Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a été licenciée pour inconduite à la suite d’un processus de décision de licenciement disciplinaire – elle a reçu un « Avis d’audition disciplinaire » l’invitant à une audience disciplinaire, à laquelle elle a assisté avec son agent négociateur – elle a ensuite reçu une lettre de licenciement – elle a allégué que la réunion disciplinaire ne constituait pas une audience, car l’avis était intitulé « Avis d’audition disciplinaire » et, par conséquent, la lettre de licenciement était invalide – elle a déposé une plainte en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2, la « Loi ») dans laquelle elle a allégué que la défenderesse avait contrevenu à son devoir de représentation équitable en vertu de l’article 187 de la Loi – elle a soutenu que son agent négociateur avait fait preuve de négligence grave lorsqu’il n’a pas soutenu que le licenciement était invalide parce que l’avis était intitulé « audition » plutôt que « audience » – il s’agit de savoir si l’agent négociateur a contrevenu à son devoir de représentation équitable – la Commission a conclu que la plaignante n’a pas présenté une cause défendable – le fondement factuel de la plainte, même s’il est prouvé, ne constitue pas une conduite arbitraire, discriminatoire, négligente ou de mauvaise foi – la Commission a déterminé que la plaignante savait sans aucun doute que la réunion disciplinaire était essentiellement une audience disciplinaire parce qu’elle avait reçu un avis indiquant que la réunion concernait son inconduite alléguée et elle avait été invitée à y amener son agent négociateur.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date : 20200528

Dossier : 561-02-39090

 

Référence : 2020 CRTESPF 62

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation

de la Commission des relations

de travail et de l’emploi dans

le secteur public fédéral

ENTRE :

 

YING XU

plaignante

 

et

 

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

 

défenderesse

répertoriée

 Xu c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant :  David P. Olsen, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la plaignante : Elle-même

Pour la défenderesse : Christopher Schulz, agent aux griefs et à l’arbitrage

 

Décision rendue sur la base d’arguments écrits,

déposés le 28 août 2018, le 9 septembre 2018 et les 4 et 11 octobre 2018.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION (Traduction de la CRTESPF)

I.  Plainte dont est saisie la Commission

A.  Introduction

[1]  Le 28 août 2018, Ying Xu (la « plaignante ») a déposé une plainte en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi ») alléguant que l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « défenderesse ») avait violé son devoir de représentation équitable conformément à l’article 187 de la Loi.

[2]  Elle a allégué que son représentant de l’agent négociateur, Jim McDonald, l’a représentée de mauvaise foi, a fait preuve de négligence grave, a été malhonnête et l’a trompée dans la façon dont il l’avait représentée.

[3]  En particulier, elle a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Le 27 mars 2018, j’ai reçu une lettre de licenciement. Cette lettre de licenciement indiquait ce qui suit : « À la suite de l’audience disciplinaire tenue le 15 mars 2018, je conclus [...] que vous avez contrevenu au Code de conduite d’EDSC ».

Toutefois, la réunion tenue le 15 mars 2018 n’était pas une réunion d’audience disciplinaire, il s’agissait d’une réunion d’audition disciplinaire. Sans une réunion d’audience disciplinaire dans ce processus de décision de licenciement disciplinaire.

Cette lettre de licenciement disciplinaire n’est donc pas valide.

Toutefois, mon représentant syndical, M. MacDonalds, n’a pas mentionné cette question.

Il s’agit d’une négligence grave.

Il a eu une conduite malhonnête et trompeuse dans la poursuite de ma cause.

[…]  

 

[4]  La plaignante a joint sa lettre de licenciement disciplinaire et une copie de [traduction] « l’avis d’audition disciplinaire » à sa plainte.

[5]  La lettre de licenciement, datée du 27 mars 2018, est rédigée en partie comme suit : [traduction] « En plus de l’audience disciplinaire tenue le 15 mars 2018, je conclus que vous avez posé divers actes d’insubordination et que vous avez contrevenu au Code de conduite d’EDSC ».

[6]  Plusieurs actes d’inconduite sont ensuite énumérés.

[7]  L’avis concernant la réunion du 15 mars 2018, envoyée à la plaignante par sa superviseure est intitulé [traduction] « Avis d’audition disciplinaire » et indique que l’objet est [traduction] « Avis d’audition disciplinaire ».

