil

133 (1) L’employé — ou la personne qu’il désigne à cette fin — peut, sous réserve du paragraphe (3), présenter une plainte écrite au Conseil au motif que son employeur a pris, à son endroit, des mesures contraires à l’article 147.

Délai relatif à la plainte

(2) La plainte est adressée au Conseil dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où le plaignant a eu connaissance — ou, selon le Conseil, aurait dû avoir connaissance — de l’acte ou des circonstances y ayant donné lieu.

[…]

Charge de la preuve

(6) Dans les cas où la plainte découle de l’exercice par l’employé des droits prévus aux articles 128 ou 129, sa seule présentation constitue une preuve de la contravention; il incombe dès lors à la partie qui nie celle-ci de prouver le contraire.

[125]  L’article 128 du Code énonce le processus de refus de travailler prévu pour les employés s’ils croient qu’il existe un danger. Cet article énonce aussi les mesures qu’un employeur doit prendre en cas de refus de travailler, ce qui donne lieu à la publication d’un rapport et à la présentation d’une conclusion sur l’existence d’un danger. Pendant toute la période visée par la présente plainte, l’article 129 autorisait un employé qui avait déposé un refus de travailler au titre de l’article 128, et auquel une conclusion à l’absence de danger avait été présentée à la suite d’une enquête, à interjeter appel de cette décision au Tribunal SST.

[126]  L’article 147 du Code interdit à l’employeur de prendre des mesures de représailles contre un employé, comme suit :

Interdiction générale à l’employeur

147 Il est interdit à l’employeur de congédier, suspendre, mettre à pied ou rétrograder un employé ou de lui imposer une sanction pécuniaire ou autre ou de refuser de lui verser la rémunération afférente à la période au cours de laquelle il aurait travaillé s’il ne s’était pas prévalu des droits prévus par la présente partie, ou de prendre — ou menacer de prendre — des mesures disciplinaires contre lui parce que :

a) soit il a témoigné — ou est sur le point de le faire — dans une poursuite intentée ou une enquête tenue sous le régime de la présente partie;

b) soit il a fourni à une personne agissant dans l’exercice de fonctions attribuées par la présente partie un renseignement relatif aux conditions de travail touchant sa santé ou sa sécurité ou celles de ses compagnons de travail;

c) soit il a observé les dispositions de la présente partie ou cherché à les faire appliquer.

[127]  Conformément au paragraphe 133(6) du Code, une fois qu’elle est déposée, la plainte elle‑même constitue la preuve qu’il y a eu violation de l’article 147. Si une partie aux procédures relatives à la plainte allègue qu’il n’y a pas eu violation, il doit s’acquitter du fardeau de la preuve de le démontrer.  Le fardeau initial de la preuve incombe au plaignant, qui n’a qu’à prouver qu’il a déposé une plainte en vertu du paragraphe 133(1) du Code et que la plainte découle de l’exercice de son droit en vertu de l’article 128 ou 129.

[128]  La plainte a été déposée à la CRTEFP le 7 septembre 2016; la question ayant donné lieu à la plainte est ainsi énoncée, de façon concise, au paragraphe 3 :

[Traduction]

Je devais comparaître au Tribunal de santé et sécurité au travail du 30 mai au 2 juin 2016, à Toronto, parce que j’avais interjeté appel de la décision d’un ASS en 2014. Je devais travailler de 11 h 55 à 22 h, les 30 et 31 mai. Le Tribunal se trouvait à environ 70 km de chez moi. J’ai demandé un changement de quart aux fins de la comparution, ce qui a été refusé. On m’a dit que la comparution au tribunal était une affaire personnelle. J’ai pris le transport en commun à destination et au retour du tribunal. Je suis passé à la maison afin de me préparer pour le travail, puisque je porte un uniforme, et je suis arrivé au travail à 20 h 10. J’ai été forcé de prendre un congé non payé non autorisé, et j’ai été suspendu sans solde pendant sept heures et demie pour insubordination, le 29 juillet 2016, parce que j’étais arrivé au travail en retard après l’audience. Je crois que le refus de l’employeur de changer mon quart et la suspension constituent des représailles pour avoir interjeté appel de la décision de l’ASS et avoir exercé mes droits en vertu de la partie II du CCT.

