Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a été nommé pour un an à titre d’agent des décisions travaillant à distance au bureau de l’employeur à Montréal tout en étant supervisé depuis le bureau d’Ottawa – l’employeur a déterminé qu’il avait frauduleusement déclaré ses heures de travail, utilisé de façon malveillante ses réseaux électroniques, et a agi en situation de conflit d’intérêts et qu’il n’a pas coopéré à une enquête interne – il lui a imposé une suspension disciplinaire de 30 jours sans solde – la Commission a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas soumis de feuilles de temps et qu’il ne travaillait pas tous les jours comme il devait le faire, et que, en même temps, il faisait obstacle aux tentatives de l’employeur de communiquer avec lui – bien que l’employeur ait pu être au courant de sa participation active aux affaires syndicales au cours de cette période, cela ne le dégageait pas de son obligation de demander un congé approprié pour ce travail – la Commission a également conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé avait utilisé son téléphone cellulaire fourni par l’employeur à des fins personnelles et qu’il avait utilisé son système de courriel pour des affaires syndicales, ce qui contrevenait à la politique d’utilisation du réseau – en outre, il a refusé de coopérer à l’enquête de l’employeur, ce qui contrevenait à ses obligations en tant qu’employé – la Commission a conclu que sa conduite constituait un motif raisonnable de discipline, mais que le retard inexpliqué de l’employeur dans le processus d’enquête, y compris le fait de ne pas l’avoir contacté pendant 5 mois pour qu’il soumette ses feuilles de temps, était un facteur atténuant qui aurait dû être pris en compte – la suspension de 30 jours sans solde a été jugée excessive – une suspension de 20 jours a été substituée à titre de mesure juste et équitable.

Grief accueilli en partie.

Contenu de la décision


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1]  Carmine Paglia, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), était, pendant toute la période pertinente, un employé de l’Agence du revenu du Canada (ARC ou l’« employeur »). Par une lettre datée du 22 mai 2014, l’employeur a imposé une suspension de 30 jours, non payée, pour de supposées déclarations de temps frauduleuses, conflit d’intérêts, utilisation abusive répétée des réseaux électroniques et pour avoir refusé de collaborer à l’enquête interne.

[2]  Le grief du fonctionnaire contestant la mesure disciplinaire prise par l’employeur a été rejeté à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs. Le 20 juillet 2015, le grief a été renvoyé à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, maintenant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), conformément à l’alinéa 209(1)b) de ce qui est maintenant la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2).

[3]  Le fonctionnaire était visé par la convention collective conclue entre l’ARC et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’IPFPC ou le « syndicat ») pour le groupe Vérification, finances et sciences (VFS), laquelle est venue à échéance le 21 décembre 2011 (la « convention collective »).

[4]  J’ai aussi été saisi d’un grief déposé par le fonctionnaire contestant le congé non payé que lui a imposé l’employeur du 6 décembre 2010 au 31 mars 2011. Toutefois, étant donné que l’employeur a concédé ce grief le premier jour de l’audience, la présente décision ne porte que sur le grief concernant la suspension de 30 jours.

II.  Résumé de la preuve

[5]  Voici un extrait de la lettre disciplinaire adressée au fonctionnaire (pièce E‑1, onglet 27) :

[Traduction]

[…]

Les allégations concernant ce qui semblait être des déclarations de temps frauduleuses, une situation de conflit d’intérêts et une utilisation abusive répétée des réseaux électroniques ont été signalées à la Division des affaires internes et de la prévention de la fraude (DAIPF) en mars 2011. Par la suite, la DAIPF a amorcé une enquête interne et, en février 2014, la DAIPF a fourni à la direction un rapport final décrivant les résultats de son enquête; une copie dudit rapport vous a été fournie le 25 février 2014.

[…]

Le rapport d’enquête a révélé que vous avez omis de déclarer 416,50 heures de congé entre le 6 avril 2010 et le 5 décembre 2010 et que vous avez mal déclaré 12,25 heures de congé payé; vous avez refusé de collaborer à l’enquête des affaires internes, car vous n’avez répondu à aucune des questions pendant votre première entrevue ni aux questions ayant trait à vos absences pendant votre deuxième entrevue; vous avez contrevenu à la Politique sur les conflits d’intérêts lorsque vous avez utilisé les biens de l’Agence du revenu du Canada (ARC) à des fins personnelles et vous avez utilisé de manière abusive les réseaux électroniques de l’ARC à des fins syndicales.

[…]

[6]  L’employeur a cité trois témoins : soit Randy Hewlett, Marie‑France Leduc et Cathy Hawara. Le fonctionnaire a témoigné pour son propre compte. Il a également cité à témoigner Giovanni (John) Monti et Ronald Pétion. Les parties pertinentes de la preuve documentaire déposée à l’audience seront mentionnées au besoin.

A.  Pour l’employeur

1.  M. Hewlett

[7]  M. Hewlett était au service de l’ARC depuis 1989. À la date de l’audience, il était directeur général par intérim de la Direction des décisions en impôt (DDI). Au printemps 2010, alors qu’il était gestionnaire de la DDI située à Ottawa, en Ontario, son superviseur, Wayne Adams, le directeur général, lui a demandé de travailler avec le fonctionnaire à titre de gestionnaire.

[8]  Le fonctionnaire occupait un poste de vérificateur au Bureau des services fiscaux (BSF) de Montréal. Selon la lettre d’offre datée du 5 mars 2010, que le fonctionnaire a signée le 15 mars 2010, il a été nommé pour une période déterminée de un an, se terminant le 8 avril 2011, au poste d’agent des décisions (AU‑03) à la DDI; il devait retourner à son poste d’attache le 8 avril 2011 (pièce U‑ 1, onglet 4). La lettre précisait également que la nomination pour une période déterminée serait remplacée par une offre « permanente » à un poste AU‑03 s’il était en mesure d’accepter un poste à Ottawa durant cette période de un an.

[9]  M. Hewlett a supervisé le fonctionnaire de la fin avril à juin 2010. M. Adams avait pris les dispositions nécessaires pour permettre au fonctionnaire de travailler au BSF de Montréal et de se rapporter à M. Hewlett, à distance.

[10]  Le rôle de M. Hewlett en tant que gestionnaire du fonctionnaire consistait à attribuer des tâches pour que le fonctionnaire produise des interprétations techniques qui pourraient être envoyées aux demandeurs. Au cours de sa carrière, M. Hewlett a supervisé 50 employés travaillant à distance et ses attentes à l’égard de ces derniers ne différaient pas de celles à l’égard des employés qui étaient physiquement à son bureau à Ottawa : se présenter au travail à temps, produire les interprétations techniques demandées et exécuter le travail qui leur était confié.

[11]  Selon la compréhension de M. Hewlett, M. Adams avait confié trois interprétations techniques au fonctionnaire. Pendant qu’il supervisait le fonctionnaire, M. Hewlett lui a confié deux dossiers d’interprétation technique entre le 26 avril et le 7 mai 2010 (voir la pièce E‑1, onglets 1 et 2). Un dossier portait sur l’interprétation technique d’un régime d’assurance invalidité de longue durée (AILD), tandis que le deuxième portait sur l’avantage imposable relatif aux véhicules fournis par l’employeur. M. Hewlett reprochait au fonctionnaire de ne pas avoir répondu en temps opportun à ses demandes d’entretien et la piètre qualité du travail exécuté sur l’une des tâches qui lui avaient été confiées.

[12]  Pour ce qui est des deux courriels que M. Hewlett a envoyés au fonctionnaire les 3 et 5 mai 2010, respectivement, concernant l’état d’avancement des dossiers, M. Hewlett a dit qu’il s’attendait à obtenir une réponse du fonctionnaire, mais que ce dernier n’avait pas répondu au courriel du 3 mai.

[13]  Les deux dossiers que M. Hewlett a confiés au fonctionnaire étaient simples et il estimait que le fonctionnaire avait les compétences techniques pour les achever. Habituellement, il faudrait à un employé de 5 à 10 heures pour terminer un dossier, mais un nouvel employé de la DDI pourrait avoir besoin de 15 à 20 heures pour ce faire.

[14]  En ce qui concerne le dossier du régime d’AILD, M. Hewlett l’a examiné deux fois et l’a renvoyé au fonctionnaire pour qu’il y travaille davantage (pièce E‑1, onglet 4). Il voulait que le fonctionnaire termine la première tâche parce que si M. Hewlett le faisait lui-même, le fonctionnaire n’aurait pas les connaissances pour exécuter les autres tâches qui lui seraient confiées. M. Hewlett a fini par terminer le travail lui-même, puis il l’a émis. Le 12 mai 2010, il a envoyé un courriel au fonctionnaire au sujet de l’achèvement de ses tâches.

[15]  Le 20 mai 2010, le fonctionnaire et M. Hewlett ont échangé des courriels concernant la consignation du temps. Deux systèmes de consignation du temps étaient en place. Dans le cadre du premier système, les employés devaient consigner les absences, comme les congés annuels et les congés familiaux. Le deuxième système était utilisé à des fins de budgétisation, notamment le suivi du nombre d’heures brut consacrées à une tâche particulière.

[16]  On a demandé à M. Hewlett d’expliquer le genre d’orientation fournie aux employés qui se joignent à son équipe. Il a répondu qu’un programme d’orientation était en place dans le but de faire connaître les rouages de la DDI à l’employé, de lui apprendre à utiliser la base de données de recherche, et de lui permettre de rencontrer le gestionnaire en vue de discuter de l’approche relative au travail. Il avait l’habitude de remettre au nouvel employé un modèle de dossier traité par un autre employé pour lui montrer comment le travail était fait. Les demandes, la recherche, l’analyse et la réponse provisoire de l’employé, ainsi que les modifications du gestionnaire, figuraient dans le modèle de dossier. Une séance d’orientation distincte était fournie afin d’expliquer la façon d’effectuer ce travail. D’après M. Hewlett, le fonctionnaire possédait les compétences et la formation technique requises parce qu’il avait réussi le processus d’embauche lié à un poste classifié au groupe et au niveau AU‑03, dans le cadre duquel, selon ce qu’il croyait comprendre, il y avait un examen et une entrevue.

[17]  En ce qui concerne les absences du lieu de travail, M. Hewlett a dit qu’on s’attendait à ce que les employés informent leurs gestionnaires de toute absence, quelle qu’en soit la raison. M. Hewlett a renvoyé à certains courriels échangés entre lui et le fonctionnaire, les 7 et 8 juillet 2010, concernant la consignation du temps. Il a dit qu’à ce moment‑là, il n’était pas au courant des activités syndicales du fonctionnaire. Il n’avait jamais reçu ni approuvé de demandes de la part du fonctionnaire concernant une absence pour obligations syndicales. Si le fonctionnaire avait présenté une telle demande, il l’aurait approuvée. M. Hewlett a affirmé que lui-même avait été dirigeant syndical et que certains autres de ses employés exerçaient des fonctions syndicales. L’approbation d’une absence pour activités syndicales ne pose aucun problème, mais pour ce faire un avis doit être fourni.

[18]  Selon M. Hewlett, le travail effectué sur les tâches attribuées au fonctionnaire n’était pas assez bon et ce dernier n’avait pas répondu en temps opportun à ses demandes de discussion. Il comprenait que le fonctionnaire relevait de M. Adams.

[19]  En contre‑interrogatoire, M. Hewlett a affirmé que même s’il ne savait pas que le fonctionnaire n’avait pas d’expérience en vérification, celui-ci avait réussi l’examen AU‑03 et possédait les connaissances techniques nécessaires pour faire le travail.

[20]  Lorsqu’on lui a dit que, selon le fonctionnaire, les trois dossiers qui lui avaient été confiés par M. Adams étaient hypothétiques et sans demandeurs, M. Hewlett a répondu qu’il n’avait jamais vu ces dossiers et qu’il ignorait leur existence.

[21]  Le dossier d’AILD était le premier que le fonctionnaire avait soumis à M. Hewlett; trois ébauches ont été nécessaires. Le fonctionnaire n’a pas répondu au dossier des avantages imposables sur les véhicules et, finalement, M. Hewlett l’a attribué à un autre employé. M. Hewlett s’attendait à ce que le fonctionnaire prenne moins de temps et produise moins de versions qu’il ne l’a fait pour achever le travail, compte tenu du niveau de complexité du dossier.

[22]  L’orientation du fonctionnaire était axée sur la formation administrative, par exemple, sur la façon d’utiliser le système de déclaration de temps et la base de données. L’orientation a commencé deux mois après qu’il soit devenu AU‑03. Même si des dossiers lui avaient été attribués avant l’orientation, ils n’avaient rien à voir avec celle-ci. En effet, lorsqu’il a commencé à traiter les dossiers en mai 2010, l’orientation ne lui avait pas encore été offerte.

[23]  M. Hewlett n’avait pas établi les objectifs de rendement du fonctionnaire et il ne savait pas si M. Adams l’avait fait. M. Hewlett aurait communiqué et échangé des courriels avec le fonctionnaire concernant les interprétations provisoires, mais il n’aurait eu aucune discussion particulière sur son rendement. M. Hewlett a informé M. Adams de son insatisfaction à l’égard du rendement du fonctionnaire.

[24]  M. Hewlett a convenu que les Lignes directrices sur la gestion du rendement de l’employé de l’ARC, aux pages 7 et 8, s’appliquaient au fonctionnaire. Ces lignes directrices énoncent que les employés doivent recevoir un encadrement et de l’aide pour répondre à leurs attentes en matière de rendement et approfondir leurs compétences. Par ailleurs, les gestionnaires doivent fournir une rétroaction opportune sur le rendement et traiter tout problème dès qu’il se présente. M. Hewlett a fourni au fonctionnaire des commentaires sur les dossiers, en utilisant la fonction de suivi des changements de Microsoft Office, pour lui permettre de comprendre comment le travail devait être exécuté. Il a envoyé un courriel au fonctionnaire en temps opportun et il aurait discuté de ces commentaires avec lui. Après six à huit semaines, il a signalé à M. Adams les problèmes constatés concernant les dossiers du fonctionnaire.

[25]  En ce qui a trait l’omission du fonctionnaire de répondre aux communications, M. Hewlett a dit que le fonctionnaire aurait clairement dû savoir, selon les communications qu’il lui avait envoyées, qu’il devait répondre en temps opportun. Il s’attendait à ce que le fonctionnaire réponde à ses messages vocaux et à ses courriels dans un délai d’un jour. Il n’a pas demandé au fonctionnaire la raison pour laquelle il n’avait pas répondu, parce que le fonctionnaire répondait habituellement dans un délai de deux ou trois jours. Selon M. Hewlett, le fait que le fonctionnaire ne réponde pas à ces communications ne constituait pas une inconduite. Il a signalé à M. Adams que le fonctionnaire ne répondait aux communications et son insatisfaction à l’égard du travail du fonctionnaire.

[26]  M. Hewlett n’a pas approuvé les feuilles de temps du fonctionnaire concernant les congés. Bien que le fonctionnaire se rapportait à lui, il y avait tout de même un problème concernant les congés, c’est-à-dire que le fonctionnaire n’avait pas présenté de demande de congé pour activités syndicales. M. Hewlett n’a pris connaissance des activités syndicales du fonctionnaire que le 22 juin 2010, date à laquelle il a reçu un document électronique à ce sujet. Il aurait transmis le document à M. Adams et il lui aurait demandé s’il en avait été informé. Même si le document du 22 juin 2010 faisait était d’un congé personnel, M. Hewlett ne savait pas si la raison du congé avait changé ou qui l’avait approuvé. Il n’a eu aucun contact avec le fonctionnaire après environ le 8 juillet 2010, et il n’a pas participé au processus décisionnel à son égard.

[27]  Comme il est expliqué ci-après, le fonctionnaire a dû prendre un congé non payé le 6 décembre 2010. L’employeur a pris cette mesure parce que le fonctionnaire n’avait pas déclaré son temps et ses activités depuis le 30 juin 2010, et qu’il n’avait pas démontré à l’employeur qu’il avait exécuté un travail quelconque.

2.  Mme Leduc

[28]  Mme Leduc est employée par l’ARC depuis novembre 2000. Elle est enquêtrice interne à la DAIPF depuis mars 2011.

[29]  Selon la description des étapes normales d’une enquête interne de Mme Leduc, une fois les allégations d’inconduite reçues, une analyste des enquêtes de la section des Enquêtes préliminaires mène des travaux préparatoires afin de déterminer si une enquête approfondie est justifiée. Dans l’affirmative, une enquête officielle est lancée et un dossier est ouvert et attribué à un enquêteur.

[30]  L’enquête préliminaire a révélé certaines inconduites du fonctionnaire, notamment la déclaration de temps frauduleuse, un conflit d’intérêts et son utilisation abusive répétée des réseaux électroniques de l’ARC. L’enquête a été amorcée le 6 juin 2011. Mme Leduc a été désignée à titre d’enquêtrice et a commencé à traiter le dossier ce mois‑là.

[31]  Les renseignements qui lui ont été fournis comprenaient un tableau créé par l’analyste des enquêtes. Le tableau contenait les résultats de l’examen de l’utilisation par le fonctionnaire de sa carte d’accès à l’immeuble, d’Internet et du téléphone cellulaire de l’ARC, ainsi que les annonces qu’il a publiées pour la location de sa souffleuse à neige. Mme Leduc a rencontré les témoins et a recueilli des renseignements, y compris le calendrier Outlook, les feuilles de temps, les horaires de travail et le rapport d’étape sur les congés personnels du fonctionnaire.

[32]  M. Adams et M. Hewlett ont été interrogés le 7 juin 2011. M. Adams a déclaré qu’il n’avait pas autorisé le fonctionnaire à travailler à domicile et qu’aucun accès à distance sécurisé n’avait été fourni au fonctionnaire pour qu’il travaille à domicile.

[33]  Étant donné que le fonctionnaire était en congé de maladie, Mme Leduc n’a pas pu le rencontrer. Elle ne se souvenait pas de la date à laquelle il est retourné au travail, mais elle a déclaré qu’elle estimait que ce devait être en mai 2012. Elle ne se souvenait pas non plus de la date à laquelle elle a été informée de son retour au travail. En août 2012, les Relations de travail l’ont informée que le fonctionnaire participait à un processus de médiation. Elle a décidé d’attendre l’issue de ce processus, qui a eu lieu le 28 août 2012. À sa connaissance, le fonctionnaire était en congé de maladie en novembre et en décembre 2012 et il est retourné au travail en janvier 2013. Même si elle avait l’intention de rencontrer le fonctionnaire, ce n’est que le 7 mars 2013 qu’elle lui a envoyé un courriel concernant l’entrevue, car elle était en congé et qu’une réunion de tout le personnel a eu lieu.

[34]  La première entrevue a eu lieu le 12 mars 2013. Le fonctionnaire était accompagné d’une représentante syndicale, Marie‑Hélène Tougas, en qualité d’observatrice. Mme Leduc a lu les mises en garde habituelles. Mme Tougas l’a interrompue, a déclaré que l’entrevue faisait partie d’une mesure disciplinaire et a conseillé au fonctionnaire de ne pas y participer.

[35]  Dans une lettre, datée du 23 mai 2013, le fonctionnaire a été invité à une deuxième entrevue. Mme Leduc a déclaré que cette entrevue avait pour but de lui donner une autre occasion d’expliquer sa version de l’inconduite alléguée et de clarifier certaines questions. L’entrevue a eu lieu le 28 mai 2013.