[8]  Le paragraphe introductif de l’avis indique ce qui suit :

[Traduction]

La présente fait suite aux discussions avec votre chef d’équipe et gestionnaire au sujet des comportements d’insubordination liés à la prise de délais supplémentaires pour travailler à des tâches non liées aux passeports sans obtenir l’approbation de la direction, ainsi que trois événements d’interaction irrespectueuse avec votre chef d’équipe et gestionnaire.

 

[9]  Par la suite, plusieurs allégations d’inconduite ont été formulées.

[10]  Elle a été avisée qu’elle avait le droit d’être accompagnée par un représentant de l’agent négociateur et qu’un conseiller en relations de travail serait également présent à la réunion, par téléconférence.

[11]  Dans sa plainte, à titre de mesure corrective, la plaignante a demandé que le licenciement invalide soit annulé, qu’elle soit réintégrée à son poste et qu’elle soit remboursée financièrement.

B.  La réponse de la défenderesse

[12]  Le 4 octobre 2018, la défenderesse a répondu à la plainte. Elle a fait valoir que, en tout temps, elle-même et ses représentants ont représenté la plaignante de bonne foi et d’une façon qui n’était pas arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

[13]  La défenderesse a soutenu que la plaignante n’avait pas produit une preuve prima facie et que rien dans la plainte n’établissait le fondement d’une conclusion selon laquelle la défenderesse n’avait pas respecté son devoir de représentation équitable.

[14]  La défenderesse a invoqué la décision de la Commission dans Adams et Richardson c. Syndicat des employé(e)s de l’impôt, 2009 CRTFP 124, dans laquelle la Commission a rejeté une plainte sur la façon dont la représentation d’un plaignant avait été traitée aux différents paliers de la procédure de règlement des griefs.

C.  La réponse de la plaignante

[15]  Le 11 octobre 2018, plaignante a télécopié à la Commission un certain nombre de documents, y compris les suivants :

  • une lettre de la part de Passeport Canada, à son intention, datée du 15 octobre 2012, l’avisant que son mandat à titre d’employée pour une période déterminée avait été modifié, passant d’une nomination à temps plein pour une période déterminée à une nomination à temps plein pour une période indéterminée, à compter du 13 octobre 2012;
  • un document daté du 7 octobre 2012, dans lequel la plaignante a accepté l’offre d’emploi pour une période indéterminée;
  • une description de travail pour un poste CR-03, commis aux passeports, daté du 1er septembre 2017.

 

II.  Motifs de décision

[16]  Je suis convaincu que je peux trancher la présente plainte sur la base des observations écrites présentées sans tenir une audience orale, comme le prévoit l’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, (L.C. 2013, ch. 40, art. 365).

[17]  L’article 187 de la Loi, soit la disposition relative au devoir de représentation équitable, indique ce qui suit :

187 Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

 

[18]  La Cour suprême du Canada dans Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon, [1984] 1 R.C.S. 509, a mentionné les cinq principes suivants qui régissent le devoir de représentation équitable :

  • 1) En raison de son statut d’agent négociateur exclusif pour l’unité de négociation, le syndicat doit représenter tous les membres de l’unité équitablement.

  • 2) Un employé n’a pas un droit absolu à l’arbitrage; le syndicat jouit d’une discrétion appréciable à cet égard.

  • 3) Après une étude sérieuse du grief, le syndicat doit exercer sa discrétion de bonne foi tout en tenant compte de l’importance du grief et des conséquences sur l’employé et des intérêts légitimes du syndicat.

  • 4) La représentation du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire ou abusive.

  • 5) La représentation par le syndicat doit être réelle, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave et sans hostilité envers l’employé.

 

[19]  Qu’est-ce qui constitue une conduite  arbitraire, capricieuse, discriminatoire ou abusive ou qui constitue une négligence grave ou majeure de la part de l’agent négociateur?

