Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La demande du fonctionnaire s’estimant lésé visant à être reconnu en tant que gardien de port a été rejetée – il a allégué que la décision de l’employeur enfreignait l’article de la convention collective portant sur la disponibilité – la phrase clé de la clause en question stipule que, lorsqu’il désigne des employés pour des périodes de disponibilité, l’employeur s’efforce de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité – la formation de la Commission a convenu avec l’employeur qu’il n’était pas obligé d’accéder à la demande du fonctionnaire s’estimant lésé d’être ajouté à la liste de disponibilité des gardiens de port – toutefois, la formation a déterminé que la question était de savoir si la décision de l’employeur de refuser la demande du fonctionnaire s’estimant lésé était raisonnable et a été prise en tenant compte d’un objectif opérationnel légitime – l’employeur a décidé de refuser la demande au motif que, compte tenu des besoins opérationnels de l’unité, l’employeur avait suffisamment de personnel en disponibilité et n’avait pas besoin d’ajouter qui que ce soit à la liste de disponibilité – l’employeur n’a fourni aucune preuve quant aux besoins opérationnels de l’unité – la formation a conclu que la décision ne pouvait pas être qualifiée de raisonnable ou comme satisfaisant à un objectif opérationnel légitime en raison d’une disposition contractuelle qui stipulait que l’employeur devait s’efforcer d’assurer une répartition équitable des fonctions de disponibilité – la formation de la Commission a déclaré que l’employeur avait enfreint la convention collective et, à la demande des parties, elle leur a laissé le soin de régler la question de l’indemnité appropriée.

Grief accueilli.

Contenu de la décision

Date : 20200611

Dossier : 566-02-10090

 

Référence : 2020 CRTESPF 66

 

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur l’emploi dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

enTRE

 

Alym Rushwan

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(ministère des Transports)

 

employeur

Répertorié

Rushwan c. Conseil du Trésor (ministère des Transports)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant :  Nathalie Daigle, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Julie McDonald, agente aux griefs et à l’arbitrage des griefs

Pour l’employeur : Marie-France Boyer, avocate

Affaire entendue à Vancouver (Colombie‑Britannique),

les 6 et 7 février 2020.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION 

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Introduction

[1]  Le 17 octobre 2014, Alym Rushwan, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a renvoyé à l’arbitrage un grief qu’il avait déposé à l’encontre de la décision de Transports Canada (« TC » ou l’« employeur ») de refuser sa demande de qualification à titre de gardien de port et d’être ajouté à la liste intitulée [traduction] « Liste de disponibilité des gardiens de port ».

[2]  Le fonctionnaire a allégué que la décision de l’employeur enfreignait la clause 30.02 de la convention collective entre l’Alliance de la Fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor visant tous les employés du groupe Services techniques, qui venait à échéance le 21 juin 2011 (la « convention collective »). (Remarque : cette convention collective s’appliquait encore parce que la nouvelle convention a été signée le 18 octobre 2013 et est venue à échéance le 21 juin 2014.)

[3]  Pour les motifs exposés ci‑dessous, le grief est accueilli.

II.  Contexte

[4]  Chacune des parties a présenté un résumé des principaux faits et dates en l’espèce. Elles ont reconnu à l’audience que les noms précis figurant sur les listes de disponibilité en cause sont fournis dans le résumé de l’employeur. La partie applicable du résumé des principaux faits et dates soumis par l’employeur est ainsi rédigée :

[Traduction]

M. Rushwan occupe un poste d’inspecteur de la sécurité maritime classifié TI-07 au sein de l’unité Conformité et Application de la loi depuis janvier 2000.

Le 10 juillet 2012, la direction a annoncé qu’il n’y aurait qu’un seul système de disponibilité dans la Région du Pacifique. Auparavant, il y avait deux listes de disponibilité dans la Région du Pacifique : (1) la liste [de disponibilité] des gardiens de port, qui était assignée à l’unité Services de fret; (2) une deuxième liste de disponibilité, qui était assignée à l’unité Conformité et Application de la loi […]

Le 10 juillet 2012, à la suite de l’annonce, M. Alym Rushwan, un employé de l’unité Conformité et Application de la loi, a envoyé un courriel à M. Mohit (Mike) Ghoshal, gestionnaire des Services de fret, afin de demander d’être inscrit sur la liste de disponibilité des gardiens de port de l’unité Services de fret.

M. Ghoshal a refusé la demande de M. Rushwan d’être inscrit sur la liste de disponibilité des gardiens de port, en disant qu’au vu des nécessités du service de l’unité, il y avait un nombre suffisant d’employés sur la liste de disponibilité pour accomplir les tâches nécessaires.

Le 15 août 2012, M. Rushwan a déposé un grief, qui a été présenté à la direction le 5 septembre 2012.

Le 29 octobre 2012, la réponse au grief de M. Rushwan au premier palier rejetait le grief. Le 6 novembre 2012, le grief a été transmis au deuxième palier.

Le 17 décembre 2012, l’ancienne Division de la conformité et de l’application de la loi et l’ancienne Division des services de fret ont été fusionnées en une division appelée la Division de la conformité, de l’application de la loi et des services de fret.

Le même jour, M. To For (John) Yeung, gestionnaire de la Division de la conformité, de l’application de la loi et des services de fret, a envoyé un courriel à tout le personnel de la Division, afin de signaler que la formation des gardiens de port débuterait le lendemain.

Le 18 décembre 2012, M. Rushwan a entamé la formation exigée pour se qualifier comme gardien de port. Il a été ajouté à la liste de disponibilité des gardiens de port le 29 avril 2013.

Le 31 mai 2013, la réponse au grief au deuxième palier a été rendue. Comme l’employé avait été inscrit sur la liste de disponibilité des gardiens de port, la mesure corrective demandée par M. Rushwan avait déjà été accordée. La demande de paiements rétroactifs de M. Rushwan a été refusée.

Le 13 juin 2013, le grief a été envoyé au troisième palier.

Le 23 juillet 2014, la demande de paiements de M. Rushwan a été rejetée au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

Le 12 septembre 2014, le grief a été renvoyé à l’arbitrage.

[5]  Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84), et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique, et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi n2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). Conformément à l’article 396 de la Loi n2 sur le plan d’action économique de 2013, un arbitre de grief saisi d’un grief avant le 1er novembre 2014 continue d’exercer les pouvoirs prévus à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2), dans sa version antérieure à cette date.

[6]  Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (LRTSPF).

III.  Résumé de la preuve

[7]  Le fonctionnaire a expliqué qu’il occupe à TC un poste d’inspecteur de la sécurité maritime classifié au groupe et au niveau TI-07, au sein de l’unité Conformité et Application de la loi, depuis janvier 2000. Il travaille dans un bureau de Vancouver (Colombie‑Britannique) qui est responsable des tâches liées à l’entrée au bassin des navires dans le port de Vancouver.

[8]  Le fonctionnaire a donné un aperçu de la structure organisationnelle de son unité. Au moment où le grief a été déposé, le bureau de Vancouver comptait cinq unités, qui avaient chacune leur mandat et leur gestionnaire. Comme je l’ai mentionné, le fonctionnaire travaillait au sein de l’unité Conformité et Application de la loi. Les autres unités étaient les Services de fret, les Services techniques, les Services d’inspection et le Bureau de la sécurité nautique.

[9]  Le fonctionnaire a expliqué qu’au sein de l’unité Conformité et Application de la loi (qui a ultérieurement fusionné avec l’unité Services de fret), les inspecteurs de la sécurité maritime sont responsables de la conformité des navires et inspectent les bâtiments commerciaux canadiens et étrangers. Ils interviennent aussi dans les cas d’urgence maritime. En juin 2012, le gestionnaire de l’unité Conformité et Application de la loi était To For (John) Yeung.

[10]  Le fonctionnaire a aussi expliqué que dans l’unité Services de fret, les inspecteurs sont désignés sous le nom de « gardien de port » et sont responsables des services de cargaison et de chargement des navires. Ils délivrent les certificats de chargement des navires et les certificats d’aptitude à prendre la mer. Trois types de cargaison font l’objet d’inspections : celles des céréales, celles de concentrés et celles de bois. De plus, les gardiens enquêtent sur les plaintes et les arrêts de travail (ou les refus de travailler) en vertu du Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L-2). En juin 2012, le gestionnaire de l’unité Services de fret était Mohit (Mike) Ghoshal.

[11]  Les parties ont soutenu conjointement qu’avant le 10 juillet 2012, la Région du Pacifique de TC avait deux listes de disponibilité en place pour s’acquitter de certaines tâches portuaires en dehors des heures de travail. Il s’agissait de la Liste de disponibilité des gardiens de port, qui était assignée à l’unité Services de fret, et de la Deuxième liste de disponibilité, qui était assignée à l’unité Conformité et Application de la loi.

[12]  La Liste de disponibilité des gardiens de port a été créée pour assurer la délivrance des certificats de chargement des navires et des certificats d’aptitude à prendre la mer en dehors des heures de travail, et permettre la tenue d’enquête sur les plaintes et les arrêts de travail en vertu du Code canadien du travail, également en dehors des heures de travail. La Deuxième liste de disponibilité a été établie afin d’intervenir en cas d’incident lié à la sécurité maritime, d’accident et d’enquête sur la pollution en dehors des heures de travail, entre autres fonctions.

[13]  Les tâches prévues en dehors des heures de travail sur la Deuxième liste de disponibilité étaient effectuées les fins de semaine et en semaine, entre 16 h et 8 h (sur deux quarts : de 16 h à 0 h et de 0 h à 8 h). Les tâches prévues en dehors des heures de travail sur la Liste de disponibilité des gardiens de port étaient effectuées les fins de semaine et en semaine, entre 10 h et 6 h, le lendemain (sur trois quarts : de 10 h à 18 h, de 18 h à 2 h et de 2 h à 10 h).

[14]  Le fonctionnaire était inscrit sur la Deuxième liste de disponibilité.

[15]  Le 10 juillet 2012, la direction a annoncé qu’il n’y aurait qu’un seul système de disponibilité dans la Région du Pacifique de l’employeur. La Deuxième liste de disponibilité a été supprimée et, à partir de là, tous les quarts de disponibilité prévus en dehors des heures de travail ont été assignés aux gardiens de port seulement.

[16]  Selon le fonctionnaire, lorsque la direction a annoncé l’abolition de la Deuxième liste de disponibilité, un employé a demandé le motif de l’abolition. Le fonctionnaire se souvenait qu’un représentant de l’employeur avait déclaré que la liste donnait lieu à quatre appels environ par semaine, ce qui ne justifiait pas le paiement des primes de disponibilité compte tenu des restrictions budgétaires en vigueur.

[17]  Le fonctionnaire se souvenait d’avoir parlé à un gestionnaire après la réunion, et de lui avoir dit que l’information était inexacte. L’unité recevait plus de quatre appels par semaine. En réalité, elle recevait quatre appels par jour. Le fonctionnaire a fait part de son point de vue selon lequel les gardiens de port étaient fortement sollicités et n’auraient pas le temps de procéder aux inspections qui étaient effectuées dans le cadre de la Deuxième liste de disponibilité. La direction a répondu que la décision était irrévocable.

[18]  Le même jour, soit le 10 juillet 2012, à la suite de l’annonce, le fonctionnaire a envoyé un courriel au gestionnaire des Services de fret, M. Ghoshal, afin de lui demander d’être inscrit sur la Liste de disponibilité des gardiens de port de l’unité Services de fret. Il a aussi transmis sa demande à son gestionnaire, M. Yeung.

[19]  Le 11 juillet 2012, M. Yeung a répondu ce qui suit : [traduction] « […] Je laisse à Mike Ghoshal le soin de vous présenter une réponse appropriée ». Le fonctionnaire a ultérieurement répondu ceci :

[Traduction]

Il est clairement entendu que la décision provisoire qui a été prise hier avait pour but d’annoncer qu’il n’y aurait qu’un seul système de disponibilité, et non d’empêcher un ISM [inspecteur de la sécurité maritime] de se joindre à cet unique système de disponibilité. En ce qui concerne la formation, je peux fournir la preuve des deux années d’expérience que j’ai acquises à titre d’estimateur de cargaison avant de me joindre à TC, ainsi que de mes 11,5 années d’expérience professionnelle comme « agent de santé et sécurité » accrédité en Ontario, alors que j’ai traité des questions de sécurité relevant à la fois de la Loi sur la SST et de la partie II du Code canadien du travail. Historiquement, la formation des nouveaux ISM qui est prévue à l’échelle du ministère pour exécuter les fonctions liées aux services de fret (sauf au bureau de Vancouver), ne demande pas plus de 2:3 mois, après quoi, les nouveaux inspecteurs exercent des fonctions liées aux services de fret selon les besoins.

[20]  Le 3 août 2012, M. Ghoshal a refusé la demande du fonctionnaire. Il lui a répondu en ces termes :

[Traduction]

Tout d’abord, j’aimerais vous remercier sincèrement pour votre attitude très professionnelle et votre aide durant le renouvellement de mon certificat.

Je vous remercie également de l’intérêt dont vous faites preuve à l’égard des fonctions de disponibilité des gardiens de port. Pour faire suite à notre conversation à ce sujet, veuillez noter qu’au vu des nécessités du service de l’unité, nous avons un nombre suffisant d’employés sur la liste de disponibilité. À l’heure actuelle, comme je n’ai pas besoin d’ajouter d’autres personnes sur la liste, je dois refuser la demande. N’hésitez pas à communiquer avec moi en tout temps si vous avez besoin d’obtenir de plus amples renseignements ou si vous avez des questions.

 

[21]  Le fonctionnaire a expliqué qu’il avait perdu le revenu d’appoint qu’il avait touché régulièrement lorsqu’il était en disponibilité. Selon lui, M. Ghoshal ne comprenait pas bien comment il devait désigner les personnes inscrites sur la liste de disponibilité. La clause 30.02 de la convention collective prévoyait à l’époque qu’au moment de désigner des employés pour une période de disponibilité, l’employeur devait essayer de répartir les fonctions de disponibilité de manière équitable.

[22]  Le fonctionnaire a souligné que M. Ghoshal avait refusé sa demande d’inscription sur la Liste de disponibilité des gardiens de port et qu’il avait dit qu’au vu des nécessités du service de l’unité, la liste comptait un nombre suffisant d’employés pour accomplir les tâches requises.

[23]  Le fonctionnaire a expliqué en quoi, à son avis, il était qualifié pour figurer sur la Liste de disponibilité des gardiens de port. Il a d’abord précisé les qualifications nécessaires pour l'inscription sur la Deuxième Liste de disponibilité avant le 10 juillet 2012. Un inspecteur de la sécurité maritime devait connaître les procédures de sécurité. À titre d’exemple, il y a des procédures établies en cas de pannes de moteur. Dans ces cas-là, il faut évaluer si le bâtiment sera réparé immédiatement. Un radar défectueux, par exemple, doit être réparé avant que le navire puisse quitter le port. Un inspecteur de la sécurité maritime rédige des rapports à l’intention de la direction, enquête sur les accidents et prépare un rapport sur la sécurité maritime à la suite d’un incident de pollution.

