Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée, qui a été embauchée à titre d’agente stagiaire des services frontaliers pour une période indéterminée dans le cadre du Programme de perfectionnement de base des agents de l’Agence des services frontaliers du Canada, a contesté son renvoi en cours de stage – la Commission a conclu que l’employeur avait un motif lié à l’emploi pour renvoyer la fonctionnaire s’estimant lésée en cours de stage – la Commission s’est appuyée en grande partie sur le fait que la fonctionnaire s’estimant lésée avait retiré des documents protégés du lieu de travail, lesquels avaient été découverts dans la voiture de son frère – l’employeur s’est acquitté de son fardeau initial devant la Commission, soit que la fonctionnaire s’estimant lésée était en cours de stage, la période de stage était toujours en vigueur au moment de son renvoi et elle a été renvoyée au cours de la période de stage – la fonctionnaire s’estimant lésée a reçu une indemnité tenant lieu de préavis et elle a reçu une lettre expliquant les motifs du licenciement – il incombait donc à la fonctionnaire s’estimant lésée d’établir que le motif de licenciement n’était pas lié à l’emploi, mais reposait sur la mauvaise foi ou un subterfuge – la fonctionnaire s’estimant lésée a allégué que les véritables motifs de son licenciement étaient les questions qu’elle avait soulevées auprès de l’employeur au sujet de l’utilisation de son image par la Société Radio-Canada (SRC) – la Commission a souligné que le motif lié à l’emploi pour justifier le renvoi en cours de stage avait été soulevé avant qu’elle ne soit photographiée, et que le rapport d’établissement des faits et la recommandation ont également été préparés avant qu’elle ne soulève la question de la photographie de la SRC – la fonctionnaire s’estimant lésée ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer que le renvoi en cours de stage était un subterfuge ou un camouflage – les allégations de discrimination qu’elle a formulées à l’audience comprenaient des commentaires antimusulmans et un milieu de travail toxique, et elles ont contribué à son licenciement – l’employeur a soutenu que la préclusion empêchait la fonctionnaire s’estimant lésée de s’appuyer sur ces allégations – en l’espèce, les parties étaient les mêmes, la décision de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) était définitive, mais la Commission n’a pas conclu que la CCDP avait tranché la même question – la Commission a conclu que la préclusion ne s’appliquait pas dans les circonstances du présent grief – elle n’a pas examiné les allégations davantage parce que le grief ne comprenait aucune allégation de discrimination en matière de droits de la personne et mentionnait simplement la mesure disciplinaire – les allégations ont été soulevées pour la première fois dans le cadre de la présente procédure de règlement des griefs à l’audience – un policier a témoigné au sujet de la perquisition et de la saisie d’objets dans la voiture du frère de la fonctionnaire s’estimant lésée – les parties ont convenu que l’identité du policier ne devrait pas être révélée dans la présente décision et que le rapport d’incident général qui mentionne le policier devrait être scellé – la Commission a conclu que des ordonnances d’anonymisation et de mise sous scellés étaient nécessaires pour prévenir un risque grave pour un intérêt important (opérations policières), qui l’emporte sur le droit du public de connaître l’identité du policier – il n’existait aucune autre solution de rechange à l’anonymisation et à la mise sous scellés de la pièce – la Commission a conclu que le risque en cause était réel et important et que les effets bénéfiques de l’ordonnance de confidentialité, y compris les effets sur le droit à un procès équitable, l’emportaient sur ses effets préjudiciables, y compris les effets sur le droit à la liberté d’expression.

Grief rejeté.

Contenu de la décision


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1]  La fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire ») a été embauchée à titre d’agente stagiaire pour une période indéterminée au groupe et au niveau FB‑02 (services frontaliers) auprès de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) dans le cadre du Programme de perfectionnement de base des agents (PBA), du 13 janvier 2014 jusqu’à son licenciement le 15 juin 2015; elle a contesté son licenciement. Au moment de son licenciement, elle était en cours de stage.

[2]  Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365; LCRTEFP) a été proclamée en vigueur (TR/201484) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP), qui remplace l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) et l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40; Loi no 2 sur le PAE) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014‑84). En vertu de l’article 396 de la Loi no 2 sur le PAE, un arbitre de grief saisi d’un grief avant le 1er novembre 2014 continue d’exercer les pouvoirs prévus par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTFP) dans sa version antérieure immédiatement avant ce jour.

[3]  Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP et le titre de la LCRTEFP et de la LRTFP pour qu’ils deviennent, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « LRTSPF »).

[4]  Le présent grief est rejeté pour les motifs suivants.

II.  Questions préliminaires

A.  Ordonnances de confidentialité

[5]  Une partie du présent grief porte sur la perquisition et la saisie d’objets dans la voiture du frère de la fonctionnaire. Le policier qui a effectué cette saisie a témoigné et le rapport d’incident a été admis en tant qu’élément de preuve. Le policier est maintenant un agent d’infiltration. Les parties ont convenu que l’identité du policier ne devrait pas être révélée dans la présente décision et que le rapport d’incident général qui mentionne le policier devrait être scellé, conformément au critère établi dans Dagenais c. Société Radio‑Canada, [1994] 3 RCS 835, et R. c. Mentuck, 2001 CSC 76, communément appelé le critère « Dagenais/Mentuck ».

[6]  Dans Canada (Procureur général) c. Philps, 2019 CAF 240, au paragraphe 23, la Cour d’appel fédéral a invoqué le critère établi dans Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41, aux paragraphes 48 et 53, dans laquelle la Cour suprême a examiné sa jurisprudence dans Dagenais et Mentuck ayant trait aux interdictions de publication dans le contexte criminel, afin de déterminer si les noms devraient être caviardés dans le cadre d’une instance devant la Commission. La Cour suprême a conclu que dans le cadre d’une procédure administrative, des ordonnances de confidentialité ne devraient pas être rendues, à moins que l’ordonnance soit nécessaire pour prévenir un risque grave pour un intérêt important dans le contexte d’un litige, car d’autres mesures raisonnables ne permettront pas de prévenir le risque. La Cour a également conclu que le risque en cause doit être « réel et important ». En outre, les effets bénéfiques de l’ordonnance de confidentialité, y compris les effets sur le droit des justiciables à un procès équitable, doivent l’emporter sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur le droit à la liberté d’expression.

[7]  Dans Mentuck, la demande d’interdiction de publication visait l’identité de deux agents infiltrés, ainsi que d’autres faits. En appliquant son critère, la Cour s’est penchée sur les noms et l’identité des agents infiltrés comme suit :

46 Je conviens cependant que la publication du nom et de l’identité des policiers en cause aurait pour effet de créer un risque sérieux pour l’efficacité des opérations semblables en cours. Comme les policiers en question paraissent utiliser leurs véritables noms dans leur travail d’enquête secrète, la publication de leurs noms pourrait facilement indiquer aux personnes ciblées que leurs présumés associés dans le crime sont en fait des policiers. En outre, puisque les opérations en question ont déjà débuté, il serait manifestement déraisonnable pour les policiers d’adopter maintenant des pseudonymes. Les personnes visées connaissent déjà leurs vrais noms. Je conviens donc avec le juge Menzies que l’interdiction de publier le nom des policiers est nécessaire et qu’il n’existe aucune autre solution raisonnable.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[8]  Je conclus donc que l’ordonnance d’anonymisation et de mise sous scellés est nécessaire pour prévenir un risque grave pour un intérêt important (opérations de police) qui l’emporte sur le droit du public de connaître l’identité du policier et il n’existe aucune autre solution de rechange à l’anonymisation et à la mise sous scellés. Je conclus que le risque en cause est « réel et important ». Je conclus également que les effets bénéfiques de l’ordonnance de confidentialité, y compris les effets sur le droit à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris les effets sur le droit à la liberté d’expression.

[9]  Par conséquent, j’ai identifié le policier dans la présente décision par les initiales « A.B. ». J’ai également ordonné la mise sous scellés du rapport d’incident.

B.  Rapport sur les griefs

[10]  La fonctionnaire a divulgué à l’employeur, dans le cadre de ses arguments, un rapport sur les griefs rédigé par son ancien représentant dans le cadre du présent grief, soit l’agent négociateur du groupe Services frontaliers (FB). L’employeur ne s’est pas opposé au dépôt de ce rapport et il l’a invoqué dans ses plaidoyers finaux.

[11]  Il est inhabituel qu’un rapport sur les griefs soit déposé en tant que preuve. Ce rapport sur les griefs indique les points forts et les points faibles du grief dont est saisie la Commission. Il s’agit de l’évaluation de l’ancien représentant fondée sur son examen des faits, tels qu’ils ont été énoncés par la fonctionnaire. L’évaluation du bien‑fondé d’un grief par l’ancien représentant n’est pas importante pour la partie d’une audience de grief portant sur la preuve, car elle constitue simplement l’évaluation de l’ancien représentant. En ce sens, il s’agit plutôt d’arguments. En conséquence, il ne constitue pas une preuve pertinente aux questions soulevées dans le grief dont je suis saisi et je ne lui ai accordé aucun poids.

C.  Témoins

[12]  Aucune requête d’exclusion de témoins n’a été déposée. Quatre témoins ont témoigné pour l’employeur. La fonctionnaire a également témoigné.

[13]  Un témoin de l’employeur n’était pas disponible les jours d’audience prévus. L’employeur s’est réservé le droit de communiquer par téléconférence avec le témoin après la fin des jours d’audience prévus. La fonctionnaire a consenti à cette approche. Après la fin des dates d’audience, l’avocat de l’employeur a indiqué qu’il n’était pas nécessaire de faire comparaître le témoin.

