Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé était un plombier d’entretien à un établissement géré par l’employeur – il a développé une invalidité à la suite d’incidents traumatisants qui sont survenus alors qu’il était en service actif (trouble de stress post-traumatique et dépression) – tel que recommandé, il a cessé de travailler à l’établissement en juillet 2007 et a trouvé un emploi en dehors de la fonction publique – son dossier auprès de l’employeur est demeuré ouvert et son nom a finalement été placé sur une liste de statut prioritaire en tant qu’employé invalide de juin 2011 à juin 2013 – en février 2012, il a déposé une plainte de harcèlement contre des membres de l’équipe de direction de l’employeur, alléguant que la façon dont ils ont géré son état de santé constituait du harcèlement – la politique du Conseil du Trésor prévoit qu’une plainte doit être déposée dans l’année suivant le harcèlement, sauf s’il y a des circonstances atténuantes – l’employeur a rejeté la plainte parce qu’elle était hors délai – la plus récente allégation de harcèlement de la plainte a été formulée en juillet 2009, ce qui signifie que la plainte était en retard de presque trois ans – le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté le rejet de la plainte, alléguant que l’employeur a enfreint la clause de non-discrimination de la convention collective en rejetant de façon arbitraire et erronée sa plainte sans déterminer s’il y avait des circonstances atténuantes, en raison de son invalidité – la Commission a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas établi une preuve prima facie de discrimination parce que, même si on y ajoute foi, il n’a pas démontré que son invalidité était un facteur qui l’a empêché de déposer la plainte dans les délais – lorsque, durant son témoignage, il a été interrogé sur les raisons du retard, il n’a pas mentionné son invalidité – il a déclaré qu’il était frustré par l’inaction de l’employeur pour ce qui est de lui trouver un autre poste après qu’un statut prioritaire a été déclaré à son égard – de plus, aucun renseignement médical n’a établi qu’il existait un lien entre son invalidité et le délai pour déposer sa plainte de harcèlement – en outre, le fonctionnaire s’estimant lésé et son agent négociateur n’ont pas établi l’existence de circonstances exceptionnelles qui justifiaient le retard considérable à déposer la plainte.

Grief rejeté.

Contenu de la décision

Date : 20200528

Dossier : 566-02-8934

 

Référence : 2020 CRTESPF 61

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

GEORGE HILL


fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Service correctionnel du Canada)


défendeur

Répertorié

Hill c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : David P. Olsen, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : David Tarasoff, avocat

Pour le défendeur :  Richard Fader, avocat

Affaire entendue à Victoria (Colombie-Britannique)

les 7 et 8 novembre 2019.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1]  George Hill, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), était un plombier d’entretien à l’Établissement William Head du Service correctionnel du Canada (SCC ou l’« employeur ») à Victoria, en Colombie-Britannique. Il prétend qu’il est handicapé et que l’employeur l’a harcelé dans ses tentatives de prendre des mesures d’adaptation à son égard. En conséquence, il a déposé une plainte de harcèlement, que l’employeur a rejetée au motif qu’elle était hors délai. Le 24 août 2012, il a déposé un grief contestant la décision de l’employeur de rejeter la plainte de harcèlement.

[2]  Le grief indiquait précisément ce qui suit : [traduction] « En ce qui concerne le rejet arbitraire et à tort de ma plainte de harcèlement, je dépose un grief selon lequel l’employeur a contrevenu à l’article 19 de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada […] ».

[3]  À titre de mesure de réparation, il a demandé que tous les congés et les prestations perdus à la suite des mesures prises par l’employeur lui soient remboursés avec intérêt, qu’il reçoive une indemnisation pour les préjudices moraux qu’il a dû subir à la suite de ces mesures, et qu’il soit indemnisé intégralement.

[4]  L’employeur a répondu au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Il a rejeté le grief. Sa réponse est rédigée en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Conformément à la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail du Conseil du Trésor, la plainte écrite doit être déposée dans les 12 mois suivant le dernier incident ou le dernier cas de harcèlement présumé. Votre plainte de harcèlement a été déposée le 16 février 2012. La dernière allégation de harcèlement a eu lieu le 31 juillet 2009. Par conséquent, le contenu de votre dossier a été examiné et il a été conclu que la plainte a été déposée en dehors du délai prévu par la politique du Conseil du Trésor et le dossier a été clos.

De plus, il convient de noter que votre plainte de harcèlement portait sur une question liée au grief no 33080, qui a été réglée par une entente de règlement. Les conditions de l’entente, en date du 31 août 2011, comprenaient la déclaration que vous « ne prendrez aucune autre mesure administrative relativement à toute question connexe au présent grief. Cela comprend, sans s’y limiter, toute forme de grief ou de plainte devant le Conseil national mixte, la Commission des droits de la personne ou la Commission des relations de travail dans la fonction publique ». Par conséquent, l’inclusion de cette question dans la plainte de harcèlement est considérée comme une contravention des conditions du règlement.

 

[5]  M. Hill a renvoyé le grief à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) le 22 août 2013. Le 1er novembre 2014, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») a été créée et a été chargée d’examiner et de poursuivre les procédures engagées devant la CRTFP.

[6]  La question fondamentale dont la Commission est saisie en l’espèce est de savoir si l’employeur a contrevenu à la clause de non-discrimination de la convention collective en rejetant la plainte de harcèlement de M. Hill au motif qu’elle était hors délai, sans déterminer s’il y avait des circonstances atténuantes pour le retard en raison de son invalidité et sans en tenir compte.

[7]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que le grief était sans fondement et qu’il devrait être rejeté.

II.  La preuve

[8]  L’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») a cité à témoigner les deux témoins suivants :

·  le fonctionnaire;

·  Dann Cook, l’un de ses délégués syndicaux.

 

[9]  L’employeur n’a cité aucun témoin.

A.  Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

1.  M. Hill

[10]  M. Hill est un compagnon plombier et il exerce ce métier depuis 36 ans. Il a commencé son emploi à titre de plombier d’entretien à l’Établissement William Head en juin 1993.

[11]  Il était responsable de l’infrastructure, des eaux usées, du gaz, de l’eau, des égouts et des systèmes d’incendie, ainsi que de la sûreté et de la sécurité de l’établissement William Head, et s’assurait que le travail effectué était conforme au code.

[12]  Il formait des détenus à la gestion des eaux usées. Il pouvait les faire travailler avec lui à des fins de formation. Il était également responsable de veiller à ce qu’ils respectent les règles de l’Établissement William Head. Il avait affaire à des détenus aussi bien dans l’atelier que dans les unités.

[13]  Il les avertissait et les accusait s’ils commettaient des infractions. Il trouvait des couteaux et des lames improvisées sous les éviers. Il ne pouvait pas utiliser des menottes ou des armes à feu. La plupart des autres métiers ne se rendaient pas dans les unités.

[14]  On l’a renvoyé à un rapport en date du 26 mai 2006 faisant état d’une évaluation de l’aptitude au travail effectuée par Santé Canada le 23 mai 2006. On lui a demandé ce qui avait mené à l’évaluation. Il a indiqué qu’il ne se souvenait pas de tout.

[15]  Une fois, il a été impliqué lorsqu’un cadavre a été repêché de l’océan par des plongeurs de la Gendarmerie royale du Canada dans des circonstances où un détenu avait disparu. Le cadavre avait été attaché au quai.

[16]  Une autre fois, il avait surpris un détenu en dehors des limites et l’avait défié. Le détenu, qui avait été reconnu coupable de meurtre, a pris le fonctionnaire en otage. Le détenu a menacé le fonctionnaire avec un crochet à viande que le détenu avait fixé à son poignet.

[17]  Lors d’un autre incident survenu à la station d’épuration, un détenu a menacé de le tuer. Le détenu portait une cagoule et avait une hache. Le fonctionnaire a allégué que la direction de l’Établissement William Head n’avait rien fait. Un superviseur était apparu au coin; le détenu avait ensuite roulé sur un buisson et disparu.

[18]  À la question de savoir quel était le lien entre les incidents et l’évaluation de l’aptitude au travail, M. Hill a indiqué qu’il s’était replié sur lui-même et qu’il lui incombait de se défendre lui-même.

[19]  À la suite de ces incidents, M. Hill soutient qu’il a développé une déficience.

[20]  Il a été évalué par un certain nombre de médecins et de psychologues. Un rapport en date du 26 mars 2007 et préparé par un psychiatre consultant a diagnostiqué chez M. Hill un trouble de stress post-traumatique (TSPT) ainsi qu’une dépression majeure. Selon le rapport, il était recommandé que M. Hill ne continue pas de travailler à l’Établissement William Head.

[21]  M. Hill a indiqué qu’il avait continué de travailler à l’Établissement William Head jusqu’en juillet 2007, date à laquelle il a trouvé un emploi au ministère de la Défense nationale (MDN), où il a travaillé à la réparation d’un sous-marin. Le directeur de l’Établissement William Head a accepté un détachement de deux ans là-bas.

[22]  À la question de savoir s’il était resté au MDN pendant l’entièreté des deux années, il a indiqué qu’il ne pensait pas que la qualité du travail était à la hauteur. Il s’est rendu dans l’Arctique pour travailler à EKATI, une mine de diamants où il n’avait pas à travailler avec des personnes.

[23]  Au moment de l’audience, il était en congé de la mine de diamants, car il avait développé une hernie.

[24]  Il n’est pas retourné travailler dans la fonction publique.

