Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Dans Gallinger c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2020 CRTESPF 54, la Commission a conclu que l’employeur avait fait preuve de discrimination à l’égard de la fonctionnaire s’estimant lésée en mettant fin à son emploi pour incapacité médicale – la Commission a annulé le licenciement et a ordonné à l’employeur de mettre en œuvre un processus de retour au travail et de réintégrer la fonctionnaire s’estimant lésée – la Commission est demeurée saisie de l’affaire au cas où les parties ne parviendraient pas à s’entendre sur un retour au travail ou sur un statut de congé payé – deux questions se sont posées au sujet de la rémunération totale à laquelle elle avait droit – la première question était de savoir dans quelle mesure la fonctionnaire s’estimant lésée pouvait retourner au travail ou avoir un statut de congé payé entre la date de la décision de la Commission et le moment où elle est effectivement retournée au travail – la deuxième question était de savoir s’il fallait tenir compte de l’autre emploi de la fonctionnaire s’estimant lésée au cours de cette période pour déterminer les montants qui lui étaient dus – pour ce qui est de la première question, la Commission s’est fondée sur les renseignements médicaux produits pour déterminer un calendrier de retour au travail alors qu’elle aurait pu travailler pour l’employeur – quant à la deuxième question, la Commission a indiqué que, dans des cas antérieurs, le principe d’atténuation avait été appliqué pour déterminer ce qui est dû pour la période précédant une ordonnance de réintégration – toutefois, en revanche, la question en l’espèce concernait la période postérieure à l’ordonnance de réintégration – néanmoins, le principe selon lequel la fonctionnaire s’estimant lésée doit être « indemnisée intégralement » signifie qu’il faut éviter le cumul des indemnités et, par conséquent, les faits concernant son autre emploi devaient être pris en considération – la Commission a ordonné à l’employeur d’indemniser la fonctionnaire s’estimant lésée pour la différence entre le salaire moindre gagné chez l’autre employeur et le salaire auquel elle aurait eu droit si l’employeur l’avait réintégrée conformément au calendrier de retour au travail.

Rémunération déterminée.

Contenu de la décision


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Introduction

[1]   Ioulia Gallinger, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), était une employée du groupe Systèmes d’ordinateurs (CS) qui travaillait pour l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC ou l’« employeur ») avant d’être licenciée en raison d’une incapacité médiale en septembre 2017.

[2]  À la suite d’un congé de maternité, la fonctionnaire n’a pas été en mesure de retourner au travail en février 2015 en raison d’une maladie. Elle a donc commencé un congé de maladie non payé (CNP de maladie). Conformément à la politique du Conseil du Trésor, après deux ans de CNP de maladie, son employeur a commencé à prendre des mesures pour régler sa situation de congé. Il l’a fait en lui envoyant une lettre le 15 mars 2017 (la « lettre d’options no 1 ») comportant les trois options suivantes : 1) retourner au service actif, 2) prendre les mesures nécessaires pour prendre sa retraite pour raisons médicales ou 3) démissionner de la fonction publique. Il lui a accordé un délai d’environ six semaines pour faire un choix.

[3]  Après que Mme Gallinger a fourni une note du médecin indiquant qu’elle cherchait à consulter un spécialiste, l’ASFC a conclu qu’elle ne retournerait pas au travail dans un avenir prévisible, et le 18 mai 2017, il lui a envoyé une deuxième lettre d’options (la « lettre d’options no 2 ») comportant uniquement deux choix : soit qu’elle 1) prenne les mesures nécessaires pour prendre sa retraite pour raisons médicales ou 2) soit qu’elle démissionne de la fonction publique. À la suite d’une série de prorogations de la date limite prévue dans la deuxième lettre, l’ASFC lui a finalement donné une date limite du 15 septembre 2017 pour prendre une décision. Lorsqu’il n’a pas eu de nouvelles à cette date, il a mis fin à son emploi pour incapacité médicale, à compter du 22 septembre 2017.

[4]  Pour l’employeur, la principale question en l’espèce consiste à savoir s’il était raisonnable qu’il mette fin à l’emploi de Mme Gallinger en fonction des renseignements dont il possédait à l’époque. Il a fait valoir que son incapacité à fournir des renseignements promettant un retour au travail dans un avenir prévisible justifiait le licenciement.

[5]  Selon la fonctionnaire, la principale question consiste à savoir si les mesures prises par l’employeur qui ont mené à son licenciement, ainsi que son licenciement, étaient discriminatoires en raison de son incapacité. Elle a soutenu que l’employeur n’avait pas pris les mesures nécessaires pour établir si elle pouvait retourner au travail, avait agi de manière déraisonnable dans les options qu’il lui a offertes et qu’il n’aurait pas dû mettre fin à son emploi. Lorsqu’une preuve claire indiquant qu’elle pouvait retourner au travail peu après lui avoir envoyé sa lettre de licenciement a été fournie à l’employeur, il a refusé de réexaminer le licenciement.

[6]  Il est bien établi en droit que lorsqu’il s’agit de prendre des mesures d’adaptation à l’égard des employés handicapés, un effort multipartite est nécessaire de la part de l’employeur, de l’employé et (s’il y a lieu) du syndicat de l’employé. Après avoir entendu la preuve en l’espèce, je conclus que chacune des trois parties – l’employeur, Mme Gallinger et son syndicat – ont omis d’agir à des moments cruciaux lorsqu’ils pouvaient et auraient dû agir. Toutefois, la principale question dont je suis saisi consiste à savoir si l’employeur a établi qu’il ne pouvait pas prendre des mesures d’adaptation en vue de répondre aux besoins de Mme Gallinger sans s’imposer une contrainte excessive.

[7]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que l’ASFC n’a pas établi qu’elle a satisfait à ce critère et qu’elle a donc fait preuve de discrimination à l’égard de Mme Gallinger lorsqu’elle a mis fin à son emploi. Cette conclusion est renforcée par le fait que l’ASFC a refusé de réexaminer sa décision à la lumière des renseignements qui lui ont été fournis dans le cadre de la procédure de règlement des griefs. Par conséquent, j’ordonne que la décision de l’ASFC de mettre fin à son emploi soit annulée.

[8]  En même temps, étant donné les éléments de preuve qui m’ont été fournis à l’audience, la fonctionnaire n’a pas clairement établi la date exacte à laquelle elle était en mesure de retourner pleinement au travail. Par conséquent, je ne me retrouve pas en mesure de la réintégrer rétroactivement, tel qu’elle l’a demandé. Je conclus qu’elle a établi sa volonté de retourner au travail de manière suffisante pour reprendre activement le processus d’adaptation et d’entamer le processus de retour au travail, ce que mon ordonnance prévoit.

[9]  De plus, compte tenu de mon analyse des mesures discriminatoires de l’ASFC, je rends deux décisions en vertu des dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H‑6; LCDP).

II.  Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[10]  Le grief a été déposé auprès de l’employeur le 30 octobre 2017 et se lisait comme suit :

[Traduction]

Je présente un grief contre la décision de mon employeur de mettre fin à mon emploi, ainsi que le contenu de la lettre de licenciement en date du 22 septembre 2017 reçue le 26 septembre 2017. La décision, ainsi que la lettre, est contraire à la convention collective du groupe CS et à toute autre politique et/ou loi applicable. En outre, la décision est discriminatoire.

[11]  À titre de mesure corrective, la fonctionnaire a demandé que le licenciement soit annulé et que toute autre mesure jugée nécessaire pour redresser la situation soit prise à son égard, y compris des dommages et une indemnité, conformément à ce qui est prévu par la LCDP.

[12]  Le grief a été présenté directement au dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 24 novembre 2017.

[13]  La réponse au grief au dernier palier de l’employeur a été communiquée le 20 mars 2018 et dispose en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

À la date de votre licenciement, vous étiez en congé de maladie non payé depuis plus de deux ans et vous n’aviez pas établi que vous seriez en mesure de retourner au travail dans un avenir prévisible. Par conséquent, votre incapacité à travailler a rendu le contrat de travail impossible à exécuter.

[…]

[14]  Le grief a été renvoyé à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») le 9 février 2018, en vertu du sous‑alinéa 209(1)c)(i) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »). Un avis de renvoi à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) y était joint.

[15]  La Commission a tranché un certain nombre de questions relatives à la communication de documents préalable à l’audience.

[16]  À la demande de l’employeur, le 14 janvier 2020, j’ai ordonné à la fonctionnaire de fournir à l’employeur la communication préalable à l’audience des documents suivants :

1) son dossier d’assurance‑invalidité (AI);

2) tous les dossiers médicaux liés à sa demande de prestations d’invalidité à la date de son licenciement et à sa volonté de retourner au travail à compter du début de son CNP de maladie jusqu’à la fin de l’audience;

3) tous les documents liés à ses efforts d’atténuation depuis son licenciement, y compris tout emploi qu’elle a postulé, les revenus reçus et les déclarations de revenus.

[17]  Mon ordonnance a suivi le raisonnement dans Canada (Procureur général) c. Quadrini, 2011 CAF 115, au par. 37, où il est déclaré que le critère seuil pour une ordonnance de communication de documents est le suivant : « […] la partie qui demande la production doit démontrer qu’il existe une possibilité réaliste que les documents puissent être liés à une question en litige dans l’affaire dont est saisie la Commission ».

[18]  Au cours de l’audience, l’avocat de l’employeur a posé à la fonctionnaire de nombreuses questions portant sur ses efforts de communiquer ces documents, alléguant que, dans de nombreux cas, ce qui a été communiqué n’était pas conforme à l’ordonnance de la Commission ou représentait un refus de s’y conformer. Pour sa part, la fonctionnaire a décrit avoir déployé d’importants efforts pour produire les documents dans un court délai et, même si elle a admis que certains renseignements avaient été omis ou caviardés, elle estimait qu’elle avait fourni ce qui était requis.

[19]  Selon l’avocat de l’employeur, l’ordonnance de communication a généré environ 1 000 pages de documents sans doute pertinents. Une grande partie de l’audience a été consacrée aux questions concernant le processus de communication. En fin de compte, très peu de documents visés par l’ordonnance de communication ont été déposés en preuve soit par l’employeur soit par la fonctionnaire.

[20]  Étant donné mes conclusions relatives à l’affaire et la mesure corrective ordonnée, je n’attribue aucun préjudice important aux problèmes survenus à l’égard de l’ordonnance de communication. Étant donné que je n’accorde aucune indemnité pour perte de salaire jusqu’à la date de la présente décision, toute lacune dans la divulgation de ses mesures d’atténuation n’a aucune conséquence. De même, puisque j’ordonne son retour au travail à la suite de la publication de la présente décision, toute lacune relative aux renseignements jusqu’à présent n’a aucune conséquence. Cela sera indiqué de manière plus évidente dans les motifs suivants.

[21]  La Commission a également reçu une demande de la fonctionnaire visant à obtenir une ordonnance enjoignant à l’employeur de produire sept documents à l’égard desquels il a invoqué le privilège en matière de relations de travail. En fonction d’une description détaillée des documents, j’ai rejeté la demande, convaincu que les documents en question répondaient au critère à quatre volets établis dans « Wigmore ». Ces volets ont été formulés par Brown et Beatty dans Canadian Labour Arbitration, 4e éd., au paragraphe 3:4340. Dans la décision, j’ai indiqué que j’étais guidé par le raisonnement dans Horne c. Agence Parcs Canada, 2014 CRTFP 30, aux paragraphes 61 et 62, et dans Rodrigue c. Administrateur général (ministère des Anciens Combattants), 2016 CRTEFP 9, aux paragraphes 66 à 76. La fonctionnaire n’a pas abordé davantage la question à l’audience.

III.  Résumé de la preuve

[22]  L’employeur a cité deux témoins à témoigner, soit Chantal G. Lacroix, qui a signé les quatre lettres d’options fournies à la fonctionnaire pendant la période de mars à septembre 2017 et Daniel Tremblay, qui a signé la lettre de licenciement. En ce qui concerne les événements en litige, Mme Lacroix était la directrice de la Division des systèmes de voyageurs, et était donc chargée de l’équipe d’employés qui développait les applications de première ligne en technologie de l’information pour l’ASFC. M. Tremblay était le directeur général des Services relatifs aux applications opérationnelles de l’ASFC et avait le pouvoir délégué de décider de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire.

[23]  Seule la fonctionnaire a témoigné en son nom.

[24]  Environ 60 documents ont été déposés avec le consentement des parties. Il s’agissait principalement de lettres et de courriels. En conséquence, la grande partie de la preuve n’est pas contestée. Dans le résumé qui suit, je résume les éléments de preuve sans faire référence en détail au témoignage de chaque témoin. Pour tout conflit entre les éléments de preuve, je fais particulièrement référence à ce que j’ai entendu de différents témoins.

A.  Contexte

[25]  Mme Gallinger a commencé sa carrière à l’ASFC en avril 2007, classifiée aux groupe et niveau CS‑01. En août 2008, sa fille est née avec une incapacité grave et elle a éprouvé des difficultés à retourner au travail. Toutefois, en 2010, elle a été promue aux groupe et niveau CS‑02, et elle a assumé un rôle d’élaboration de bases de données. Elle a témoigné qu’il s’agissait d’un rôle positif qui tenait compte de ses antécédents d’études, notamment un baccalauréat de la Trent University et une maîtrise de la Simon Fraser University.

[26]  En 2014, Mme Gallinger a pris un congé de maternité, duquel elle devait revenir en février 2015.

[27]  Toutefois, sur les conseils de son médecin, Mme Gallinger n’est pas retournée au travail en février 2015 pour raisons médicales. Entre janvier 2015 et février 2017, pas moins de neuf notes ont été fournies par les médecins de la fonctionnaire indiquant qu’elle n’était pas prête à retourner au travail aux moments donnés et que ses progrès seraient évalués de nouveau. La plupart des notes ont été fournies par son médecin de famille. Cependant, en janvier 2016, elle a subi une commotion, qui nécessitait qu’elle consulte un autre médecin, duquel elle a également reçu une note d’absence au travail.

[28]  La dernière de ces séries de notes, en date du 22 février 2017, indiquait que Mme Gallinger serait évaluée de nouveau en juin 2017.

[29]  La fonctionnaire a présenté ces notes à son superviseur direct. Tout au long de cette période de deux ans, Mme Gallinger était en CNP de maladie pour des raisons médicales. Elle a témoigné que son superviseur direct n’a, à aucun moment pendant son CNP de maladie, jamais remis en question les notes du médecin ni demandé des renseignements supplémentaires de son médecin.

B.  Les lettres d’options (de mars à septembre 2017)

[30]  Le 15 mars 2017, l’employeur a envoyé la lettre d’options no 1, la première de plusieurs lettres doptions à Mme Gallinger. Elle était signée par Mme Lacroix et comportait un renvoi à l’annexe B de la Directive sur les congés et les modalités de travail spéciales (la « Directive »). La lettre expliquait que la Directive exige que « [l]es cas de congé non payé doivent être réglés dans les deux ans qui suivent la date du début du congé, quoique chaque cas doit être évalué sous réserve de ses circonstances particulières ».

[31]  La lettre indiquait que Mme Gallinger était en congé non payé pour maladie ou blessure depuis le 3 février 2015. Elle expliquait que le congé [traduction] « doit prendre fin à un moment donné » à l’aide de l’une de trois options : 1) un retour au service, 2) une retraite pour raisons médicales ou 3) une démission. La lettre exigeait qu’elle prenne une décision avant le 24 avril 2017 (une période d’environ 40 jours civils, ou un peu moins de six semaines).

[32]  Dans la description de la première option, la lettre indiquait que l’employeur aurait besoin de ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] un nouveau certificat médical précisera la date prévue de retour au travail. Votre médecin doit également décrire vos capacités professionnelles, vos limitations fonctionnelles et vos restrictions. Le diagnostic médical est strictement confidentiel et n’est pas requis aux fins de cette évaluation […] En l’absence de tels renseignements, je peux vous demander de subir une évaluation de l’aptitude au travail. Une telle évaluation servira à déterminer la probabilité d’un retour au travail dans un proche avenir et à élaborer toute modification aux fonctions de travail ou d’autres types de mesures d’adaptation pourraient être requis à votre retour au travail.

[…]

[33]  Dans la lettre, l’ASFC a averti que si elle n’avait pas de ses nouvelles avant la date limite, elle pourrait envisager un licenciement pour des motifs autres qu’un manquement à la discipline ou à une inconduite. Elle se terminait en invitant Mme Gallinger à appeler si elle avait des questions.

