Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés occupaient des postes d’agents des services frontaliers (ASF), en Colombie-Britannique – ils ont chacun demandé à être mutés à des postes à différents endroits dans la province, pour des raisons personnelles – selon la Directive, lorsqu’un employeur demande qu’un employé soit réinstallé, il rembourse les frais de réinstallation de l’employé à l’intérieur des limites prescrites par la Directive – une mutation demandée par un employé à un poste qui est vacant à son arrivée sur le nouveau lieu de travail est également considéré comme une réinstallation demandée par l’employeur donnant droit à l’employé au même remboursement des dépenses, à moins que l’employeur n’atteste par écrit que le poste vacant aurait autrement été pourvu selon les procédures normales de dotation, auquel cas le remboursement est plafonné à 5 000 $ – l’employeur avait fourni une attestation écrite aux fonctionnaires s’estimant lésés selon laquelle leurs postes relocalisés auraient autrement été pourvus par des ASF nouvellement embauchés et diplômés d’un programme de formation à Rigaud, au Québec – par conséquent, le remboursement de leurs dépenses a été plafonné à 5 000 $, ce que les fonctionnaires s’estimant lésés ont contesté – la Commission a conclu qu’aucune preuve n’avait été présentée à l’appui de l’attestation de l’employeur – il ressortait clairement que la demande de recrues formées avec succès dépassait l’offre – le gestionnaire de l’un des fonctionnaires s’estimant lésés a confirmé qu’au moment de la nomination du fonctionnaire, aucune recrue ou autre ASF n’était disponible pour occuper le poste vacant – l’autre fonctionnaire a témoigné qu’au cours des 5,5 années qui ont suivi sa réinstallation, aucun nouvel ASF à son emplacement n’avait été une nouvelle recrue – pour ces motifs, la Commission a conclu que les remboursements des dépenses des fonctionnaires s’estimant lésés n’auraient pas dû être plafonnés.

Griefs accueillis.

Contenu de la décision


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

[1]  Thomas Adam Gresley‑Jones et David Grootjes, les fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires »), sont tous les deux employés par le Conseil du Trésor (CT ou l’« employeur ») en tant qu’agents des services frontaliers (ASF) à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), classifiés au groupe et au niveau FB‑03, en Colombie‑Britannique, dans le district d’Okanagan et de Kootenay de la région Pacifique de l’ASFC.

[2]  Le 22 décembre 2013, M. Grootjes a déposé un grief à l’encontre de la décision de l’employeur de ne l’indemniser que jusqu’à concurrence de 5 000 $ pour sa réinstallation de son port d’entrée (PE) à Cascade, en Colombie‑Britannique (C.‑B.) au PE de l’aéroport international de Kelowna (le « PE de Kelowna ») à Kelowna, en C.‑B.

[3]  Le 11 janvier 2015, M. Gresley‑Jones a déposé un grief à l’encontre de la décision de l’indemniser que jusqu’à concurrence de 5 000 $ pour sa réinstallation de son PE à Victoria, en C.‑B. au PE à Waneta, en C.‑B., qui se situe également dans le district d’Okanagan et de Kootenay.

[4]  Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365; LCRTEFP) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP) afin de remplacer la Commission des relations de travail dans la fonction publique et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40; Loi no 2 sur le PAE) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014‑84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le PAE, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTFP) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la LRTFP, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le PAE.

[5]  Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP et le titre de la LCRTEFP et de la LRTFP pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.

[6]  Les conditions d’emploi des fonctionnaires sont régies en partie par les conventions conclues entre le CT et l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour tous les employés du groupe Services frontaliers. Toutefois, les conventions en vigueur au moment des griefs étaient différentes. Au moment du grief de M. Grootjes, la convention en vigueur avait été signée le 29 janvier 2009 et est venue à échéance le 20 juin 2011 et au moment du grief de M. Gresley‑Jones, la convention en vigueur avait été signée le 17 mars 2014 et est venue à échéance le 20 juin 2014.

[7]  L’article en litige dans les conventions collectives est identique dans les deux conventions et, pour simplifier, je ne mentionnerai que la convention collective au singulier.

[8]  Les parties ont déposé un énoncé conjoint des faits et ont chacune cité deux témoins à témoigner.

II.  Résumé de la preuve

A.  La convention collective et la directive du Conseil national mixte

[9]  Les questions soulevées dans ces deux griefs découlent de l’article 7 de la convention collective et de la Directive sur la réinstallation du CNM (la « directive ») du Conseil national mixte (CNM).

[10]  L’article 7 de la convention collective se lit comme suit :

ARTICLE 7

LES ENTENTES DU CONSEIL NATIONAL MIXTE

7.01 Les ententes conclues par le Conseil national mixte de la fonction publique (CNM) sur les sujets qui peuvent figurer dans une convention collective et que les parties à la présente convention ont ratifiées après le 6 décembre 1978 feront partie intégrante de la présente convention, sous réserve de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) et de toute loi du Parlement qui, selon le cas, a été ou peut être établie en application d’une loi stipulée au paragraphe 113b) de la LRTFP.

7.02 Les sujets du CNM qui peuvent être inscrits dans une convention collective sont ceux que les parties aux ententes du CNM ont désignés comme tels ou à l’égard desquels le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique a rendu une décision en application de l’alinéa c) du protocole d’accord du CNM qui est entré en vigueur le 6 décembre 1978.

