Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée s’est inscrite à un cours de français hebdomadaire de soir – elle a demandé un congé d’études non payé en vertu de la disposition applicable de la convention collective – initialement, sa demande a été rejetée, principalement parce que l’employeur estimait que ce congé était destiné à des programmes d’études continues à temps plein – cependant, dans le cadre de la procédure de règlement des griefs, l’employeur a ajouté à sa justification en tenant pleinement compte des critères énoncés dans la clause de congé d’études et en les appliquant – la formation de la Commission a conclu que cette clause n’excluait pas les congés d’étude non payés pour des études non continues et cet aspect du grief a été maintenu – toutefois, la formation a en outre déterminé que rien n’interdit à l’employeur de tenir compte de la nature non continue d’un programme d’études lorsqu’il exerce son pouvoir discrétionnaire d’examiner une demande de congé d’études – la formation a conclu que, par conséquent, l’employeur avait exercé son pouvoir discrétionnaire correctement dans cette affaire – enfin, la formation de la Commission a déterminé que le grief n’avait pas un caractère théorique simplement parce que la fonctionnaire s’estimant lésée avait terminé ses études et n’était plus à l’emploi de l’employeur.

Grief accueilli en partie.

Contenu de la décision


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1]  Le présent grief porte sur le refus d’un congé d’études non payé par les Opérations des enquêtes statistiques (l’« employeur »). Janice Sawka, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire ») était une intervieweuse téléphonique à temps partiel employée à un centre d’appels situé à Winnipeg, au Manitoba, où elle menait des entrevues avec les membres du public portant sur les questions d’intérêt de l’employeur. Les exigences linguistiques de son poste étaient « anglais essentiel »; elle n’était pas tenue d’exercer ses fonctions en français.

[2]  Toutefois, en raison de son souhait d’améliorer ses capacités en français, la fonctionnaire s’est inscrite à un cours de français du soir hebdomadaire et a demandé un congé d’études non payé en vertu de la clause 45.01 de la convention collective conclue entre l’employeur et l’Alliance de la fonction publique du Canada (l’« agent négociateur »).

[3]  Sa demande a d’abord été rejetée, principalement parce que l’employeur estimait que le congé d’études non payé était destiné aux programmes d’études continues à temps plein. Cependant, pendant la procédure de règlement des griefs, l’employeur a ajouté à sa justification et a exercé correctement son pouvoir discrétionnaire en examinant et en appliquant pleinement les critères énoncés à la clause 45.01.

[4]  Je conclus que la clause 45.01 n’exclut pas la possibilité d’accorder un congé d’études pour des études non continues et que je maintiens cet aspect du grief. Toutefois, l’employeur n’est pas empêché de tenir compte de la nature non continue d’un programme d’études lorsqu’il exerce son pouvoir discrétionnaire pour examiner une demande de congé d’études.

[5]  Je conclus également que la question n’est pas théorique, comme l’a allégué l’employeur, simplement parce que la fonctionnaire avait terminé ses études et quitté l’emploi de l’employeur.

[6]  En l’absence d’élément de surprise, de préjudice à l’agent négociateur ou de toute question d’équité procédurale, je conclus également que l’employeur ne peut pas être tenu de respecter sa raison initiale de refuser le congé. Il a le droit d’invoquer les raisons exprimées pendant la procédure de règlement des griefs et décrites dans les réponses au grief. Par conséquent, je conclus qu’il a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable et conformément aux critères énoncés dans la clause 45.01.

II.   Contexte

[7]  La fonctionnaire travaillait à Opérations des enquêtes statistiques à titre d’intervieweuse téléphonique assistée par ordinateur à temps partiel pendant une période indéterminée. Elle était visée par la convention collective des Opérations des enquêtes statistiques – bureaux qui est venue à échéance le 30 novembre 2011. Sa semaine désignée de travail (SDT) comptait 27 heures. Toutefois, sa lettre d’offre indiquait clairement qu’il ne s’agissait pas d’un nombre d’heures minimal garanti, comme suit :

[Traduction]

[…] Vos heures de travail seront, en moyenne, environ 27 heures par semaine pendant les trois premiers mois. Par la suite, vos heures de travail vous seront attribuées par votre superviseur et revues périodiquement. Aucune disposition de la présente offre d’emploi ne doit être interprétée comme garantissant des heures de travail minimales ou maximales.

 

[8]  La disponibilité de la fonctionnaire, telle qu’elle l’a indiquée, comprenait les nuits pendant la semaine et les jours ou nuits pendant la fin de semaine. Elle travaillait habituellement 5 quarts de nuit par semaine, pour un total d’environ 26 à 32 heures par semaine.

[9]  La fonctionnaire possédait un peu de connaissances du français, mais elle avait perdu certaines de ses compétences parce qu’elle ne les avait pas utilisées. Elle souhaitait améliorer ses compétences en français au point où elle serait en mesure de mener des entrevues en français afin d’élargir sa carrière auprès de l’employeur. En 2011 et en 2012, elle a demandé une formation linguistique en français dans ses plans d’apprentissage de l’évaluation du rendement annuelle, mais aucune ne lui a été offerte.

[10]  En novembre et décembre 2012, la fonctionnaire avait informé plusieurs superviseurs qu’elle entendait s’inscrire à un cours de français hebdomadaire à compter de janvier 2013. Elle a présenté sa disponibilité sept semaines à l’avance, comme exigé, et a informé l’employeur qu’elle serait disponible pour travailler seulement quatre quarts de nuit par semaine, au lieu de cinq. Elle a exclu les jeudis soir et, par conséquent, l’employeur n’a pas prévu qu’elle travaille ces nuits. Le 7 janvier 2013, elle a commencé un cours hebdomadaire les jeudis soir offert par l’Université de Saint‑Boniface and Alliance Française.