[24]  Le fonctionnaire a expliqué qu’il effectuait ce travail tous les jours depuis l’année 2000. Entre autres choses, il inspecte les navires, traite les lacunes, demande des corrections, enquête sur les incidents de pollution par hydrocarbures et sur les accidents, et effectue des inspections liées aux opérations de manutention des cargaisons des navires.

[25]  Le fonctionnaire a aussi présenté en preuve une liste d’articles devant faire l’objet d’une inspection en vertu du « Protocole d’entente de Paris sur le contrôle des navires par l’État du port ». En haut de la liste, le document précise qu’il s’agit des [traduction] « éléments précis à inspecter durant une inspection élargie ».

[26]  Entre autres éléments énumérés sur quatre pages, le fonctionnaire avait rehaussé en jaune une douzaine d’éléments (sur une soixantaine), qui, selon lui, sont inspectés à la fois par les inspecteurs de la sécurité maritime, comme lui (il a le titre d’inspecteur pour le contrôle par l’État du port), et par les gardiens de port. Parmi les éléments recensés, citons [traduction] l’« état de la coque et du pont », les « ventilateurs, les tubes d’aération et l’enveloppe » et les « écoutilles ».

[27]  Le fonctionnaire a aussi porté à mon attention le [traduction] « Manuel des procédures relatives à la disponibilité des basses-terres continentales » (le « manuel »), daté du 27 octobre 1999, qui, a‑t‑il expliqué, constituait la politique établie en 2012. Il y est indiqué ce qui suit : [traduction] « Le présent document a pour objet de donner un aperçu des services de disponibilité ». À la page 4, la section 6 fait état des exigences minimales qui s’appliquent à la disponibilité. Le fonctionnaire a porté à mon attention la section a) qui traite de la disponibilité des gardiens de port, et la section b) qui traite de la disponibilité des autres employés, où il est indiqué ce qui suit :

[Traduction]

6. Exigences minimales applicables aux fonctions de disponibilité

a) Disponibilité des « gardiens de port »

(1) Qualifications suffisantes à titre d’expert maritime.

(2) Grande expérience et excellente connaissance des tâches de chargement, des pratiques maritimes et du matelotage, etc.

(3) Achèvement de la formation en cours d’emploi.

(4) Compétence reconnue par le gestionnaire, Services de fret, pour exécuter les fonctions du poste.

b) Disponibilité d’« autres employés »

(1) Expert maritime d’une discipline quelconque.

(2) Achèvement de la formation en cours d’emploi aux fonctions spécifiées [texte incomplet].

(3) Formation sur la pollution, la SST, les marchandises dangereuses, les conteneurs, ou suivant les exigences de la direction.

(4) Compétence reconnue par le gestionnaire, Conformité et Application de la loi, pour exécuter les fonctions du poste.

(5) Nonobstant les paragraphes (1) à (4), ci‑dessus, un inspecteur peut commencer à exercer des fonctions de disponibilité avec un minimum de formation comme agent de prévention de la pollution, d’accréditation et d’expérience en cours d’emploi (voir l’annexe 1). Cet assouplissement est valide pour six mois, à moins que toutes les exigences énoncées au paragraphe (3) ne soient remplies.

[28]  Le fonctionnaire a expliqué que le fait d’être inscrit sur la Deuxième liste de disponibilité signifiait qu’il répondait aux exigences minimales applicables à la disponibilité en vertu de l’alinéa b).

[29]  Le fonctionnaire a expliqué en quoi, à son avis, il répondait aussi aux critères énoncés à l’alinéa a) qui traite de la disponibilité des gardiens de port. En premier lieu, il a déclaré qu’il répondait au critère prévu au paragraphe (1), puisqu’il a la qualité d’expert maritime. Il détient actuellement la plus haute qualification nautique, celle de capitaine au long cours.

[30]  Le fonctionnaire a ensuite expliqué qu’il avait accumulé l’expérience mentionnée au deuxième critère. Il a décrit l’expérience qu’il avait acquise avant son arrivée à TC. Après avoir obtenu son certificat de capitaine au long cours en 1985, auprès du ministre des Transports, il a travaillé à Hamilton, en Ontario, pour deux sociétés, Ocean Marine et Crown Marine, en qualité d’estimateur de cargaison. Par ailleurs, avant de travailler en Ontario, de 1985 à 1999, il avait travaillé pour Desgagnés, une société du Québec, comme officier à bord d’un navire céréalier.

[31]  Le fonctionnaire a aussi ajouté qu’il avait été et était encore examinateur auprès des apprentis marins. Il a expliqué que les questions qu’il examine en cette qualité englobent les tâches liées au chargement et à la stabilité du navire. Il a déclaré que les gardiens de port doivent étudier ces matières pour obtenir leur certificat de compétence. À ce titre, il traite de ces matières avec les apprentis.

[32]  En conséquence, le fonctionnaire a affirmé qu’il répondait au deuxième critère, soit [traduction] « Grande expérience et excellente connaissance des tâches de chargement, des pratiques maritimes et du matelotage, etc. » Il a ajouté qu’il aurait été facile pour lui de se familiariser avec la façon de remplir les formulaires et les factures. En quelques heures seulement, il serait devenu un gardien de port pleinement qualifié.

[33]  Le fonctionnaire a présenté en preuve les trois formulaires, ou listes de vérification, que les gardiens de port remplissent. L’un de ces formulaires s’intitule [traduction] « Inspecteur de la sécurité maritime – Liste de vérification de l’inspection des céréales en vrac ». Le deuxième s’intitule [traduction] « Inspecteur de la sécurité maritime – Liste de vérification de l’inspection des concentrés ». Enfin, le troisième s’intitule [traduction] « Inspecteur de la sécurité maritime – Liste de vérification de l’inspection des cargaisons de bois en pontée ». Chaque liste renferme trois colonnes placées, respectivement, sous les rubriques suivantes : [traduction] « Oui », « Non » et « S.O. ».

[34]  Le fonctionnaire a expliqué qu’il est courant d’avoir à remplir ces formulaires. Une fois qu’ils sont remplis, on peut délivrer des certificats tels que le « Certificat de navire prêt à charger » ou le « Certificat d’aptitude à prendre la mer ». Par conséquent, les qualifications ne lui faisaient pas défaut. Il devait simplement se familiariser avec la façon de remplir les formulaires et les factures applicables aux services rendus.

[35]  En ce qui concerne le troisième critère, [traduction] « Achèvement de la formation en cours d’emploi », le fonctionnaire a expliqué qu’il aurait pu simplement recevoir des directives pour remplir les formulaires et préparer les factures, et qu’il aurait répondu à ce critère.

[36]  Par conséquent, ce qu’il manquait au fonctionnaire pour se qualifier comme gardien de port tenait uniquement à l’exigence énoncée au quatrième critère, à savoir la [traduction] « Compétence reconnue par le gestionnaire, Conformité et Application de la loi, pour exécuter les fonctions du poste ».

[37]  Le fonctionnaire a expliqué pourquoi il souhaitait être inscrit sur la Liste de disponibilité des gardiens de port. Tout d’abord, il a affirmé qu’il possédait l’expérience et les qualifications exigées pour offrir des services de disponibilité. La disponibilité se rapporte aux heures durant lesquelles les employés peuvent accepter de travailler. De plus, cela aurait permis d’assurer la répartition équitable des revenus supplémentaires générés par les heures de disponibilité. Le fonctionnaire a expliqué que les fonctions de disponibilité augmentent considérablement le salaire annuel d’un employé. En outre, la Liste de disponibilité des gardiens de port ne comportait qu’un petit nombre d’employés, pas plus de huit, qui se partageaient les fonctions de disponibilité et les revenus supplémentaires que les heures de disponibilité rapportaient. Au dire du fonctionnaire, le nombre d’employés figurant sur la liste était limité et contrôlé afin de s’assurer que seuls les employés en question maintiennent un salaire plus élevé.

[38]  Le fonctionnaire a aussi signalé que M. Ghoshal avait refusé sa demande en raison du nombre suffisant d’employés inscrits sur la liste de disponibilité. Cependant, le fonctionnaire a insisté sur le fait que lorsqu’un employé répond aux exigences minimales applicables aux fonctions de disponibilité, notamment celles qui sont énoncées dans le manuel, celui-ci doit être admissible aux fonctions de disponibilité. Cependant, M. Ghoshal n’a pas tenu compte de ces exigences avant de refuser la demande du fonctionnaire.

[39]  Le fonctionnaire a affirmé que la décision de M. Ghoshal était une erreur pour deux autres motifs. En premier lieu, la charge de travail était très lourde — il pouvait accoster jusqu’à 18 navires en deux jours seulement. Et, en deuxième lieu, l’âge moyen des gardiens de port était en hausse, et il s’agit d’un travail exigeant sur le plan physique. Il était donc inexact d’affirmer [traduction] « […] nous avons un nombre suffisant d’employés sur la liste de disponibilité ».

[40]  En conséquence, le fonctionnaire a déposé son grief afin de contester la décision de M. Ghoshal.

[41]  Le 17 décembre 2012, les anciennes unités Conformité et Application de la loi et Services de frets ont fusionné en une seule unité désignée sous le nom de Conformité, Application de la loi et Services de fret. La nouvelle unité comptait environ 22 inspecteurs.

[42]  M. Yeung a été nommé gestionnaire de la nouvelle unité. Le même jour, en cette qualité, il a offert à tous les employés intéressés, y compris le fonctionnaire, la possibilité d’être inscrit sur la liste de disponibilité, en attendant l’achèvement avec succès de la formation ou du jumelage exigé pour accomplir les tâches liées aux services de fret. Dans son courriel adressé à tout le personnel, M. Yeung indiquait que la formation de gardien de port débuterait le lendemain.

[43]  Le 18 décembre 2012, le fonctionnaire a répondu en ces termes à M. Yeung :

[Traduction]

Je vous remercie de prendre cette initiative à l’égard des fonctions de disponibilité des GP, à laquelle je serai heureux de participer dans le cadre d’un jumelage. Par simple souci de clarté, ma réponse à votre courriel intitulé « Déclaration d’intérêt », vendredi dernier, voulait dire : « Oui, je suis intéressé », mais elle ne signifiait pas que j’avais besoin de suivre une formation, pour les raisons que j’ai données dans le courriel que j’ai envoyé à M. Ghoshal, ainsi qu’à vous‑mêmes, le 11 juillet, au sujet de cette question.

 

[44]  Plus tard ce jour‑là, M. Yeung a répondu en ces termes au fonctionnaire : [traduction] « Alym, le jumelage est exigé afin de maintenir l’uniformité entre les gardiens de port ».

[45]  Le fonctionnaire a expliqué que sept inspecteurs de la sécurité maritime avaient répondu qu’ils souhaitaient exercer les fonctions de disponibilité liées aux services de fret en dehors des heures de travail et que, par conséquent, ils avaient suivi la formation de gardien de port. On leur a offert des possibilités de jumelage ou de formation en cours d’emploi pendant les heures normales de bureau.

[46]  Le fonctionnaire a pris la peine de préciser que même s’il devait être jumelé afin de se familiariser avec certaines procédures, il n’avait pas besoin de suivre une formation, contrairement à d’autres, notamment deux ingénieurs inscrits sur la liste qui étaient peu au courant des opérations sur le pont. Cependant, M. Yeung a précisé que toutes les personnes inscrites sur la liste devaient recevoir une formation sur la façon de procéder.

[47]  Le fonctionnaire a précisé que le jumelage ou la formation durait de trois à quatre mois. Il l’a achevé et a été inscrit sur la liste de disponibilité le 29 avril 2013. Il a ajouté que le gestionnaire précédent, M. Ghoshal, avait exigé un jumelage ou une formation de 12 mois, ce que le fonctionnaire estimait être anormal.

[48]  Le fonctionnaire a déposé en preuve les comptes rendus de ses heures de formation pour chaque type de cargaison inspectée (bois d’œuvre, concentrés et céréales). Dans chacun des comptes rendus, M. Yeung a indiqué la date de l’entrevue qu’il avait menée avec le fonctionnaire, ainsi que le résultat (satisfaisant ou insatisfaisant). Pour chaque type de cargaison inspectée, le fonctionnaire a satisfait aux exigences applicables à la formation et à l’entrevue et a obtenu un résultat satisfaisant.

[49]  La nouvelle liste des personnes qualifiées pour exercer les fonctions de disponibilité comptait 11 noms. Bien que le nouvel horaire ait été diffusé le 29 avril 2013, la première possibilité de disponibilité que le fonctionnaire a obtenue a eu lieu le 12 juin 2013, pour une semaine.

[50]  Huit noms figuraient sur la Liste de disponibilité des gardiens de port lorsque la direction a pris la décision d’abolir la Deuxième liste de disponibilité, le 10 juillet 2012. Les mêmes huit personnes figuraient sur la liste jusqu’au 29 avril 2013, date à laquelle quelques personnes ayant déclaré leur intérêt en décembre 2012 y ont été ajoutées.

[51]  Le fonctionnaire a expliqué que pendant environ 11 mois, c’est‑à‑dire entre le 10 juillet 2012 et le 12 juin 2013, il n’avait pas été autorisé à exercer les fonctions de disponibilité. Il a donné un aperçu du revenu d’appoint qu’il n’avait pas touché pendant cette période. En résumé, il estimait que ce revenu s’élevait à près de 5 000 $ au moins pour chaque période de deux mois. Il a déclaré qu’en raison du fait que huit personnes figuraient sur la liste, chacune d’elles agissait comme GP1 (gardien de port numéro 1), puis comme GP2 (gardien de port numéro 2), et enfin comme GP3 (gardien de port numéro 3), une fois tous les deux mois. Le fonctionnaire a estimé que d’après ses calculs, le revenu moyen d’un GP1 durant cette période de disponibilité était de 4 000 $. Celui d’un GP2 variait entre 1 000 et 1 800 $, et celui d’un PM3 était de 750 $. Par conséquent, il a estimé qu’en tout, il avait perdu plus de 5 000 $ en salaire au cours de chaque période de deux mois.

[52]  Le fonctionnaire a affirmé qu’en plus de la perte en salaire, il était inéquitable de ne pas offrir aux membres de l’ancienne unité Conformité et Application de la loi la possibilité d’exercer les fonctions de disponibilité après la fusion des deux unités.