III.  Résumé de la loi relative au licenciement en cours de stage

[14]  L’employeur a invoqué l’article 62 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP) pour mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire. Cet article prévoit ce qui suit :

62 (1) À tout moment au cours de la période de stage, l’administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de mettre fin à son emploi au terme du délai de préavis :

a) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques;

b) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par l’organisme distinct en cause dans le cas d’un organisme distinct dans lequel les nominations relèvent exclusivement de la Commission,

Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de ce délai.

Indemnité tenant lieu de préavis

(2) Au lieu de donner l’avis prévu au paragraphe (1), l’administrateur général peut aviser le fonctionnaire de la cessation de son emploi et du fait qu’une indemnité équivalant au salaire auquel il aurait eu droit au cours de la période de préavis lui sera versée. Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire à la date fixée par l’administrateur général.

[Caractères gras dans l’original]

 

[15]  L’application de cette disposition est communément appelée un « renvoi en cours de stage ».

[16]  La LRTSPF établit la compétence pour renvoyer un grief individuel à l’arbitrage. L’article 211 énonce que tout licenciement prévu sous le régime de la LEFP ne peut être renvoyé à l’arbitrage.

[17]  La compétence de la Commission pour entendre un grief concernant un renvoi en cours de stage est limitée. Dans Chaudry c. Canada (Procureur général), 2007 CF 389, la Cour fédérale a établi le fondement limité de la compétence de la Commission comme suit :

[51] Dans ces circonstances, l’employeur a convaincu l’arbitre qu’il s’était acquitté du fardeau l’obligeant à montrer qu’il y avait une preuve quelconque d’un motif lié à l’emploi pour procéder à un renvoi en cours de stage. Voir à cet égard la décision Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi (2001), 205 F.T.R. 238, au paragraphe 37, où le juge Lemieux a écrit ce qui suit :

Plus spécifiquement, l’employeur n’a pas à produire une preuve prima facie d’un motif déterminé valable, mais seulement à produire un minimum de preuve que le renvoi est lié à l’emploi et non à un autre motif.

[…]

[53] Une fois que l’employeur s’était acquitté de son fardeau, il incombait à l’employé de démontrer la mauvaise foi de ce dernier. À cet égard, l’arbitre a conclu que le demandeur n’avait pas prouvé que le renvoi en cours de stage était une imposture ou qu’il s’agissait d’une mesure prise de mauvaise foi.

 

[18]  Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 134, au paragraphe 111, établit que dans les griefs portant sur le renvoi en cours de stage le fardeau de la preuve est inversé. L’employeur doit démontrer i) que la fonctionnaire était en cours de stage, ii) que la période de stage était toujours en vigueur au moment du renvoi, iii) qu’un préavis ou une indemnité tenant lieu de préavis lui a été donnée et iv) qu’une lettre expliquant la raison pour laquelle elle a été renvoyée en cours de stage lui a été fournie. Il incombe ensuite à la fonctionnaire d’établir que la décision de mettre fin à son emploi au moyen d’un renvoi en cours de stage constituait un subterfuge, un camouflage ou reposait artificiellement sur la LEFP ou qu’il a été effectué de mauvaise foi.

IV.  Résumé de la preuve

[19]  L’employeur s’est appuyé sur le fait que la fonctionnaire avait retiré des documents protégés du lieu de travail lorsqu’elle occupait un emploi d’été pour étudiant (avant sa nomination d’agente stagiaire au groupe et au niveau FB‑02) pour appuyer le renvoi en cours de stage. Même si elle reconnaît que les documents étaient en sa possession, elle soutient qu’ils étaient en sa possession par inadvertance. Selon sa position, elle a été renvoyée en cours de stage pour des motifs discriminatoires et parce qu’elle avait déposé une plainte pour avoir été photographiée par les médias pendant l’exercice de ses fonctions.

[20]  Dans le résumé de la preuve, j’ai exposé les antécédents de la fonctionnaire et un aperçu du programme de PBA de l’ASFC. Je résume ensuite la preuve ayant trait à son évaluation du rendement pendant la période de stage. Je résume ensuite le motif lié à l’emploi qui a été allégué en ce qui concerne le renvoi en cours de stage, l’enquête de l’allégation et le licenciement. J’examine ensuite les allégations de violation des droits de la personne et les événements sur lesquels la fonctionnaire s’est appuyée pour étayer son argument selon lequel le renvoi en cours de stage constituait un subterfuge ou un camouflage.

[21]  Dans son témoignage, la fonctionnaire a mentionné un document narratif qu’elle avait rédigé. L’employeur ne s’est pas opposé à ce qu’elle l’invoque et il a été déposé en tant que pièce.

A.  Contexte

[22]  La fonctionnaire s’auto‑identifie en tant que musulmane et porte un hidjab. En 2012, elle a occupé un emploi d’été à l’ASFC à titre d’étudiante. À ce titre, elle a travaillé à la Direction générale des services de gestion de l’ASFC à l’Aéroport international Pearson (« Pearson »).

[23]  Sharnreet Sandhu était la surintendante des Services de gestion à Pearson pendant l’été 2012. Elle a témoigné que le rôle des Services généraux comprend la gestion des ententes de gestion du rendement et des plans d’apprentissage des employés. Elle a témoigné que le rôle d’un étudiant d’été en était un de [traduction] « suppléant » et qu’il consistait à remplacer les personnes en congé. Le rôle comportait également des fonctions administratives, comme le classement et faire des photocopies. La surintendante Sandhu a témoigné que le rôle comprenait le classement de documents de gestion du rendement, ainsi que la saisie de données dans une base de données électronique liée aux plans d’apprentissage.

[24]  La fonctionnaire a témoigné qu’on ne lui avait offert aucune formation sur les exigences en matière de manipulation et d’entreposage de renseignements de nature délicate. La surintendante Sandhu a témoigné que tous les étudiants d’été avaient suivi une formation d’orientation qui aurait inclus une formation sur la sécurité et le niveau élevé de confidentialité exigés pour le poste. Elle se souvenait également d’avoir rencontré les étudiants embauchés pour l’été et d’avoir expliqué le niveau élevé de confidentialité exigé d’eux.

[25]  La fonctionnaire a été sélectionnée pour le Programme de formation de base des agents (PFBA) en 2013, soit un programme d’apprentissage en ligne, suivi par un programme en résidence de 18 semaines au collège de l’ASFC à Rigaud, au Québec. Cette partie du programme de formation n’est pas payée et les participants ne sont pas des employés avant d’obtenir leur diplôme.

[26]  La fonctionnaire a obtenu son diplôme du PFBA en décembre 2013, et une nomination à temps plein en tant qu’agente stagiaire FB‑02 lui a été offerte à compter du 13 janvier 2014. Elle travaillait à l’Aéroport Pearson, au sein du District des opérations-passagers.

[27]  La lettre d’offre précisait que la fonctionnaire était assujettie à une période de stage pour la durée du programme de PBA ou douze mois, selon la plus longue de ces deux périodes, à l’exclusion de toute période de congé non payé, de formation linguistique à plein temps ou de congé payé de plus de 30 jours consécutifs, conformément à l’article 61 de la LEFP. La durée du programme de PBA est d’au moins 12 mois et d’au plus 18 mois. Sa durée peut être prolongée en fonction de chaque cas, à la discrétion de la direction. À 12, à 15 et à 18 mois, l’agent stagiaire est évalué en fonction d’une trousse d’évaluation. Afin d’être admissibles à une promotion, les agents stagiaires doivent présenter une preuve à l’appui de leur perfectionnement des compétences, se soumettre à un examen trimestriel sous forme de questionnaire et présenter une preuve qu’ils ont réussi toute la formation de base. Cette trousse d’évaluation est examinée par le Comité d’examen du mérite (CEM), qui fournit ensuite une recommandation pour la promotion, davantage de perfectionnement ou le retrait du programme. Si, au moment de la présentation de la trousse d’évaluation, l’agent stagiaire a démontré, de manière continue, qu’il avait toutes les compétences requises et qu’il répondait aux critères du mérite au groupe et au niveau FB‑03, il sera recommandé aux fins de nomination à un poste pour une durée indéterminée au groupe et au niveau FB‑03.

[28]  Si un agent stagiaire ne réussit pas le programme après la période de 12 mois ou de 15 mois, un plan de perfectionnement mis à niveau est élaboré en consultation avec le stagiaire, l’unité du programme de PBA et le surintendant (superviseur) du stagiaire. Le plan vise à aider le stagiaire à acquérir les compétences appropriées et à s’acquitter de ses fonctions au niveau requis. L’agent stagiaire est ensuite évalué de nouveau à la suite d’une période supplémentaire de trois mois (15 mois et 18 mois). Si un stagiaire ne réussit pas l’examen de 18 mois, il ou elle est passible de renvoi du programme de PBA.

B.  Rendement pendant la période de stage

[29]  L’emploi de la fonctionnaire n’a pas pris fin en raison de son rendement pendant la période de stage. J’ai inclus un résumé de son rendement uniquement pour expliquer la prolongation de sa période de stage jusqu’à la date de son licenciement. Elle n’était pas d’accord avec certaines des évaluations du rendement et a présenté un témoignage pour décrire le contexte des évaluations et présenter ses explications. Comme son rendement pendant la période de stage ne constituait pas un motif de son renvoi en cours de stage, je n’ai pas résumé ce témoignage.