7.03

a) Les directives suivantes, qui peuvent être modifiées de temps à autre par suite d’une recommandation du Conseil national mixte et qui ont été approuvées par le Conseil du Trésor du Canada, font partie de la présente convention :

[…]

Directive sur la réinstallation intégrée du CNM

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[11]  Les dispositions pertinentes de la directive sont les suivantes :

Principes

Les principes énoncés ci‑après ont été élaborés par les représentants des agents négociateurs de concert avec les représentants de la partie patronale du Conseil national mixte (CNM). Ces principes constituent la pierre angulaire de la gestion des réinstallations du gouvernement et devraient aider tous les membres du personnel et de la direction à établir des pratiques de réinstallation justes, raisonnables et modernes dans toute la fonction publique.

Confiance – accroître le pouvoir et la latitude des fonctionnaires et des gestionnaires d’agir d’une manière juste et raisonnable.

Souplesse – créer un environnement dans lequel les décisions de gestion respectent l’obligation d’adaptation, répondent au mieux aux besoins et aux préférences des fonctionnaires et tiennent compte des nécessités du service dans l’organisation des préparatifs de réinstallation.

[…]

Transparence – assurer l’application cohérente, juste et équitable de la directive et de ses pratiques.

[…]

Généralités

Convention collective

La présente directive est considérée comme faisant partie intégrante des conventions collectives conclues entre les parties représentées au sein du CNM. Les fonctionnaires doivent pouvoir la consulter facilement.

Procédure de règlement des griefs

Dans les cas d’allégations selon lesquelles le contenu de la présente directive a été mal interprété ou mal appliqué, la procédure de règlement des griefs applicable à tous les fonctionnaires syndiqués en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique sera celle décrite à l’article 15.0 du Règlement du CNM. Pour les fonctionnaires non syndiqués, c’est la procédure de règlement de griefs du ministère ou de l’organisme concerné qui s’applique.

Définitions

[…]

Personne nommée (appointee) ‑ Personne recrutée de l’extérieur de la fonction publique et nommée ou affectée à un ministère ou à un organisme mentionné aux Annexes I et IV de la Loi sur l’administration financière. Lors de sa réinstallation à son premier lieu de travail, cette personne n’est pas considérée comme fonctionnaire aux fins de la présente directive. Lorsqu’un membre des Forces canadiennes fait l’objet d’une première nomination à la fonction publique, il a le statut de personne nommée.

[…]

Réinstallation (relocation) ‑ Déménagement autorisé d’un fonctionnaire d’un lieu de travail à un autre ou d’une personne nommée à un poste dans la fonction publique de son lieu de résidence à son premier lieu de travail.

[…]

2.6 Réinstallation à la demande de l’employeur

2.6.1 On entend par « réinstallation à la demande de l’employeur » toute réinstallation au Canada, y compris celles qui résultent de mesures de dotation, à l’exclusion des nominations initiales.

2.6.2 Lorsqu’un fonctionnaire demande que l’on prenne en considération sa demande de mutation dans une autre région, la réinstallation qui fera suite à une telle demande peut être considérée comme une réinstallation à la demande de l’employeur; se reporter à ce propos à l’article 12.1.2.

[…]

2.8 Nomination initiale

2.8.1 Les dispositions sur la réinstallation des nouveaux fonctionnaires de la fonction publique ou de quiconque n’est pas un fonctionnaire, avant qu’ils ne soient autorisés à déménager aux frais de l’État, figurent dans le Programme de réinstallation intégré pour les nouveaux fonctionnaires de la fonction publique (PRINE), sur le site Web du SCT […]

[…]

Partie XII – Réinstallation à la demande du fonctionnaire

12.1 Réinstallation à la demande du fonctionnaire

[…]

12.1.2 Une mutation demandée par le fonctionnaire qui donne lieu à une réinstallation autorisée pour qu’il occupe un poste du groupe et du niveau pertinents vacant à son arrivée au nouveau lieu de travail sera considérée comme une réinstallation à la demande de l’employeur.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[12]  Avant de devenir des employés nommés pour une période indéterminée, les nouveaux ASF embauchés doivent suivre avec succès un programme de formation au collège de l’ASFC situé à Rigaud, au Québec (le « collège de formation du personnel »). Les dépenses de réinstallations des ASF ayant suivi avec succès la formation (les « nouveaux ASF ») sont régies par le Programme de réinstallation intégré pour les nouveaux fonctionnaires de la fonction publique (PRINE; la « politique du CT »), dont les sections pertinentes énoncent ce qui suit :

[…]

1.01 Entrée en vigueur

Le programme de réinstallation pour les nouveaux employés de la fonction publique est entré en vigueur le 1 décembre 2007. Tous les nouveaux employés nommés à la fonction publique fédérale, autres que les EX/GIC, acceptant une lettre d’offre le ou après le 1 décembre 2007 seront réinstallés selon les termes de ce programme. Ce programme est en annexe à la Directive de réinstallation du Conseil national mixte en vigueur présentement.

[…]

1.03 Admissibilité

Tous les nouveaux employés nommés à la fonction publique (à l’exception des EX et GIC) doivent être réinstallés sous le programme de réinstallation pour les nouveaux employés de la fonction publique. Ceci inclut les réinstallations provenant de l’étranger lors d’une première nomination.

Le terme personne nouvellement nommée désigne une personne recrutée à l’extérieur de la fonction publique et nommée ou affectée à un ministère ou à un organisme mentionné aux Annexes I et IV de la Loi sur la gestion des finances publiques, pour une période d’un an (365 jours) ou plus.

[…]

1.08 Dépenses de réinstallation

Les dépenses de réinstallation doivent être directement attribuables à une réinstallation et doivent être clairement raisonnables et justifiables. Elles ne doivent pas bonifier le statut financier d’un employé nouvellement nommé et doivent être accompagnées de reçus. L’employé devra soumettre une réclamation complète des dépenses de réinstallation avec les pièces justificatives nécessaires dans les 60 jours après la date de l’arrivée de l’employé au nouveau lieu de travail.