[11]  Par la suite, la fonctionnaire a pris connaissance du congé d’études non payé en vertu de la clause 45.01 de la convention collective. Le 20 janvier 2013, elle a envoyé une lettre à Amanda (Amy) Jackson, une gestionnaire, comme suit :

[Traduction]

Je souhaite demander votre aide concernant une question touchant ma SDT.

Comme vous le savez, j’ai récemment passé à quatre quarts par semaine afin de suivre un perfectionnement linguistique en français. Je l’ai fait après avoir été informée que Statistique Canada ne me donnerait aucun soutien en matière de formation linguistique. Depuis lors, j’ai découvert qu’un tel soutien est à ma disposition en vertu de ma convention collective. Ce soutien est prévu à l’article 45, à la clause 45.01, Congé d’études non payé.

Pour cette raison, je demande votre aide à prendre les dispositions nécessaires afin qu’un jour par semaine soit visé par l’article susmentionné.

Voici ce que j’aimerais :

1. Je demande qu’on m’accorde un quart par semaine en vertu de l’article 45, Congé d’études non payé, afin de protéger ma SDT.

2. Une fois que la demande ci‑dessus aura été accordée, j’annulerai ma demande d’une semaine de quatre quarts, qui a été accordée en décembre 2012. Si j’ai bien compris, cela remettra automatiquement mes quarts à la norme de cinq quarts par semaine.

3. Je voudrais que cet arrangement commence dès que possible.

Je demande votre aide quant à la bonne façon de présenter les documents nécessaires et je vous serais reconnaissante de bien vouloir me rencontrer dès que possible.

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[12]  Le lendemain, la fonctionnaire a rencontré Mme Jackson qui lui a dit qu’elle devra vérifier auprès de ses supérieurs, car personne n’avait jamais demandé ce congé. À la mi‑janvier, la fonctionnaire a discuté avec Bonnie Holte, directrice adjointe, Opérations, Région de l’Ouest et Territoires du Nord‑Ouest. Le 31 janvier 2013, elle a présenté son formulaire de demande de congé d’études non payé et, le 28 février 2013, elle a envoyé un courriel de suivi à Mme Holte. Elle a été informée que sa demande était en cours d’examen.

[13]  Le 12 mars 2013, Mme Holte a rejeté la demande en déclarant ce qui suit :

[Traduction]

Bonjour Janice,

Désolée du retard à vous répondre, mais je viens d’avoir des nouvelles d’Ottawa à ce sujet. Selon l’Employeur, cette clause a pour objet de faire en sorte que le congé demandé soit accordé pour des études à temps plein pendant une période continue.

Comme je vous l’ai déjà dit, j’ai informé le gestionnaire régional des programmes à Winnipeg que tant que vous nous donnez une disponibilité de quatre jours par semaine, cette disponibilité devrait être considérée comme une disponibilité complète pour l’affectation des tâches.

Je vous encourage également de prendre les dispositions nécessaires pour subir un examen de votre capacité en français afin qu’il existe une évaluation officielle quant à quel point vous êtes près de satisfaire aux exigences bilingues en tant qu’intervieweuse.

 

[14]  Le 11 avril 2013, la fonctionnaire a déposé son grief, dans lequel elle a déclaré qu’on lui avait refusé un congé d’études non payé et qu’elle demandait, entre autres, qu’on lui accorde un quart par semaine à compter du 31 janvier 2013, en tant que congé d’études non payé, selon ses termes [traduction] « […] pour protéger ma SDT et mes autres avantages sociaux ».

[15]  La fonctionnaire a continué de suivre des cours de français hebdomadaires pendant environ trois ans, jusqu’au printemps 2016 et a quitté l’emploi de l’employeur à l’automne de cette année‑là.

III.  Dispositions de la convention collective

[16]  Les clauses 45.01 à 45.04 de la convention collective énoncent ce qui suit :

Congé d’études non payé et congé de promotion professionnelle

45.01 L’Employeur reconnaît l’utilité de congé d’études. Sur demande écrite de l’employé/e et avec l’approbation de l’Employeur, l’employé/e peut bénéficier d’un congé d’études non payé pour des périodes d’au plus un (1) an, qui peut être prolongé d’un commun accord, afin de lui permettre de fréquenter un établissement reconnu pour y étudier un domaine dont la connaissance lui est nécessaire pour s’acquitter plus efficacement de ses obligations, ou pour entreprendre des études dans un certain domaine afin de fournir un service que l’Employeur exige ou prévoit fournir.

45.02 À la discrétion de l’Employeur, l’employé/e en congé d’études non payé en vertu du présent article peut toucher une indemnité tenant lieu de traitement allant jusqu’à 100 % (cent pour cent) de son taux de rémunération annuel, selon la mesure dans laquelle, de l’avis de l’Employeur, le congé d’études est relié aux besoins de l’organisation. […]

45.03 À la discrétion de l’Employeur, les indemnités que reçoit déjà l’employé/e peuvent être maintenues pendant la durée du congé d’études. Quand le congé est approuvé, l’employé/e est avisé du maintien total ou partiel de ces indemnités.

45.04 À titre de condition de l’attribution d’un congé d’études non payé, l’employé/e peut, le cas échéant, être tenu de fournir, avant le début du congé, un engagement écrit de retourner au service de l’Employeur pendant une période au moins égale à celle du congé accordé.

Lorsque l’employé/e :

a) ne termine pas ses études,

b) ne revient pas au service de l’Employeur après ses études,

ou

c) cesse d’être employé sauf en cas de décès ou de mise en disponibilité, avant la fin de la période pendant laquelle il/elle s’est engagé à fournir ses services après la fin des études,

il/elle rembourse à l’Employeur toutes les indemnités qui lui ont été versées en vertu du présent article pendant le congé d’études, ou toute autre somme moindre que peut fixer l’Employeur.