[36]  Le fonctionnaire a indiqué qu’il était le trésorier du sous‑groupe VFS de l’IPFPC et de la direction générale du Centre de Montréal de l’IPFPC. Il ne se souvenait pas avoir fait l’objet d’une mesure disciplinaire pour avoir utilisé les réseaux de l’ARC à des fins syndicales, mais il a reconnu la politique lorsqu’on lui a présenté un courriel envoyé aux représentants syndicaux de l’IPFPC en date du 9 juillet 2009, énonçant les modalités d’utilisation des réseaux électroniques de l’ARC. Il a dit qu’il traitait des documents syndicaux pendant la journée et les fins de semaine et que, en 2009 et 2010, la direction du BSF de Montréal était au courant de ses activités syndicales. Il a confirmé qu’il avait envoyé un courriel à M. Adams et déclaré qu’il se retirerait des activités syndicales afin de se concentrer sur son travail à la DDI.

[37]  À la suite de l’entrevue du fonctionnaire, Mme Leduc a commencé à rédiger son rapport et à recueillir d’autres renseignements, tout en traitant d’autres dossiers. Le rapport d’enquête final a été remis le 5 février 2014.

[38]  Mme Leduc a décrit le type de renseignements sur lequel son rapport était fondé. L’horaire de travail du fonctionnaire, du 1er avril 2010 au 1er avril 2011, a été utilisé pour examiner les heures qu’il devait travailler, selon un horaire comprimé. Un employé qui travaille selon un tel horaire le saisit dans le système avant le début du cycle d’horaire comprimé de trois mois et le soumet à son superviseur aux fins d’approbation. En ce qui concerne le fonctionnaire, les renseignements qu’il a saisis ne comprenaient pas ses jours de congé comprimé.

[39]  Dans le rapport d’étape sur les congés personnels du fonctionnaire pour la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2011, elle a ajouté les dates de congé saisies dans un tableau comparatif et a expliqué la raison pour laquelle le fonctionnaire n’avait pas utilisé le courrier électronique ou sa carte d’accès pendant cette période.

[40]  Les fichiers de navigation Internet du fonctionnaire pour la période du 1er avril 2010 au 18 mars 2011 ne permettaient pas de savoir si le fonctionnaire était au bureau, car ce dernier aurait pu ne pas utiliser Internet durant un jour en particulier. Les fichiers et un autre rapport permettaient de connaître les sites Web qu’il avait consultés et s’ils étaient liés au travail. Mme Leduc s’est servie de ces renseignements pour déterminer s’il était au bureau un jour donné et s’il a utilisé Internet et, dans l’affirmative, le but de cette utilisation.

[41]  Le registre de l’utilisation par le fonctionnaire de sa carte d’accès au BSF de Montréal a été utilisé pour tenter de déterminer s’il était au bureau. Si le registre n’indiquait aucune activité un jour donné, il est possible que le fonctionnaire ait été absent. Cette absence d’activités dans le registre pouvait aussi s’expliquer par le fait qu’un autre employé avait utilisé sa carte d’accès et avait tenu la porte ouverte pour les employés qui le suivaient. Mme Leduc a déclaré qu’au BSF de Montréal, les cartes d’accès doivent être utilisées pour entrer dans l’immeuble, mais pas pour en sortir.

[42]  Mme Leduc a utilisé l’imprimé du calendrier Outlook du fonctionnaire pour la période d’avril 2010 à mars 2011, lorsqu’elle a créé le tableau des absences de ce dernier.

[43]  Dans son témoignage, Mme Leduc a également discuté de son analyse des absences du fonctionnaire, laquelle est présentée à la page 19 du rapport d’enquête. L’analyse se fonde sur des courriels, des extraits d’Internet et des extraits de l’ordinateur de travail du fonctionnaire qui permettent d’appuyer les allégations (pièce E‑1, onglets 22‑A à 22‑W). Mme Leduc a indiqué qu’en ce qui concerne les codes des activités syndicales, l’IPFPC a un tableau qui indique les congés payés et non payés pour les activités syndicales, tel qu’il est prévu dans la convention collective. Le code 6400 s’applique aux congés payés, tandis que le code 9100 s’applique aux congés non payés. Elle a dit que si, dans l’analyse, il n’y avait [traduction] « aucun onglet » pour un jour donné, cela signifiait qu’aucun courriel n’avait été envoyé du compte du fonctionnaire, qu’il n’avait pas utilisé sa carte d’accès ou Internet et qu’aucun congé n’avait été inscrit dans son rapport d’étape individuel.

[44]  En ce qui a trait à l’utilisation inappropriée des réseaux électroniques de l’ARC, Mme Leduc a indiqué que le courriel du 9 juillet 2009, à l’intention des représentants de l’IPFPC et qui énonçait les modalités d’utilisation des réseaux électroniques de l’ARC, avait été trouvé dans le compte de courrier électronique du fonctionnaire. Elle a déclaré que, entre le 2 novembre 2009 et le 7 juin 2011, le fonctionnaire avait envoyé ou reçu plus de 900 courriels portant sur des activités syndicales. Parmi ceux‑ci, environ 200 étaient des discussions sur le financement et le budget de l’IPFPC. Le disque dur personnel de son ordinateur de l’ARC contenait 30 dossiers financiers de l’IPFPC.

[45]  En ce qui concerne le conflit d’intérêts et l’utilisation abusive des biens de l’ARC, Mme Leduc a renvoyé à des imprimés d’annonces publiés sur le Web dans lesquelles figurait le numéro de téléphone du téléphone cellulaire attribué au fonctionnaire par l’ARC.

[46]  En contre‑interrogatoire, Mme Leduc a reconnu que M. Adams avait communiqué avec la DAIPF pour la première fois le 14 mars 2011, et qu’on lui avait demandé de faire une enquête, laquelle devait remonter au 6 avril 2010. Elle a reconnu en outre qu’à l’origine, on ne lui avait pas demandé d’enquêter sur l’utilisation abusive par le fonctionnaire des réseaux électronique de l’ARC ou de son téléphone.

[47]  Mme Leduc a reconnu que, à la suite du congé de maladie du fonctionnaire, soit du 12 mai 2011 au 11 mai 2012, trois mois s’étaient écoulés avant d’être informée, en août 2012, de son retour et que, à sa connaissance, le retard n’était pas attribuable au fonctionnaire. Même si le processus de médiation a pris fin le 28 août 2012, ce n’est qu’en septembre ou en octobre 2012 qu’il a su qu’il faisait l’objet d’une enquête; aucune entrevue à ce sujet n’a eu lieu. Il était en congé de maladie en novembre et en décembre 2012, et a été informé de l’enquête le 7 mars 2013.

[48]  En ce qui concerne la première entrevue avec le fonctionnaire le 12 mars 2013, Mme Leduc savait que Mme Tougas était une agente des relations de travail de l’IPFPC, mais pas qu’elle était représentante syndicale. Elle était présente en tant qu’observatrice et s’est opposée à cette qualification.

[49]  À la question de savoir s’il était possible que des erreurs dans le rapport d’enquête soient fondées sur des hypothèses formulées quant aux allées et venues du fonctionnaire, Mme Leduc a dit que les allées et venues du fonctionnaire avaient été établies en fonction des renseignements à sa disposition et des entrevues avec les témoins. Elle a ajouté que si le fonctionnaire avait fourni des renseignements selon lesquels les constatations étaient erronées, elles auraient été corrigées.

[50]  Mme Leduc a été renvoyée à la première puce de la page 5 du rapport d’enquête, qui indique que le fonctionnaire n’avait envoyé aucun courriel, et au courriel du 11 juin 2010 du fonctionnaire adressé à M. Hewlett concernant une ébauche du dossier des avantages imposables sur les véhicules. Elle a convenu que s’il s’agissait du deuxième dossier, il existait alors une communication. Mme Leduc a ensuite été renvoyée à un échange de courriels des 11 et 15 juin 2010 entre le fonctionnaire et M. Hewlett (pièce U‑ 1, onglet 17), qui indiquait que M. Hewlett n’était pas satisfait de la réponse sur le dossier des avantages imposables sur les véhicules et qu’il s’interrogeait à savoir si le fonctionnaire avait fait un travail quelconque et la raison pour laquelle il n’avait pas été présenté plus tôt. Mme Leduc a dit qu’elle n’avait pas vu ces courriels et qu’ils n’étaient peut‑être pas dans le compte de courrier électronique du fonctionnaire lorsqu’elle l’a examiné. De plus, il aurait pu fournir les courriels s’ils avaient eu l’occasion d’en discuter.

[51]  Lorsqu’elle a été renvoyée à une déclaration dans le rapport d’enquête et qu’on lui a demandé s’il était possible que le fonctionnaire ait répondu par téléphone, Mme Leduc a répondu qu’il n’y avait pas de courriel et que, bien qu’elle ait demandé les relevés téléphoniques, elle n’avait pas été en mesure de les obtenir.

[52]  En ce qui a trait à la carte d’accès à l’immeuble du fonctionnaire (rapport d’enquête, page 2), Mme Leduc a convenu qu’il était possible qu’un autre employé ouvre la porte. Elle a également convenu que le rapport d’enquête n’indiquait pas qu’il n’y avait pas de tourniquet au BSF de Montréal et que les employés n’avaient pas besoin de glisser les cartes d’accès pour entrer. Ces renseignements n’étaient pas inclus parce qu’ils n’étaient pas nécessaires à ce moment‑là et qu’aucune réunion n’avait été tenue avec quiconque du BSF de Montréal. Mme Leduc n’a pas vérifié si le fonctionnaire avait une carte de remplacement et, selon elle, il n’avait pas perdu sa carte.

[53]  Mme Leduc a été renvoyée au calendrier d’Outlook du fonctionnaire, plus précisément au 12 août 2010, qui indiquait que le fonctionnaire devait comparaître devant un tribunal en vue de contester une amende (rapport d’enquête, page 22) et on lui a demandé si elle s’était renseignée auprès du fonctionnaire au sujet de sa comparution devant le tribunal. Mme Leduc a répondu qu’il avait refusé de répondre aux questions concernant son assiduité. Elle a ensuite été informée que le fonctionnaire affirmerait dans son témoignage qu’il avait décidé de ne pas contester l’amende et qu’il était au bureau ce jour‑là.

[54]  En ce qui a trait au voyage à vélo du fonctionnaire à une réunion syndicale à Orford, au Québec (rapport d’enquête, page 20), Mme Leduc avait utilisé le temps de voyage indiqué par Google Maps. Elle ne lui a pas demandé s’il était un  fervent adepte du vélo.

[55]  En ce qui a trait aux échanges de courriels avec les membres du syndicat, Mme Leduc n’a pas communiqué avec ces employés. Elle a convenu qu’un employé pourrait ne pas avoir d’activité Internet pendant une journée ou être dans son bureau, sans toutefois utiliser le courrier électronique ou Internet. Elle a déclaré que puisque le fonctionnaire n’avait fourni aucun renseignement, elle devait utiliser les rapports sur l’utilisation de sa carte d’accès et ses activités de courriel et d’Internet.

[56]  Mme Leduc n’a interrogé aucun représentant de l’IPFPC au sujet des activités syndicales du fonctionnaire ou de sa participation aux réunions syndicales; elle n’a pas non plus interrogé de membres du sous‑groupe VFS de Montréal. Elle n’a interrogé aucun employé du BSF de Montréal qui pouvait attester des allées et venues du fonctionnaire.

[57]  Mme Leduc a convenu que les enquêtes devraient être effectuées de la manière la plus efficace possible. Interrogée au sujet de la période du 14 mars 2011, lorsque M. Adams a signalé les allégations, au 5 février 2014, soit la date de la publication du rapport d’enquête, elle a répondu que l’enquête officielle avait été lancée le 6 juin 2011.

[58]  En réinterrogatoire, Mme Leduc a dit que le fonctionnaire n’avait pas été informé plus tôt qu’il faisait l’objet d’une enquête parce que, selon la pratique de la DAIPF, les défendeurs en sont informés 48 heures avant une entrevue. Cette mesure vise à préserver l’intégrité des renseignements et à éviter de susciter un stress inutile aux défendeurs. En ce qui concerne la façon dont les priorités des enquêtes sont établies, elle a dit qu’elles varient en fonction de chaque cas, mais que la priorité est accordée aux cas concernant les employés visés par une suspension sans solde.

[59]  Mme Leduc a déclaré qu’un rapport d’enquête peut comporter plusieurs ébauches et plusieurs niveaux d’approbation. Un rapport est soumis à un examinateur principal, puis au gestionnaire de l’enquêteur, ensuite au directeur qui le met au point et le signe. Il est retourné par la suite au gestionnaire de l’enquêteur et à l’enquêteur pour signature. Enfin, le rapport est transmis au directeur général aux fins de signature d’une note de service et de transmission au commissaire adjoint.

[60]  À la question concernant les possibilités qu’un employé n’utilise pas sa carte d’accès ni son courriel et n’ait aucune activité Internet au cours d’un jour donné, Mme Leduc a répondu que c’était possible, mais qu’il était peu probable que la situation survienne plus d’une fois.

3.  Mme Hawara

[61]  Pendant la période pertinente, Mme Hawara était directrice générale de la Direction des organismes de bienfaisance de l’ARC, et ce, depuis septembre 2009. Elle était responsable notamment de la direction et de l’orientation générales du programme des organismes de bienfaisance et des questions liées aux organismes de bienfaisance. Son rôle général en matière de relations de travail et de discipline consistait à conseiller et à guider les gestionnaires au sujet des mesures disciplinaires possibles. Parfois, elle gérait elle‑même le processus disciplinaire. Le fonctionnaire s’était joint à sa direction en novembre 2013, à titre de conseiller en vérification, ce qui était mentionné dans le rapport d’enquête. Mme Hawara a conclu qu’elle devrait s’occuper du cas du fonctionnaire, étant donné qu’il était nouveau au sein de la direction et en raison de la gravité de l’inconduite alléguée énoncée dans le rapport d’enquête.

[62]  Une copie du rapport d’enquête a été remise au fonctionnaire le 25 février 2014, et l’audience disciplinaire a été tenue le 13 mars 2014. Les notes de cette audience ont été préparées par le conseiller en relations de travail qui était présent. L’audience avait pour but de donner au fonctionnaire l’occasion de fournir des renseignements supplémentaires et une explication, ainsi que de soulever tout facteur atténuant.

[63]  Le fonctionnaire a présenté, à titre de contexte, sa vie personnelle, le milieu de travail avant et après sa nomination à la DDI et ses activités syndicales. Il a fait référence aux problèmes au BSF de Montréal et à son rôle de soutien aux employés en tant que représentant et dirigeant syndical. Il a expliqué la façon dont il a utilisé son temps et en a fait rapport. Il a ajouté qu’il existait une règle non écrite concernant l’utilisation du temps à mesure que les problèmes survenaient. Il a présenté des feuilles de temps indiquant qu’il avait utilisé un congé non payé pour indiquer son travail en tant que dirigeant du syndicat.

[64]  En ce qui concerne la DDI, le fonctionnaire a déclaré qu’il y a eu une rupture de communication entre lui et la direction et qu’aucune formation ne lui avait été offerte, sauf lorsqu’il est allé à Ottawa. Il a également abordé certaines des conclusions du rapport d’enquête et a affirmé que les faits n’avaient pas été présentés de manière équitable. Il a fourni un rapport du système de l’ARC portant sur ses feuilles de temps s’étalant sur un certain nombre d’années. Je souligne que les parties ont convenu que seules les feuilles de temps de la période pertinente devraient être examinées. Il souhaitait établir qu’il avait utilisé le code lié aux congés payés pour les activités syndicales que ses superviseurs avaient approuvés. M. Adams avait approuvé ses feuilles de temps jusqu’au 1er juillet 2010.

[65]  Le fonctionnaire a également expliqué les deux façons de remplir les feuilles de temps à l’ARC. Selon la première, appelée [traduction] « déclaration positive », les employés doivent saisir quotidiennement le bon code de temps pour décrire comment leur temps a été consacré. Selon la deuxième, appelée [traduction] « déclaration négative », le système est programmé pour indiquer par défaut qu’un employé est au travail. Si l’employé est absent ou en congé, il doit accéder au système et saisir le code de congé. Au BSF de Montréal, le fonctionnaire était assujetti à la déclaration positive et, à la DDI, à la déclaration négative. Jusqu’au 5 juillet 2010, quelqu’un saisissait les codes de temps. À compter de cette date, la saisie [traduction] « admin » signifiait que le temps était automatiquement programmé.

[66]  Mme Hawara a indiqué que l’incidence de l’inconduite cernée était qu’elle démontrait que la direction avait approuvé le congé dans le système lorsque le fonctionnaire utilisait les codes. Elle a dû retourner aux rapports de temps pour déterminer si le code approprié avait été utilisé correctement. Après le 5 juillet 2010, le fonctionnaire n’avait pas lui-même saisi les feuilles de temps indiquant ce qu’il faisait. Pendant l’audience disciplinaire, il n’a pas présenté beaucoup de nouveaux renseignements par rapport à ceux que s’était procurés Mme Hawara au moyen des rapports de temps. La convention collective énonce les modalités liées aux congés payés ou non payés pour  activités syndicales et elle prévoit que l’approbation préalable de la direction est requise.

[67]  Étant donné que l’audience disciplinaire n’a pas abordé l’autre inconduite présumée du fonctionnaire pendant les deux heures prévues, il a été convenu de se réunir à nouveau. L’audience s’est poursuivie le 18 mars 2014.

[68]  La moitié du temps de la deuxième audience a été consacrée aux activités du fonctionnaire à la suite de la rupture de communication avec la direction. Essentiellement, il a traité des questions syndicales. Il a indiqué qu’il existait une règle non écrite au BSF de Montréal selon laquelle toute activité syndicale était traitée comme un congé payé. Il ne pouvait pas étayer sa discussion avec M. Adams. Mme Hawara n’a pas jugé convaincante l’explication du fonctionnaire.

[69]  Le fonctionnaire a déclaré que l’enquête mettait trop l’accent sur la carte d’accès à l’immeuble, car les employés pouvaient entrer l’un derrière l’autre sans glisser leur carte. Mme Hawara a indiqué que selon son expérience et le rapport sur les multiples accès du fonctionnaire, ainsi que ses connaissances des lieux de l’ARC et le fait que les employés étaient encouragés de ne pas laisser d’autres employés entrés derrière eux, il ne semblait pas crédible que, pour tous les jours mentionnés dans le rapport, le fonctionnaire n’ait pas glissé sa carte pour accéder aux lieux.

[70]  En ce qui concerne l’utilisation par le fonctionnaire des réseaux électroniques de l’ARC et les 900 courriels concernant les activités syndicales, il a dit qu’il s’agissait d’une pratique non écrite au BSF de Montréal qui avait été acceptée par la direction. Il avait déjà été réprimandé pour son utilisation abusive des réseaux électroniques de l’ARC.

[71]  En ce qui a trait à l’utilisation du téléphone cellulaire de l’ARC et à au fait qu’il avait fait suivre son numéro à son appareil personnel, le fonctionnaire a dit qu’il l’avait fait par souci de commodité afin de ne pas avoir à porter deux cellulaires et qu’il ne voyait rien de mal à le faire.