[53]  Dans son grief, le fonctionnaire a demandé la mesure corrective suivante : [traduction] « être autorisé à exercer les fonctions de gardien de port en dehors des heures de travail. Recevoir rétroactivement le salaire perdu par suite du refus de bénéficier de cette possibilité ». Comme le fonctionnaire a été ajouté à la liste de disponibilité depuis le dépôt de son grief, le redressement qu’il demande maintenant est le dédommagement rétroactif des 11 mois au cours desquels il n’a pas pu offrir des services de disponibilité.

[54]  Pendant le contre‑interrogatoire du fonctionnaire, l’employeur a porté à son attention le fait que son [traduction] « Certificat de désignation, d’autorisation et de nomination pour exercer les attributions », qui est délivré par le ministre des Transports, indique que le fonctionnaire est accrédité pour inspecter les éléments suivants : a) les coques, b) les machines, c) l’équipement et d) le respect de la protection du milieu marin aux fins de l’application de la partie 9 de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada (L.C. 2001, ch. 26) (qui s’intitule, « Prévention de la pollution – ministère des Transports »). Cependant, l’employeur lui a demandé si la catégorie e) [traduction] « Inspections des cargaisons » est précisée, ce à quoi le fonctionnaire a répondu que non.

[55]  L’employeur a aussi demandé au fonctionnaire si ses calculs des sommes qu’il avait perdues pendant chaque période de deux mois reposaient sur son salaire actuel ou son salaire de 2012. Le fonctionnaire a répondu qu’il avait utilisé son salaire actuel. Il a reconnu que le salaire qu’il touchait en 2012 était un peu plus bas que son salaire actuel.

[56]  Les parties ont demandé, dans le cas où j’accueillerais le grief, que je leur laisse la possibilité de s’entendre sur le montant du salaire perdu.

[57]  M. Yeung a expliqué qu’en juillet 2012, il était gestionnaire de l’unité Conformité et Application de la loi. Il a expliqué que tous les employés qui travaillent dans les unités du port de Vancouver, notamment les Services techniques, les Services d’inspection, les Services de fret et Conformité et Application de la loi, sont désignés sous le nom d’inspecteur de la sécurité maritime (ou agent de la sécurité maritime). Il a signalé qu’il y a quatre disciplines : l’aspect nautique, les machines, l’architecture navale et les éléments électriques.

[58]  M. Yeung a décrit la nature du travail que les inspecteurs de la sécurité maritime effectuaient au sein de l’unité Conformité et Application de la loi. Ils œuvraient aux programmes de contrôle par l’État du port, aux examens maritimes, au contrôle de la pollution et aux services réguliers de trafic maritime.

[59]  M. Yeung a aussi donné une description des tâches effectuées par l’unité Services de fret. Principalement, les gardiens de port inspectent trois types de cargaisons : les céréales, les concentrés et le bois en pontée. Le mandat des Services de fret englobe également le transport maritime des marchandises dangereuses, la santé et sécurité au travail et le transport des cargaisons de charbon. Deux types d’inspection différents sont effectués en vertu du Règlement sur les cargaisons, la fumigation et l’outillage de chargement (DORS/2007-128). Plus particulièrement, au nom du ministre, les gardiens de port mènent des inspections et délivrent le Certificat de navire prêt à charger et le Certificat d’aptitude à prendre la mer, conformément à cette réglementation.

[60]  M. Yeung a expliqué pourquoi ces inspections et la délivrance de ces deux certificats sont importantes. Elles le sont en raison des risques pour la santé et l’environnement. À titre d’exemple, une cargaison de céréales chargée de manière asymétrique ou irrégulière pourrait faire renverser le navire et le faire couler. Par ailleurs, la cargaison d’un concentré tel que le zinc est extrêmement lourde et pourrait entraîne la rupture du cargo si la charge est inégale. De même, dans le cas d’une cargaison de bois en pontée, le bois doit être solidement arrimé; autrement, sous l’effet du vent et de l’eau, il pourrait se déplacer et le navire pourrait se renverser. C’est pourquoi TC réglemente les inspections des cargaisons.

[61]  M. Yeung a expliqué que le terme « gardien de port » tire son origine de l’ancienne Loi sur la marine marchande du Canada (L.R.C., 1985, ch. S-9), qui a été abrogée en 2001, et remplacée par la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada. La Loi de 2001 fait allusion aux inspecteurs de la sécurité maritime. Ils obtiennent un certificat délivré par le ministre des Transports une fois qu’ils sont autorisés à exercer certains des pouvoirs que la Loi confère au ministre.

[62]  M. Yeung a ajouté que les certificats délivrés aux inspecteurs de la sécurité maritime précisent les domaines dans lesquels ils peuvent mener des inspections, qui pourraient viser notamment la coque, les machines, l’équipement et la cargaison. Lorsqu’il est question des inspections effectuées à bord des navires de charge, les inspecteurs de la sécurité maritime sont désignés sous le nom de gardien de port. Ainsi, tous les gardiens de port sont des inspecteurs de la sécurité maritime, mais les inspecteurs de la sécurité maritime ne sont pas tous des gardiens de port; tout dépend de l’accréditation pour inspecter des navires de charge.

[63]  M. Yeung a ajouté que les fonctions des inspecteurs chargés du contrôle des navires par l’État du port diffèrent aussi de celles des gardiens de port. Il a expliqué qu’une fois qu’un inspecteur a achevé une année de service à TC, il peut suivre une formation pour devenir inspecteur chargé du contrôle des navires par l’État du port. M. Yeung a expliqué le rôle de cet inspecteur. Le « Contrôle par l’État du port » est un programme d’inspection des navires dans le cadre duquel les navires étrangers qui pénètrent dans les eaux d’un état souverain font l’objet d’une visite et sont inspectés pour s’assurer qu’ils sont conformes à diverses conventions maritimes internationales. Les pays qui partagent des eaux communes se sont regroupés aux termes d’un protocole d’entente (PE).

[64]  Le Canada est membre du PE de Paris sur le contrôle des navires par l’État du port, qui est le document officiel par lequel les différentes autorités maritimes participantes, dont le Canada, conviennent de mettre en œuvre un système harmonisé de contrôle par l’État du port. Les domaines visés par le PE englobent la sauvegarde de la vie en mer, la pollution marine et les normes en matière de formation des marins. Le Canada est également membre du PE de Tokyo.

[65]  Ainsi, les inspecteurs chargés du contrôle des navires par l’État du port inspectent les navires étrangers dans le port afin d’assurer la conformité aux conventions internationales. M. Yeung a précisé que ces inspecteurs et les gardiens de port ont des tâches et une formation différentes; il s’agit de deux postes différents. Les inspecteurs évaluent la conformité aux conventions internationales, tandis que les gardiens de port évaluent la conformité à la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada et au Règlement sur les cargaisons, la fumigation et l’outillage de chargement.

[66]  En ce qui a trait à la méthode que l’employeur utilisait pour désigner les gardiens de port aux fins des fonctions de disponibilité dans le passé, M. Yeung a signalé que M. Ghoshal autorisait uniquement les inspecteurs de la sécurité maritime qui travaillaient dans le domaine nautique à être désignés sur la Liste de disponibilité des gardiens de port pour inspecter des cargaisons. Tous les autres inspecteurs de la sécurité maritime pouvaient être désignés sur la Deuxième liste de disponibilité, afin de parer à d’autres situations d’urgence.

[67]  M. Yeung a présenté en preuve un courriel intitulé [traduction] « Prochaines étapes : Budget de 2012 », qui a été envoyé à tous les employés de TC, le 4 avril 2012. Dans ce courriel, la direction commentait le Plan d’action économique de 2012 et expliquait que TC avait établi un plan triennal pour atteindre l’objectif de réduire ses dépenses de 10,7 %.

[68]  Un autre courriel, intitulé [traduction] « Le point sur le Budget de 2012 – Répercussions sur Transports Canada », qui a été envoyé à tous les employés le 12 avril 2012, fournissait des renseignements plus détaillés sur l’examen des dépenses ministérielles et les répercussions sur TC. Les changements désignés comme étant imminents étaient les suivants : [traduction] « Rationalisation des services de disponibilité offerts par les inspecteurs sélectionnés et des procédures connexes et transformation de la prestation de services ».

[69]  M. Yeung a aussi expliqué en quoi consistaient les économies réelles que la suppression de la Deuxième liste de disponibilité avait permis d’obtenir. En précisant le salaire moyen versé aux inspecteurs et le nombre d’heures qui leur était payé, soit 844 heures, puisqu’ils devaient être disposés à passer en mode service, M. Yeung a calculé que TC épargnait 30 000 $ par année. Il a précisé que pour chaque période de huit heures de disponibilité, un employé recevait une heure de rémunération. Chaque jour, sur la période de 24 heures, il y avait deux périodes de huit heures de disponibilité, ce qui équivalait à deux heures de rémunération. Les heures effectuées durant les fins de semaine devaient aussi être prises en compte. En résumé, M. Yeung a estimé que 844 heures de disponibilité étaient rémunérées au cours d’une année. Par conséquent, l’abolition de la Deuxième liste de disponibilité constituait une mesure d’économie importante et était conforme à ce qui prévalait dans les autres régions du Canada qui n’avaient toutes qu’un seul système de disponibilité.

[70]  M. Yeung a aussi expliqué qu’en raison des réductions budgétaires effectuées en 2012, l’unité Conformité, Application de la loi et Services de fret était née de la fusion. Également en raison des réductions, le poste de M. Yeung a été touché en 2012. Le 27 juin 2012, il a reçu une lettre indiquant ce qui suit : [traduction] « J’ai le regret de vous aviser qu’il y aura des répercussions sur le maintien des postes existants par suite de la fusion, au niveau de la direction, de la Conformité et Application de la loi et des Services de fret à la Direction générale du transport maritime à Vancouver (C.‑B.) ». Conformément à un processus de sélection des fonctionnaires aux fins de maintien en poste et de mise en disponibilité (SMPMD) qui était en vigueur à ce moment‑là, M. Yeung a été nommé gestionnaire de la nouvelle unité Conformité, Application de la loi et Services de fret.

[71]  Le jour de son entrée en fonction, M. Yeung a tenu une réunion avec tous ses subalternes et les a informés que la formation de gardien de port commencerait le lendemain.

[72]  M. Yeung a expliqué que M. Ghoshal avait été chargé de l’adoption et de l’application des procédures énoncées dans le manuel, qui étaient entrées en vigueur en 1996, et été modifiées en 1999. Il a expliqué qu’à ce moment‑là, il n’y avait pas de procédure unifiée pour l’ensemble des régions du Canada. Chaque gestionnaire élaborait la procédure à suivre pour désigner les employés inscrits sur les listes de disponibilité. Les lignes directrices fournies dans le manuel avaient pour but d’assurer l’uniformité lorsqu’il s’agissait de désigner des employés qualifiés pour exercer les fonctions de gardien de port en disponibilité et d’autres fonctions d’inspecteur en disponibilité.

[73]  M. Yeung a été invité à préciser si, en juillet 2012, le fonctionnaire répondait aux quatre critères énoncés à l’alinéa 6a) du manuel, sous la rubrique [traduction] « Exigences minimales applicables aux fonctions de disponibilité », et à l’alinéa a) [traduction] « Disponibilité des gardiens de port ». M. Yeung a commencé par préciser que le fonctionnaire répondait au critère no 1, [traduction] « Qualifications suffisantes à titre d’expert maritime ». Ensuite, M. Yeung a déclaré que le fonctionnaire répondait aussi au critère no 2, [traduction] « Grande expérience et excellente connaissance des tâches de chargement, des pratiques maritimes et du matelotage, etc. ».

[74]  Toutefois, M. Yeung a précisé que le fonctionnaire ne répondait pas aux troisième et quatrième critères. En ce qui concerne le troisième critère, [traduction] « Achèvement de la formation en cours d’emploi », le fonctionnaire n’avait pas achevé la formation préalable à la désignation. Pour ce qui est du quatrième critère, [traduction] « Compétence reconnue par le gestionnaire, Services de fret, pour exécuter les fonctions du poste », le fonctionnaire n’avait pas été soumis à une évaluation et n’avait pas été jugé qualifié par le gestionnaire, M. Ghoshal, puisqu’il n’avait pas achevé la formation préalable à la désignation. Par conséquent, en juillet 2012, le fonctionnaire ne répondait pas aux quatre critères.

[75]  M. Yeung a ajouté que le dernier critère est important, parce qu’une fois qu’un inspecteur est désigné pour exécuter les tâches, il ou elle représente le gouvernement du Canada, et non seulement TC, ce qui est la raison pour laquelle le gestionnaire doit être convaincu que l’inspecteur possède la compétence nécessaire pour effectuer le travail. Il est impératif que le travail soit bien fait.

[76]  Lorsque M. Yeung a été nommé gestionnaire de la nouvelle équipe, en décembre 2012, il a instauré un nouveau mode de désignation des employés aux fins des services de disponibilité. Il a fourni la preuve des instructions qu’il avait préparées les 17 décembre 2012, 10 janvier 2013 et 29 avril 2013.  Voici un extrait des instructions datées des 10 janvier et 29 avril :

[Traduction]

Pour se qualifier comme inspecteur de la sécurité maritime en disponibilité aux Services de fret (gardien de port), un inspecteur doit, à tout le moins, être nommé inspecteur de la sécurité maritime et être autorisé par le TME [gestionnaire, Conformité, Application de la loi et Services de fret] à exercer les fonctions des Services de fret (gardien de port).

 

[77]  M. Yeung a présenté les documents qui retracent les heures de jumelage que les inspecteurs ont achevées pendant la formation. Pour chaque type de navire de charge, qu’il s’agisse d’une cargaison de bois en pontée, de concentrés ou de céréales, un système de contrôle interne avait été instauré, et les apprentis devaient déclarer qu’ils avaient achevé l’ensemble des tâches et exercices de jumelage qui étaient énumérés. Les navires chargés de bois en pontée donnaient lieu à 15 tâches ou exercices, tandis que ceux chargés de concentrés donnaient lieu à 14 tâches ou exercices, et ceux chargés de céréales, à 19 tâches ou exercices.