[129]  Des copies de la décision du 1er octobre, dont la conclusion faisait était de l’absence de danger, ainsi que le document d’appel du plaignant en date du 7 octobre 2014, ont été déposés en preuve. À ce titre, le plaignant s’était acquitté du fardeau initial qui lui incombait. En conséquence, il incombait désormais au défendeur, en vertu du paragraphe 133(6) du Code, d’établir qu’il n’y avait pas eu violation de l’article 147.

[130]  Le plaignant formule deux allégations de représailles distinctes dans sa plainte :

  • le refus du changement de quart;
  • la mesure disciplinaire prise sous la forme d’une suspension d’un jour (7,5 heures) sans solde.

A.  Refus d’accorder un changement de quart au plaignant

[131]  L’article 147 du Code vise un employeur qui congédie, suspend, met à pied ou rétrograde un employé ou lui impose une sanction pécuniaire ou autre, ou refuse de lui verser la rémunération afférente à la période au cours de laquelle il aurait travaillé s’il ne s’était pas prévalu des droits prévus par la partie II du Code, ou prend – ou menace de prendre – des mesures disciplinaires contre lui.

[132]  Une [traduction] « sanction » est définie en ces termes dans le Webster’s New World Dictionary, Second College Edition :

[Traduction]

1. une punition prévue par la loi, comme dans le cas d’un acte criminel ou d’une violation de contrat;

2. le désavantage, le préjudice moral, le handicap, etc., imposé à un délinquant ou à une personne qui n’a pas honoré un contrat ou une obligation, tel qu’une amende ou une confiscation;

3. toute conséquence ou tout résultat malheureux d’un acte ou d’une situation.

[133]  Le libellé de l’article 147 ne limite pas une sanction à la sanction pécuniaire, puisque le mot « pécuniaire » y est ajouté, ainsi que l’expression « ou autre » [je mets en évidence]. Il est bien connu qu’un employeur peut sanctionner ses employés pour inconduite au moyen d’une réprimande présentée par écrit ou de vive voix, qui, en règle générale, n’entraîne pas nécessairement des répercussions pécuniaires; il s’agit néanmoins de sanctions, qui sont utilisées en guise de mesures disciplinaires à l’égard des employés.

[134]  En interprétant la définition de la « sanction » au sens de [traduction] « […] toute conséquence ou tout résultat malheureux d’un acte ou d’une situation », un employeur peut imposer à un employé, dans le cadre des relations de travail, des choses qui pourraient être assimilées à une sanction, même s’il ne s’agit pas d’un licenciement, d’une suspension ou d’une rétrogradation et qu’il n’y a pas de répercussions pécuniaires.

[135]  Il pourrait s’agir, par exemple, d’un refus d’octroyer un congé dans une situation donnée, ce qui pourrait être plus accablant qu’une sanction pécuniaire pour un employé, notamment un refus qui l’empêcherait d’assister à un événement familial important, tel qu’un mariage ou l’obtention d’un diplôme. De plus, si un employé demande un changement de quart aux fins d’un pareil événement et qu’il est également refusé lorsqu’il n’y a aucune raison de le faire, cela pourrait aussi être considéré comme une sanction à l’égard d’un employé. C’est la perte de la présence ou de la participation à l’événement qui est une conséquence malheureuse des actes de l’employeur (le refus du congé ou du changement de quart).

[136]  Le plaignant s’est vu refuser un changement de quart. L’employeur n’a présenté aucune preuve justifiant le refus. La preuve a révélé que le collègue du plaignant, M. Fauceglia, devait effectuer le quart de 5 h 55 à 16 h. Il n’a pas été obligé de se présenter au travail ce jour‑là et il était sommé de comparaître à la même audience SST. Par conséquent, il aurait reçu un congé pour fonctions judiciaires en vertu de la clause 47.01c)(v) de la convention collective.