[Je mets en évidence]

 

[17]  L’employeur invoque également l’article 29 de la convention collective, la disposition générale relative à l’attribution d’un congé et, en particulier, la clause 29.08a), qui déclare ce qui suit :

29.08 Les congés ne peuvent être accordés :

a) pendant les périodes au cours desquelles les employés/es sont censés, selon l’horaire, remplir leurs fonctions […]

IV.   Les arguments de l’agent négociateur

[18]  L’agent négociateur fait valoir qu’en refusant le congé demandé, l’employeur a violé la clause 45.01 de la convention collective.

[19]  Il soutient que la raison donnée à la fonctionnaire pour le refus a été formulée par Mme Holte dans son courriel du 12 mars 2013 : [traduction] « Selon l’Employeur, cette clause a pour objet de faire en sorte que le congé demandé soit accordé pour des études à temps plein pendant une période continue. »

[20]  L’agent négociateur fait valoir que cette interprétation de la clause 45.01 viole la convention collective en imposant une exigence qui n’est pas prévue par son libellé. Le libellé de la clause autorise expressément que le congé d’études soit pris en plusieurs périodes et rien dans cette clause n’indique que le congé d’études doit être pris pendant une période continue. Par conséquent, le sens clair du libellé devrait être appliqué. L’agent négociateur ajoute en outre que, lorsqu’il interprète une convention collective, l’art. 229 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral prévoit que la décision de la Commission ne peut avoir pour effet d’exiger la modification de la convention.

[21]  L’agent négociateur cite plusieurs règles bien établies en matière d’interprétation de conventions collectives, par exemple, afin de déterminer l’intention des parties, selon la présomption fondamentale, elles sont présumées avoir voulu ce qu’elles ont dit, que le sens de la convention doit être recherché dans ses dispositions expresses (voir Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, au par. 4:2100) et que la convention doit être interprétée conformément au sens primaire et naturel du libellé utilisé par les parties. Si le sens ordinaire du libellé n’est pas ambigu, n’est pas exclu par le contexte et est raisonnable par rapport aux circonstances extrinsèques, ce sens doit donc être adopté de manière concluante comme étant l’intention des parties (voir PCL Construction Ltd. v. Construction & General Workers’ Union, Local 1111 (1982), 8 L.A.C. (3e) 49, au par. 23).

[22]  La clause 45.01 énonce qu’un employé peut bénéficier d’un congé d’études non payé pour [traduction] « […] des périodes d’au plus un (1) an […] ». Selon le sens clair de cette phrase, le congé peut être pris en plusieurs périodes qui peuvent être de durées différentes. L’agent négociateur fait valoir que cette interprétation est appuyée à la fois par les définitions du dictionnaire des termes « varying » et « periods » utilisés dans la version anglaise, ainsi que par la jurisprudence.

[23]  Selon le Merriam‑Webster Dictionary, le terme « varying » est quelque chose qui change ou qui devient différent, et le terme « périodes » est au pluriel dans le libellé de la convention collective en litige. En utilisant ces termes, les parties avaient clairement l’intention de permettre aux employés de prendre plusieurs périodes de congé d’études de différentes durées.

[24]  Ce raisonnement est également étayé par l’analyse par l’ancienne Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP) dans Syndicat des agents correctionnels – Union of Canadian Correctional Officers – CSN c. Conseil du Trésor, 2016 CRTEFP 47, dans laquelle l’employeur a soutenu qu’on devait avoir accès à la banque de crédits de congé de maladie au moyen d’une seule utilisation continue, tandis que le syndicat a soutenu qu’elle pouvait être utilisée plusieurs fois. La clause en litige dans cette affaire prévoyait que « […] un congé de maladie payé lui est accordé pour une période maximale de deux cents (200) heures […] ». La CRTEFP a conclu que l’utilisation de l’expression « une période » ne signifiait pas qu’il devait s’agir d’une période ininterrompue et qu’un employé avait droit à un congé de maladie anticipé, peu importe combien de fois, jusqu’à ce qu’il atteigne le seuil maximal de 200 heures. Rien dans la clause n’indiquait que la banque de 200 heures doit être limitée à une seule utilisation continue.

[25]  L’agent négociateur fait valoir que l’employeur a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière arbitraire lorsqu’il a ajouté une exigence qui n’est pas prévue dans la clause 45.01. Acceptant que cette clause confère à l’employeur un vaste pouvoir discrétionnaire pour accorder ou refuser un congé d’études, l’agent négociateur fait néanmoins valoir que l’employeur ne doit pas exercer ce pouvoir discrétionnaire de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi (voir Salois c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2001 CRTFP 88, au par. 24). Comme indiqué dans Myers c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 26, au par. 6, « […] l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire ne peut pas être entaché de considérations qui le rendrait arbitraire ou discriminatoire ».

[26]  Selon l’agent négociateur, la fonctionnaire avait consacré beaucoup d’efforts, de temps et d’argent à suivre des cours de français après que l’employeur n’avait pas tenu compte de ses demandes de formation en français et qu’il ait ensuite refusé son congé d’études non payé. Elle n’a pas demandé un congé payé ou que l’employeur assume les frais du cours. Elle a demandé seulement un congé non payé pour protéger ses avantages sociaux, qui sont fondés sur sa disponibilité à travailler. En lui refusant ce congé parce que le cours n’était pas continu, l’employeur n’a pas reconnu que de nombreux employés peuvent choisir de suivre des cours à temps partiel ou à court terme plutôt que des études à temps plein.

[27]  L’agent négociateur demande une déclaration selon laquelle l’employeur a violé la clause 45.01 et demande que la fonctionnaire soit remise dans sa position antérieure concernant les salaires, les avantages sociaux perdus et les paiements de règlement sur l’équité salariale auxquels elle aurait eu droit si l’employeur n’avait pas refusé son congé d’études.