[…]

Les dépenses de réinstallation comprennent, sans s’y limiter, le voyage de recherche d’un logement, le voyage d’inspection à destination, le logement provisoire, le voyage vers la nouvelle localité, le transport des effets et du mobilier, la location d’une automobile, la garde des enfants et la garde des animaux de compagnie.

[…]

1.09 Indemnité pour frais accessoires non soumis à une justification

Les employés nouvellement nommés peuvent réclamer une indemnité pour frais accessoires non soumis à une justification de 650 $, qui sera puisée à même la somme de 5 000 $ de l’enveloppe de financement sur mesure.

Bien que des reçus ne soient pas exigés, l’employé nouvellement nommé devrait les conserver en prévision d’une éventuelle vérification fiscale.

L’employé nouvellement nommé doit signer une déclaration certifiant que les dépenses ont été encourues.

[…]

Note en bas de page

Bien que le programme de réinstallation intégré pour les nouveaux fonctionnaires de la fonction publique (PRINE) soit annexé à la Directive sur la réinstallation du Conseil national mixte, il n’en fait pas partie. Ainsi, les personnes qui se prévalent des dispositions du PRINE et qui veulent exercer un droit de recours doivent suivre la procédure de règlement des griefs de leur ministère ou de leur organisation et non pas le processus des griefs du Conseil national mixte.

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

B.  Le grief de M. Grootjes

[13]  M. Grootjes s’est joint à l’ASFC en 2008. Il a d’abord travaillé au PE à Carson, en C.‑B., qui est dans le district d’Okanagan et de Kootenay. Après deux ans dans cet endroit, à la demande de l’employeur, il a été muté au PE de Cascade. Pendant qu’il était aux PE de Carson et de Cascade, lui et sa conjointe et trois enfants vivaient à Grand Forks, en C.‑B., une ville située à environ mi‑chemin entre les deux PE.

[14]  En 2013, sa conjointe, qui est enseignante, a obtenu un poste d’enseignant à Kelowna, et M. Grootjes et sa famille souhaitaient y déménager. Le 2 juillet 2013, il a demandé à être réinstallé au PE de Kelowna.

[15]  À la date de l’audience, Anita Andersson était la directrice exécutive de l’ASFC de la constitution des forces et de l’orientation stratégique et elle était située à la Direction générale des ressources humaines à son administration nationale située à Ottawa, en Ontario. Entre septembre 2012 et 2014, elle a été la directrice de district pour le district d’Okanagan et de Kootenay.

[16]  Dans un courriel du 24 septembre 2013, Mme Andersson a certifié que la mutation de M. Grootjes avait été demandée par le fonctionnaire, conformément à l’alinéa 12.1.2a) de la directive et que, par ailleurs, le poste aurait été pourvu par l’intermédiaire du collège de formation du personnel. Par conséquent, le remboursement de sa réinstallation a été plafonné à 5 000 $.

[17]  Dans une lettre du 3 octobre 2013, Mme Andersson a offert à M. Grootjes une mutation à temps plein à un poste d’ASF classifié au groupe et au niveau FB‑03 au PE de Kelowna, à compter du 4 novembre 2013. Il a accepté l’offre le 4 octobre 2013. Il a été autorisé à recevoir une somme de 5 000 $ au titre de frais de réinstallation en vertu de l’alinéa 12.1.2a) de la directive.

[18]  Dans un courriel du 18 novembre 2013, M. Grootjes a demandé pourquoi il devait bénéficier de la trousse de réinstallation à la demande du fonctionnaire jusqu’à concurrence de 5 000 $, alors qu’à cette date, un autre ASF y avait été muté et deux autres ASF devaient y commencer en janvier 2014. Il a témoigné en détail qu’au moment ou vers le moment où il a été muté au PE de Kelowna, un ASF de Penticton, en C.‑B., y avait également été muté et que la semaine précédente, un autre ASF est arrivé, en provenance d’Osoyoos, en C.‑B. Il a indiqué qu’en janvier 2014, deux autres ASF y ont commencé. Il a indiqué qu’aucun des quatre ASF ne provenait du collège de formation du personnel et qu’à la date de l’audience, aucun des ASF au PE de Kelowna ne provenait du collège de formation du personnel.

[19]  Mme Andersson a témoigné que la région reçoit de nombreuses demandes de mutation et qu’il existe une liste d’ASF qui souhaitent vivre à Kelowna. Elle a témoigné que l’ASFC était prête à doter les postes au PE de Kelowna dans le cadre du processus de dotation habituel.

[20]  Mme Andersson a témoigné au sujet du processus de dotation et a déclaré qu’un nouvel ASF peut choisir un PE ou une région géographique privilégiés, mais que la possibilité d’obtenir ce choix était limitée en raison du nombre d’ASF qui reçoivent leur diplôme et le besoin du PE en ASF; les lettres d’offre à l’intention des nouvelles recrues qui ont obtenu leur diplôme du collège de formation du personnel exigent qu’ils travaillent partout au Canada. Lorsqu’elle a été interrogée au sujet de la dotation des postes vacants au PE de Kelowna, Mme Andersson a déclaré qu’ils auraient pu être pourvus à l’aide de nouvelles recrues du collège de formation du personnel, mais que la décision n’avait pas été la sienne, mais celle de la haute direction dans la région du Pacifique. Elle a dit que l’endroit où les ASF sont affectés est fondé sur le plus grand besoin.