[72]  Après les audiences disciplinaires, Mme Hawara a consulté son conseiller en relations de travail et a donné suite à certaines questions soulevées au cours de celles‑ci, surtout la mention par le fonctionnaire de la pratique non écrite concernant les codes de temps et l’approbation préalable de la direction. Le conseiller en relations de travail de Mme Hawara a consulté les Relations de travail de la région du Québec de l’ARC. Un rapport a été créé à partir du système de déclaration de temps pour la période du 1er janvier 2010 au 1er janvier 2011, afin de déterminer si les deux codes, ou un seul, avaient été utilisés pour les congés payés. Selon le rapport, les deux codes avaient été utilisés. Mme Hawara a déclaré que le directeur des Relations de travail de la région du Québec de l’ARC avait dit que les congés pour les activités syndicales étaient appliqués conformément à la convention collective et qu’il n’existait aucune pratique non écrite.

[73]  Afin de parvenir à une décision concernant une mesure disciplinaire, Mme Hawara a tenu compte des faits, des conseils des Relations de travail et des circonstances atténuantes et aggravantes. En se reportant à l’inconduite du fonctionnaire énoncée dans la lettre disciplinaire, elle a indiqué que son omission de déclarer les 416,5 heures correspondait à ce qui avait été indiqué dans le rapport d’enquête. Pendant la période en litige, le fonctionnaire n’avait aucune correspondance par courriel, aucune utilisation d’Internet, aucune écriture dans son calendrier Outlook et aucun accès au BSF de Montréal. Au cours de son entrevue, il a reconnu qu’il n’avait exécuté aucun travail pour l’ARC pendant cette période. Il n’a pas démontré à Mme Hawara qu’il avait exécuté des travaux de l’ARC pendant cette période. En ce qui concerne la déclaration erronée de 12,25 heures de congé payé, Mme Hawara a indiqué que ces heures auraient été admissibles à un congé non payé pour activités syndicales.

[74]  Au cours de la période pendant laquelle le fonctionnaire était à la DDI, soit du 6 avril au 5 décembre 2010, Mme Hawara n’a pas considéré son congé non payé comme faisant partie de l’inconduite aux fins de l’application de la mesure disciplinaire.

[75]  Mme Hawara a mentionné les dispositions suivantes du Code de déontologie et de conduite (le « Code ») de l’ARC, daté de juin 2009 : l’alinéa k) (heures de travail et assiduité, p. 15); la page 13 (fraude – tenter d’obtenir un congé auquel la personne n’a pas droit); et l’alinéa 4b) (soin et utilisation de biens ou d’objets de valeur du gouvernement, p. 11). Elle a déclaré que l'omission de déclarer un congé est considérée comme une infraction de groupe 4, conformément cinq groupes figurant au tableau de l’ARC des mesures disciplinaires proposées. Le fait de permettre sciemment au système de générer des feuilles de temps qui indique que des travaux sont exécutés alors que ce n’est pas le cas constitue une violation grave du Code.

[76]  Le refus du fonctionnaire de collaborer à l’enquête était fondé sur le rapport d’enquête. Il avait dit qu’il n’était pas prêt à discuter de ses feuilles de temps parce qu’il avait déposé un grief, et il a affirmé qu’il ne collaborerait pas à l’enquête. À la question de savoir comment le refus de collaborer à une enquête violait le Code, Mme Hawara s’est référée à la version datée du 25 février 2013, à la page 7, qui énonce en partie ce qui suit : [traduction] « Vous avez l’obligation de collaborer à la tenue d’une enquête en fournissant des renseignements à un enquêteur […] ». Les employés sont tenus de passer en revue le Code chaque année. Il leur est envoyé par voie électronique et ils doivent attester qu’ils l’ont passé en revue et qu’ils le comprennent.

[77]  Mme Hawara a également invoqué la Politique sur les conflits d’intérêts et le Code et les Lignes directrices sur les conflits d’intérêts de l’ARC, qui découle de cette politique. Elle a affirmé que l’intégrité constitue un des fondements de l’ARC et que la gestion de l’équilibre entre les activités officielles et les activités personnelles revêt une grande importance. Les employés doivent divulguer chaque année leurs activités externes et les superviseurs peuvent décider s’ils peuvent les poursuivre. Le Code et les Lignes directrices sur les conflits d’intérêts étaient publiés sur l’intranet de l’ARC.

[78]  En ce qui a trait à l’utilisation par le fonctionnaire d’un téléphone cellulaire de l’ARC, le dossier de ce dernier renfermait un document de divulgation d’intérêt, mais aucune mention n’avait été faite de ses activités de gestion de logements locatifs. Tel qu’il est indiqué à la page 4 du Code, il est inacceptable d’utiliser les biens de l’ARC de cette façon. Si une personne savait qu’il s’agissait de biens de l’ARC, il ou elle pourrait, à tort ou à raison, présumer que l’ARC appuyait l’activité en question.

[79]  Mme Hawara a déclaré que la Politique sur la surveillance de l’utilisation du réseau électronique de l’ARC peut être consultée dans l’intranet de l’organisation, que la politique mentionne le Code et qu’elle devrait être interprétée conjointement avec l’alinéa g) du Code (accès aux réseaux électroniques et leur usage), à la page 11.

[80]  Mme Hawara a discuté des facteurs qu’elle avait pris en considération lorsqu’elle a imposé la suspension de 30 jours. Selon l’analyse du rapport d’enquête et des renseignements fournis par le fonctionnaire, elle a conclu qu’il y avait eu inconduite.

[81]  Les facteurs atténuants dont elle a tenu compte étaient les 15 années de service du fonctionnaire, son attitude positive à l’égard de son nouvel emploi auprès de la Direction des organismes de bienfaisance, sa collaboration au processus d’entrevue disciplinaire et son expression de remords. Elle a également tenu compte des mesures prises par la direction. Il n’avait pas été informé d’un arrêt de sa rémunération ou que la déclaration de temps ou l’omission de déclarer du temps pourraient entraîner un processus disciplinaire.

[82]  L’inconduite relative à l’omission de déclarer du temps, soit l’inconduite la plus grave, faisait partie des facteurs aggravants dont Mme Hawara a tenu compte. Cette inconduite a eu lieu et a été répétée pendant la période de six mois visée par la mesure disciplinaire. Elle était troublée par l’approche du fonctionnaire selon laquelle il existait des règles non écrites au BSF de Montréal et par le fait qu’il n’a présenté aucune preuve à l’appui de cette approche. Cette approche différait de sa compréhension de la façon dont les délégués syndicaux exercent leurs fonctions. Il s’est libéré de son travail, en supposant que la direction y souscrivait, ce qui était irresponsable. Il n’a communiqué avec la direction que lorsque son salaire a cessé de lui être versé. En outre, il a utilisé les réseaux électroniques de l’ARC pour des activités syndicales après avoir été averti et réprimandé pour un tel usage. Il n’a pas tenu compte des règles énoncées dans la convention collective et dans les politiques de l’ARC qu’il aurait dû respecter en tant que délégué syndical.

[83]  En contre‑interrogatoire, Mme Hawara a dit qu’elle avait rencontré le fonctionnaire pour la première fois à l’audience disciplinaire, qu’elle n’avait eu aucune interaction avec lui en 2010 ou en 2011, et qu’elle n’avait aucune communication avec lui au sujet de l’enquête. Elle a supposé qu’il était au courant de l’enquête et qu’il y avait participé.

[84]  Mme Hawara a indiqué que le fonctionnaire avait reconnu certains actes répréhensibles, qu’il avait dit qu’il ne le ferait plus et qu’il avait exprimé des remords.

[85]  Lorsqu’elle a été interrogée au sujet des retards dans le processus, Mme Hawara a affirmé que cette situation était attribuable à des circonstances qui ne relevaient pas de la responsabilité de l’enquêtrice.

[86]  En ce qui concerne l’utilisation abusive par le fonctionnaire des réseaux électroniques de l’ARC, Mme Hawara a fait référence aux première et deuxième cases du tableau des mesures disciplinaires proposées. Elle ne se préoccupait pas de la sécurité, car il s’agissait plutôt d’un problème de stockage causé par les 900 courriels portant sur les activités syndicales. Même si le fonctionnaire n’avait aucun contrôle sur les courriels qu’il recevait, il aurait pu s’efforcer d’informer les expéditeurs et de les réorienter; rien dans ses courriels n’indiquait qu’il l’avait fait. Il a affirmé que l’envoi de courriels syndicaux était toléré selon une règle non écrite au BSF de Montréal.

[87]  Lorsque l’on a attiré son attention sur les mesures minimales figurant dans la première ou deuxième case du tableau des mesures disciplinaires proposées, Mme Hawara a indiqué qu’elles s’appliquaient si une seule infraction était commise. L’approche de l’ARC consiste à traiter les infractions multiples dans leur ensemble. Elle a examiné les infractions les plus graves, a considéré l’autre inconduite comme un facteur aggravant et a appliqué le groupe 4 du tableau. Elle n’a pas eu recours aux mesures disciplinaires progressives.

[88]  En ce qui concerne la déclaration de temps du fonctionnaire, il avait dit à Mme Hawara qu’il travaillait à temps plein sur les activités syndicales. Lorsqu’on lui a dit que la pratique du BSF de Montréal consistait à permettre aux dirigeants syndicaux d’exercer librement leurs activités syndicales, Mme Hawara a répondu que selon sa compréhension, le fonctionnaire était délégué syndical, ce qui correspondait au code 6400, plutôt que dirigeant syndical. Elle comprenait qu’il occupait trois postes syndicaux. Il a indiqué qu’il était un délégué syndical actif, mais que la grande partie de ses courriels concernaient ses postes de dirigeant syndical. La conclusion de Mme Hawara était fondée sur sa compréhension des règles, soit que l’approbation de la direction du congé devait être obtenue au préalable, les feuilles de temps étaient nécessaires et les bons codes devaient être saisis.

[89]  Mme Hawara a affirmé que les rapports de temps ont été extraits pour vérifier si deux codes étaient utilisés dans la région du Québec de l’ARC et à l’échelle nationale. Elle a déclaré que la direction ne s’était pas penchée particulièrement sur le rôle d’un délégué syndical par rapport à celui d’un dirigeant syndical. Son conseiller en relations de travail lui a dit que le directeur des relations de travail pour la région du Québec lui avait indiqué que les représentants syndicaux devaient respecter les règles de la convention collective.

[90]  Au cours de son témoignage, elle a été interrogée au sujet d’une enquête que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) effectuait à l’égard du BSF de Montréal en 2009 et, plus particulièrement, la nécessité de l’intervention des représentants syndicaux. Selon la compréhension de Mme Hawara, les services d’un avocat étaient offerts aux employés touchés. Elle a affirmé que pendant les audiences disciplinaires, le fonctionnaire avait indiqué qu’il avait eu à assister à de nombreuses réunions pendant cette période.

[91]  Selon la compréhension de Mme Hawara, le BSF de Montréal avait une certaine connaissance de la participation syndicale du fonctionnaire et M. Adams semblait en avoir une certaine connaissance également, mais il n’était pas clair dans quelle mesure la DDI en avait connaissance. Le fonctionnaire a indiqué que ses activités syndicales diminueraient.

[92]  Lorsqu’elle a été renvoyée à la liste des facteurs atténuants et aggravants de l’ARC, Mme Hawara n’estimait pas l’avoir utilisée. Elle a tenu compte de la question relative à la rapidité d’exécution du processus et du fait que la direction n’avait jamais averti le fonctionnaire qu’il faisait une déclaration erronée du temps. Elle a considéré comme un facteur aggravant le fait qu’il n’avait pas déclaré correctement le temps au cours d’une période de six mois. Même si les déclarations erronées se sont étalées sur une période d’un an, elle n’a examiné qu’une période de six mois. Même si la direction n’avait pas averti le fonctionnaire, elle a néanmoins considéré comme facteur aggravant le fait qu’il n’ait pas déclaré le temps de travail parce que le but d’un avertissement est d’informer un employé que de graves répercussions disciplinaires pourraient en découler. En ce qui concerne le fonctionnaire, il savait comment déclarer le temps et l’avait fait. L’absence d’avertissement de la direction n’a pas permis d’atténuer le fait qu’il aurait dû respecter les règles de la convention collective; il savait que ce qu’il faisait était mal et il l’a dit à Mme Hawara.

[93]  À la question de savoir s’il existait une politique qui empêchait un gestionnaire ou un directeur général d’informer un employé qu’il ou elle faisait l’objet d’une enquête pour inconduite, Mme Hawara a répondu qu’elle n’était pas certaine, mais que selon son expérience, lorsqu’une enquête est lancée, on lui demande de ne pas en informer les employés, car des renseignements doivent être recueillis.

[94]  Lorsqu’elle a été renvoyée au fait que le fonctionnaire n’était pas au courant de l’enquête avant mars 2013, Mme Hawara a répondu qu’il était en congé depuis un an et quelques mois, soit d’avril 2011 à mai 2012 et de novembre et de décembre 2012. Il n’y a eu aucun contact avec lui pendant cette période.

[95]  Mme Hawara n’a pas communiqué avec M. Adams durant la période où elle a examiné la possibilité d’imposer une sanction disciplinaire. Elle a tenu compte du rapport d’enquête, des conseils des Relations de travail et des audiences disciplinaires du fonctionnaire.

B.  Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

1.  Le fonctionnaire s’estimant lésé

[96]  Pendant qu’il travaillait au BSF de Montréal, le fonctionnaire a téléphoné à la DDI pour y demander si elle embauchait. Dans son courriel à M. Adams, le 4 mars 2010, il a informé M. Adams qu’il ne pouvait pas déménager à Ottawa, car son père avait des problèmes de santé. Il a également dit à M. Adams qu’il participait à des activités syndicales qui accaparaient beaucoup de son temps. Il voulait que M. Adams sache qu’il réduirait ses activités syndicales pour se concentrer sur son travail à titre d’agent des décisions. Il a également informé M. Adams qu’étant donné ses antécédents en finances, il ne se sentait pas à la hauteur du rôle d’agent des décisions. Il n’a pas été en mesure de réduire ses activités syndicales comme prévu en raison de l’enquête de la GRC concernant le BSF de Montréal, laquelle l’a obligé à répondre à de nombreux appels de membres du syndicat.

[97]  En avril 2010, le fonctionnaire exerçait tout d’abord ses fonctions de délégué syndical de façon active, mais il a aussi occupé les postes syndicaux suivants : trésorier du sous‑groupe VFS de Montréal, trésorier de la direction générale du Centre de Montréal et secrétaire‑trésorier du groupe VFS.

[98]  Au moyen d’un courriel le 5 mars 2010, M. Adams a offert au fonctionnaire une affectation d’une durée d’un an à titre d’agent des décisions au BSF de Montréal, que le fonctionnaire a accepté. Il a commencé ce travail le 6 avril 2010.

[99]  En ce qui concerne la formation, avant de commencer son travail en tant qu’agent des décisions, il a eu de nombreuses discussions téléphoniques avec M. Adams et M. Hewlett. Au début de juin 2010, il s’est rendu à Ottawa pour suivre une formation sur le Système de gestion de la correspondance et des dossiers sur le Web (SGCD Web) et une discussion sur l’approche à adopter dans le traitement des dossiers. On lui a accordé un accès au logiciel de recherche le 9 juin 2010. La grande partie de sa formation a été suivie en cours d’emploi. On lui a donné des dossiers à traiter, mais aucun objectif de rendement. Au départ, il relevait de M. Adams, ensuite de M. Hewlett.

[100]  En février 2010, le fonctionnaire s’est rendu à Ottawa dans le cadre de ses fonctions syndicales. Il a rencontré M. Adams, qui lui a remis trois dossiers pour lui donner une idée du type de travail qu’un agent des décisions exécutait. Il ne les a pas traités et aucun délai ne lui a été accordé, mais il a eu plusieurs discussions avec M. Adams à leur sujet.

[101]  En ce qui concerne la déclaration de temps, le fonctionnaire a déclaré que si un seul code d’activité est associé à un employé, le système le saisit automatiquement chaque jour et génère une feuille de temps quotidienne. Si l’employé prend un jour de congé, il ou elle doit saisir le code approprié. Le temps consacré à chaque dossier est saisi dans le SGCD Web. Or, le fonctionnaire n’a pas saisi le temps qu’il a consacré au traitement des dossiers qui lui avaient été confiés en février 2010 puisqu’ils étaient en format papier et qu’ils étaient destinés à lui donner une idée du travail. À ce moment‑là, il n’avait pas accès au SGCD Web.

[102]  Le fonctionnaire s’est souvenu de son échange de courriels avec M. Hewlett les 5 et 6 mai 2010, au sujet de l’accès à distance aux systèmes. Il a indiqué que même s’il exerçait des activités syndicales, il souhaitait continuer à travailler en tant qu’agent des décisions.

[103]  Le fonctionnaire a mentionné plusieurs exemples d’échanges de courriel pour indiquer que la direction avait retardé sa réponse. Le premier exemple concerne le dossier d’AILD (pièce U‑1, onglet 8) et son échange de courriels avec M. Hewlett le 7 mai 2010 (pièce E‑1, onglet 2). Le dossier concernant l’avantage imposable sur les véhicules fournis par l’employeur (pièce U-1, onglet 9) et un courriel provenant de M. Hewlett (pièce E‑1, onglet 4) ont aussi été présentés à titre d’exemple. Le fonctionnaire a souligné la longue période écoulée entre le courriel du 11 mai et la réponse le 21 mai 2010.

[104]  En ce qui concerne le courriel du 19 mai 2010 envoyé par M. Adams au fonctionnaire, le fonctionnaire a déclaré qu’il portait sur sa discussion avec M. Hewlett au sujet de la déclaration du temps; ils avaient échangé des courriels à ce sujet le 20 mai 2010. Le fonctionnaire a indiqué qu’il avait envoyé sa réponse concernant le dossier du régime d’AILD (pièce U‑1, onglet 12) à M. Hewlett le 7 mai, et qu’il a reçu une réponse le 21 mai 2010.

[105]  Le fonctionnaire a décrit sa relation de travail avec M. Adams comme étant satisfaisante au début, mais il a déclaré que, avec le temps, ils ne considéraient plus les choses de la même façon. M. Adams souhaitait avoir des réponses plus rapides et plus complètes, alors que le fonctionnaire ne possédait pas le même niveau d’expérience que les autres agents des décisions. Il a dit que leur relation avait commencé à changer à la mi‑juin 2010. Il a mentionné un courriel provenant de M. Adams le 16 juin 2010, dans lequel le gestionnaire a affirmé qu’il n’avait [traduction] « rien de positif » à dire au sujet du rendement du fonctionnaire et qu’il mettrait fin à sa [traduction] « nomination pour une période déterminée » à la fin de l’été. Un autre poste serait offert au fonctionnaire, à condition que ce dernier se présente au bureau de la DDI d’Ottawa, au plus tard le 7 septembre 2010. Je souligne que, selon le rapport d’enquête,  l’enquêtrice n’a trouvé aucune information selon laquelle M. Adams avait envoyé au fonctionnaire l’avis mentionné dans son courriel du 16 juin 2010, notamment qu’il serait mis fin à sa nomination pour une période déterminée à la fin de l’été.