V.  Les arguments de l’employeur

[28]  L’employeur déclare que l’agent négociateur ne s’est pas acquitté de son fardeau consistant à établir que, selon la prépondérance des probabilités, l’employeur a contrevenu à la convention collective. La clause 45.01 lui confère le pouvoir discrétionnaire d’accorder un congé d’études non payé aux employés en fonction de certains critères précis. Il a rejeté la demande de congé de la fonctionnaire parce que, à son avis, les critères n’avaient pas été satisfaits. Il a exercé son pouvoir discrétionnaire de bonne foi et de manière raisonnable, juste et non discriminatoire.

[29]  L’employeur fait remarquer que dès novembre 2012, date à laquelle la fonctionnaire a fourni son horaire de disponibilité, elle avait déjà prévu de suivre le cours de français les jeudis soir et l’avait informé qu’elle n’était pas disponible pour travailler des quarts de travail pendant cette période. Ce n’est que lorsqu’elle s’est rendue compte que la réduction de sa disponibilité pouvait avoir une incidence sur sa SDT qu’elle a décidé de demander un congé d’études non payé. La seule raison pour laquelle elle a présenté sa demande de congé, telle qu’elle l’a décrite dans sa lettre du 20 janvier 2013 et dans le grief, était de protéger sa SDT.

[30]  Le 12 mars 2013, l’employeur a refusé la demande de la fonctionnaire. Il a indiqué que la clause avait pour objet d’accorder un congé en vue de suivre des études à temps plein sur une période continue. Il a également répondu à la raison invoquée pour demander le congé d’études, en déclarant [traduction] « […] que tant que vous nous donnez une disponibilité de quatre jours par semaine, cette disponibilité devrait être considérée comme une disponibilité complète pour l’affectation des tâches ».

[31]  De plus, l’employeur a encouragé la fonctionnaire à subir des examens de français officiels afin d’évaluer ses compétences et les efforts qui seraient nécessaires pour atteindre l’exigence linguistique d’un poste d’intervieweur bilingue comme suit : [traduction] « […] Je vous encourage également de prendre les dispositions nécessaires pour subir un examen de votre capacité en français afin qu’il existe une évaluation officielle quant à quel point vous êtes près de satisfaire aux exigences bilingues en tant qu’intervieweuse. »

[32]  Tout comme l’agent négociateur, l’employeur cite des principes généraux d’interprétation des conventions collectives, comme accorder aux termes utilisés par les parties leur sens ordinaire et clair et les examiner dans le contexte de la convention collective dans son ensemble. Si elle doit choisir entre deux interprétations linguistiques acceptables, la Commission peut être guidée par l’objet de la disposition particulière, le caractère raisonnable de chaque interprétation possible, la faisabilité administrative et la question de savoir si l’une des interprétations possibles entraînerait des anomalies. L’employeur soutient en outre le fait qu’une disposition particulière puisse sembler injuste ne constitue pas une raison de ne pas en tenir compte, si elle est par ailleurs claire.

[33]  Selon la clause 45.01, l’employeur peut accorder un congé d’études non payé à un employé pour fréquenter un établissement reconnu pour y étudier un domaine pour des périodes d’au plus un (1) an, ce qui peut être renouvelé d’un commun accord. Lorsqu’il exerce son pouvoir discrétionnaire, l’employeur déterminera si les études proposées sont nécessaires pour que l’employé s’acquitte de ses obligations ou si l’employeur l’exige afin de fournir un service actuel ou prévu.

[34]  L’objet sous‑jacent du congé est de servir les besoins et les intérêts de l’employeur. L’employeur conserve le pouvoir discrétionnaire de déterminer si les études sont nécessaires pour ses activités.

[35]  Le désir de la fonctionnaire d’améliorer ses compétences en français était louable; toutefois, l’employeur n’exigeait aucunement qu’elle devienne bilingue parce que son poste était « anglais essentiel ». L’employeur offre une formation en français à ceux qui doivent satisfaire aux critères linguistiques essentiels de leur poste. Néanmoins, il a suggéré qu’elle subisse un examen afin d’évaluer ses compétences en français en vue de déterminer le plan d’action à prendre. Elle a refusé l’offre.

[36]  L’employeur soutient que la demande visait un congé non payé et qu’il visait à protéger la SDT de la fonctionnaire et de lui garantir un certain nombre d’heures. Il a confirmé que quatre jours par semaine seraient considérés comme une disponibilité complète pour l’affectation des tâches. De plus, s’il est fait droit au grief, cela aurait pour effet de modifier la convention collective en intégrant un nouveau critère à la clause 45.01 – soit accorder un congé pour protéger la semaine de travail désigné d’un employé à temps partiel ou d’accroître ses heures.

[37]  L’employeur fait remarquer que l’argument de l’agent négociateur porte exclusivement sur l’interprétation des termes « varying periods of up to one year » dans la version anglaise, « des périodes d’au plus un an » dans la version française. Cela est fondé sur la réponse initiale de Mme Holte selon laquelle [traduction] « […] cette clause a pour objet de faire en sorte que le congé demandé soit accordé pour des études à temps plein pendant une période continue ».

[38]  Toutefois, l’agent négociateur n’a pas répondu aux réponses subséquentes de l’employeur au cours de la procédure de règlement des griefs dans laquelle il a affirmé que la fonctionnaire n’avait pas satisfait aux critères de congé d’études prévus à la clause 45.01. Au deuxième palier, l’employeur a élargi sa position initiale concernant la demande de congé et a expliqué que les critères pour accorder le congé comprenaient le lien entre le programme d’études et les besoins de l’employeur, ainsi que la contribution future de l’employé pour l’employeur.

VI.  Questions en litige

[39]  Les questions à trancher sont les trois questions suivantes :

 

 

VII. Motifs

A.  La clause 45.01 exige‑t‑elle une période d’études continue à temps plein?

[40]  En ce qui concerne la première question, je suis d’accord avec l’agent négociateur pour dire que la clause 45.01 ne peut être interprétée comme exigeant que le congé d’études non payé soit accordé seulement aux fins d’une période d’études continue à temps plein. Une telle interprétation contreviendrait à la convention collective en imposant une exigence que son libellé ne contient pas.