[78]  À titre d’exemple, le formulaire [traduction] « Autodéclaration relative au chargement de bois en pontée » indiquait les tâches, thèmes ou exercices qui devaient être étudiés ou achevés :

    [Traduction]

  1. Assister à l’atelier interne traitant des cargaisons de bois en pontée/Encadrement individuel par les pairs

  2. Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, article 11 – Inspections effectuées par les inspecteurs de la sécurité maritime et d’autres personnes, et article 211 – Inspections

  3. Règlement sur les cargaisons, la fumigation et l’outillage de chargement, plus particulièrement la partie 1, section 4 – Cargaisons de bois en pontée

  4. Convention SOLAS, chapitre VI – Transport de cargaisons, partie A – Dispositions générales

  5. Convention SOLAS, chapitre XII – Mesures de sécurité supplémentaires applicables aux vraquiers

  6. Recueil de règles pratiques pour la sécurité des navires transportant des cargaisons de bois en pontée, 1991/2011

  7. Recueil CSS (Recueil de règles pratiques pour la sécurité de l’arrimage et de l’assujettissement des cargaisons)

  8. Manuel d’assujettissement de la cargaison

  9. – Certificat de visite préliminaire (Cert. préliminaire)

– Certificat de navire prêt à charger (Cert. de navire prêt)

– Certificat d’aptitude à prendre la mer (Cert. d’aptitude)

– Note de la Sécurité maritime (SI-07)

  1. Bulletins de la sécurité des navires

  • - No 15/1991 – Accès à un espace clos

  1. Observation d’un essai de roulis et familiarisation avec le calcul de la stabilité des navires transportant des cargaisons de bois en pontée, y compris les calculs de contraintes

  2. Liste de vérification de l’inspectiondes cargaisons de bois en pontée [voir Pièce C-2 — aide-mémoire basé sur le règlement]

  3. Calculs des frais de service de fret

  4. Jumelage de l’inspection de l’état de préparation(date, nom du navire, ISM)

  • - 1 [À remplir]

  • - 2 [À remplir]

  • - 3 [À remplir]

  1. Jumelage de l’inspection relative à l’aptitude à prendre la mer (date, nom du navire, ISM)

  • - 1 [À remplir]

  • - 2 [À remplir]

  • - 3 [À remplir]

[79]  M. Yeung a expliqué qu’une fois qu’un apprenti s’est familiarisé avec tous les mandats conférés par la loi au ministre ou à ses délégataires, qu’il a reçu tout l’encadrement nécessaire, qu’il a effectué toutes les inspections exigées (au moins 24), et qu’en dernier lieu, il a déclaré avoir achevé toutes les activités du programme, M. Yeung le reçoit en entrevue afin de s’assurer qu’il possède toutes les qualifications à l’égard de tous les aspects des activités. Une fois que ces exigences sont respectées, M. Yeung informe le gestionnaire compétent à l’administration centrale que l’apprenti a reçu la formation appropriée, qu’il a fait l’objet d’une évaluation et qu’il peut être désigné aux fins de l’inspection des cargaisons. À ce moment‑là, l’apprenti est autorisé à inspecter des cargaisons.

[80]  M. Yeung a expliqué que l’inspecteur pourrait alors commencer à inspecter des navires de charge même sans avoir reçu le document officiel de désignation. Il produit le formulaire qui est envoyé à l’administration centrale lorsqu’un inspecteur est réputé être qualifié pour mener des inspections en vertu de l’art. 11 de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada. L’article précise que l’inspecteur est autorisé à effectuer l’inspection de la coque, l’inspection des machines, l’inspection de l’équipement, l’inspection relative à la prévention de la pollution au titre de la partie 8 de la Loi, l’inspection relative à la protection du milieu marin au titre de la partie 9 de la Loi, et l’inspection de la cargaison. M. Yeung a expliqué que pour effectuer l’inspection de la cargaison, il est essentiel qu’un inspecteur soit désigné qualifié à cette fin, afin que l’on puisse cocher la case appropriée sur le formulaire.

[81]  M. Yeung a expliqué pourquoi il est important de préparer le certificat. Dans le cas d’une action en justice contre l’État, le certificat doit démontrer que l’inspecteur avait reçu la formation appropriée et était désigné pour effectuer l’inspection en question. De plus, avant d’entreprendre une inspection, chaque inspecteur doit montrer une pièce d’identité attestant qu’il ou elle est autorisé à l’effectuer.

[82]  M. Yeung a été prié de préciser si les inspecteurs chargés du contrôle des navires par l’État du port devaient se familiariser avec l’ensemble des thèmes et des tâches énumérés dans le formulaire d’autodéclaration relative au chargement de bois en pontée, par exemple. Il a répondu que ces inspecteurs en connaissent un certain nombre, mais pas tous. À titre d’exemple, dans le cadre de leur travail, les inspecteurs abordent les thèmes ou les tâches mentionnés aux points 4, 5, 7, 8 et 10 du formulaire, mais pas nécessairement les autres. Seuls les gardiens de port abordent les autres thèmes ou tâches dans leur travail quotidien.

[83]  Le certificat de désignation de M. Yeung a été déposé en preuve afin de démontrer l’étendue des pouvoirs délégués. Dans son cas, par exemple, le certificat est ainsi rédigé :

[Traduction]

CERTIFICAT DE DÉSIGNATION, D’AUTORISATION ET DE NOMINATION POUR EXERCER LES ATTRIBUTIONS

To For (John) Yeung

Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada

Conformément à l’article 11 de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, le ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités autorise par les présentes To For (John) Yeung, inspecteur de la sécurité maritime, à exercer les attributions du ministre et à effectuer les inspections indiquées ci‑après, au titre de l’article 211 de ladite Loi :

a) inspection de la coque;

b) inspection des machines;

c) inspection de l’équipement;

c.1) inspection relative à la prévention de la pollution au titre de la partie 8;

d) inspection relative à la protection du milieu marin au titre de la partie 9 (prévention de la pollution — ministère des Transports);

e) inspection de la cargaison.

To For (John) Yeung, inspecteur de la sécurité maritime, peut exercer les fonctions d’un inspecteur chargé du contrôle des navires par l’État du port aux fins de l’application des protocoles d’entente de Paris et de Tokyo sur le contrôle des navires par l’État du port.

[…]

En vertu de l’article 11 de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, le ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités autorise, par les présentes,

To For Yeung,

inspecteur de la sécurité maritime, à exercer les attributions du ministre, y compris les pouvoirs quasi judiciaires et l’administration des examens se rattachant à la délivrance et au renouvellement des brevets suivants en vertu du Règlement sur le personnel maritime :

capitaine au long cours;

capitaine, à proximité du littoral;

capitaine, jauge brute de 3 000, à proximité du littoral;

capitaine, jauge brute de 500, à proximité du littoral;

[…]

 

[84]  M. Yeung a expliqué que le fait d’être autorisé à faire passer les examens se rattachant à la délivrance des brevets ne confère pas nécessairement le titre de gardien de port à l’examinateur. Pour être ainsi désigné, il est impératif que le certificat l’indique sous la catégorie e) [traduction] « inspection de la cargaison ». M Yeung a aussi confirmé que même si un évaluateur est autorisé à faire passer des examens aux apprentis et à poser des questions sur la cargaison, l’évaluateur ne possède pas la même compréhension du sujet traité qu’un gardien de port qui a reçu une formation sur tous les aspects du programme.

[85]  M. Yeung a précisé les raisons pour lesquelles le jumelage est très important et nécessaire avant l’octroi de la désignation. D’une part, il permet aux inspecteurs d’acquérir des connaissances, d’autre part, il assure l’uniformité des inspections qu’effectuent les gardiens de port.

[86]  M. Yeung a expliqué qu’à son arrivée à son poste, en décembre 2012, sa priorité absolue avait été de donner une formation aux nouveaux gardiens de port. Il a fallu quelques mois aux apprentis pour achever leur formation, parce que les divers types de navires de charge n’entrent pas tous dans le port tous les jours, et que les apprentis devaient être formés à tous les types d’inspection. Les expéditions de céréales, par exemple, sont inspectées chaque jour, mais celles de concentrés et de bois en pontée le sont environ une fois par mois.

[87]  M. Yeung a donc confirmé que, de décembre 2012 à avril 2013, date de l’inscription du fonctionnaire sur la liste de disponibilité, ou en juin 2013, lorsque son tour de disponibilité est venu, comme pour toutes les personnes inscrites sur la Deuxième liste de disponibilité, il avait perdu la possibilité de recevoir des appels en période de disponibilité, mais n’avait pas perdu les tâches d’inspection, c’est‑à‑dire, les inspections nécessaires.

[88]  M. Yeung a expliqué que la différence tenait au fait qu’avant l’abolition de la Deuxième liste de disponibilité, les inspecteurs de la sécurité maritime de l’unité Conformité et Application de la loi recevaient des appels lorsque la question relevait de cette unité. Après l’abolition de la liste, les gardiens de port ont reçu tous les appels. Les gardiens se chargeaient des tâches à effectuer s’ils y étaient autorisés ou appelaient le responsable pour qu’il s’en occupe. Lorsque la question portait sur les fonctions de l’unité Conformité et Application de la loi, les gardiens appelaient M. Yeung, qui, à son tour, déléguait les tâches à un inspecteur de son unité.

[89]  En dernier lieu, M. Yeung a confirmé qu’en décembre 2012, il n’était au courant d’aucune nécessité du service justifiant de ne pas ajouter ces noms à la Liste de disponibilité des gardiens de port. Il a expliqué que, dès le moment où il est devenu responsable de la liste, il a décidé que si un inspecteur de l’équipe était qualifié et souhaitait obtenir des périodes de disponibilité, il lui en offrirait la possibilité.

IV.  Questions à trancher

[90]  L’employeur a‑t‑il enfreint la clause 30.02 de la convention collective?

V.  Analyse

[91]  Le grief porte sur l’interprétation et l’application de la clause 30.02. L’article 30 est ainsi libellé :

ARTICLE 30

DISPONIBILITÉ

30.01 Lorsque l’Employeur exige d’un employé-e qu’il ou elle soit disponible durant les heures hors-service, cet employé-e a droit à une indemnité de disponibilité au taux équivalant à une demi‑heure (1/2) de travail pour chaque période entière ou partielle de quatre (4) heures durant laquelle il ou elle est en disponibilité.

30.02 L’employé-e désigné par une lettre ou un tableau pour remplir des fonctions de disponibilité, doit pouvoir être atteint au cours de cette période à un numéro de téléphone connu et pouvoir rentrer au travail aussi rapidement que possible s’il ou elle est appelé à le faire. Lorsqu’il désigne des employé-e-s pour des périodes de disponibilité, l’Employeur s’efforce de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité.

30.03 Il n’est pas versé d’indemnité de disponibilité si l’employé-e est incapable de se présenter au travail lorsqu’il ou elle est tenu de le faire.

30.04 L’employé-e en disponibilité qui est tenu de se présenter au travail touche la rémunération prévue au paragraphe 29.01.

30.05 Sauf dans le cas où l’employé-e est tenu par l’Employeur d’utiliser un véhicule de l’Employeur pour se rendre à un lieu de travail autre que son lieu de travail normal, le temps que l’employé-e met pour se rendre au travail ou pour rentrer chez lui ou chez elle n’est pas considéré comme du temps de travail.

30.06

a) Les paiements mentionnés aux paragraphes 30.01 et 30.04 donnent droit à une rémunération en espèces sauf dans les cas où, à la demande de l’employé-e et avec l’approbation de l’Employeur, ou à la demande de l’Employeur et avec l’accord de l’employé-e, ces paiements peuvent être compensés au moyen d’une période équivalente de congé payé.

b) Le congé compensateur payé qui n’a pas été pris à la fin de la période de douze (12) mois déterminée par l’Employeur est payé en argent au taux de rémunération horaire de l’employé-e, calculé d’après la classification indiquée dans le certificat de nomination à son poste d’attache à la fin de la période de douze (12) mois.

 

1.  La position de l’agent négociateur

[92]  L’agent négociateur est d’avis que la décision de refuser au fonctionnaire la possibilité d’être inscrit sur la liste de disponibilité était arbitraire et contraire à la clause 30.02 de la convention collective.

[93]  La convention collective applicable prévoit ce qui suit à la clause 30. 02 : « Lorsqu’il désigne des employé-e-s pour des périodes de disponibilité, l’Employeur s’efforce de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité ». L’agent négociateur a soutenu que cette clause avait été interprétée de façon à s’appliquer aussi aux décisions de l’employeur quant à la possibilité de travailler à partir d’une liste de disponibilité.

[94]  L’agent négociateur a soutenu que la direction jouit d’un vaste pouvoir discrétionnaire en matière de gestion du milieu de travail. Comme il est mentionné dans Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, au paragraphe 4:2326, la direction doit exercer son pouvoir décisionnel raisonnablement ou équitablement et de bonne foi. Il faut tenir compte de ce qui suit :

[Traduction]

[…] Une fois qu’il a été décidé que le grief est arbitrable, toutefois, la question à se poser ensuite est celle de savoir si la direction doit expressément exercer son pouvoir décisionnel raisonnablement ou équitablement, ou conformément à une norme quelconque […] La Cour suprême a récemment reconnu que la bonne foi est le principe directeur général qui sous‑tend l’exécution des marchés, et que ce principe se traduit par l’obligation d’agir honnêtement lorsqu’il s’agit d’honorer des obligations contractuelles […]

[Je mets en évidence]

 

[95]  Le fonctionnaire a soutenu que, dans le passé, la Commission avait interprété une clause identique à la clause 30.02 dans Scanlon c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 42. Dans cette affaire, l’employeur avait retiré les noms des deux fonctionnaires s’estimant lésés de la liste de disponibilité, afin d’épargner de l’argent. Les fonctionnaires occupaient des postes classifiés au groupe et au niveau CS-02. Cependant, l’employeur avait décidé de conserver sur la liste uniquement les noms des employés occupant des postes classifiés au groupe et au niveau CS-01. La liste était utilisée durant les heures hors‑service et les fins de semaine pour nommer des employés assignés à la disponibilité, afin de répondre aux questions posées au Bureau des services de TI.

[96]  Par conséquent, dans Scanlon, les fonctionnaires avaient obtenu beaucoup moins d’heures supplémentaires que par le passé. Dans la partie des griefs traitant de la réparation, il était demandé que les noms des fonctionnaires soient réinscrits sur la liste de disponibilité. La clause 11.02 de la convention collective en litige dans cette affaire, qui traitait expressément des fonctions de disponibilité, était identique à la clause 30.02 en l’espèce et comprenait la phrase suivante : « Lorsqu’il désigne des employés pour des périodes de fonction de disponibilité, l’Employeur doit s’efforcer de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité ». L’arbitre de grief a statué que l’employeur avait le droit de sélectionner les employés qu’il souhaitait inclure à la liste de disponibilité. Cependant, son droit à les sélectionner sur la liste aux fins des fonctions de disponibilité était tempéré par la disposition de la convention collective exigeant que l’employeur s’efforce de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité.

[97]  L’arbitre de grief a statué que la convention collective ne traitait pas de la question du droit de l’employeur de retirer des noms de la liste. Il a conclu que, par conséquent, le retrait des noms de la liste relevait des droits et du pouvoir discrétionnaire de la direction, qui doit être exercé raisonnablement et dans un but opérationnel. Il a conclu que la décision quant au groupe d’employés auxquels l’employeur faisait appel pour constituer sa liste de disponibilité semblait également être de nature discrétionnaire et être soumise à la norme de la décision raisonnable. L’arbitre de grief a aussi conclu que la décision de retirer les fonctionnaires de la liste était fondée sur des pressions économiques véritables et qu’on ne pouvait la qualifier de déraisonnable ou comme répondant à un objectif opérationnel illégitime. L’arbitre de grief a rejeté les griefs.