[21]  En contre‑interrogatoire, Mme Andersson a confirmé qu’il n’y avait qu’un certain nombre d’ASF qui avaient obtenu un diplôme et uniquement un certain nombre de possibilités pour les régions de les acquérir. Les PE dans toutes les régions ont des demandes d’ASF qui reçoivent leur diplôme du collège de formation du personnel, mais ce n’est pas chaque région ni chaque PE qui obtient ce qu’il veut. Elle a déclaré qu’elle n’était pas au courant des PE inscrits sur les listes en 2013‑2014 qui devaient recevoir des employés ayant obtenu un diplôme du collège de formation du personnel.

[22]  Mme Andersson a déclaré que l’un des ASF qui avait été muté au PE de Kelowna peu après M. Grootjes y avait été muté dans le cadre d’une mutation prioritaire et que la mutation n’avait engagé aucun coût.

C.  Le Grief de M. Gresley‑Jones

[23]  M. Gresley‑Jones s’est joint à l’ASFC en 2010. Il est originaire de Rossland, en C.‑B. Son premier lieu de travail était au PE de Victoria, qui se situe sur l’île de Vancouver.

[24]  Le 30 août 2013, il a présenté une demande de réinstallation, car lui et sa conjointe souhaitaient déménager leur famille plus près de leur famille élargie, qui se trouvait à Trail, en C.‑B., et dans les environs.

[25]  À la date de l’audience, Lorne Black était le chef des opérations des PE de la région de Kootenay dans le district d’Okanagan et de Kootenay, y compris le PE de Waneta. Il était le successeur de Mme Andersson.

[26]  Il a déclaré qu’au moment où M. Gresley‑Jones a demandé une mutation au PE de Waneta, un ASF à ce PE avait pris sa retraite. Il a dit que le PE de Waneta comptait un effectif de trois ASF, qu’il y avait un roulement important des ASF à Waneta et qu’il y existait toujours un besoin en ASF. Il a également indiqué qu’il tenait un inventaire des mutations.

[27]  Dans un courriel du 22 septembre 2014, M. Black a certifié que la mutation de M. Gresley‑Jones avait été demandée par le fonctionnaire, conformément à l’alinéa 12.1.2a) de la directive et que, par ailleurs, le poste aurait été pourvu par l’intermédiaire du collège de formation du personnel. Par conséquent, le remboursement de sa réinstallation a été plafonné à 5 000 $.

[28]  M. Black a témoigné que par défaut, la dotation était effectuée par l’intermédiaire du collège de formation du personnel, ce qui signifie que si un poste n’était pas pourvu par une autre mesure, éventuellement, il était pourvu par l’intermédiaire du collège de formation du personnel.

[29]  En contre‑interrogatoire, M. Black a confirmé qu’au moment où il avait certifié la mutation de M. Gresley‑Jones, il ne disposait pas d’une recrue pour doter le poste vacant. Il a convenu en outre que simplement parce qu’il existait un poste vacant et que la direction locale souhaitait le doter à l’aide d’une recrue, cela ne signifie pas qu’une recrue sera disponible et envoyée à ce PE. Il a également confirmé que tous les districts fournissent leurs besoins en personnel à la région et que celle‑ci détermine à quels besoins répondre. Il a confirmé qu’il ne savait pas ce que la région ferait, le cas échéant, en ce qui concerne la dotation dans son district pendant la période visée.

[30]  Dans une lettre du 16 octobre 2014, M. Black a offert à M. Gresley‑Jones une mutation à temps plein à un poste d’ASF au groupe et au niveau FB‑03 au PE de Waneta, à compter du 1er décembre 2014. M. Gresley‑Jones a accepté l’offre le 17 octobre 2014.

[31]  M. Gresley‑Jones a été autorisé à recevoir la somme de 5 000 $ au titre de frais de réinstallation en vertu de l’alinéa 12.1.2a) de la directive.

[32]  Dans un courriel du 30 octobre 2014, M. Gresley‑Jones a demandé des précisions quant à savoir quand une réinstallation à la demande du fonctionnaire est considérée comme une réinstallation à la demande de l’employeur. Il souhaitait préciser que cela constituerait la voie normale de dotation en personnel sans entraîner de frais de réinstallation.

[33]  M. Gresley‑Jones a déclaré qu’au cours de la période 2014‑2015, personne n’avait été muté au PE de Waneta à partir du collège de formation du personnel. Il a confirmé qu’au cours des 4,5 prochaines années, deux nouveaux ASF ont été mutés du collège de formation du personnel au PE de Patterson, qui est dans le district d’Okanagan et de Kootenay.

[34]  Une annexe comportant les paragraphes suivants était jointe aux lettres d’offre de mutation des deux fonctionnaires :

 

[Traduction]

[…]

Réinstallation

L’Agence des services frontaliers du Canada accepte de vous fournir de l’aide pour la réinstallation, jusqu’à un maximum de 5 000 $, conformément à la Partie II de la Directive sur la réinstallation du Conseil national mixte [adresse Web supprimée].

L’aide maximale à la réinstallation à la demande du fonctionnaire est de 5 000 $, sauf indication contraire. Vous êtes responsable de tous les coûts en sus du montant maximal. De plus, vous serez inscrit auprès des Services globaux de relogement Brookfield, du fournisseur de services de réinstallation (FSR), afin qu’ils vous fournissent une aide professionnelle, comme des conseils sur vos prestations de réinstallation, des lignes directrices sur une mesure d’adaptation au nouvel emplacement et la gestion des dépenses. Veuillez noter que l’ASFC, par l’entremise du Service central de déménagement (SCD) de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), organisera l’expédition de vos effets mobiliers. Le coût de cette expédition est inclus dans l’indemnité maximale de 5 000 $.