[41]  Le libellé de la clause autorise expressément de prendre un congé d’études pendant des périodes (varying periods). Il se peut que les parties aient eu à l’esprit des périodes de plusieurs mois lorsqu’elles ont négocié cet élément. Le libellé des clauses 45.02 à 45.04 (qui prévoient des indemnités pour frais d’études et des engagements de retourner au travail après le congé d’études) laisse entendre que des congés plus longs et continus aient pu être l’une des priorités des négociateurs. Toutefois, s’il existait une intention de limiter le congé d’études à ces seuls types de cours, elle n’a pas été exprimée. Rien dans le libellé de la clause 45.01 ne limite le congé d’études à une période continue. Par conséquent, il n’y a aucune raison pour laquelle il ne peut être accordé pour un cours du soir hebdomadaire.

[42]  J’adopte le raisonnement de la CRTEFP dans Syndicat des agents correctionnels – Union of Canadian Correctional Officers – CSN, qui portait sur une question linguistique semblable. Elle a déclaré ce qui suit au paragraphe 176 :

[176] À mon avis, le sens propre et ordinaire du paragraphe 31.04 de la convention collective est que si un employé admissible à un congé de maladie en vertu de la clause 31.02a) de la convention collective n’a aucun crédit de congé de maladie ou qu’il n’en a pas suffisamment, alors il a droit à un congé de maladie payé anticipé, peu importe combien de fois, jusqu’à ce qu’il atteigne le seuil maximal de 200 heures. Il n’y a rien au paragraphe 31.04 qui mentionne que la banque de 200 heures doit être limitée à une seule utilisation, plutôt qu’au nombre total d’heures prévu. L’interprétation de l’employeur déforme le libellé du paragraphe 31.04 dans une mesure qui le vide essentiellement de son intention ou de son sens. Le fait de l’interpréter comme signifiant qu’il doit être accordé une seule fois exigerait de la Commission qu’elle modifie le libellé de la convention collective, ce qui est interdit par le paragr. 229 de la LRTFP.

B.  Modification de la justification de l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’employeur

[43]  L’agent négociateur affirme que le refus initial de l’employeur était fondé uniquement sur le fait que la demande ne visait pas un cours continu et qu’il doit être tenu de respecter cette justification. Si cette justification ne correspond pas à une interprétation appropriée de la clause 45.01, l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’employeur fondé sur ce pouvoir discrétionnaire est donc arbitraire.

[44]  D’autre part, l’employeur soutient que l’agent négociateur met l’accent exclusivement sur la première réponse de l’employeur à la fonctionnaire et ne tient pas compte de ses réponses ultérieures au cours de la procédure de règlement des griefs qui étaient fondées sur le fait que sa demande ne satisfaisait pas aux critères de la clause 45.01, surtout que le congé soit : « […] pour y étudier un domaine dont la connaissance lui est nécessaire pour s’acquitter plus efficacement de ses obligations, ou pour entreprendre des études dans un certain domaine afin de fournir un service que l’Employeur exige ou prévoit fournir ».

1.  Le refus initial

[45]  Même si la première réponse de l’employeur, dans le courriel du 12 mars 2013 de Mme Holte, refusait effectivement le congé parce qu’il ne s’agissait pas d’études continues, j’estime qu’il est important de mentionner deux éléments. En premier lieu, la réponse n’excluait pas de manière définitive la possibilité d’un congé d’études pour des études non continues. En deuxième lieu, à mon avis, sans l’énoncer expressément, la réponse tenait implicitement compte des critères de la clause 45.01 concernant les besoins de l’employeur.

[46]  Le refus initial indique que la clause a pour objet de faire en sorte que le congé d’études soit accordé pour des études continues; elle n’indique pas que le congé d’études ne peut jamais être accordé pour un programme non continu. Au contraire, il suggère que la fonctionnaire subisse un examen de sa capacité en français afin que l’employeur puisse évaluer à quel point elle est près de satisfaire aux exigences bilingues en tant qu’intervieweuse. Cela laisse entendre une volonté de la part de l’employeur d’envisager au moins un congé d’études futur, sinon le congé actuel, afin de permettre à la fonctionnaire de poursuivre sa formation en français. Il n’énonce pas non plus que toute demande future devra viser une période d’études continue.

[47]  De plus, le refus initial laisse entendre que l’employeur était au courant des critères applicables à l’examen d’une demande de congé d’études dans le contexte de ses besoins – en l’espèce, son besoin d’intervieweurs francophones. Cela est implicite dans l’offre qu’il lui a fait d’une évaluation linguistique officielle, afin de déterminer [traduction] « […] à quel point [elle était] près de satisfaire aux exigences bilingues en tant qu’intervieweuse ».

2.  La réponse au grief au deuxième palier

[48]  Le 17 mai 2013, l’employeur a rejeté le grief au deuxième palier dans une lettre de Lise Rivais, directrice, Région de l’Ouest et Territoires du Nord‑Ouest. Mme Rivais indique qu’elle a tenu compte des [traduction] « […] facteurs suivants dans ma décision, car j’estime qu’ils sont pertinents à votre cas particulier ». Elle poursuit en réitérant que [traduction] « […] ce congé est habituellement accordé pour une période continue ».

[49]  Encore une fois, je souligne le libellé moins que définitif. Tout comme le refus initial, la réponse au grief au deuxième palier n’indique pas que l’étude pour une période continue est absolument nécessaire. Il affirme qu’il s’agit du type d’études pour lesquelles un congé d’études non payé est habituellement accordé.