[106]  Le fonctionnaire a indiqué qu’il avait perçu la conduite de M. Adams comme une tentative de [traduction] « l’écarter ». Il n’avait pas reçu une formation adéquate et n’occupait le poste que depuis deux mois. Il a déclaré qu’il n’y a eu aucun suivi du courriel et que, par la suite, il n’avait pas interagi avec M. Adams pendant une longue période.

[107]  En ce qui concerne son échange de courriels avec M. Hewlett les 7 et 8 juillet 2010, au sujet de sa déclaration de temps, le fonctionnaire a indiqué qu’il aurait appelé M. Hewlett, puisqu’il avait pris un congé personnel le 22 juin 2010. Il aurait rappelé à M. Hewlett que M. Adams savait qu’il avait des responsabilités syndicales.

[108]  Au cours de la période de juin à juillet 2010, le fonctionnaire a achevé les deux dossiers que M. Hewlett lui avait attribués et aucun autre dossier ne lui a été attribué. Il a dit qu’il était à son bureau tous les jours et qu’il consacrait tout son temps aux activités syndicales. Entre avril et juillet 2010, la seule discussion concernant le rendement du fonctionnaire était le courriel de M. Adams.

[109]  En ce qui a trait au temps qu’il a consacré aux activités syndicales, le fonctionnaire a affirmé qu’il participait activement aux activités du syndicat en raison de l’enquête de la GRC de 2009 concernant le BSF de Montréal. Plusieurs employés avaient été licenciés et d’autres faisaient l’objet d’une enquête interne. Des membres du conseil exécutif du sous‑groupe VFS de Montréal, le fonctionnaire et M. Monti étaient le principal soutien des membres.

[110]  Le fonctionnaire n’a pas quantifié le temps qu’il a consacré aux activités syndicales du 6 avril au 30 juin 2010, sauf pour dire qu’il avait rencontré certains membres pendant la journée de travail et d’autres avant et après le travail. Il a témoigné qu’entre le 30 juin 2010 et le 6 avril 2011, il a consacré tout son temps aux activités syndicales et que M. Adams était au courant de sa participation syndicale. Il a affirmé que s’il ne recevait aucun dossier de travail, il s’agissait d’un feu vert lui permettant d’exécuter des travaux syndicaux.

[111]  Le fonctionnaire a déclaré que la direction et les employés au BSF de Montréal étaient au courant de sa participation syndicale; il avait mené une campagne en vue d’être élu à titre de représentant syndical et qu’il avait tenu des réunions avec la direction et les membres. Il a dit que M. Adams, plus particulièrement, était au courant de sa participation syndicale, tout comme M. Hewlett.

[112]  Le fonctionnaire a indiqué qu’il n’avait reçu aucun travail de M. Adams après le courriel du 16 juin 2010 de ce dernier à l’intention du fonctionnaire. Le fonctionnaire a reconnu qu’à la suite de ce courriel, il n’a pas déclaré son temps sur les feuilles de temps. Il a indiqué qu’il s’agissait d’un oubli et qu’il a agi sans aucune malice. Il a reçu des courriels de M. Adams et de M. Hewlett au sujet de la déclaration de temps, mais il n’a ensuite reçu aucune communication à ce sujet provenant de l’employeur pendant quelques mois. Il n’a effectué aucun autre travail après les deux premiers dossiers parce qu’il n’a reçu aucun autre dossier et il était inondé de travail syndical. Étant donné que la direction n’a pas communiqué avec lui, il a supposé qu’elle savait que ses activités syndicales l’occupaient à temps plein, puisqu’elle était au courant de l’enquête de la GRC. En ce qui a trait à son échange de courriel avec M. Adams les 7 et 8 février 2011, le fonctionnaire a indiqué l’avoir trouvé étrange parce que M. Adams savait qu’il participait au syndicat et qu’il n’avait reçu aucun dossier.

[113]  Le fonctionnaire a reconnu qu’il n’avait pas présenté de feuilles de temps comme on lui avait demandé parce qu’il estimait qu’il serait [traduction] « piégé » par M. Adams, qui cherchait des raisons de mettre fin à sa nomination pour une période déterminée. Il a mentionné la lettre de M. Adams, qui lui avait été envoyée par courriel le 9 février 2011. Dans le courriel, on lui a demandé de fournir un compte rendu de son temps et de ses activités et on lui offrirait une aide à reconstituer les données. La lettre indiquait également que ses actes pourraient être interprétés comme un désir de mettre fin à la relation d’emploi.

[114]  Le fonctionnaire a témoigné que M. Adams avait résilié son [traduction] « contrat » à la DDI. Je souligne que, selon les documents déposés en preuve, le fonctionnaire est parti en congé non payé à compter du 6 décembre 2010 (lettre adressée au fonctionnaire en date du 18 janvier 2011) et que, selon le rapport d’enquête, le fonctionnaire est retourné à son poste d’attache en avril 2011 (c.‑à‑d. à la fin de la nomination pour une période déterminée d’un an).

[115]  Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait été muté plus tard au BSF de Laval (Québec), où il a travaillé à compter de son retour de congé de maladie en mai 2012 jusqu’en novembre 2013. Aucune raison claire de sa mutation à ce BSF ne lui a été donnée, mais il a affirmé que la mutation avait été effectuée en vue de l’empêcher d’offrir des services aux membres syndicaux au BSF de Montréal.

[116]  Le fonctionnaire a ensuite fait des commentaires sur certains énoncés de M. Hewlett figurant dans les notes d’entrevue de l’enquêtrice à son égard. En ce qui concerne l’énoncé selon lequel le fonctionnaire [traduction] « n’avait pas retourné les appels », il a dit qu’il ne savait pas pourquoi M. Hewlett avait dit cela. Il a témoigné qu’il retournait toujours les appels ou les courriels. Si M. Hewlett avait appelé le téléphone cellulaire du fonctionnaire et qu’il n’était pas en mesure d’y répondre immédiatement, il le rappelait. En ce qui a trait à la déclaration de M. Hewlett selon laquelle il avait rencontré le fonctionnaire pendant deux jours au cours de sa première semaine à Ottawa, le fonctionnaire a dit que M. Hewlett avait fait allusion à une discussion au téléphone. Il a indiqué qu’il n’avait pas rencontré M. Hewlett en personne avant qu’il ne se rende à Ottawa, en juin 2010.

[117]  Le fonctionnaire a appris pour la première fois qu’il faisait l’objet d’une enquête lorsqu’il a reçu le courriel de Mme Leduc le 7 mars 2013. Il a communiqué avec Mme Tougas, qui l’a accompagné à l’entrevue le 12 mars 2013. Mme Tougas a informé Mme Leduc que le fonctionnaire ne pouvait pas répondre à certaines questions parce que son grief concernant ce qu’elle a décrit comme le congé non payé [traduction] « imposé par l’employeur » était à l’étape de l’arbitrage. Mme Tougas a envoyé un courriel à Mme Leduc à ce sujet le 13 mars 2013.

[118]  Le fonctionnaire a formulé des commentaires sur certains éléments du rapport d’enquête final. Il a reconnu que la DDI n’était pas satisfaite de son travail et qu’il avait cessé de fournir des feuilles de temps après le 30 juin 2010. En ce qui a trait à l’utilisation du téléphone cellulaire de l’ARC, dont le numéro de téléphone a été transféré à l’appareil personnel du fonctionnaire, ce dernier a dit qu’il était plus facile de se rappeler le numéro de téléphone de l’ARC que celui de son téléphone personnel. Il a ajouté qu’étant donné que son téléphone personnel était subventionné par l’IPFPC moyennant un plan illimité, alors que les frais du téléphone de l’ARC étaient fondés sur l’utilisation, il a fait économiser de l’argent à l’ARC. Le fonctionnaire a affirmé que lorsqu’il a inscrit le numéro de téléphone de l’ARC sur l’annonce de location, ainsi que celle de la vente de la souffleuse à neige, il l’a fait par inadvertance.

[119]  Le fonctionnaire n’était pas d’accord avec l’analyse de l’enquêtrice concernant ses absences et a affirmé qu’elle aurait dû tenir compte d’autres possibilités. Il a indiqué qu’il se rendait à vélo presque quotidiennement au BSF de Montréal. Afin d’avoir accès au garage de l’immeuble, les cyclistes doivent annoncer leur nom à l’agent de sécurité, qui ouvrait la porte. Aucune carte d’accès n’était requise. Le bureau du fonctionnaire se trouvait au 8e étage et sa carte d’accès lui permettait d’accéder uniquement à cet étage. S’il rencontrait un membre syndical au 6e étage, le membre le rencontrait là et ouvrait la porte. S’il quittait le bâtiment pour dîner, à son retour, il montrait sa carte à l’agent de sécurité et la porte s’ouvrait. Il a dit que parfois, un employé suivait un autre employé sans glisser une carte. Le fonctionnaire a déclaré que l’enquêtrice aurait pu vérifier les caméras vidéo ou interroger certaines personnes, comme la direction du BSF de Montréal ou les membres du conseil exécutif du syndicat.

[120]  Le fonctionnaire a affirmé que lorsqu’elle a analysé ses absences, l’enquêtrice n’a tenu compte que de trois éléments : ses activités sur Internet et sur son compte de courrier électronique et sa carte d’accès. En ce qui a trait au courrier électronique, il a dit qu’il se peut qu’il n’en ait pas envoyé ou qu’il les ait supprimés. Certains jours, il ne se connectait pas aux réseaux électroniques de l’ARC, mais travaillait plutôt à partir du disque dur de l’ordinateur portatif. Il a affirmé que l’absence d’activités Internet ne mènerait pas nécessairement à la conclusion selon laquelle il n’était pas au bureau un jour donné. Il aurait pu être en train de s’occuper d’autres questions. En outre, on lui a posé les questions de deux à trois ans après les événements en litige et il n’avait pas consigné ses activités de façon détaillée.

[121]  Le fonctionnaire a contesté la conclusion du rapport d’enquête selon laquelle, en ce qui concerne son voyage à vélo à Orford pour participer à une réunion syndicale, il avait voyagé le jeudi 13 mai 2010 et que, selon Google Maps, il lui avait fallu cinq heures et 45 minutes. Il a dit qu’il s’était rendu à vélo à Orford avec un ami. Ils ont quitté la maison de l’ami ensemble le vendredi 14 mai 2010, à 7 h ou à 7 h 30, et sont arrivés à Orford avant dîner, à 11 h ou à 11 h 15. Il a dit qu’ils roulaient entre 30 et 35 km/h et non entre 20 et 25 km/h.

[122]  Pour ce qui est de l’inscription dans son calendrier Outlook d’une comparution devant le tribunal le 12 août 2010, le fonctionnaire a dit qu’elle concernait une infraction routière à Prescott, en Ontario. Étant donné qu’il vivait à Montréal, il ne valait pas la peine de contester l’amende et il n’a pas comparu devant le tribunal. Il a affirmé que le simple fait que l’événement était inscrit dans son calendrier ne signifiait pas qu’il était absent de son bureau.

[123]  Le fonctionnaire a témoigné qu’il aurait pu mieux gérer ses relations de travail avec M. Adams. Plutôt que d’essayer de régler la situation, il n’a pas pris les bonnes décisions et aurait dû être plus conciliant, ce pour quoi il a présenté ses excuses. Il n’avait aucune mauvaise intention envers l’employeur.

[124]  En contre‑interrogatoire, le fonctionnaire a reconnu qu’avant de signer la lettre d’offre visant le poste d’agent des décisions, il avait lu et compris les deux codes qui y étaient mentionnés, notamment, le Code et lignes directrices sur les conflits d’intérêts et le Code.

[125]  Même si M. Adams avait demandé plusieurs fois au fonctionnaire d’achever les dossiers, le fonctionnaire a dit que les dossiers lui avaient été attribués afin qu’il puisse se faire une idée du travail d’agent des décisions, ce dont M. Adams était au courant. Le fonctionnaire a dit qu’ils se [traduction] « disputaient » dans leurs échanges de courriels. Il a affirmé qu’après les discussions entre M. Adams et lui, et il y en a eu plusieurs, M. Adams lui envoyait un courrier électronique plusieurs mois plus tard.

[126]  Le fonctionnaire a été renvoyé au deuxième paragraphe du courriel que M. Adams lui a envoyé le 8 avril 2010, dans lequel il demandait une analyse provisoire des trois dossiers. Il a reconnu qu’à l’époque, il avait de bonnes relations de travail avec M. Adams. Il a déclaré qu’il avait effectué des recherches et pris des notes, mais qu’il n’avait ni achevé ni présenté une analyse provisoire.

[127]  Lorsqu’un échange de courriels avec M. Hewlett, le 12 mai 2010, a été porté à l’attention du fonctionnaire, il a dit avoir une bonne relation avec M. Hewlett et M. Adams à ce moment‑là. Il a indiqué que, selon son interprétation, la discussion concernant les trois dossiers avait pour but de déterminer l’équipe de la DDI auquel il devait être membre.

[128]  Le fonctionnaire a indiqué que lorsque M. Adams lui a envoyé un courriel le 19 mai 2010, il avait une bonne relation avec lui. M. Adams lui a demandé une proposition de réponse, mais il a dit que cette demande n’était pas logique, car il venait tout juste de commencer à occuper le poste d’agent des décisions et qu’on lui avait confié cinq dossiers.

[129]  Le fonctionnaire a reconnu qu’il n’avait fourni aucune réponse finale concernant les trois dossiers, comme le lui avait demandé M. Adams dans son courriel du 21 février 2011. Les dossiers ne figuraient pas dans le SGCD Web et il n’en a pas informé M. Adams. Lorsque l’on a demandé au fonctionnaire pourquoi il n’avait jamais vérifié avec M. Adams si les dossiers devaient être traités, d’autant plus que de nombreuses demandes pour leur traitement avaient été faites, le fonctionnaire a expliqué que les dossiers lui avaient été confiés pour lui donner une idée du travail à faire et qu’il n’avait pas été informé qu’un contribuable attendait une réponse.

[130]  Le fonctionnaire a reconnu avoir reçu le courriel du 9 juillet 2009, à l’intention des représentants syndicaux, concernant les modalités d’utilisation des réseaux électroniques de l’ARC.

[131]  En ce qui a trait à son omission de fournir un compte rendu de son temps, malgré plusieurs demandes, le fonctionnaire a indiqué qu’il s’agissait d’une erreur et qu’il était têtu. Il a indiqué que M. Adams était au courant de la situation au BSF de Montréal, en raison de la couverture médiatique, ainsi que de la participation syndicale du fonctionnaire. Le fonctionnaire a reconnu qu’il avait l’obligation de présenter des feuilles de temps relatives à ses activités syndicales. Lorsqu’il a été renvoyé à la lettre jointe au courriel de M. Adams du 9 février 2011, dans laquelle une aide était offerte au fonctionnaire pour reconstituer les données, le fonctionnaire a dit qu’il n’avait pas accepté l’offre parce que M. Adams était au courant de ses activités.

[132]  Le fonctionnaire a reconnu que, pour la période de juillet à décembre 2010, il n’avait informé personne à Ottawa qu’il se consacrait à temps plein aux activités syndicales durant ses heures de travail. Même s’il a reconnu qu’aucun de ses courriels à Ottawa n’indiquait l’ampleur de ses activités syndicales, il a dit que la direction d’Ottawa était au courant de celles-ci. Lorsqu’on lui a dit que, de juillet à décembre 2010, il n’avait présenté aucune feuille de temps pour les activités syndicales ou pour les absences, il a répondu que c’était ce que le rapport d’enquête indiquait. Il a reconnu que pendant la même période, il n’avait pas obtenu une approbation préalable de la direction d’Ottawa relativement aux activités syndicales et qu’il n’avait présenté aucune feuille de temps à l’employeur.

2.  M. Monti

[133]  M. Monti est un employé de l’ARC depuis 25 ans. Il travaille au BSF de Montréal en tant que vérificateur national (classifié au groupe et au niveau AU‑04) à la Direction du secteur international et des grandes entreprises. Il occupait un poste de direction de groupe (classifié au groupe et au niveau MG‑05) dans d’autres unités de 2006 à 2012. Il connaît le fonctionnaire depuis 2006 ou 2007, lorsqu’il faisait partie du conseil exécutif syndical, et que le fonctionnaire est devenu délégué syndical à la direction générale à Montréal. D’avril 2010 à avril 2011, M. Monti exerçait, de manière active, les fonctions de délégué syndical et il occupe toujours ce poste.

[134]  À la suite de l’enquête de la GRC sur le BSF de Montréal, en avril 2009, et de l’enquête interne qui en a découlé, l’atmosphère était marquée par la crainte, la confusion et la paranoïa. Bon nombre d’employés ont pris un congé de maladie, y compris M. Monti,  qui s’est absenté de janvier à mars 2010.

[135]  D’avril 2010 à avril 2011, le conseil exécutif syndical a poursuivi ses activités de routine et a tenu des réunions mensuelles qui portaient sur les processus de dotation, l’évaluation du rendement et les nominations intérimaires. Les activités ponctuelles consistaient notamment à rencontrer les membres au sujet de l’enquête et à les accompagner aux entrevues d’enquête, sur demande. Certains délégués syndicaux ne remplissaient pas leurs fonctions de manière active et les délégués syndicaux qui jouaient un rôle actif n’avaient pas toujours le temps de s’occuper des dossiers. Le fonctionnaire a exécuté la grande partie des travaux concernant les réunions avec les membres en lien avec l’enquête interne.

[136]  M. Monti a déclaré que d’avril 2010 à avril 2011, 50 % de son temps était consacré aux activités syndicales. À ce moment‑là, la direction et les employés au BSF de Montréal savaient qu’il jouait un rôle actif au sein du syndicat; son superviseur immédiat, le directeur et le directeur adjoint de la Vérification étaient au courant de cette situation.

[137]  M. Monti a déclaré qu’il rencontrait les membres pendant la journée de travail, même si la direction n’y réagissait pas bien. À ce moment‑là, M. Monti était gestionnaire et déclarait le temps consacré aux activités du travail en utilisant le code 001 dans les feuilles de temps; pour les activités syndicales, il consignait son temps au moyen du code 6400. Il a témoigné que tous les délégués syndicaux et les membres du conseil exécutif du sous‑groupe étaient censés utiliser le code 6400 lorsqu’ils participaient à une activité syndicale.

[138]  M. Monti a déclaré que lorsqu’il devait rencontrer un membre, il en informait son gestionnaire. Si le gestionnaire était réticent, M. Monti rencontrait quand même le membre. Si le gestionnaire lui demandait où il était, il répondait qu’il avait assisté à une réunion avec un membre.

[139]  À la question de savoir s’il avait subi des répercussions en raison de ses activités syndicales, M. Monti a déclaré qu’il avait été réprimandé pour avoir envoyé un courriel à tous les membres du syndicat. D’avril 2010 à avril 2011, il a envoyé des courriels aux membres au moyen des réseaux électroniques de l’ARC.

[140]  D’avril 2010 à avril 2011, M. Monti a discuté des activités syndicales avec le fonctionnaire au moins une fois par jour, s’ils étaient tous les deux au bureau. Ces discussions avaient lieu durant les pauses, l’heure du midi ou après le travail. Si la question était urgente, le fonctionnaire se rendait à son bureau ou il se présentait au bureau du fonctionnaire.