Dès la signature de la présente offre et avant de prendre les dispositions nécessaires ou d’engager des frais de réinstallation, veuillez communiquer avec [nom et coordonnées ont été supprimés] dans les dix jours suivant la signature de la lettre d’offre. Elle vous fournira des renseignements concernant le processus de votre réinstallation.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

III.  Résumé de l’argumentation

A.  Pour les fonctionnaires s’estimant lésés

[35]  Les fonctionnaires ont présenté deux arguments. Le premier argument consistait en une interprétation directe de la directive et le deuxième était fondé sur les faits. Le deuxième argument ne devait être examiné que si la Commission ne retenait pas le premier argument.

[36]  Il ne fait aucun doute que les deux fonctionnaires satisfaisaient à la première partie de la condition énoncée à l’article 12.1.2 de la directive. À l’origine, ils ont demandé des mutations, qui ont commencé en tant que réinstallations à la demande des fonctionnaires. Cependant, ils ont accepté d’occuper des postes vacants à leur arrivée. Par conséquent, leurs réinstallations sont devenues des réinstallations considérées comme des réinstallations à la demande de l’employeur. Une réinstallation à la demande de l’employeur est limitée uniquement par l’alinéa 12.1.2a), qui énonce qu’on remboursera au fonctionnaire les frais de réinstallation en respectant les limites prévues par la directive, à moins que l’administrateur général ou un cadre supérieur investi du pouvoir nécessaire soumette un certificat attestant que, si le poste vacant n’avait pas été pourvu par suite d’une mutation demandée par le fonctionnaire, il l’aurait été par la voie normale de dotation en personnel sans entraîner de frais de réinstallation.

[37]  Dans les deux cas, les cadres supérieurs investis du pouvoir ont certifié que les postes vacants auxquels les fonctionnaires avaient été mutés auraient été pourvus par une recrue du collège de formation du personnel.

[38]  Les nouvelles personnes nommées du collège de formation du personnel assument les frais de réinstallation. L’expression « personne nommée » est définie dans la directive. Même si la directive ne précise pas ce à quoi une personne nommée a droit, elle précise qu’elle a droit au remboursement des dépenses de réinstallation énoncées dans la politique du CT et un lien (URL) est fourni vers la politique.

[39]  La politique du CT précise que toutes les nouvelles personnes nommées doivent être réinstallées en vertu de celle‑ci et elle prévoit une définition de l’expression « personne nommée » semblable à celle prévue dans la directive. Le schéma de la politique du CT reflète la directive et il est intégré dans la directive. Même si l’employeur a raison, les frais de réinstallation seraient toujours engagés pour une personne nommée provenant du collège de formation du personnel. L’article 12.1.2 exige que l’employeur certifie qu’une personne devait doter ces postes vacants. Il ne suffit pas de s’appuyer sur une déduction face à un libellé clair et non équivoque.

[40]  L’employeur peut réfuter la présomption de la réinstallation considérée comme une réinstallation à la demande de l’employeur uniquement pour établir qu’il aurait pourvu les postes vacants par des recrues du collège de formation du personnel. Il ne peut pas le faire en l’espèce parce ces recrues auraient engagés des coûts de réinstallation, comme le prévoit la directive. Il n’importe peu que les coûts auraient été plafonnés; il s’agissait quand même de coûts et le libellé est clair.

[41]  Il ne s’agit pas d’une simple formalité. Le libellé est là pour permettre à l’employeur d’honorer les demandes de réinstallation, mais de plafonner quand même les coûts s’il existe des candidats locaux ou un régime de relève local permettant de doter les postes vacants.

[42]  Les parties sont sophistiquées; elles sont composées de l’employeur et de plusieurs agents négociateurs professionnels. Si elles avaient voulu exclure les personnes nommées de la directive, elles l’auraient précisé. Si elles avaient voulu que la directive précise que les personnes nommées ne pourraient pas se faire rembourser les frais de réinstallation supérieurs à 5 000 $, elles l’auraient précisé.

[43]  Les fonctionnaires m’ont renvoyé au libellé d’une version antérieure de la directive. La disposition déterminative de l’article 12.1.2 de la directive en litige est la même que celle prévue dans cette version antérieure.

[44]  Les fonctionnaires m’ont renvoyé à Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, au paragraphe 4:2000; Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil national de recherches du Canada, 2013 CRTFP 88; Daigneault c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTEFP 38; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2018 CRTESPF 74.

1.  Argument factuel

[45]  L’employeur a certifié que, pour chaque fonctionnaire, le poste vacant devait être pourvu par de nouvelles recrues du collège de formation du personnel. Il ne pouvait pas faire une certification vide. La présomption est établie à l’article 12.1.2 de la directive et, pour la réfuter, l’employeur devait certifier quelque chose; sa certification devait être fondée sur quelque chose. Les fonctionnaires ont été informés que leurs services étaient nécessaires dans les endroits où ils ont demandé d’être réinstallés; les postes auxquels ils ont été mutés étaient vacants. Il n’y avait aucune recrue ni aucune preuve d’une telle recrue. L’employeur n’a fourni qu’une recrue théorique pour doter chaque poste, ce qui ne suffisait pas pour satisfaire aux exigences imposées par l’article 12.1.2 de la directive.

[46]  Les fonctionnaires m’ont renvoyé à Sullivan on the Construction of Statutes, cinquième édition, aux p. 85 à 91, pour traiter de l’utilisation du terme « considéré ».

B.  Pour l’employeur

[47]  Le présent cas concerne une interprétation simple de la convention collective. Il incombait à l’agent négociateur d’établir que, selon la prépondérance des probabilités, l’interprétation de l’employeur violait la convention collective.

[48]  Il n’existe aucune preuve extrinsèque. Les parties ont négocié un libellé précis dans la convention collective et la tâche consiste à déterminer, selon une évaluation objective du libellé, l’intention des parties.