[30]  Dans le plan de perfectionnement du rendement amélioré en date du 28 novembre 2014, il est précisé que le rendement de la fonctionnaire à cette date ne répondait pas aux exigences en vue d’une nomination au groupe et au niveau FB‑03. Selon le plan, elle devait démontrer une [traduction] « amélioration considérable » afin qu’elle soit prise en considération aux fins de la nomination après la période de 12 mois du programme de PBA.

[31]  Dans l’examen trimestriel du 20 décembre 2014, la surintendante a souligné que la fonctionnaire avait fait preuve d’une certaine amélioration au cours du trimestre précédent. Elle a ajouté que si la fonctionnaire poursuivait sur sa lancée, elle répondrait à toutes les attentes énoncées dans le plan de perfectionnement du rendement amélioré.

[32]  Le 15 janvier 2015, la fonctionnaire a été informée par les ressources humaines qu’elle continuerait à participer au programme de PBA jusqu’à la prochaine évaluation (après la période de 15 mois), soit le 13 avril 2015.

[33]  Un plan de perfectionnement du rendement amélioré a été élaboré le 4 février 2015, et signé par la fonctionnaire le 4 mars 2015.

[34]  Un questionnaire sur le rendement préparé par sa surintendante le 2 avril 2015 a été remis à la fonctionnaire. Il soulignait des améliorations dans les domaines où des améliorations étaient nécessaires, ainsi qu’un incident isolé d’un piètre rendement qui n’avait pas été répété (la surintendante a souligné que la fonctionnaire avait [traduction] « appris de son erreur »). Le questionnaire était en grande partie positif et s’est conclu par [traduction] « Bon travail Mariam! »

[35]  Le 29 avril 2015, la fonctionnaire a envoyé un courriel à l’équipe du programme de PBA indiquant que la période d’évaluation de 15 mois s’était écoulée (le 13 avril 2015) et demandant l’état de sa participation au programme de PBA. Le 1er mai 2015, elle a obtenu la réponse suivante :

[Traduction]

[…] La haute direction nous a fait part d’une enquête en cours concernant les relations de travail et la sécurité personnelle qui doit être réglée avant de procéder à votre affectation intérimaire dans le cadre du programme de PBA.

Nous nous tiendrons au courant de l’évolution de la situation […]

 

[36]  La fonctionnaire n’a reçu aucune autre évaluation du rendement après cette période et son dossier d’évaluation n’a pas été examiné par le CEM.

C.  L’incident allégué lié à l’emploi

[37]  Le 25 janvier 2015, le gendarme A.B. a arrêté le frère de la fonctionnaire dans son véhicule lorsque le gendarme a constaté que le véhicule n’était muni d’aucune plaque d’immatriculation visible. Selon le rapport d’incident, lorsqu’il s’est approché de la voiture, le gendarme a constaté d’abord une [traduction] « forte odeur » de marijuana (une substance contrôlée à l’époque). Lorsque le chauffeur a ouvert sa fenêtre, le gendarme a indiqué que de la marijuana se trouvait dans le véhicule, bien en vue. Il a arrêté les occupants de la voiture et a effectué une fouille du véhicule, qui a révélé une boîte qui contenait des évaluations du rendement des agents FB de 2012 sur papier format lettre. La mention « Protégé » figurait sur les évaluations et celles‑ci contenaient le nom des agents, ainsi que leur code d’identification de dossier personnel (CIDP). Le CIDP était caviardé des documents déposés à titre de pièce à l’audience. Les parties ont convenu que les CIDP des documents saisis par le gendarme A.B. n’avaient pas été caviardés.

[38]  À l’audience, le gendarme A.B. a identifié les documents qu’il avait saisis dans le véhicule. Dans son témoignage, il a affirmé avoir été suffisamment préoccupé pour poursuivre son enquête au poste de police. Un de ses collègues a communiqué avec l’ASFC au sujet des documents saisis, lesquels ont été retournés à l’ASFC le lendemain. Aucun chef d’accusation relatif à une infraction liée à la drogue n’a été porté contre le frère de la fonctionnaire et il a été libéré.

[39]  En contre‑interrogatoire, le gendarme A.B. a été interrogé à savoir si l’arrestation était légitime. Selon lui, elle l’était. Il n’a pas souscrit à l’affirmation du représentant de la fonctionnaire selon laquelle il n’avait pas des motifs suffisants pour procéder à une arrestation. Il n’a pas non plus souscrit à l’affirmation selon laquelle il avait besoin d’un mandat pour effectuer une fouille du véhicule.

[40]  Dans son témoignage, la surintendante Sandhu a expliqué qu’un CIDP est un identificateur unique. Elle a également affirmé que les évaluations du rendement étaient habituellement effectuées sur du papier grand format. Le surintendant Matthew Forrest, surintendant des Opérations ministérielles, a affirmé qu’un CIDP est utilisé pour obtenir les renseignements sur le salaire, les lettres d’emploi et pour poser sa candidature à d’autres postes. Il a également déclaré que les évaluations du rendement renferment les numéros de téléphone de l’employé, lesquels peuvent être utilisés, avec le nom de l’employé, pour procéder à un vol d’identité. Aucun numéro de téléphone d’employé, tant le numéro de téléphone au bureau que celui à la maison, ne figurait dans les évaluations du rendement déposées à titre de preuve à l’audience.

[41]  Le 17 février 2015, la fonctionnaire a reçu un avis par courriel du surintendant Forrest au sujet d’une réunion d’établissement des faits [traduction] « concernant une question de sécurité », prévue le 23 février 2015. Elle a été informée de son droit d’être accompagnée d’un représentant de l’agent négociateur à la réunion, puisqu’une mesure disciplinaire pourrait en découler.

[42]  La fonctionnaire a témoigné que lorsqu’elle a reçu l’avis, elle n’était au courant d’aucune question de sécurité. Elle a discuté avec son représentant de l’agent négociateur, qui lui a demandé si elle était au courant d’un incident que la direction souhaiterait enquêter. Elle a répondu qu’elle n’était au courant d’aucun incident. Elle a témoigné qu’elle ne communiquait pas régulièrement avec son frère avant l’incident.

[43]  Dans son témoignage, le surintendant Forrest a affirmé que le représentant de la fonctionnaire n’avait pas demandé de précisions avant la réunion, mais que s’il l’avait fait, le surintendant Forrest aurait expliqué [traduction] « ce qu’il pouvait ».

[44]  La réunion d’établissement des faits a eu lieu le 23 février 2015. Le surintendant Forrest était accompagné d’un preneur de notes. La fonctionnaire a assisté à la réunion avec un représentant de l’agent négociateur. Immédiatement après l’entrevue, le surintendant Forrest a préparé des notes d’entrevue en se fondant sur ses notes et celles du preneur de notes.

[45]  La fonctionnaire a été informée par le superintendant Forrest que son frère avait été arrêté pour possession de marijuana et il lui a montré le rapport de police sur l’arrestation. Elle a dit au surintendant Forrest qu’elle ignorait complètement l’arrestation. Elle lui a également dit que la voiture mentionnée dans le rapport de police était celle de son frère et qu’elle ne l’avait jamais utilisé pour se rendre au travail. Le surintendant Forrest lui a ensuite parlé des évaluations des employés trouvés dans le coffre de la voiture. Dans son rapport disciplinaire, il a énoncé la réaction de la fonctionnaire à l’annonce que les documents avaient été trouvés dans le coffre de la voiture de son frère comme suit :

[Traduction]

[…]

[…] Mariam a soutenu n’avoir aucune idée de l’événement. Lorsque les documents qui ont été trouvés dans le véhicule lui ont été présentés, elle a prétendu reconnaître ce qu’ils étaient et qu’elle en traitait souvent, mais elle a affirmé n’avoir jamais vu ceux‑là. À la question de savoir pourquoi ces documents étaient à l’arrière du véhicule, Mariam n’a donné aucune explication. Elle n’a offert aucune précision quant à la façon dont les documents ont été déplacés des locaux de l’ASFC à ce véhicule ni aux raisons pour lesquelles ils étaient des copies des originaux […] Lorsqu’elle a été interrogée directement quant à savoir si elle avait retiré les photocopies  [sic] et avait ensuite retiré les documents du lieu de travail, Mariam a nié l’allégation. À la question de savoir comment ils seraient en sa possession ou celle de son frère, elle a répondu : [traduction] « Comme je l’ai dit, je n’ai aucune idée. Je ne peux dire si je les ai pris sans le savoir. »

[…] À la fin de l’entrevue, elle a supposé qu’il se pourrait qu’il s’agisse d’une erreur de sa part, mais on lui a rappelé qu’elle devait toujours signaler ces incidents à la direction.

[…]

 

[46]  Dans son témoignage, la fonctionnaire a affirmé avoir eu connaissance de l’incident concernant son frère pour la première fois à la réunion d’établissement des faits. Elle a indiqué qu’elle était [traduction] « sidérée » lorsqu’elle en a été informée par le surintendant Forrest. Elle a aussi affirmé qu’elle avait été honnête dans ses réponses à la réunion.

[47]  Le surintendant Forrest a déclaré que, lors de la réunion d’établissement des faits, la voix de la fonctionnaire ne laissait transparaître aucune émotion. Dans son rapport disciplinaire, il a écrit que, selon lui, la fonctionnaire n’avait assumé aucune responsabilité de ses actes ni exprimé aucun véritable remords.