[137]  D’après la preuve dont je suis saisi, M. Fauceglia aurait quitté son domicile, se serait rendu au tribunal et aurait comparu à l’audience SST, puis serait rentré chez lui et aurait été rémunéré en vertu de la clause 47.01c)(v) de la convention collective pour la période écoulée entre 9 h et 16 h 30 (7,5 heures) le 30 mai 2016, à savoir la période nécessaire pour assister à l’audience SST. Après l’audience SST et toute discussion ultérieure avec le représentant, il a pu rentrer chez lui. D’un autre côté, le plaignant aurait été obligé de partir de chez lui tôt le matin, de se rendre à Toronto pour l’audience SST, de travailler jusqu’à 22 h et de rentrer chez lui, puis de faire la même chose le lendemain.

[138]  La preuve a révélé que peu importe que le plaignant utilise sa voiture pour se rendre à Toronto ou le transport en commun, les 30 et 31 mai 2016 auraient été des journées de 17 ou 18 heures et auraient compris non seulement le déplacement à l’audience SST et sa comparution, mais aussi presque la moitié d’un quart de travail. D’un autre côté, M. Fauceglia, un collègue du plaignant, devait essentiellement faire une journée de 10 heures et n’était pas obligé d’aller au travail, simplement parce qu’il devait effectuer le quart précédent.

[139]  La clause 25.22 de la convention collective autorise les employés à échanger leurs quarts. Le refus d’un changement de quart, que la convention autorise, peut assurément constituer une sanction, suivant la définition de ce terme.

[140]  Comme j’ai conclu que le refus d’un changement de quart peut constituer une sanction, par conséquent, il est visé à l’article 147 du Code. En vertu du paragraphe 133(6), le défendeur devait démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le refus du changement de quart n’enfreignait pas l’article 147.

[141]  Selon les témoignages du plaignant et de MM. Mahon, Salerno et Glazebrook, M. Salerno est arrivé en retard à la réunion du 27 mai et a dit à tout le monde qu’on lui avait dit qu’il n’y aurait pas de changement de quart. Dans son témoignage devant moi, il a déclaré qu’il avait parlé à Mme Ptasznik aux RT, qui lui avait dit qu’elle s’était adressée à l’Administration centrale nationale de l’ASFC, qui avait dit que le temps serait payé, mais qu’il n’y aurait pas de changement de quart. En dehors de cela, aucune raison n’a été présentée pour expliquer pourquoi il n’y avait prétendument pas de changement de quart. Je dis « prétendument » parce qu’aucune recommandation écrite à cet égard des RT n’a été présentée en preuve; de plus, la preuve la plus convaincante à cet égard donne à penser le contraire.

[142]  L’employeur aurait pu citer Mme Ptasznik comme témoin; il ne l’a pas fait. Cependant, une chaîne de courriels dont elle faisait partie et dans laquelle elle a envoyé le courriel suivant le 30 mai 2016, à 16 h 42, a été déposée en preuve :

[Traduction]

J’avais parlé à Robert [Salerno] au sujet du congé, la semaine dernière, et depuis lors j’ai essayé de confirmer toutes les réponses. Il me reste à obtenir une confirmation. Il est évident que les employés ne doivent pas être pénalisés parce qu’ils comparaissent au tribunal. Cependant, lorsque je lis la Loi et la convention collective je ne vois aucune indemnité pour le déplacement. Je ne vous ai pas oubliés et nous obtiendrons la confirmation définitive de la réponse.

[143]  Le courriel a été horodaté après la première journée complète de l’audience SST. Par conséquent, alors que l’audience SST avait déjà débuté, Mme Ptasznik déclarait qu’il lui restait à confirmer les réponses. Si elle n’avait pas les réponses, et qu’elle était la personne des RT à qui M. Salerno s’était adressé, comment celui‑ci pouvait‑il avoir les réponses le vendredi 27 mai 2016, si Mme Ptasznik ne les avait pas le lundi 30 mai 2016? M. Salerno n’aurait pas pu les avoir.