[50]  Cela étant établi, la réponse au deuxième palier précise ensuite que le congé d’études est accordé en fonction des critères suivants :

[Traduction]

la mesure dans laquelle les cours mènent à un diplôme dans un domaine lié aux besoins de l’Agence;

la contribution future prévue de l’employé à l’Agence;

la mesure dans laquelle l’employé est susceptible de profiter de la formation en ce qui concerne l’amélioration des qualifications personnelles et/ou des possibilités de promotion;

la contribution antérieure de l’employé à l’Agence et son rendement au travail;

la partie du cours que l’employé a déjà suivi pendant son temps libre;

la durée, le coût et le lieu du congé […]

 

[51]  Il est très clair que l’employeur ne s’appuie pas uniquement sur son point de vue selon lequel le congé d’études de la fonctionnaire ne devrait pas être accordé parce qu’il a été demandé pour des études non continues. Au deuxième palier, il a précisé et déclaré explicitement qu’il avait examiné et appliqué les critères de la clause 45.01 à la demande de la fonctionnaire.

[52]  De plus, Mme Rivais réitère la suggestion selon laquelle la fonctionnaire subisse une évaluation officielle et indique qu’une nouvelle demande de congé pourrait être envisagée, selon les résultats de l’évaluation :

[Traduction]

Veuillez noter que chaque cas est examiné au cas par cas et je vous encourage de poursuivre à l’aide d’une évaluation de vos compétences actuelles en français afin de déterminer le nombre d’heures qu’il vous faudra pour être considéré comme qualifiée pour mener des entrevues en français. S’il est jugé que la compétence linguistique acceptable peut être acquise dans un avenir prévisible, un nouvel examen en vertu d’une nouvelle demande de congé peut être présenté aux fins d’examen. Les critères énumérés ci‑dessus seront utilisés en tant que facteurs dans le cadre de cette demande.

 

[53]  Encore une fois, rien ne laisse entendre qu’une demande future devrait être faite pour des études continues à temps plein, afin d’être examinée.

3.  Réponse au grief au quatrième palier

[54]  S’il y avait des réponses écrites au premier ou au troisième palier de la procédure de règlement des griefs, aucune des parties ne les a déposées en preuve. Toutefois, les deux parties ont déposé la réponse au quatrième palier, du 9 mai 2014. Les raisons qu’il a données différaient du refus initial de Mme Holte et de la réponse de Mme Rivais au deuxième palier. La réponse au quatrième palier était axée sur les points suivants :

 

 

 

[55]  La quatrième et dernière réponse au grief se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

L’attribution d’un congé en vertu de la clause 45.01 relève du pouvoir discrétionnaire de l’employeur après qu’il eut évalué la situation et avoir pris une décision. La décision de suivre ce cours, même si elle est louable, n’a pas été prise en consultation avec votre équipe de gestion. Si vous aviez l’intention de demander un congé, il aurait dû être demandé avant que vous ne décidiez de vous inscrire au cours. Dans ce cas, vous avez demandé un congé après avoir déjà modifié votre disponibilité et commencé votre cours. Le travail d’enquête est disponible pendant les jours, les soirées et les fins de semaine et je comprends que vous offrez déjà une disponibilité complète de quatre quarts de travail, compte tenu de la soirée où vous n’êtes pas disponible en raison de votre cours. Vous avez déclaré à l’audition du grief que vous avez un autre emploi et que cela a une incidence sur votre disponibilité pour les quarts d’entrevues. Les limitations de votre disponibilité aux fins du travail consistant à mener des entrevues découlant d’un autre emploi ne relèvent pas de notre contrôle et, par conséquent, ne peuvent être prises en considération dans la planification de nos horaires de travail.

[…]

 

[56]  Il semble que la justification de l’employeur de son refus ait changé à nouveau au quatrième palier, probablement parce que, comme il a été indiqué dans sa réponse au grief, la fonctionnaire a confirmé à la réunion au quatrième palier que sa disponibilité était limitée aux soirées parce qu’elle avait un autre emploi pendant la journée. Cela semble avoir modifié quelque peu le point de vue de l’employeur. Son analyse était axée davantage sur le fait que la réduction de la disponibilité de la fonctionnaire, passant de cinq quarts à quatre, n’était pas seulement attribuable à son cours de français le jeudi soir, mais plutôt à son emploi de jours pendant la semaine auprès d’un autre employeur.

[57]  Néanmoins, l’employeur a répété que la fonctionnaire devrait subir une évaluation officielle et s’engager à offrir un travail d’entrevue en français ou de subir un autre examen plus tard, selon le résultat de l’évaluation :

[Traduction]

À l’audience, vous avez convenu de faire évaluer votre compétence en langue seconde à la fin de votre cours de français actuel en juin. Si vous êtes évaluée à un niveau de travail pour les entrevues en français, la direction est prête à vous offrir un travail supplémentaire afin d’inclure les cas de langue française lorsqu’ils sont disponibles. Si vous n’êtes pas considérée comme étant au niveau de travail à la fin du mois de juin, nous acceptons de vous réévaluer à l’avenir, à votre demande et, si vous réussissez, nous vous offrirons de nouveau des entrevues en français lorsqu’elles seront disponibles.

4.   L’employeur peut‑il être tenu de respecter les raisons exprimées dans son refus initial?

[58]  Quoi qu’il en soit, l’agent négociateur ne soutient pas que l’on devrait reprocher à l’employeur cette modification des raisons ou qu’il devrait être tenu de respecter sa quatrième justification et définitive du refus. Il ne conteste que la première justification et fait valoir que l’employeur devrait être tenu de respecter uniquement celle‑ci, en ne tenant pas compte des discussions, des échanges de renseignements et des réponses qui ont eu lieu au cours de la procédure de règlement des griefs.

[59]  Aucune jurisprudence n’a été invoquée à l’appui de cette proposition, à l’exception de la décision de la Commission des relations de travail de l’Ontario dans United Steelworkers of America v. Aerocide Dispensers Ltd. (1965), 15 L.A.C. 416, qui est bien connue pour avoir établi le principe selon lequel un employeur doit être tenu de respecter les raisons qu’il a utilisées pour congédier un employé. Cette proposition importante a été élargie en vue de s’appliquer aux affaires disciplinaires et a été appliquée à maintes reprises en vue d’empêcher les employeurs de modifier les motifs de congédiement ou de mesures disciplinaires afin de mieux tenir compte des faits. L’iniquité inhérente à de telles tactiques, surtout dans le contexte de mesures disciplinaires et de congédiement, est évidente et est fondée sur le principe de la justice naturelle selon lequel une personne doit connaître la preuve produite contre elle.