[98]  L’agent négociateur était d’avis que le motif pour lequel l’employeur avait refusé la demande du fonctionnaire d’être ajouté à la liste, à savoir qu’il y avait un nombre suffisant de noms sur la liste, n’était pas relié, de façon rationnelle, à un objectif opérationnel légitime, puisque quelques mois plus tard, sous la direction d’un nouveau gestionnaire, la liste avait été élargie. Le seul changement de situation, selon l’agent négociateur, a été le changement lié au gestionnaire qui a pris la décision.

[99]  L’agent négociateur a aussi maintenu que la décision de M. Ghoshal était arbitraire. Conformément à la convention collective, lorsqu’il désigne des employés pour des périodes de disponibilité, l’employeur doit s’efforcer de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité. Dans la présente affaire, M. Ghoshal ne s’est pas efforcé de le faire. Bien qu’il soit entendu qu’il ne pouvait pas ajouter à la liste un employé qui n’était pas encore autorisé à inspecter des navires de charge avant d’avoir obtenu la formation ou l’encadrement nécessaire, l’employeur devait s’efforcer de prévoir une répartition équitable afin de respecter le libellé de la convention collective, ce qu’il n’a pas fait.

[100]  Dans Scanlon, l’arbitre de grief a conclu qu’il existe une obligation positive de s’efforcer de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité, ce qui doit être fait de bonne foi. Cependant, selon la preuve versée au dossier, même si le fonctionnaire a demandé d’être ajouté à la liste, sa demande a été refusée au motif opérationnel que la liste comptait déjà un nombre suffisant de noms. M. Yeung a été interrogé à savoir si d’autres motifs avaient justifié le refus d’examiner la demande du fonctionnaire à l’époque. Il a répondu qu’il n’en connaissait aucun, à part le fait que, manifestement, comme le fonctionnaire n’avait pas encore été désigné pour inspecter des navires de charge, il ne pouvait pas être directement ajouté à la liste. Toutefois, selon l’agent négociateur, rien n’indique que M. Ghoshal ait refusé la demande du fonctionnaire pour ce motif.

[101]  L’agent négociateur a ajouté, comme M. Yeung l’avait confirmé, que le fonctionnaire répondait déjà aux deux premiers critères indiqués dans le manuel qui devaient être satisfaits pour qu’un employé soit ajouté à la Liste de disponibilité des gardiens de port. Seuls les troisième et quatrième critères demeuraient insatisfaits. Le troisième critère consistait à recevoir la formation ou l’encadrement nécessaire. On sait maintenant qu’il est possible d’obtenir une formation ou un encadrement suffisant en moins de quatre mois. En réalité, à cette époque, les nouveaux apprentis, y compris le fonctionnaire, ont reçu une formation après l’arrivée en fonction de M. Yeung à titre de gestionnaire; le fonctionnaire a reçu une formation ou un encadrement entre décembre 2012 et avril 2013.

[102]  Quant au quatrième critère, soit la reconnaissance par le gestionnaire que la personne possède la compétence nécessaire pour exercer les fonctions, dès lors que le fonctionnaire avait obtenu un jumelage, M. Ghoshal aurait pu approuver sa compétence. Il ne faut pas oublier que le fonctionnaire exécutait des tâches très similaires en qualité d’inspecteur de la sécurité maritime et d’inspecteur chargé du contrôle des navires par l’État du port. L’agent négociateur a expliqué qu’un bon nombre des fonctions d’un inspecteur chargé du contrôle des navires par l’État du port et d’un gardien de port se chevauchent.

[103]  Comme le fonctionnaire l’a expliqué, il était prêt à se familiariser avec les procédures exécutées par les gardiens de port en juillet 2012. Cependant, M. Ghoshal ne l’y a pas autorisé.

[104]  L’agent négociateur a ajouté que même si le quatrième critère confère au gestionnaire le pouvoir discrétionnaire d’approuver la compétence d’une personne et qu’il s’agit d’un critère valable, compte tenu des risques associés aux incidents en mer, cela ne donne pas carte blanche au gestionnaire pour faire fi de la convention collective et choisir qui ajouter à la liste. Le gestionnaire a l’obligation de s’efforcer de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité, ce qu’il n’a pas fait. Il a plutôt décidé qu’il avait un nombre suffisant d’employés sur la liste et qu’il n’avait pas besoin d’y ajouter qui que ce soit d’autre.

[105]  L’agent négociateur a ajouté que même s’il lui incombait d’établir qu’il y avait eu violation de la clause de la convention collective, l’employeur devait démontrer le caractère raisonnable de la décision de M. Ghoshal. Ce dernier n’a tout simplement pas examiné ni envisagé la possibilité d’offrir la formation au fonctionnaire. De plus, comme M. Ghoshal n’a pas été invité à témoigner, la Commission ignore les motifs sous‑jacents à son refus d’examiner la demande du fonctionnaire.

[106]  L’agent négociateur a souligné, comme l’a expliqué le fonctionnaire, le fait qu’avant l’arrivée de M. Yeung, le droit d’être ajouté à la liste était réservé à un cercle de personnes restreint, ce que M. Yeung n’a pas nié. Par conséquent, dès son arrivée, M. Yeung a estimé urgent de changer cette pratique. Il en a même fait une priorité.

[107]  De plus, l’agent négociateur a souligné que l’ajout d’une personne à la liste n’entraînait aucuns frais supplémentaire pour l’employeur, seulement une répartition plus large des heures de disponibilité rémunérées à l’intention des personnes qui souhaitaient les effectuer.

[108]  En dernier lieu, l’agent négociateur a souligné que la question de fond avait été réglée dans le cadre de la procédure de règlements des griefs. Grâce à l’arrivée de M. Yeung et à ses efforts de répartition équitable des heures de disponibilité, le fonctionnaire a reçu une formation et a été ajouté à la liste en avril 2013. La seule question non résolue est celle de la rémunération des heures au cours desquelles le fonctionnaire n’a pas eu la possibilité d’être en disponibilité, par suite de la décision de M. Ghoshal de réserver les fonctions de disponibilité à un groupe sélectionné.

[109]  En conséquence, l’agent négociateur a demandé que le grief soit accueilli et que le fonctionnaire soit indemnisé pour la perte des heures durant lesquelles on lui a  refusé la possibilité d’être en disponibilité. En dernier lieu, l’agent négociateur a demandé, au cas où le grief serait accueilli, que je laisse les parties convenir de l’indemnisation appropriée dans les circonstances.

2.  La position de l’employeur

[110]  L’employeur est d’avis qu’il n’a enfreint aucune disposition de la convention collective. Les restrictions budgétaires adoptées en 2012 l’ont forcé à réduire ses dépenses. La Deuxième liste de disponibilité a été abolie le 10 juillet 2012, afin d’épargner de l’argent.

[111]  Une autre conséquence des restrictions a été la fusion réalisée en décembre 2012 et la nomination de M. Yeung comme gestionnaire. Le jour de son entrée en fonction, celui‑ci a invité les employés qui souhaitaient offrir des services de disponibilité en dehors des heures de travail régulières à lui donner leur nom.

[112]  L’employeur a soutenu qu’il n’avait enfreint aucune disposition de la convention collective, ce qui peut être démontré par l’examen des principes d’interprétation applicables.

[113]  Tout d’abord, l’employeur m’a renvoyé à Chafe c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112, qui indique ce qui suit aux paragraphes 50 et 51 :

[50] Je commencerai par une observation banale mais juste, à savoir que mon pouvoir à titre d’arbitre de grief est limité aux modalités prévues expressément dans la convention collective. Je peux seulement interpréter et appliquer la convention collective. Je ne peux pas modifier les modalités qui sont claires et je ne peux pas non plus en établir de nouvelles. Le fait qu’une disposition particulière puisse sembler injuste n’est pas une raison pour que j’en fasse abstraction, si la disposition est clairement formulée : Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22 (la « LRTFP »), art. 229; Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 30 v. Irving Pulp & Paper Ltd., 2002 NBCA 30, paragraphes 10 et 11.

[51] Deuxièmement, je suis obligé de déterminer l’intention réelle des parties lorsqu’elles ont conclu la convention collective. Pour ce faire, je dois prendre les mots utilisés par les parties dans leur sens ordinaire. Je dois aussi tenir compte du reste de la convention collective, parce que c’est la convention dans son ensemble qui forme le contexte dans lequel les mots utilisés doivent être interprétés : Irving Pulp & Paper, paragraphes 10 et 11; Cooper et Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 160, paragraphes 32 et 34.

 

[114]  L’employeur a porté à mon attention l’art. 229 de la LRTSPF, qui indique ce qui suit : « La décision de l’arbitre de grief ou de la Commission ne peut avoir pour effet d’exiger la modification d’une convention collective ou d’une décision arbitrale ».

[115]  L’employeur a aussi porté à mon attention l’énoncé suivant, extrait de Brown et Beatty, au paragraphe 4:2120 : [traduction] « Selon une autre directive générale connexe en matière d’interprétation, dans le cadre de l’interprétation d’une convention collective, il faut présumer que tous les mots utilisés étaient censés avoir un sens […] ».

[116]  L’employeur a porté à mon attention le paragraphe 24 de Beese c. Conseil du Trésor (Commission canadienne des grains), 2012 CRTFP 99, qui indique ce qui suit : « Afin de bien saisir le contexte de l’ensemble de la convention collective, on ne peut comprendre le sens d’une de ses dispositions sans comprendre le lien entre cette disposition et l’ensemble de la convention. En effet, ce qui est formulé dans une disposition est souvent précisé, voire modifié, ailleurs dans la convention ». Par conséquent, l’employeur m’a demandé de tenir compte aussi de l’article 6 et de la clause 28.03 de la convention collective.

[117]  L’article 6 est ainsi libellé : « Sauf dans les limites indiquées, la présente convention ne restreint aucunement l’autorité des personnes chargées d’exercer des fonctions de direction dans la fonction publique ».

[118]  Réciproquement, la clause 28.03 est ainsi libellée :

28.03 Sous réserve des nécessités du service, l’Employeur doit faire tout effort raisonnable :

a. pour répartir les heures supplémentaires de façon équitable entre les employé-e-s qualifiés, immédiatement disponibles;

et

b. pour donner aux employé-e-s tenus de faire des heures supplémentaires un préavis suffisant concernant cette exigence.

 

[119]  L’employeur a fait valoir qu’il était sensé de répartir équitablement les heures supplémentaires, comme les fonctions de disponibilité, mais qu’il n’était pas logique de s’attendre à ce qu’une personne soit désignée pour exercer des fonctions de disponibilité si elle n’est pas qualifiée pour accomplir les tâches.

[120]  L’employeur a insisté sur le fait que le fonctionnaire ne répondait pas aux troisième et quatrième critères énoncés dans le manuel, qui prévoient les exigences à satisfaire pour être inscrit sur la Liste de disponibilité des gardiens de port. M. Yeung a expliqué cette situation en détail. Le fonctionnaire n’avait pas reçu la formation nécessaire indiquée au troisième critère, et le gestionnaire responsable des désignations ne l’avait pas désigné qualifié, comme le prévoyait le quatrième critère. L’employeur a insisté sur le fait que les fonctions des inspecteurs de la sécurité maritime varient d’une unité à l’autre. Les tâches que les inspecteurs de la sécurité maritime de l’unité Conformité et Application de la loi effectuaient n’étaient pas les mêmes que celles effectuées par les inspecteurs des autres unités, notamment les Services de fret.

[121]  L’employeur a ajouté que le fonctionnaire et M. Yeung avaient tous deux confirmé que l’inspecteur chargé du contrôle des navires par l’État du port et un gardien de port n’ont pas les mêmes fonctions. M. Yeung a précisé qu’ils doivent posséder des connaissances et une formation différentes. Plus particulièrement, les inspecteurs chargés du contrôle des navires par l’État du port évaluent la conformité aux conventions internationales, tandis que les gardiens de port évaluent la conformité à la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada et au Règlement sur les cargaisons, la fumigation et l’outillage de chargement. Par conséquent, ces personnes n’ont pas le même mandat.

[122]  L’employeur m’a prié d’examiner Gasbarro c. Conseil du Trésor (Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports), 2007 CRTFP 87. Au paragraphe 93, l’arbitre de grief a souligné ce qui suit : « La rémunération de disponibilité compense l’employé pour le fait qu’il modifie son comportement pendant qu’il n’est pas au travail afin de pouvoir retourner à celui-ci au besoin et pour les inconvénients et interruptions que cela risque de causer ». L’arbitre de grief a ensuite fait remarquer ce qui suit, au paragraphe 106 : « Cela signifie que si l’employé n’est pas disponible lorsqu’il y a un appel lui demandant de se présenter au travail pendant qu’il est en disponibilité, il ne touchera pas l’indemnité de disponibilité prévue à l’article 30 ».

[123]  L’employeur a soutenu que si l’employé n’est pas qualifié pour inspecter les cargaisons, il ne peut pas non plus être inscrit sur la Liste de disponibilité des gardiens de port, ni toucher l’indemnité de disponibilité prévue à l’article 30.

[124]  L’employeur a souligné qu’un certificat officiel est délivré à un inspecteur de la sécurité maritime lorsque celui‑ci est qualifié pour inspecter les cargaisons ou procéder à d’autres inspections en vertu de l’art. 211 de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada. Le paragraphe 11(3) de cette Loi prévoit expressément ce qui suit :

11 (3) Le ministre des Transports remet à chaque inspecteur un certificat attestant sa qualité et l’autorisant à procéder à des inspections en vertu de l’article 211 ou à exercer les attributions, y compris les pouvoirs quasi judiciaires, que la présente loi lui confère.

 

[125]  L’employeur a fait valoir que pour être autorisé à inspecter des cargaisons, il était impératif pour le fonctionnaire d’obtenir un certificat validant la catégorie e) [traduction] « Inspections des cargaisons ». Cependant, la preuve a démontré que cette autorisation n’était pas prévue dans le certificat qu’il détenait.

[126]  L’employeur a porté à mon attention l’objet de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, qui est énoncé à l’art. 6, dont les alinéas a) à c), qui sont pertinents, indiquent ce qui suit :

6 La présente loi a pour objet :

a) de protéger la santé et le bien-être de ceux qui participent au transport et au commerce maritimes, notamment l’équipage;

b) de favoriser la sûreté du transport maritime et de la navigation de plaisance;

c) de protéger le milieu marin contre les dommages causés par les activités de navigation et de transport maritimes […]

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

 

[127]  L’employeur m’a rappelé que M. Yeung avait décrit les risques associés aux cargaisons et aux incidents possibles en mer. Dans toutes les situations, il faut procéder à l’inspection d’une cargaison conformément aux règles applicables.