[144]  De plus, dans le courriel du 21 avril, M. Fauceglia a averti les trois surintendants et le chef que l’audience SST était mise au rôle du 30 mai au 2 juin 2016, et il y a joint une copie du préavis du Tribunal SST indiquant la date, l’heure et le lieu de l’audience. Cela a eu lieu 40 jours avant le premier jour de l’audience SST le 30 mai. La preuve a révélé que l’horaire Y106 était publié 17 jours avant son début.

[145]  D’après la preuve dont je suis saisi, le 21 avril précédait de beaucoup la publication de l’horaire des quarts qui devait couvrir la période englobant l’audience SST, et les trois surintendants, MM. Mahon, Salerno et Glazebrook, auraient pu réorganiser l’horaire de manière à répondre aux besoins des deux employés qui comparaissaient à l’audience SST.

[146]  Le courriel du 21 avril de M. Fauceglia fait écho à la directive de Mme Lake dans son courriel du 29 décembre 2015, à 10 h 12, dans lequel elle disait à MM. Funk et Mahon que le plaignant et M. Fauceglia devaient déterminer à quel moment ils devaient comparaître à l’audience SST et fournir cette information suffisamment à l’avance pour permettre le changement de quart.

[147]  De plus, j’ai entendu le témoignage direct de M. Donahue, un ASF qui a aussi travaillé pour l’ASFC à Pearson, quoiqu’aux Opérations passagers. Il a déjà comparu à une audience du Tribunal de SST. Il avait alors demandé un changement de quart et l’avait obtenu. Il est curieux que les RT de l’ASFC chargées de Pearson aient à l’égard de certains ASF des règles concernant les changements de quart qui diffèrent de celles qui s’appliquent à d’autres.

[148]  Une preuve abondante donne à penser que le processus que la direction et les RT de l’ASFC avaient mis en œuvre à l’égard des ASF qui devaient assister à des audiences quasi judiciaires (notamment celles du Tribunal de SST, et plus particulièrement l’audience SST à laquelle le plaignant et M. Fauceglia devaient assister) consistait à leur permettre de changer de quart.

[149]  Par conséquent, le défendeur n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que son refus d’accorder un changement de quart au plaignant pour assister à l’audience SST les 30 et 31 mai ne constituait pas des représailles.

B.  Mesure disciplinaire

[150]  La deuxième allégation de représailles concernait la mesure disciplinaire imposée au plaignant, soit une suspension d’un jour (7,5 heures) sans solde, émise le 29 juillet 2016. Selon les motifs énoncés pour justifier la mesure disciplinaire, le plaignant savait qu’il devait retourner au travail à 17 h 25, il a choisi un mode de transport qui a retardé de façon inacceptable sa présence au travail. De plus, il connaissait les procédures appropriées pour signaler les absences et les retards et ne les a pas suivies.

[151]  Selon les témoignages des trois surintendants, à la réunion du 27 mai, le plaignant a été informé qu’il disposerait d’un temps de déplacement rémunéré d’une heure et demie pour retourner au travail après la fin de l’audience SST, que le délai d’une heure et demie devait débuter à 16 h, et qu’il devait être de retour au travail à 17 h 25.

[152]  Les témoignages des surintendants soulevaient plusieurs problèmes en ce qui concerne le temps de déplacement d’une heure et demie et l’exigence alléguée que le plaignant devait être de retour au travail à 17 h 25.

[153]  Conformément à leurs témoignages, les renseignements dont les surintendants disposaient venaient des RT, plus particulièrement de Mme Ptasznik. S’ils avaient une autre source de conseils aux RT, elle n’a pas été nommée.