[60]  L’agent négociateur a également fourni un extrait de Brown et Beatty, 5e édition, intitulé [traduction] « Modification des motifs », figurant à la section intitulée [traduction] « Traiter et prouver des cas disciplinaires » du chapitre 7 (« Discipline »). Comme l’extrait l’indique clairement dans un certain nombre de cas mentionnés, aussi important que soit ce principe, il existe de nombreuses exceptions, même dans le contexte du congédiement et des mesures disciplinaires. Au paragraphe 7:2200, les auteurs indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[…] Le principe selon lequel l’employeur ne peut justifier une mesure disciplinaire imposée à l’employé selon des motifs qui sont différents de ceux qu’il a donnés lorsque la peine a été réellement imposée n’est toutefois pas absolu ou inviolable. De nombreuses exceptions et limites ont été reconnues.

 

[61]  Toutefois, plus important que les nombreuses exceptions et limitations, est le fait qu’il ne s’agit pas d’un cas concernant une mesure disciplinaire ou un congédiement. L’agent négociateur reconnaît que ce principe est habituellement appliqué dans ce contexte, mais il propose qu’il devrait également s’appliquer en l’espèce.

[62]  Dans Aerocide, la commission d’arbitrage n’a pas dit qu’un employeur devrait être tenu de respecter la première raison donnée pour une décision, mais plutôt qu’un employeur devrait être tenu de respecter rigoureusement la première raison donnée pour congédier un employé (au par. 24 (QL)) :

[Traduction]

[…]

Dans un cas de contestation du congédiement, la commission est justifiée à exiger que l’employeur respecte rigoureusement les motifs choisis pour agir à l’encontre d’un employé qui se sent par la suite lésé. Cela ne signifie pas que la commission devrait évaluer de manière trop technique la raison désignée de congédiement, mais plutôt qu’elle ne devrait pas permettre à la raison désignée d’être reformulée en une raison différente simplement parce que les éléments de preuve n’étayent pas la raison désignée, mais plutôt une raison semblable. Les parties préparent leurs arguments à l’arbitrage en fonction des questions soulevées par le grief et la ou les réponses à celui‑ci et le cas est soumis à l’arbitrage après avoir passé par les baguettes de la procédure de règlement des griefs et des discussions dans le cadre de celle‑ci. Si un autre motif de discipline ressort de la preuve autre que celui déclaré à l’époque, il n’est pas automatiquement conclu que l’employeur l’aurait traité de la même manière simplement parce qu’il estime nécessaire de le dire en raison des éléments de preuve à l’arbitrage. […]

[…]

[Je mets en évidence]

 

[63]  Cette citation précise quelques points. L’un est l’importance du contexte. La décision d’exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas accorder un congé d’études non payé pour une raison ou une autre n’est pas la même chose que le fait de congédier une personne pour une raison et de demander ensuite que le congédiement soit maintenu pour une raison entièrement différente.

[64]  Cela dit, dans certaines circonstances, un employeur peut être tenu de respecter une justification même à l’extérieur du contexte du congédiement et d’une mesure disciplinaire. Cependant, en général, il s’agirait d’une réponse définitive au grief qui pourrait être contestée si l’employeur, sans avertissement, soutenait autre chose à l’arbitrage. Que ce soit dans le contexte d’une mesure disciplinaire et de congédiement ou dans d’autres contextes, le principe est fondé sur le droit de connaître la preuve présentée contre soi et d’éviter l’élément de surprise. Il suppose que, comme la citation d’Aerocide l’indique clairement, les parties préparent leurs arguments en fonction des questions soulevées, discutées et répondues au cours de la procédure de règlement des griefs. Il s’agit de la raison d’être de la procédure de règlement des griefs – un échange complet de renseignements.

[65]  L’échange des renseignements, y compris les réponses au grief, a informé clairement l’agent négociateur que les raisons de l’employeur avaient été quelque peu modifiées, du moins en ce qui a trait à l’orientation, depuis le refus initial. La fonctionnaire et l’agent négociateur ont eu un avis suffisant de cela. Si l’employeur avait continué d’invoquer sa justification initiale tout au long de la procédure de règlement des griefs, de sorte que la fonctionnaire et l’agent négociateur avaient préparé leurs arguments aux fins de l’arbitrage en fonction uniquement de cette justification, un argument selon lequel l’employeur ne peut pas simplement modifier sa justification aurait été fondé. Un tel scénario soulèverait une question claire d’équité procédurale. Toutefois, la situation pourrait être rectifiée à l’aide d’un ajournement afin de donner à l’agent négociateur la possibilité de se préparer adéquatement à l’arbitrage.

[66]  Quoi qu’il en soit, ce n’était pas le cas en l’espèce. L’agent négociateur n’a pas comparu devant la Commission en estimant que l’employeur s’était appuyé uniquement sur la première raison donnée pour refuser le congé. Il n’y avait aucun élément de surprise. La justification a été modifiée au deuxième palier et encore au quatrième palier. L’agent négociateur ne peut mettre uniquement l’accent sur la première réponse de l’employeur, ne pas tenir compte des renseignements échangés au cours de la procédure de règlement des griefs et insister sur le fait que l’employeur soit tenu de respecter sa justification initiale.

C.  Clause 45.04 – engagement de retourner au service après le congé d’études

[67]  L’employeur a soutenu que, comme condition d’attribution d’un congé d’études, la clause 45.04 exige que, avant le début du congé, l’employé s’engage à retourner au service de l’employeur pendant une période au moins égale à celle du congé accordé. Il fait valoir que la fonctionnaire a quitté son emploi une fois ses études terminées et que le grief devrait également être rejeté pour ce motif.