[25]  En juillet 2007, il a présenté une demande d’indemnisation pour accident de travail au motif de stress mental. Il a demandé le remboursement des frais d’évaluation et de traitement médical. Un gestionnaire de cas a rejeté sa demande le 6 novembre 2007, au motif qu’elle découlait d’un événement survenu le 25 avril 2006 et que, conformément à la loi, la demande avait été présentée hors délai. Il a également été conclu qu’aucune circonstance particulière n’avait empêché le fonctionnaire de déposer sa réclamation à temps.

[26]  Il a demandé un réexamen de la décision. Le 19 juin 2008, un agent d’examen a confirmé la décision antérieure selon laquelle la réclamation était interdite par la loi.

[27]  Il a interjeté appel de la décision de l’agent d’examen auprès du [traduction] Tribunal d’appel des accidents du travail  (TAAT) de la Colombie-Britannique.

[28]  Le TAAT devait déterminer si la demande d’indemnisation du fonctionnaire était hors délai. Le 3 février 2009, le TAAT a accueilli son appel. Il a conclu que des circonstances particulières avaient empêché M. Hill de déposer sa demande dans le délai d’un an.

[29]  Le TAAT a conclu ce qui suit sur les faits :

[Traduction]

[35] […] Je suis convaincu que des circonstances particulières ont empêché le travailleur de déposer sa demande dans les délais. Tout en sachant qu’il éprouvait des difficultés psychologiques, le travailleur n’était pas au courant, jusqu’à ce qu’il reçoive les évaluations approfondies et les avis du psychologue et du psychiatre, qu’il souffrait en fait d’un TSPT et d’un trouble dépressif majeur, qui, selon eux, étaient étroitement liés aux événements traumatisants au travail. Étant donné qu’il n’était pas au courant qu’il avait subi un préjudice psychologique important jusqu’alors, je conclus qu’il a été empêché de remplir une demande d’indemnisation en temps opportun.

 

[30]  Un gestionnaire de cas de WorkSafe BC a donné suite à la décision du TAAT et, dans une décision en date du 13 mars 2009, a accepté la demande du fonctionnaire concernant son TSPT et a déterminé que les coûts de son évaluation médicale et du traitement liés à son diagnostic étaient couverts.

[31]  M. Hill a fait référence à une lettre en date du 31 juillet 2009 provenant du directeur adjoint, Services de gestion, de l’Établissement William Head, intitulée [traduction] « Retour au travail le 20 mai 2009 ». La lettre faisait référence à l’historique des réclamations du fonctionnaire auprès de la Commission des accidents du travail (CAT) et au fait que le 13 mars, WorkSafe BC avait accepté sa demande d’indemnité pour son TSPT et que son gestionnaire de cas de WorkSafe BC organisait une évaluation psychologique.

[32]  La lettre est rédigée en partie comme suit :

[Traduction]

Vous êtes actuellement en congé pour des raisons personnelles jusqu’au 19 août 2009. Je m’attends donc à ce que vous vous présentiez au travail le 20 août 2009 ou que vous présentiez une demande de congé, avec les documents appropriés pour mon approbation. Si vous décidez de retourner au travail, vous êtes tenu de me fournir la note du médecin soulignant vos restrictions, le cas échéant, pendant que nous attendons les résultats de votre évaluation psychologique de WorkSafe BC.

Vous devez m’aviser de votre intention de retourner au travail le 20 août 2009 et me fournir les renseignements opérationnels appropriés, ou présenter une demande de congé accompagnée des documents appropriés, au plus tard le 11 août 2009.

N’hésitez pas à communiquer avec moi […] Si vous avez des questions ou des commentaires.

 

[33]  M. Hill a indiqué que lorsqu’il a reçu la lettre, il ne voulait pas en parler. Il ne pouvait pas retourner à l’Établissement William Head. Il a indiqué que si les détenus savent que vous êtes blessé, ils vous talonnent, vous frappent et vous crachent dessus.

[34]  Il a fait l’objet d’une autre évaluation psychiatrique de la part du psychiatre consultant, dont la lettre de rapport, en date du 14 août 2009, résumait l’historique du cas de M. Hill comme suit :

[Traduction]

M. Hill est un employé du pénitencier William Head, mais il est actuellement en congé non payé. À la suite d’incidents traumatiques qui sont survenus pendant qu’il était en service actif, il est tombé malade et on lui a diagnostiqué un trouble de stress post-traumatique (TSPT) et une dépression majeure concomitante. Les évaluations précédentes ont mené à la recommandation de ne pas retourner au travail au pénitencier et, par conséquent, M. Hill s’est organisé pour travailler avec le ministère de la Défense nationale sur un projet lié aux sous-marins. En raison de la persistance des symptômes, il a constaté qu’il n’était pas en mesure de travailler de façon productive dans cet environnement et il a quitté ce poste. Il n’a pas travaillé pour le gouvernement du Canada depuis environ 18 mois. Il travaille actuellement pour BHP Billiton à leur mine de diamants dans les Territoires du Nord-Ouest. Il prend un vol pour aller travailler pendant deux semaines, ensuite il est chez lui pendant deux semaines. Il me dit qu’il s’en sort bien dans ce travail […]

 

[35]  Le psychiatre a préparé un autre rapport psychiatrique pour M. Hill, également daté du 14 août 2009. Une entrevue psychiatrique de suivi avait été menée le 12 août 2009.

[36]  Dans le deuxième rapport, le psychiatre a donné son avis psychiatrique. Il est rédigé en partie comme suit :

[Traduction]

Les symptômes dépressifs observés lors des évaluations précédentes ont été en grande partie résolus, mais pas complètement. C’est sans aucun doute dû à la tentative de M. Hill de suivre le programme de traitement qui lui a été présenté auparavant pour l’aider à faire face à la dépression. En outre, son absence du pénitencier a diminué son niveau de stress continu.

En ce qui me concerne, le trouble de stress post-traumatique dont souffre M. G Hill est directement lié aux événements survenus au pénitencier William Head. Je suis d’avis qu’il ne devrait pas retourner au milieu correctionnel où il était employé auparavant […] En outre, je ne crois pas qu’il devrait retourner dans un quelconque établissement correctionnel ni dans aucune situation qui exige des contacts avec des détenus. Enfin, je ne crois pas qu’il devrait travailler dans un contexte militaire ou quasi militaire, étant donné que ce type de milieu peut à nouveau lui poser des difficultés particulières.

M. Hill possède des qualifications professionnelles qu’il peut, à mon avis, continuer à utiliser de façon productive. En ce qui concerne son métier, aucune restriction ne semble nécessaire. Je soupçonne qu’il fonctionnera de façon optimale dans un milieu où il pourra travailler de façon indépendante et où la supervision, si nécessaire, pourra être assurée sans confrontation.

 

[37]  Le psychiatre a conclu que le TSPT du fonctionnaire était chronique. Par conséquent, son pronostic était sous toute réserve. Toutefois, il était d’avis que M. Hill semblait très motivé à participer au programme de traitement recommandé.

[38]  Le 10 décembre 2010, le directeur de l’Établissement William Head a écrit à M. Hill pour l’informer qu’à la suite de l’acceptation de sa demande d’indemnisation pour accident de travail du 13 mars 2009 et leur correspondance subséquente datée du 3 décembre 2010, indiquant qu’il souffrait de limitations permanentes, il pourrait être admissible au statut de priorité en tant qu’employé devenu invalide.

[39]  La lettre indiquait que pour être admissible à la priorité d’invalidité, il devait être certifié prêt à retourner au travail par une autorité compétente, c’est-à-dire un médecin, dans un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle il a été approuvé pour les prestations de WorkSafe BC, qui se termineraient le 12 mars 2014.

[40]  La lettre indiquait qu’on avait évalué chez lui deux conditions permanentes, à savoir qu’il n’était pas en mesure de travailler dans une prison ou dans un environnement semblable, et qu’il n’était pas en mesure de travailler avec des détenus ou d’anciens détenus.

[41]  Il a été informé qu’une fois que la CAT aurait déterminé qu’il était en mesure de retourner au travail, il lui incomberait d’aviser le SCC et de lui fournir la documentation appropriée de l’autorité compétente. Il aurait alors droit, pendant deux ans, à une nomination non annoncée, sous réserve des dispositions de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP) et en priorité sur toutes les autres personnes, à un poste dans la fonction publique pour lequel, de l’avis de la Commission de la fonction publique, il était qualifié.

[42]  Il a également été informé que le 16 juillet 2010, le directeur de l’Établissement William Head avait approuvé sa demande de congé de maladie sans solde jusqu’au 31 décembre 2010, et qu’il devait présenter une autre demande de congé pour approbation.

[43]  M. Hill a compris que le gouvernement fédéral l’aiderait à trouver un emploi ailleurs qu’au sein d’un environnement pénitentiaire.

[44]  Le 27 juillet 2011, le directeur par intérim de l’Établissement William Head a écrit à M. Hill. La lettre faisait référence à la lettre du 10 décembre 2010 de l’ancien directeur qui indiquait que s’il était jugé apte à retourner au travail le 12 mars 2014 ou avant, il serait déclaré prioritaire pour cause d’invalidité. La lettre indiquait que le 21 juin 2011, WorkSafe BC a déterminé qu’en raison d’une blessure psychologique signalé le 19 juillet 2007, il était prêt à retourner au travail, mais pas à l’emploi qu’il occupait au sein du SCC avant sa blessure.