[141]  En ce qui a trait à son accès au BSF de Montréal, M. Monti a dit qu’à la porte d’entrée, il montrait sa carte d’accès à l’agent de sécurité, puis il prenait l’ascenseur jusqu’au 10e étage. Une fois sorti, il glissait sa carte d’accès dans le lecteur de la porte donnant accès aux bureaux. S’il était avec d’autres employés, il les suivait, puisqu’il n’était pas nécessaire de glisser les cartes individuellement.

[142]  En contre‑interrogatoire, M. Monti a été renvoyé au courriel concernant l’absence du fonctionnaire du 26 avril 2010 (pièce E‑1, onglet 22‑B). Il a confirmé qu’il concernait une activité de l’IPFPC. Lorsqu’on lui a présenté des documents concernant l’absence du fonctionnaire le 8 juin 2010 (pièce E‑1, onglet 22‑F), il a confirmé de nouveau qu’il s’agissait d’activités syndicales.

[143]  M. Monti a témoigné que le code 6400 était le seul qui concernait le temps consacré aux activités syndicales. Il avait utilisé le code 9100 pour un congé non payé lorsque, par exemple, il avait assisté à une réunion du conseil syndical régional du vendredi au dimanche. Il aurait pu utiliser ce code ou demander un congé de vacances s’il avait souhaité être payé par l’employeur.

[144]  Lorsqu’il a été interrogé au sujet de l’accès au garage du BSF de Montréal entre avril 2010 et avril 2011, M. Monti a répondu qu’il ne pouvait dire avec certitude si une carte devait être glissée ou s’il fallait sonner le klaxon du véhicule, puis donner son nom à l’agent de sécurité. Pour se rendre au garage en passant par l’immeuble, il prenait l’ascenseur du 10e étage et il n’était pas tenu de glisser sa carte dans le lecteur pour quitter l’étage. Pour sortir du garage, l’agent de sécurité ouvrait la porte si le nom de l’employé figurait sur une liste.

[145]  M. Monti a reconnu être bien au courant du courriel du 9 juillet 2009 à l’intention des représentants syndicaux, lequel indiquait que l’utilisation des réseaux de l’ARC pour l’envoi de courriels concernant les activités syndicales n’était pas autorisée et que la politique s’appliquait pendant la période d’avril 2010 à avril 2011. Il a dit l’avoir fait malgré ce courriel parce que cette utilisation avait été tolérée dans le passé.

[146]  M. Monti a déclaré que d’avril 2010 à avril 2011, il n’avait pas informé son superviseur des activités syndicales qu’il exerçait parce qu’ils se détestaient.

[147]  En réinterrogatoire, M. Monti a déclaré qu’il y avait deux entrées au garage de l’immeuble, soit une porte pour les véhicules et une porte pour les piétons. Pour y entrer, un employé devait communiquer avec l’agent de sécurité, dont le kiosque était à l’intérieur. Si l’agent n’était pas dans le kiosque, l’employé actionnait le klaxon du véhicule et donnait son nom à l’agent au 1er étage, qui ouvrait la porte si le nom figurait sur une liste. Il n’était pas ne pouvait pas dire avec certitude si les employés devaient donner leur nom lorsqu’ils quittaient le garage.

3.  M. Pétion

[148]  M. Pétion était un employé de l’ARC depuis 27 ans. En 2010, il était vérificateur principal au BSF de Montréal. Il connaît le fonctionnaire depuis 2004, personnellement et grâce à leur participation syndicale. Ils travaillaient sur le même étage. M. Pétion est vice‑président du sous‑groupe VFS de Montréal et a été délégué pendant plus de 10 ans. En 2010, il était membre du conseil exécutif du sous‑groupe de Montréal.

[149]  En 2009 et en 2010, le milieu de travail au BSF de Montréal était difficile en raison des enquêtes internes et de celles de la GRC. Même si M. Pétion ne traitait pas avec les employés visés par l’enquête, son travail en tant que délégué concernait les comités, comme ceux ayant trait à la santé, à l’équité en matière d’emploi, aux évaluations du rendement et à d’autres activités courantes.

[150]  M. Pétion était au courant des activités syndicales du fonctionnaire en 2010. Il a dit que le fonctionnaire connaissait très bien la situation relative à l’enquête et qu’il a beaucoup aidé les employés et est intervenu activement auprès de la direction. La direction dans son ensemble au BSF de Montréal était au courant de leurs activités syndicales, car ils avaient des réunions et des discussions avec elle.

[151]  M. Pétion a déclaré que les réunions syndicales avaient lieu pendant les heures normales de travail et qu’à titre de membre du conseil exécutif syndical, il n’avait pas nécessairement à demander l’autorisation de la direction. Il a déclaré son temps consacré aux activités syndicales comme des heures rémunérées, sous le code 6400. Environ 25 % à 30 % de son temps étaient consacrés aux activités syndicales. Il n’a jamais été interrogé au sujet de son temps consacré aux activités syndicales; il n’y a eu aucune répercussion ni aucune conséquence. En 2010, M. Pétion voyait le fonctionnaire très souvent, soit presque tous les jours.

[152]  En contre‑interrogatoire, M. Pétion a déclaré qu’il n’avait jamais utilisé le code 9100 (congé non payé) pour ses activités syndicales, y compris les conférences de l’IPFPC.

III.  Résumé de l’argumentation

A.  Pour l’employeur

[153]  L’employeur a imposé au fonctionnaire une suspension de 30 jours pour quatre cas d’inconduite, comme il est indiqué dans la lettre disciplinaire : l’omission de déclarer la façon dont il avait occupé son temps durant un nombre important d’heures entre le 6 avril et le 10 décembre 2010, le refus de collaborer à une enquête interne, la violation de la Politique sur les conflits d’intérêts de l’ARC lorsqu’il a utilisé des biens de l’ARC pour exercer des activités personnelles et l’utilisation abusive des réseaux électroniques de l’ARC pour exercer des activités syndicales.

[154]  La Commission doit déterminer si, selon la prépondérance des probabilités, l’employeur a eu raison d’imposer une mesure disciplinaire et, dans l’affirmative, si la mesure disciplinaire était appropriée. Ce faisant, elle doit évaluer la crédibilité des témoins; voir Faryna c. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354.

[155]  L’audience d’arbitrage devant la Commission est une audience de novo; voir  Tripple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no 818 (QL) (C.A.F.). Tous les vices de procédure qui surviennent durant et après le processus d’enquête sont corrigés par la tenue de la présente audience; voir Maas et Turner c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 123, au paragraphe 118. La Commission n’est pas liée par le rapport d’enquête et peut fonder sa conclusion sur la preuve. L’employeur a soutenu que les éléments de preuve permettent à la Commission de tirer les mêmes conclusions que l’enquêteur et que toute erreur de calcul relative à l’utilisation d’un certain nombre d’heures un jour donné ne devrait pas lui être fatale.

[156]  Les employés doivent se présenter au travail et y demeurer pendant leurs quarts réguliers; voir Simon Fraser University c. A.U.C.E. Local 2, [1990] B.C.C.A.A.A. No. 409 (QL) aux paragraphes 17 et 18; Riche c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2013 CRTFP 35, au paragraphe 117. Une convention collective peut prévoir une exception à cette obligation, tel qu’il est énoncé aux articles 27 à 30 de la convention collective en l’occurrence. Même si l’employeur ne doit pas intervenir dans les activités syndicales, il est tenu de faciliter les activités syndicales, sauf dans les cas prévus par la convention collective. Par exemple, la clause 27.01 exige que l’employeur fournisse au syndicat un espace sur les tableaux d’affichage et la clause 27.02 énonce que l’employeur doit mettre à la disposition du syndicat des endroits pour y placer ses documents.

[157]  L’article 30 de la convention collective porte sur les congés pour activités syndicales, sous réserve des nécessités du service. Un congé payé est accordé lorsqu’un employé qui agit à titre de représentant syndical exerce une activité syndicale dans la région de son lieu d’affectation. Un congé non payé est accordé lorsque l’activité syndicale se produit à l’extérieur de cette région. La clause 29.04 prévoit qu’un représentant syndical doit obtenir l’autorisation son supérieur immédiat pour quitter son poste de travail.

[158]  En ce qui a trait à la preuve concernant l’autorisation de la direction, l’employeur a fait valoir que M. Monti avait témoigné que même s’il n’avait pas demandé la permission de son superviseur pour rencontrer un membre, il en a informé son superviseur dès son retour. M. Pétion, qui a consacré de 25 % à 30 % de son temps aux activités syndicales, a déclaré qu’il existait une tolérance ou une entente générale selon laquelle un membre de l’exécutif syndical n’avait pas à demander la permission au préalable. La direction aurait pu faire preuve de tolérance compte tenu des circonstances exceptionnelles liées à l’enquête de la GRC et des enquêtes internes au BSF de Montréal. Toutefois, la tolérance dont fait preuve la direction dans une situation donnée ne devrait pas être interprétée comme une pratique courante qui s’applique à l’ensemble de la direction de l’ARC au Canada. L’employeur a indiqué que M. Monti et M. Pétion avaient tous les deux présenté des feuilles de temps dans lesquelles figurait le temps consacré aux activités syndicales. Outre ce qui est mentionné dans la convention collective, rien n’indique quand l’employeur accordera un congé payé pour activités syndicales ou n’exige que l’employeur accorde un congé payé pour d’autres activités exercées au nom du syndicat.

[159]  Au cours de la période du 6 avril au 5 décembre 2010, au cours de laquelle une mesure disciplinaire a été imposée au fonctionnaire, ce dernier a travaillé à partir du BSF de Montréal, alors qu’il relevait de la DDI de l’Administration centrale, située à Ottawa. Dans la lettre d’offre, il est mentionné que le fonctionnaire est nommé à la DDI pour une période d’un an. Il n’était pas autorisé à travailler à partir de chez lui.

[160]  Dans son témoignage, le fonctionnaire a affirmé qu’il savait qu’il devait déclarer le temps consacré aux activités syndicales ou tout autre type de congé. Lorsqu’il a accepté l’offre, dans un courriel en date du 4 mars 2010, il a dit à M. Adams qu’il se retirerait systématiquement des postes syndicaux qu’il occupait en vue de se concentrer sur son travail d’agent des décisions. M. Hewlett ne savait pas que le fonctionnaire exerçait des activités syndicales. Dans son témoignage, il a affirmé n’avoir jamais reçu une demande de congé pour activités syndicales provenant du fonctionnaire et n’avoir jamais approuvé un tel congé. La direction n’a pas fait preuve de tolérance à l’égard des activités syndicales du fonctionnaire; elle ne l’a pas non plus libéré pour travailler à temps plein à ces activités. Le fonctionnaire a cessé de présenter des feuilles de temps après le 30 juin 2010.

[161]  En ce qui a trait à la mention du fonctionnaire de la pratique au BSF de Montréal concernant l’autorisation par la direction des congés pour activités syndicales, l’employeur a soutenu qu’une telle pratique serait contraire à la convention collective et que, pendant la nomination pour une durée déterminée du fonctionnaire, ce dernier relevait d’Ottawa et non de Montréal.

[162]  Trois dossiers ont été confiés au fonctionnaire au début de son mandat à la DDI (pièce E‑1, onglets 1 et 5, et pièce U‑1, onglets 11, 17 et 32). L’employeur a fait valoir que l’intention n’était pas de lui donner une idée du travail, mais qu’il s’agissait de véritables demandes de renseignements qui devaient être traitées.

[163]  L’employeur a soutenu qu’en se fondant sur le rapport d’enquête, il a conclu que le fonctionnaire s’était absenté et qu’il n’avait pas déclaré ses absences pendant les jours de travail prévus et à l’égard desquels il n’existait aucune activité Internet ou courriel enregistrée ni aucun accès enregistré au BSF de Montréal. En ce qui concerne certains jours où il était au travail, le registre de l’utilisation de sa carte d’accès indiquait plusieurs absences un jour donné.

[164]  L’employeur a cité deux exemples où le fonctionnaire a fourni une explication de son absence. Le premier concernait son voyage à vélo à Orford pour une réunion du conseil régional. Les jeudi et vendredi 13 et 14 mai 2010, il devait travailler huit heures par jour. Chaque jour, il n’y avait aucune activité Internet ou courriel enregistrée ni aucun accès enregistré au BSF de Montréal pour le fonctionnaire. Dans un courriel en date du 4 mai 2010, il a indiqué son intérêt à participer à un cours de formation sur les pensions à Orford, le 14 mai 2010. Dans un courriel en date du 17 mai 2010, il raconte son voyage à vélo à Orford. En raison de l’absence d’activité les 13 et 14 mai, l’enquêtrice a conclu que le fonctionnaire s’était rendu à Orford le 13 mai 2010 et, par conséquent, qu’il avait omis de déclarer huit heures de congé annuel pour le voyage à vélo et huit heures de congé non payé pour activités syndicales. Au cours de l’enquête, le fonctionnaire n’a pas répondu aux questions concernant ces jours‑là.

[165]  Le deuxième exemple visait le 5 octobre 2010, date à laquelle le fonctionnaire devait travailler 7,5 heures. Ce jour‑là, le fonctionnaire n’a enregistré aucune activité Internet ou courriel et il n’y a aucun enregistrement de son accès au BSF de Montréal. Dans un courriel en date du 30 septembre 2010, il a demandé la tenue d’une réunion avec un gestionnaire au BSF de Laval, le 5 octobre 2010, à 15 h. L’enquêtrice a calculé 2,5 heures pour le temps de déplacement et de réunion et a conclu que le fonctionnaire avait omis de déclarer cinq heures de congé annuel ou d’un autre congé pour le reste de la journée.

[166]  L’employeur a soutenu que la question concerne le temps que le fonctionnaire devait consacrer au travail. Le rapport d’enquête a établi que, du 6 avril au 5 décembre 2010, l’employeur a versé au fonctionnaire une rémunération équivalente à plus de 400 heures, qu’il a consacrées à des activités syndicales ou à d’autres activités qui n’étaient pas liées à son travail. Il existe des éléments de preuve solides qui permettent de conclure qu’à toutes les dates indiquées dans le rapport d’enquête, le fonctionnaire n’était pas dans son bureau et n’a exécuté aucun travail pour l’employeur. Les explications partielles présentées par le fonctionnaire lors de son témoignage à l’égard de certaines des dates ne permettent pas d’expliquer l’absence d’enregistrement d’activité Internet ou courriel ou d’accès au BSF de Montréal. Il ne s’agit pas d’une ou de deux heures d’absence, mais de centaines. Il ne suffisait pas que le fonctionnaire fasse des déclarations générales pour soulever des doutes quant aux conclusions de l’enquête. Afin d’établir que sa version était plus probable que celle de l’employeur, il devait présenter des éléments de preuve détaillés et convaincants.

[167]  La convention collective n’exige pas que l’employeur paie les heures qu’un membre de l’exécutif syndical consacre aux activités syndicales. Il n’appartenait pas au fonctionnaire de déterminer que l’employeur l’avait libéré pour travailler à temps plein aux activités syndicales. Il a violé la section « Heures de travail » du Code. L’omission de déclarer une absence constitue un motif valable pour prendre une mesure disciplinaire (voir Phillips c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2013 CRTFP 67, au paragraphe 84).

[168]  En ce qui concerne le refus du fonctionnaire de collaborer à une enquête interne, lors de sa première entrevue le 12 mars 2013, il a refusé de répondre à des questions comme le lui a conseillé sa représentante syndicale. Une enquête interne est une affaire administrative. Le refus du fonctionnaire de collaborer a eu des répercussions sur l’enquête, car l’enquêtrice n’a pas pu compter sur ses explications pour préparer son analyse.

[169]  En ce qui a trait à l’utilisation du numéro de téléphone cellulaire de l’ARC, Mme Hawara a affirmé qu’il s’agissait d’une préoccupation pour deux raisons. D’une part, le fonctionnaire n’a pas divulgué à la direction sa participation à la gestion de logements locatifs et, d’autre part, l’utilisation du numéro de téléphone de l’ARC pourrait être perçue comme si l’ARC tolérait et appuyait de telles activités. Il a contrevenu aux politiques sur les conflits d’intérêts qui précisent que les actifs de l’ARC ne doivent être utilisés qu’aux fins d’activités approuvées.

[170]  Le fonctionnaire a contrevenu au Code et à la Politique sur la surveillance de l’utilisation du réseau électronique en utilisant les réseaux électroniques de l’ARC pour exercer des activités syndicales. Entre le 2 novembre 2009 et le 7 juin 2011, il a envoyé ou reçu plus de 900 courriels portant sur des activités syndicales. Le disque dur de son ordinateur de l’ARC renfermait 30 dossiers financiers de l’IPFPC. Il a reconnu avoir reçu le courriel qui avait été envoyé à tous les représentants syndicaux le 9 juillet 2009, concernant les modalités d’utilisation des réseaux électroniques de l’ARC. Même si M. Monti a affirmé dans son témoignage avoir envoyé des courriels concernant les activités syndicales au moyen des réseaux de l’ARC, le fait qu’un autre représentant syndical l’a fait n’absout pas le fonctionnaire de la violation commise à l’encontre de la politique ou ne rend pas la violation acceptable.

[171]  Dans les observations de l’employeur, les éléments énoncés dans la lettre disciplinaire ont été établis selon la prépondérance des probabilités.

[172]  En ce qui concerne le caractère approprié de la pénalité, l’employeur a fait valoir qu’elle tenait compte de la gravité de l’inconduite du fonctionnaire. La Commission ne doit modifier une pénalité que lorsque celle‑ci est manifestement déraisonnable ou erronée; voir Cooper c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 119, au paragraphe 13; Mercer c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2016 CRTEFP 11, au paragraphe 55. Dans les circonstances en l’espèce, une suspension de 30 jours n’était ni déraisonnable ni manifestement erronée.

[173]  Mme Hawara a témoigné au sujet de son processus décisionnel et de la prise en considération des facteurs atténuants et aggravants. Elle considérait l’omission du fonctionnaire de déclarer son temps comme l’inconduite la plus grave et son autre inconduite comme un facteur aggravant.

[174]  Il se dégage de la preuve que même lorsque le fonctionnaire avait une bonne relation avec ses superviseurs en avril et en mai 2010, il a omis de déclarer certaines absences, y compris des congés pour activités syndicales. On lui a offert plusieurs occasions d’expliquer l’utilisation de son temps, mais il a refusé. Il a refusé l’offre d’aide de M. Adams pour reconstruire les données dans un courriel en date du 9 février 2011. Ce n’est qu’aux audiences disciplinaires qu’il a fourni une certaine explication, mais il a invoqué le temps écoulé pour indiquer qu’il ne se souvenait pas des raisons de ses absences inexpliquées.

[175]  La mesure disciplinaire a été imposée au fonctionnaire pour les dates pour lesquelles l’employeur n’avait aucune indication qu’il était au bureau et celles à l’égard desquelles il disposait d’une preuve selon laquelle le fonctionnaire n’était pas au bureau. Les heures non déclarées ne comprennent pas les heures pour lesquelles l’employeur avait des éléments de preuve selon lesquels le fonctionnaire était à son bureau, mais se consacrait à des activités syndicales.