[154]  D’abord et avant tout, comme Mme Ptasznik l’a déclaré dans son courriel du 30 mai 2016, la convention collective ne fait mention d’aucune indemnité versée à un employé pour la période de déplacement à destination et au retour d’une audience lorsqu’il est assigné à témoigner. En réalité, la seule chose que la clause pertinente exige, à savoir l’alinéa 47.01c)(v), c’est que l’employeur octroie un congé payé à un employé pour la période où il est sommé d’assister, sur assignation ou sur citation, à une audience comme témoin. Mme Ptasznik a confirmé ce fait dans un courriel qu’elle a envoyé à plusieurs personnes, y compris MM. Mahon et Salerno, le 1er juin 2016 (le troisième jour de l’audience SST), à 10 h 25. Elle a déclaré qu’il n’y avait aucune exigence de payer le temps de déplacement.

[155]  De plus, selon les témoignages des surintendants, l’audience SST devait se terminer à 16 h. D’où venait cette information? Elle ne figure dans aucun document et n’est pas indiquée dans l’assignation envoyée au plaignant (cela n’aurait pas aidé les surintendants, puisque la preuve a révélé qu’ils n’ont eu l’assignation en main que longtemps après la fin de l’audience SST). Par conséquent, l’heure de fin prévue à 16 h était une hypothèse émise par des personnes inconnues, ou une invention de l’un des surintendants. Quoi qu’il en soit, cela était et est erroné pour les raisons suivantes :

  • les audiences judiciaires et quasi judiciaires débutent et prennent fin aux heures fixées par le tribunal qui préside;
  • selon le témoignage du plaignant, l’audience SST a pris fin à 16 h 30, ce qui a été corroboré par un courriel qu’une représentante de l’employeur (Mme Blake) qui a assisté à l’audience a envoyé à M. Mahon.

 

[156]  Le [traduction] « Rapport de vérification des changements de quart » déposé en preuve a révélé que le 26 mai 2016, à 14 h 51, M. Salerno a enregistré une modification à l’horaire des quarts du plaignant, qui démontre que les 30 et 31 mai, celui‑ci serait à l’audience SST, et les heures indiquées vont de 11 h 55 à 17 h 25. Même si ces données ont assurément pu être saisies dans le système, cela n’a pas de sens, parce qu’il n’y avait aucune exigence de payer le temps de déplacement d’une heure et demie, et que l’heure de fin prévue à 17 h 25 n’était pas fondée.

[157]  La période d’une heure et demie allouée au déplacement peut certainement avoir été perçue par les RT ou par M. Salerno comme étant un délai raisonnable pour effectuer le trajet entre le lieu de l’audience SST, au 1, rue Front, et Cargo 3. Je pense que si le plaignant était allé à l’audience en voiture à partir de chez lui et s’était garé au centre‑ville de Toronto, il aurait pu être de retour à Cargo 3 dans le délai d’une heure et demie que l’employeur lui avait accordé au dire de M. Salerno.

[158]  Plusieurs solutions s’offraient au plaignant pour effectuer le trajet à destination et au retour de l’audience SST et revenir à Cargo 3. Il a choisi le trajet qui était probablement le plus long et le plus détourné possible. Il a pris le train GO pour Aldershot, puis un autobus GO jusqu’à la gare GO à Hamilton. Ensuite, il a marché jusque chez lui, s’est changé et s’est rendu au travail en voiture. Selon son témoignage, il a quitté le tribunal SST vers 17 h et est arrivé au travail à Cargo 3 à 20 h 10, le 30 mai, et à 20 h 12, le 31 mai.

[159]  Si le plaignant avait sérieusement décidé de ne pas conduire au centre‑ville de Toronto, il aurait pu emporter son uniforme, se rendre à Pearson en voiture, se garer à Cargo 3 ou au terminal 1 ou 3, puis prendre le train UP jusqu’à la gare Union. Le train UP passe toutes les 15 minutes et prend 25 minutes pour effectuer le trajet entre le terminal 1 à Pearson et la gare Union. Il est aussi bien connu qu’il y a une gare de train GO aux alentours de Pearson, à laquelle le plaignant aurait pu avoir accès aussi. Ces modes de transport auraient assuré son déplacement du centre‑ville de Toronto à Pearson dans le délai d’une heure et demie qui avait été estimé par une personne inconnue. Cette période d’une heure et demie pouvait certainement être jugée raisonnable, tout bien considéré.