[45]  Il a été de nouveau informé que, conformément au Règlement sur l’emploi dans la fonction publique (DORS 2005/334), il avait droit à une priorité pour invalidité pendant deux ans, soit du 21 juin 2011 au 20 juin 2013. Il a été avisé qu’un conseiller en dotation traiterait les documents pertinents et communiquerait avec lui pour expliquer le processus de priorité.

[46]  Le 21 juin 2012, le directeur par intérim a de nouveau écrit à M. Hill pour l’informer que la Commission de la fonction publique ne considérait plus WorkSafe BC comme une autorité compétente pour déterminer qu’un employé est prêt à retourner au travail, et l’a avisé que le 5 juin 2012, son médecin avait déterminé qu’il était prêt à retourner au travail à compter du 1er juillet 2012.

[47]  On a demandé à M. Hill si cela avait donné un résultat. Il a indiqué ce qui suit : [traduction] « Non. J’ai essayé. Je ne suis pas très bon avec les ordinateurs. Cela n’a pas fonctionné. »

a.  La plainte de harcèlement

[48]  Le 16 février 2012, M. Hill a déposé une plainte de harcèlement contre des membres de l’équipe de gestion de l’Établissement William Head.

[49]  La plainte indiquait en partie ce qui suit :

[Traduction]

Ma plainte de harcèlement porte sur leur connaissance de ma détresse psychologique ainsi que sur leur ignorance totale et leur attaque calculée à l’égard de mes droits personnels et de mon bien-être à la lumière de ces mêmes droits et atteintes calculées. Leur comportement a créé pour moi un milieu de travail toxique, une supervision hostile (supervision immédiate) et a été un facteur principal de la détérioration des relations de travail que j’ai eues avec mes collègues et les membres de mon personnel. Ce qui est tout aussi important, c’est qu’il a été la principale cause de la réduction des possibilités de carrière, de promotion et de formation en tant qu’employé.

[…]

L’attaque prolongée m’a causé une maladie physique et mentale en raison d’un stress excessif et accru. J’ai perdu du temps de travail et j’ai été forcé d’utiliser des droits aux congés annuels alors qu’il aurait dû s’agir de droits aux congés de maladie. Cela a eu une incidence extrêmement négative sur ma famille et mes amis. J’ai éprouvé de la difficulté à me concentrer sur une tâche simple en raison du stress. J’ai éprouvé des difficultés émotionnelles et financières en raison de ma recherche d’emploi à l’extérieur du SCC. En dernier recours [l’équipe de gestion] et le SCC ont refusé ma demande de confirmation des heures liées à mes fonctions. Par conséquent, j’ai perdu des possibilités d’emploi dans le secteur privé, ce qui a empêché mon rétablissement et mon employabilité à l’extérieur du SCC.

 

[50]  Au cours de son témoignage, M. Hill a été renvoyé à la Section F de la plainte de harcèlement, qui énonçait en détail tous les diagnostics médicaux, psychiatriques et psychologiques qui avaient été faits sur son état de santé de mars 2005 à août 2009. Il a affirmé dans la plainte qu’un ancien directeur et l’équipe de gestion connaissaient parfaitement son état de santé et qu’on leur avait fourni les renseignements à ce sujet. Malgré ces éléments de preuve, on lui a ordonné de retourner au travail au moyen d’une lettre en date du 20 mai 2009. Il a été déterminé à l’audience devant moi que la lettre était en fait en date du 31 juillet 2009.

[51]  Comme mentionné ci-dessus, il a déposé sa plainte de harcèlement trois ans plus tard, soit le 16 février 2012. Il a indiqué dans son témoignage qu’il l’avait déposée parce qu’il en avait [traduction] « assez ». Il ne l’a pas déposée plus tôt, car il attendait que les [traduction] « rouages s’emboîtent et qu’il y ait un dénominateur commun ».

[52]  Le 16 avril 2012, il a reçu une lettre de la coordonnatrice régionale de la prévention du harcèlement du SCC, qui était rédigée en partie comme suit :

[Traduction]

Au début de mars 2012, M. Dave Clouston, directeur par intérim de l’Établissement William Head, m’a fourni une copie de votre plainte déposée, en date du 16 février 2012. Je l’ai examinée et j’ai conclu que le contenu ne respecte pas les délais acceptables pour déposer une plainte de harcèlement en vertu de la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail du Conseil du Trésor.

Si vous souhaitez discuter des points mentionnés ci-dessus et/ou de la politique du Conseil du Trésor ci-jointe, veuillez m’appeler au […] ou à mon adresse courriel […]

 

[53]  On lui a demandé s’il avait appelé le coordonnateur de la lutte contre le harcèlement. Il a indiqué qu’il ne croyait pas avoir appelé cette personne.

[54]  Le 9 juillet 2012, Dann Cook, représentant de l’agent négociateur de M. Hill, a écrit au sous-commissaire régional en son nom. La lettre a été rédigée en partie comme suit :

[Traduction]

En tant qu’employé, ma vie a été modifiée négativement de façon permanente, vous n’avez pas réussi à me protéger contre le harcèlement, le manque de respect et le rejet continus. Mon médecin m’informe que j’ai souffert d’un TSPT chronique et que j’en souffrirai pour le reste de ma vie. Votre organisation n’est pas capable de protéger ses propres employés de sa propre direction […]

Dans une décision arbitraire de votre spécialiste de la prévention du harcèlement, je vois que la définition est de prévenir l’enquête. Pour une organisation qui dit constamment au monde qu’elle est transparente et suit les processus, j’aurais pensé qu’elle aurait fait preuve d’une telle confiance en la soumettant à une évaluation minutieuse, et non au rejet arbitraire. Comme vous pouvez le voir dans la pièce jointe, votre ministère l’a fait avec la phrase contradictoire « en dehors des délais acceptables pour le dépôt ». La lettre de Mme Shepherd indique que je pourrais lui parler; je l’ai fait lorsque j’ai demandé une copie par télécopieur de sa lettre à mon avocat le 12/07/05. Dans les discussions avec mes pairs et mes représentants syndicaux, il semble que votre objectif est de me décourager, mais je ne m’en vais pas. Les six dernières années de mauvais traitements m’ont déjà coûté de l’argent, ma santé mentale, mes amis et très probablement mon mariage.

 

[55]  Le 26 juillet 2012, le sous-commissaire régional a écrit à M. Hill, indiquant en partie ce qui suit :

[Traduction]

Le Conseil du Trésor fournit aux ministères des directives concernant la politique pour la gestion des plaintes de harcèlement. Cette politique stipule clairement que les plaintes doivent être déposées dans un délai d’un an à compter du harcèlement présumé qui a mené à la plainte, sinon la plainte ne peut être acceptée. Cette restriction appuie l’objectif de la politique, à savoir qu’une résolution rapide et une intervention rapide sont nécessaires pour prévenir et régler le harcèlement en milieu de travail.

Même si votre plainte n’était pas conforme aux délais prévus par la politique et aurait pu être rejetée à ce moment-là, le coordonnateur régional de la prévention du harcèlement a estimé qu’il était important d’examiner soigneusement votre demande à la lumière du nombre et de la complexité des questions soulevées. L’objectif était de s’assurer que, si vous avez soulevé des questions qui ne relevaient pas de la politique sur le harcèlement, celles-ci pourraient être traitées de façon appropriée. Autre point, le délai entre la date de réception de la plainte et la date de la réponse n’est pas considéré comme excessif, étant donné le délai nécessaire pour recueillir et examiner les renseignements contenus dans votre plainte.

Vous pouvez faire appel aux services de notre spécialiste du bureau de la gestion informelle des conflits dans la région du Pacifique, qui pourrait peut-être proposer des solutions à vos questions et préoccupations en suspens.

 

[56]  Il a déposé le présent grief contre le rejet de sa plainte de harcèlement le mois suivant, soit le 24 août 2012.

[57]  Entre-temps, M. Hill a conservé son statut de priorité pour invalidité du 12 juillet 2012 au 30 juin 2014 et a été inscrit au système de gestion de l’information sur les priorités de la Commission de la fonction publique. Une des limites était qu’il n’était pas en mesure de travailler dans un milieu correctionnel, un établissement correctionnel ou avec des détenus.

[58]  M. Hill a été renvoyé à son courriel à la direction du SCC du 14 février 2014, dans lequel il a indiqué qu’il élargirait ses possibilités de travail à l’extérieur de Victoria, à savoir aux emplacements du MDN à Edmonton, en Alberta, et à Trenton, en Ontario, ou dans tout autre poste du gouvernement fédéral dans ces secteurs (y compris Victoria) qui pourrait bénéficier de ses capacités.

[59]  Il a indiqué que la direction ne lui avait pas trouvé de poste.

[60]  Il a renvoyé à une chaîne de courriels qui s’est achevée le 17 mai 2014 et dans laquelle il a confirmé au SCC qu’il prendrait sa retraite le 30 juin 2014.

[61]  Le 17 juin 2013, il a été informé par écrit que les lignes directrices du Conseil du Trésor exigeaient la cessation des congés sans solde dans les deux ans par le retour au travail, la démission, la retraite pour des raisons médicales ou le licenciement pour motif non disciplinaire, conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11).

[62]  Il a indiqué qu’il avait choisi la retraite.