[128]  L’employeur a porté Scanlon à mon attention. Il a fait valoir que le raisonnement suivi par l’arbitre de grief dans cette affaire s’applique en l’espèce. Il a porté plus particulièrement à mon attention les paragraphes 31 à 33 de cette décision, qui indiquent ce qui suit :

31 Me tournant vers l’interprétation précise de la clause 11.02 de la convention collective, je note que la dernière phrase est formulée comme suit : « Lorsqu’il désigne des employés pour des périodes de fonction de disponibilité, l’Employeur doit s’efforcer de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité. » Il s’agit d’un libellé quelque peu indirect, mais il est clair cependant que l’employeur a le droit contractuel de désigner ou de sélectionner les employés qu’il souhaite inclure à la liste de disponibilité. Or, ce droit est tempéré par le fait que l’employeur « doit s’efforcer de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité [je souligne] ». Le mot anglais endeavour (« s’efforcer ») est défini comme suit dans le Black’s Law Dictionary, cinquième édition (1979), à la page 473 : [traduction] « L’exercice d’une force physique et intellectuelle pour atteindre un objectif. Un effort systématique ou continu ». Un sens similaire est [traduction] « une entreprise ou un effort visant à réaliser un objectif » ou « une tentative sérieuse ou vigoureuse » (The Canadian Oxford Dictionary, Oxford University Press (1998), à la page 460).

32 Un important élément dans ces définitions est l’idée d’une « tentative » ou que l’on « tend vers quelque chose ». Je dis cela, parce que la clause 11.02 n’oblige pas l’employeur de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité. Au lieu de cela, pour respecter cette disposition, l’employeur doit faire un effort considérable pour atteindre cet objectif qu’est la répartition équitable des fonctions de disponibilité. Par ailleurs, il peut y avoir des raisons qui empêchent l’employeur de réaliser cet objectif. Cependant, pour autant que ces raisons ne soient pas arbitraires (c’est-à-dire dans la mesure où elles sont reliées, de façon rationnelle, à un objectif opérationnel légitime), discriminatoires ou de mauvaise foi et qu’un effort significatif ait été déployé pour surmonter les obstacles qui empêchent une répartition équitable des fonctions de disponibilité, il peut toujours y avoir respect de la clause 11.02. En ce qui concerne la référence à la « répartition équitable » des fonctions de disponibilité, manifestement, le but est de répartir équitablement, parmi les employés, l’avantage que présente la rémunération au taux d’un et demi qui est versée pendant les périodes de disponibilité. Par conséquent, l’employeur doit également offrir, de façon équitable, la possibilité aux employés de travailler en faisant partie de la liste de disponibilité.

33 Si j’applique cette analyse aux griefs dont je suis saisi, la clause 11.02 ne peut être interprétée comme obligeant l’employeur de désigner des employés en vue de l’exécution de fonctions de disponibilité d’une façon équitable peu importe les circonstances. En l’occurrence, il est indéniable que les fonctionnaires sont qualifiés et ont l’expérience voulue pour travailler au Bureau d’aide des employés en disponibilité, mais, si l’on interprète cette disposition contractuelle, cela ne veut pas dire que l’employeur doit leur confier ce travail d’une manière équitable.

[129]  Selon l’employeur, dans la mesure où sa décision est raisonnable et lui permet d’atteindre son objectif de réaliser des épargnes réelles et mesurables, il faut la tenir pour une décision non arbitraire et équitable, ce qui, en soi, mène à la conclusion que l’employeur n’a pas enfreint la clause 30.02 de la convention collective.

[130]  L’employeur a aussi souligné que, dans Scanlon, l’arbitre de grief avait rejeté les griefs. Il a insisté sur le fait que cette décision n’appuie pas la position de l’agent négociateur. Au contraire, elle indique seulement que l’employeur doit s’efforcer de répartir équitablement les heures de disponibilité, sans toutefois aborder les facteurs dont il doit tenir compte lorsqu’il déploie cet effort.

[131]  L’employeur a affirmé qu’en l’espèce, M. Ghoshal a refusé la demande du fonctionnaire parce que celui‑ci n’était pas qualifié pour exercer les fonctions de gardien de port. L’employeur a ajouté que, manifestement, la clause 30.02 de la convention collective n’oblige pas l’employeur à désigner une personne non qualifiée pour exercer les fonctions de disponibilité.

[132]  L’employeur a aussi soutenu que sa décision constituait un exercice raisonnable de ses droits de gestion et qu’il doit effectivement s’acquitter de ses responsabilités à cet égard. Comme il est souligné, l’article 6 de la convention collective prévoit expressément ce qui suit : « Sauf dans les limites indiquées, la présente convention ne restreint aucunement l’autorité des personnes chargées d’exercer des fonctions de direction dans la fonction publique ». L’employeur a ajouté que les alinéas 7(1)c) et d) de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F‑11; LGFP) prévoient également ce qui suit :

7 (1) Le Conseil du Trésor peut agir au nom du Conseil privé de la Reine pour le Canada à l’égard des questions suivantes :

[…]

c) la gestion financière, notamment les prévisions budgétaires, les dépenses, les engagements financiers, les comptes, le prix de fourniture de services ou d’usage d’installations, les locations, les permis ou licences, les baux, le produit de la cession de biens, ainsi que les méthodes employées par les ministères pour gérer, inscrire et comptabiliser leurs recettes ou leurs créances;

d) l’examen des plans et programmes des dépenses annuels ou à plus long terme des ministères et la fixation de leur ordre de priorité […]

[133]  Dans le même ordre d’idées, l’employeur a soutenu que l’art. 11.1 de la LGFP énonce les pouvoirs du Conseil du Trésor, notamment, comme il est prévu à l’al. 11.1(1)a), celui de « […] déterminer les effectifs nécessaires à la fonction publique et assurer leur répartition et leur bonne utilisation […] ».

[134]  Ensuite, l’employeur m’a renvoyé à Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2014 CRTFP 18, au paragraphe 48, qui indique ce qui suit : « Dans l’exercice de ces fonctions, notamment la sous-traitance de services, l’employeur peut faire tout ce qui n’est pas expressément ou implicitement interdit par la loi ou la convention collective ». L’employeur a soutenu que la convention collective n’interdit pas à un employeur d’abolir une liste de disponibilité pour épargner de l’argent.

[135]  L’employeur a déclaré qu’à la suite de l’adoption du Plan d’action économique de 2012, dont le gouvernement du Canada s’est servi pour revenir à un budget équilibré, il a conçu un plan visant à réduire considérablement ses dépenses et à générer des épargnes de 61,8 millions de dollars. Le plan d’action relevait de l’autorité du Conseil du Trésor, qui a le mandat de guider la saine gestion des ressources du gouvernement, en mettant l’accent sur les résultats et la rentabilité.

[136]  En conséquence, TC devait abolir la Deuxième liste de disponibilité. M. Yeung a estimé que les épargnes découlant de cette initiative étaient de l’ordre de 30 000 $ par année. L’employeur a insisté sur le fait que ces épargnes étaient nécessaires. Sa décision d’abolir la liste a été prise pour des raisons économiques valides et n’était pas arbitraire ou déraisonnable. Les pressions économiques à l’époque en cause constituaient une nécessité du service valable.

[137]  L’employeur a fait valoir que dans Scanlon, où l’employeur évaluait les économies aux alentours de 7 000 $ par année, l’arbitre de grief a souligné que ce n’était pas à lui d’essayer de deviner quels étaient les détails de la situation budgétaire de l’employeur; son rôle consistait à déterminer si les droits de la direction avaient été exercés raisonnablement. Au paragraphe 50, l’arbitre de grief a conclu que la décision de l’employeur de retirer les employés de la liste de disponibilité avait été prise pour des raisons économiques valides et qu’elle n’était pas arbitraire ou déraisonnable. Il a conclu qu’aux moments pertinents, les pressions économiques constituaient une exigence opérationnelle valable.

[138]  L’employeur a souligné que le résultat est le même dans la présente affaire. Comme dans Scanlon, sa décision de modifier sa pratique, c’est‑à‑dire de ne conserver qu’une seule liste de disponibilité pour épargner de l’argent, a été prise pour des raisons économiques valides et n’était ni arbitraire ni déraisonnable. Les pressions économiques à l’époque en cause constituaient des nécessités du service valables.

[139]  L’employeur a souligné que dans Scanlon, l’arbitre de grief avait déclaré ce qui suit aux paragraphes 48 et 50 :

[48] […] Évidemment, il ne m’appartient pas d’examiner le niveau de service assuré par l’employeur et de décider s’il est adéquat ou non; mon rôle est de décider si la décision de l’employeur de retirer les fonctionnaires du Bureau d’aide des employés en disponibilité était un exercice raisonnable des droits de la direction ou autrement conforme à la convention collective […]

[…]

[50] […] En me basant sur la preuve que j’ai devant moi, je conclus que la décision de l’employeur de retirer les fonctionnaires du Bureau d’aide des employés en disponibilité a été prise pour des raisons économiques valides et qu’elle n’était pas arbitraire ou déraisonnable d’une quelconque autre manière. En outre, si l’on prend en considération la clause 9.03b), il ressort que les pressions économiques aux moments pertinents constituaient une exigence opérationnelle valide. En bref, les fonctionnaires n’ont pas prouvé, en se conformant à la norme à appliquer, que leur retrait du Bureau d’aide des employés en disponibilité était déraisonnable ou reposait sur des raisons opérationnelles illégitimes.

 

[140]  Dans le même ordre d’idées, en l’espèce, l’employeur a fait valoir que sa décision d’abolir la Deuxième liste de disponibilité avait été prise pour des raisons économiques valides, et que la décision de M. Ghoshal de refuser la demande du fonctionnaire d’être ajouté à la Liste de disponibilité des gardiens de port n’a été ni arbitraire ni déraisonnable d’une quelconque autre manière. Le fonctionnaire n’était tout simplement pas qualifié pour inspecter les cargaisons.

[141]  L’employeur a ajouté que le raisonnement suivi par l’arbitre de grief dans Zelisko c. Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration Canada), 2003 CRTFP 67, au paragraphe 160, s’applique en l’espèce. Dans cette affaire, l’employeur avait modifié sa politique en matière de renvoi. Il avait exigé de nouvelles qualifications et décidé que seuls les agents d’exécution procéderaient aux renvois. Les fonctionnaires s’estimant lésés n’ont plus été admissibles aux fonctions de renvoi lorsque la modification de la politique a pris effet, et ils ont présenté un grief. L’arbitre de grief a conclu que les modifications que l’employeur avait apportées à ses procédures, qui précisaient les fonctions distinctes de différents employés, n’excédaient pas les droits de l’employeur. Je souligne que cette décision était fondée sur l’interprétation de la clause 28.05a) de la convention collective du groupe Services des programmes et de l’administration, qui obligeait l’employeur à s’efforcer raisonnablement de répartir de manière équitable les heures supplémentaires entre les employés qualifiés disponibles.

[142]  L’employeur a ajouté que l’art. 7 de la LRTSPF prévoit expressément ce qui suit :

7 La présente loi n’a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l’autorité du Conseil du Trésor ou d’un organisme distinct quant à l’organisation de tout secteur de l’administration publique fédérale à l’égard duquel il représente Sa Majesté du chef du Canada à titre d’employeur, à l’attribution des fonctions aux postes et aux personnes employées dans un tel secteur et à la classification de ces postes et personnes.

 

[143]  L’employeur a aussi ajouté que l’art. 6 de la LRTSPF prévoit ce qui suit : « La présente loi n’a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l’autorité du Conseil du Trésor conféré par l’alinéa 7(1)b) de la Loi sur la gestion des finances publiques ».

[144]  De plus, l’employeur a souligné qu’en tant que fonctionnaires, les inspecteurs de la sécurité maritime sont exemptés de toute responsabilité légale en cas d’incident. Cependant, l’art. 268.1 de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada prévoit que l’État n’est pas dégagé de la responsabilité civile — délictuelle ou extracontractuelle — qu’il serait autrement tenu d’assumer. Dans les circonstances, il ne peut pas laisser un employé non autorisé inspecter des navires de charge.

[145]  L’employeur m’a aussi renvoyé aux décisions suivantes, qui traitent du mode d’évaluation de l’équitabilité : Procureur général du Canada c. Bucholtz, 2011 CF 1259, au paragraphe 52, et Barbour c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), 2018 CRTESPF 80, aux paragraphes 120, 123 et 127.

[146]  Essentiellement, l’employeur a fait valoir que dans Bucholtz, la Cour fédérale a défini le cadre à respecter lorsqu’une disposition telle que la clause 28.03 de la convention collective est en litige. Cette clause traite de la répartition équitable des heures supplémentaires entre les employés. L’employeur a fait valoir que selon le deuxième critère défini par la Cour fédérale, le fonctionnaire devait présenter des éléments de preuve des heures qui lui avaient été allouées et qui avaient été allouées à des employés dont la situation était comparable au cours de la même période. Il s’agit de comparer les heures allouées à tous, afin d’évaluer l’équitabilité au cours d’une période raisonnable. Une fois la comparaison établie entre les heures allouées au fonctionnaire et celles allouées aux autres employés, l’arbitre de grief doit déterminer si des facteurs quelconques permettent d’expliquer l’écart entre leurs heures, par exemple, les heures de disponibilité ou les congés différents.

[147]  L’employeur a fait valoir que, comme dans Barbour, le fonctionnaire n’a présenté aucune preuve relativement au nombre d’heures de disponibilité qui avaient été allouées aux autres employés. Par conséquent, comme dans Barbour, je devrais rejeter son grief sur ce fondement.

[148]  Par ailleurs, l’employeur a ajouté que la clause 30.02 ne lui impose aucun délai pour tenter de répartir équitablement les heures de disponibilité. Dans les circonstances, il respecte l’objet de la clause si sa décision n’est ni arbitraire, ni discriminatoire, ni de mauvaise foi. Dans ce cas, il a affirmé qu’il avait été en mesure d’offrir une formation au fonctionnaire à partir de décembre 2012. Il a ajouté qu’il est important de se rappeler du contexte de l’époque et des restrictions budgétaires, ainsi que de la SMPMD à laquelle on avait procédé pour doter le poste que M. Yeung a obtenu. Néanmoins, le fonctionnaire a reçu une formation dès décembre 2012 et a été inscrit sur la liste de disponibilité en avril 2013.

[149]  L’employeur a aussi fait valoir qu’il incombait au fonctionnaire d’établir l’existence de motifs lui donnant droit à une rémunération de disponibilité, conformément aux dispositions de la convention collective, selon la prépondérance des probabilités. Voir Gasbarro, au paragraphe 97.