[176]  L’employeur a mentionné plusieurs décisions qui étaient, selon lui, fondées sur des circonstances similaires, sinon identiques, à celles en l’espèce. Il s’agit de Murdoch c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2015 CRTEFP 21, au paragraphe112 (absences à cinq occasions; licenciement confirmé); Phillips (cinq absences non déclarées; réprimandes écrites antérieures, suspensions de 2, de 3, de 10 et de 20 jours; licenciement confirmé); Grand and Toy Ltd. v. United Steelworkers of America, Local 9197, [2000] O.L.A.A. No. 606 (QL), aux paragraphes 86 et 89 (une suspension de 9 mois); Andrews c. Administrateur général (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CRTFP 100, au paragraphe 98 (une suspension d’un an et huit mois).

[177]  Mme Hawara a affirmé que, compte tenu de tous les facteurs, une suspension de 30 jours était suffisante. Le fonctionnaire a reconnu après coup qu’il aurait pu agir différemment. L’employeur a fait valoir que cette prise de conscience démontre que l’objectif de la mesure disciplinaire avait été atteint puisque le fonctionnaire avait corrigé son comportement.

B.  Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

[178]  L’avocate du fonctionnaire a commencé la présentation de ses arguments par  un examen détaillé des faits. Je n’énoncerai pas les faits qui ne sont pas contestés, qui ont trait au grief concédé ou qui sont par ailleurs inutiles. Je ne mentionnerai que ceux qui sont en litige ou qui doivent être autrement résumés.

[179]  Les premiers jours de la nomination pour une période déterminée du fonctionnaire ont été décrits. Il a affirmé que M. Adams était au courant de sa participation importante au travail syndical, malgré sa déclaration à M. Adams peu après avoir accepté la nomination selon laquelle il avait l’intention de se retirer de cette participation.

[180]  Le fonctionnaire a décrit les dossiers que M. Adams et M. Hewlett lui avaient confiés et a soutenu que ceux qui lui avaient été confiés par M. Adams étaient des dossiers de pratique qui avaient simplement pour but de lui donner une idée du travail effectué dans la section. Il a également affirmé qu’il avait traité les dossiers confiés au cours des semaines suivant leur réception et qu’il avait eu des discussions avec M. Hewlett et M. Adams à leur sujet. Bien que, pendant les deux premiers mois de sa nomination pour une période déterminée, il ne pouvait pas consigner les heures consacrées aux différentes activités dans le SGCD Web parce qu’il n’avait pas encore suivi une formation sur ce système et parce que les dossiers qui lui avaient été confiés ne figuraient pas dans ce système, le fonctionnaire a soutenu qu’il avait discuté de l’attribution de son temps avec M. Hewlett avant de se rendre à Ottawa pour y suivre une formation à la fin de juin 2010.

[181]  Le fonctionnaire a allégué qu’il avait continué de traiter les dossiers confiés après sa formation et qu’il avait pris des notes sur l’utilisation de son temps. Il a soutenu que jusqu’au 16 juin 2010, il avait traité les dossiers confiés et assuré une communication régulière avec M. Adams et M. Hewlett. Sa réception en juin du courriel susmentionné, l’informant que sa nomination pour une période déterminée prendrait fin plus tôt que prévu lui avait causé un choc. À partir de ce moment-là, sa relation avec l’employeur s’est détériorée. Le courriel du 16 juin 2010 a été sa dernière communication avec M. Adams pendant plusieurs mois. En ce qui concerne M. Hewlett, le fonctionnaire a discuté avec lui de l’utilisation de son temps et lui a remis les deux dossiers qui lui avaient été confiés. Lorsqu’aucune autre tâche ne lui a été confiée, il s’est immergé dans son travail syndical et a consacré toutes ses heures de travail à ces activités au BSF de Montréal. Il a allégué que la direction était au courant de cette situation et l’a tolérée et que, selon sa compréhension, les membres du groupe VFS étaient libérés pour poursuivre leurs activités syndicales.

[182]  Le fonctionnaire a ensuite examiné le processus d’enquête. Il a commencé par le fait que l’enquête avait été lancée à son insu. Il a également mentionné la déclaration de M. Adams à l’enquêtrice selon laquelle les trois dossiers que M. Adams lui avait confiés étaient des [traduction] « questions réelles (internationales) hypothétiques » et que M. Adams lui en avait souvent parlé, que M. Adams avait approuvé ses feuilles de temps présentées qui indiquaient des activités syndicales et que M. Adams savait qu’il faisait partie du syndicat. Enfin, il a souligné que M. Adams avait dit à l’enquêtrice qu’il avait éprouvé des difficultés à communiquer avec le fonctionnaire à seulement deux reprises.

[183]  Le fonctionnaire a ensuite soulevé la question relative au fait qu’il n’avait été informé de l’enquête que le 7 mars 2013, soit deux ans après son lancement. Il a également réitéré l’allégation qu’il a présenté depuis qu’il avait été informé de l’enquête et a déclaré qu’il n’était pas tenu de répondre aux questions, étant donné son caractère disciplinaire. Il a également indiqué que Mme Leduc n’avait interrogé aucune personne au BSF de Montréal.

[184]  En ce qui a trait au rapport d’enquête, le fonctionnaire a fait remarquer qu’il n’avait été publié que trois ans après le lancement de l’enquête et qu’il ne souscrivait à aucune de ses conclusions, sauf son utilisation du téléphone cellulaire de l’ARC.

[185]  Pour ce qui est des éléments de preuve, le fonctionnaire a soutenu que l’absence d’activité électronique ne constituait pas une preuve qu’il n’était pas au bureau; il aurait pu travailler à l’extérieur du bureau, notamment à la bibliothèque, et il n’avait pas nécessairement besoin de se connecter à Internet. Il a également fait référence aux témoignages de ses témoins qui ont affirmé l’avoir vu régulièrement au bureau. Enfin, en ce qui concerne cette question, il a renvoyé à son témoignage au sujet des erreurs concernant plusieurs dates où, selon l’employeur, il était absent.

[186]  Le fonctionnaire s’est ensuite penché sur les réunions disciplinaires de Mme Hawara. Il a fait remarquer qu’il avait présenté ses excuses pour avoir utilisé le numéro de téléphone cellulaire de l’ARC à des fins personnelles, mais que cette utilisation n’avait entraîné aucuns frais à l’employeur. Il a également admis avoir utilisé les réseaux électroniques de l’ARC et, tout comme pour l’utilisation de son téléphone cellulaire, il a soutenu qu’il n’a envoyé aucun courriel controversé. Il a présenté ses excuses à l’employeur, il a nié avoir eu l’intention de voler ou de lui donner un mauvais nom, et il a admis qu’il avait été têtu et qu’il aurait dû être plus conciliant.

[187]  En ce qui concerne la décision de Mme Hawara concernant la mesure disciplinaire, le fonctionnaire a souligné qu’elle n’avait interrogé personne au BSF de Montréal et qu’il avait fait l’objet d’un traitement très différent par rapport au traitement réservé à M. Monti; aucune mesure disciplinaire n’avait été imposée à M. Monti. De plus, il a reproché à Mme Hawara de ne pas avoir tenu compte des longs délais relatifs au processus et du préjudice qu’il avait subi en conséquence. Il a également allégué qu’elle l’avait cru lorsqu’il lui a dit que, selon sa compréhension, il avait été libéré pour vaquer à ses activités syndicales, mais qu’elle avait estimé cette croyance irresponsable.

[188]  Enfin, en ce qui concerne les faits, le fonctionnaire a souligné que depuis les événements en question, il avait été un bon employé et n’avait causé aucun problème.

[189]  Le fonctionnaire s’est ensuite intéressé aux questions juridiques. En premier lieu, il a reconnu qu’il y avait eu une légère inconduite en ce sens qu’il aurait pu répondre à la demande de feuilles de temps, mais que, en réalité, rien n’aurait changé, car il aurait eu droit à un congé pour les activités syndicales et aucun travail ne lui aurait été assigné. Il a soutenu que, tout comme dans Pronovost c. Agence du revenu du Canada, 2017 CRTEFP 43, il était impossible de quantifier le nombre d’absences et il a fait valoir que le nombre d’absences avait été grossièrement exagéré. Il a répété le fait que même s’il avait sauvegardé des documents syndicaux sur les réseaux électroniques de l’ARC, aucun dommage n’avait été causé et qu’il avait été honnête quant à son utilisation du téléphone cellulaire, laquelle n’a occasionné aucuns frais à l’ARC.

[190]  La question des délais relatifs au processus a ensuite été abordée, de même que le préjudice que le fonctionnaire a subi en conséquence. Il a soutenu qu’il n’avait aucune idée que la déclaration de temps constituait un problème avant février 2011, lorsqu’il a été obligé de prendre un congé non payé. Il a également mentionné qu’il n’avait été informé de l’enquête qu’en mars 2013, et que le rapport n’avait été publié que près d’un an plus tard. Par conséquent, il a été privé de la possibilité de formuler un commentaire équitable et la mesure disciplinaire aurait donc dû être annulée dès le début. Il a également soutenu que la mesure disciplinaire était disproportionnée par rapport à l’inconduite.

[191]  Le fonctionnaire a également fait valoir que l’employeur avait toléré son comportement; s’appuyant sur l’ouvrage de Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, au paragraphe 7:4410 (Brown et Beatty) et sur Chopra c. Administrateur général (ministère de la Santé), 2016 CRTEFP 89, il a soutenu avoir été maintenu dans un faux sentiment de sécurité. Il a affirmé qu’avant juillet 2010, l’employeur avait approuvé ses feuilles de temps, lesquelles indiquaient qu’il avait effectué du travail syndical, qu’il n’y avait eu aucune communication entre l’employeur et lui entre juillet 2010 et février 2011 et qu’il était tout à fait clair qu’il effectuait du travail syndical à temps plein. Il a souligné que les autres délégués étaient traités différemment de lui et a fait remarquer que, conformément à Pronovost, si l’employeur était réellement préoccupé, il aurait dû l’en informer.

[192]  Par conséquent, le fonctionnaire a subi un grave préjudice en raison des délais relatifs au processus. Il a soutenu que la tolérance dont faisait preuve l’employeur était également liée au fait que ce dernier n’avait pas appliqué de mesures disciplinaires progressives et qu’il s’était fondé implicitement sur une mesure disciplinaire antérieure, laquelle était assujettie à une clause de la convention collective qui prévoit la suppression de la mesure disciplinaire du dossier de l’employé après une période déterminée (« mesure de temporisation »).

[193]  Le fonctionnaire a soutenu qu’il avait un fort potentiel de réhabilitation, soulignant qu’aucun autre problème n’était survenu et que le risque de récidive était faible. Il a également fait valoir qu’il était un employé de longue date ayant un dossier disciplinaire vierge et que ses actes ne posaient aucun risque pour l’employeur. Il regrettait ses actes. Il a ajouté que la sanction était si disproportionnée que la clause antidiscriminatoire de la convention collective s’appliquait, car la disproportion ne pouvait s’expliquer que par un sentiment antisyndical.

[194]  Enfin, en ce qui concerne la question de la sanction, le fonctionnaire a soutenu que la mesure disciplinaire devrait être annulée ou qu’elle devrait être remplacée par une réprimande écrite.

C.  Réplique de l’employeur

[195]  En faisant référence aux décisions invoquées par le fonctionnaire, l’employeur a soutenu que Babineau c. Conseil du trésor (Service correctionnel Canada), 2004 CRTFP 145, avait été rendue avant la décision de la Cour fédérale dans Canada (Procureur général) c. Frazee, 2007 CF 1176, qui établit le critère pour déterminer si la décision d’un employeur était de nature disciplinaire. Dans Babineau, il n’y avait aucune analyse de l’intention de l’employeur.

[196]  Dans Pronovost, les éléments de preuve et l’inconduite différaient de ceux en l’espèce. Dans cette affaire, il y a eu négligence dans la déclaration de temps et non une omission de déclaration le temps. Dans cette affaire, l’employée a fourni une explication détaillée et la preuve ne permettait pas à l’arbitre des griefs de conclure que les heures pour lesquelles l’employée avait été rémunérée n’avaient pas été travaillées. En l’espèce, le fonctionnaire a travaillé à temps plein aux activités syndicales et n’a pas déclaré son temps. Étant donné que rien n’indique qu’il était sur les lieux du travail, l’employeur a conclu, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était absent.

[197]  En ce qui a trait aux délais relatifs au processus d’enquête, l’employeur a soutenu qu’il était attribuable à l’absence du fonctionnaire en congé de maladie pendant une période prolongée et que ce dernier ne pouvait pas être interrogé durant son congé. En outre, l’enquêtrice a décidé de suspendre l’enquête en attendant l’issue du processus de médiation. Mme Hawara a considéré les autres éléments ayant contribué aux délais comme un facteur atténuant. L’employeur a ajouté que les délais dans le processus d’enquête avaient également été considérés comme un facteur atténuant dans Pronovost.

[198]  En ce qui concerne l’argument du fonctionnaire selon lequel le retard dans le processus d’enquête a nui à sa capacité de se souvenir des événements, l’employeur a fait valoir que, dès le 9 février 2011, M. Adams lui a offert son aide pour reconstruire les événements. Le fonctionnaire n’a pas accepté cette aide et n’a fourni une certaine explication que lors des audiences disciplinaires. Il aurait pu dire dès le départ à l’employeur qu’il travaillait uniquement aux activités syndicales et qu’aucun travail ne lui avait été confié. Même s’il a dit à M. Adams qu’il se retirerait de ses activités syndicales, il a plutôt accru sa participation syndicale.

[199]  La nature de l’inconduite du fonctionnaire était grave et les principes relatifs aux mesures disciplinaires progressives ne s’appliquent pas à une telle inconduite.

IV.  Analyse

[200]  Le fonctionnaire a fait l’objet de mesures disciplinaires pour avoir fait des déclarations de temps frauduleuses, pour conflits d’intérêts, pour utilisation abusive répétée des réseaux de l’ARC et pour refus de collaborer au processus d’enquête. J’aborderai chacun de ces motifs.

[201]  Dans l’appréciation de la présente affaire, selon le critère approprié pour trancher les questions disciplinaires, je dois répondre aux questions suivantes : Existait‑il un motif raisonnable d’imposer une mesure disciplinaire? Dans l’affirmative, la pénalité imposée était‑elle excessive? Le cas échéant, quelle mesure disciplinaire juste et équitable peut‑on y substituer? (Voir Wm. Scott & Co. v. Canadian Food and Allied Workers, Local P‑162[1977] 1 Can. L.R.B.R. 1; Basra c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 24, au paragraphe 24).

A.  Déclaration de temps frauduleuse

[202]  L’allégation de déclaration de temps frauduleuse englobe plusieurs éléments. En premier lieu, l’employeur accuse le fonctionnaire de ne pas avoir soumis de feuilles de temps, tel qu’il était tenu de le faire. L’employeur l’accuse également de ne pas s’être présenté au BSF de Montréal tous les jours, comme il le devait, et il allègue que le fonctionnaire s’est absenté à maintes reprises sans avoir d’abord demandé le congé approprié. Enfin, et compte tenu de ces facteurs, l’employeur accuse le fonctionnaire d’avoir sciemment touché une rémunération pour le temps qu’il n’a pas travaillé.

1. Feuilles de temps

[203]  En ce qui concerne la question relative à la soumission des feuilles de temps, il ressort de la preuve que tous les employés étaient tenus de rendre régulièrement compte de l’utilisation de leur temps au moyen de feuilles de temps.

[204]  Il ressort de la preuve que le 19 mai 2010, trois semaines après l’entrée en vigueur de la nomination du fonctionnaire pour une période déterminée, M. Adams lui a envoyé un courriel et lui a demandé d’informer M. Hewlett de la façon dont il consacrait son temps. Le lendemain, M. Hewlett lui a envoyé deux courriels, d’une part pour lui demander de lui envoyer une note sur l’utilisation de son temps, d’autre part pour l’informer qu’un registre quotidien, plutôt que des feuilles de temps officielles, suffirait, étant donné qu’il n’avait pas encore suivi la formation sur le système officiel de consignation du temps. Aucune réponse du fonctionnaire n’a été envoyée; il n’a pas discuté de cette réponse non plus dans son témoignage.

[205]  La prochaine pièce portant sur cette question est datée du 7 juillet 2010; il s’agit d’un courriel provenant de M. Hewlett à l’intention du fonctionnaire en vue de lui demander de l’appeler pour discuter de l’utilisation de son temps. Apparemment, le fonctionnaire a rappelé M. Hewlett. Le 8 juillet 2010, ce dernier a envoyé un courriel au fonctionnaire et l’a informé qu’il avait reçu le message vocal du fonctionnaire, mais qu’il n’avait pas été en mesure de rendre son appel. Il a demandé au fonctionnaire de communiquer avec lui relativement à sa demande de congé pour exercer des activités syndicales le 22 juin 2010. Selon la preuve, le fonctionnaire n’a pas répondu à cette demande. Il semble que, jusqu’en décembre 2010, l’employeur n’ait présenté aucune autre demande, et le fonctionnaire a admis n’avoir présenté aucune feuille de temps après le 30 juin 2010.

[206]  Selon le rapport d’enquête, M. Adams a affirmé à l’enquêtrice [traduction] « n’avoir eu aucune nouvelle » du fonctionnaire pendant l’été 2010. Toutefois, je remarque qu’il n’a pas non plus dit à l’enquêtrice qu’il avait tenté de communiquer avec le fonctionnaire au cours de l’été. Il a dit à l’enquêtrice qu’il avait appelé le fonctionnaire et lui avait demandé de rendre compte de son temps, mais aucun renseignement précis sur les dates de ces appels n’a été présenté ni dans le rapport d’enquête ni à l’audience. Selon le rapport d’enquête, le compte de courrier électronique du fonctionnaire renfermait [traduction] « plusieurs courriels » de M. Adams dans lesquels il demandait au fonctionnaire un compte rendu de son temps et auxquels ce dernier n’a pas répondu. Encore une fois, les courriels en question n’ont pas été décrits ni inclus dans le rapport. La preuve documentaire indique que la question relative à la présentation de feuilles de temps a été soulevée de nouveau par l’employeur auprès du fonctionnaire uniquement lorsque ce dernier a été obligé de prendre un congé non payé en décembre 2010, puis plusieurs fois en février 2011. Entre le 4 et le 21 février 2011, le fonctionnaire a échangé plusieurs courriels avec l’employeur dans lesquels des demandes claires d’un compte rendu de son temps ont été faites.

[207]  Je conclus que, selon la preuve, la direction n’a pas assuré un suivi de façon diligente sur la question de la présentation de feuilles de temps. L’employeur semblait être plus préoccupé par le fait que le fonctionnaire n’avait pas remis son travail sur ces dossiers et, lorsque la relation de travail s’est détériorée à la fin de juin 2010, il semble que la direction ait simplement oublié le fonctionnaire. Ce dernier n’était que trop heureux de profiter de la tournure des événements, étant donné ses sentiments sur la façon dont il avait été traité et dont sa nomination pour une période déterminée avait pris fin.

[208]  Le fonctionnaire a défendu son omission de présenter les documents demandés en faisant valoir que, même s’il avait commencé à relever de M. Hewlett à la fin d’avril 2010, il n’a suivi la formation sur le SGCD Web que deux mois plus tard. Même si ces renseignements permettent d’expliquer le fait qu’il n’ait pas présenté de feuilles de temps officielles dans le SGCD Web avant sa formation, ils ne justifient pas pourquoi il ne les a pas présentées après le 30 juin 2010, même à la suite de son congé non payé forcé en décembre cette année-là. Le fonctionnaire n’a pas fait valoir qu’il était incapable de la faire; même s’il l’avait fait et qu’il ne savait pas comment déclarer son temps, il aurait dû, en réponse aux demandes répétées de l’employeur de déclarer son temps, soulever la question de son incapacité de donner suite à ces demandes.