[34]  Mme Lacroix a témoigné qu’elle avait envoyé la lettre en raison de ses responsabilités en vertu de la Directive. Elle a témoigné qu’elle s’attendait à ce que, si la fonctionnaire souhaitait retourner au travail, elle devait lui présenter un certificat médical confirmant sa capacité de retourner et en indiquant les limitations fonctionnelles et les restrictions que l’employeur devrait prendre en considération.

[35]  Mme Gallinger a témoigné qu’elle n’avait aucune connaissance préalable qu’une telle lettre pouvait lui être envoyée ou une connaissance préalable de la Directive. Elle a décrit avoir été en choc lorsqu’elle a reçu la lettre. Elle a témoigné qu’elle ne connaissait pas qui Mme Lacroix était à l’époque. Elle n’a pas communiqué avec Mme Lacroix en vue de lui poser des questions. Elle a témoigné que l’option qu’elle voulait choisir était de retourner au travail et elle a donc décidé de consulter son médecin.

[36]  Le résultat a été une note de son médecin de famille, en date du 19 avril 2017. Étant donné que son contenu devient un point de discussion clé dans les motifs qui suivent, je la reproduis dans son intégralité ci‑dessous :

[Traduction]

La présente fait suite à votre lettre à Mme Gallinger en date du 15 mars 2017. Elle a finalement obtenu un rendez‑vous avec un spécialiste au cours des prochaines semaines. Je crois que l’avis du spécialiste fournira d’autres conseils sur le diagnostic et la gestion et je proposerais que je vous donne une mise à jour au plus tard le 1er juillet 2017 à l’aide des renseignements que vous avez demandés dans votre lettre.

[37]  L’employeur a répondu par la lettre d’options no 2, signée encore une fois par Mme Lacroix. Elle a commencé comme suit en accusant réception de la note du médecin du 19 avril 2017 :

[Traduction]

[…] [D]ans laquelle votre médecin a indiqué que vous avez obtenu un rendez‑vous avec un spécialiste au cours des prochaines semaines qui pourrait nous donner d’autres conseils sur votre diagnostic et gestion. Malheureusement, aucune date de retour au travail n’a été indiquée dans sa lettre.

[…]

[38]  La lettre de Mme Lacroix se poursuit pour déclarer : [traduction] « Je conclus donc que, malheureusement, votre état de santé ne vous permet pas de retourner au travail dans un avenir prévisible. »

[39]  Dans son témoignage, Mme Lacroix a confirmé qu’elle était parvenue à cette conclusion après avoir vu la note du médecin du 19 avril 2017 parce qu’elle n’indiquait rien au sujet d’un retour au travail. En contre‑interrogatoire, elle a convenu qu’elle était parvenue à sa conclusion en fonction de [traduction] l’« absence d’une note de la médecin » confirmant une capacité de retourner au travail de la part de la fonctionnaire. 

[40]  Contrairement à la lettre d’options no 1, la lettre d’options no 2, n’offrait que deux options : 1) retraite pour raisons médicales ou 2) démission. Elle a fixé une date limite pour répondre au 2 juin 2017 (15 jours).

[41]  Une autre modification avait été apportée à la lettre d’options. La lettre d’options no 1, contenait une déclaration indiquant que Mme Gallinger avait le droit de présenter un grief si elle ne souscrivait pas à la lettre. Cette déclaration n’a pas été incluse dans la lettre d’options no 2.

[42]  Mme Lacroix a témoigné qu’après avoir envoyé la lettre d’options no 2, elle aurait toujours tenu compte d’une demande de la fonctionnaire de retourner au travail. Elle a témoigné qu’elle aurait exigé une note du médecin qui satisfaisait aux exigences de l’ASFC énoncées dans la lettre d’options no 1. Elle a témoigné que cela a été renforcé par la déclaration dans la lettre d’options no 2 selon laquelle l’ASFC envisageait un licenciement [traduction] « […] uniquement dans le cas où vous ne retournez pas au travail ou vous ne prenez pas les mesures nécessaires pour quitter la fonction publique ». Toutefois, je souligne que cette clause figure à la fin de la lettre, parmi une série de paragraphes plus génériques, comme ceux qui fournissent des liens vers les conseillers en matière de pensions, les programmes d’aide à l’emploi, entre autres. La première partie de la lettre décrivait clairement les deux options proposées.

[43]  Mme Gallinger a témoigné que selon elle, la lettre indiquait clairement que son employeur avait conclu qu’elle ne retournerait pas au travail, qu’il lui faudrait mettre fin à son emploi et que les deux seules options pour ce faire étaient clairement énoncées. Ce point est renforcé par la déclaration de Mme Lacroix dans le deuxième paragraphe de la lettre selon lequel, étant donné sa conclusion que Mme Gallinger ne retournerait pas au travail dans un avenir prévisible, que cette dernière devra [traduction] « apporter les ajustements personnels nécessaires et les préparations pour quitter la fonction publique pour des raisons médicales ».

[44]  Après avoir reçu la lettre d’options no 2, la fonctionnaire a demandé l’aide de son syndicat. Le 26 mai 2017, Jean Ouellette, un représentant du personnel de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC ou le « syndicat »), a demandé que l’employeur fournisse à Mme Gallinger une prorogation du délai de la première semaine de juillet 2017 afin de [traduction] « […] exercer l’une des trois options mentionnées dans la lettre du 15 mars ». Un représentant de l’employeur a répondu par courriel le 29 mai, en accordant la prorogation en vue de [traduction] « […] exercer une des options qui lui ont été présentées » et fixant la date limite du 10 juillet 2017.

[45]  Dans son témoignage, Mme Lacroix a déclaré que son courriel signifiait que la fonctionnaire pouvait se prévaloir de toutes les trois options. Mme Gallinger a témoigné qu’elle n’estimait pas le courriel confirmait que l’employeur lui offrait un retour au travail.

[46]  Le 5 juillet 2017, Mme Gallinger a demandé un congé non payé de trois mois pour le soin à un membre de la famille immédiate (conformément à la clause 17.09 de sa convention collective), à compter du 6 juillet 2017. Elle a fourni une justification de la nécessité de s’occuper de deux de ses enfants. Elle a également soutenu que le congé suspendrait les conséquences des lettres d’options.

[47]  L’ASFC a répondu presque immédiatement et refusé le congé. Mme Lacroix et Mme Gallinger ont toutes les deux témoigné que la raison donnée pour le refus était que l’employeur devait régler la question relative au CNP de maladie avant d’examiner tout autre type de demande de congé.

[48]  Dans sa réponse écrite à la demande de congé non payé pour le soin à un membre de la famille immédiate, l’ASFC a envoyé une nouvelle lettre d’options en date du 7 juillet 2017 (la « lettre d’options no 3 »). Elle a confirmé son refus de la demande de congé (sans fournir de raisons) et a déclaré [traduction] « Par conséquent, je dois vous informer que vous devez prendre les ajustements personnels nécessaires et vous préparer pour quitter la fonction publique pour des raisons médicales. »

[49]  Le reste de la lettre d’options no 3 était, pour la plupart, identique à la lettre d’options no 2. Elle a offert à Mme Gallinger les deux options suivantes : 1) la retraite pour raisons médicales ou 2) la démission. Elle a fixé une date limite pour répondre au 14 juillet 2017 (7 jours). Toutefois, la dernière partie de la lettre qui l’informait de la possibilité de licenciement déclare maintenant que l’ASFC ne l’envisagerait que si elle [traduction] « ne prenait pas les mesures nécessaires pour quitter la fonction publique ». Il n’y avait plus mention qu’elle pourrait retourner au travail.

[50]  Dans un courriel envoyé le 10 juillet 2017, Mme Lacroix a déclaré ce qui suit : [traduction] « Comme vous n’êtes pas en mesure de retourner au travail dans un avenir prévisible, vous ne pouvez pas passer du congé de maladie à un autre type de congé, puisque cela ne permet pas de régler notre situation relative au congé de maladie. »

[51]  Mme Gallinger a déposé un grief au sujet du refus de sa demande de congé. Les parties ont confirmé que le grief avait été suspendu au niveau ministériel. Je n’en suis pas saisi.

[52]  Le 14 juillet 2017, soit la date limite, Mme Gallinger a envoyé un courriel à Mme Lacroix, affirmant qu’elle attendait toujours des renseignements d’un spécialiste. Elle a écrit ce qui suit : [traduction] « Je dois demander une prorogation pour avoir assez de temps pour prendre une décision éclairée sur la date à laquelle je serais en mesure de retourner au travail. » Le 17 juillet, Mme Lacroix a répondu en demandant à Mme Gallinger combien de temps elle demandait. Le 20 juillet Mme Gallinger a dit qu’elle était confrontée par un certain nombre de contraintes qui échappaient de son contrôle et que les meilleurs renseignements dont elle disposait étaient qu’il faudrait environ de 8 à 10 semaines pour prendre une décision éclairée.

[53]  En réponse, Mme Lacroix a envoyé un courriel en vue de [traduction] « […] accuser réception de votre demande d’obtenir une prorogation afin que vous puissiez prendre une décision éclairée relative aux options qui vous ont été envoyées le 7 juillet 2007 ». Elle a déclaré que la demande de prorogation avait été approuvée jusqu’au 15 septembre 2017. Une quatrième (et dernière) lettre d’options en date du 31 juillet 2017 (« lettre d’options no 4 ») était jointe à la confirmation. Elle était, pratiquement, identique à la troisième lettre. Elle décrivait les deux mêmes options : soit 1) la retraite pour raisons médicales ou 2) la démission et elle a confirmé la date limite du 15 septembre. Tout comme la lettre d’options no 3, elle a dit que le licenciement serait envisagé si elle ne [traduction] « prenait pas les mesures nécessaires pour quitter la fonction publique ». Encore une fois, il n’y avait aucune mention qu’elle pourrait retourner au travail.

[54]  Une réunion a été tenue le 3 août 2017, entre l’employeur et les représentants syndicaux de Mme Gallinger. La réunion a été prévue à l’origine pour discuter du grief concernant le refus de l’employeur de sa demande de congé, elle semble plutôt avoir été axée sur sa situation d’emploi. En contre‑interrogatoire, Mme Lacroix a témoigné qu’elle se souvenait de la réunion et d’une discussion sur la prorogation de la date limite relative au CNP de maladie de Mme Gallinger. Elle ne pouvait pas se souvenir d’une discussion sur les défis que Mme Gallinger devait relever pour obtenir les renseignements médicaux.

[55]  Mme Gallinger n’a pas assisté à la réunion du 3 août 2017 et aucun représentant syndical n’a été cité à témoigner. Toutefois, dans un courriel en date du 4 août 2017 (et déposé en preuve sur consentement), M. Ouellette a fait état de la réunion à Mme Gallinger. Il lui a dit que l’employeur ne prorogerait pas la date limite au‑delà du 15 septembre 2017. Il a déclaré qu’il avait informé l’employeur des difficultés qu’elle avait éprouvées pour obtenir et présenter une évaluation médicale. Il a dit qu’il a informé l’employeur qu’un grief et une plainte à la CCDP seraient déposés s’il procédait au licenciement de la fonctionnaire. Enfin, il l’a informé qu’il était [traduction] « impératif » d’essayer de respecter la date limite du 15 septembre et il lui a offert de l’aider à demande l’aide du médecin pour la respecter.

[56]  Mme Gallinger a reçu une nouvelle note de son médecin de famille en date du 13 septembre 2017 qui qui se lisait comme suit :

[Traduction]

Veuillez noter que j’ai vu Ioulia au bureau aujourd’hui. Elle ne sera pas en mesure de retourner au travail à l’instant. Ioulia subira un traitement à l’automne et elle sera plus en mesure de prédire son retour au travail. Je prévois qu’elle devra faire l’objet d’un retour progressif au travail. Si son traitement va bien, ce sera aux débuts de 2018.

[57]  Mme Gallinger n’a pas fourni cette note du médecin à son employeur avant la date limite du 15 septembre.

[58]  L’employeur s’est opposé au dépôt en preuve de cette note au motif qu’il s’agissait d’une [traduction] « preuve relative aux événements survenus après le licenciement » et qu’il s’agissait d’un ouï‑dire puisque le médecin n’a pas été cité à témoigner. Les représentants de la fonctionnaire ont soutenu qu’ils cherchaient à ce que la fonctionnaire en accuse réception et en reconnaisse son envoi. J’ai accepté qu’elle soit déposée en preuve et j’ai indiqué que j’examinerai les arguments des parties quant au poids à lui accorder à titre d’élément de preuve.

[59]  Quant à la raison pour laquelle la note n’a pas été remise à l’employeur avant la date limite du 15 septembre, Mme Gallinger a témoigné que M. Ouellette lui avait demandé de lui fournir les renseignements médicaux et qu’il les fournirait à l’employeur. Elle a également témoigné qu’elle avait éprouvé des difficultés techniques à balayer la note pour lui. Lorsqu’elle a réussi, elle a appris qu’il était en congé annuel. Elle a témoigné qu’elle avait communiqué avec un autre représentant de l’IPFPC, Dejan Toncic, et qu’elle lui avait demandé de demander à l’employeur une prorogation de la date limite du 15 septembre. Elle a présenté des échanges de courriels qui indiquaient que M. Toncic a dit qu’il avait présenté la demande, mais qu’il n’avait reçu aucune réponse.

[60]  Mme Lacroix a témoigné qu’elle avait reçu une demande de M. Toncic pour proroger la date limite que bien après l’envoi de la lettre de licenciement. Elle n’a eu connaissance d’une telle demande que le 4 octobre lorsqu’il a demandé une prorogation à une autre Chantal Lacroix à l’ASFC, dont l’adresse électronique était légèrement différente. Mme Lacroix a témoigné qu’étant donné qu’elle et l’autre personne ayant le même nom étaient parfois confondues, elles s’informaient l’une et l’autre immédiatement si elles recevaient un courriel à l’intention de l’autre. Cela s’est produit relativement au courriel de M. Toncic; la [traduction] « mauvaise » Chantal Lacroix l’a acheminé à la bonne Mme Lacroix quelques minutes suivant son envoi.

C.  Lettre de licenciement et suivi (de septembre à novembre 2017)

[61]  Étant donné que l’employeur n’avait rien entendu de la part de Mme Gallinger avant la date limite du 15 septembre 2017, il a décidé de mettre fin à son emploi. Sa lettre de licenciement était en date du 22 septembre 2017 et lui a été remise le 26 septembre 2017. Elle a été signée par M. Tremblay. Elle a fait référence aux trois options décrites dans la lettre d’options no 1 et les a résumées comme suit : [traduction] « […] le retour au service avec l’attestation médicale pertinente, la démission ou la retraite pour raisons médicales sous réserve de l’approbation de Santé Canada ».

[62]  La lettre indiquait également qu’on lui avait accordé trois prorogations consécutives pour confirmer sa décision. Elle indiquait que son omission d’exercer l’une des options dans les délais prescrits et que les seuls renseignements médicaux fournis était la note du médecin du 19 avril 2017. Elle a indiqué qu’aucun autre congé non payé ne serait approuvé au‑delà du 15 septembre et que son emploi a pris fin le 22 septembre 2017.

[63]  Selon le témoignage de la fonctionnaire, le 26 septembre 2017, avant de recevoir la lettre de licenciement, elle avait participé à une correspondance avec M. Ouellette de l’IPFPC. Elle a réussi à envoyer la note du médecin à l’IPFPC le 22 septembre 2017. Elle a posé des questions au sujet de l’incidence qu’un retour au travail pourrait avoir sur ses prestations d’AI et ses services de santé. Le matin du 26 septembre, M. Ouellette lui a demandé si elle avait envoyé la note à l’employeur. Il a également indiqué que sa note du médecin du 13 septembre 2017 n’était qu’une note. Il lui a posé des questions au sujet de l’état d’un [traduction] « rapport final » et si son médecin de famille enverrait une lettre plus longue.

[64]  La fonctionnaire a témoigné que le rapport en question était celui de son spécialiste. Elle a dit qu’elle avait éprouvé des retards à consulter le spécialiste, des retards dans l’obtention d’un rapport et qu’il y avait des retards dans l’acheminement du rapport à son médecin de famille. Elle a témoigné qu’elle devait elle‑même remettre le rapport du spécialiste à son médecin de famille, qui n’avait pas terminé son examen de celui‑ci lorsqu’elle a rédigé la note du médecin du 13 septembre.

[65]  Le rapport du spécialiste n’a pas été déposé en preuve.

[66]  Après avoir reçu la lettre de licenciement, il ressort de la preuve que Mme Gallinger a demandé l’aide de son syndicat pour comprendre son incidence sur ses prestations d’AI et ses services de santé et pour savoir s’ils avaient reçu une réponse à la demande de prorogation qu’elle croyait avoir été présentée.