[63]  Il a indiqué qu’il souffre toujours d’un TSPT et qu’il prend des médicaments. Il voit un psychiatre à Penticton, en Colombie-Britannique, bien qu’il ne se souvienne pas du nom du psychiatre. Il a essayé sans succès de cesser de prendre des médicaments.

b.  Contre-interrogatoire

[64]  Il a reconnu avoir eu accès à son agent négociateur jusqu’à ce que sa plainte de harcèlement soit déposée.

[65]  Il a identifié les trois représentants de l’agent négociateur qui lui avaient été affectés, dont son président de la section locale et Eric Nygard, qui s’occupait de son affaire avant et depuis juillet 2007, ainsi que M. Cook, qui était un délégué syndical.

[66]  Ils l’ont aidé à rédiger son grief, car il avait confondu les faits.

[67]  M. Nygard avait signé une approbation pour déposer un grief le 9 novembre 2006, que le fonctionnaire a signé, contestant une suspension disciplinaire de cinq jours sans solde qui lui avait été imposée le 12 octobre 2006, au motif que la pénalité était excessive. M. Nygard l’a aidé en ce qui concerne le grief.

[68]  Le grief a été réglé le 26 septembre 2011 par un protocole d’entente dans lequel il a été remboursé pour la suspension de cinq jours. L’une des conditions de l’entente était que M. Hill n’engage aucune autre mesure administrative relativement à toute question connexe au grief. M. Cook a signé l’entente à titre de représentant de l’agent négociateur.

[69]  M. Hill a été interrogé à savoir dans quelle mesure il s’était entretenu avec des représentants du Programme d’aide aux employés et ce qu’il avait reçu de la CAT. Il a indiqué qu’il s’agissait d’une certaine aide, qu’il avait discuté avec le psychologue et qu’il avait consulté le Dr Malcolm et le Dr Pendergast.

[70]  L’agent négociateur s’est chargé de déposer sa plainte de harcèlement car, à l’époque, il n’était pas autorisé à se rendre sur le site de l’Établissement William Head.

[71]  L’agent négociateur ne s’est pas entretenu avec la Commission de la fonction publique au sujet de la désignation de priorité du fonctionnaire. Il a supposé que la direction des Ressources humaines du SCC s’était entretenue avec la Commission de la fonction publique.

2.  Dann Cook

[72]  M. Cook a été un agent de libération conditionnelle de 1996 à 2016. Avant 1996, il était agent correctionnel. Il travaillait à l’Établissement William Head.

[73]  Il était délégué syndical au sein du Syndicat des employé-e-s du Solliciteur général, une composante de l’agent négociateur.

[74]  À titre de délégué syndical, il interagissait avec M. Hill.

[75]  M. Cook a assisté à une réunion le vendredi 28 août 2009 avec la direction pour demander une mesure d’adaptation pour M. Hill, non pas à l’Établissement William Head, compte tenu de l’évaluation médicale, mais dans un autre poste qui se trouvait à proximité de son domicile, lequel respectait les limitations de M. Hill et satisfaisait ce dernier, son médecin, l’employeur et l’agent négociateur.

[76]  Il a reconnu sa signature apposée aux conditions du règlement du grief de M. Hill en ce qui concerne sa suspension de cinq jours. Au début, la direction a accepté une suspension de trois jours. Après d’autres négociations, le directeur général par intérim a accepté de rembourser à M. Hill la totalité de la suspension de cinq jours.

[77]  On lui a demandé, dans le cadre de l’entente à l’égard de l’engagement, de n’entamer aucune autre mesure administrative relativement à toute question connexe au grief. Il a indiqué qu’il ne s’agissait que de la suspension de cinq jours. Il a rencontré M. Hill à l’extérieur. M. Hill a accepté de signer l’entente.

[78]  Il a déposé la plainte de harcèlement auprès de la direction le 22 février 2012, pour laquelle on lui a donné un accusé de réception. Il a informé le fonctionnaire à ce sujet.

[79]  Il a été interrogé à savoir pourquoi la plainte de harcèlement avait été déposée aussi tard. Il a indiqué que le dépôt avait été fait conjointement aux décisions prises dans l’affaire de M. Hill. L’affaire avait évolué depuis la décision de 2011 visant la déclaration de sa priorité pour invalidité. Après six ou sept mois d’inactivité, l’agent négociateur et M. Hill ont déposé la plainte. Par la suite, , aucune tentative n’a été faite pour placer M. Hill dans un autre poste.

c.  Contre-interrogatoire

[80]  La réunion du 28 août 2009 portait principalement sur le bien-être de M. Hill. Sa suspension de cinq jours concernait son incapacité à gérer son stress. L’agent négociateur a pris la question très au sérieux. Un représentant national de l’agent négociateur avait voulu prendre l’avion pour Victoria pour participer à la réunion, mais il n’a pas pu le faire. Il a envoyé un courriel, que M. Cook a présenté lors de la réunion.

[81]  L’objectif de M. Cook en assistant à la réunion était d’observer et d’apprendre. L’employeur a discuté du système de priorité et de la question de savoir si le poste de M. Hill serait doté pendant qu’il était en congé. Le ministère devait nommer des personnes ayant le statut de priorité, au besoin, mais le processus était davantage dirigé par la Commission de la fonction publique. Il était indépendant du SCC.

[82]  La difficulté dans la recherche d’un poste convenable pour M. Hill était que, compte tenu de ses antécédents, les employeurs potentiels s’inquiétaient de sa fiabilité.

B.  Pour l’employeur

[83]  Il a été convenu qu’aucune conclusion défavorable ne serait tirée du fait que l’employeur n’a pas convoqué l’auteur de la lettre du 16 avril 2012, rejetant la plainte de harcèlement de M. Hill au motif qu’elle était hors délai, étant donné que l’auteur est décédé.

III.  Résumé de l’argumentation

A.  Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

[84]  La question dont la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») est saisie consiste à déterminer si l’employeur a contrevenu à l’article 19 de la convention collective lorsqu’il a refusé d’enquêter et d’examiner la plainte de harcèlement de M. Hill sur le fond et qu’il a plutôt décidé de la rejeter au motif qu’elle était hors délai.

[85]  La décision a été prise en vertu de la « Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail » du Conseil du Trésor (la « politique du Conseil du Trésor »).

[86]  La politique du Conseil du Trésor énonce les étapes à suivre pour le dépôt, l’examen préliminaire et la reconnaissance d’une plainte, comme suit :

 

Étape 1 – Dépôt d’une plainte

Le plaignant dépose une plainte par écrit auprès du gestionnaire délégué, ou au niveau suivant de la hiérarchie si le gestionnaire délégué fait l’objet de la plainte, dans l’année qui suit le prétendu harcèlement. La plainte doit donner la nature des allégations; le nom du mis en cause; la relation entre le mis en cause et le plaignant (par exemple. superviseur ou collègue), la date du ou des incidents, leur description et, s’il y a lieu, le nom des témoins. L’information fournie sera aussi précise et concise que possible.

Étape 2 – Évaluation de la plainte  et accusé de réception

Sur réception d’une plainte, le gestionnaire délégué évalue la plainte et en accuse réception. Les critères utilisés dans cette évaluation sont les suivants :

• La plainte doit être déposée dans l’année qui suit le prétendu harcèlement ayant conduit au dépôt de la plainte, à moins qu’il n’y ait des circonstances atténuantes;

• La plainte doit comporter les renseignements énumérés à l’étape 1.

[…]

 

[87]  La question de savoir s’il y avait des circonstances atténuantes est au cœur de cette affaire.

[88]  Avec l’aide de M. Cook, le fonctionnaire a déposé la plainte le 22 février 2012. Il a convenu que c’était plus d’un an après l’incident le plus récent mentionné dans la plainte.

[89]  La section F de la plainte de harcèlement a renvoyé au fait que [traduction] « [m]algré cette preuve et seulement parce que l’assurance accident du travail a accepté mon invalidité le 3 février 2009, j’ai été ordonné de retourner au travail par Mme Jacques dans une lettre en date du 20 mai 2009, avec une copie envoyée à M. Langer, qui serait son consultant principal en dotation. »

[90]  Il s’agit de l’incident le plus récent mentionné dans la plainte. La date de la lettre est erronée; elle devrait être le 31 juillet 2009.

[91]  La réponse au grief au deuxième palier, en date du 4 décembre 2012, est rédigée en partie comme suit : [Traduction] « Votre plainte de harcèlement a été déposée le 16 février 2012, plus de deux ans et demi après la dernière communication litigieuse que vous avez eue avec l’employeur le 31 juillet 2009. »

[92]  Il y avait des circonstances atténuantes ayant trait à l’invalidité de M. Hill. Elles expliquent le retard dans le dépôt de la plainte, de sorte que l’employeur a fait preuve de discrimination à son égard lorsqu’il a rejeté la plainte comme étant hors délai.

[93]  Le critère pour la discrimination prima facie est énoncé dans la décision de la Cour suprême du Canada Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 CSC 61.

[94]  Voir également McLaughlin c. Agence du revenu du Canada, 2015 CRTEFP 83.

[95]  Cette affaire est d’intérêt général, car elle comprend une analyse du moment où l’article 19 est en jeu.

[96]  Pour appliquer Moore à l’espèce, M. Hill a une invalidité en ce sens qu’il souffre d’un TSPT. Il a subi un traitement préjudiciable, notamment en raison du rejet de sa plainte de harcèlement au motif qu’elle était hors délai. De plus, il y avait un lien entre son invalidité et le traitement préjudiciable.