[160]  Je ne doute pas que le plaignant aurait pu arriver à Cargo 3 en beaucoup moins de temps qu’il n’en a mis selon sa décision. En réalité, il semblerait qu’en agissant comme il l’a fait et en choisissant le trajet qu’il a choisi, il a fait un pied de nez à ses superviseurs, parce qu’ils avaient exigé de lui qu’il revienne au travail après la fin de l’audience SST.

[161]  Cela dit, la mesure disciplinaire n’a pas été imposée parce que le plaignant ne s’est pas présenté au travail dans le délai d’une heure et demie suivant la fin de l’audience SST, mais parce qu’il ne s’est pas présenté au travail à 17 h 25, et parce qu’il n’a pas suivi les procédures d’appel pour signaler qu’il serait en retard.

[162]  Il est superflu de dire que si j’accepte l’argument que le plaignant n’a pas été informé qu’il devait être au travail à 17 h 25, il ne peut être pénalisé pour ne pas y avoir été à 17 h 25, ni pour ne pas avoir appelé afin de signaler sa situation, puisqu’il s’est assurément présenté au travail. S’il ignorait qu’il devait se présenter à 17 h 25, il n’avait assurément pas besoin d’appeler pour dire qu’il serait en retard. Ses superviseurs savaient où il était.

[163]  Au vu de la preuve, je ne suis pas disposé à accepter que le fonctionnaire a été informé qu’il devait être de retour au travail à Cargo 3, à 17 h 25. Comme je l’ai déjà mentionné, les audiences judiciaires et quasi judiciaires débutent et finissent au moment où en décide le tribunal qui préside. À moins que MM. Salerno, Mahon et Glazebrook ou l’un d’entre eux ne soient voyants, ils ne pouvaient pas savoir que l’audience SST prendrait fin à une heure qui permettrait au plaignant, peu importe le délai raisonnable, de quitter le tribunal, de se rendre à Cargo 3 et de commencer à travailler à 17 h 25. Pour autant qu’on le savait au moment de la réunion du 27 mai, l’audience SST aurait pu se poursuivre jusqu’à 17 h 25 ou une heure plus tardive. Le plaignant était sommé de comparaître et devait rester jusqu’à ce que le Tribunal de SST le renvoie.

[164]  Cependant, même si j’accepte que le plaignant ait été informé qu’il devait être de retour au travail à 17 h 25, ce n’est pas pertinent, puisqu’il s’agit d’une question purement arbitraire qui ne peut être invoquée comme fondement légitime sur lequel fonder une mesure disciplinaire, pour les motifs que je viens d’exposer. De la part du défendeur, l’imposition d’une heure de retour au travail fixée à 17 h 25, sur laquelle le plaignant ne pouvait exercer aucun contrôle parce qu’il était légalement tenu sur assignation de comparaître à l’audience quasi judiciaire et d’y rester, constituait de la mauvaise foi et ne tient pas la route. Par conséquent, le plaignant ne pouvait pas être pénalisé pour être arrivé après 17 h 25.

[165]  Par conséquent, j’estime que le défendeur ne m’a pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que la mesure disciplinaire qu’il a prise contre le plaignant ne contrevenait pas à l’article 147 du Code, et à ce titre, la plainte est accueillie.

[166]  Bien qu’il s’agisse d’un point mineur, il est plutôt curieux que les trois surintendants aient maintenu que le plaignant avait été informé qu’il disposait d’une heure et demie pour retourner à Cargo 3 après l’audience SST, mais que ce délai devait courir de 16 h à 17 h 25. Un simple calcul mathématique montre qu’une période d’une heure et demie débutant à 16 h prend fin à 17 h 30, mais les surintendants n’ont pas dérogé à leur position selon laquelle l’heure de début était 17 h 25.