[48]  Lors de la réunion d’établissement des faits, la fonctionnaire a été interrogée à savoir ce qu’elle aurait fait si elle avait su que les documents avaient quitté les bureaux de l’ASFC. Elle a répondu qu’elle aurait signalé l’incident immédiatement à la surintendante Sandhu. Dans son témoignage, la fonctionnaire a affirmé qu’à la fin de la réunion, elle avait été informée que l’enquête se poursuivrait, mais qu’il serait peu probable qu’elle ait à discuter de nouveau avec les enquêteurs.

[49]  Le surintendant Forrest a déclaré que la fonctionnaire ou le représentant de l’agent négociateur auraient pu fournir d’autres renseignements à la réunion d’établissement des faits, ce qu’ils n’ont pas fait. La fonctionnaire a affirmé qu’à la fin de la réunion, elle avait l’impression que rien d’autre n’était attendu d’elle dans le cadre de l’enquête.

[50]  Après la réunion d’établissement des faits du 23 février 2015, la fonctionnaire a confronté son frère au sujet de l’arrestation et des documents qui avaient été trouvés dans le coffre de sa voiture. Elle a affirmé que certains de ses articles étaient dans le coffre de sa voiture, y compris une boîte de documents scolaires de 2012. Elle a expliqué qu’elle avait déménagé en juin 2014 et qu’elle avait demandé à son frère de transporter certains de ses effets personnels. La boîte avait été laissée dans le coffre. Elle a témoigné qu’elle contenait surtout des devoirs universitaires, des lectures, des examens et des notes.

[51]  La fonctionnaire a déclaré qu’elle avait probablement pris les documents au travail par inadvertance lorsqu’elle mettait son travail scolaire dans son sac et qu’elle a ensuite fourré tous les documents (le travail scolaire et les évaluations du rendement) dans une boîte et les avait oubliés. Selon le témoignage de la fonctionnaire, elle avait commis une erreur lorsqu’elle a retiré les documents protégés de l’Aéroport Pearson, en indiquant [traduction] « Je suis humaine ». Elle a nié les avoir [traduction] « sciemment » pris.

[52]  La surintendante Sandhu a affirmé ne pas comprendre comment la fonctionnaire aurait pu prendre les documents d’évaluation du rendement par inadvertance. Elle a expliqué que la photocopieuse ne se situait pas à proximité d’un poste de travail et que les documents, une fois photocopiés, devaient être classés. Les documents originaux étaient ensuite acheminés à l’administration centrale régionale de l’ASFC. La surintendante Sandhu a également affirmé qu’elle n’avait jamais vu la fonctionnaire étudier au travail. En contre‑interrogatoire, la surintendante Sandhu a déclaré qu’il était possible que la fonctionnaire ait pris les documents par inadvertance.

[53]  Le surintendant Forrest a remis son rapport disciplinaire à la direction le 5 mars 2015. Compte tenu de la gravité de la conduite de la fonctionnaire, il a recommandé la révocation de son attestation de sécurité et le renvoi en cours de stage au motif que l’ASFC [traduction] « […] ne pouvait plus lui faire confiance ni appuyer sa capacité de prendre des décisions ». Il a affirmé ne pas avoir contribué davantage à la décision de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire.

[54]  Le 31 mars 2015, William Sawchuk, enquêteur principal de la Section des enquêtes de sécurité sur le personnel, a informé la fonctionnaire qu’une entrevue de sécurité devait avoir lieu. Un [traduction] « avis d’entrevue de sécurité » lui a également été fourni selon lequel sa cote de fiabilité ou son attestation de sécurité faisait l’objet d’un examen [traduction] « […] en raison de préoccupations qui ont été portées à notre attention ». L’entrevue avait pour objet [traduction] « […] de lui donner l’occasion de fournir des renseignements de manière franche et honnête relativement aux préoccupations qui ont été soulevées et pour répondre honnêtement à toutes les questions ». Elle a également été informée qu’elle pouvait être accompagnée d’un observateur, qui n’était pas autorisé à intervenir de quelque façon que ce soit dans le processus d’entrevue.

[55]  L’entrevue a eu lieu le 9 avril 2015. La fonctionnaire était accompagnée par le représentant de l’agent négociateur, qui agissait à titre d’observateur. La fonctionnaire a dit à M. Sawchuk que la seule explication plausible à savoir comment les évaluations du rendement se sont retrouvées en sa possession est qu’elle aurait pu les avoir retirées accidentellement des bureaux avec ses documents scolaires.

[56]  M. Sawchuk a discuté avec le surintendant Forrest au sujet de la réunion d’établissement des faits avec la fonctionnaire. Le surintendant Forrest a affirmé qu’il s’agissait d’une brève discussion et qu’il n’était pas au courant du contenu d’aucun rapport de sécurité. Il a expliqué que l’enquête disciplinaire était distincte de l’enquête de sécurité et vice versa, afin que les enquêtes n’influent pas l’une et l’autre. Il a déclaré qu’il n’était pas au courant du déroulement de l’entrevue de M. Sawchuk avec la fonctionnaire.

[57]  La fonctionnaire a affirmé qu’elle avait l’impression que l’enquête de sécurité était liée à l’enquête d’établissement des faits.

[58]  Le 2 juin 2015, la fonctionnaire a été informée qu’une réunion disciplinaire était prévue le 3 juin 2015. Ce jour‑là, Christine Durocher, directrice, Opérations passagers, l’a informé que [traduction] « […] d’autres renseignements ont été portés à l’attention de la direction, lesquels devaient être examinés et validés de façon plus approfondie » et que la réunion disciplinaire avait été reportée. La fonctionnaire a témoigné qu’elle n’avait jamais su quels autres renseignements avaient été portés à l’attention de la direction.

[59]  La réunion disciplinaire a eu lieu le 15 juin 2015. Un représentant de l’agent négociateur a accompagné la fonctionnaire. Une lettre mettant fin à son emploi, signée par Jennifer Richens, directrice générale intérimaire de la Direction de la formation et du perfectionnement de l’ASF, lui a été remise. La lettre indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] Tout au long de la réunion [d’établissement des faits du 23 février 2015] avec la direction, vous avez nié avoir pris les documents protégés, n’avez offert aucune explication quant à la façon dont les documents auraient pu être retirés des locaux de l’ASFC et avez affirmé n’avoir « aucune idée » de la façon dont ils se sont retrouvés dans le véhicule.

En tant qu’employée de l’ASFC, vous êtes en position d’autorité et vous avez accès à des renseignements et à des systèmes protégés. Compte tenu de l’autorité qui vous est conférée, vos décisions et vos actes doivent se fonder sur le Code de conduite et les valeurs de l’Agence, dont l’intégrité.

À la suite d’un examen approfondi de cette affaire, je suis convaincue que vous avez été informée des allégations et que vous avez eu l’occasion de présenter à la direction les renseignements dont il fallait tenir compte selon vous avant qu’une décision soit prise. Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que vous avez retiré des documents protégés des locaux de l’ASFC sans autorisation, que vous n’avez pas bien protégé les documents et que vous avez permis à des personnes non autorisées de les consulter. En outre, les constats énumérés ci‑dessus, ainsi que votre conduite pendant l’enquête des incidents sont contraires au Code de conduite et démontrent un manque d’intégrité qui a rompu de façon irréparable le lien de confiance qui est fondamental à la relation employeur‑employé.

Par conséquent, conformément au pouvoir qui m’a été délégué par le sous‑ministre et en vertu de l’article 62 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, je vous informe que la présente met fin à votre emploi à compter de la date de réception de la présente lettre pendant la période de stage de votre poste en tant qu’agente stagiaire de l’ASFC. À la date de réception de la présente lettre, vous n’êtes plus autorisée à vous présenter au travail, mais conformément au paragraphe 62(2) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, vous recevrez une indemnité équivalente à votre salaire de 30 jours tenant lieu d’un préavis.

[…] 

 

[60]  Mme Richens a affirmé avoir pris connaissance des préoccupations à l’égard de la fonctionnaire pour la première fois lorsqu’on lui a demandé d’examiner les documents relatifs au renvoi de la fonctionnaire en cours de stage. Elle a examiné le rapport préparé par le surintendant Forrest, ainsi que le rapport de la police. Elle a déclaré que ces renseignements suscitaient [traduction] d’« importantes préoccupations » chez elle. Elle a expliqué que sa décision de renvoyer la fonctionnaire en cours de stage ne constituait pas une décision disciplinaire, mais qu’elle était fondée sur l’intégrité.

[61]  En contre‑interrogatoire, Mme Richens a donné des explications quant à sa référence, dans la lettre de licenciement, à la conduite de la fonctionnaire pendant l’enquête. Elle a déclaré qu’elle s’appuyait sur le fait que la fonctionnaire n’avait exprimé aucun remords et qu’elle n’avait assumé aucune responsabilité de ses actes.

[62]  L’avocat de l’employeur a demandé à Mme Richens pourquoi la fonctionnaire avait été autorisée à demeurer au travail jusqu’à son licenciement, étant donné les préoccupations concernant son intégrité. Mme Richens a déclaré que la procédure régulière devait être suivie.

[63]  Mme Richens a affirmé qu’il était normal de mener deux enquêtes – l’une pour la sécurité et l’autre concernant les relations de travail – et que ces enquêtes étaient menées de façon parallèle et distincte. Elle a déclaré ne pas avoir consulté le rapport d’enquête de sécurité avant sa préparation à l’audience.

[64]  Selon la fonctionnaire, l’employeur a tenu compte de l’enquête de sécurité, car elle contenait sa version de l’incident.