[67]  Le 3 octobre 2017, Mme Gallinger a envoyé un courriel à Mme Lacroix directement en réponse à la lettre de licenciement. Elle a expliqué qu’elle avait tenté d’obtenir les renseignements appropriés et nécessaires à son retour au travail. Elle a expliqué que l’IPFPC lui avait dit de transmettre les renseignements par son entremise, mais M. Ouellette était en congé annuel et son collègue (M. Toncic) était censé avoir demandé une prorogation, mais ne l’avait pas fait. Elle a déclaré qu’il avait été mis fin à son emploi [traduction] « […] en raison des erreurs commises par [ses] représentants de l’IPFPC ». Elle a demandé à Mme Lacroix de réexaminer la décision et de lui donner la possibilité de présenter ses documents médicaux.

[68]  Mme Gallinger a témoigné qu’elle n’avait reçu aucune réponse à cette demande. Mme Lacroix a témoigné (en contre‑interrogatoire) qu’elle n’avait pas réexaminé la décision de licencier la fonctionnaire parce qu’il n’y avait toujours pas de documents médicaux. Elle a également témoigné qu’elle n’avait pas demandé à la fonctionnaire de fournir des renseignements supplémentaires.

[69]  Mme Gallinger a reçu une nouvelle note de son médecin de famille en date du 11 octobre 2017 qui commence comme suit :

[Traduction]

Veuillez noter que j’ai rencontré Mme Gallinger le 11 octobre et que j’ai examiné ses progrès récents. Elle s’est rétablie légèrement de ses symptômes et estime qu’elle sera en mesure de retourner au travail graduellement à compter du 30 octobre. Elle est motivée à retourner au travail, même si elle ne s’était pas complètement rétabli de son état de santé. En raison de la gravité et de la durée de sa maladie, ainsi que de multiples facteurs perpétuels, je m’attends à ce que le retour au travail devra se faire sur une période de plusieurs mois afin de réussir.

[…]

[70]  La note suggère ensuite que Mme Gallinger commence à deux jours et demi par semaine, suivi par une augmentation graduelle du temps passé au travail et décrit plusieurs restrictions et les mesures d’adaptation proposées.

[71]  L’employeur s’est également opposé au dépôt en preuve de cette note au motif qu’elle constituait une preuve relative aux événements survenus après le licenciement et que le médecin n’a pas été cité à témoigner. Par conséquent, elle devrait être traitée comme un ouï‑dire. Elle a été présentée au cours du contre‑interrogatoire de M. Tremblay, qui a été demandé s’il se souvenait de l’avoir reçu. J’ai accepté de la déposer en preuve à ce motif et j’ai dit que j’examinerai les arguments des parties quant au poids à accorder à l’élément de preuve.

[72]  La fonctionnaire a témoigné que son médecin avait rédigé la note après avoir eu le temps d’examiner en plus de détail le rapport du spécialiste.

[73]  Une réunion a été tenue le 16 octobre 2017 entre M. Ouellette et l’employeur, plus particulièrement entre M. Tremblay et un représentant des Relations de travail. Mme Gallinger n’était pas présente à cette réunion, mais elle en a reçu un résumé de la part de M. Ouellette. Selon ce résumé, les notes du 13 septembre et du 11 octobre ont été fournies à l’employeur et il a été informé qu’il pouvait communiquer avec le médecin de la fonctionnaire s’il avait besoin de plus amples renseignements.

[74]  M. Tremblay se souvenait de la réunion du 16 octobre et d’avoir reçu les notes médicales. En contre‑interrogatoire, il a témoigné qu’il s’était engagé à répondre, mais qu’une fois qu’un grief a été déposé, il a décidé de ne pas répondre, puisque la question serait tranchée dans le cadre de la procédure de règlement des griefs.

[75]  Conformément à ce qui a été mentionné, le grief a été déposé le 30 octobre 2017. Il a été déposé directement au dernier palier et a été instruit le 24 novembre 2017. Une copie de l’exposé de M. Ouellette a été déposée en preuve sur consentement. Dans cet exposé, l’IPFPC a soutenu que la règle de deux ans énoncée dans la Directive constituait une [traduction] « date limite fixée arbitrairement », ce qui constituait une discrimination en vertu de la LCDP. L’exposé comportait un examen du contenu et des dates limites énoncées dans les quatre lettres d’options. L’IPFPC a également soutenu que Mm Gallinger avait établi une preuve prima facie de discrimination et que l’employeur devait établir que le maintien de son emploi constituait une contrainte excessive, ce qu’il n’a pas fait.

[76]  Mme Gallinger a témoigné qu’elle avait assisté à l’audition du grief et qu’elle se souvenait de la présentation du grief et d’une discussion sur la jurisprudence. Elle ne se souvenait pas du niveau de l’audience. Elle se souvenait que l’audience avait duré peut‑être 45 minutes. Elle s’est rappelé que les notes médicales du 13 septembre et du 11 octobre avaient été fournies.

[77]  L’employeur a publié sa réponse au dernier palier le 18 mars 2018, rejetant le grief.

D.  Prestations et évaluations de la Sun Life

[78]  Pendant son CNP de maladie, la fonctionnaire a demandé et a touché des prestations dans le cadre du régime d’AI de la Sun Life. Plusieurs lettres de la Sun Life ont été déposées en preuve, principalement sur le consentement des parties.

[79]  La Sun Life a approuvé pour la première fois la demande de Mme Gallinger dans une lettre du 25 novembre 2015, une lettre qui décrivait ses prestations, ainsi que ses obligations de tenir l’assureur au courant de tout changement de son état de santé. Elle a également déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Selon le rapport du spécialiste du 15 octobre 2015, en raison des recommandations de traitement proposées par le spécialiste, nous ne nous attendons pas à ce que la période de rétablissement soit prolongée et nous prévoyons un retour au travail dans un proche avenir tout en poursuivant le traitement, au besoin.

[…]

[80]  Dans une lettre en date du 28 octobre 2016, déposée par Mme Gallinger en contre‑interrogatoire, la Sun Life l’a informé que son omission de subir un examen médical indépendant (EMI) avait entraîné la cessation de ses prestations d’AI à compter du 31 octobre 2016. Elle a témoigné que l’examinateur de l’EMI avait été impoli et l’avait harcelé et elle a confirmé qu’elle avait retiré son consentement à l’EMI.

[81]  Dans une lettre en date du 17 juillet 2017, la Sun Life a indiqué qu’à la suite d’un nouvel EMI, les prestations de Mme Gallinger [traduction] « […] avaient été approuvées temporairement au‑delà du 31 octobre 2016 ». La lettre précisait ensuite que [traduction] « [l]es conclusions de l’EMI, compte tenu de la mise en œuvre de toutes les recommandations de traitement proposées, on s’attend à ce qu’un retour au travail ait lieu dans un avenir prévisible, tout en poursuivant le traitement, au besoin ».

[82]  Dans une lettre connexe en date du 25 juillet 2017, la Sun Life a communiqué avec un autre médecin traitant la fonctionnaire et a fourni une copie du rapport d’un autre médecin spécialiste. La lettre indiquait que [traduction] « […] un retour au travail est prévu […] » et demandait l’aide du médecin à la préparer à retourner au travail.

[83]  Aucun élément de preuve n’a été fourni pour indiquer si l’employeur avait reçu des copies de ces lettres avant de prendre sa décision de licencier la fonctionnaire.

[84]  Des correspondances avec la Sun Life postérieures au licenciement ont également été déposées en preuve. Un rapport médical à l’intention de la Sun Life en date du 28 février 2018 indiquait que la fonctionnaire [traduction] « […] n’était pas en mesure de retourner au travail à court terme ». Dans une [traduction] « Mise à jour du participant au régime » que la fonctionnaire a signée le 25 août 2019, où on lui a demandé : [traduction] « Votre état de santé actuel s’est‑il amélioré? », elle a coché la case [traduction] « Non ».

[85]  Une lettre de la Sun Life à l’intention de la fonctionnaire en date du 17 janvier 2019, a permis de confirmer le total des paiements d’AI du 13 avril 2015 au 31 janvier 2019 s’élevait à 202 743 $, mais qu’à la suite de l’application d’augmentations de salaire rétroactives, il aurait dû s’élever à 205 464 $. Ce document a été présenté en contre‑interrogatoire et la plaignante ne se souvenait pas de l’avoir vu. Son représentant s’y est opposé en se fondant sur le fait que la fonctionnaire ne s’en souvenait pas et qu’elle constituait une preuve relative aux événements survenus après le licenciement. J’ai décidé qu’elle pouvait être déposée en preuve, sous réserve d’arguments.

E.  Témoignages supplémentaires pertinents

[86]  On a demandé à Mme Lacroix à maintes reprises, étant donné que les lettres d’options nos 2, 3 et 4 n’offraient que deux options, ce qu’elle aurait fait si Mme Gallinger l’avait approchée pour retourner au travail. Elle a déclaré chaque fois qu’elle aurait examiné les renseignements fournis, aurait consulté les Relations de travail et aurait peut‑être envisagé de l’envoyer à Santé Canada pour une évaluation de l’aptitude au travail (EAT). Elle n’a pas envoyé la fonctionnaire à Santé Canada parce que son médecin n’a jamais indiqué que la fonctionnaire était prête à retourner au travail. Selon elle, il s’agit d’une pratique normale de demander l’intervention de Santé Canada uniquement si le médecin recommande un retour au travail.

[87]  Mme Lacroix a également témoigné que même si chaque lettre d’options informait Mme Gallinger qu’elle pouvait poser des questions, elle n’a jamais reçu de demande de renseignement de la part de la fonctionnaire.

[88]  Comme Mme Lacroix, M. Tremblay a également témoigné qu’il aurait également examiné toute recommandation du médecin qui indiquait que Mme Gallinger était prête à retourner au travail.

[89]  En contre‑interrogatoire, M. Tremblay a admis qu’en plus d’avoir le pouvoir délégué de licencier la fonctionnaire, il avait également le pouvoir délégué de la rétablir dans ses fonctions, même s’il ne l’avait fait que sur les conseils des Relations de travail.

[90]  Mme Gallinger a témoigné que tout au long du processus des lettres d’options, elle a toujours voulu retourner au travail, malgré le contenu des lettres. Après avoir reçu la lettre d’options no 2, elle s’est sentie bouleversée et sidérée. Elle ne comprenait pas comment l’employeur avait conclu qu’elle ne pouvait pas retourner au travail. Elle a reconnu qu’elle n’a pas posé de questions en réponse aux lettres d’options et qu’elle n’avait pas communiqué avec Mme Lacroix. Elle a expliqué qu’elle ne connaissait pas Mme Lacroix. En raison du contenu de la lettre d’options no 2 et de celles qui ont suivi, elle estimait que l’employeur ne voulait pas envisager son retour au travail.

[91]  Elle a également témoigné que l’employeur n’avait jamais communiqué avec elle pour discuter de la situation. Elle a formulé des commentaires sur le manque de communication et sur le fait que pendant la période visée, elle n’appréciait pas à quel point elle devait tenir tout le monde au courant de sa situation. Elle a témoigné qu’elle aurait fait les choses différemment si elle avait su à l’avance que son CNP de maladie se limitait à deux ans.

[92]  La fonctionnaire a témoigné qu’elle voulait toujours retourner au travail, à condition que ses médecins l’appuient. Elle a exprimé sa frustration à l’égard des retards dans le système médical. Une fois qu’elle savait que son médecin appuyait un retour au travail, elle a commencé à se sentir optimiste, mais cela s’est produit au moment où l’employeur a décidé de la licencier. Le licenciement avait une incidence négative sur sa santé et il lui a rappelé de choses négatives qu’on lui avait dit au sujet de ses perspectives d’une vie heureuse lorsque sa fille handicapée est née. Elle ressentait de la honte et de l’isolement et a dit que le licenciement avait eu des répercussions négatives sur sa santé mentale, ses finances et ses relations familiales.

[93]  Entre‑temps, depuis son licenciement, Mme Gallinger a continué de toucher des prestations d’AI, sa demande de retraite pour raisons médicales a été refusée (octobre 2018) au motif qu’elle n’avait pas une incapacité totale et sa demande de prestations d’invalidité du RPC a été refusée (juin 2019) au motif que son incapacité n’était pas grave et prolongée.

[94]  Depuis son licenciement, Mme Gallinger a postulé plusieurs possibilités d’emploi auprès du gouvernement, mais elle n’a pas été en mesure d’obtenir les références requises pour passer les premiers critères et entrevues. Elle a finalement commencé un travail de bénévole destiné à aider les travailleurs de la TI à acquérir de l’expérience requise pour se réintégrer à la population active. À l’audience, elle avait obtenu un poste contractuel auprès d’une petite entreprise du secteur privé et avait commencé à retourner au travail sous la garde de son médecin de famille.

[95]  La fonctionnaire a présenté en tant qu’élément de preuve une note du 20 janvier 2020 d’un médecin qui recommandait un retour progressif au travail, commençant par une semaine de deux jours et demi et passant à cinq jours complets sur une période de 14 semaines. L’employeur s’est également opposé à la présentation de cet élément de preuve au motif qu’il s’agissait d’une preuve relative aux événements survenus après le licenciement qui n’était pas pertinent à sa décision de la licencier en septembre 2017.

IV.  Résumé de l’argumentation

[96]  Je résumerai brièvement les arguments de l’employeur et de la fonctionnaire; ils seront analysés en détail par thème pour les motifs suivants.

[97]  Selon l’argument principal de l’employeur, il a pris une décision raisonnable de mettre fin à l’emploi de Mme Gallinger en fonction des renseignements dont il disposait au moment de la décision. La loi est claire : l’employeur n’est pas tenu d’assurer une relation de travail avec un employé qui n’est pas en mesure de retourner au travail. L’ASFC a agi raisonnablement lorsqu’elle a envoyé la lettre d’options no 1 après que la fonctionnaire était en CNP de maladie pendant deux ans, conformément à la Directive. Il a été plus que raisonnable lorsqu’il lui a accordé plusieurs prorogations. Après six mois d’attente, elle n’avait toujours pas la preuve qu’elle serait en mesure de retourner au travail dans un avenir prévisible et, par conséquent, sa décision devrait être jugée raisonnable.

[98]  À l’appui de cet argument principal, l’employeur a également fait valoir ce qui suit :

[99]  Selon le principal argument de la fonctionnaire, la décision de l’employeur de la licencier était discriminatoire en vertu de la convention collective applicable et la LCDP fondée sur son incapacité et que sa décision ne répondait pas au critère requis de contrainte excessive. Il a agi de manière déraisonnable et a fait preuve de discrimination à son égard lorsqu’il a retiré l’option de retourner au travail de la lettre d’options no 2 et des lettres d’options subséquentes.

[100]  La fonctionnaire n’a pas refusé de fournir des renseignements à l’employeur; elle l’a informé tout au long du processus qu’elle attendait les résultats d’un spécialiste avant de demander à son médecin de lui donner des recommandations concernant son retour au travail. La décision de l’employeur de la licencier a été prise sans une preuve claire qu’elle ne retournerait pas au travail dans un avenir prévisible. Les témoins de l’employeur ne pouvaient pas définir clairement ce que le terme « prévisible » signifiait pour eux.

[101]  Tout en reconnaissant qu’il se peut que l’employeur n’ait pas reçu une note à jour ou une demande de prorogation avant la date limite du 15 septembre 2017, la fonctionnaire avait reçu, à cette date, l’autorisation d’envisager un retour au travail dans un proche avenir. Elle et son syndicat ont transmis ces renseignements de manière officieuse en octobre lorsqu’ils ont demandé un réexamen de la décision de la licencier. Elle et son syndicat ont ensuite transmis officiellement les renseignements dans le cadre de la procédure de règlement des griefs, ce qui a abouti à la présentation du grief au dernier palier en novembre 2017. La procédure de règlement des griefs vise à permettre un examen et elle a pour but de donner à l’employeur la possibilité de réexaminer sa décision. La Commission a le pouvoir d’examiner et d’annuler la décision qu’un employeur prend dans le cadre de la procédure de règlement des griefs.

V.  Motifs

A.  Licenciement pour incapacité médiale et capacité de retourner au travail dans un avenir prévisible

[102]  La présente affaire concerne un licenciement en raison de l’incapacité présumée de la fonctionnaire de retourner au travail pour des raisons médicales. Le pouvoir de l’employeur de mettre fin à l’emploi est conféré par la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. 1985, ch. F‑11; LGFP) à l’al. 12(1)e), qui prévoit qu’un administrateur général peut licencier un employé « […] pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite […] ».