[150]  L’employeur s’est opposé à l’argument de l’agent négociateur selon lequel l’employeur établir le caractère raisonnable de sa décision. Il m’a renvoyé au paragraphe 49 de Scanlon, qui indique ce qui suit :

[49] Une dernière question est que les fonctionnaires et l’agent négociateur ont critiqué de façon constante le processus utilisé par l’employeur pour en arriver à sa décision de rayer les fonctionnaires de la liste du Bureau d’aide. Ils s’appuient sur une décision antérieure dans laquelle on a rendu, dans des circonstances similaires, que l’employeur « doit expliquer et démontrer qu’il agit de manière raisonnable et non arbitraire » (Cardinal et Leclerc c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2001 CRTFP 133, au paragr. 43). Outre cette affirmation, je n’ai connaissance d’aucune exigence juridique selon laquelle un employeur doit non seulement agir raisonnablement mais également fournir une explication et « prouver » aux employés qu’il a agi de manière raisonnable. En fin d’analyse, du point de vue juridique, l’employeur est tenu de prouver le caractère raisonnable de sa décision à un arbitre de grief et non pas aux employés au lieu de travail. La communication d’une explication aux employés à propos des raisons d’un changement peut être importante pour le moral sur les lieux de travail, mais ce n’est pas une question à soumettre à la Commission.

[Je mets en évidence]

 

[151]  L’employeur a fait valoir que, en l’espèce, il n’y avait qu’un seul fardeau de la preuve, c’est-à-dire que le fonctionnaire doit démontrer qu’il y a eu violation de la convention collective. Pour sa part, l’employeur a le pouvoir discrétionnaire de présenter une explication. À titre d’exemple, dans McCallum c. Agence du revenu du Canada, 2011 CRTFP 73, l’arbitre de grief a confirmé ce qui suit, au paragraphe 157 :

[157] La fonctionnaire a soulevé un certain nombre de problèmes qui, collectivement, révèlent le caractère inéquitable de la répartition des heures supplémentaires. Je remarque que, dans le présent cas, la charge de la preuve n’incombe pas à l’employeur, contrairement à la situation dans Cardinal et Leclerc. Toutefois, le témoignage de la fonctionnaire suffit pour exiger de l’employeur qu’il fournisse une réponse ou une explication raisonnable, car elle a rendu un témoignage clair et solide sur les points suivants :

[…] 

En l’absence d’une explication raisonnable et crédible de l’employeur, le témoignage de la fonctionnaire était suffisant pour prouver que cette dernière avait obtenu un nombre moins élevé de fonctions de disponibilité que les autres membres de l’équipe et que, selon la prépondérance des probabilités, les semaines de disponibilité avaient été réparties de manière inéquitable. Plus particulièrement, l’attribution inexpliquée de la semaine de disponibilité de Noël 2006 comptant deux jours fériés à l’autre membre principal de l’équipe paraît inéquitable à sa face même, puisque la même année, il avait déjà obtenu la semaine de Pâques, qui compte deux jours fériés.

 

[152]  L’employeur a souligné que, selon l’agent négociateur,  M. Ghoshal n’avait fourni aucun motif exprès à l’appui de sa décision de refuser d’inscrire le fonctionnaire sur la Liste de disponibilité des gardiens de port. L’employeur a ajouté que l’audience était une audience de novo (ce qui veut dire que la Commission recommence tout), et que, par conséquent, la Commission doit interpréter les dispositions applicables de la convention collective en se fondant sur les éléments de preuve qu’elle a reçus. Cependant, l’employeur a souligné que l’agent négociateur n’avait pas cité M. Ghoshal à comparaître, même si le fardeau de la preuve lui incombait. L’employeur a insisté sur le fait qu’il n’était pas tenu de citer M. Ghoshal à témoigner, puisqu’il n’avait pas à s’acquitter du fardeau de la preuve. Ainsi, il a soutenu que je devrais conclure que l’absence de preuve à l’appui de la décision de M. Ghoshal est préjudiciable aux prétentions de l’agent négociateur, et que, par conséquent, il ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait.

[153]  En outre, l’employeur a fait valoir qu’il n’avait pas enfreint la convention collective, mais que même s’il l’avait fait, il n’existe aucun motif d’accorder un redressement au fonctionnaire pour les heures de disponibilité perdues, puisqu’il n’était pas qualifié, qu’il ne pouvait pas être inscrit sur la liste de disponibilité et qu’il ne l’était pas dans les faits. Par conséquent, il n’y a eu aucune interruption au cours de la période du 10 juillet 2012 au 12 juin 2013, date à laquelle il a obtenu son premier quart de disponibilité. L’employeur m’a rappelé que conformément à ce qui est mentionné dans Gasbarro, au paragraphe 93 : « [l]a rémunération de disponibilité compense l’employé pour le fait qu’il modifie son comportement pendant qu’il n’est pas au travail […] et pour les inconvénients et interruptions que cela [le retour au travail] risque de causer ».

[154]  En outre, l’employeur a ajouté qu’il n’est pas possible d’indemniser des heures supplémentaires au fonctionnaire pour les tâches de gardien de port, puisqu’il n’était pas qualifié pour effectuer le travail d’inspection des cargaisons. De plus, il a souligné que lorsqu’un gardien de port recevait un appel durant ses heures de disponibilité parce qu’une inspection relevant du mandat des inspecteurs de la sécurité maritime de l’unité Conformité et Application de la loi devait être effectuée, le gardien de port en informait le gestionnaire de l’unité, qui communiquait avec un inspecteur de l’équipe afin qu’il procède à l’inspection. Par conséquent, le fonctionnaire n’a pas perdu d’heures supplémentaires; il n’a tout simplement pas reçu d’appels de disponibilité.

[155]  L’employeur a aussi ajouté que je ne dois pas oublier que l’article 34 de la convention collective régit le temps de déplacement, qui, a‑t‑il ajouté, est indemnisé uniquement dans les circonstances et dans la mesure prévues à cet article. Il a soutenu que, en l’espèce, le fonctionnaire n’avait pas allégué que l’employeur avait enfreint cet article.

[156]  En outre, l’employeur a fait valoir qu’il n’avait pas enfreint la clause 30.02 de la convention collective, mais que si je devais en arriver à une conclusion différente, je devrais prendre en considération que, de toute façon, le fonctionnaire n’aurait pas pu être ajouté à la Liste de disponibilité des gardiens de port avant d’avoir achevé sa formation. La preuve a également démontré que la formation n’était possible que dans la mesure et au rythme où les navires arrivaient au port afin d’être soumis à une inspection. Encore une fois, cette formation est obligatoire sous le régime de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada.

[157]  Pour tous ces motifs, selon l’employeur, le fonctionnaire n’a pas démontré que, conformément à la norme applicable, la décision de ne pas l’inscrire sur la Liste de disponibilité des gardiens de port était déraisonnable ou fondée sur des motifs opérationnels illégitimes.

3.  La réfutation de l’agent négociateur

[158]  L’agent négociateur a soutenu que la répartition des heures supplémentaires dont il est question dans Barbour n’est pas en litige dans la présente affaire. Il n’a pas prétendu que cette répartition était inéquitable. La clause 28.02 et le système sous‑jacent à la répartition des heures supplémentaires ne sont pas en litige. Le litige porte sur la clause 30.02, notamment sa dernière phrase, qui indique que la désignation des employés inscrits sur la liste de disponibilité doit être équitable.

4.  Conclusion

[159]  Tout d’abord, je rappellerai que la clause 30.02 est ainsi libellée :

30.02 L’employé-e désigné par une lettre ou un tableau pour remplir des fonctions de disponibilité, doit pouvoir être atteint au cours de cette période à un numéro de téléphone connu et pouvoir rentrer au travail aussi rapidement que possible s’il ou elle est appelé à le faire. Lorsqu’il désigne des employé-e-s pour des périodes de disponibilité, l’Employeur s’efforce de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité.  

 

[160]  Ainsi, la dernière phrase de la clause indique que lorsqu’il désigne des employés pour des périodes de disponibilité, l’employeur s’efforce de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité. Il s’agit de la question en litige en l’espèce.

[161]  Selon l’interprétation qui en est faite, la phrase a pour but, bien entendu, de répartir l’avantage découlant des heures de disponibilité accumulées de façon équitable entre les employés. M. Yeung a expliqué que pour chaque période de huit heures de disponibilité, un employé est rémunéré pour une heure. Par conséquent, une personne en disponibilité entre 16 h et 8 h est rémunérée pour deux heures, même si elle ne se présente pas au travail. Si elle se présente au travail, elle est rémunérée à tarif et demi pour le travail effectué en heures supplémentaires. Les heures de disponibilité sont également payées en fin de semaine.

[162]  Dans Scanlon, l’arbitre de grief a mis l’accent sur le mot « s’efforcer » à la clause en litige. Il a souligné qu’au paragraphe 31, ce mot est ainsi défini :

[31] […] Le mot anglais endeavour (« s’efforcer ») est défini comme suit dans le Black’s Law Dictionary, cinquième édition (1979), à la page 473 : [traduction] « L’exercice d’une force physique et intellectuelle pour atteindre un objectif. Un effort systématique ou continu ». Un sens similaire est [traduction] « une entreprise ou un effort visant à réaliser un objectif » ou « une tentative sérieuse ou vigoureuse » (The Canadian Oxford Dictionary, Oxford University Press (1998), à la page 460).

 

[163]  L’arbitre de grief a aussi souligné au paragraphe 32 qu’un important élément dans ces définitions est l’idée d’une « tentative » ou que l’on « tend vers quelque chose ». Il a ajouté que la clause 11.02 de la convention collective en litige dans cette affaire, qui était identique à la clause 30.02 en l’espèce, n’obligeait pas l’employeur à prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité. Cependant, l’employeur devait faire un effort considérable pour atteindre cet objectif qu’est la répartition équitable des fonctions de disponibilité.

[164]  Selon Scanlon, certaines raisons peuvent empêcher l’employeur de réaliser cet objectif. Cependant, ces raisons ne peuvent pas être arbitraires (c.‑à‑d. non reliées, de façon rationnelle, à un objectif opérationnel légitime), discriminatoires ou de mauvaise foi. Mais l’arbitre de grief a ajouté que si un effort significatif est déployé pour surmonter les obstacles qui empêchent une répartition équitable des fonctions de disponibilité, la clause 11.02 de la convention collective en litige dans cette affaire (identique à la clause 30.02 en l’espèce) pouvait tout de même être respectée.

[165]  Selon le raisonnement adopté dans Scanlon, auquel je souscris, il convient de se poser les questions suivantes : Un effort significatif a‑t‑il été déployé pour assurer la répartition équitable des fonctions de disponibilité? Dans le même ordre d’idées, un effort significatif a‑t‑il été déployé pour surmonter les obstacles relatifs à la répartition équitable des fonctions de disponibilité?

[166]  Au vu des faits, les fonctions de disponibilité ont toujours été réparties équitablement entre les gardiens de port des Services de fret inscrits sur la Liste de disponibilité des gardiens de port. Le constat était le même dans le cas des inspecteurs de la sécurité maritime de l’unité Conformité et Application de la loi jusqu’au 10 juillet 2012, date de l’abolition de la Deuxième liste de disponibilité. Avant cette date, l’avantage découlant de la rémunération des heures de disponibilité était offert aux deux groupes d’employés inscrits sur les listes. Chaque employé de chacune des listes était rémunéré pour avoir été en disponibilité.

[167]  Cependant, en 2012, le budget de l’employeur faisait l’objet d’importantes pressions. Cette situation a entraîné la prise de différentes décisions qui avaient pour but d’épargner de l’argent. La direction a décidé de supprimer la Deuxième liste de disponibilité. Il n’est pas contesté qu’un enjeu économique valide a motivé cette décision. Les contraintes budgétaires de 2012 étaient bien réelles.

[168]  Une fois la Deuxième liste de disponibilité abolie, seuls les gardiens de port inscrits sur la Liste de disponibilité des gardiens de port ont reçu une part des périodes de disponibilité. Durant leurs périodes de disponibilité, ils procédaient aux inspections exigées qui relevaient de leur compétence. En conséquence, ils étaient rémunérés pour les fonctions de disponibilité, ainsi que pour les heures supplémentaires liées aux tâches qu’ils effectuaient. Ils étaient responsables notamment de l’ensemble des inspections des cargaisons. Lorsque les inspections ne relevaient pas de leur compétence, par exemple si deux navires entraient en collision, le gardien de port en disponibilité qui recevait l’appel devait communiquer avec le gestionnaire de programme compétent pour faire face à la situation, lequel, à son tour, appelait un inspecteur qualifié afin qu’il procède à l’inspection requise. L’inspecteur était rémunéré pour les heures supplémentaires liées à ces tâches.

[169]  Après l’abolition de la Deuxième liste de disponibilité, le fonctionnaire a demandé à M. Ghoshal d’être ajouté à la Liste de disponibilité des gardiens de port. Dans sa demande, le fonctionnaire déclarait ce qui suit :

 [Traduction]

Il est clairement entendu que la décision provisoire qui a été prise hier avait pour but d’annoncer qu’il n’y aurait qu’un seul système de disponibilité, et non d’empêcher un ISM [inspecteur de la sécurité maritime] de se joindre à cet unique système de disponibilité. En ce qui concerne la formation, je peux fournir la preuve des deux années d’expérience que j’ai acquises à titre d’estimateur de cargaison avant de me joindre à TC, ainsi que de mes 11, 5 années d’expérience professionnelle comme « agent de santé et sécurité » accrédité en Ontario, alors que j’ai traité des questions de sécurité relevant à la fois de la Loi sur la SST et de la partie II du Code canadien du travail. Historiquement, la formation des nouveaux ISM aux fonctions liées aux services de fret à l’échelle du ministère (sauf au bureau de Vancouver), ne demande pas plus de 2,3 mois, après quoi, les nouveaux inspecteurs exercent des fonctions liées aux services de fret selon les besoins.

 

[170]  Cependant, M. Ghoshal a refusé la demande, pour le motif suivant :

[Traduction]

[…]

[…] Pour faire suite à notre conversation sur ce sujet, veuillez noter qu’au vu des nécessités du service de l’unité, nous avons un nombre suffisant d’employés sur la liste de disponibilité. À l’heure actuelle, comme je n’ai pas besoin d’ajouter d’autres personnes sur la liste, je dois refuser la demande. N’hésitez pas à communiquer avec moi en tout temps si vous avez besoin d’obtenir de plus amples renseignements ou si vous avez des questions.

[Je mets en évidence]

 

[171]  M. Ghoshal n’a pas répondu qu’il avait refusé la demande du fonctionnaire pour des motifs économiques. Il n’a pas non plus signalé qu’il avait écarté la possibilité d’ajouter le fonctionnaire à la Liste de disponibilité des gardiens de port au motif qu’il ne faisait pas partie de l’équipe des gardiens de port. Il a refusé la demande du fonctionnaire parce qu’au vu des nécessités du service de l’unité, il avait suffisamment d’employés en disponibilité. Par conséquent, il a écrit qu’il n’avait pas besoin d’ajouter de nouvelles personnes à la liste.