[65]  Mme Richens a déclaré n’avoir jamais rencontré la fonctionnaire et ne l’avoir jamais vue avant l’audience. Elle a témoigné qu’elle avait été choquée d’apprendre qu’une allégation de racisme figurait dans le document que la fonctionnaire avait remis à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP), lequel est examiné plus loin dans la présente décision. Elle a affirmé croire, selon son expérience, que le nom « Malik » était d’origine hongroise, et ne pas avoir été au courant du fait que la fonctionnaire était musulmane ou qu’elle portait un hidjab.

[66]  En contre‑interrogatoire, Mme Richens a souligné que les évaluations du rendement de la fonctionnaire mentionnaient certains points à améliorer.

[67]  La fonctionnaire a communiqué avec M. Sawchuk après son licenciement et elle a affirmé qu’il lui avait dit qu’il ne terminerait pas son enquête ou ne produirait aucun rapport parce qu’elle avait été licenciée. Elle a obtenu un [traduction] « Rapport d’enquête sur l’examen de la sécurité » dans le cadre d’une demande d’accès à l’information. Le rapport, en date du 5 mai 2015, était signé par M. Sawchuk, ainsi que par d’autres personnes de la Section des enquêtes de sécurité sur le personnel, mais il n’a jamais été approuvé par un agent de sécurité du Ministère. M. Sawchuk a recommandé que l’affaire soit renvoyée au Comité de révision de la sécurité pour qu’il étudie la possibilité de suspendre la cote de fiabilité de la fonctionnaire.

[68]  La fonctionnaire a affirmé que le milieu de travail à l’Aéroport Pearson était toxique et elle a allégué que des collègues lui avaient fait des commentaires racistes.

D.  Plainte concernant la couverture de la SRC et plainte déposée auprès de la CCDP

[69]  Afin de remettre en contexte le témoignage de la fonctionnaire ayant trait à sa plainte concernant la couverture d’elle par la Société Radio‑Canada (SRC) et sa plainte en matière de droits de la personne déposée auprès de la CCDP, il faut d’abord énoncer les événements de janvier 2014.

[70]  Peu après avoir commencé à travailler à Pearson, le 29 janvier 2014, on a demandé à la fonctionnaire si elle serait disposée à apparaître dans une vidéo tournée par l’ASFC intitulée « Arrivée par avion ». Elle a signé un formulaire de consentement et de renonciation, permettant à l’ASFC de la filmer. Le formulaire de consentement visait uniquement cette vidéo. L’insigne nominatif affixé à son uniforme avait été changé. La vidéo a été montrée sur les écrans terminaux à Pearson à compter de décembre 2014. La fonctionnaire a témoigné qu’elle avait accepté d’y apparaître [traduction] « pour contribuer à l’effort d’équipe ».

[71]  La fonctionnaire a affirmé qu’au cours de la première semaine de mars 2015, un représentant de l’ASFC, accompagné d’un caméraman, l’a approchée pendant qu’elle travaillait à un kiosque d’inspection principale. On lui a demandé si elle acceptait de figurer dans  [traduction] « quelques prises d’image » pendant qu’elle travaillait. Elle a déclaré qu’elle ne savait pas à quoi serviraient ces [traduction] « prises d’image » ni que le caméraman était de la SRC.

[72]  La fonctionnaire était en congé du 8 au 18 mars 2015, et avait alors un accès limité à Internet. Elle a affirmé que le 10 mars 2015, un ami l’a informée que sa photo était la principale image dans un article en ligne de la SRC intitulé : [traduction] « Congé du mois de mars 2015: Comment éviter de perdre la tête à l’aéroport ». Elle a déclaré que ses amis avaient diffusé l’article sur Facebook et qu’elle a été « identifiée » dans la photo. Elle a également expliqué que l’article avait été publié sur la page Facebook de la SRC et qu’il y avait beaucoup de commentaires du public, dont bon nombre étaient discriminatoires. Elle a fourni quelques-uns des commentaires à l’audience. La photo montre clairement son insigne nominatif sur son uniforme.

[73]  La fonctionnaire a affirmé que le 3 avril 2015 ou vers cette date, elle a rencontré le chef intérimaire, David Berndt, pour exprimer ses préoccupations au sujet de sa sécurité personnelle, et elle l’a informé  que, selon elle, aucun consentement n’avait été donné. Elle lui a envoyé un courriel de suivi dans lequel elle a déclaré que si elle avait été informée qu’une photographie d’elle serait utilisée par la SRC, elle n’y aurait pas consenti. Elle a également déclaré dans le courriel qu’étant donné le sentiment anti‑islamique actuel dans le monde, elle n’appréciait pas de faire l’objet d’un article dans un média national. Elle a souligné que même si elle n’a pas fait l’objet de menaces particulières, elle s’inquiétait de sa sécurité personnelle, car elle travaillait souvent tard.

[74]   Mme Durocher a répondu à la fonctionnaire le 15 avril 2015, affirmant que l’ASFC entendait la rencontrer et lui donner une réponse plus complète une fois les enquêtes terminées.

[75]   Le 20 mai 2015, Mme Durocher a fourni la réponse suivante par courriel :

[Traduction]

La présente fait suite à mon courriel du 20 avril 2015 concernant la vidéo de la SRC « Congé du mois de mars 2015 ». À titre de directrice des Opérations passagers, ma préoccupation absolue est la sécurité du personnel et, à cet égard, j’ai demandé au chef intérimaire, M. Berndt, de vous rencontrer pour discuter des précautions que vous pourriez prendre, car vous avez soulevé des préoccupations.

Le chef intérimaire, M. Berndt, vous a rencontré le 2 mai 2015 et a discuté de vos préoccupations, ainsi que des précautions que vous pourriez envisager. Le chef intérimaire, M. Berndt, a confirmé qu’il avait discuté des outils qui ont été mis au point pour aider les agents qui ont des préoccupations en matière de sécurité lorsqu’ils ne sont pas au travail. Il m’a informé que vous compreniez les précautions disponibles, mais que votre principale préoccupation à ce sujet était liée au fait que vous n’aviez pas complètement compris l’objectif de la vidéo. À cet égard, j’ai fait un suivi auprès des Communications et elles ont confirmé que vous aviez donné votre consentement verbal et que vous aviez été informée que la SRC prenait des images pour produire une vidéo sur le congé du mois de mars.

Les Communications ont confirmé que seuls les bénévoles qui consentent ou acceptent d’être filmés et de laisser leur nom visible sont utilisés dans la vidéo. Elles m’ont assuré que si une personne exprime des préoccupations concernant l’enregistrement, elles ne l’incluront pas dans la vidéo. Toutefois, selon ce que je crois comprendre, dans ce cas particulier, vous n’avez pas bien compris à quoi servait la vidéo et, par conséquent, j’ai demandé qu’une discussion ou un consentement plus approfondis soient requis avant les tournages à l’avenir au District des opérations passagers.

Je comprends que vous n’avez fait l’objet d’aucune menace particulière découlant de cette vidéo et je vous demande de bien vouloir m’informer immédiatement si de telles menaces surviennent.

[…]

 

[76]  La fonctionnaire a demandé une réunion avec Mme Durocher, que l’adjoint a prévue le 2 juin 2015. La fonctionnaire a répété ses préoccupations à Mme Durocher au sujet de l’article de la SRC et de l’utilisation de son image. Elle a témoigné avoir exprimé son mécontentement à l’égard de l’enquête de l’ASFC et de la réponse à ses préoccupations.

[77]  À la suite de la réunion, la fonctionnaire a envoyé une lettre à Mme Durocher le 15 juin 2015, dans laquelle elle a nié avoir donné son consentement au tournage. Elle a déclaré : [traduction] « Je ne saurais trop insister à quel point cette affaire me bouleverse, étant donné les autres facteurs de stress auxquels je suis actuellement confrontée […] ».

[78]  Mme Richens a témoigné qu’elle n’avait aucune connaissance de l’article de la SRC avant sa préparation à la présente audience. Elle a témoigné qu’elle n’avait pas été informée de cette question et qu’elle n’en avait pas tenu compte dans sa décision de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire.

[79]  La fonctionnaire a témoigné qu’elle croyait que quelqu’un aurait mentionné à Mme Richens sa plainte au sujet de la couverture de la SRC, mais elle a admis qu’elle n’avait aucune preuve.

[80]  La fonctionnaire a déposé une plainte auprès de la CCDP le 15 juin 2016, un an après son licenciement. Elle a allégué avoir fait l’objet de discrimination fondée sur la race, la couleur et la religion en raison du traitement différent et défavorable auquel elle a été assujettie et du licenciement. Dans un rapport en date du 26 juin 2018, la CCDP a conclu qu’il était [traduction] « […] évident et manifeste que la plainte n’a aucune chance de succès ». Le rapport a recommandé que la plainte soit rejetée comme étant frivole, en vertu de l’alinéa 41(1)d) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C., 1985, ch. H‑6; LCDP).