[103]  Le grief visait à contester la décision de l’employeur de la licencier au motif qu’elle n’était pas raisonnable et qu’elle était discriminatoire envers la fonctionnaire fondée sur son incapacité, en contravention de la convention collective applicable et de la LCDP.

[104]  La décision de l’employeur d’envoyer la lettre d’options no 1 et d’entamer le processus menant au licenciement a été prise en vertu des dispositions de la Directive, qui énonce ce qui suit :

[…]

La personne ayant le pouvoir délégué doit réexaminer chaque cas périodiquement afin de s’assurer que le congé non payé accordé pour maladie ou blessure survenue au travail n’est pas prolongé sans raison médicale valable. Les cas de congé non payé doivent être réglés dans les deux ans qui suivent la date du début du congé, quoique chaque cas doit être évalué sous réserve de ses circonstances particulières.

[…]

[105]  Dans le cadre de la présentation du grief au dernier palier, l’IPFPC a soutenu que la Directive est discriminatoire parce qu’elle prévoit que les situations dans lesquelles les employés ont une incapacité doivent être réglées dans un [traduction] « délai fixé arbitrairement » (c.‑à‑d. le délai de deux ans). Toutefois, l’argument de la fonctionnaire n’était pas axé sur ce point à l’audience. Au contraire, ils se sont concentrés sur la question de savoir si l’employeur a manqué à ses obligations juridiques dans son cas particulier.

[106]  La convention collective applicable est celle qui a été conclue entre l’IPFPC et le Conseil du Trésor pour le groupe CS qui est venu à échéance le 21 décembre 2018. La disposition interdisant la discrimination figure à la clause 43.01. Elle prévoit qu’il n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction ou coercition à l’égard d’un employé‑e du fait, entre autres, de son incapacité.

[107]  Selon l’al. 226(2)a) de la Loi, l’arbitre de grief et la Commission peuvent, pour instruire toute affaire dont ils sont saisis, interpréter et appliquer la LCDP, sauf les dispositions de cette loi sur le droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes, relative à l’emploi, même si la LCDP entre en conflit avec une convention collective.

[108]  L’art. 7 de la LCDP énonce ce qui suit : « Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects : a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu; ou b) de le défavoriser en cours d’emploi. » L’article 3 énonce que la déficience est l’un des motifs de distinction illicites.

[109]  Il incombe à la fonctionnaire d’établir une preuve prima facie (c’est‑à‑dire, à première vue) qu’un acte discriminatoire a été commis. En d’autres termes, elle doit présenter la preuve « […] qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l’absence de réplique de l’employeur intimé […] » (Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons‑Sears, 1985 CanLII 18 (CSC), [1985] 2 RCS 536, au par. 28).

[110]  En réponse, l’employeur peut réfuter l’allégation de discrimination prima facie ou présenter un moyen de défense fondé sur l’article 15 de la LCDP, dont la disposition pertinente se lit comme suit :

15(1) Ne constituent pas des actes discriminatoires :

a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l’employeur qui démontre qu’ils découlent d’exigences professionnelles justifiées […]

[111]  Au par. 15(2), la LCDP énonce qu’un acte discriminatoire est considéré comme fondé sur une exigence professionnelle justifiée (EPJ) :

[…] s’il est démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d’une personne ou d’une catégorie de personnes visées constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.

[112]  En ce qui concerne la question de savoir ce qui constituerait une contrainte excessive, l’employeur a soutenu que la jurisprudence a établi qu’il n’était pas déraisonnable de mettre fin à un emploi lorsqu’un employé ne peut pas démontrer sa capacité de retourner au travail dans un avenir prévisible. La Cour suprême du Canada a énoncé les principes à appliquer dans Hydro‑Québec c. Syndicat des employé‑e‑s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro‑Québec, section locale 2000 (SCFP‑FTQ), 2008 CSC 43, plus particulièrement aux paragraphes 14 à 19, comme suit :

[14] […] [L]es mesures d’accommodement ont pour but de permettre à l’employé capable de travailler de le faire. En pratique, ceci signifie que l’employeur doit offrir des mesures d’accommodement qui, tout en n’imposant pas à ce dernier de contrainte excessive, permettront à l’employé concerné de fournir sa prestation de travail. L’obligation d’accommodement a pour objet d’empêcher que des personnes par ailleurs aptes ne soient injustement exclues, alors que les conditions de travail pourraient être adaptées sans créer de contrainte excessive.

[15] L’obligation d’accommodement n’a cependant pas pour objet de dénaturer l’essence du contrat de travail, soit l’obligation de l’employé de fournir, contre rémunération, une prestation de travail […]

[16] Le critère n’est pas l’impossibilité pour un employeur de composer avec les caractéristiques d’un employé. L’employeur n’a pas l’obligation de modifier de façon fondamentale les conditions de travail, mais il a cependant l’obligation d’aménager, si cela ne lui cause pas une contrainte excessive, le poste de travail ou les tâches de l’employé pour lui permettre de fournir sa prestation de travail.

[17] […] Cependant, en cas d’absentéisme chronique, si l’employeur démontre que, malgré les accommodements, l’employé ne peut reprendre son travail dans un avenir raisonnablement prévisible, il aura satisfait à son fardeau de preuve et établi l’existence d’une contrainte excessive.

[…]

[19] […] L’obligation d’accommodement qui incombe à l’employeur cesse là où les obligations fondamentales rattachées à la relation de travail ne peuvent plus être remplies par l’employé dans un avenir prévisible.

[113]  L’employeur a invoqué un certain nombre de décisions dans lesquelles la Commission (ou ses prédécesseurs) a appliqué ces principes en matière de licenciement en vertu de l’al. 12(1)e) de la LGFP. Chacune d’elles concernait une incapacité médicale et l’application de la Directive.

[114]  L’affaire Calabretta c. Conseil du Trésor (Ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2015 CRTEFP 85, portait sur une fonctionnaire qui avait été en congé de maladie prolongé de juillet 2010 à janvier 2013 et qui avait tenté de retourner au travail à l’aide d’une mesure d’adaptation, mais qui a pris à nouveau un congé de maladie en juin 2013. Cet employeur, après avoir prorogé son congé plusieurs fois, a demandé qu’elle participe à une EAT en février 2014, qui a conclu qu’une « […] évaluation pourrait être effectuée après six à neuf mois pour déterminer “si” un retour pouvait être tenté » (au paragraphe 297, le passage en évidence l’est dans l’original). Pour ce motif et après avoir entendu les autres témoignages selon lesquels le retour de la fonctionnaire s’estimant lésée « […] qu’il n’y avait aucune certitude […] de son retour au travail » (au paragraphe 298), la Commission (connue à l’époque sous son ancien nom, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique) a appliqué les principes énoncés dans Hydro‑Québec, et a conclu que l’employeur avait établi une contrainte excessive et a confirmé le licenciement.

[115]  Dans Belisle c. Administrateur général (ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord), 2016 CRTEFP 88, la Commission a appliqué Hydro‑Québec et a déterminé que ce qui importe est l’information dont disposait l’employeur à la date du congédiement. Dans Belisle, à la date de licenciement, le fonctionnaire s’estimant lésé était absent du lieu de travail depuis 8,5 années. Avant cette date, son médecin avait présenté une note indiquant qu’il avait « exprimé avec un optimisme modéré » qu’un retour au travail pourrait être effectué dans deux ans (voir le paragraphe 47). Dans ce contexte, la Commission a conclu qu’il était raisonnable pour l’administrateur général de douter sérieusement qu’un retour au travail ait lieu dans un avenir prévisible et le grief a été rejeté.

[116]  Dans St‑Denis c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2019 CRTESPF 46, la fonctionnaire s’estimant lésée avait été en CNP de maladie, et comme Mme Gallinger, une lettre d’options lui avait été acheminée qui comportait son choix de retourner au travail, de prendre une retraite pour raisons médicales ou de démissionner. L’employeur, disposant d’une note du médecin indiquant qu’il [traduction] « […] n’est pas prévu qu’elle retourne au travail dans un avenir prévisible » (au paragraphe 106), a conclu qu’il n’y aurait aucun retour au travail et une autre lettre d’options lui a été envoyée, comportant seulement deux options : la retraite pour raisons médicales ou la démission. Lorsque la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas fait de choix, elle a été licenciée. Encore une fois, en appliquant les principes énoncés dans Hydro‑Québec, la Commission a conclu que les actes de l’employeur étaient raisonnables et a rejeté le grief.

[117]  En appliquant ces arguments à la situation de Mme Gallinger, l’employeur a soutenu qu’il était justifié d’exiger qu’elle fournisse des renseignements médicaux à l’appui d’un retour de travail, comme dans Calabretta, Belisle et St‑Denis. Lorsqu’elle ne l’a pas fait dans le délai imparti, il était raisonnable pour l’employeur de conclure qu’un retour au travail n’aurait pas lieu et de restreindre les options décrites dans ses lettres, comme l’a fait l’employeur dans St‑Denis. Il a soutenu que malgré les prorogations répétées de son délai, Mme Gallinger n’a jamais fourni d’autres renseignements, autre que la note de son médecin de famille du 19 avril 2017 qui indiquait qu’elle attendait de consulter un spécialiste.

[118]  Enfin, l’employeur a prorogé la date limite jusqu’au 15 septembre 2017 et lorsque cette date est venue et il n’y avait toujours aucune réponse de Mme Gallinger ou de son syndicat, il a rédigé et signé la lettre de licenciement. Comme dans Calabretta, l’employeur a soutenu que le critère permettant de décider que sa décision était raisonnable doit être établi en fonction des renseignements dont il disposait à ce moment‑là. Il ne disposait pas de la note du médecin du 13 septembre 2017 parce que la fonctionnaire ne l’avait pas fournie.

[119]  Suivant également Belisle (au paragraphe 48), l’employeur a fait valoir que le fait que Mme Gallinger touchait des prestations d’AI de la Sun Life et qu’elle avait continué de les toucher à compter du moment où elle a été licenciée jusqu’à l’audience permet d’établir davantage qu’elle n’avait pas été en mesure de retourner au travail dans un avenir prévisible.

[120]  En invoquant Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 RCS 970, l’employeur a soutenu qu’il est bien établi que la recherche d’une mesure d’adaptation exige une enquête multipartite concernant l’employeur, le syndicat et l’employé. En l’espèce, la fonctionnaire n’a présenté aucune demande de mesures d’adaptation. Elle n’a jamais fourni de renseignements médicaux indiquant l’exigence d’une mesure d’adaptation. Comme dans Belisle, on ne devrait pas reprocher à l’employeur de ne pas avoir demandé une EAT; Mme Gallinger n’a jamais fourni les renseignements pour justifier la demande d’une telle mesure.

[121]  L’employeur a soutenu qu’il n’est pas non plus tenu d’agir comme son propre détective, en invoquant Maher c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2018 CRTESPF 93. Tout comme les décisions citées antérieurement, Maher portait également sur l’application d’Hydro‑Québec. La fonctionnaire s’estimant lésée était en CNP de maladie et touchait des prestations d’AI depuis sept ans avant son licenciement. Au moment de l’arbitrage, elle a soutenu que son employeur aurait dû avoir exigé une EAT. La Commission a conclu que « […] il incombe à l’employé de prouver qu’il est apte sur le plan médical à retourner au travail […] » (au paragraphe 59).

[122]  À la lumière de ce qui précède, toute suggestion selon laquelle l’employeur aurait dû demander à Mme Gallinger de fournir d’autres renseignements n’aurait aucun fondement. L’employeur lui a donné de nombreuses possibilités de poser des questions (tel qu’il est indiqué dans chacune des lettres d’options) et lui a accordé de nombreuses prorogations pour fournir les renseignements médicaux indiquant un retour au travail possible. Aucune question ni aucun renseignement médical n’a été acheminé à l’employeur et, par conséquent, ce dernier a soutenu que sa décision de la licencier était raisonnable.

[123]  En réponse à ces arguments, la fonctionnaire a fait valoir que trois éléments doivent être démontrés pour établir une preuve prima facie de discrimination. Elle a invoqué Rogers c. Agence du revenu du Canada, 2016 CRTEFP 101, qui résume comme suit (aux paragraphes 75 à 77) ces éléments : 1) La fonctionnaire est-elle atteinte d’une déficience (c.‑à‑d. un motif de distinction illicite)? 2) A‑t‑elle subi un effet préjudiciable en ce qui a trait à son emploi? 3) Peut‑elle démontrer que sa déficience a été un facteur de cet effet préjudiciable? Après avoir appliqué le critère, il incombe à l’employeur, dans ce contexte, d’établir son moyen de défense fondé sur l’EPJ en établissant que la prise d’une mesure d’adaptation pour répondre aux besoins de la fonctionnaire lui imposerait une contrainte excessive, compte tenu de la santé, de la sécurité et des coûts.

[124]  Je n’ai aucun doute que la fonctionnaire a établi une preuve prima facie de discrimination. En premier lieu, elle a établi qu’elle était atteinte d’une incapacité. Comme elle l’a fait valoir, l’employeur ne l’a pas contesté et ses lettres d’options no 2 à 4 font référence à son incapacité. Son admissibilité aux prestations d’AI à compter de novembre 2015 établit également qu’elle était atteinte d’une incapacité. En deuxième lieu, il a été mis fin à son emploi et elle a donc subi un effet préjudiciable. En troisième lieu, le fait qu’il a été mis fin à son emploi en raison d’une incapacité médicale après plus de deux ans de CNP de maladie permet d’établir que son incapacité constituait un facteur de son licenciement.

[125]  Il s’agit donc de savoir si l’employeur a satisfait au critère de contrainte excessive énoncé dans la LCDP, Hydro‑Québec et d’autres décisions invoquées antérieurement.

[126]  Je n’estime pas que la situation de Mme Gallinger soit comparable à celle d’Hydro‑Québec ou à celle des autres décisions invoquées par l’employeur.

[127]  La fonctionnaire s’estimant lésée dans Hydro‑Québec avait manqué 960 jours de travail sur une période de sept ans et était en congé de maladie prolongé au moment de son congédiement. Son médecin traitant avait prescrit un arrêt de travail « d’une durée indéterminée » (au paragraphe 4) et elle avait obtenu une expertise d’un psychiatre, lequel avait conclu que l’employée ne serait plus en mesure de fournir une prestation de services sans faire preuve d’un absentéisme chronique. Compte tenu de ces faits, la Cour suprême a conclu que son employeur avait été justifié de conclure que l’employée était incapable de remplir les obligations fondamentales rattachées à la relation de travail.

[128]  De même, dans Calabretta, la fonctionnaire s’estimant lésée était absente du travail pendant presque quatre ans et l’employeur disposait au moment de son licenciement d’un rapport de Santé Canada et d’un rapport provenant d’un psychologue qui indiquait qu’un retour au travail ne serait possible qu’en fonction d’une évaluation future. De même, dans Belisle, le fonctionnaire s’estimant lésé était absent du lieu de travail pendant 8,5 heures et cet employeur avait obtenu une note du médecin indiquant qu’il avait « exprimé avec un optimisme modéré » qu’un retour au travail pourrait être effectué dans deux ans. La fonctionnaire s’estimant lésée dans Maher était en CNP de maladie depuis sept ans lorsque son employeur a reçu un billet ambigu indiquant que la fonctionnaire s’estimant lésée espérait retourner au travail dans environ un an. La fonctionnaire s’estimant lésée dans St‑Denis a été licenciée après un CNP de maladie de 3,5 ans en fonction d’une note de la médecin indiquant clairement qu’elle « […] ne retournera pas au travail dans un avenir prévisible […] » (au paragraphe 23), qui avait été présentée presque un an avant le licenciement.

[129]  En d’autres termes, dans toutes ces affaires, les employeurs en question disposaient d’énoncés clairs de professionnels de la santé selon lesquelles les retours au travail des fonctionnaires s’estimant lésés étaient « d’une durée indéterminée », « ne serait possible que », dans peut‑être deux ans ou « […] pas […] dans un avenir prévisible […] ».

[130]  La note du médecin de Mme Gallinger du 19 avril 2017 n’indiquait pas cela. Il ne s’agissait pas d’un énoncé clair et positif de son incapacité de retourner au travail dans un avenir prévisible et n’indiquait rien au sujet d’un retour au travail possible à un moment donné dans un avenir lointain. Elle indiquait simplement qu’elle attendait de consulter un spécialiste.