[97]  L’agent négociateur a indiqué que le traitement préjudiciable et l’invalidité sont liés de deux façons. Le TSPT était un facteur dans le retard de M. Hill à déposer sa plainte de harcèlement. Ce trouble le pousse à retarder la confrontation avec les questions liées à son travail et à se retirer, étant donné qu’il craint le déclenchement de son TSPT.

[98]  C’est ce qu’indique le rapport du Dr Ripley du 14 août 2009, qui est rédigé comme suit : [Traduction] « Il constate qu’il est tout simplement incapable de faire certaines choses, comme conduire sur la route qui mène à l’Établissement William Head. La simple idée de le faire provoque une forte anxiété chez lui. »

[99]  Bien qu’une objection ait été soulevée quant au fait que les rapports étaient des ouï-dire, l’agent négociateur ne s’est pas appuyé sur ces rapports à des fins de ouï-dire. Ils n’ont pas été produits en preuve pour établir la vérité de leur contenu, mais pour montrer que les rapports ont été faits.

[100]  Les rapports ont été fournis à l’employeur. M. Hill a témoigné à cet effet lorsqu’il a examiné la liste des praticiens. L’employeur n’a pas cité de preuves pour indiquer qu’il n’avait pas les rapports.

[101]  Par analogie, supposons qu’un employé demande un congé de maladie et qu’il fournit une note d’un médecin. L’employeur rejette la demande. L’employé dépose un grief et, à l’arbitrage, le syndicat de l’employé présente en preuve la note du médecin. La note n’est pas présentée en preuve pour établir la vérité de son contenu, mais pour montrer que la déclaration a été faite, pour remettre en question la décision de l’employeur de refuser le congé.

[102]  À moins que l’employeur ne puisse démontrer une raison de douter de la véracité de la note, par exemple qu’elle est suspecte ou trompeuse, il n’y a aucune raison de douter de son contenu.

[103]  En l’espèce, l’employeur avait les rapports. Il n’y a aucune raison de douter de leur contenu, ce qui donne à penser, de façon raisonnable, que le TSPT a été au moins un facteur dans le délai de dépôt de la plainte et qu’il s’agissait d’une circonstance atténuante. Il en va de même pour l’invalidité. L’employeur était tenu de le reconnaître en se fondant sur le rapport du médecin consultant.

[104]  Le témoignage de M. Cook a démontré un exemple concret lorsqu’il a fait référence au courriel du représentant national de l’agent négociateur, qu’il a présenté lors de la réunion du 28 août 2009 au sujet des mesures d’adaptation pour M. Hill. Le représentant national a écrit que le fonctionnaire ne serait pas en mesure d’assister à la réunion puisqu’il se conformait à la directive de son médecin, qui lui indiquait d’éviter les situations stressantes qui, à son avis, exacerberaient son état de santé.

[105]  Il a aussi rédigé ce qui suit :

[Traduction]

Bien que nous ne comprenions peut-être pas pourquoi George ne serait pas capable de le faire, le fait est que le rapport médical traite de cela, et je pense que George est tout simplement prudent pour le bien de tous, mais plus important encore, il suit la voie tracée par son médecin en termes de maintien de sa santé et d’aller de l’avant d’une manière qui n’améliore pas son état de santé et ne l’exacerbe pas.

 

[106]  Honnêtement, lorsque l’employeur a reçu la plainte de harcèlement, il savait que le fonctionnaire avait une invalidité et qu’il avait des difficultés avec la confrontation. Il n’a pas indiqué que le TSPT était une circonstance atténuante, même si l’information était à sa disposition. En réalité, aucun élément de preuve n’a été présenté établissant que l’employeur ait songé aux circonstances atténuantes.

[107]  La lettre en date du 16 avril 2012, adressée à M. Hill par le coordonnateur régional, Prévention du harcèlement, n’indiquait pas que le dépôt du grief et son contenu étaient en dehors des délais acceptables et qu’il n’y avait pas de circonstances atténuantes. La lettre n’a mentionné aucune circonstance atténuante. Le coordonnateur régional était censé examiner la question de savoir s’il y avait des circonstances atténuantes, mais il n’a certainement pas indiqué qu’il y en avait. L’employeur n’y a jamais pensé.

[108]  On peut dire la même chose de la lettre du sous-commissaire régional du 26 juillet 2012, envoyée en réponse à la lettre du fonctionnaire du 9 juillet 2012, dans laquelle il a allégué de mauvais traitements et le rejet arbitraire de sa plainte, qui a été sommairement rejetée.

[109]  Le TSPT du fonctionnaire était un facteur dans le retard. Cette situation est semblable à celle dans Santawirya c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2018 CRTESPF 58. Dans cette affaire, l’employeur a omis de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de la fonctionnaire, qui avait été mise à pied et désignée comme une employée excédentaire bénéficiant d’un statut prioritaire, en imposant un délai déraisonnable pour l’examen de sa demande d’emploi, bien qu’il ait été au courant des restrictions liées à sa déficience et à sa mobilité. Il convient de noter que la Cour d’appel fédérale a par la suite conclu que la Commission n’avait pas compétence pour traiter le grief dans cette affaire (Canada (Procureur général) c. Santawirya, 2019 CAF 248).

[110]  En l’espèce, le TSPT et le dépôt de la plainte de harcèlement étaient liés. L’employeur a également retardé l’examen du TSPT du fonctionnaire. M. Hill ne devrait pas souffrir de cette omission de la part de l’employeur. L’employeur n’aurait pas dû empêcher la poursuite de l’enquête.

[111]  Lorsque M. Hill a obtenu le statut de priorité pour invalidité, rien ne s’est produit. Il a subi une discrimination prima facie. Il incombe désormais à l’employeur d’établir si une norme discriminatoire prima facie est une exigence professionnelle justifiée. Voir Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 RCS 3.

[112]  L’agent négociateur a accepté que l’objectif général de la politique du Conseil du Trésor est d’encourager une résolution en temps opportun et une intervention rapide, afin de prévenir le harcèlement.

[113]  L’agent négociateur a accepté que la norme concernant les délais a été adoptée dans le cadre d’une croyance honnête et de bonne foi qu’ils étaient nécessaires afin de réaliser un but légitime lié au travail.

[114]  L’agent négociateur n’a pas accepté que la norme concernant les délais puisse être appliquée sans une plus grande souplesse et sans que l’employeur ne subisse une contrainte excessive.

[115]  L’employeur n’a même pas tenté d’aborder la question de la contrainte excessive.

[116]  L’employeur a commis un acte discriminatoire à l’égard de M. Hill au motif de son invalidité, en contravention de l’article 19 de la convention collective.

[117]  L’employeur a exercé ses droits de gestion de façon discriminatoire et n’a pas réussi à maintenir un milieu de travail sécuritaire en omettant d’enquêter sur les allégations de harcèlement.

1.  Dommages

[118]  M. Hill a demandé 65 000 $ pour ne pas avoir eu l’occasion d’être entendu, écouté et traité avec dignité.

[119]  L’agent négociateur n’a pas trouvé d’affaires liées à l’omission d’enquêter dans le contexte du travail. Il a indiqué que les affaires liées au travail qui traitent de la consultation patronale-syndicale sont pertinentes puisqu’elles abordent la possibilité de capter l’attention de l’autre partie.

[120]  L’affaire faisant jurisprudence est la décision arbitrale dans Burrard Yarrows Corporation, Vancouver Division v. International Brotherhood of Painters, Local 138 (1981), 30 L.A.C. (2d) 331. Dans cette affaire, le conseil d’arbitrage a conclu que la société avait contrevenu à la convention collective en ne communiquant pas avec le syndicat avant de sous-traiter le travail.

[121]  En tentant de quantifier les dommages, le conseil d’arbitrage a mentionné ce qui suit : [traduction] « Dans ce contexte, comme les tribunaux l’ont suggéré, la quantification des dommages n’est certes guère plus qu’une supposition, mais cela ne nous dispense pas de quantifier les dommages si nous sommes convaincus qu’ils  sont réels et non seulement nominaux ».

[122]  Dans cette affaire, l’obligation de consulter découlait de la convention collective. En l’espèce, l’employeur était tenu d’entendre M. Hill;  ne pas le faire constituait une violation de ses droits de la personne. S’il l’avait entendu, il n’est pas possible de savoir quel aurait été le résultat.

[123]  La perte de l’occasion d’être entendu est réelle.

[124]  La quantification des dommages n’est guère plus qu’une supposition. Il en est de même de la probabilité de les obtenir. Le fonctionnaire a demandé 65000 $, ce qui correspond à ce qu’il aurait gagné en un an.

B.  Pour l’employeur

[125]  La question est assez restreinte. Il s’agit de savoir si la décision de ne pas faire avancer la plainte de harcèlement a contrevenu à l’article 19 de la convention collective.

[126]  Il s’agissait d’une plainte de harcèlement personnel déposée en vertu de la politique du Conseil du Trésor. Ces plaintes ne sont normalement pas arbitrables.

[127]  L’agent négociateur aurait pu chercher à inclure une disposition relative au harcèlement personnel dans l’article 19 de la convention collective, mais il ne l’a pas fait.

[128]  La Commission n’a pas compétence pour statuer sur le bien-fondé d’une plainte de harcèlement personnel en vertu de la politique du Conseil du Trésor. Voir Green c. Canada (Affaires autochtones et Nord), 2017 CF 1122. Les plaintes de harcèlement personnel sont renvoyées directement au dernier palier du processus de règlement des griefs.