[49]  Les règles fondamentales d’interprétation suivantes s’appliquent :

  1. la convention collective devrait être lue dans son ensemble;
  2. on doit conférer à chaque mot un certain sens (il s’agit d’une règle contre la redondance).

 

[50]  La question en l’espèce consiste à savoir si les fonctionnaires ont droit aux prestations de réinstallation à la demande de l’employeur en vertu de la directive, qui fait partie de la convention collective. La question précise est la suivante : quand une réinstallation à la demande du fonctionnaire devient‑elle une réinstallation à la demande de l’employeur?

[51]  Le déclencheur de ce changement est énoncé dans la Partie XII de la directive. Il s’agit de savoir si la personne investie du pouvoir nécessaire a certifié que si le poste vacant n’avait pas été pourvu au moyen d’une mutation demandée par le fonctionnaire, il aurait été pourvu par la voie normale de dotation en personnel sans entraîner de frais de réinstallation.

[52]  Qu’entend‑on par « frais de réinstallation »? S’agit‑il de ceux visés par la directive ou des dépenses de réinstallation en général, y compris ceux qui ne sont pas visés par la directive, comme celles visées par la politique du CT? Pour y répondre, deux définitions énoncées dans la directive sont utiles : soit « personne nommée » et « réinstallation ». Leur effet combiné consiste à reconnaître que la directive ne vise pas les réinstallations en général, comme les nominations initiales du collège de formation du personnel.

[53]  D’autres précisions figurent à l’article 2.6.1 de la directive, qui exclut les réinstallations au moment de la nomination initiale d’une réinstallation à la demande de l’employeur; par conséquent, elles ne sont pas visées par la directive. De plus, l’article 2.8 énonce expressément que les nominations initiales sont traitées non pas par la directive, mais par la politique du CT.

[54]  La politique du CT énonce expressément qu’elle ne fait pas partie de la directive et que les griefs déposés en vertu de celle‑ci sont soumis à la procédure de règlement des griefs du ministère et non au CNM. La directive exclut expressément la nomination initiale des réinstallations. L’employeur a soutenu que les parties n’avaient pas l’intention que les frais de réinstallation (tel qu’ils sont énoncés à l’article 12.1.2) comprennent ceux qui ne sont pas visés par la directive.

[55]  Le montant de 5 000 $ que les personnes nommées pour la première fois touchent en vertu de la politique du CT ne constitue pas des frais de réinstallation au sens de la définition prévue dans la directive et ne pouvait pas constituer l’intention des parties lorsqu’elles mentionnent les « frais de réinstallation » à l’article 12.1.2. Même si une nomination initiale constitue une réinstallation, elle ne concerne pas des frais de réinstallation, au sens de la directive.

[56]  L’article 12.1.2 a pour objet d’empêcher l’employeur d’utiliser les réinstallations à la demande du fonctionnaire pour éviter de payer le coût intégral d’une réinstallation à la demande de l’employeur.

1.  Argument subsidiaire

[57]  La directive impose des obligations à l’employeur et aux fonctionnaires avant que des dépenses ne soient engagées. L’employeur a fait valoir que ces obligations exigent une certitude quant aux modalités avant que les fonctionnaires ne puissent engager des dépenses, ce qui vise à interdire ce qui s’est produit en l’espèce. L’employeur a fourni des lettres d’offre détaillées, qui énonçaient que leurs frais de réinstallation seraient plafonnés à 5 000 $ et que les fonctionnaires les ont signées en sachant très bien qu’ils n’avaient aucune intention de respecter leurs modalités.

[58]  L’employeur n’a présenté aucun argument relatif à la préclusion et n’a pas laissé entendre non plus que les employés peuvent se soustraire par contrat de leurs droits en vertu de la convention collective. Il a fait valoir que la convention collective prévoit certaines modalités avant que les frais ne soient engagés. À cet égard, il m’a renvoyé à York c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement social), 2008 CRTFP 75.

2.  Argument factuel

[59]  On ne sait pas si les listes décrites par Mme Andersson et M. Black existent. De nombreuses demandes sont présentées aux PE; ce serait de la fiction de laisser entendre le contraire. Les opérations s’ajustent au fil du temps. Le processus par défaut consistait à doter les postes vacants par l’intermédiaire du collège de formation du personnel.

[60]  Selon les témoignages de Mme Andersson et de M. Black, les postes vacants qui ont été pourvus par les fonctionnaires respectifs auraient été pourvus par des recrues ou de nouvelles personnes nommées du collège de formation du personnel. Sinon, les PE pourraient ajuster leurs opérations pour relever les pénuries de personnel. Mme Andersson et M. Black étaient tous deux d’avis que les postes vacants auraient pu être pourvus par l’intermédiaire du collège de formation du personnel et ont certifié en ce sens, comme il est indiqué à l’article 12.1.2.

C.  La réponse des fonctionnaires s’estimant lésés

[61]  Les fonctionnaires m’ont renvoyé à Daigneault pour affirmer que les parties ne peuvent pas réduire une dépense ou une catégorie de dépense prévue par une politique, en l’espèce, la politique du CT.

[62]  En ce qui a trait à l’argument selon lequel les fonctionnaires ont accepté les modalités figurant dans leurs lettres d’offre, la jurisprudence est claire que les employés et les gestionnaires ne peuvent pas se soustraire de l’application d’une convention collective. Même si l’employeur a laissé entendre qu’il n’avait pas fait valoir la préclusion, en fait, il a fait valoir précisément cet argument. Il ne pouvait pas utiliser les lettres d’offre pour pardonner sa violation de la convention collective. À cet égard, les fonctionnaires m’ont renvoyé à Amalgamated Transit Union, Local 583 v. Calgary (City), [2008] A.G.A.A. No. 58 (QL).