[131]  J’accepte que la note ne renfermait pas les renseignements que l’employeur avait demandés en ce qui concerne la confirmation d’un retour au travail. Je conviens qu’elle n’a fourni aucun aperçu des limitations fonctionnelles et des mesures d’adaptation requises. Toutefois, je ne retiens pas l’argument de l’employeur selon lequel son contenu justifiait la conclusion de Mme Lacroix selon laquelle Mme Gallinger ne pouvait pas retourner au travail dans un avenir prévisible.

[132]  À la lumière de cela, je n’estime pas qu’il était raisonnable que l’employeur ait retiré la première option (un retour au travail possible) des choix offerts à Mme Gallinger dans les lettres d’options nos 2 à 4. J’estime fallacieuses les affirmations de Mme Lacroix et de M. Tremblay selon lesquelles ils auraient néanmoins envisagé un retour au travail. Mme Lacroix a témoigné que puisque Mme Gallinger était toujours employée, elle avait bien sûr le droit de retourner au travail et qu’à la deuxième page de la lettre d’options no 2, le texte indique, dans ce qui semble être une clause type près de la fin de la lettre, que le licenciement ne serait envisagé que si elle ne retournait pas au travail.

[133]  Je n’estime qu’il était raisonnable que l’employeur s’attende à ce que Mme Gallinger, qui était toujours en CNP de maladie à l’époque pertinent, de naviguer dans cette logique relativement à une lettre qui indiquait clairement dans ses premiers paragraphes qu’elle devait choisir entre une des deux seules options en caractères gras, soulignées et précisées dans ces lettres : soit 1) prendre sa retraite pour raisons médicales ou 2) démissionner. Les lettres d’options nos 3 et 4 ne contenaient même pas cette clause type, ce qui ne laissait aucune ambiguïté dans les lettres que l’employeur s’attendait à ce qu’elle choisisse uniquement l’une de ces deux options.

[134]  Mme Gallinger a témoigné que la suppression de l’option de retourner au travail dans la lettre d’options no 2 l’a laissée [traduction] « bouleversée et sidérée ». J’estime que ce témoignage est crédible et qu’il s’agissait d’une réaction normale pour une personne qui luttait déjà à surmonter son incapacité.

[135]  L’employeur a contesté ma compétence pour me prononcer sur le contenu des trois dernières lettres d’options au motif que Mme Gallinger n’a pas contesté leur contenu et ne les a pas mentionnées dans le grief qu’elle a déposé et qu’elle a renvoyé à l’arbitrage. Je reviendrai à ces arguments plus tard dans mes motifs.

[136]  En parvenant à cette conclusion, je ne dis pas qu’un employeur est tenu de proroger un CNP de maladie pendant une période indéterminée en raison de l’incertitude des renseignements médicaux. Je suis saisi de la question de savoir s’il a été établi que la mesure d’adaptation à l’égard de Mme Gallinger consistant à attendre d’autres renseignements médicaux constituait une contrainte excessive.

[137]  Je fais remarquer que Mme Gallinger a été licenciée après seulement 2,5 ans de CNP de maladie, ce qui est une période plus courte que celle des fonctionnaires s’estimant lésés dans chacune des affaires Hydro‑Québec (absences prolongées de plus de 7,5 ans), Calabretta (4 ans), Belisle (8,5 ans), Maher (7 ans) et St‑Denis (3,5 ans). J’ai retenu l’argument de l’employeur selon lequel la jurisprudence ne permet pas d’établir qu’une contrainte excessive est atteinte lorsqu’une période particulière s’est écoulée. Dans Hydro‑Québec, la Cour suprême n’a pas dit qu’un employeur doit attendre deux ou cinq ans; selon la norme, une contrainte excessive est atteinte lorsque l’employé ne peut pas retourner « dans un avenir prévisible ». Il s’agit nécessairement d’un concept de caractère fluide qui doit être examiné en fonction de chaque cas. Néanmoins, dans chacune des décisions qui viennent d’être citées, les fonctionnaires s’estimant lésés avaient une preuve claire qu’ils ne retourneraient pas au travail dans un avenir prévisible, de même que les employeurs qui avaient déjà offert un CNP de maladie d’une durée plus longue que celle offerte par l’ASFC à Mme Gallinger.

[138]  Je fais également remarquer que dans la lettre d’options no 1, l’employeur a déclaré qu’en l’absence des renseignements médicaux demandés, il peut prendre les mesures suivantes :

[Traduction]

[…] demander que vous subissiez une évaluation de l’aptitude au travail […] qui servira à déterminer la probabilité d’un retour au travail dans un proche avenir et à élaborer toute modification aux fonctions de travail ou d’autres types de mesures d’adaptation pourraient être requis à votre retour au travail.

[…]

[139]  Toutefois, Mme Lacroix a témoigné qu’elle aurait mis en œuvre cette option que s’il y avait une indication positive d’un retour au travail par la fonctionnaire. Étant donné qu’aucune telle indication n’a été donnée, l’employeur a conclu que la fonctionnaire ne retournerait pas au travail dans un avenir prévisible et n’a pas demandé une EAT.

[140]  Je conclus qu’il n’était pas raisonnable pour Mme Lacroix de dire à la fonctionnaire qu’en l’absence d’une note du médecin, qu’elle pourrait demander une EAT et de témoigner ensuite qu’elle aurait demandé une EAT uniquement si une note avait été fournie. Après avoir dit qu’elle pouvait demander une EAT, j’estime qu’il était déraisonnable qu’elle n’en ait pas demandé une ensuite, étant donné le contenu de la note du médecin du 19 avril 2017.

[141]  Je souligne également que les mesures prises par l’employeur étaient contraires aux situations dans Calabretta, Maher et St‑Denis, dans lesquelles les employeurs concernés avaient, en réalité, demandé une EAT ou une évaluation médicale indépendante (EMI) de Santé Canada avant de prendre leurs décisions de licenciement.

[142]  Dans Belisle, l’employeur n’avait demandé ni une EAT ni une EMI, ce que la Commission a jugé raisonnable à la lumière de la preuve claire qu’aucun retour au travail n’était probable dans un avenir prévisible (au paragraphe 46).

[143]  En plus de supprimer l’option de retourner au travail à partir de la lettre d’options no 2, je conclus également que l’employeur a agi de manière déraisonnable en accordant à la fonctionnaire des prorogations insuffisantes des délais qu’il a fixés. La lettre d’options no 1, envoyée le 15 mars 2017, fixait un délai de 40 jours pour qu’elle réponde. Le 19 avril 2017, une note du médecin de famille indiquait qu’à la suite d’un rendez‑vous de la fonctionnaire avec un spécialiste, elle espérait pouvoir fournir une mise à jour au plus tard le 1er juillet. L’employeur a répondu par sa lettre d’options no 2 du 18 mai 2017, qui fixait la date limite au 2 juin 2017 (15 jours) pour choisir parmi les deux options qui avaient été mises en évidence. La fonctionnaire a dû ensuite demander une nouvelle prorogation avec l’aide de son syndicat, que l’employeur a fixé au 10 juillet 2017.

[144]  À la suite du rejet de sa demande de congé pour le soin à un membre de la famille immédiate, le 7 juillet, l’employeur a fixé la prochaine date limite le 14 juillet (sept jours). La fonctionnaire a ensuite demandé une autre prorogation et, le 20 juillet, elle a estimé qu’une période de [traduction] « 8 à 10 semaines » serait requise. La réponse de l’employeur le 31 juillet a fixé une date limite au 15 septembre 2017 qui était, au mieux, la période la plus courte de cette estimation.

[145]  En conclusion, j’ai conclu que plusieurs des actes de l’employeur au cours de la période de mars 2017 à juillet 2017 n’étaient pas raisonnables et étaient discriminatoires fondés sur l’incapacité; notamment, sa conclusion concernant le contenu de la lettre du 19 avril 2017, la suppression du choix [traduction] « retourner au travail » de la deuxième et des lettres subséquentes, l’omission de demander une EAT après avoir indiqué qu’il s’agissait d’une mesure possible et les courts délais établis dans nombreuses des lettres d’options.

[146]  Étant donné que je suis parvenu à ces conclusions, j’aborderai maintenant la question concernant les actes de l’employeur après que Mme Gallinger n’a pas respecté la date limite du 15 septembre 2017.

B.  L’omission de la fonctionnaire s’estimant lésée de répondre au plus tard le 15 septembre 2017

[147]  Dans la lettre d’options no 4, l’employeur a fixé une date limite claire du 15 septembre 2017. De plus, il semble avoir informé M. Ouellette à la réunion du 3 août 2017 qu’il n’accorderait plus de prorogations au-delà de cette date. Certes, M. Ouellette en a informé la fonctionnaire dans son rapport par courriel qui lui a été envoyé le 4 août 2017.

[148]  Il ressort clairement de la preuve que la fonctionnaire n’a pas respecté la date limite de l’employeur.

[149]  Mme Gallinger a témoigné qu’elle avait reçu la note du médecin du 13 septembre 2017 de son médecin de famille à cette date (soit un mercredi). Elle ne l’a pas acheminé à l’employeur. Au contraire, elle a témoigné qu’elle a suivi les directives qu’elle a dit que son syndicat lui avait données, soit de fournir la note du médecin par l’intermédiaire de ce dernier. Elle a également dit que lorsqu’elle a tenté de l’envoyer au syndicat, elle a éprouvé des difficultés techniques.

[150]  L’employeur a demandé pourquoi aucun élément de preuve de la directive d’IPFPC n’a été déposé. De plus, il a demandé pourquoi la fonctionnaire a réussi à remettre la note à son syndicat uniquement le 22 septembre, soit plus d’une semaine plus tard. Il a remis en question la crédibilité de son témoignage selon lequel elle avait éprouvé des difficultés techniques à acheminer la note au syndicat. Il a été établi, en contre‑interrogatoire et au moyen d’un renvoi au courriel, qu’à l’époque, Mme Gallinger possédait un iPad. Il a soutenu qu’en tant que professionnelle de la TI titulaire d’une maîtrise, elle disposait de la technologie et de la capacité de transmettre la note à son syndicat – sinon directement à l’employeur – plus rapidement.

[151]  La fonctionnaire a témoigné qu’après avoir reçu la note du 13 septembre, elle a tenté de communiquer avec M. Ouellette. Lorsqu’elle a appris qu’il était en congé, elle a communiqué avec M. Toncic, qui lui a dit qu’il demanderait une prorogation au‑delà du 15 septembre. Beaucoup de temps a été consacré aux contre‑interrogatoires de Mme Lacroix et de Mme Gallinger quant à savoir si M. Toncic avait présenté cette demande. Il n’a pas été cité à témoigner. Je dois conclure qu’il n’a présenté aucune demande avant la date limite du 15 septembre. Le seul élément de preuve qu’une telle demande a effectivement été présentée est un courriel que M. Toncic a envoyé le 4 octobre 2017, dans lequel il semble tenter de relancer la demande dans un courriel envoyé à la « mauvaise » Chantal Lacroix.

[152]  L’employeur a soutenu qu’il ne peut être tenu responsable de ne pas avoir reçu la note du médecin du 13 septembre 2017 avant de décider de mettre fin à l’emploi de Mme Gallinger. Il n’était pas responsable du fait qu’elle a suivi les prétendues directives de M. Ouellette de ne pas envoyer son rapport médical directement à l’employeur. Il n’était pas responsable de l’omission de M. Toncic de demander une prorogation. Il a fait valoir que si la fonctionnaire avait une cause d’action contre qui que ce soit, ce n’est pas contre l’ASFC, mais contre son syndicat. Tel que je l’ai mentionné plus tôt, en invoquant la décision de la Commission dans Maher, l’employeur a soutenu qu’il ne lui incombe pas d’agir à titre de détective et de recueillir des renseignements que la fonctionnaire doit fournir.

[153]  Afin de souligner son argument, l’employeur a invoqué la décision récente de la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Duval, 2019 CAF 290, concernant la décision de la Commission dans Duval c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2018 CRTESPF 52. Dans sa décision, la Commission a conclu que le Service correctionnel du Canada (SCC) n’avait pas pris les mesures d’accommodement adéquates à l’égard du fonctionnaire s’estimant lésé dans cette affaire et a ordonné que la mesure de redressement comprenne la réintégration à la date à laquelle le psychiatre du fonctionnaire s’estimant lésé a jugé qu’il était apte à retourner au travail. Lorsqu’elle a annulé la décision de la Commission, la Cour d’appel fédéral a statué comme suit, au paragraphe 24 :

[24] […] Cependant, le SCC n’a appris la modification de l’avis médical que trois semaines plus tard et la CSST n’a approuvé le retour au travail à un autre poste qu’à la mi‑mars. On ne peut reprocher d’aucune façon au SCC d’avoir omis de répondre à une demande de modification des tâches qui ne lui avait même pas été communiquée. En raisonnant comme elle l’a fait, la Commission a confondu, de manière déraisonnable, la capacité du défendeur à travailler avec l’obligation du SCC de rémunérer le défendeur et d’assurer son retour au travail.

[Je mets en évidence]

[154]  L’omission de la fonctionnaire de respecter la date limite du 15 septembre est l’un des aspects les plus troublants de cette affaire. De toute évidence, l’employeur l’avait informée que son omission d’exercer une option avant cette date limite pourrait entraîner son licenciement. Son syndicat l’avait informé que l’employeur n’accorderait aucune prorogation et que le non‑respect de cette date limite pourrait entraîner son licenciement.

[155]  Les témoignages que j’ai entendus m’ont mené à conclure qu’après avoir rencontré son médecin le 13 septembre 2017, Mme Gallinger a eu beaucoup de mal à choisir la bonne voie à suivre. Elle a témoigné que son médecin avait dit qu’elle pouvait appuyer un retour progressif au travail qui pourrait commencer au début de 2018, ce que la fonctionnaire souhaitait faire. Toutefois, elle croyait que son syndicat estimait qu’il devrait être son intermédiaire. Lorsqu’elle a finalement réussi à acheminer la note au syndicat, un peu plus d’une semaine trop tard, M. Toncic lui a dit qu’elle devrait tenir compte de l’incidence sur ses prestations d’AI. Dans sa correspondance avec lui, elle indique qu’elle a tenté d’évaluer l’incidence sur ses avantages dentaires et liés à la santé. Au milieu de tout cela, elle a reçu la lettre de licenciement de l’employeur.

[156]  Enfin, elle a décidé d’envoyer une lettre directement à Mme Lacroix dans le courriel du 3 octobre 2017, intitulé [traduction] « Demande d’aide ». Elle a expliqué qu’elle avait éprouvé des difficultés à obtenir les renseignements des spécialistes. Elle a expliqué la situation concernant le syndicat et a déclaré qu’elle estimait qu’on avait mis fin à son emploi [traduction] « […] en raison des erreurs commises pas [ses] représentants de l’IPFPC ». Elle a ensuite fait appel directement à Mme Lacroix comme suit :

[Traduction]

[…]

J’ai toujours dit que j’avais l’intention et le désir de retourner au travail et que le retard ne visait que la collecte des renseignements appropriés pour s’assurer que ce retour soit couronné de succès. Cela a été très frustrant d’essayer d’obtenir les renseignements dans le cadre d’un régime de soins de santé extrêmement lent, mais je vous assure que les retards sont les leurs et non les miens.

[…]

Je vous écris pour vous demander de réexaminer la décision et de me donner la possibilité de présenter mes documents médicaux, afin que nous puissions parvenir à une solution mutuellement acceptable. Veuillez m’informer de ce que vous pouvez faire pour moi pour aider à régler cette situation.

[157]  Mme Lacroix n’a pas répondu au courriel.

[158]  Je suis frappé en l’espèce par l’ampleur du processus qui s’est déroulé uniquement par l’échange de quelques lettres et courriels. Outre la discussion lors de la réunion du 3 août 2017 entre M. Ouellette, Mme Lacroix et d’autres, je ne dispose d’aucun élément de preuve d’autres discussions entre l’employeur et la fonctionnaire au sujet de sa situation. Elle n’avait jamais rencontré Mme Lacroix avant l’audience. Elle a rencontré M. Tremblay pour la première fois seulement à l’audition du grief en novembre 2017.

[159]  Cela contraste avec les situations factuelles dans Belisle et Calabretta en particulier, dans lesquelles ces employeurs ont amorcé un certain nombre de discussions avec les employés touchés. St‑Denis se distingue quelque peu en ce sens que la fonctionnaire s’estimant lésée avait refusé de communiquer directement avec l’employeur, en insistant sur le fait que la communication soit effectuée par l’entremise de son médecin ou de son avocat. Mais il va sans dire que l’employeur a fait preuve d’une grande diligence dans le suivi auprès de ces représentants lorsque les renseignements n’ont pas été fournis (voir St‑Denis, aux paragraphes 44 et 54).