[129]  La politique du Conseil du Trésor est claire. Lorsqu’une personne dépose une plainte, la politique exige une description très détaillée des allégations, y compris la date et une description de l’incident ou des incidents.

[130]  L’argument de l’agent négociateur suppose que l’employeur était au courant des allégations. Pour la plupart, les incidents invoqués remontent à 2006.

[131]  La question en litige consiste à déterminer s’il existe un lien entre le TSPT de M. Hill et le temps nécessaire pour déposer sa plainte de harcèlement, compte tenu du retard de six ans.

[132]  Il s’agit d’une affaire qui porte sur la convention collective. Le fardeau d’établir un lien incombait à l’agent négociateur.

[133]  L’agent négociateur soutient que l’employeur aurait dû en avoir connaissance, étant donné que l’employeur en l’espèce était le coordonnateur de la lutte contre le harcèlement, qui était le décideur.

[134]  L’agent négociateur doit établir que l’invalidité constituait un facteur dans le traitement préjudiciable. Il s’agit d’une question factuelle qui est essentiellement médicale puisque le délai est de six ans, dans des circonstances où le fonctionnaire avait accès à plusieurs représentants syndicaux.

[135]  Le premier problème du fonctionnaire pour s’acquitter de ce fardeau était que lorsqu’on lui a demandé les raisons du retard dans le dépôt de la plainte de harcèlement, il n’a mentionné aucune invalidité ni aucune raison médicale. Il a indiqué qu’il était frustré, qu’il voulait qu’une mesure soit prise, et qu’il manquait de patience.

[136]  M. Cook n’a mentionné aucune difficulté à recevoir des instructions de M. Hill pour déposer la plainte de harcèlement.

[137]  Les deux témoins ont été interrogés directement au sujet du délai, et aucun n’a mentionné l’invalidité ou une raison médicale.

[138]  Les éléments de preuve sont déterminants en l’espèce. L’avocat n’avait pas la liberté de déclarer qu’il y avait un lien. Cela incombait aux témoins.

[139]  Le deuxième problème concerne le fait que le lien était une question médicale. Pour établir un lien, l’agent négociateur aurait dû présenter une preuve médicale à cet effet.

[140]  Les rapports médicaux produits en preuve ont été présentés non pas pour établir la vérité de leur contenu, mais plutôt pour établir que les déclarations ont été faites.

[141]  Même s’ils avaient été présentés pour établir la vérité de leur contenu, les rapports ne confirment pas l’idée que chaque personne atteinte d’un TSPT est incapable de déposer une plainte ou de donner des instructions pour une telle plainte.

[142]  Un rapport d’un médecin, en date du 26 mai 2006, indiquait que M. Hill était médicalement capable d’accomplir toute la gamme de tâches de son poste d’attache et qu’il avait la pleine capacité de faire d’autres choses. Rien n’a été dit concernant son incapacité à déposer une plainte.

[143]  Un rapport d’un autre médecin, en date du 22 décembre 2006, évaluait M. Hill. Il s’agissait d’une évaluation globale de son fonctionnement. Le rapport a conclu que le fonctionnaire avait des difficultés modérées à fonctionner sur les plans professionnel et social. Il a également conclu qu’il était bien qualifié et qu’il pouvait facilement trouver un emploi dans son domaine.

[144]  L’omission de présenter une preuve médicale est déterminante en l’espèce. Il n’est pas équitable de suggérer que le coordonnateur de la lutte contre le harcèlement aurait dû spéculer sur l’état de santé du fonctionnaire.

[145]  Le troisième problème, lorsqu’il s’agit d’évaluer la capacité du fonctionnaire de déposer une plainte de harcèlement en temps opportun, est qu’il a toujours eu l’appui de l’agent négociateur et que ce dernier l’appuie toujours. Il l’a aidé à rédiger son grief initial contre la suspension de cinq jours, qu’il a signé le 9 novembre 2006. Depuis le 28 août 2009, un représentant local et l’un de ses représentants nationaux l’ont aidé en ce qui concerne les mesures d’adaptation à son égard, en exhortant l’employeur à faire de sérieux efforts pour déterminer ses exigences en matière de travail et recenser ses offres d’emploi en vue de trouver un poste qui lui conviendrait. De toute évidence, l’agent négociateur a pris la question très au sérieux.

[146]  Non seulement le fonctionnaire, mais aussi quatre représentants de l’agent négociateur auraient pu déposer une plainte de harcèlement en son nom, comme cela a été fait en février 2012.

[147]  Le grief de M. Hill contre la suspension de cinq jours a été traité dans le cadre du processus de règlement des griefs et a été réglé le 31 octobre 2011. M. Hill a signé l’entente, ce qui a démontré qu’il en avait la capacité. Étant donné qu’il avait la capacité d’exécuter le procès-verbal de règlement, il avait la capacité de déposer une plainte de harcèlement.

[148]  En outre, le fonctionnaire a travaillé pendant toute cette période. À tout moment, il aurait pu demander aux représentants de l’agent négociateur de déposer une plainte de harcèlement.

[149]  En ce qui concerne la deuxième partie du lien, à savoir que l’employeur aurait dû savoir qu’il y avait des circonstances exceptionnelles qui auraient justifié le retard dans le dépôt de la plainte, la décision était celle du coordonnateur de la lutte contre le harcèlement. Le coordonnateur de la lutte contre le harcèlement n’avait aucune obligation positive de chercher un appui contre un argument qui n’a jamais été avancé.

[150]  La plainte de harcèlement faisait référence au TSPT, mais l’argument des circonstances atténuantes n’a jamais été avancé. Aucune demande de prorogation du délai n’a été présentée.

[151]  La suggestion selon laquelle l’employeur était indifférent n’était pas une raison pour ne pas déposer la plainte à temps.

[152]  Les employés ont de nombreux droits. Si M. Hill estimait avoir été victime de harcèlement de 1996 à 2006, il aurait dû déposer une plainte en temps opportun.

[153]  D’autre part, si l’on examine si l’employeur a agi de façon raisonnable, le fonctionnaire a quitté le SCC en 2007. Le Programme d’aide aux employés lui a été offert et il s’en est servi. Dans ce cas, le processus d’indemnisation des travailleurs en vertu de la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État (L.R.C. (1985), ch. G-5), qui était conçu pour traiter les blessures en milieu de travail, a été largement utilisé.

[154]  Lorsque l’employeur a reçu les lettres indiquant que M. Hill ne devrait pas travailler avec des détenus, il a approuvé son détachement de deux ans au MDN. Il n’était pas pressé de normaliser la situation.

[155]  Le fonctionnaire a obtenu le statut de priorité et l’aide d’un agent de dotation. La Commission de la fonction publique devait le renvoyer à des postes dans d’autres ministères du gouvernement, ce qui n’incombait pas au SCC.

[156]  Il était toujours un employé en congé du SCC.

[157]  Il a été soutenu que la lettre du 31 juillet 2009 du directeur adjoint, Services de gestion, à M. Hill était une injonction de retourner au travail et qu’elle constituait du harcèlement.

[158]  Cette lettre était loin d’être une injonction de retourner au travail, puisqu’elle envisageait que M. Hill pourrait demeurer en congé.

[159]  Si le grief est accueilli, la mesure corrective appropriée serait une ordonnance à l’employeur de mener une enquête sur le harcèlement.

[160]  En ce qui concerne la suggestion selon laquelle il aurait été raisonnable pour l’employeur de présumer que le TSPT était un facteur dans le retard du dépôt de la plainte, pourquoi l’agent négociateur n’a-t-il donc pas soulevé la question?

[161]  Dans son courriel du 28 août 2009, le représentant national de l’agent négociateur a indiqué que le fonctionnaire ne pourrait pas assister à une réunion avec la direction relativement aux mesures d’adaptation à son égard. Néanmoins, l’agent négociateur représentait toujours ses intérêts.

[162]  Toute suggestion selon laquelle l’employeur a contrevenu aux articles 6 et 22 de la convention collective irait à l’encontre du principe énoncé dans Burchill c. Canada (Attorney General), [1981] 1 C.F. 109 (C.A.), étant donné que ni le grief ni le renvoi à l’arbitrage ne les mentionne.

1.  Réponse de l’agent négociateur

[163]  Le fait que, dans son témoignage, le fonctionnaire n’ait pas mentionné l’incapacité comme motif du retard dans le dépôt de la plainte de harcèlement n’enlève rien au fait qu’il souffrait d’un TSPT, tel que décrit par le psychiatre consultant. La réponse n’exclut pas le fait qu’il ne s’occupait pas des affaires de façon efficace, et son témoignage global devrait être pris en compte.

[164]  M. Cook a présenté son témoignage de son point de vue de délégué qui voyait que le statut de priorité pour invalidité du fonctionnaire ne portait pas ses fruits et a conclu qu’il était temps d’agir.

[165]  Les rapports médicaux de 2006 indiquant que M. Hill pouvait exercer ses fonctions dans son métier et le fait de s’en prendre à son employeur sont deux choses différentes. Le psychiatre indique que ce sont les événements survenus à l’Établissement William Head qui ont déclenché le TSPT.

[166]  Il est un peu ironique que l’employeur soutienne qu’il n’y a pas de preuve médicale, tout en renvoyant aux rapports pour dire que M. Hill est en mesure d’agir en temps opportun.