[68]  À mon avis, cet argument est entièrement dénué de fondement. En premier lieu, la clause 45.04 s’applique uniquement au besoin. L’employeur n’a pas exigé un engagement écrit de la part de la fonctionnaire pour retourner à son service. Comment pouvait‑il lorsqu’il ne lui a pas accordé le congé? En deuxième lieu, cette clause a pour objet de récupérer toute indemnité d’études versée si un employé ne retourne pas au travail après avoir terminé une formation appuyée par l’employeur. L’employeur peut exiger du bénéficiaire d’une indemnité d’études qu’il s’engage à retourner à son service, à défaut de quoi il peut lui demander de rembourser une partie ou la totalité de l’indemnité. Évidemment, cette clause ne pouvait pas s’appliquer d’aucune façon à la fonctionnaire à qui le congé n’a pas été accordé, encore moins une indemnité.

D.  Caractère théorique

[69]  L’employeur a soutenu que cette affaire est théorique parce que l’agent négociateur n’a pas établi que la fonctionnaire avait subi une perte de son salaire ou de ses avantages sociaux en raison du refus du congé, qu’elle a demandé en vue de protéger sa SDT et de lui garantir un certain nombre d’heures. L’employeur a confirmé que quatre jours par semaine seraient considérés comme une disponibilité complète pour l’affectation des tâches.

[70]  L’employeur a également soutenu qu’il n’est pas nécessaire que la Commission se prononce sur la bonne interprétation de la clause 45.01 au motif de son caractère théorique. La fonctionnaire a terminé le cours pour lequel elle a demandé un congé d’études et a depuis quitté l’emploi de l’employeur. Les conditions requises pour appliquer la clause 45.01 ne l’emportent plus et l’affaire est théorique.

[71]  L’employeur fait également valoir que l’affaire est théorique parce qu’il existe d’autres motifs en fonction desquels une décision quant au bien‑fondé peut être prise; c’est‑à‑dire, la fonctionnaire ne satisfaisait plus aux critères requis pour accorder un congé. Le cours n’était pas nécessaire pour l’aider à répondre aux besoins actuels et futurs de l’employeur ni pour l’aider à s’acquitter de son rôle en tant qu’intervieweuse, anglais essentiel.

[72]  Je suis d’accord avec l’employeur pour dire que l’agent négociateur ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir que la fonctionnaire avait subi une perte de salaire, d’avantages sociaux ou de règlement de l’équité salariale. Cependant, cela permet de déterminer si la mesure corrective demandée est justifiée. Cela ne rend pas l’affaire théorique. Le fait qu’il existe d’autres motifs pour trancher le grief ne rend pas l’affaire théorique.

[73]  L’affaire n’est pas non plus théorique parce que la fonctionnaire a terminé sa formation en français et a quitté l’emploi de l’employeur. Il existe encore un litige actuel à trancher (voir Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342). Le caractère théorique dans le contexte des relations de travail n’est pas tranché uniquement en ce qui concerne le grief individuel si l’affaire pouvait toucher l’unité de négociation. Il demeure un litige actuel entre l’employeur et l’agent négociateur et une orientation quant à savoir si la convention collective a été contrevenue est souvent utile. Une déclaration [traduction] […] en soi constitue un avantage tangible ayant des répercussions sur la relation entre les parties lorsque des questions semblables surviennent à l’avenir » (tiré de Hilltop Manor Cambridge v. Service Employees International Union, Local 1 & Ontario Nurses’ Association (2018), 295 L.A.C. 4e 17, au par. 56).

[74]  Le fait que la clause 45.01 n’exclut pas les cours simplement au motif qu’ils ne sont pas offerts pendant des périodes continues à temps plein constitue une question utile à clarifier entre les parties. Il traite d’une question qui pourrait bien survenir à nouveau. On ne peut dire que la question est théorique.

VIII.  Conclusion

[75]  La clause 45.01 ne limite pas l’attribution d’un congé d’études non payé aux seules périodes d’études continues à temps plein. Toutefois, cela ne signifie pas que l’employeur ne peut pas tenir compte de la nature du programme d’études (c.‑à‑d. sa durée ou son caractère continu ou à temps plein) lorsqu’il décide si une formation proposée répondra à ses besoins. Le libellé de la clause ne limite pas la rémunération pour études aux cours continus, mais il ne limite pas non plus le pouvoir discrétionnaire de l’employeur de tenir compte de ce facteur.

[76]  Je conclus que le premier refus de l’employeur reconnaissait implicitement les critères de la clause 45.01 qui exigent que la décision soit fondée sur ses besoins. Toutefois, si ce n’est pas exclusivement le cas, le premier refus était principalement fondé sur la mauvaise interprétation par l’employeur de la clause 45.01.

[77]  Cependant, la justification de l’employeur a été modifiée au cours de la procédure de règlement des griefs, ce qui a été clairement indiqué dans la réponse au deuxième palier. Il n’y avait donc aucun élément de surprise ou de préjudice pour l’agent négociateur. Il n’existe aucun motif en fonction duquel l’employeur peut être tenu de respecter rigoureusement la principale justification qu’il a offerte dans son premier refus.

[78]  Par conséquent, je conclus que l’employeur possède le pouvoir discrétionnaire d’accorder ou de refuser un congé d’études non payé, en tenant compte des critères énoncés à la clause 45.01. Je conclus également qu’il a traité ces critères et qu’il les a appliqués de manière raisonnable en l’espèce.

[79]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


IX.  Ordonnance

[80]  Le grief est accueilli en partie.

[81]  Je déclare que la clause 45.01 de la convention collective ne limite pas l’attribution d’un congé d’études non payé qu’aux seules périodes d’études continues à temps plein.

Le 1er juin 2020.

Traduction de la CRTESPF

Nancy Rosenberg,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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