[160]  En l’espèce, après que la fonctionnaire a informé l’employeur qu’une période de 8 à 10 semaines serait requise, il a fixé la date limite du 15 septembre 2017. Il semble qu’à la réunion du 3 août 2017, le représentant syndical de la fonctionnaire a informé l’employeur qu’elle éprouvait des difficultés à obtenir un avis médical. À la lumière de ces renseignements, lorsque la date limite du 15 septembre est passée, l’employeur a‑t‑il pris des mesures pour communiquer avec la fonctionnaire ou ses représentants syndicaux en vue de demander si d’autres renseignements seront fournis? Non. Au contraire, il a agi uniquement en l’absence de renseignements et a envoyé sa lettre de licenciement.

[161]  Je dois tenir Mme Gallinger principalement responsable de ne pas avoir respecté la date limite du 15 septembre. Toutefois, je conclus que l’employeur a choisi de passer immédiatement au licenciement lorsqu’il existait d’autres options raisonnables, c.-à-d. un appel téléphonique ou un courriel à la fonctionnaire ou à son représentant syndical afin de vérifier si d’autres renseignements seront fournis. À mon avis, de telles mesures n’auraient pas constitué une contrainte excessive. Elles auraient permis à l’employeur de s’acquitter de sa part dans l’effort multipartite visant à examiner la situation de Mme Gallinger.

C.  Le processus de règlement informel et la procédure de règlement des griefs

[162]  Ayant conclu que l’employeur a agi de manière déraisonnable pendant la période avant le licenciement et lorsqu’il n’a pas fait un suivi auprès d’elle afin de savoir si d’autres renseignements seront fournis, mon analyse pourrait se terminer ici. L’employeur n’a pas établi qu’il aurait subi une contrainte excessive s’il n’avait pas mis fin à son emploi.

[163]  De plus, je tiens à aborder la question concernant les réponses de l’employeur aux demandes de la fonctionnaire au cours du processus informel et de la procédure de règlement des griefs qui ont suivi la décision de la licencier.

[164]  J’estime que le processus de règlement informel comprend à la fois la demande personnelle de la fonctionnaire du 3 octobre 2017 à Mme Lacroix de réexaminer la lettre de licenciement (tel que nous venons de le discuter) et la réunion de M. Ouellette tenue le 16 octobre 2017 avec M. Tremblay et un conseiller en relations de travail. Dans le premier cas, la fonctionnaire a exprimé son désir de retourner au travail. Dans le dernier cas, la note du médecin du 13 septembre 2017 et une nouvelle note en date du 11 octobre 2017 ont été présentées à l’employeur et M. Ouellette a demandé à l’employeur de réexaminer sa décision de licenciement et l’a invité à communiquer avec le médecin de la fonctionnaire s’il avait des questions.

[165]  Lors de cette réunion, l’employeur a accepté d’écouter et de prendre en considération ce qui a été dit, mais aucune réponse n’a été fournie avant le dépôt du grief. Tel que cela a été indiqué plus tôt, M. Tremblay a témoigné qu’il avait décidé de ne pas répondre, étant donné le dépôt du grief.

[166]  Le grief a été déposé le 30 octobre 2017 et à l’honneur de toutes les parties, il a été entendu rapidement : l’audience au dernier palier a été tenue le 24 novembre 2017. À ce moment‑là, les notes du médecin de Mme Gallinger du 13 septembre et du 11 octobre 2017, ont été présentées de nouveau à l’employeur, ainsi qu’une demande d’annuler le licenciement et une demande de mesures d’adaptation et un retour au travail à compter du 30 octobre 2017.

[167]  La réponse au dernier palier a été rendue le 20 mars 2018 et elle indiquait que la décision de licenciement de l’employeur avait été prise en fonction des renseignements dont il disposait à l’époque et qu’elle ne serait pas modifiée.

[168]  Pendant cette période, l’employeur n’a pas demandé de renseignements supplémentaires de Mme Gallinger, de son médecin ou de la Sun Life. Il n’a pas non plus demandé l’EAT ni l’EMI qu’il a dit pouvoir demander dans la lettre d’options no 1.

[169]  L’employeur a soutenu que la seule question dont je suis saisi est celle de savoir si sa décision du 22 septembre 2017 de mettre fin à l’emploi de Mme Gallinger était raisonnable en fonction des renseignements dont il disposait à ce moment‑là.

[170]  Tout en reconnaissant que M. Tremblay avait le pouvoir délégué de de réintégrer Mme Gallinger, l’employeur a soutenu qu’il n’avait pas une obligation déléguée de le faire.

[171]  L’employeur a ensuite fait valoir que si la fonctionnaire avait voulu contester la décision de M. Tremblay de ne pas réexaminer le licenciement, elle aurait pu déposer un grief. Cela dit, au moment où on a demandé à M. Tremblay de réexaminer le licenciement, Mme Gallinger n’était plus une employée. Par conséquent, l’employeur a soutenu que la Commission n’a pas compétence sur un tel grief, puisque l’art. 209 de la Loi ne lui confère que le pouvoir de se prononcer sur des griefs déposés par des employés.

[172]  La fonctionnaire a fait valoir que les notes du médecin du 13 septembre et du 11 octobre 2017 fournissaient les renseignements dont l’employeur avait besoin pour amorcer un retour au travail pour elle. Tout en reconnaissant que l’employeur ne disposait pas de ces notes avant d’envoyer la lettre de licenciement, elles lui ont été fournies peu après. Les demandes de réexamen de la décision de licenciement étaient raisonnables et visaient à régler la situation de façon informelle avant le dépôt d’un grief. Le grief a été déposé afin de protéger les délais et l’employeur aurait pu quand même réexaminer sa décision. Une fois que le grief a été déposé, l’employeur était tenu d’examiner les renseignements présentés par la fonctionnaire. La procédure de règlement des griefs permet un examen et il a pour but de donner à l’employeur la chance de réexaminer une décision.

[173]  À l’appui de cet argument, la fonctionnaire a invoqué York Region District School Board v. Ontario Secondary Teachers’ Federation (District 16), [2005] O.L.A.A. No. 662 (QL) (« York Region »). L’affaire concernait le licenciement justifié d’un enseignement. Le syndicat a cherché à présenter de nouvelles allégations à l’arbitrage (selon lesquelles le licenciement était « entaché de racisme »). En examinant les questions, au paragraphe 24, l’arbitre Paula Knopf a reconnu ce qui suit :

[Traduction]

24 […] il existe presque une présomption contre le fait de permettre de soulever des questions à l’arbitrage qui n’ont pas été examinées pendant la procédure de règlement des griefs. Il en est ainsi parce que l’on ne peut pas sous‑estimer la valeur de la procédure de règlement des griefs. Il est essentiel que les parties saisissent l’occasion offerte par la procédure de règlement des griefs pour déterminer leurs positions, pour discuter de la situation, pour étudier d’autres approches, pour chercher à régler leurs différends ou, à tout le moins, pour réduire la portée de leur différend […]

[174]  York Region concerne surtout la mesure dans laquelle de nouvelles allégations peuvent être examinées en arbitrage, soit une question que j’examinerai plus tard. Le point pertinent ici est que la procédure de règlement des griefs revêt une valeur parce qu’elle donne aux parties la possibilité de régler leurs différends. Ce faisant, le décideur dans la procédure de règlement des griefs devrait tenir pleinement compte des renseignements présentés.

[175]  En analysant ces arguments, je souligne que la note du médecin en date du 11 octobre 2017 proposait un retour progressif au travail à compter de la fin de ce mois. Son contenu était identique à celui dont, selon le témoignage de Mme Lacroix et de M. Tremblay, ils cherchaient à obtenir avant l’expiration de la date limite de l’employeur : une note qui proposait un retour au travail dans un proche avenir et qui soulignait les limitations fonctionnelles et les mesures d’adaptation que l’employeur devait prendre en considération. En d’autres termes, c’était exactement le type de note qui aurait permis de faire passer le processus d’adaptation à l’étape suivante.

[176]  Je souscris à l’argument de la fonctionnaire et au raisonnement de l’arbitre Knopf dans York Region. À mon avis, le dépôt d’un grief oblige l’employeur à réexaminer sa décision de licencier un employé. L’argument de l’employeur selon lequel il n’était pas tenu de réexaminer sa décision parce que Mme Gallinger n’était plus une employée ni au cours de la réunion informelle du processus ni au cours de l’audition du grief constitue une position qui ne peut être maintenue en vertu de la loi.

[177]  En examinant la Loi, entre autres principes, le préambule engage le gouvernement du Canada « […] à résoudre de façon juste, crédible et efficace les problèmes liés aux conditions d’emploi […] » et énonce les aspirations qui exige « […] collaboration, grâce à des communications et à un dialogue soutenu […] ».

[178]  La Loi énonce ensuite à l’art. 207 une obligation selon laquelle chaque administrateur général doit établir un système de gestion informelle des conflits (SGIC) en vue de régler les différends. Même si je ne dispose d’aucun élément de preuve qui laisse entendre qu’un processus ministériel d’un SGIC a été offert ou que les parties y ont eu accès en l’espèce, les efforts déployer par la fonctionnaire et son syndicat pour régler la question de façon informelle respectaient certainement cet esprit de la Loi.

[179]  Enfin, la Loi énonce à l’al. 208(1)b) le droit des fonctionnaires de déposer des griefs « […] par suite de tout fait portant atteinte à ses conditions d’emploi ». Au paragraphe 209(1), il est énoncé qu’un fonctionnaire « Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire […] peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel […] » (je mets en évidence).

[180]  L’employeur a pris sa décision de mettre fin à l’emploi de Mme Gallinger le 22 septembre 2017. Elle a décidé de déposer un grief contre cette décision le 30 octobre 2017. L’employeur a instruit le grief le 24 novembre 2017. Il a publié sa réponse au dernier palier le 20 mars 2018. Le présent renvoi à l’arbitrage conteste la décision de l’employeur du 22 septembre 2017 et sa réponse au grief.

[181]  La procédure de règlement des griefs, tel qu’il est énoncé dans la Loi, repose sur la présomption selon laquelle les employeurs tiendront pleinement compte des renseignements présentés dans le cadre de cette procédure, ce qui comprend en l’espèce les notes du médecin du 13 septembre et du 11 octobre 2017. Les témoins de l’employeur ont déclaré que si une note comme celle du 11 octobre leur avait été acheminée avant le 15 septembre 2017, ils auraient appelé les Relations de travail, auraient demandé des conseils et auraient probablement poursuivi le processus d’adaptation. Ce processus aurait peut‑être inclut demander à Mme Gallinger de subir une EMI ou une EAT.

[182]  L’employeur a décidé de ne pas réexaminer sa décision. Il a décidé de ne pas demander des renseignements supplémentaires du médecin de Mme Gallinger après avoir reçu ces notes. Il a décidé de confirmer sa décision de licenciement. Sa décision de ne pas évaluer les renseignements supplémentaires et de réexaminer le licenciement de Mme Gallinger fait partie intégrante du grief dont je suis saisi.

[183]  J’estime que, compte tenu des notes du médecin du 13 septembre et du 11 octobre 2017, la mesure raisonnable pour l’employeur aurait été d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour demander des renseignements supplémentaires de la médecin de Mme Gallinger ou pour lui demander de subir une EAT ou une EMI. Son omission de le faire signifie qu’il n’a pas établi qu’il ne pouvait prendre aucune autre mesure d’adaptation sans subir une contrainte excessive.

[184]  Néanmoins, j’examinerai un autre argument de l’employeur, à savoir que les notes du médecin du 13 septembre et du 11 octobre 2017 constituent une [traduction] « preuve relative aux événements survenus après le licenciement » dont il n’était pas tenu de prendre en considération et que la Commission ne peut pas accepter ces éléments de preuve lorsqu’elle statue sur le grief.

D.  L’admissibilité d’une preuve relative aux événements survenus après le licenciement

[185]  L’employeur a soutenu que l’arrêt de principe en matière d’admissibilité de la preuve relative aux événements survenus après le licenciement est Cie minière Québec Cartier c. Québec (Arbitre des griefs), [1995] 2 RCS 1095 (« Cartier »). Le critère est le suivant : « […] une telle preuve ne sera admissible que si elle aide à clarifier si le congédiement en question était raisonnable et approprié au moment où il a été ordonné » (voir le paragraphe 13). Dans Cartier, un employé qui avait été congédié après un absentéisme fréquent en raison du fait qu’il était aux prises avec un problème d’alcoolisme et avait obtenu un résultat positif d’un traitement entre son congédiement et l’audience d’arbitrage. L’arbitre a ordonné sa réintégration.

[186]  À la suite de deux appels devant les tribunaux, l’affaire a été portée devant la Cour suprême, qui a annulé la décision de l’arbitre. Elle a conclu que « [c]onclure le contraire reviendrait à accepter que l’issue d’un grief relatif au congédiement d’un employé puisse dépendre du moment où il a été déposé et du délai écoulé entre le dépôt initial et la dernière audience de l’arbitre ». La CSC a conclu que cela mènerait à la conclusion absurde que tout congédiement d’un employé puisse être infirmé si, dès que cet employé, sous le choc de son congédiement, décide de se réhabiliter.

[187]  Cartier a été cité dans Casey c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2005 CRTFP 46. Le fonctionnaire s’estimant lésé dans Casey avait été licencié en septembre 2001 à la suite d’une longue série d’incidents au travail et hors du lieu de travail concernant la consommation de drogues et d’alcool, ce qui a finalement fait en sorte qu’il s’est trouvé en prison. Dans sa décision de 2005, l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique a reconnu que le fonctionnaire s’estimant lésé s’était réhabilité à la suite de son incarcération, mais elle a appliqué Cartier pour rejeter la réhabilitation en tant que preuve relative aux événements survenus après le licenciement dont l’employeur ne pouvait pas prendre en considération au moment du licenciement.

[188]  L’employeur a soutenu que je devrais appliquer Cartier et conclure que la note du médecin du 13 septembre 2017 n’était pas admissible parce qu’elle n’était pas à la disposition de l’employeur lorsque la décision de licencier la fonctionnaire a été prise. Il a fait valoir, plus fortement encore, que la note du médecin du 11 octobre 2017 (qui indiquait que Mme Gallinger pourrait commencer un retour au travail à la fin d’octobre 2017) constitue une preuve relative aux événements survenus après le licenciement puisqu’elle avait été rédigée après la décision de licenciement a été prise.

[189]  Selon la réponse de la fonctionnaire à cet argument, Cartier déclare qu’il est acceptable d’utiliser la preuve si elle permet de mieux apprécier la décision de licenciement. En l’espèce, les éléments de preuve fournis après le licenciement et pendant la procédure de règlement des griefs ont illustré que la décision de licenciement devrait être considérée comme discriminatoire. La note du médecin du 13 septembre satisfait à cette exception puisqu’elle a été rédigée avant le licenciement. La fonctionnaire a soutenu que la note du médecin du 11 octobre satisfait également à ce critère puisqu’elle est fondée sur l’évaluation de la médecin de famille du rapport du spécialiste, qui a été rédigé avant le licenciement.

[190]  La fonctionnaire a invoqué City of Ottawa v. Amalgamated Transit Union, Local 279, [2012] O.L.A.A. No. 170 (QL) (« City of Ottawa »), dans laquelle l’arbitre de différends a conclu qu’il entendrait le témoignage d’un psychiatre qui avait évalué le fonctionnaire s’estimant lésé, un chauffeur d’autobus, après son congédiement. Brian Sheehan, l’arbitre de différends, a conclu que malgré le fait que l’évaluation a été effectuée après le licenciement du fonctionnaire s’estimant lésé, il autoriserait le témoignage parce qu’il [traduction] « […] porterait sur l’état mental du fonctionnaire s’estimant lésé au moment de son licenciement ». En d’autres termes, il a pris la décision parce que le témoignage ne se limitait pas à la réhabilitation après le licenciement, comme dans Cartier.

[191]  Tout au long de leurs témoignages, Mme Lacroix et M. Tremblay ont tous les deux déclaré que si Mme Gallinger avait transmis des renseignements médicaux indiquant un retour au travail avant la date limite du 15 septembre 2017, ils les auraient pris en considération. Les deux ont indiqué que leur réponse aurait été de consulter les Relations de travail et que leur prochaine mesure aurait consisté à poser d’autres questions au médecin ou à ordonner une EMI de Santé Canada afin d’effectuer une EAT.