IV.  Motifs

[63]  La question que je dois trancher est celle de savoir si l’employeur a violé la convention collective lorsqu’il n’a pas traité les mutations des fonctionnaires comme des mutations demandées par l’employeur et, par conséquent, sans le plafond de frais de 5 000 $ en vertu de la directive.

[64]  L’article 2.6.1 de la directive énonce que l’on entend par « réinstallation à la demande de l’employeur » toute réinstallation au Canada, y compris celles qui résultent de mesures de dotation, à l’exclusion des nominations initiales. L’article 2.6.2 énonce qu’une demande de mutation d’un fonctionnaire dans une autre région peut être considérée comme une réinstallation à la demande de l’employeur, telle qu’elle est décrite si elle satisfait aux exigences énoncées à l’article 12.1.2.

[65]  L’article 12.1.2 de la directive prévoit qu’une mutation demandée par le fonctionnaire qui donne lieu à une réinstallation autorisée pour qu’il occupe un poste du groupe et du niveau pertinents vacant à son arrivée au nouveau lieu de travail sera considérée comme une réinstallation à la demande de l’employeur. Toutefois, l’alinéa 12.1.2a) limite la responsabilité de l’employeur à l’égard des dépenses de réinstallation si l’administrateur général ou un cadre supérieur investi du pouvoir nécessaire soumet une certification écrite attestant que si le poste vacant n’avait pas été pourvu par suite d’une mutation demandée par le fonctionnaire, il l’aurait été par la voie normale de dotation en personnel sans entraîner de frais de réinstallation. L’article impose ensuite le plafond de 5 000 $.

[66]  Dans leurs arguments, les deux avocats m’ont renvoyé à la politique du CT. Elle n’a aucune pertinence, car la convention collective est claire parce qu’elle comprend la directive et la directive est également claire. Au mieux, elle fournit un contexte permettant de comprendre la situation unique des ASF et de l’ASFC.

[67]  En bref, la directive énonce que si le fonctionnaire demande la mutation, mais qu’il y a un poste vacant à l’endroit où la mutation est demandée, la mutation constitue une mutation demandée par l’employeur et l’employeur doit rembourser au fonctionnaire ses frais de mutation jusqu’à concurrence de 5 000 $ si l’administrateur général ou un cadre supérieur investi du pouvoir nécessaire soumet une certification écrite attestant que le poste vacant auquel a été muté le fonctionnaire aurait été pourvu par la voie normale de dotation en personnel sans entraîner de frais de réinstallation.

[68]  Dans les deux griefs, la directrice de district actuelle de l’époque du district d’Okanagan et de Kootenay a fourni la certification écrite en vertu de l’alinéa 12.1.2a) de la directive. Personne n’a laissé entendre que l’un ou l’autre des directeurs de district qui a fourni l’attestation écrite n’était pas ainsi investi du pouvoir nécessaire. Par conséquent, je suppose qu’ils l’étaient.

[69]  Le terme « certify » (certifier) est défini dans le dictionnaire Canadian Oxford Dictionary, deuxième édition, comme [traduction] « faire une déclaration officielle de; attester; attester de; […] déclarer au moyen d’un certificat que quelque chose a été satisfait ».

[70]  Le terme « Attest » (attester) est défini dans ce dictionnaire comme [traduction] « confirmer la validité ou la véracité; transitif : constituer une preuve de; intransitif : être témoin de » [les passages en évidence le sont dans l’original].

[71]  Il définit le terme « declare » (déclarer) comme [traduction] « annoncer ouvertement ou officiellement; déclarer quelque chose; affirmer catégoriquement; déclarer expressément ».

[72]  Chaque directeur de district dans la situation de chaque fonctionnaire devait avoir un fondement factuel pour faire la certification. Dans Power c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166‑02‑17064 (19880225), [1988] C.R.T.F.P.C. no 56 (QL), le prédécesseur de la Commission, la Commission des relations de travail dans la fonction publique, lorsqu’elle a abordé l’argument de l’employeur fondé sur les « nécessités du service » pour refuser le congé en vertu de la convention collective, a déclaré que les nécessités du service ne « […] constituent pas une formule magique que l’employeur peut employer en vue de refuser à des employés ce qui leur est dû en vertu d’une convention collective ». Il n’y a aucune raison pour laquelle la justification exprimée dans Power en ce qui concerne l’utilisation de l’expression « nécessités du service » ne peut pas s’appliquer également en l’espèce en ce qui a trait à l’utilisation de la certification écrite en vertu de la directive.

[73]  Si l’employeur souhaite invoquer le processus de certification énoncé dans la directive en vue de limiter le paiement de frais de réinstallations légitimes, il ne doit pas s’agir d’un énoncé vide de sens; il doit exister des faits à l’appui.

[74]  Même si le CT a convenu avec les agents négociateurs de ce qui semble être un
une politique globale de réinstallation qui vise une grande partie du secteur public fédéral, l’ASFC, et son embauche d’ASF, est quelque peu unique. La preuve concernant la voie normale de dotation en personnel, étant donné qu’elle concerne le recrutement de nouveaux ASF, a révélé qu’ils sont tenus de suivre avec succès un long programme de formation au collège de formation du personnel, qui n’a qu’un seul endroit, soit Rigaud, qui se situe à mi‑chemin entre Ottawa et Montréal.

[75]  Seul un certain nombre de recrues peuvent suivre la formation avec succès chaque année. Même si les parties n’ont pas fourni de chiffres exacts, il est ressorti clairement des éléments de preuve déposés que la demande de recrues qui ont suivi avec succès la formation l’emporte sur l’offre. En bref, malgré l’endroit du pays d’où proviennent ces nouveaux ASF, il se peut qu’ils ne puissent pas retourner travailler à cet endroit; ils sont tenus de se rendre là où l’ASFC détermine qu’ils sont nécessaires.