[172]  L’employeur a fait valoir qu’il avait exercé correctement ses droits de gestion et qu’il avait le pouvoir discrétionnaire de décider si une liste de disponibilité devait être abolie. De plus, il était d’avis que le choix des employés à inscrire sur sa liste de disponibilité était discrétionnaire.

[173]  Comme il est mentionné dans Scanlon, qui renvoie à Brown et Beatty, au paragraphe 4:2300, la jurisprudence en matière d’arbitrage exige que ce pouvoir discrétionnaire soit exercé raisonnablement et dans un but opérationnel. L’arbitre de grief a fait remarquer ce qui suit au paragraphe 36 :

[36] […] Un aspect implicite de cette norme relative au caractère raisonnable de la décision est que mon examen, que je mène en ma qualité d’arbitre saisi des griefs devant moi, ne porte pas sur le bien-fondé de la décision de l’employeur. Il peut y avoir plus d’un résultat découlant de l’exercice raisonnable des droits de la direction et le fait que j’aurais pu en arriver à une décision différente ne constitue pas le critère à appliquer dans ce cas-ci.

 

[174]  Comme il est souligné dans Scanlon, un aspect implicite de la norme de la décision raisonnable est que l’examen, que je mène en ma qualité d’arbitre saisi des griefs devant moi, ne porte pas sur le bien-fondé de la décision de l’employeur. Il peut y avoir plus d’un résultat découlant de l’exercice raisonnable des droits de la direction, et le fait que je puisse en arriver à une décision différente ne constitue pas le critère à appliquer en l’espèce.

[175]  En l’espèce, je conviens avec l’employeur qu’il n’était pas obligé d’agréer la demande du fonctionnaire d’être ajouté à la Liste de disponibilité des gardiens de port. Cependant, la question est celle de savoir si l’employeur pouvait refuser la demande dans les circonstances en l’espèce et au motif invoqué par M. Ghoshal. Par conséquent, aux fins de l’analyse, la question consiste à déterminer si la décision de M. Ghoshal de refuser la demande du fonctionnaire était raisonnable, parce qu’elle avait été prise dans un objectif opérationnel légitime, ou déraisonnable parce qu’elle avait été prise en l’absence d’un tel objectif.

[176]  Je n’ignore pas que la disposition contractuelle se limite à préciser comment les employés sont désignés aux fins des fonctions de disponibilité ou ajoutés à la liste de disponibilité. La clause comprend notamment la phrase suivante : « Lorsqu’il désigne des employé-e-s pour des périodes de disponibilité […] ».

[177]  Il est effectivement indéniable qu’au moment de sa demande, le fonctionnaire n’était pas encore autorisé à effectuer des inspections de cargaisons. Par conséquent, il n’aurait pas pu être ajouté systématiquement à la Liste de disponibilité des gardiens de port, même si M. Ghoshal avait souhaité y ajouter de nouvelles personnes. Il est vrai que les employés doivent posséder les qualifications nécessaires pour être inscrits sur la liste.

[178]  Néanmoins, j’estime que M. Ghoshal était obligé de s’efforcer d’assurer une répartition équitable des fonctions de disponibilité, conformément à la clause 30.02, ce qu’il n’a pas fait. Il ne s’est pas efforcé de faire face à la situation et d’y remédier éventuellement, ce qui a restreint la répartition équitable des fonctions de disponibilité. Le fonctionnaire n’a pas été ajouté au groupe qui recevait des affectations de disponibilité parce qu’une liste existait déjà.

[179]  Je souligne que le fonctionnaire n’était pas autorisé à inspecter des cargaisons. Cependant, la preuve a établi que seuls quelques mois de formation ou d’encadrement et la reconnaissance de sa compétence lui manquaient pour être autorisé à inspecter des cargaisons. J’aimerais ajouter qu’il possède un grand nombre d’années d’expérience dans le domaine des inspections, et qu’il fait passer des examens se rattachant à la délivrance et au renouvellement de certains certificats de compétence et brevets, en vertu du Règlement sur le personnel maritime (DORS/2007-115). Aucune preuve n’a démontré que la formation supplémentaire nécessaire pour être pleinement qualifié n’aurait pas pu lui être offerte.

[180]  Je souligne aussi que conformément à la preuve au dossier, la décision de M. Ghoshal de refuser la demande du fonctionnaire d’être ajouté à la liste de disponibilité n’était pas fondée sur les pressions économiques de l’époque, quoiqu’elles aient été bien réelles en 2012. De plus, conformément à cette preuve, sa décision n’était pas fondée sur le motif selon lequel le fonctionnaire n’était pas autorisé à inspecter des cargaisons à l’époque. Comme il l’a écrit au fonctionnaire, sa décision a été prise au motif que, compte tenu des nécessités du service de l’unité, il avait suffisamment d’employés en disponibilité et n’avait pas besoin d’ajouter qui que ce soit d’autre à la liste pertinente. Par conséquent, dans les faits, M. Ghoshal a répondu par la négative à la demande du fonctionnaire afin de pouvoir continuer à étaler l’avantage que représentaient les heures de disponibilité accumulées uniquement entre les employés figurant déjà sur la liste. M. Ghoshal n’a pas expliqué pourquoi il n’était pas possible d’ajouter une personne à la liste après que celle-ci ait achevé la formation appropriée. Manifestement, sa réponse a été du style, « Non, merci. J’ai déjà formé un groupe. La répartition des fonctions est réservée uniquement aux membres de ce groupe ».

[181]  Je ne peux pas qualifier cette décision de raisonnable ni affirmer qu’elle satisfait à un objectif opérationnel légitime, compte tenu de l’existence d’une clause contractuelle stipulant que l’employeur doit s’efforcer de prévoir la répartition équitable des fonctions de disponibilité.

[182]  Je tiens à préciser que la décision de l’employeur de refuser d’ajouter une personne à la liste, le fonctionnaire dans ce cas‑ci, ne permettait pas d’épargner de l’argent. Les fonctions de disponibilité devaient être réparties et le nombre de fonctions à répartir demeurait le même, que ce soit partagé entre huit ou neuf personnes. La seule différence entre une liste de huit personnes et une autre de neuf, c’est que chaque personne figurant sur la liste reçoit une plus grande part des fonctions lorsqu’il y a un moins grand nombre de personnes inscrites.

[183]  Je reconnais que le fonctionnaire était disponible, mais pas encore qualifié pour inspecter des cargaisons à l’époque où il a présenté sa demande. Son certificat n’indiquait pas encore qu’il avait le mandat d’inspecter des navires de charge. Mais ce fait ne suffit pas pour trancher la question. L’exigence est que l’employeur « doit s’efforcer » de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité.

[184]  Je reconnais qu’à la suite de la fusion en décembre 2012, et de la nomination de M. Yeung, ce dernier a immédiatement invité les employés qui souhaitaient être désignés pour exercer des fonctions de disponibilité à lui donner leur nom.

[185]  Comme l’agent négociateur l’a souligné, le changement de gestionnaire a été le seul changement entre juillet et décembre 2012. Le nouveau gestionnaire a décidé d’élargir la liste de disponibilité. Les deux gestionnaires n’avaient pas la même interprétation de la clause 30.02.

[186]  L’employeur a présenté l’arrêt Bucholtz de la Cour fédérale, qui définit le cadre à respecter lorsqu’une disposition telle que la clause 28.03 de la convention collective est en litige. L’employeur a ensuite fait valoir que, tout comme dans Barbour, qui applique ce cadre, le fonctionnaire n’a présenté aucune preuve du nombre d’heures de disponibilité allouées aux autres employés. Par conséquent, comme dans Barbour, je devrais rejeter son grief sur ce fondement. Je ne suis pas d’accord. La clause 28.03 traite des heures supplémentaires. La clause 30.02 traite des fonctions de disponibilité. Le fonctionnaire n’était pas tenu de fournir la preuve du nombre d’heures de disponibilité allouées aux autres employés pour démontrer que la clause 30.02 n’a pas été respectée. Il devait établir que la décision de ne pas l’ajouter à la Liste de disponibilité des gardiens de port était déraisonnable ou fondée sur des motifs opérationnels illégitimes.

[187]  De plus, même s’il est vrai que la clause 30.02 n’impose aucun délai à l’employeur dans ses efforts de répartition équitable des heures de disponibilité, je souligne que dans la présente affaire, M. Ghoshal a catégoriquement et définitivement refusé la demande du fonctionnaire le 3 août 2012, et qu’il n’a pas précisé les motifs qui l’empêchaient d’atteindre le but consistant à essayer de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité. N’eût été la nomination de M. Yeung au poste de gestionnaire, rien ne permet de croire que la demande du fonctionnaire aurait été réexaminée ultérieurement.

[188]  Il est vrai que, selon le quatrième critère énoncé dans le manuel, le gestionnaire a le pouvoir discrétionnaire de décider si un inspecteur de la sécurité maritime a compétence pour inspecter des cargaisons, ce qui est un critère valide compte tenu des risques associés aux incidents en mer. Cependant, je conviens avec l’agent négociateur que cela ne donne pas carte blanche au gestionnaire pour faire fi de la convention collective et décider qui ajouter ou exclure de la liste. Le gestionnaire a l’obligation de s’efforcer de prévoir la répartition équitable des fonctions de disponibilité.

[189]  Je conviens qu’il n’y a qu’un seul fardeau de la preuve en l’espèce, qui incombe au fonctionnaire et qui consiste à démontrer qu’il y a eu violation de la convention collective. Mais je souligne aussi que, comme dans McCallum, si un fonctionnaire s’estimant lésé peut établir qu’une décision a été inéquitable, l’employeur doit alors fournir une explication raisonnable et crédible à ce sujet.

[190]  Plus précisément, dans McCallum, la fonctionnaire était membre de l’équipe de soutien des technologies de l’information après les heures normales de travail. Les membres de cette équipe recevaient des affectations de disponibilité et avaient droit à une indemnité de disponibilité, en plus de la rémunération des heures supplémentaires lorsqu’ils répondaient à des appels de service. Dans cette affaire, la fonctionnaire a contesté la répartition des heures supplémentaires auprès de l’employeur. La clause en litige prévoyait ce qui suit : « […] l’Employeur s’efforce autant que possible […] d’offrir le travail supplémentaire de façon équitable entre les employés qualifiés qui sont facilement disponibles ». L’arbitre de grief a conclu, étant donné que la fonctionnaire avait prouvé que la répartition des heures supplémentaires était inéquitable, qu’il incombait à l’employeur de fournir une explication raisonnable et crédible concernant sa décision. L’arbitre de grief a conclu que la preuve présentée par l’employeur n’était pas crédible et que des possibilités d’effectuer des heures supplémentaires qui étaient offertes à un autre employé auraient dû être offertes à la fonctionnaire. L’arbitre de grief a accueilli le grief et a ordonné à l’employeur de payer à la fonctionnaire les heures de disponibilité et les heures supplémentaires qui avaient été payées à cet autre employé.

[191]  De plus, je ne souscris pas à l’argument de l’employeur selon lequel l’absence de preuve à l’appui de la décision de M. Ghoshal est préjudiciable aux prétentions de l’agent négociateur et, par conséquent, que ce dernier ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait. Des éléments de preuve indiquent les raisons pour lesquelles M. Ghoshal a refusé la demande du fonctionnaire. Il l’a fait, selon ce qu’il a écrit, « […] au vu des nécessités du service de l’unité […] ». Il a écrit plus particulièrement ceci : « […] nous avons un nombre suffisant d’employés sur la liste de disponibilité. À l’heure actuelle […] je n’ai pas besoin d’ajouter d’autres personnes sur la liste […] ».  

[192]  En conséquence, il faut décider si l’employeur a donné une explication raisonnable et crédible de son refus d’ajouter le fonctionnaire à la Liste de disponibilité des gardiens de port. Quelles étaient précisément les nécessités du service de l’unité? Elles ne sont pas connues. M. Ghoshal ne les a pas précisées par écrit. Il reste à décider si l’employeur a donné une explication raisonnable et crédible de sa décision.

[193]  À mon avis, ce n’est pas le cas. Pour résumer, en refusant la demande du fonctionnaire d’être désigné aux fins des périodes de disponibilité pour les motifs qu’il a indiqués, M. Ghoshal ne s’est pas efforcé de prévoir la répartition équitable des fonctions de disponibilité, comme il en avait l’obligation conformément à la clause 30.02. Par conséquent, j’estime, conformément à la norme applicable, que le fonctionnaire a démontré que la décision de l’employeur ne constituait pas un exercice raisonnable des droits de la direction et n’était pas conforme à la convention collective.

[194]  Les parties ont demandé que, dans le cas où j’accueillerais le grief, je leur laisse la possibilité de s’entendre sur le montant du salaire perdu. Je reconnais que l’employeur n’aurait pas pu ajouter le nom du fonctionnaire à la liste au cours de la période où il n’était pas autorisé à inspecter des navires de charge. Dans les circonstances, j’estime que le fonctionnaire aurait dû être indemnisé pour la période durant laquelle il n’avait pas eu la possibilité d’être en disponibilité, compte tenu du fait qu’une période d’environ quatre mois aurait été nécessaire aux fins de sa formation et de la reconnaissance de sa compétence par le gestionnaire de l’unité.

[195]  Je souligne que la preuve a établi qu’une fois qu’un inspecteur est reconnu comme étant compétent et que le formulaire approprié est envoyé à l’administration centrale, l’inspecteur est autorisé à entreprendre des inspections. Je souligne aussi que l’indemnisation ne comprend ni le temps de déplacement ni les heures supplémentaires.

[196]  Pour tous les motifs énoncés ci‑dessus, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance figure à la page suivante.)


VI.  Ordonnance

[197]  Le grief est accueilli.

[198]  Je déclare que l’employeur a enfreint la clause 30.02 de la convention collective.

[199]  Le fonctionnaire doit être indemnisé pour la période durant laquelle il n’a pas eu la possibilité d’être en disponibilité, tout en tenant compte du fait qu’une période d’environ quatre mois aurait été nécessaire à sa formation et à la reconnaissance de sa compétence par le gestionnaire de l’unité.

[200]  Les parties sont invitées à entamer des discussions afin de s’entendre sur l’indemnisation appropriée.

[201]  Habituellement, j’accorderais 90 jours aux parties pour tenter de déterminer l’indemnisation appropriée. Étant donné que les conditions de travail normales sont sérieusement compromises par la pandémie actuelle, une période de 90 jours n’est pas réaliste. Je demeurerai saisie de la présente affaire pendant 180 jours à compter de la date de la présente décision pour toute question liée au redressement.

Le 11 juin 2020.

Traduction de la CRTESPF

Nathalie Daigle,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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