[192]  J’ai déjà conclu que lorsqu’il a décidé de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire lorsqu’il l’a fait, l’employeur n’a pas établi qu’il avait pris une mesure d’adaptation à l’égard de la fonctionnaire au point de lui imposer une contrainte excessive. Par conséquent, la question de savoir si ces notes constituaient une preuve relative aux événements survenus après le licenciement est théorique, étant donné que le licenciement n’aurait pas dû être effectué lorsqu’il l’a été.

[193]  J’ai également conclu que la question dont je suis saisi ne vise pas simplement les connaissances de l’employeur au moment du licenciement le 22 septembre, mais ce qu’il a appris pendant la procédure de règlement des griefs qui contestait cette décision. À tout le moins, cela exigeait que l’employeur tienne compte de ce qui lui avait été présenté lors de l’audition du grief le 24 novembre et prolongé vraisemblablement jusqu’à ce qu’il soit parvenu à sa décision définitive en mars 2018.

[194]  À partir de ces seules conclusions, je conclus que ces deux notes du médecin ne constituent pas une preuve relative aux événements survenus après le licenciement et j’accepte leur dépôt en preuve (sous réserve de l’examen du poids à leur accorder, ce que j’aborderai sous peu).

[195]  Même si je devais appliquer le critère énoncé dans Cartier et dans City of Ottawa, j’aurais accepté que les notes portent sur l’état de santé de la fonctionnaire au moment où l’employeur a pris sa décision de licenciement.

[196]  L’employeur a également soulevé une objection à l’égard de la note du médecin de famille de la fonctionnaire du 20 janvier 2020 au motif qu’elle constituait une preuve relative aux événements survenus après le licenciement. La fonctionnaire a fait valoir que la note indique une capacité de retourner au travail de sa part.

[197]  En retour, la fonctionnaire a signalé que l’employeur a soutenu qu’il ressortait de la preuve qu’elle n’avait pas été en mesure de retourner au travail depuis son congédiement et qu’il s’est appuyé sur plusieurs documents relatifs aux événements survenus après le licenciement dans le cadre de son contre‑interrogatoire (notamment le contenu d’une demande d’août 2018 de retraite pour raisons médicales, le contenu d’une mise à jour du régime des participants en date du 25 août 2019 qu’elle a présentée à la Sun Life et le contenu d’une [traduction] « entente de compensation pour incapacité » en octobre 2019).

[198]  La fonctionnaire a également déposé en preuve un document en date du 12 octobre 2018 (une lettre de Santé Canada refusant sa demande de retraite pour raisons médicales) et un document en date du 12 juin 2019 (une lettre de Service Canada refusant sa demande de prestations d’invalidité du RPC).

[199]  Dans le cadre de mon évaluation, aucun de ces documents n’est pertinent à mon analyse de la décision de licencier la fonctionnaire, mais ils sont pertinents à l’évaluation de la mesure de redressement et donc, dans cette mesure, j’ai autorisé qu’ils soient déposés en preuve et j’en tiendrai compte dans cette analyse.

E.  Le présent grief et Burchill

[200]  L’employeur a soutenu que la Commission n’a pas compétence pour se prononcer sur un certain nombre des aspects des questions soulevées par la fonctionnaire à l’audience, en invoquant Burchill c. Canada (Procureur général), [1981] 1 C.F. 109 (C.A.) et une décision récente de la Commission, soit Smith c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2019 CRTESPF 116. La décision Burchill établit qu’un fonctionnaire s’estimant lésé ne peut pas modifier la nature d’un grief ou y ajouter des éléments différents après qu’il a été renvoyé à l’arbitrage.

[201]  La première objection porte sur la question relative au refus de l’employeur, en juillet 2017, de la demande de congé non payé pour le soin à un membre de la famille immédiate de la fonctionnaire. Elle a fait valoir que le refus était discriminatoire et elle a invoqué Edwards c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2019 CRTESPF 62, à l’appui.

[202]  Dans Edwards, l’ASFC avait refusé d’autoriser deux employés à prendre un congé non payé pour obligations personnelles lorsqu’ils étaient en congé de maladie non payé prolongé, au motif qu’ils ne pouvaient pas commencer un nouveau type de congé non payé pendant qu’ils étaient en CNP de maladie. La Commission a conclu que l’employeur avait violé la convention collective applicable et qu’il avait violé les dispositions d’élimination de la discrimination de cette convention et de la LCDP. À l’audience, la fonctionnaire ne m’a pas demandé de trancher cette question, mais elle a cité le refus en tant qu’exemple du traitement discriminatoire dont a fait preuve l’employeur à son égard.

[203]  Les parties ont confirmé que Mme Gallinger a déposé un grief au sujet du refus de ce congé. Après l’audience, elles ont confirmé que le grief demeurait en suspens à l’interne. Je n’en suis pas saisi. Par conséquent, je refuse de formuler d’autres commentaires au sujet du refus de l’ASFC de la demande de congé de Mme Gallinger puisque je n’ai pas compétence à son égard. Par conséquent, la première objection fondée sur Burchill est théorique.

[204]  La deuxième objection de l’employeur fondée sur Burchill vise la suppression de l’option de retour au travail des lettres d’options nos 2, 3 et 4. Il a soutenu que le contenu de ces lettres aurait pu faire l’objet d’un grief; ce qui n’a pas été fait. Il a fait valoir que le libellé du grief ne portait pas sur le contenu des lettres d’options; le syndicat n’a présenté aucun argument sur le contenu à l’audition du grief en novembre 2017. Par conséquent, l’employeur n’a pas abordé ces éléments dans sa réponse au dernier palier. La fonctionnaire a témoigné qu’à la fin de juillet ou au début d’août 2017, M. Ouellette lui a conseillé d’attendre de déposer un grief afin de connaître la décision de l’employeur. L’employeur a cité un courriel qu’elle a envoyé à son syndicat le 31 juillet 2017, en réponse à la lettre d’options no 4, dans lequel elle déclare qu’elle souhaite contester le fait que la lettre ne contenait que deux options. Aucun grief n’a été déposé. Le syndicat a plutôt suggéré qu’une évaluation médicale à jour était encore requise et qu’elle permettrait probablement de déterminer les mesures que l’employeur prendrait. Par conséquent, l’employeur a soutenu que la Commission ne devrait rendre aucune décision au sujet des lettres d’options.

[205]  La fonctionnaire a soutenu que même si elle n’avait pas déposé de griefs au sujet des lettres, elles constituaient un élément essentiel des circonstances qui ont mené au licenciement. Elles constituent une preuve du fait que l’argument de l’employeur selon lequel une option de retour au travail était toujours disponible était erroné. Elle a posé la question suivante : Comment une employée peut‑elle savoir qu’elle peut retourner au travail lorsque l’option a été supprimée, étant donné que l’employeur contrôle le processus?

[206]  Je conclus que les lettres d’options constituaient un élément essentiel du processus qui a mené au licenciement et je rejette l’objection de l’employeur fondée sur Burchill. Chacune des lettres d’options expliquait que si Mme Gallinger n’exerçait pas l’une des options proposées, elle pouvait être licenciée. La lettre de licenciement, dont le contenu a fait clairement l’objet du grief, contient une déclaration qui se lit comme suit :

[Traduction]

[…] depuis la première lettre qui vous a été envoyée le 15 mars 2007 […] les trois options suivantes vous ont été offertes : retourner au travail à l’aide du certificat médical pertinent, la démission ou la retraite pour raisons médicales […] À la suite de la présente lettre, la direction vous a accordé trois prorogations consécutives afin de vous donner la possibilité de confirmer votre décision.

[…]

[207]  La déclaration figurant dans la lettre de licenciement donne une fausse idée de ce qui a eu lieu. Les faits établissent que les lettres d’options nos 2, 3 et 4 présentent clairement deux seules options. Je suis convaincu que le grief au sujet de la lettre de résiliation vise à contester le processus relatif aux lettres d’options qui a mené au licenciement.

[208]  De plus, le contenu de la présentation du grief du syndicat à la direction en novembre 2017 faisait clairement référence aux lettres d’options et au fait que la première lettre offrait trois options et que les autres en offraient que deux.

[209]  Je conclus, en ce qui concerne ces points seuls, que je n’ai pas compétence pour conclure que le contenu des lettres d’options est en litige en l’espèce.

[210]  Toutefois, je vais pousser l’analyse un peu plus loin. L’argument de l’employeur constituait en réalité une suggestion selon laquelle afin de même remettre en question le contenu de chacune des lettres d’options, Mme Gallinger aurait dû déposer un grief après chacune des lettres. J’estime que cette suggestion n’est pas du tout utile pour favoriser de bonnes relations patronales‑syndicales. Je prends note de l’analyse de l’arbitre des différends Knopf dans York Region, dans laquelle elle a autorisé la prise en considération d’allégations de racisme à l’arbitrage, indiquant ce qui suit (au paragraphe 23) :

[Traduction]

23 L’arrêt de principe, Blouin Drywall, précitée, a conclu que [traduction] « le conseil [d’arbitrage de différends] est lié par le grief dont il est saisi, mais le grief doit être interprété de manière libérale afin que la plainte réelle soit traitée et que la mesure de redressement appropriée soit prise pour donner effet aux dispositions de la convention collective ». Cette affaire, et ses applications subséquentes, ont établi que le grief doit indiquer la question entre les parties et cette question forme ensuite le fondement de la compétence de l’arbitre de différends. Toutefois, on ne s’attend pas à ce que les parties à la convention collective soient précises dans leur formulation juridique du grief. Les griefs ne seront pas rejetés simplement pour vice de forme. Il est à l’avantage de tous que la véritable nature du différend sera débattue. D’autre part, la [traduction] « véritable nature du différend » ne peut plus tard être fondamentalement modifiée ou élargie de manière à constituer une autre affaire complètement différente, entraînant ainsi un grief différent transmis à l’arbitrage par rapport à celui qui a été déposé à l’origine.

[211]  La véritable nature du différend en l’espèce est claire. Mme Gallinger souhaitait garder en vigueur la possibilité de retourner au travail. Elle et son syndicat ont plaidé en faveur de cela lorsqu’ils ont demandé des prorogations des délais de l’employeur. Une réunion informelle a été tenue en août 2017 pour tenter d’assurer que cette option demeure en vigueur. La décision de l’employeur de mettre fin à son emploi en septembre 2017 a enfin mis fin à cette option et Mme Gallinger a déposé un grief en vue de contester son licenciement afin qu’elle puisse tenter de retourner au travail. La décision de l’employeur de supprimer cette option de la deuxième lettre et des lettres subséquentes constitue une question centrale à trancher. Par conséquent, je rejette la deuxième objection de l’employeur fondée sur Burchill.

[212]  La troisième objection de l’employeur fondée sur Burchill concernait le témoignage de la fonctionnaire portant sur des événements qui ont eu lieu de 2009 à 2015, avant qu’elle ne commence son CNP de maladie. Étant donné que je n’ai pas inclus ces événements dans mon résumé de la preuve ou dans mon analyse du licenciement, cette objection est théorique.

F.  La preuve médicale

[213]  L’employeur a formulé deux objections à l’égard de la preuve médicale déposée en preuve ou non à l’audience.

[214]  En ce qui concerne les notes du médecin de famille (du 13 septembre 2017, du 11 octobre 2017 et du 20 janvier 2020), l’employeur a soutenu que je devrais les considérer comme des preuves par ouï‑dire, car le médecin n’a pas été cité à témoigner et, par conséquent, elle ne pouvait pas être soumise à un contre‑interrogatoire, même sur la question de savoir quand elle les a rédigées, encore moins sur le processus qu’elle a utilisé pour parvenir à ses conclusions. Cette objection était liée à son argument selon lequel la note du 13 septembre 2017 était vague et conditionnelle sur un retour au début de 2018 et que la note du 11 octobre 2017 était limitée par l’énoncé selon lequel la fonctionnaire [traduction] « […] estime qu’elle sera en mesure de retourner au travail […] ».

[215]  De façon plus générale, l’employeur a soutenu que dans le cas d’une affaire concernant une incapacité et l’argument de la fonctionnaire selon lequel elle était en mesure de retourner au travail, l’absence de preuves médicales est problématique. Je devrais tirer une conclusion négative du fait qu’elle n’a pas cité à témoigner son médecin de famille, le spécialiste dont le rapport en date du 11 octobre est le prétendu fondement de la note, le thérapeute en thérapie cognitivo-comportementale, ou le spécialiste en commotion qu’elle a consulté à différents stades. Il a invoqué Schwartzenberger c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2011 CRTFP 4, au paragraphe 51, et Topping c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2014 CRTFP 74, au paragraphe 130, à l’appui de ce principe.

[216]  Selon la réponse de la fonctionnaire à ces arguments, les deux notes de la médecin fournies à l’employeur en 2017 auraient dû donner lieu à la décision de réexaminer sa décision de licenciement et de suivre le processus relatif à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation qu’il a dit qu’il suivrait, notamment, de poser d’autres questions au médecin de famille ou de demander une EAT par l’entremise de Santé Canada.

[217]  Je suis d’accord avec l’employeur pour dire que l’absence de preuves médicales détaillées et de témoignages dans une affaire comme l’espèce limite considérablement ma capacité de parvenir à des conclusions quant à savoir si et quand la fonctionnaire était en mesure de retourner au travail. Elle a eu l’occasion de présenter cette preuve à l’audience, mais elle ne l’a pas fait. La fonctionnaire n’a donc pas présenté la preuve médicale requise pour établir qu’elle était en mesure de travailler à compter du 30 octobre 2017 et devrait être réintégrée à compter de cette date, soit la mesure de redressement qu’elle a demandée lorsque son grief a été présenté.

[218]  Cela dit, je suis également d’accord avec la fonctionnaire pour dire que le contenu des notes du médecin était suffisant pour inciter l’employeur de poursuivre le processus de mesures d’adaptation et de passer à la prochaine étape. Je les accepte en tant que preuve que la fonctionnaire a reçu l’autorisation de son médecin à tenter de retourner au travail et j’accepte la preuve qui établit qu’elle a présenté ces renseignements médicaux à son employeur. Les notes du médecin étaient clairement pertinentes quant à sa recherche de mesures d’adaptation et l’employeur a refusé d’en tenir compte. Par conséquent, elles ne constituent pas une preuve par ouï‑dire, comme l’a soutenu l’employeur. Je les ai acceptées en tant que preuve des renseignements qui ont été mis à la disposition de l’employeur, ce qui aurait dû susciter une réaction de celui‑ci.

[219]  Je ne peux savoir quels renseignements auraient pu être tirés de la poursuite du processus de mesures d’adaptation, si l’employeur y avait acquiescé. La preuve dont je disposais était quelque peu contradictoire.

[220]  D’une part, l’employeur a présenté des éléments de preuve qui laissent entendre que Mme Gallinger n’était toujours pas en mesure de retourner au travail après octobre 2017. Il s’agit notamment du formulaire « Déclaration du médecin traitant au sujet d’une incapacité permanente » de la Sun Life signé par un médecin spécialiste le 28 février 2018, déclarant que la fonctionnaire n’était [traduction] « […] pas en mesure de retourner au travail à court terme ». De plus, dans la Mise à jour du participant au régime qu’elle a signée le 25 août 2019, à la question [traduction] « Votre état de santé actuel s’est‑il amélioré? », elle a coché la case [traduction] « Non ».

[221]  D’autre part, la fonctionnaire a déposé des éléments de preuve qui indiquent qu’elle était en mesure de retourner au travail. Le 5 octobre 2018, sa demande de retraite pour raisons médicales a été refusée à la suite d’un examen des documents médicaux présentés par ses médecins au motif suivant : [traduction] « […] nous ne pouvons pas établir que vous êtes atteinte d’une incapacité permanente ». Elle n’était donc pas atteinte d’une incapacité totale.

[222]  De même, le 12 juin 2019, Service Canada lui a envoyé une lettre en vue de l’informer qu’il avait refusé sa demande de prestations d’invalidité du RPC au motif que ses rapports médicaux n’établissaient pas son incapacité était « grave et prolongée ». Il a signalé la conclusion d’un neurologue selon laquelle ses symptômes [traduction] « […] ne limiteraient pas [sa] capacité d’exécuter régulièrement tous les types de travail convenables ».

[223]  Enfin, tel qu’il a été indiqué antérieurement, la fonctionnaire a déposé en preuve la note du médecin de famille du 20 janvier 2020 à l’appui de son retour progressif au travail qui était en cours à compter de l’audience auprès d’un autre employeur.