[167]  Cependant, plus curieux encore est le fait que les autorités, qui n’ont pas été dévoilées à la Commission, aient décidé d’une façon ou d’une autre qu’il serait bon d’enquêter sur le plaignant, et que deux des trois surintendants qui étaient des témoins clés de ce qui s’était passé à la réunion du 27 mai mèneraient l’enquête. Cela était non seulement inapproprié, mais constituait aussi clairement un conflit d’intérêts.

C.  Redressement demandé

[168]  Dans son argumentation finale, le plaignant a demandé ce qui suit, dans le cas où la plainte serait accueillie :

  • qu’une déclaration soit émise selon laquelle le défendeur a contrevenu au Code;
  • qu’une ordonnance soit émise enjoignant le défendeur de cesser d’enfreindre le Code;
  • que les mesures disciplinaires prises contre plaignant soient annulées;
  • qu’il soit indemnisé intégralement.

 

[169]  Je suis disposé à émettre une déclaration selon laquelle le défendeur a contrevenu à l’article 147 du Code.

[170]  Comme le défendeur est tenu par la loi de respecter le Code, je ne vois pas quel avantage il y aurait à ce que j’ordonne qu’il cesse de faire quelque chose que la loi lui interdit de faire.

[171]  En ce qui concerne la demande d’annulation des mesures disciplinaires, comme elles ont été prises en 2016, en vertu de la clause 17.05 de la convention collective, elles ne devraient plus figurer au dossier du plaignant. Si elles y figurent encore, puisqu’il s’agissait de représailles contre le plaignant, elles ne peuvent pas être maintenues, et à ce titre j’ordonne que toutes leurs mentions soient retirées du dossier.

[172]  Le montant total du salaire perdu en raison de la suspension d’un jour (7,5 heures) doit être remboursé au plaignant, ainsi que toutes les retenues habituelles, y compris les cotisations syndicales.

[173]  Le plaignant doit recevoir un traitement égal au montant total du salaire qu’il aurait touché les 30 et 31 mai, moins le montant qui lui a déjà été versé pour la période rémunérée entre 11 h 55 et 17 h 25, les deux jours en questions. Comme il devait travailler jusqu’à 22 h les deux jours, la différence est de quatre heures et demie pour chaque jour. Cette différence représente la rémunération qu’il aurait reçue pour cette période s’il avait obtenu le changement de quart demandé. Ce montant doit être versé malgré le fait que le plaignant est retourné au travail les 30 et 31 mai 2016, puisque si le défendeur ne l’avait pas pénalisé en refusant d’accorder son changement de quart, il aurait alors travaillé ces heures‑là à un autre moment.

[174]  Pour tous les motifs énoncés ci‑dessus, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante.)

 


V.  Ordonnance

[175]  Je déclare que le défendeur a enfreint l’article147 du Code en agissant de manière à pénaliser le plaignant pour avoir exercé ses droits en vertu des articles 128 et 129.

[176]  Si la mesure disciplinaire que le défendeur a prise contre le plaignant le 29 juillet 2016 figure encore au dossier, elle doit en être supprimée dans les plus brefs délais.

[177]  Le salaire que le plaignant a perdu pour une période de sept heures et demie doit lui être remboursé, y compris et sous réserve de toutes les retenues statutaires ou autres qui seraient normalement prélevées et remises dans la pratique normale de la rémunération.

[178]  Le plaignant doit recevoir un salaire égal à neuf heures, y compris et sous réserve de toutes les retenues statutaires ou autres qui seraient normalement prélevées et remises dans la pratique normale de la rémunération.

[179]  Je demeurerai saisi de l’affaire pour une période de 120 jours après le prononcé de la présente décision, afin de régler toute question pouvant découler de la mise en œuvre du redressement.

Le 20 mai 2020.

Traduction de la CRTESPF

 

John G. Jaworski,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

 

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