[81]  La CCDP a accordé à la fonctionnaire la possibilité de répondre au rapport. Elle lui a fourni des observations non datées. Une grande partie de ses observations consistent en des arguments. J’ai résumé les parties pertinentes de son argumentation dans la section du résumé de l’argumentation qui figure plus loin dans la présente décision. Dans ses observations, elle a écrit au sujet de la découverte des documents protégés dans la voiture de son frère et a corrigé la déclaration dans le rapport de la CCDP selon laquelle elle avait retiré des documents protégés du lieu de travail pendant son stage, comme suit :

[Traduction]

[…] le défendeur affirme que l’enquête a permis de déterminer que la plaignante avait retiré des documents protégés du lieu de travail pendant qu’elle était une agente stagiaire. Cette déclaration n’est pas vraie. Je n’ai, en aucun temps, retiré un seul document pendant que j’étais une agente stagiaire. J’ai involontairement apporté à la maison des documents que je croyais être mes travaux scolaires, en 2012, lorsque j’étais étudiante en administration. J’ai déménagé en 2014 et j’avais demandé à mon frère de m’aider à déplacer certains de mes biens à ma nouvelle résidence; ces biens comprenaient une boîte remplie de travaux universitaires. Je ne savais pas qu’il y avait des documents protégés de l’ASFC dans cette boîte, avec mes travaux scolaires.

 

[82]  Plus loin dans sa réponse, elle a déclaré qu’elle était d’accord pour dire qu’il existait des preuves de négligence de sa part en 2012, mais qu’il n’y avait aucune preuve d’acte répréhensible.

[83]  La CCDP a examiné les observations et a rejeté la plainte le 28 septembre 2018. La fonctionnaire n’a pas demandé de contrôle judiciaire de la décision de la CCDP.

V.  Résumé de l’argumentation

[84]  Voici un résumé des arguments présentés à l’audience, en plus des observations supplémentaires présentées par téléconférence le 12 février 2020.

A.  Pour l’employeur

[85]  L’employeur a soutenu que je n’avais pas compétence pour instruire le grief en l’espèce et que la procédure appropriée consiste à ce que la fonctionnaire dépose une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale.

[86]  L’employeur a invoqué Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429 (C.A.), et Tello. Il a déclaré qu’il n’était tenu que de fournir un motif lié à l’emploi pour justifier le licenciement de la fonctionnaire. En l’occurrence, il a fait valoir qu’il avait un motif lié à l’emploi et que la fonctionnaire avait admis sa négligence dans ses observations à la CCDP.

[87]  L’employeur a fait valoir que le retrait des évaluations du rendement du lieu de travail constituait un problème grave. Il n’avait pas à prouver l’intention de les retirer. À titre subsidiaire, il a soutenu que, selon toute vraisemblance, la fonctionnaire avait connaissance de l’existence des documents. L’employeur a fait valoir que la suite des événements décrits par la fonctionnaire n’était pas plausible.

[88]  L’employeur a également soutenu que les allégations de discrimination de la fonctionnaire constituaient simplement des allégations extravagantes dépourvues de tout fondement. L’employeur a également souligné que la fonctionnaire n’avait démontré aucun remords pour ses actes.

[89]  L’employeur a soutenu qu’il s’était acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait et que la fonctionnaire ne s’était pas acquittée du sien, c’est-à-dire de démontrer que le licenciement était un subterfuge. L’employeur a souligné que la décideuse, Mme Richens, n’était pas au courant des questions soulevées par la fonctionnaire concernant la SRC. Il n’y avait aucune preuve à l’appui de représailles de la part de l’ASFC pour avoir soulevé ces questions.

[90]  L’employeur a fait valoir que les questions de discrimination soulevées par la fonctionnaire avaient été abordées par la CCDP et avaient été rejetées. Il a fait valoir que ces questions ne devraient pas être remises en cause, invoquant le principe de la préclusion (voir Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., 2001 CSC 44). L’employeur a déclaré qu’il s’agissait des mêmes questions et des mêmes parties et que la fonctionnaire était empêchée par préclusion de soulever ces questions dans la présente instance.

[91]  Subsidiairement, l’employeur a déclaré que Mme Richens ne connaissait que le genre de la fonctionnaire et qu’elle n’était pas au courant de la race ou de la religion de cette dernière. L’employeur a fait valoir qu’il n’y avait aucune raison de déterminer que le licenciement était entaché de discrimination.

[92]  En conclusion, l’employeur a soutenu que la fonctionnaire ne s’était pas acquittée du fardeau qui lui incombait et que le grief devrait être rejeté.

B.  Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

[93]  La fonctionnaire a soutenu que le licenciement avait été fait de mauvaise foi et qu’il s’agissait d’un acte planifié et délibéré. Elle a déclaré que la prolongation de la période de stage était inappropriée et de mauvaise foi.

[94]  La fonctionnaire a soutenu que l’arrestation de son frère et la fouille de sa voiture étaient illégales. Elle a fait valoir que le policier n’avait pas de motif raisonnable de fouiller le véhicule.

[95]  La fonctionnaire a soutenu que le témoignage du surintendant Forrest n’était pas fiable. Dans son témoignage, le surintendant Forrest a affirmé qu’il n’était pas au courant de l’enquête de sécurité, alors que des éléments de preuve établissent qu’il a eu une discussion détaillée avec l’enquêteur de sécurité.

[96]  La fonctionnaire a soutenu que le rapport d’enquête de sécurité contenait des renseignements qui n’appuyaient pas un renvoi en cours de stage et que Mme Richens aurait dû en tenir compte.

[97]  La fonctionnaire a dit douter que Mme Richens n’ait pas été au courant des questions soulevées au sujet de l’article de la SRC. Elle a déclaré qu’il était probable que Mme Richens en ait été informée par Mme Durocher.

[98]  La fonctionnaire a allégué que l’ASFC faisait la promotion du racisme et qu’elle avait été victime de racisme de la part des passagers et des employés de l’ASFC.

[99]  La fonctionnaire a soutenu que sa situation présente de nombreuses similitudes avec Niedermeiser et Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accise), dossier de la CRTFP 166‑02‑27859 (19971022), [1997] C.R.T.F.P.C. no 111 (QL). Dans cette affaire, des documents protégés ont été trouvés dans la voiture du petit ami de la fonctionnaire s’estimant lésée et le licenciement avait été remplacé par une suspension. La fonctionnaire a fait valoir que la seule différence était qu’elle était en période de stage, laquelle avait été prolongée délibérément.

[100]  La fonctionnaire a soutenu que le véritable motif de son licenciement était le fait qu’elle avait soulevé des questions au sujet de sa vie privée et du fait que sa sécurité avait été compromise en raison de la publication de son image par la SRC. Elle a également remis en question la gravité du motif invoqué par l’employeur à l’appui de son licenciement, car elle avait été autorisée à continuer de travailler après qu’il ait pris connaissance que les documents protégés avaient été en sa possession.

[101]  La fonctionnaire a soutenu qu’elle était honnête, franche, fiable et cohérente dans son témoignage. Elle a fait valoir que son renvoi en cours de stage était entaché de partialité, de racisme et d’un manquement à l’application régulière de la loi. Elle a soutenu qu’elle devrait être réintégrée et pleinement indemnisée.

C.  Les observations de l’employeur présentées en réponse

[102]  L’employeur a soutenu qu’il y avait de nombreuses questions liées au rendement de la fonctionnaire en décembre 2014 et que, pour cette raison, sa période de stage avait été prolongée. L’employeur a fait valoir que la prochaine date à laquelle la période de stage pouvait prendre fin était la fin de la période de 18 mois.

[103]  L’employeur a fait valoir que Niedermeiser ne portait pas sur un renvoi en cours de stage. Il a soutenu que le recours à une suspension prolongée au lieu du licenciement dans cette affaire-là étayait l’argument de l’employeur selon lequel le renvoi en cours de stage était lié à l’emploi.

D.  Les observations concernant la conduite avant l’emploi

[104]  J’ai demandé aux parties de présenter d’autres observations concernant une décision de la CRTFP sur la conduite avant l’emploi et un renvoi en cours de stage, à savoir la décision Doucet c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 145. Ces observations ont été présentées le 12 février 2020 par téléconférence.

[105]  Dans Doucet, l’employeur avait découvert que l’employée en cours de stage avait eu des relations inappropriées avec les détenus lorsqu’elle occupait un emploi occasionnel, avant de commencer sa période de stage. L’arbitre de grief a rendu une décision préliminaire, dans laquelle il a conclu que l’employeur ne pouvait pas s’appuyer sur des éléments de preuve qui dataient de la période précédant le stage de la fonctionnaire s’estimant lésée.

[106]  Dans cette affaire, l’arbitre de grief a déterminé que la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas au courant de la règle interdisant les relations avec les détenus alors qu’elle occupait un emploi occasionnel. La règle ne lui avait pas été clairement communiquée et aucune preuve n’indiquait que la fonctionnaire s’estimant lésée était présumée connaître cette règle. L’arbitre de grief a également déterminé que l’employeur aurait pu découvrir le comportement lors de l’entrevue ayant mené à sa nomination à titre d’employée stagiaire. L’arbitre de grief a ensuite conclu que l’employeur ne pouvait pas fonder sa décision de renvoyer la fonctionnaire s’estimant lésée en cours de stage sur le comportement antérieure à l’embauche de cette dernière.

[107]  L’employeur a soutenu que Doucet est erronée. Il a déclaré qu’aucun des éléments (connaissance de la règle et la possibilité de découvrir l’inconduite) n’aborde la question de savoir si le renvoi constituait une mesure disciplinaire déguisée, c’est‑à‑dire un subterfuge ou un camouflage. L’avocat a souligné que l’arbitre de grief avait déclaré explicitement (au paragraphe 65) que « Mon rôle d’arbitre de grief est d’évaluer si la méthode d’évaluation était équitable et raisonnable […] ». À l’appui de cette affirmation, l’arbitre de grief a cité deux décisions arbitrales dans lesquelles il n’existait aucun article équivalent à l’article 209 ou 211 de la LRTFP; c’est‑à‑dire que les arbitres de grief ont compétence pour examiner le caractère raisonnable du renvoi en cours de stage. L’avocat a soutenu que l’arbitre de grief dans Doucet avait catégoriquement tort dans l’évaluation de son rôle en vertu de la LRTFP.