[209]  Le fonctionnaire a également cherché à défendre son omission de présenter les feuilles de temps en affirmant que son omission constituait un oubli, une erreur et le résultat du fait qu’il avait la tête dure. Aucune de ces excuses ne constitue un motif valable de ne pas faire ce qui est demandé et requis. Il a également dit que s’il s’était conformé à la demande, il aurait été [traduction] « piégé », une excuse que je ne retiens pas non plus, car il n’a pas expliqué comment cette situation l’aurait empêché de présenter des feuilles de temps.

[210]  La description du fonctionnaire des circonstances en l’espèce a pour toile de fond une période difficile et stressante pour lui au BSF de Montréal, à la suite des enquêtes internes et de celles de la GRC qui visaient plusieurs des membres du syndicat qu’il représentait. Cette situation a d’autre part été aggravée par le fait qu’il devait s’occuper d’un parent malade. Il a aussi décrit son sentiment d’insécurité et sa déception à l’égard de son nouveau poste d’agent des décisions, car ce n’est que deux mois après son entrée en fonction qu’il a reçu une formation et qu’il a obtenu des outils de recherche.

[211]  Cette déception s’est ensuite transformée en ce qu’il a décrit lui‑même comme de l’entêtement, en réaction au courriel inattendu du 16 juin 2010, en provenance de M. Adams, lequel était rédigé en termes sévères, selon le fonctionnaire, et mettait fin injustement à sa nomination pour une période déterminée. Seulement deux semaines plus tard, il a essentiellement cessé de communiquer avec l’employeur au sujet de la question relative à l’attribution de temps. Au 30 juin 2010, de son propre aveu, il a cessé de présenter des feuilles de temps. Il avait remis son travail relatif à un dossier à M. Hewlett et l’autre dossier avait été réattribué. Quant aux trois dossiers confiés par M. Adams, le fonctionnaire a expliqué que, selon lui, ils étaient hypothétiques et n’exigeaient pas de réponse, malgré le fait que M. Adams lui ait demandé de lui fournir des réponses. Compte tenu de ce qui précède, du fait que l’employeur ne lui avait confié aucun nouveau travail et que l’employeur n’avait pas communiqué avec lui pendant une certaine période, il estimait être libre de consacrer son temps aux activités syndicales.

[212]  Je conclus que l’omission du fonctionnaire de présenter des feuilles de temps ne constituait pas un oubli, mais d’un entêtement délibéré et, comme il l’admet, une erreur. Il constitue également une inconduite qui mérite la prise d’une mesure disciplinaire.

[213]  Selon la preuve, même si, comme l’a concédé le fonctionnaire, sa relation avec l’employeur s’est détériorée après la réception du courriel du 16 juin 2010, sa réticence à rendre compte de son temps a commencé peu après le début de sa nomination pour une période déterminée. La preuve contient son échange de courriels avec M. Hewlett le 20 mai 2010, dans lequel ce dernier a demandé au fonctionnaire de lui envoyer un compte rendu de son temps d’une manière officieuse, en attendant qu’il suive une formation. Le fonctionnaire a répondu qu’il tiendrait un registre de son temps et qu’il saisirait les données une fois qu’il aurait suivi la formation. M. Hewlett a ensuite répondu en l’informant que la direction souhaitait néanmoins recevoir une simple note détaillant le temps qu’il consacrait à traiter les dossiers. Le fonctionnaire n’a pas répondu de la manière appropriée en présentant le document demandé.

[214]  Malgré le fait que le fonctionnaire ait affirmé avoir tenu un registre de son temps, il n’a jamais présenté ni mentionné ce registre au cours de l’enquête, et aucune explication n’a été fournie quant à ce qui est advenu de ce registre. Il a soutenu que les délais relatifs au processus d’enquête l’avaient empêché de reconstruire les événements passés, mais, lorsque l’employeur lui a offert ses ressources à cet égard pour l’aider, il les a refusées. Je conclus que l’employeur a établi que le fonctionnaire avait fait preuve d’inconduite. Ce dernier a ignoré, sans raison valable, de nombreuses demandes légitimes de l’employeur, ce qui constitue une inconduite.

[215]  Dans son argumentation, le fonctionnaire a abordé la question de son omission à rendre compte de son temps, expliquant du même coup pourquoi il n’avait pas remis le travail qui lui avait été confié et la piètre qualité du travail qu’il avait véritablement remis. Il a dit que ses problèmes en matière de rendement étaient attribuables au fait que l’employeur ne lui avait offert aucune formation officielle et qu’il lui avait fourni des outils de recherche deux mois après le début de sa nomination pour une période déterminée. Une telle omission de la part de l’employeur n’excuse en rien son incapacité à déclarer ses absences et de rendre compte de son temps. La présente affaire ne porte pas sur le rendement du fonctionnaire, et le fait que l’employeur ne lui ait pas fourni une formation technique sur le travail à la DDI n’excuse pas son omission de répondre aux demandes légitimes quant à la déclaration de son temps.

[216]  Le fonctionnaire a également cherché à excuser son omission à présenter des feuilles de temps en faisant valoir que la direction était au courant qu’il était occupé avec ses obligations syndicales. Toutefois, à l’audience, il a également reconnu qu’il avait été obligé de présenter de tels documents, même si son temps était consacré aux activités syndicales. Il n’a pas fait l’objet d’une mesure disciplinaire pour avoir exercé des activités syndicales pendant les heures de travail. En fait, selon la preuve, l’employeur aurait été disposé à accorder au fonctionnaire tout congé qu’il aurait demandé, mais le fonctionnaire n’en a jamais fait la demande. Au contraire, il a fait l’objet d’une mesure disciplinaire pour ne pas avoir déclaré son temps. Selon la preuve, il a omis de déclarer son temps avant et après le 30 juin 2010.

[217]  Compte tenu de la preuve et de l’aveu du fonctionnaire, je conclus que l’employeur a établi que le fonctionnaire avait fait fi de son obligation de présenter des feuilles de temps pour déclarer son temps et qu’il a ignoré plusieurs demandes de l’employeur au cours d’une longue période où il aurait pu les présenter.

[218]  Le fonctionnaire a soutenu que son inconduite était atténuée par l’omission de l’employeur d’assurer le suivi de ses demandes, ce qui, selon lui, équivaut à de la tolérance. Le fonctionnaire a également fait valoir que la longue période qui s’est écoulée avant que l’employeur soulève cette question l’a empêché de se défendre. J’aborderai ces arguments plus tard dans la présente décision afin de déterminer si la sanction est justifiée par suite de l’inconduite du fonctionnaire.

2. Présence au BSF de Montréal et rémunération sans exécuter de travail

[219]  Le Code exige que les employés respectent leurs heures de travail et les processus relatifs aux congés, et il énonce que le fait de toucher une rémunération pour le temps non travaillé constitue une violation de ce code. L’employeur affirme que le fonctionnaire ne s’est pas acquitté de son obligation de se présenter quotidiennement à son bureau à Montréal. L’employeur a soumis des éléments de preuve à l’appui de son allégation selon laquelle durant 72 jours au cours de la période en question, le fonctionnaire n’était pas au travail. À l’appui de son allégation, l’employeur a présenté des documents détaillés sur l’utilisation de congés, la carte d’accès, l’historique de navigation Internet et le calendrier Outlook du fonctionnaire, ainsi que le compte de courrier électronique de ce dernier, lesquels permettent tous de conclure de manière raisonnable que, selon la prépondérance des probabilités, le fonctionnaire ne se présentait pas quotidiennement au BSF de Montréal.

[220]  Le fonctionnaire a affirmé que, malgré les éléments de preuve recueillis par l’employeur, il s’est effectivement présenté quotidiennement au travail, tel qu’il était tenu de le faire, et il a tenté de discréditer les éléments de preuve déposés par l’employeur de plusieurs façons.

[221]  Pendant l’enquête et le processus disciplinaire, le fonctionnaire a déclaré qu’il n’avait pas toujours besoin d’utiliser sa carte d’accès pour entrer au bureau et que son utilisation d’Internet et de son compte de courrier électronique n’était pas nécessairement concluante. À l’audience, il a réitéré cette explication et a fourni les raisons pour lesquelles les données n’indiquaient pas qu’il utilisait sa carte d’accès. Même si j’accepte que ces raisons puissent expliquer pourquoi il n’y a aucune trace de l’utilisation quotidienne de sa carte d’accès, d’Internet ou de son compte de courrier électronique, celles-ci peuvent s’appliquer à de courtes périodes, mais elles ne peuvent s’appliquer à l’ensemble des incidents mis à jour par l’enquête. Il serait fantaisiste de croire que pendant autant de jours en cause, le fonctionnaire était au bureau malgré une absence totale de preuve électronique de sa présence. À tout le moins, l’employeur a déposé suffisamment d’éléments de preuve pour s’acquitter de son fardeau de la preuve concernant la question de l’absence du travail du fonctionnaire de sorte que le fardeau de la preuve est inversé et qu’il incombe au fonctionnaire de justifier ces questions.

[222]  Même si le fonctionnaire a tenté de mettre en doute les conclusions à tirer des éléments de preuve de l’employeur et qu’il a affirmé s’être présenté au bureau tous les jours, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, ce n’est pas ce qui s’est passé. Les éléments de preuve recueillis au moyen de quatre indicateurs, au cours d’une longue période couvrant plusieurs jours, indiquent fortement qu’il n’était pas au travail tous les jours, comme il devait l’être, et son témoignage ne m’a pas convaincu que cette conclusion devrait être mise en doute. Dans ses arguments, il n’a pas expliqué pourquoi les documents portant sur l’utilisation de sa carte d’accès, de son compte de courrier électronique, d’Internet et de son calendrier Outlook indiquaient tous qu’il n’était pas au bureau pendant autant de jours en cause.

[223]  Au cours du processus d’enquête, le fonctionnaire a également tenté de mettre en doute l’allégation de l’employeur en disant qu’il travaillait souvent à domicile. Selon la preuve, aucune autorisation de travailler à domicile n’avait été demandée ou ne lui avait été accordée et aucun accès à distance n’avait été mis en place pour lui. En fait, la preuve renferme, d’une part, son courriel à M. Hewlett dans lequel il lui demande de mettre en place un accès à distance et, d’autre part, la réponse de M. Hewlett selon laquelle il réfléchirait à la demande. Toutefois, au cours de l’audience, le fonctionnaire n’a pas affirmé avoir travaillé à domicile et a plutôt soutenu qu’il avait toujours travaillé au bureau.

[224]  Selon l’allégation la plus grave concernant la déclaration de temps à l’égard du fonctionnaire, ce dernier aurait intentionnellement touché une rémunération bien qu’il n’ait effectué aucun travail. Il va sans dire que les employés sont tenus de travailler pendant les heures de travail ou d’obtenir un congé qui leur permet de s’absenter. Le Code énonce clairement cette obligation fondamentale.

[225]  Le fonctionnaire a reconnu n’avoir effectué aucun travail après le 30 juin 2010, mais il se défend en soulignant qu’aucun travail ne lui a été confié, à l’exception des trois premiers dossiers de M. Adams au début de février et des deux dossiers de M. Hewlett. Cette preuve n’est pas contredite.

[226]  En ce qui concerne les deux derniers dossiers, qui lui ont été confiés entre le 26 avril et le 7 mai 2010, le fonctionnaire a souligné qu’il avait traité un dossier (avant que M. Hewlett ne décide de le traiter lui‑même) et que le deuxième avait été réattribué à un autre employé avant qu’il ne commence à le traiter. Bien que cette affirmation soit vraie, il n’en demeure pas moins que les dossiers ont été achevés par M. Hewlett ou réattribués en raison de la frustration de l’employeur quant au manque de progrès du fonctionnaire et aux difficultés qu’il éprouvait à communiquer avec lui au sujet de ces questions. M. Hewlett a témoigné qu’il faudrait en moyenne de 15 à 20 heures à un nouvel employé pour traiter chaque dossier. Il a déclaré qu’il avait décidé de traiter un dossier lui‑même, étant donné le nombre de modifications requises, qu’il n’avait jamais reçu de travail sur le deuxième dossier et qu’il avait été obligé de le réattribuer. Selon la preuve, M. Hewlett a fait un suivi par courriel,  au sujet des deux dossiers, le 3 mai puis le 5 mai 2010. Son courriel du 5 mai faisait référence à un message vocal qu’il avait laissé au fonctionnaire, lequel est demeuré sans réponse. Le fonctionnaire a répondu les 7, 11 et 12 mai 2010, au sujet du premier dossier. M. Hewlett a ensuite demandé une modification du dossier le 21 mai, en informant le fonctionnaire qu’il avait traité son premier dossier et qu’il demandait une mise à jour sur le deuxième. Selon la preuve, le fonctionnaire n’a jamais répondu à cette demande.

[227]  En ce qui concerne les trois dossiers qui lui ont été confiés à l’origine par M. Adams, le fonctionnaire a allégué qu’il estimait qu’il s’agissait simplement de dossiers hypothétiques et qu’il ne savait pas qu’il devait les traiter. Toutefois, le rapport d’enquête a indiqué qu’il avait dit à M. Adams qu’il savait quoi faire à l’égard des dossiers lorsqu’ils lui ont été confiés. Plus révélateur encore, la preuve de l’employeur réfute l’argument du fonctionnaire, puisqu’il a présenté plusieurs courriels dans lesquels M. Adams et M. Hewlett ont tous les deux clairement indiqué qu’il devait leur présenter son travail sur ces dossiers.

[228]  Il ressort également de la preuve que l’employeur n’était pas disposé à confier d’autre travail au fonctionnaire alors que ce dernier avait encore du travail de longue date à terminer ou que ce travail était de piètre qualité, et qu’il était difficile de communiquer avec lui. Le 12 mai 2010, M. Hewlett a envoyé un courriel au fonctionnaire dans lequel il a déclaré qu’il voulait recevoir des réponses relativement aux trois dossiers sur lesquels il travaillait avant de lui confier d’autres dossiers. Il a exprimé le même avis dans un courriel en date du 21 février 2011. J’accepte l’explication de l’employeur quant à sa réticence à confier de nouveaux dossiers au fonctionnaire.

[229]  Même si on ne peut reprocher aux employés de ne pas travailler lorsqu’aucun travail ne leur est confié, ce n’est pas ce qui s’est produit en l’espèce, c’est-à-dire que le fonctionnaire a simplement cessé de travailler et a bloqué les tentatives répétées de l’employeur de communiquer avec lui, au cours desquelles l’employeur l’interrogeait au sujet de l’absence de progrès dans le traitement de ses dossiers et de l’emploi de son temps. Bien que, à tout le moins, l’employeur n’ait pas fait preuve de diligence et de célérité pour ce qui est de ses tentatives de communiquer avec le fonctionnaire et d’insister que ce dernier rende compte de son temps et remette le travail qui lui avait été confié, cette question sera abordée plus loin dans la présente décision. Je me contenterai de dire que l’employeur a établi, selon la prépondérance des probabilités, que le fonctionnaire ne pouvait pas se méprendre quant à son obligation de se présenter au travail, d’exécuter le travail qui lui a été confié ou d’obtenir le congé approprié s’il n’était pas en mesure de le faire.

[230]  En guise d’argument, le fonctionnaire a allégué qu’il faisait du travail syndical pendant la période en litige et que l’employeur était au courant. Il a justifié son omission de présenter les formulaires de congé (à l’exclusion du 22 juin 2010) en soutenant que cette pratique était courante au BSF de Montréal et que les allégations connexes de l’employeur étaient teintées d’un sentiment antisyndical, car d’autres représentants syndicaux avaient bénéficié d’un traitement différent.

[231]  La jurisprudence a établi que la bonne foi doit être présumée et je conclus que le fonctionnaire n’a déposé aucun élément de preuve d’un tel sentiment antisyndical qui permettrait de réfuter cette présomption. M. Hewlett a affirmé avoir participé aux activités syndicales dans le passé et soutenir les droits syndicaux, puisque plusieurs des employés relevant de sa supervision avaient des fonctions syndicales. Il a témoigné que si une demande de congé pour activités syndicales avait été présentée, il l’aurait approuvée. En outre, le fait que M. Monti n’ait pas été traité de la même façon n’indique pas une violation de la clause de la convention collective interdisant la discrimination fondée sur la participation à des activités syndicales, mais plutôt qu’il s’agit d’une application inégale possible de la politique disciplinaire.

[232]  Je conclus également que même si M. Hewlett et M. Adams étaient au courant de la participation syndicale du fonctionnaire, ce fait en soi ne dispense pas le fonctionnaire de son obligation de demander le congé approprié pour cette activité. Le fonctionnaire a fait valoir que, même s’il avait pu demander un congé, rien n’aurait changé, mais il n’appartient pas à un employé de tirer une telle conclusion. Même s’il existait ou non une pratique au BSF de Montréal consistant à libérer les membres du conseil exécutif du VFS, le fonctionnaire ne relevait plus de ce bureau et devait traiter avec ses nouveaux superviseurs relativement à ces questions, ce qu’il n’a pas fait. Le rapport d’enquête indique qu’au début de la nomination pour une période déterminée du fonctionnaire, ce dernier a présenté quelques feuilles de temps dans lesquelles il demandait un congé pour activités syndicales qu’il avait déjà pris, ce qui indiquait qu’il était devait faire approuver ses congés par les personnes responsables à Ottawa, non celles à Montréal.

[233]  De plus, la direction s’est penchée sur les allégations du fonctionnaire relativement à la pratique au BSF de Montréal pour ce qui est de ces situations et a été informée que la direction au BSF appliquait les dispositions de la convention collective. Il incombait donc au fonctionnaire de réfuter cette preuve, ce que j’estime qu’il n’a pas fait. De plus, son historique de courriels indique une utilisation régulière des dispositions relatives au congé pour activités syndicales, ce qui démontre qu’il était au courant de son obligation de demander un congé aux fins de ces activités. Même si la preuve permet d’établir que M. Adams était au courant de la participation syndicale du fonctionnaire, elle ne permet pas de confirmer que la direction était d’accord pour que le fonctionnaire consacre la totalité de son temps aux activités syndicales. Le courriel de M. Adams au fonctionnaire, en date du 8 avril 2010, indique que la direction s’attendait à ce qu’il traite les dossiers et qu’elle prévoyait lui offrir une formation et une exposition à divers dossiers.

[234]  Bref, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que le fonctionnaire n’était pas au bureau tous les jours et qu’il a touché une rémunération malgré le fait qu’il n’ait exécuté aucun travail.

B.  Conflit d’intérêts

[235]  L’employeur allègue que le fonctionnaire est en situation de conflit d’intérêts, car il a publié le numéro de téléphone cellulaire que lui a fourni l’ARC dans des annonces immobilières pour la gestion de ses affaires personnelles et dans une annonce en vue de vendre une souffleuse à neige, et parce qu’il a utilisé les réseaux électroniques de l’ARC à des fins syndicales.