[167]  L’argument de l’employeur selon lequel il n’avait pas d’obligation positive de rechercher des explications pour le retard du dépôt de la plainte était une abdication de sa responsabilité.

[168]  La politique du Conseil du Trésor exige expressément l’examen des circonstances atténuantes. Dans sa plainte, M. Hill a énuméré ses praticiens et leurs rapports. L’employeur n’avait pas à chercher les détails. S’il avait examiné la plainte, il aurait conclu que le TSPT était un facteur dans le retard, même si ce n’était pas la seule raison.

[169]  Il n’est pas certain qu’une référence aux articles 6 et 22 élargirait la portée du grief. Cette question a été soulevée avant l’audience.

IV.  Motifs

[170]  La question à déterminer est celle de savoir si l’employeur a contrevenu à l’article 19 de la convention collective en rejetant la plainte de harcèlement de M. Hill au motif qu’elle était hors délai, sans déterminer qu’il y avait des circonstances atténuantes pour le retard en raison de son invalidité et sans en tenir compte.

A.  La loi

[171]  L’agent négociateur a soutenu que l’employeur avait contrevenu à l’article 19 de la convention collective lorsqu’il a refusé d’enquêter sur la plainte de harcèlement de M. Hill et de l’examiner sur le fond et l’a plutôt rejetée parce qu’elle était hors délai.

[172]  L’article 19 est rédigé comme suit :

Il n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un employé-e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine nationale ou ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, son adhésion à l’Alliance ou son activité dans celle-ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle l’employé-e a été gracié.

 

B.  La Commission n’a pas compétence pour examiner la décision de l’employeur concernant une plainte de harcèlement au motif que, sur le fond, la décision n’était pas raisonnable

[173]  Dans Canada (Procureur général) c. Lâm, 2008 CF 874, la Cour fédérale a confirmé une décision dans laquelle l’arbitre de grief avait déterminé que l’article 19 ne s’appliquait pas à un grief visant un examen de la décision de l’employeur rejetant une plainte de harcèlement, parce que cet article ne mentionnait pas le harcèlement personnel.

[174]  La Cour a également déterminé que l’arbitre de grief avait outrepassé sa compétence et qu’il était déraisonnable lorsqu’il a décidé que la clause en cause dans la convention collective, qui indique que les parties « […] ont un désir commun d’améliorer la qualité de la fonction publique du Canada et de favoriser le bien-être de ses employé-e-s […] », pouvait appuyer une conclusion selon laquelle son intention était d’inclure la politique du Conseil du Trésor.

[175]  Toutefois, une décision qui détermine qu’il n’y a pas eu de harcèlement au sens de la politique du Conseil du Trésor est susceptible de faire l’objet d’un contrôle judiciaire sur le fond par la Cour fédérale, selon la norme de contrôle du caractère raisonnable du décideur. Voir Green.

[176]  La question en litige en l’espèce n’est pas fondée sur les motifs de harcèlement tels qu’énoncés à l’article 19, mais plutôt sur le fait que l’employeur a fait preuve de discrimination à l’égard de M. Hill en rejetant sa plainte de harcèlement sans déterminer qu’il y avait des circonstances atténuantes pour le retard en raison de son invalidité et sans en tenir compte.

[177]  À mon avis, la Commission a compétence pour entendre et trancher ce grief.

[178]  Afin d’établir qu’un employeur s’est livré à une pratique discriminatoire, le plaignant doit d’abord établir une preuve prima facie de discrimination. Dans ce contexte, une preuve prima facie est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on y ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur du plaignant, en l’absence de réplique de l’employeur (Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536, au paragraphe 28).

[179]  Dans Moore, la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit au paragraphe 33 :

[33] Comme l’a à juste titre reconnu le Tribunal, pour établir à première vue l’existence de discrimination, les plaignants doivent démontrer qu’ils possèdent une caractéristique protégée par le Code contre la discrimination, qu’ils ont subi un effet préjudiciable relativement au service concerné et que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable. Une fois la discrimination établie à première vue, l’intimé a alors le fardeau de justifier la conduite ou la pratique suivant le régime d’exemptions prévu par les lois sur les droits de la personne. Si la conduite ou pratique ne peut être justifiée, le tribunal conclura à l’existence de la discrimination.

 

[180]  L’agent négociateur a soutenu que M. Hill avait une invalidité, soit un TSPT, qu’il a subi un traitement préjudiciable en ce sens que sa plainte de harcèlement a été rejetée parce qu’elle était hors délai, et qu’il y avait un lien entre son invalidité et le traitement préjudiciable puisque son TSPT était un facteur dans le retard du dépôt de sa plainte.

[181]  L’employeur a soutenu que l’agent négociateur devait établir que l’invalidité du fonctionnaire était un facteur dans le traitement préjudiciable, qu’il s’agit d’une question factuelle, et que le lien constitue une question médicale. L’employeur a soutenu que la preuve n’appuie pas le fonctionnaire sur l’une ou l’autre des questions.

[182]  Je tire les conclusions factuelles suivantes en fonction de la preuve.

C.  La plainte de harcèlement

[183]  Avec l’aide de M. Cook, le fonctionnaire a déposé sa plainte de harcèlement contre l’employeur le 22 février 2012. L’incident le plus récent de harcèlement allégué qui est cité dans le grief est celui de la lettre que l’employeur lui a adressée, en date du 31 juillet 2009, qui, selon lui, ordonnait son retour au travail et constituait du harcèlement.

[184]  La politique du Conseil du Trésor stipule que les critères utilisés pour examiner les plaintes sont que, en plus de préciser la nature des allégations, [traduction] « [la] plainte doit être déposée dans l’année qui suit le prétendu harcèlement ayant conduit au dépôt de la plainte, à moins qu’il y ait des circonstances atténuantes […] ».

[185]  Le 16 avril 2012, la coordonnatrice régionale de la prévention du harcèlement, SCC, a écrit à M. Hill pour l’informer qu’elle avait examiné sa plainte et qu’elle avait conclu qu’elle ne respectait pas les délais acceptables pour déposer une plainte de harcèlement en vertu de la politique du Conseil du Trésor. Elle l’a informé que s’il souhaitait en discuter, ou discuter de la politique, il devait l’appeler ou lui envoyer un courriel.

[186]  M. Hill ne l’a pas appelée et ne lui a pas envoyé de courriel.

[187]  La plainte a été déposée plus de deux ans et demi après l’incident de harcèlement allégué le plus récent. Le fonctionnaire a convenu qu’elle était hors délai.

[188]  La plainte ne comprend pas d’observations visant à établir qu’il y avait des circonstances atténuantes pour le retard dans le dépôt de la plainte.

D.  M. Hill avait-il une caractéristique (une invalidité) protégée contre la discrimination en vertu de la convention collective?

[189]  D’après les éléments de preuve présentés à l’audience, selon la prépondérance des probabilités, l’agent négociateur a-t-il établi que M. Hill souffrait d’un trouble de stress post-traumatique?

1.  Les rapports médicaux

[190]  Un certain nombre de rapports médicaux ont été déposés à l’audience. En particulier, le rapport du Dr Ripley du 26 mars 2007 a diagnostiqué chez M. Hill un trouble de stress post-traumatique ainsi qu’une dépression majeure. Le Dr Ripley n’a pas été cité à titre de témoin. L’agent négociateur a reconnu que le rapport constituait du ouï-dire et qu’il a présenté le rapport en preuve non pas pour établir la vérité de son contenu, mais pour établir que la déclaration a été faite.

[191]  Bien que cela n’ait pas été contesté, je fais remarquer que l’article 40 de la Loi sur la preuve au Canada (L.R.C. (1985), ch. C-5) prévoit que, dans toutes les procédures qui relèvent de l’autorité législative du Parlement, les lois sur la preuve qui sont en vigueur dans la province où ces procédures sont exercées s’appliquent.

[192]  L’article 10 du Evidence Act de la Colombie-Britannique ([RSBC 1996] Chapitre 124) traite des témoignages des experts et prévoit qu’une déclaration écrite qui énonce l’avis d’un expert est admissible en preuve dans le cadre d’une procédure, sans preuve de la signature de l’expert, si au moins 30 jours avant la présentation de la déclaration en preuve, une copie de la déclaration écrite est remise aux parties ayant des intérêts opposés. Toute partie à la procédure peut exiger que l’expert soit cité comme témoin.

[193]  Rien ne prouve que l’agent négociateur s’est conformé aux exigences de cet article 10, bien qu’il ait affirmé de façon générale que les rapports ont été fournis à l’employeur, mais pas dans le cadre de la présente audience.

[194]  Bien que la Commission ait le pouvoir légal d’accepter des éléments de preuve qui ne seraient pas admissibles devant une cour de justice (alinéa 2b) de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365)), il serait néanmoins erroné de fonder une question essentielle en l’espèce uniquement sur des éléments de preuve par ouï-dire. Y a-t-il d’autres preuves convaincantes établissant que M. Hill souffrait d’un TSPT?

2.  La demande d’indemnisation pour accident de travail

[195]  Le 19 juillet 2007, M. Hill a présenté une demande d’indemnisation pour accident de travail en raison d’un stress mental, soit le même jour où il a quitté l’Établissement William Head pour le détachement au MDN.