[108]  Subsidiairement, l’employeur a déclaré que Doucet se distingue quant aux faits. En l’espèce, l’avocat de l’employeur a affirmé que, dans son témoignage, la fonctionnaire a déclaré qu’elle était au courant des règles de confidentialité et de la règle interdisant le retrait de ces documents du lieu de travail. L’avocat a également fait valoir que l’employeur ne pouvait pas être au courant du retrait des documents au moment du recrutement de la fonctionnaire.

[109]  Par ailleurs, l’employeur a soutenu que l’affirmation selon laquelle les questions antérieures à l’embauche [traduction] « ne sont pas importantes » pour l’évaluation pendant la période de stage (voir le paragraphe 70 de Doucet) est sans fondement logique. L’avocat de l’employeur a soutenu que rien dans la jurisprudence ou dans les principaux textes de droit du travail concernant le stage ne permet d’établir qu’il n’est pas possible de s’appuyer sur la découverte d’une preuve préalable à l’embauche ayant trait à l’aptitude pour motiver un renvoi en cours de stage. Rien dans la LEFP ne limite la preuve qu’un administrateur général peut invoquer lorsqu’il renvoie une personne en cours de stage. L’avocat a soutenu que selon la position de l’employeur, il n’existe aucun fondement logique ou en droit pour indiquer que la découverte d’une preuve datant d’une période antérieure à l’embauche alors que l’employé est en cours de stage ne doit pas être prise en compte pour déterminer si une personne est apte à occuper un emploi.

[110]  L’employeur a soutenu qu’aucun poids ne devrait être accordé à Doucet.

[111]  La fonctionnaire a fait valoir qu’elle aurait dû être évaluée uniquement en fonction de son rendement pendant la période de stage. Elle a soutenu que l’employeur n’avait pas remis en question son rendement pendant la période de stage.

VI.  Motifs

[112]  Pour les motifs exposés dans la présente section, j’ai déterminé que l’employeur avait un motif lié à l’emploi pour renvoyer la fonctionnaire en cours de stage et que la fonctionnaire ne s’était pas acquittée de son fardeau d’établir que le renvoi en cours de stage constituait un subterfuge ou un camouflage. Par conséquent, j’ai déterminé que le grief doit être rejeté.

[113]  Je ne me suis pas penché sur la position de l’employeur selon laquelle la Cour fédérale est l’instance appropriée pour contester le caractère raisonnable d’un renvoi en cours de stage. Mon rôle à titre de formation de la Commission consiste à déterminer si j’ai compétence pour instruire le grief dont je suis saisi. Il n’est pas approprié que je propose une autre instance pour trancher les questions soulevées par un fonctionnaire s’estimant lésé.

[114]  Certains des éléments de preuve déposés lors de cette audience portaient sur le rendement global de la fonctionnaire pendant sa période de stage. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement ne faisaient état d’aucune préoccupation liée au rendement pendant la période de stage. Par conséquent, les affirmations de Mme Richens ayant trait aux [traduction] « autres préoccupations liées au rendement » n’ont pas été prises en considération dans la décision de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire. J’estime que la preuve concernant le rendement de la fonctionnaire pendant la période de stage n’est pertinente qu’en ce qui a trait aux allégations de mauvaise foi formulées par la fonctionnaire et pour expliquer le contexte de sa position relativement au droit.

[115]  À l’audience, la fonctionnaire a soulevé des allégations selon lesquelles la discrimination a constitué un facteur dans son renvoi en cours de stage. L’employeur a soutenu que la préclusion empêchait la fonctionnaire de s’appuyer sur ces allégations. Danyluk établit trois conditions préalables pour l’application du principe de la préclusion : (1) que la même question ait été décidée dans une procédure antérieure; (2) que la décision judiciaire antérieure soit définitive; et (3) que les parties ou leurs ayants droit soient les mêmes dans chacune des instances. Si ces trois conditions préalables sont remplies, le décideur doit quand même déterminer si, à sa discrétion, la préclusion doit s’appliquer.

[116]  En l’espèce, les parties sont les mêmes et la décision était définitive (la fonctionnaire n’a pas demandé un contrôle judiciaire de la décision de la CCDP). Cependant, je ne crois pas que la CCDP ait tranché la même question. Elle a abordé les allégations de discrimination en cours d’emploi, mais elle n’a pas abordé clairement la question soulevée dans le présent grief, soit la question de savoir si l’employeur a mis fin de manière appropriée à l’emploi de la fonctionnaire en cours de stage. De plus, on ne me demande pas de déterminer les droits de la fonctionnaire en vertu de la LCDP, mais de déterminer si l’employeur a agi de mauvaise foi lorsqu’il a renvoyé la fonctionnaire en cours de stage. Par conséquent, je conclus que la préclusion ne s’applique pas dans les circonstances du présent grief.

[117]  La fonctionnaire a formulé des allégations de discrimination en milieu de travail, y compris des commentaires antimusulmans et d’un milieu de travail toxique. Je ne les ai pas examinées, pour deux raisons. En premier lieu, le grief ne comprend aucune allégation de discrimination en matière de droits de la personne et mentionne simplement la mesure disciplinaire et, par conséquent, je ne suis pas proprement saisi de la question de discrimination fondée sur la race ou la religion. En deuxième lieu, ces allégations ont été soulevées pour la première fois dans le cadre de la présente procédure de règlement des griefs à l’audience.

[118]  La fonctionnaire a allégué que la perquisition de la voiture de son frère était illégale. À la lumière de son admission selon laquelle les documents protégés avaient été retirés du lieu de travail en 2012, la question de savoir s’ils ont été obtenus de manière inappropriée n’est pas pertinente en l’espèce.

[119]  Le fondement sur lequel il faut s’appuyer pour régler la question de ma compétence relativement à un renvoi en cours de stage est succinctement exposé comme suit dans Penner où la Cour d’appel fédérale fait référence à Jacmain c. Procureur général, [1978] :

[…]

[…] un arbitre saisi d’un grief déposé par un employé renvoyé en cours de stage a le droit d’examiner les circonstances de l’affaire pour s’assurer qu’elle soit réellement ce qu’elle semble être. Cet examen serait effectué en application du principe selon lequel la forme ne devrait pas l’emporter sur le fond. L’on ne peut tolérer que, par l’effet d’un camouflage, une personne soit privée de la protection que lui accorde une loi. En fait, la question qui entre alors en jeu est celle de la bonne foi, l’exigence légale qui est la plus fondamentale lorsqu’il s’agit de défendre la validité juridique de toute forme d’activité […]

[…] un arbitre […] est sans compétence à l’égard d’un renvoi en cours de stage lorsque la preuve présentée le convainc que les représentants de l’employeur ont agi de bonne foi au motif qu’ils ne considéraient pas que l’employé possédait les aptitudes requises pour occuper le poste visé […]

[…]

[…] S’il est possible que cette appréciation négative de l’aptitude de l’employé ait été faite à la suite d’une inconduite ou d’un écart de comportement, cette circonstance n’atténue en rien la réalité ou la légitimité de l’insatisfaction éprouvée, et elle ne nous justifie pas de confondre le renvoi en cause avec une sanction disciplinaire.

[…]

 

[120]  Dans le cas de la fonctionnaire, les étapes d’évaluation du programme de PBA ont été interrompues le 1er mai 2015, lorsqu’elle a été informée que les enquêtes des relations de travail et de la sécurité personnelle devaient être réglées avant de poursuivre le processus du programme de PBA. Le renvoi en cous de stage de la fonctionnaire a eu lieu avant la fin de sa période de stage de 18 mois.

[121]  L’employeur s’est acquitté de son fardeau initial, tel qu’il est énoncé dans Tello. La fonctionnaire était en cours de stage, la période de stage était toujours en vigueur au moment de son renvoi et elle a été renvoyée au cours de la période de stage. Les parties ne contestent pas le fait qu’elle a reçu une indemnité tenant lieu de préavis, conformément à la LEFP. On lui a aussi remis une lettre expliquant les motifs du licenciement.

[122]  Il incombe donc à la fonctionnaire d’établir que le motif de licenciement n’était pas lié à l’emploi, mais reposait sur la mauvaise foi ou un subterfuge. Le fardeau qui incombe à la fonctionnaire est décrit comme suit dans Tello (aux paragraphes 110 et 111) :

[110] Si un administrateur général renvoie un employé en cours de stage sans égard à l’objet de la période de stage – autrement dit, si la décision ne repose pas sur l’aptitude de l’employé à occuper un emploi de façon continue – cette décision est arbitraire et peut également être prise de mauvaise foi. Dans un tel cas, le licenciement n’est pas conforme à la nouvelle LEFP.

[111] […] Il incombe au fonctionnaire de prouver que le licenciement reposait artificiellement sur la nouvelle LEFP, un subterfuge ou un camouflage. Si le fonctionnaire établit qu’il n’y avait pas de « motifs liés à l’emploi » légitimes justifiant le licenciement (autrement dit, si la décision ne reposait pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant aux aptitudes de l’employé : Penner, à la page 438), le fonctionnaire se sera acquitté de son fardeau de la preuve. Outre ce changement au niveau du fardeau de la preuve, la jurisprudence rendue sous l’ancienne LEFP demeure pertinente pour déterminer la compétence sur les griefs à l’encontre du licenciement d’un employé en stage.