[20]  Dans Noël c. Société d’énergie de la Baie James, 2001 CSC 39, la Cour suprême du Canada a souligné la portée du devoir de représentation équitable aux paragraphes 48 à 51 en référence au devoir de représentation équitable prévu à l’article 47.1 du Code du travail du Québec (R.L.R.Q., ch. C-27), comme suit :

48 Cette obligation interdit quatre types de conduite : la mauvaise foi, la discrimination, le comportement arbitraire et la négligence grave. [...] L’article 47.2 sanctionne d’abord une conduite empreinte de mauvaise foi qui suppose une intention de nuire, un comportement malicieux, frauduleux, malveillant ou hostile [...]

49 La loi interdit aussi les comportements discriminatoires. Ceux-ci comprennent toutes les tentatives de défavoriser un individu ou un groupe sans que le contexte des relations de travail dans l’entreprise ne le justifie. Ainsi, une association ne saurait refuser de traiter le grief d’un salarié ou de le mener de façon différente au motif qu’il n’appartient pas à l’association, ou pour toute autre raison extérieure aux relations de travail avec l’employeur [...]

50 Se reliant étroitement, les concepts d’arbitraire et de négligence grave définissent la qualité de la représentation syndicale. L’élément de l’arbitraire signifie que, même sans intention de nuire, le syndicat ne saurait traiter la plainte d’un salarié de façon superficielle ou inattentive. Il doit faire enquête au sujet de celle-ci, examiner les faits pertinents ou obtenir les consultations indispensables, le cas échéant, mais le salarié n’a cependant pas droit à l’enquête la plus poussée possible. On devrait aussi tenir compte des ressources de l’association, ainsi que des intérêts de l’ensemble de l’unité de négociation. L’association jouit donc d’une discrétion importante quant à la forme et à l’intensité des démarches qu’elle entreprendra dans un cas particulier [...]

51 Le quatrième élément [...] est la négligence grave. Une faute grossière dans le traitement d’un grief peut être assimilée à celle-ci malgré l’absence d’une intention de nuire. Cependant, la simple incompétence dans le traitement du dossier ne violera pas l’obligation de représentation, l’art. 47.2 n’imposant pas une norme de perfection dans la définition de l’obligation de diligence qu’assume le syndicat […]

 

[21]  Dans Adams et Stevenson, la Commission s’est penchée sur une plainte en matière de devoir de représentation équitable. Les plaignants croyaient que le défendeur ne les avait pas correctement représentés aux niveaux supérieurs de la procédure de règlement des griefs. Dans cette affaire, l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique a conclu que rien n’obligeait un agent négociateur à inviter les employés à assister aux audiences des griefs, à rester en communication avec eux ou à interroger les témoins alors qu’ils étaient rendus aux paliers supérieurs de la procédure de règlement de griefs. Elle a aussi conclu que le fait que le défendeur ait choisi de ne pas prendre de telles mesures ne signifiait pas qu’il avait agi de mauvaise foi ou de façon discriminatoire.

[22]  Pour établir qu’il y a eu violation de l’article 187 de la Loi, un plaignant doit présenter une cause défendable selon laquelle le défendeur a agi de façon arbitraire, de manière capricieuse, discriminatoire ou négligente, ou de mauvaise foi. La plaignante a-t-elle établi un fondement factuel qui, s’il est prouvé, appuierait une telle cause?

[23]  Je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu’il a été établi à première vue que la défenderesse ne s’est pas acquittée de son obligation légale lorsqu’elle n’a pas fait valoir que le licenciement de la plaignante était invalide parce que l’avis de réunion disciplinaire était intitulé [traduction] « audition » plutôt que [traduction] « audience ». Non seulement le fondement factuel de la plainte, même s’il est prouvé, ne constitue pas une conduite arbitraire, discriminatoire ou négligente ou de mauvaise foi, à mon avis, l’argument sur le fond selon lequel la décision de licenciement était invalide ne repose sur aucun fondement.

[24]  La plaignante savait sans aucun doute que la réunion disciplinaire du 15 mars 2018, à l’égard de laquelle elle a été avisée et invitée à emmener son agent négociateur, concernait son inconduite alléguée et qu’il s’agissait, essentiellement, d’une audience disciplinaire.

[25]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance figure à la page suivante)


III.  Ordonnance

[26]  La plainte est rejetée.

Le 28 mai 2020.

Traduction de la CRTESPF

David P. Olsen,

une formation de la Commission des relations de travail

et de l’emploi dans le secteur public fédéral

 

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