[224]  Je conclus qu’en fonction de ces éléments de preuve je ne peux conclure de manière fiable à quel moment Mme Gallinger aurait pu reprendre le travail à temps plein. Tout ce que je peux conclure c’est qu’elle a présenté suffisamment de renseignements pour justifier la poursuite du processus de mesures d’adaptation et le lancement d’un processus de retour au travail.

G.  Le manque de crédibilité de la fonctionnaire s’estimant lésée et sa conformité à l’ordonnance de communication

[225]  L’employeur a présenté deux autres arguments que je vais aborder avant de résumer mes conclusions et de décrire la mesure de redressement.

[226]  En premier lieu, il a soutenu que Mme Gallinger était évasive dans son contre‑interrogatoire et qu’on a dû lui poser les questions à maintes reprises. Sa mémoire, en interrogatoire principal, était excellente et elle a discuté d’événements qui ont eu lieu en 2007 et en 2010, mais en contre‑interrogatoire, sa mémoire était floue et elle a éprouvé des difficultés à se rappeler des faits jusqu’à ce que des documents lui soient présentés. Elle ne pouvait pas donner un récit clair et uniforme de la façon dont le rapport du spécialiste a été remis à son médecin de famille. En revanche, les témoins de l’employeur étaient crédibles, disposaient de bons pouvoirs d’observation et ne se contredisaient pas dans leur témoignage.

[227]  Les représentants de la fonctionnaire ont soutenu qu’elle avait fait de son mieux dans le cadre de son témoignage. Il est naturel que son interrogatoire principal se soit déroulé sans heurt parce qu’il était lié directement à la preuve figurant dans le recueil de documents. Ses réponses étaient claires une fois que les questions lui étaient clairement posées.

[228]  En deuxième lieu, l’employeur a soutenu que la fonctionnaire ne s’était pas entièrement conformée à l’ordonnance de communication de la Commission. On lui avait ordonné de fournir les dossiers médicaux de tous ses médecins, mais plusieurs médecins ont été mentionnés dont les dossiers n’ont jamais été communiqués. On lui a ordonné de produire une preuve de ses recherches d’emploi depuis le licenciement, mais elle n’a fourni qu’une liste. On lui a ordonné de produire des déclarations de revenus, mais elle a fourni uniquement des feuillets T4 et des copies d’avis de cotisation, dont certains renseignements étaient caviardés. Il a soutenu qu’elle avait modifié les éléments de preuve.

[229]  Les représentants de la fonctionnaire ont soutenu qu’elle avait fait de son mieux pour se conformer à l’ordonnance de communication. L’ordonnance de la Commission n’a été rendue que le 15 janvier 2020 et elle disposait d’un délai d’une semaine pour s’y conformer. Certains des médecins ont fait preuve de réticence en raison des courts délais impartis et certains autres ont également fait preuve de réticence parce qu’ils remettaient en question le pouvoir d’un arbitre de grief d’ordonner la communication de renseignements personnels de nature aussi délicate. Dans ces circonstances, elle a fait de son mieux. En ce qui concerne ses efforts d’atténuation, elle a divulgué une liste complète des emplois dont elle a postulé et tous les revenus déclarés dans ses déclarations de revenus, soit les renseignements requis pour établir l’ampleur des mesures d’atténuation qu’elle a été en mesure de prendre.

[230]  Le critère de crédibilité qui a été invoqué par les deux parties est énoncé dans Faryna v. Chorny [1951] B.C.J. No. 152 (QL). Entre autres, la Cour a déclaré ce qui suit (au paragraphe 11) : [traduction] « En bref, le véritable critère de la véracité de l’histoire d’un témoin dans une telle affaire doit être son harmonie avec la prépondérance des probabilités qu’une personne éclairée et douée de sens pratique reconnaîtrait facilement comme étant raisonnable à cet endroit et dans ces conditions. »

[231]  Je trouve problématiques certaines des mesures prises par la fonctionnaire dans sa réponse à l’ordonnance de communication de la Commission, surtout en ce qui concerne le caviardage de certains de ses renseignements fiscaux. Sa réticence à produire certains renseignements médicaux constituait également un problème, mais dont elle subit les conséquences, étant donné que cette réticence a une incidence sur ma décision de ne pas ordonner sa réintégration rétroactive, telle qu’elle a été demandée.

[232]  Toutefois, il n’existe aucune question de crédibilité en ce qui concerne l’analyse de la question de savoir si l’employeur a agi de manière incorrecte lorsqu’il a mis fin à l’emploi de Mme Gallinger. La preuve qui m’a amené à conclure que l’employeur a fait preuve de discrimination à son égard est fondée sur ses propres documents et le témoignage de ses témoins.

[233]  Même si je conclus que Mme Lacroix et M. Tremblay étaient des témoins crédibles, j’ai du mal à concilier leurs témoignages selon lesquels ils auraient envisagé le retour au travail de Mme Gallinger s’ils avaient reçu la note du médecin appropriée même si les documents écrits détaillés indiquaient que les deux seules options qui lui étaient offertes étaient sa séparation de la fonction publique.

H.  Conclusion

[234]  En septembre 2017, l’ASFC a décidé de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire parce qu’elle était en CNP de maladie pendant plus de deux ans et parce qu’elle n’avait pas fourni, dans le délai fixé par l’employeur, une note confirmant qu’elle était en mesure de retourner au travail dans un avenir prévisible.

[235]  J’ai conclu que l’ASFC a agi incorrectement lorsqu’elle a supprimé l’option de retour au travail des lettres d’options nos 2, 3 et 4. J’ai conclu que, lorsque la date limite du 15 septembre 2017 s’est écoulée et qu’aucune note n’avait été présentée par Mme Gallinger, l’ASFC a agi incorrectement lorsqu’elle a procédé simplement à lui envoyer une lettre de licenciement sans au moins un appel téléphonique ou un courriel à Mme Gallinger ou à ses représentants syndicaux.

[236]  J’ai conclu que l’incapacité de la fonctionnaire constituait un facteur dans la décision de l’employeur de mettre fin à son emploi, soit une pratique discriminatoire, et que l’employeur n’a pas établi, en tant que défense, qu’il avait pris une mesure d’adaptation à son égard au point de contrainte excessive.

[237]  Cela ne doit pas être interprété comme une conclusion selon laquelle un employeur est tenu de proroger indéfiniment un CNP de maladie à l’avenir même lorsqu’un employé ne dépose pas une note indiquant qu’il ou elle peut retourner au travail. Toutefois, en l’espèce, selon les connaissances de l’ASFC à l’époque, je ne crois pas qu’elle ait établi que les circonstances avaient atteint le point où elle ne pouvait plus prendre des mesures d’adaptation à l’égard de l’employée sans subir une contrainte excessive et, établissant ainsi une défense à la preuve prima facie de discrimination.

[238]  J’ai également conclu que, de toute façon, dans les quelques semaines qui ont suivi la date limite du 15 septembre 2017, deux notes du médecin ont été présentées à l’employeur indiquant que Mme Gallinger pouvait retourner au travail dans un avenir prévisible. La deuxième note, en date du 11 octobre, proposait un retour progressif au travail commençant à la fin de ce mois. C’est précisément le type de note que Mme Lacroix et M. Tremblay ont dit rechercher avant les dates limites et le type de note qu’ils ont dit permettrait de faire progresser le processus de mesures d’adaptation.

[239]  J’ai conclu qu’elles avaient été fournies à l’employeur avant le dépôt d’un grief et après le dépôt d’un grief et que la procédure de règlement des griefs a pour objet de donner à l’employeur la possibilité de réexaminer sa décision à la lumière des renseignements que la fonctionnaire et son syndicat lui ont fournis lorsque le grief a été déposé.

[240]  Cela étant dit, j’ai également conclu que l’omission de Mme Gallinger de déposer des éléments de preuve médicaux a nui considérablement à son argument selon lequel elle était prête et apte à retourner au travail à l’automne 2017, ce qui, à son tour, m’empêche d’ordonner qu’elle soit réintégrée rétroactivement à cette date.

VI.  Redressement

[241]  Pour ces motifs, mon ordonnance annule le licenciement de Mme Gallinger.

[242]  Toutefois, étant donné que j’ai conclu que Mme Gallinger ne m’a donné aucun élément de preuve qui serait requis pour établir qu’elle aurait dû être retournée au travail à temps plein à la date de licenciement, mon ordonnance ne prévoit pas ce résultat. Les renseignements médicaux qui ont été déposés comportaient des renseignements contradictoires quant à savoir si elle était apte à travailler à temps plein pendant plus de 2,5 ans depuis qu’elle a quitté l’ASFC.

[243]  Par conséquent, en plus de rétablir le statut d’emploi de Mme Gallinger, je tiens à élaborer une ordonnance qui lance de nouveau le processus de mesures d’adaptation, en vue d’amorcer son retour au travail dès que son état de santé le permet.

[244]  Ce faisant, je dois reconnaître que la pandémie actuelle de la COVID‑19 pourrait entraver la capacité des deux parties de mettre en œuvre cette directive, surtout puisqu’elles pourraient être confrontées à des difficultés à avoir accès aux fournisseurs de soins de santé.

[245]  Pour ce faire, j’ordonnerai à l’employeur de proroger le CNP de maladie de Mme Gallinger jusqu’à la date de la présente décision et qu’il proroge davantage le congé, au besoin, afin de mener à terme le processus de mesures d’adaptation.

[246]  Dans les 30 jours qui suivent la présente décision, l’employeur, la fonctionnaire et son syndicat sont ordonnés à entamer le processus de retour au travail qui aurait dû se dérouler en fonction de la note du médecin du 11 octobre 2017. Cela devrait comprendre toutes les demandes que l’employeur pourrait présenter aux médecins de Mme Gallinger afin d’obtenir des éclaircissements quant à ses limitations fonctionnelles et aux mesures d’adaptation. Cela peut inclure l’obligation de participer à une EAT.

[247]  Mme Gallinger doit être retournée au statut de travail rémunéré ou de congé payé à compter de la date de la présente décision dans la mesure où les renseignements médicaux qui découlent du processus de mesures d’adaptation l’appuient. En d’autres termes, si les renseignements médicaux indiquent qu’elle est en mesure de travailler à temps plein à la date de la présente décision, elle devra être payée à temps plein à compter de cette date. S’ils indiquent qu’elle est en mesure de retourner progressivement au travail, elle devrait être rémunérée sur cette base.

[248]  Je reconnais que le véritable retour au travail peut être retardé par la situation de la COVID‑19. Dans ce cas, Mme Gallinger devrait bénéficier des mêmes dispositions de congé que celles qui s’appliquent aux autres employés, jusqu’à ce qu’elle puisse retourner au travail.

[249]  Bien entendu, les parties sont également libres de parvenir à une entente concernant toute question découlant de la mise en œuvre de la présente décision. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur un retour au travail ou sur le statut de congé payé, je demeurerai saisi de la question et réglerai tout différend relatif à ces questions, à condition que l’une des parties ou les deux m’en informent dans les 120 jours suivant la date de la présente décision.

[250]  La fonctionnaire a également soutenu qu’elle devrait bénéficier des redressements prévus dans les dispositions de la LCDP. Plus particulièrement, elle a soutenu qu’une indemnité de 15 000 $ pour préjudice moral en vertu de l’al. 53(2)a) et de 10 000 $ pour dommages spéciaux pour conduite délibérée ou inconsidérée en vertu du par. 53(3).

[251]  La Commission a le pouvoir de rendre des décisions en vertu de l’al. 53(2)e) comme suit :

53 (2) À l’issue de l’instruction, le membre instructeur qui juge la plainte fondée, peut, sous réserve de l’article 54, ordonner, selon les circonstances, à la personne trouvée coupable d’un acte discriminatoire :

[…]

e) d’indemniser jusqu’à concurrence de 20 000 $ la victime qui a souffert un préjudice moral.

[252]  La Commission a le pouvoir de rendre des décisions en vertu du par. 53(2) comme suit :

53 (3) Outre les pouvoirs que lui confère le paragraphe (2), le membre instructeur peut ordonner à l’auteur d’un acte discriminatoire de payer à la victime une indemnité maximale de 20 000 $, s’il en vient à la conclusion que l’acte a été délibéré ou inconsidéré.

[253]  À l’appui de ses arguments, la fonctionnaire a invoqué Rogers, dans laquelle la Commission a accordé une indemnité de 15 000 $ pour préjudice moral et de 10 000 $ pour conduite délibérée ou inconsidérée. Le fonctionnaire s’estimant lésé dans Rogers avait également été licencié pour incapacité médicale. Dans cette affaire, la Commission a conclu que l’employeur aurait dû amorcer le retour au travail du fonctionnaire s’estimant lésé après que son médecin avait rempli le formulaire d’évaluation professionnelle indiquant qu’il était apte à retourner.

[254]  La fonctionnaire a également invoqué Nicol c. Conseil du Trésor (Service Canada), 2014 CRTEFP 3, dans laquelle l’arbitre de grief a octroyé une indemnité de 20 000 $ pour préjudice moral et de 18 000 $ pour conduite délibérée ou inconsidérée, en se fondant sur la conclusion de la Commission selon laquelle l’employeur s’était « […] livré à des pratiques discriminatoires […] a conduite était répétée, soutenue et calculée pour s’assurer que le fonctionnaire ne retourne pas au travail » au cours d’une période de près de quatre ans (au paragraphe 157).

[255]  Étant donné que l’employeur a soutenu que le grief devrait être rejeté, il a soutenu que la Commission ne devrait accorder aucune indemnité à l’égard de la LCDP. Il n’a présenté aucun autre argument, autre que le fait de suggérer que le syndicat de la fonctionnaire avait commis une faute.

[256]  Dans Rogers, la Commission a examiné un certain nombre de décisions rendues en vertu de la LCDP et a rendu sa décision à la lumière de cette jurisprudence. J’ai trouvé cet examen utile et je ne le répéterai pas ici.

[257]  J’estime que l’affaire de Mme Gallinger est plus analogue à celle de Rogers plutôt que de celle de Nicol. J’ai examiné son témoignage sur l’incidence du licenciement sur sa famille, sa santé mentale personnelle et son estime de soi. J’ai tenu compte du fait que cette décision ne concernait pas une réintégration rétroactive avec rémunération, même si elle aurait pu retourner au travail plus tôt si l’employeur avait répondu différemment au grief à l’automne 2017. J’accorde une indemnité de 15 000 $ pour préjudice moral en vertu de l’al. 53(2)e) de la LCDP.

[258]  En ce qui concerne l’indemnisation spéciale, j’estime que l’employeur a agi de manière inconsidérée lorsqu’il a supprimé l’option de retourner au travail des lettres d’options nos 2 et 4, lorsqu’il a omis de communiquer avec la fonctionnaire et son syndicat lorsque la date limite du 15 septembre 2017 n’a pas été respectée et lorsqu’il n’a pas réexaminé de manière appropriée sa décision pendant la procédure de règlement des griefs. À mon avis, la conduite inconsidérée est moins manifeste ou délibérée que ce qui semble être le cas dans Rogers ou Nicol. J’accorde une indemnité de 7 500 $ pour dommages en vertu du par. 53(3) de la LCDP.

[259]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VII. Ordonnance

[260]  J’ordonne que le licenciement de Mme Gallinger soit annulé et qu’elle soit réintégrée à un poste classifié au groupe et au niveau CS‑02 dans la région de la capitale nationale.

[261]  J’ordonne que l’employeur proroge le CNP de maladie de Mme Gallinger jusqu’à la date de la présente décision et qu’il proroge davantage le congé, au besoin, afin de mener à terme le processus de mesures d’adaptation ordonné au paragraphe suivant.

[262]  Dans les 30 jours qui suivent la présente décision, l’employeur, la fonctionnaire et son syndicat sont ordonnés à amorcer le processus de retour au travail qui aurait dû se dérouler en fonction de la note du médecin du 11 octobre 2017.

[263]  Mme Gallinger doit être retournée au statut de travail rémunéré ou de congé payé à compter de la date de la présente décision dans la mesure où les renseignements médicaux qui découlent du processus de mesures d’adaptation l’appuient.

[264]  Je demeurerai saisi pendant une période de 120 jours si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur un retour au travail ou sur le statut de congé payé.

[265]  Dans les 90 jours de la présente décision, l’employeur versera à Mme Gallinger une indemnité de 15 000 $ pour dommages en vertu de l’al. 53(2)e) de la LCDP et une indemnité spéciale de 7 500 $ en vertu du par. 53(3).

Le 19 mai 2020.

Traduction de la CRTESPF

David Orfald,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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