 

[123]  La fonctionnaire a soutenu que sa période de stage avait été prolongée inutilement avant son licenciement. Je n’ai pas compétence en ce qui a trait à la gestion du processus de stage. Ma compétence se limite à déterminer si le renvoi en cours de stage reposait sur un subterfuge ou un camouflage. Les questions de rendement ont été soulevées en novembre 2014, avant que l’employeur ne soit informé que des documents protégés avaient été retirés et avant que la fonctionnaire ne reçoive un plan de rendement mis à niveau. Un autre plan de rendement mis à niveau a été élaboré en février 2015, soit après la découverte des documents. Même si le rendement de la fonctionnaire s’était amélioré, comme en témoigne sa dernière évaluation par sa surintendante, le processus d’évaluation a été suspendu en raison des enquêtes d’établissement des faits en cours. Il s’agissait d’une mesure légitime prise par l’employeur, à la lumière des allégations relatives à son ancien emploi à titre d’étudiante. Elle a été renvoyée en cours de stage avant la prochaine étape du processus d’évaluation (après une période de 18 mois). La fonctionnaire ne m’a pas convaincu que la prolongation de la période de stage reposait sur la mauvaise foi. La suspension de l’évaluation après la période de 15 mois a été imposée pour des motifs liés à l’emploi.

[124]  La fonctionnaire a admis qu’elle avait des documents protégés en sa possession depuis 2012. Elle a témoigné qu’elle avait dû les mettre par inadvertance dans son sac avec ses livres scolaires et avoir ensuite placé le contenu du sac dans une boîte en carton. La boîte s’est retrouvée ensuite dans la voiture de son frère lorsqu’elle est déménagée en 2014. L’employeur a affirmé que cette explication était invraisemblable.

[125]  Dans les cas concernant un stage, le décideur doit seulement déterminer si le facteur invoqué par l’employeur constitue un motif lié à l’emploi. Il ne s’agit pas d’un grief disciplinaire dans lequel il est nécessaire de déterminer si une conduite était involontaire ou délibérée pour évaluer le caractère approprié de la mesure disciplinaire. Toutefois, j’estime qu’il est plausible que les documents se soient retrouvés dans le sac de la fonctionnaire sans qu’elle prenne une décision consciente. Elle demeure toutefois responsable de ne pas les avoir repérés et de les avoir ensuite entreposés par inadvertance dans la voiture de son frère.

[126]  Il n’est pas nécessaire que je détermine si la fonctionnaire avait l’intention de retirer les documents protégés du lieu de travail. Ces documents protégés ne devaient pas être en sa possession. Elle semblait reconnaître sa négligence quant au fait de ne pas avoir vérifié son sac ou la boîte dans laquelle elle les avait mis. Je suis convaincu que l’employeur avait un motif lié à l’emploi pour justifier le renvoi en cours de stage.

[127]   Dans la lettre de licenciement, Mme Richens a également mentionné la conduite de la fonctionnaire pendant l’enquête comme étant contraire au « Code de conduite » de l’ASFC. La lettre mentionne que la fonctionnaire a nié avoir pris les documents et n’a offert aucune explication quant à la façon dont ils auraient pu être retirés ou dont ils se sont retrouvés dans la voiture de son frère.

[128]  Cette allégation ne correspond pas véritablement à ce qui a été dit durant l’entrevue d’établissement des faits. Même si la fonctionnaire n’avait donné aucune explication, elle n’a pas nié les avoir pris. Elle a déclaré lors de l’entrevue d’établissement des faits que le retrait des documents aurait pu découler d’une erreur de sa part. Elle n’a donc pas nié qu’elle les avait retirés des locaux de l’ASFC.

[129]  De plus, j’accepte qu’il soit plausible que la fonctionnaire ne sache pas comment les documents se sont retrouvés en sa possession. En réalité, à l’audience, elle n’a émis qu’une hypothèse sur la façon dont ils se sont retrouvés en sa possession. Toutefois, elle a toujours reconnu qu’ils avaient été en sa possession par inadvertance.

[130]  J’aborderai également la déclaration du surintendant Forrest selon laquelle les documents auraient pu entraîner un vol d’identité. À mon avis, cette déclaration est spéculative et fondée sur une hypothèse sous‑jacente, soit la présence de numéros de téléphone, laquelle n’est pas étayée par la preuve.

[131]  Dans Tello, j’ai conclu que l’employeur n’avait pas à prouver toutes les allégations sur lesquelles repose un renvoi en cours de stage. Il lui incombe de fournir un motif lié à l’emploi. En l’espèce, il n’a pas établi que la fonctionnaire avait nié avoir pris les documents. Toutefois, je conclus qu’il avait toujours un motif lié à l’emploi pour la renvoyer en cours de stage.

[132]  La fonctionnaire a affirmé que Mme Richens aurait dû tenir compte de l’entrevue d’enquête de sécurité dans sa prise de décision. Le processus d’établissement des faits aux fins des ressources humaines est mené séparément des enquêtes de sécurité à l’ASFC, ce qui a été fait en l’espèce. Dans son témoignage, Mme Richens a affirmé clairement n’avoir examiné aucun des documents de l’enquête de sécurité (l’entrevue ou le rapport provisoire). Le contenu de l’entrevue de sécurité et de l’entrevue d’établissement des faits est à peu près semblable.

[133]  Dans l’entrevue d’établissement des faits, la fonctionnaire a spéculé que le retrait des documents protégés aurait pu être [traduction] « une erreur de sa part ». Lors de l’entrevue de sécurité, elle a donné plus de détails lorsqu’elle a spéculé qu’elle aurait pu les avoir retirés accidentellement des locaux avec ses documents scolaires. Outre d’exposer la façon dont les documents auraient pu se retrouver en sa possession, l’essentiel de sa réponse a été la même dans le cadre des deux enquêtes – elle les a pris par erreur.

[134]  Je conclus que les renseignements tirés de l’enquête de sécurité ne différaient pas substantiellement des renseignements obtenus dans le cadre de l’enquête d’établissement des faits.

[135]  L’employeur s’est principalement appuyé sur le retrait et la découverte de documents protégés pour justifier le renvoi en cours de stage de la fonctionnaire. Tel qu’il a été mentionné, l’acte de la fonctionnaire a eu lieu avant qu’elle ne soit embauchée à titre d’agente stagiaire au groupe et au niveau FB‑02.

[136]  Doucet est la seule décision dans le secteur public fédéral qui traite clairement de la question de la conduite antérieure à l’embauche dans les cas de renvoi en cours de stage. Selon l’employeur, Doucet est erronée. Je conclus qu’il n’est pas nécessaire que je me prononce sur cette allégation, étant donné que les faits du grief dont je suis saisi se distinguent de ceux dans Doucet.

[137]  Dans Doucet, l’arbitre de grief a conclu que l’employeur aurait pu découvrir le comportement inapproprié de la fonctionnaire s’estimant lésée avant son embauche. En l’espèce, la fonctionnaire a admis qu’elle ne savait pas qu’elle avait les documents en sa possession avant l’entrevue d’établissement des faits en février 2015. Par conséquent, l’employeur n’aurait pas pu découvrir cette conduite antérieure à l’embauche avant que la police ne communique avec lui en janvier 2015.

[138]  La fonctionnaire s’est appuyée sur Niedermeiser pour étayer son argument selon lequel son licenciement était excessif. Niedermeiser portait sur le licenciement d’un employé qui n’était pas en cours de stage. L’analyse d’un grief concernant un renvoi en cours de stage diffère fondamentalement de l’analyse d’un licenciement disciplinaire. Par conséquent, je conclus que cette décision n’est pas pertinente dans le cadre du grief dont je suis saisi.

[139]  La fonctionnaire a également soutenu que l’employeur n’aurait pas pu avoir de véritables préoccupations au sujet de son intégrité et de sa fiabilité, étant donné qu’elle a continué d’exercer ses fonctions régulières et qu’elle avait un accès continu aux documents et aux bases de données protégés après que l’employeur eut été informé du retrait des documents. Dans le cas d’un grief concernant un licenciement pour inconduite, le fait que la fonctionnaire ait été autorisée à demeurer dans le milieu de travail constituerait un facteur déterminant relativement au potentiel de réhabilitation. Toutefois, pendant la période de stage, les mêmes principes disciplinaires ne s’appliquent pas. Dans le cas d’un renvoi en cours de stage, l’employeur doit avoir un motif lié à l’emploi. Le poids de ce motif n’est pas pertinent.

[140]  La fonctionnaire a allégué que les véritables motifs de son licenciement étaient les questions qu’elle a soulevées auprès de l’ASFC au sujet de l’utilisation de son image par la SRC. Je tiens d’abord à souligner que le motif lié à l’emploi pour justifier le renvoi en cours de stage a été soulevé avant qu’elle ne soit photographiée. Le rapport d’établissement des faits et la recommandation du surintendant Forrest ont également été préparés avant qu’elle ne soulève la question de la photographie de la SRC. Elle a allégué que Mme Richens devait être au courant de son mécontentement envers l’ASFC quant à la façon dont l’affaire avait été traitée. Toutefois, Mme Richens a nié toute connaissance de la plainte et la fonctionnaire n’a pas établi que cette question constituait un facteur dans la décision de Mme Richens de la renvoyer en cours de stage.

[141]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance est reproduite à la page suivante)


VII.  Ordonnance

[142]  Le grief est rejeté.

Le 9 juin 2020

Traduction de la CRTESPF

Ian R. Mackenzie,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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