[76]  Il est également ressorti des éléments de preuve que les décisions prises concernant l’affectation des nouveaux ASF ne sont pas prises au niveau du district, mais au niveau régional. La direction au niveau du district n’a que simplement indiqué à ses supérieurs ses besoins en dotation. Toutefois, il est ressorti des éléments de preuve que les renseignements sur l’endroit où les nouveaux ASF seraient envoyés existaient quelque part; Mme Andersson et M. Black ont tous les deux mentionné les listes qui existaient et qui indiquaient les demandes en dotation et l’affectation de ces ASF. Ni Mme Andersson ni M. Black n’étaient au courant de ces renseignements.

[77]  On ne m’a présenté aucune preuve documentaire de quelque nature que ce soit indiquant qu’au moment ou vers la date de demande de réinstallation du fonctionnaire ou de l’approbation de sa demande, des recrues ou des nouveaux ASF qui auraient par ailleurs été en mesure de pourvoir les postes vacants auxquels les fonctionnaires ont été affectés étaient disponibles ou désignés à un moment donné afin de les pourvoir. Je m’attendrais à ce que, dans ce cas, un document l’indique.

[78]  Selon le témoignage de M. Black, la dotation en personnel par l’intermédiaire du collège de formation du personnel constituait le processus par défaut. Toutefois, cela ne s’est pas traduit en réalité en la dotation des postes vacants en litige ou ne signifiait pas qu’une telle tentative avait été effectuée. Il a confirmé qu’au moment où il a autorisé la mutation de M. Gresley‑Jones, il n’avait pas une recrue précise ou un nouveau ASF disponible pour pourvoir le poste vacant.

[79]  M. Grootjes a témoigné qu’au moment, ou vers la date à laquelle il s’est réinstallé au PE de Kelowna, quatre autres ASF y avaient également été mutés. Il a aussi déclaré qu’aucun des quatre ne provenait du collège de formation du personnel et qu’à la date de l’audience, environ 5,5 ans après sa réinstallation, aucun nouveau ASF au PE de Kelowna ne provenait du collège de formation du personnel.

[80]  Étant donné que les certifications que Mme Andersson et M. Black ont faites à l’égard de la demande de réinstallation de chacun des fonctionnaires sont sans fondement factuel, les situations des fonctionnaires ne sont donc pas visées par la limite prévue à l’alinéa 12.1.2a) de la directive, mais elles sont plutôt visées par la directive comme si elles étaient considérées comme des mutations demandées par l’employeur.

[81]  À titre subsidiaire, l’employeur a soutenu que même si son interprétation était incorrecte, les griefs devaient être rejetés, car en vertu de l’application de la directive et donc de la convention collective, les fonctionnaires auraient été tenus de se conformer aux modalités de la directive afin d’avoir droit aux remboursements qu’elle prévoit. En d’autres termes, si chacune des réinstallations était à la demande de l’employeur et non à la demande du fonctionnaire, en vertu de l’article 12.1.2 de la directive, elle était devenue une réinstallation à la demande de l’employeur, selon la directive, les fonctionnaires étaient donc tenus de prendre certaines mesures pour s’y conformer afin d’avoir droit au remboursement de certains frais engagés.

[82]  Cet argument ne peut être retenu, car il permettrait à l’employeur de profiter de sa violation de la convention collective et priverait les fonctionnaires de l’avantage légitime que leur agent négociateur avait négocié et obtenu pour eux. Les fonctionnaires ont accepté ce que la personne investie du pouvoir nécessaire de l’employeur leur a dit et ils ont agi en fonction de ces renseignements. Il serait absurde pour la partie même qui a fourni les faux renseignements d’invoquer leur confiance légitime en ces faux renseignements pour priver les fonctionnaires d’un avantage légitime.

[83]  Étant donné qu’une période importante s’est écoulée entre la date à laquelle les fonctionnaires ont déposé leurs griefs et leur audition et, comme une réinstallation à la demande de l’employeur aurait conféré à l’employeur un certain contrôle relativement aux dispositions portant sur les coûts prévues dans la directive en ce qui concerne certaines options ou certains avantages à la disposition des fonctionnaires, je demeurerai saisi de l’affaire pendant une période de 120 jours afin d’aider les parties relativement à toute question qui survient de la détermination du montant approprié de la réparation à laquelle chacun des fonctionnaires a droit.

[84]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V.  Ordonnance

[85]  Il est fait droit au grief dans le dossier portant le numéro 566‑02‑13424. La réinstallation de Thomas Adam Gresley‑Jones à un poste de la division Okanagan et Kootenay à compter du 1er décembre 2014 est considérée comme une réinstallation à la demande de l’employeur au sens de l’article 2.6 de la Directive sur la réinstallation intégrée du CNM.

[86]  Il est fait droit au grief dans le dossier portant le numéro 566‑02‑13425. La réinstallation de David Grootjes à un poste au PE de Kelowna à compter du 4 novembre 2013 est considérée comme une réinstallation à la demande de l’employeur au sens de l’article 2.6 de la Directive sur la réinstallation intégrée du CNM.

[87]  L’employeur remboursera aux fonctionnaires tous les frais admissibles des réinstallations à la demande de l’employeur des fonctionnaires, conformément à la Directive sur la réinstallation intégrée du CNM.

[88]  Je demeurerai saisi de la présente affaire pendant une période de 120 jours pour répondre à toute question liée à la mise en œuvre de la présente décision.

Le 10 juin 2020.

Traduction de la CRTESPF

John G. Jaworski,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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