1.  Utilisation du téléphone cellulaire de l’ARC

[236]  Lorsqu’il a été interrogé au sujet des annonces en cause, le fonctionnaire a admis que c’était le cas. Il a cherché à éluder l’allégation en disant qu’il avait transféré à son téléphone cellulaire personnel les appels au numéro de téléphone cellulaire fourni par l’ARC, qui était publié dans l’annonce. Il a ajouté qu’il avait utilisé ce numéro parce que le numéro de l’ARC était plus facile à se souvenir que son numéro personnel, qu’il avait utilisé le numéro de l’ARC par inadvertance, que la façon dont il avait utilisé le téléphone avait fait économiser de l’argent à l’ARC et qu’il ne croyait pas que ce qu’il avait fait était mal. Indépendamment de son opinion à ce sujet et de la question de savoir si ses agissements ont réellement fait économiser de l’argent à l’employeur, il a admis qu’il avait utilisé le téléphone cellulaire fourni par l’ARC à des fins personnelles et que ces agissements contrevenaient clairement la politique de l’employeur.

2.  Utilisation abusive des réseaux électroniques de l’ARC

[237]  L’allégation relative à l’utilisation abusive des réseaux de l’employeur par le fonctionnaire a été démontrée, selon la prépondérance des probabilités. Selon la preuve, il a fait l’objet d’une enquête en 2009 pour avoir utilisé les réseaux de l’employeur à des fins syndicales. À la suite de la première enquête, l’employeur a envoyé une note de service aux représentants syndicaux le 9 juillet 2009 à ce sujet. Dans cette note, l’employeur a clairement précisé qu’il exigeait le respect du Code, de sa politique sur l’utilisation des réseaux et des dispositions de la convention collective. L’enquête a révélé que malgré la note de service, le fonctionnaire a continué d’utiliser le réseau de l’ARC à des fins syndicales. Il n’a pas nié l’avoir fait, mais a cherché à se défendre en disant qu’il avait interprété le courriel de juillet comme précisant que même s’il ne pouvait pas envoyer des courriels aux membres du syndicat par les réseaux de l’employeur, il pouvait les utiliser à des fins syndicales.

[238]  La politique de l’employeur sur l’utilisation des réseaux à des fins personnelles est claire. Bien qu’il soit un représentant syndical chevronné, le fonctionnaire y a contrevenu à maintes reprises. Selon la preuve, il a continué d’utiliser régulièrement le système de courriel de l’employeur à des fins syndicales et il a sauvegardé de nombreux documents financiers du syndicat sur son ordinateur. Le fait que cette utilisation n’ait pas créé de problèmes ou d’embarras pour l’employeur n’excuse pas le fait qu’il a clairement contrevenu à ses obligations, et permet simplement d’atténuer la sanction, ce que j’examinerai plus loin dans la présente décision.

[239]  Le fonctionnaire a également allégué que le fait de demander la permission de l’employeur pour l’utilisation du réseau de l’ARC à des fins syndicales aurait violé la confidentialité des membres. Étant donné que l’employeur a le droit de surveiller l’utilisation des réseaux par les employés et qu’il a donc accès aux courriels et aux documents figurant dans son système, je conclus que cette explication est illogique et inacceptable. L’employeur n’a pas cherché à violer la confidentialité des membres, car il a indiqué clairement que les réseaux ne devaient pas être utilisés à des fins syndicales sans approbation préalable. Je conclus que l’employeur a établi que le fonctionnaire avait continué de violer ses politiques claires sur de telles questions.

3.  Refus de collaborer à l’enquête

[240]  Les éléments de preuve présentés appuient clairement l’allégation de l’employeur selon laquelle le fonctionnaire a refusé de collaborer à l’enquête, surtout en ce qui a trait aux allégations concernant la répartition de son temps. Il a rencontré l’enquêtrice deux fois. La première fois, il a refusé catégoriquement de répondre aux questions. La deuxième fois, il a été plus franc. À la suite de la première réunion, le syndicat a envoyé une lettre à l’employeur et a allégué que le fonctionnaire n’était pas tenu de collaborer, car les réunions étaient de nature disciplinaire et qu’il avait déposé un grief en vue de contester la décision de l’employeur d’imposer un congé non payé jusqu’à ce qu’il déclare son temps. Je conclus que le fonctionnaire n’a pas étayé sa position de quelque façon que ce soit, ni en citant la jurisprudence ni en faisant référence aux politiques de l’employeur à l’appui de sa position.

[241]  Les arguments du fonctionnaire ne mentionnent aucunement l’allégation selon laquelle il n’a pas collaboré à l’enquête. Même s’il n’y a aucun doute qu’il pouvait déposer un grief en vue de contester son congé non payé, cela ne le dispensait pas de son obligation de collaborer à une enquête. De plus, en réponse à l’objection du syndicat relativement à la nature disciplinaire de l’enquête et au grief du fonctionnaire,  Josée Labelle, directrice de la Division des affaires internes et du contrôle de la fraude, a indiqué, dans un courriel adressé à Mme Tougas le 15 mai 2013, que les dates à l’égard desquelles il faisait l’objet d’une enquête précèdent les dates visées par le grief concernant le congé non payé. La Commission et ses prédécesseurs ont confirmé à maintes reprises qu’il incombe à un employé de collaborer à une enquête; voir Rose c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 17; Way c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 39; Oliver c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2003 CRTFP 43; Hughes et Titcomb c. Agence Parcs Canada, 2015 CRTEFP 75; Puccini c. Administrateur général (Commission des libérations conditionnelles du Canada), 2018 CRTESPF 88.

[242]  Lorsque le syndicat s’est opposé au processus d’enquête et a allégué qu’il s’agissait d’un processus disciplinaire plutôt que d’un processus administratif, la lettre du 15 mai 2013 de Mme Labelle a fait valoir que l’obligation de collaborer était énoncée dans le Code, ainsi que dans les politiques de l’employeur sur les mesures disciplinaires et les enquêtes. La lettre rappelait également au fonctionnaire qu’il pourrait faire l’objet de mesures disciplinaires s’il ne collaborait pas.

[243]  Je souligne en outre que Mme Hawara a affirmé qu’elle considérait la collaboration, même partielle, du fonctionnaire au processus d’audience disciplinaire comme un facteur atténuant dans la décision d’imposer une sanction, malgré son affirmation selon laquelle elle savait que le fonctionnaire avait refusé de participer à la première entrevue avec l’enquêtrice et qu’il avait continué de refuser de collaborer au sujet des feuilles de temps lors de la deuxième entrevue.

[244]  Je conclus que l’employeur a établi que le fonctionnaire n’a pas collaboré à l’enquête, en violation de ses obligations en tant qu’employé, et je ne trouve rien d’inapproprié au fait que l’employeur ait considéré le refus comme un facteur dans la décision d’imposer une mesure disciplinaire.

4.  Le délai

[245]  Le fonctionnaire a soutenu que la mesure disciplinaire imposée par l’employeur est viciée en raison du délai dans l’imposition de la sanction. Même si l’enquête visait plusieurs problèmes qui se seraient produits sur une période de plusieurs mois, il a fallu près de trois ans à l’employeur pour achever le processus et produire son rapport d’enquête.

[246]  Selon les éléments de preuve, la chronologie du processus d’enquête peut être résumée comme suit. M. Adams a communiqué pour la première fois avec la DAIPF le 14 mars 2011; le fonctionnaire était en congé de maladie du 12 mai 2011, au 11 mai 2012, date où il est retourné au travail; Mme Leduc a amorcé l’enquête en juin 2011 et M. Adams et M. Hewlett ont été interrogés le 7 juin 2011; elle ne se souvenait pas de la date à laquelle elle avait été informée du retour au travail du fonctionnaire à la suite de son congé de maladie, qui a pris fin le 11 mai 2012; personne n’a communiqué avec le fonctionnaire en juin ou en juillet 2012; à un moment donné en août 2012, les Relations de travail ont informé Mme Leduc que le fonctionnaire participait à un processus de médiation et elle a suspendu l’enquête jusqu’à ce que ce processus prenne fin, soit le 28 août 2012; elle n’a pas communiqué avec le fonctionnaire en septembre ou en octobre 2012; il était en congé de maladie en novembre et en décembre 2012, et est retourné au travail à un moment donné en janvier 2013, et Mme Leduc en a été informée. Toutefois, en raison de son congé et d’une réunion de tout le personnel, elle a envoyé un courriel au fonctionnaire seulement le 7 mars 2013, au sujet d’une entrevue.

[247]  Un délai peut en effet faire échec au droit de l’employeur d’imposer une mesure disciplinaire à un employé; selon la jurisprudence, les facteurs à prendre en considération sont la longueur du délai, les raisons de celle‑ci et la question de savoir si le long délai a causé un préjudice au fonctionnaire (voir, par exemple, Chopra). Dans certains cas, un long délai rend difficile ou impossible la préparation d’une défense, alors que dans d’autres, un fonctionnaire peut considérer le délai comme une tolérance des actes de l’employé, ce qui rend ainsi les mesures disciplinaires subséquentes injustes. Parfois, la longueur du délai en soi annulera toute mesure disciplinaire.

[248]  Comme l’a soutenu le fonctionnaire, l’une des raisons de la règle sur les délais est que le temps écoulé peut rendre difficile, voire impossible, pour les fonctionnaires de se défendre contre des accusations concernant les événements d’un passé lointain. En l’espèce, il a souligné cette règle à l’origine, mais, au cours de l’enquête, puis à l’audience, il a admis que, en ce qui concerne les allégations relatives à la déclaration de temps, il avait cessé d’exécuter du travail pour l’employeur. Je conclus que, compte tenu des circonstances de l’espèce et de cet aveu, le manque de célérité de l’employeur dans le processus d’enquête n’a eu aucune incidence négative sur la capacité du fonctionnaire de se défendre contre les allégations relatives à la déclaration de temps après juin 2010.

[249]  On peut en dire autant des allégations concernant l’utilisation abusive par le fonctionnaire des réseaux électroniques de l’employeur. Il a fait l’objet d’une enquête à deux reprises et, en juillet 2009, on lui a rappelé la politique de l’employeur sur l’utilisation des réseaux à des fins syndicales. Il se souvenait d’avoir utilisé les réseaux à des fins personnelles lorsque les éléments de preuve lui ont été présentés et il n’a pas soutenu que les délais l’avaient empêché de se défendre. Il n’a pas affirmé avoir obtenu la permission d’utiliser les réseaux à ces fins. Il a plutôt cherché à réduire au minimum ses actes et à attribuer son utilisation du téléphone cellulaire de l’employeur à un problème de mémoire. Le délai dans la publication du rapport d’enquête n’a eu aucune incidence négative sur sa capacité à se défendre concernant cette question.

[250]  Même si le fonctionnaire a maintenu la capacité de se défendre contre ces questions, je suis néanmoins préoccupé par la longueur totale du processus d’enquête en l’espèce. Même si Mme Hawara a témoigné qu’elle considérait que le délai constituait un facteur atténuant, elle a également déclaré que les retards étaient attribuables à des circonstances indépendantes de la responsabilité de l’enquêtrice, sans préciser la nature de ces circonstances.

[251]  Même s’il est compréhensible que l’employeur n’ait pas cherché à interroger le fonctionnaire durant son congé de maladie, il y avait d’autres possibilités. Il est revenu de son congé de maladie le 11 mai 2012, et l’enquêtrice n’a pas communiqué avec lui pendant ce mois‑là, ni en juin ni en juillet 2012. L’employeur n’a fourni aucune explication au sujet de ce manque de communication.

[252]  Même si Mme Leduc a suspendu l’enquête en août 2012, en raison du processus de médiation du fonctionnaire, elle n’a pas communiqué avec lui ni en septembre ni en octobre 2012. Bien qu’elle ait déclaré qu’au cours de cette période, elle était en congé et assistait à une réunion de tout le personnel, elle n’a pas précisé la durée de ni l’un ni l’autre de ces événements. Si elle n’était pas disponible, rien n’indique que l’employeur n’aurait pas pu demander à un autre enquêteur d’interroger le fonctionnaire. En effet, les notes des entrevues de M. Hewlett et de M. Adams confirment qu’un enquêteur autre que Mme Leduc avait mené ces entrevues.

[253]  Je conclus que le retard dans le processus d’enquête est en partie attribuable à l’omission inexpliquée de l’employeur d’effectuer un suivi auprès du fonctionnaire en temps opportun pendant les périodes au cours desquelles il était au travail. Ces délais inexpliqués et injustifiés seront examinés plus loin dans la présente décision.

[254]  Mme Hawara a décrit en détail son processus de réflexion lorsqu’elle a examiné toutes les conclusions de fait, ainsi que la politique de l’employeur sur les mesures disciplinaires et les circonstances aggravantes et atténuantes.

[255]  Dans ses arguments, le fonctionnaire a allégué que l’employeur n’avait pas appliqué le principe des mesures disciplinaires progressives. Dans son argumentation sur cette question, il a simplement cité un passage de Brown et Beatty, au paragraphe 7:4422, exposant les raisons de la théorie, et il a soulevé la question de la mesure de temporisation prévue dans la convention collective relativement aux mesures disciplinaires.

[256]  Mme Hawara a témoigné quant à la façon dont l’employeur avait traité plusieurs actes d’inconduite en même temps, à l’appui de sa décision d’imposer une mesure disciplinaire importante en l’espèce.

[257]  En ce qui concerne la mesure de temporisation et l’allégation du fonctionnaire selon laquelle l’employeur avait incorrectement tenu compte de mesures disciplinaires antérieures concernant l’utilisation des réseaux de l’organisation, je conclus que le reste de la note du 9 juillet 2009 ne constitue pas une preuve qu’il a fait l’objet de mesures disciplinaires. Aucune note ou lettre disciplinaire n’a été déposée en preuve établissant qu’il avait fait l’objet d’une mesure disciplinaire pour sa conduite antérieure, même si Mme Hawara a dit qu’il avait été [traduction] « averti et réprimandé » dans le passé. Toutefois, il ressort de la preuve qu’on lui avait rappelé la politique de l’employeur, mais qu’il l’a violée à maintes reprises au cours d’une longue période. Ce comportement constitue un facteur aggravant. Même si Mme Hawara semble avoir eu l’impression que le fonctionnaire avait des antécédents en matière disciplinaire (mineurs) relativement à cette question et que ces antécédents n’ont pas été établis, je conclus que cette seule divergence ne rend pas déraisonnable l’évaluation de la situation globale par Mme Hawara.

[258]  Le fonctionnaire a également soutenu que l’employeur n’avait pas accordé suffisamment de poids à son potentiel de réhabilitation démontré, mais il n’a offert aucune autre précision. Mme Hawara a témoigné qu’en fait, elle avait tenu compte de cette question, mais que le fonctionnaire ne lui avait jamais demandé de quantifier le poids qu’elle lui avait accordé.

[259]  Même si le fonctionnaire a soutenu également que la mesure disciplinaire imposée était tellement disproportionnée que la clause antidiscriminatoire de la convention collective s’appliquait, il n’est pas allé plus loin dans le cadre de ses arguments. Comme je l’ai mentionné précédemment, je ne trouve aucun appui à l’allégation selon laquelle le processus disciplinaire ou la sanction était teinté d’un sentiment antisyndical.

[260]  En ce qui concerne son omission de présenter des feuilles de temps et le fait qu’il ait ignoré, pendant une longue période, plusieurs demandes de l’employeur pour qu’il présente ces documents, le fonctionnaire a soutenu que son inconduite est tempérée par l’omission de l’employeur d’assurer le suivi de ses demandes. Je conclus que cet argument n’est pas sans fondement.

[261]  J’ai déjà décidé que la direction n’a pas fait preuve de diligence dans le suivi de la présentation des feuilles de temps et qu’elle n’a pas tenté de communiquer en temps opportun avec le fonctionnaire et de faire valoir qu’il devait rendre compte de son temps.

[262]  Mme Hawara a affirmé qu’elle considérait que l’omission du fonctionnaire de déclarer l’utilisation de son temps était l’inconduite la plus grave et que son autre inconduite constituait un facteur aggravant. Il a été allégué que l’omission du fonctionnaire de présenter des feuilles de temps était frauduleuse, car il a intentionnellement touché une rémunération pour le temps non travaillé.

[263]  Toutefois, les agissements de l’employeur n’ont pas fait comprendre au fonctionnaire la gravité de son omission de présenter des feuilles de temps, soit le niveau de gravité dont Mme Hawara a tenu compte plus tard pour imposer la mesure disciplinaire.

[264]  Le fonctionnaire a cessé de déclarer son temps le 30 juin 2010. Entre le 8 juillet et décembre 2010, l’employeur ne lui a présenté aucune autre demande concernant l’utilisation de son temps. Comment pouvait‑il donc être au courant du point de vue de l’employeur quant à la gravité de cette inconduite? Il semblerait que le manque de célérité de l’employeur, qui n’a pas fait de suivi auprès du fonctionnaire lui pendant une période de plusieurs mois, ait donné lieu à la complaisance du fonctionnaire à cet égard. À mon avis, cela constitue un facteur atténuant que l’employeur aurait dû prendre en considération.

[265]  Comme je l’ai indiqué, la conduite du fonctionnaire constituait un motif raisonnable d’imposer une mesure disciplinaire. Toutefois, à mon avis, le délai inexpliqué du processus d’enquête et l’omission de l’employeur de communiquer avec le fonctionnaire concernant la présentation de feuilles de temps entre juillet et décembre 2010 constituent des facteurs que l’employeur aurait dû prendre en considération dans sa détermination de la mesure disciplinaire. Comme l’employeur ne l’a pas fait, la mesure disciplinaire est déraisonnable et excessive dans les circonstances.

[266]  Dans ses décisions, la Commission a toujours affirmé que la détermination d’une mesure disciplinaire appropriée est un art, et non une science (voir, par exemple, Noel c. Conseil du trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2002 CRTFP 26; Cooper; et Charinos c. Administrateur général (Statistique Canada), 2016 CRTEFP 74).

[267]  Afin de déterminer la mesure disciplinaire appropriée, j’estime que, malgré certains manquements de la part de l’employeur, les multiples actes d’inconduite du fonctionnaire étaient de nature à justifier une mesure disciplinaire suffisamment sévère pour lui faire comprendre la gravité de ses actes. Je conclus que, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, une suspension de 20 jours est une mesure disciplinaire juste et équitable.

V.  Ordonnance de mise sous scellés

[268]  Comme je l’ai mentionné précédemment, l’employeur avait confié au fonctionnaire plusieurs dossiers d’interprétation technique en avril et en mai 2010. Des copies de ces dossiers ont été déposées en preuve. Ces dossiers contiennent le nom des contribuables concernés, ainsi que des renseignements sur leur situation financière. Au cours de l’audience, les parties ont demandé conjointement que je ne divulgue aucun renseignement personnel sur ces contribuables et leurs dossiers et que les pièces soient mises sous scellées.

  a) elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter ce risque; et

b) ses effets bénéfiques, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

[272]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI.  Ordonnance

[273]  Le grief est accueilli en partie.

[274]  La suspension de 30 jours est annulée et remplacée par une suspension de 20 jours sans solde.

[275]  L’employeur versera au fonctionnaire une somme équivalente à 10 jours de rémunération et tous les avantages sociaux connexes, sous réserve des déductions habituelles.

[276]  Les pièces E‑1, onglet 2 et U‑1, onglets 7, 8, 9, 10, 12, 14, 16 et 17 doivent être scellées.

Le 12 juin 2020.

Traduction de la CRTESPF

Steven B. Katkin,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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