[196]  Au départ, le gestionnaire de cas a rejeté sa demande au motif qu’elle découlait d’un événement survenu le 25 avril 2006 (un détenu a frôlé le fonctionnaire) et était donc interdite par la loi. La demande a été présentée plus d’un an après l’événement et l’agent a déterminé qu’aucune circonstance particulière n’avait empêché le fonctionnaire de présenter sa demande à temps. La demande a été envoyée avec un retard d’environ trois mois.

[197]  M. Hill a demandé une révision de cette décision. Lorsque la révision a été rejetée, il a interjeté appel de la décision auprès du TAAT, qui a déterminé qu’il existait des circonstances spéciales qui l’avaient empêché de déposer sa demande à temps.

[198]  Le raisonnement du TAAT était que, puisque M. Hill n’était pas conscient qu’il avait subi une blessure psychologique importante jusqu’à ce qu’il reçoive les évaluations approfondies et les opinions du psychologue et du psychiatre selon lesquelles il souffrait d’un TPST et d’un trouble dépressif majeur, il n’a pas pu présenter une demande en temps opportun.

[199]  La décision du TAAT rappelle que le fonctionnaire a dit qu’il avait été officiellement diagnostiqué d’un TPST pour la première fois en décembre 2006 et que le diagnostic et son lien à son exposition à des événements traumatisants au travail ont été confirmés par le psychiatre en mars 2007, bien qu’il n’ait reçu ce rapport qu’à la fin de juin ou au début de juillet 2007.

[200]  Le TAAT est un tribunal quasi judiciaire qui a entendu des éléments de preuve et des arguments juridiques et a conclu que l’on a diagnostiqué officiellement chez M. Hill un TSPT en décembre 2006, ce que le psychiatre a confirmé en mars 2007, bien qu’il n’ait reçu le rapport qu’à la fin de juin ou au début de juillet 2007.

[201]  Je suis prêt à prendre note officiellement de la décision du TAAT sur cette question factuelle.

[202]  Compte tenu de la preuve du fonctionnaire selon laquelle on a diagnostiqué chez lui un TSPT, des rapports médicaux et de la décision du TAAT, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, qu’il souffre d’un TSPT, qui est une incapacité au sens de l’article 19 de la convention collective.

E.  Caractéristique protégée contre la discrimination

[203]  Par conséquent, l’agent négociateur a établi que M. Hill avait une caractéristique protégée contre la discrimination en vertu de l’article 19.

F.  Répercussions négatives

[204]  Je suis également prêt à accepter que M. Hill ait subi des répercussions négatives en ce qui concerne son emploi lorsque sa plainte de harcèlement a été rejetée comme étant hors délai.

G.  L’incapacité du fonctionnaire a-t-elle été un facteur dans le traitement préjudiciable?

1.  Les témoignages de M. Hill et de M. Cook

[205]  M. Hill a indiqué dans son témoignage qu’il a déposé sa plainte le 22 février 2012. Il en avait assez. Il ne l’a pas déposée plus tôt car il attendait que les rouages s’emboîtent et qu’il y ait un dénominateur commun.

[206]  M. Cook a indiqué dans son témoignage qu’il a offert des conseils à M. Hill en ce qui concerne la plainte de harcèlement. Il a indiqué que la raison pour laquelle elle a été déposée plus tard (selon ses mots) était qu’elle faisait suite à six ou sept mois d’inactivité après que le fonctionnaire a été déclaré une priorité pour invalidité en 2011. Elle a été déposée après qu’aucune tentative n’a été faite pour le placer dans un autre poste.

2.  La suspension de cinq jours

[207]  Le 12 octobre 2006, M. Hill s’est vu imposer une mesure disciplinaire qui consistait en une suspension de cinq jours. Il a signé un grief le 9 novembre 2006, avec l’aide de M. Nygard, un représentant de l’agent négociateur, contestant la suspension au motif que la pénalité était excessive.

[208]  Le grief a été réglé le 26 septembre 2011 par un protocole d’entente dans lequel le fonctionnaire a été remboursé pour la suspension de cinq jours. M. Cook a signé l’entente à titre de représentant de l’agent négociateur. M. Hill a personnellement signé le protocole d’entente.

3.  La décision du TAAT

[209]  Le TAAT a déterminé qu’il existait des circonstances particulières qui ont empêché M. Hill de déposer sa demande d’indemnisation dans un délai d’un an à compter de la date des événements qui y ont donné lieu. En juillet 2007, il a présenté une demande d’indemnités pour stress mental. Sa plainte est survenue à la suite d’un incident en date du 25 avril 2006, lorsqu’un détenu a frôlé son épaule.

[210]  Le TAAT a déterminé que des circonstances particulières l’avaient empêché de déposer sa demande à temps, indiquant ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] Tout en sachant qu’il éprouvait des difficultés psychologiques, le travailleur n’était pas au courant, jusqu’à ce qu’il reçoive les évaluations approfondies et les avis du psychologue et du psychiatre, qu’il souffrait en fait d’un TSPT et d’un trouble dépressif majeur, qui, selon eux, étaient étroitement liés aux événements traumatisants survenus au travail. Étant donné qu’il n’était pas au courant qu’il avait subi un préjudice psychologique important jusqu’à ce moment-là, je conclus qu’il n’a pas pu présenter une demande d’indemnisation en temps opportun.

[…]

[Je souligne]

 

4.  Accès aux représentants de l’agent négociateur

[211]  Il avait accès aux représentants de l’agent négociateur pendant toute la période pertinente.

[212]  Il a été employé continuellement tout au long de la période.

V.  Conclusion

[213]  La plainte a été déposée le 16 février 2012. La dernière allégation de harcèlement a eu lieu le 31 juillet 2009, ce qui signifie que la demande a été faite plus d’un an et demi au-delà du délai d’un an.

[214]  Je ne suis pas convaincu par la totalité de la preuve prima facie que l’agent négociateur a présenté, soit que l’incapacité du fonctionnaire était un facteur dans le délai du dépôt de la plainte de harcèlement.

[215]  La raison fondamentale de cette conclusion est que lorsqu’on lui a demandé, au cours de son témoignage, les raisons du retard, le fonctionnaire n’a pas mentionné son incapacité. Il a indiqué qu’il était frustré et qu’il attendait que les rouages s’emboîtent dans le contexte, comme l’a expliqué M. Cook, de sa frustration devant l’inactivité de l’employeur à l’égard de la recherche d’un autre poste pour lui après qu’il ait été déclaré comme bénéficiant d’un statut de priorité à titre excédentaire.

[216]  Il n’y a pas non plus d’information dans la preuve médicale qui lie son incapacité au retard dans le dépôt de sa plainte de harcèlement.

[217]   Dans le contexte de la demande d’indemnisation pour accident de travail, le TAAT était prêt à accepter qu’il y avait des circonstances atténuantes dans le délai de la présentation de cette demande jusqu’à ce que le fonctionnaire ait été officiellement diagnostiqué d’un TSPT en juin ou juillet 2007.

[218]  L’agent négociateur l’a représenté de de façon continue. De toute évidence, le fonctionnaire était en mesure de lui donner des instructions sur le règlement du grief concernant sa suspension de cinq jours en août 2009. Il a signé l’entente de règlement.

[219]   Dans le courriel du 27 août 2009, il était clair que l’agent négociateur l’avait représenté relativement aux efforts de l’employeur pour lui trouver un autre poste, et M. Hill aurait nécessairement participé directement à ces efforts.

[220]  Je n’accepte pas non plus l’argument selon lequel l’employeur aurait dû connaître le lien entre le TSPT de M. Hill et son retard à déposer la plainte. À mon avis, il incombait au fonctionnaire et à son agent négociateur d’établir des motifs de conclure qu’il y avait des circonstances exceptionnelles qui excusaient le long retard dans le dépôt de la plainte. Il n’a pas été établi qu’au niveau opérationnel, l’employeur était au courant de l’un ou l’autre des diagnostics médicaux. Habituellement, pour des raisons de protection de la vie privée, un employeur n’a pas le droit d’être informé d’un diagnostic médical. En tout état de cause, j’ai déjà conclu qu’aucun renseignement dans les rapports médicaux déposés à l’audience n’établissait un lien entre l’invalidité de M. Hill et le retard dans le dépôt de la plainte.

[221]  En appliquant ces conclusions aux critères établis par la Cour suprême du Canada dans O’Malley et Moore, je conclus que le fonctionnaire n’a pas établi de preuve prima facie de discrimination parce que, même si on y ajoute foi, il ne s’agissait pas d’un facteur dans le retard. Dans ce contexte, la preuve prima facie est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur du plaignant, en l’absence de réplique de l’employeur (Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536, au par. 28).

[222]  Dans Moore, la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit au paragraphe 33 :

[33] Comme l’a à juste titre reconnu le Tribunal, pour établir à première vue l’existence de discrimination, les plaignants doivent démontrer qu’ils possèdent une caractéristique protégée par le Code contre la discrimination, qu’ils ont subi un effet préjudiciable relativement au service concerné et que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable. Une fois la discrimination établie à première vue, l’intimé a alors le fardeau de justifier la conduite ou la pratique suivant le régime d’exemptions prévu par les lois sur les droits de la personne. Si la conduite ou pratique ne peut être justifiée, le tribunal conclura à l’existence de la discrimination.

 

 

[223]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI.  Ordonnance

[224]  Le grief est rejeté.

Le 28 mai 2020.

Traduction de la CRTESPF

David P. Olsen,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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